Mise en page 1 - thorgal.com · dans l’histoire. À l’époque, Thorgal était emmené par un...

4
YANN Supplément gratuit • Casemate 95, août-septembre 2016.

Transcript of Mise en page 1 - thorgal.com · dans l’histoire. À l’époque, Thorgal était emmené par un...

Page 1: Mise en page 1 - thorgal.com · dans l’histoire. À l’époque, Thorgal était emmené par un marchand qui hésitait à le vendre comme esclave. J’ai sug - géré à Yves que

YANNSupplément gratuit • Casemate 95, août-septembre 2016.

Page 2: Mise en page 1 - thorgal.com · dans l’histoire. À l’époque, Thorgal était emmené par un marchand qui hésitait à le vendre comme esclave. J’ai sug - géré à Yves que

Prêt à ce que votreLouve retrouve sonpère, au tome 36 deThorgal qu’on pourrait

lire dans deux ans ?Yann : La rencontre doit se faire au vil-lage viking où vivent Aaricia et Louve.Donc, n’ayant tué ni l’une ni l’autre, pasde problème. Nous attendons Thorgalde pied ferme. Avant ce moment paraî-tra un septième Louve. Et j’ai des idéespour quelques autres. En fait, je n’avaisqu’une peur : ne pouvoir aller jusqu’au

bout de mon histoire avec Vigrid, lepetit dieu amoureux d’Aaricia et quiveille sur elle, même transformé en arai-gnée. Dans le septième Louve, avecRoman Surzhenko, nous mettrons lepaquet côté émotion. J’aime les grandssentiments, mais, pour les faire passer,

il faut les napper de beaucoup de sang.Les personnages, pour être crédibles,doivent souffrir. Donc il y aura des sacri-fices. J’ai aussi glissé dans Louve unnouveau fils de Thorgal qui pourra res-servir…Un de plus ?Pourquoi pas ? Dans les mythologies,les dieux sèment des enfants partout.Comme dans la vraie vie d’ailleurs. Une idée de ce qui vous attendaprès la grande rencontre ?Non. On a parlé un temps de redistri-bution des cartes. Tout ce petit mondepourrait rester ensemble, mais cela neserait guère crédible. On a évoquéaussi une histoire de Louve avec Jolan.Ou encore un départ d’Aaricia avecThorgal laissant les enfants seuls. Toutest possible. Comme de garder lesséries parallèles. Tuer des histoires quimarchent, par les temps qui courent…En tout cas, personnellement, je n’aipas envie de partir sur de nouvellesbases, sur un nouveau ton, mais de gar-der l’esprit de la série.Entre ses différentes ramifications,ne vous mélangez-vous pas les pin-ceaux ?Avec Yves Sente, qui scénarisait àl’époque Thorgal et Kriss de Valnor,nous faisions des ponts entre nos his-toires, ce qui donnait de la crédibilitéà l’ensemble. Un peu comme entre lesséries télé inspirées des comics. C’étaitde belles occasions de nous rencon-trer et de bien nous amuser. Exemple ?Dans le dernier tome, Louve sait que

Interview

Juste avant le grand retour de Thorgal en novembre, sortira le sixièmeLouve (dossier spécial de 32 pages dans Casemate 35). Dans la suite de son interview à notre magazine, Yann, scénariste de Louve et de La Jeunesse de Thorgal, parle de son travail avec le dessinateur RomanSurzhenko, et vous livre ses projets avec André Juillard, Félix Meynet,Olivier Schwartz, Alain Henriet, Romain Hugault, et le dernier qui rejoint la bande, Benjamin Lacombe.

Yann et sa MEUTE

I

Illu

stra

tion

s ©

Le

Lom

bard

201

6, s

auf

men

tion

.

Louve #6, La Reine des Alfes noirs, Roman Surzhenko,Yann,Le Lombard,46 planches,12 €,23 septembre.

© H

aulo

t.

« J’aime les grands sentiments mais, pour qu’ilspassent, il faut les napper de beaucoup de sang »

YANN

Page 3: Mise en page 1 - thorgal.com · dans l’histoire. À l’époque, Thorgal était emmené par un marchand qui hésitait à le vendre comme esclave. J’ai sug - géré à Yves que

son père est à Bagdad et veut le rejoin-dre. Comment l’a-t-elle appris ? Bonnequestion. Remontons un peu dans letemps. J’avais tendance à faire solilo-quer Louve, ce que détestait Rosinski.La solution, puisque Louve parle auxanimaux, était donc de la faire discu-ter avec une bestiole, un écureuil, unsinge, un hamster. Mais, alors autantque l’animal serve à quelque chosedans l’histoire. À l’époque, Thorgal étaitemmené par un marchand qui hésitaità le vendre comme esclave. J’ai sug-géré à Yves que ce marchand possèdeun petit singe qui, après un naufrage,se retrouverait avec Louve. Et lui don-nerait des nouvelles de son père.Nous avons mis en chantier plu-sieurs passerelles de ce genrequi apportent une certainelogique, un certain liantentre les différentesséries.Une héroïne qui parleaux animaux c’esttrès écolo. Maisqu’elle les boulottel’est moins…Vous voulez quoi, queLouve se nourrisse dechampignons ? C’est unefille de Viking, pas unepetite fille niaise. Cela merappelle ma jeunesse, quandje séjournais chez des parents

paysans. On m’y expliquait que les ani-maux étaient du bétail, qu’on les trai-tait bien, mais qu’ils finissaient à l’abat-toir, car leur sort était de se retrouverdans nos assiettes. Seules exceptions,les animaux dont nous nous occupionstout le temps, un chat, un chien, unepoule, un lapin. C’étaient les seuls aux-quels nous avions le droit de donnerun nom. Les autres étaient de la nour-

riture. Pour Louve, c’est pareil.Quand elle parle avec un ani-

mal, un contact s’établit,comme entre le Petit Princede Saint-Exupéry et sonrenard. Le reste dutemps, Louve n’a pasle choix. Elle tue desanimaux pour survivre. La complexité desmythes vikings nedéconcerte pasRoman Surzhenko ?Au contraire. Quand jelui envoie une idée, dans

les dix minutes, je reçoisun mail enthousiaste dans

un français digne de Proust.Lui aussi a dévoré une pile de

bouquins sur les Vikings, a amonceléune documentation hallucinante, vitdans le monde des Vikings. Qu’est-cequ’on s’amuse ! J’ai besoin d’une com-plicité avec le dessinateur. Je ne croispas en avoir éprouvé une pareilledepuis mes débuts avec Conrad, ouYslaire au début de Sambre. Impossi-ble de faire du bon boulot sans unecertaine complicité entre dessinateuret scénariste. Je ne crois pas au scé-nario complet qu’on donne à un des-sinateur. Même génial, il risque de sim-plement illustrer l’histoire en passant àcôté du sens de certaines choses.Roman Surzhenko vous apporte-t-il des idées nouvelles ?Parfois. J’en tiens compte ou pas.Quand c’est génial, évidemment jeprends. Quand je ne suis pasconvaincu, ou quand l’idée est bonne,mais ne colle pas avec le contexte, jelui explique toujours pourquoi. Cettecomplicité je l’avais, au niveau scéna-rio, avec Yves Sente. Et je l’ai avec tousles dessinateurs avec qui je travaille.C’est une chance incroyable.Où en êtes-vous, tiens, avec un quise fait rare, Félix Meynet ?Notre montagnard savoyard a terminéle tome 2 de Sauvage et en est à la moi-tié du troisième et dernier. Comme il aparfois de petits moments de fai-néantise, Casterman, prudent, attendqu’il soit encore plus avancé pour pro-

IIII

« Évidemment, Louve tue et mange des animaux.L’imaginez-vous se nourrir de champignons ? »

YANN

Thorgal #35,Le Feu écarlate,Grzegorz Rosinski, Xavier Dorison,Le Lombard,51 planches,12 €,10 novembre.

Page 4: Mise en page 1 - thorgal.com · dans l’histoire. À l’époque, Thorgal était emmené par un marchand qui hésitait à le vendre comme esclave. J’ai sug - géré à Yves que

grammer les deux en 2017.Avec André Juillard ?Il a terminé son nouveau Blake et Mor-timer, avec Yves Sente, et va donc pou-voir attaquer notre histoire sur la guerred’Espagne. Un one shot d’une soixan-taine de pages sur un pilote russe ducôté républicain. Une histoire un peudéchirante, quand on sait que leshommes comme lui, de retour en URSS,étaient récompensés d’une balle dansla nuque.Avec Olivier Schwartz ?Nous avons terminé notre nouveau Spi-rou, annoncé pour janvier, et repartonssur un polar, chez Dupuis, avec un per-sonnage à la Félix, de Maurice Tillieux.Une plongée, au lendemain de laguerre, au Quai des orfèvres en com-pagnie d’un commissaire arménien.Beaucoup d’Arméniens résistants sesont retrouvés à de bonnes places. L’ac-cointance de certains avec le Milieu lesrendait très efficaces. Quand les chosessont revenues à la normale, ils se sontfait éjecter. Ça faisait trop désordre ! Jepars de l’histoire vraie d’un type venudéfendre un voyou à son procès. Alorsque la majorité des Français restaientplanqués chez eux, celui-ci, résistant,avait risqué sa peau, pris des coups.Une bonne occasion d’évoquer l’am-biguïté de la Résistance où tout n’étaitpas blanc ou noir, les gaullistes d’uncôté, les communistes de l’autre. J’aidécouvert le monde arménien à tra-vers la copine d’un de mes fils. Leursrituels, leurs superstitions sont parfoistrès drôles. Et puis ça changera des tra-ditions juives. Le but est quand mêmede surprendre le lecteurAvec Alain Henriet ?Nous terminons le second triptyquede Dent d’ours avant de passer à autrechose, un scénario prêt depuis bellelurette. Que disiez-vous plus haut sur l’ar-rêt de séries qui marchent ?J’étais parti sur un triptyque alors queDupuis demandait une série. Puis j’aieu l’idée d’une autre arme secrèted’Hitler que je pouvais mettre en scène,comme Jacobs l’a fait avec l’Espadon.D’où Amerika Bomber. Bien sûr, nousaurions intérêt à continuer puisque celamarche très bien. Mais Alain a envie dedessiner mon autre scénario.Pourquoi ne pas chercher un autredessinateur pour cette nouvelle his-toire ?Parce que je veux quelqu’un qui s’in-téresse vraiment aux avions. Je n’ai pas

envie d’appareils décollant n’importecomment. Henriet se documente,prend les choses à cœur. Après cettenouvelle histoire, prévue elle en deuxtomes, on verra. Les héros de Dentd’ours ne seront pas morts, on peutleur imaginer une vie après la chute duReich. Avec Romain Hugault ?Nous terminons le dernier Angel Wingsen Birmanie puis partirons sur autre

chose. Nous gardons Angela pour uneautre mission de guerre.Pas de projets avec de nouveauxdessinateurs ?Si, un avec Benjamin Lacombe. Aprèsune BD pure et dure sur Léonard deVinci (Léonard & Salaï), il rêvait degrands dessins. J’ai pensé que la retraitede Russie s’y prêterait bien, les armées,les bivouacs, le passage de la Béré-zina… On alternera grands et petitsdessins, avec un côté vieillot dans lebon sens du terme, celui qui fait cré-dible, qui rend bien l’époque décrite.Je suis tombé sur les mémoires d’unmaréchal racontant qu’au milieu destroupes en retraite se trouvaient énor-mément de femmes, cantinièrescomme des Françaises de Moscoufuyant la ville en feu avec la GrandeArmée. Le maréchal raconte, entreautres, l’histoire incroyable de la toutepetite fille d’une cantinière adoptée parles grognards de l’empereur. Ils la por-taient sur leur dos, la nourrissaient avecdu sang de cheval. Ça tombe bien, Ben-jamin avait envie d’une histoire fantas-tique avec des vampires ! Là, on ima-gine le froid, la glace, le sang. Lemaréchal raconte que les grognards,sur ordre, brûlent leurs drapeaux pourqu’ils ne tombent pas aux mains descosaques. Dans ce moment tragique,la gamine sautille de joie devant le feu.Une scène sauvage à laquelle elle donneun côté païen. Elle s’appellera évi-demment Bérézina. Comme notre his-toire. Nous allons bien nous amuser !

Propos recueillis par Jean-Pierre FUÉRI

« En chantier, un flic arménien avec Schwartzet un bébé appelé Bérézina avec Lacombe… »

YANN

III

Interview

Angel Wings par Romain Hugault (Éditions Paquet).

Visuel de couverture d’un calendrier des éditions Albin Michel par Benjamin Lacombe.