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20 Pharmacien Manager n° 181 - octobre 2018 L es nouvelles missions du pharmacien sont en ordre de marche et le mouvement s’accélère au niveau de la convention pharmaceutique : les bilans de médication ont posé leurs valises en officine en mars dernier. Sous l’impulsion des deux syndicats représentatifs de la profession, d’autres nou- velles missions se bousculent en cette rentrée et pour les mois à venir : reprise de l’expérimentation sur la vaccination antigrippale en officine dans quatre régions-pilotes, la télémédecine. Des travaux sont éga- lement en cours pour mettre en place l’accompagne- ment pharmaceutique des patients sous chimiothérapie orale, et la prise en charge du sevrage tabagique sera bientôt dans la ligne de mire des négociations… A peine le temps de souffler ! Tout cela sur fond de trans- DOSSIER NOUVELLES MISSIONS L’HEURE N’EST PLUS AU BRICOLAGE, NI AUX TOUCHES D’ESSAI OU ENCORE à L’AMATEURISME ! LES NOUVELLES MISSIONS COMMENCENT à AFFLUER, IL EST TEMPS DE PROFESSIONNALISER CE SERVICE AUPRèS DE LA PATIENTèLE. PETIT à PETIT, à FORCE D’EXPéRIMENTER, LES BONNES PRATIQUES SE METTENT EN PLACE. QU’EST-CE QUI MARCHE ? QU’EST-CE QUI DYSFONCTIONNE ? QUE FAUT-IL AMéLIORER ? REVUE DE DéTAILS. P AR FRANÇOIS POUZAUD Xavier Mosnier- Thoumas Titulaire de la pharmacie de Corbiac à Saint-Médard en Jalles (33) Géraud Mézard Pharmacien Pharmavie à Aurillac (15) André-Paul Viel Titulaire à Trun (61) Témoignages Passez à la vite supér

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Les nouvelles missions du pharmacien sont enordre de marche et le mouvement s’accélère auniveau de la convention pharmaceutique  : lesbilans de médication ont posé leurs valises en

officine en mars dernier. Sous l’impulsion des deuxsyndicats représentatifs de la profession, d’autres nou-velles missions se bousculent en cette rentrée et pourles mois à venir  : reprise de l’expérimentation sur lavaccination antigrippale en officine dans quatrerégions-pilotes, la télémédecine. Des travaux sont éga-lement en cours pour mettre en place l’accompagne-ment pharmaceutique des patients sous chimiothérapieorale, et la prise en charge du sevrage tabagique serabientôt dans la ligne de mire des négociations… Apeine le temps de souffler ! Tout cela sur fond de trans-

DOSSIER NOUVELLES MISSIONS

L’heure n’eST PLuS Au briCoLAge, ni Aux TouCheS

d’eSSAi ou enCore à L’AMATeuriSMe ! Les nouVeLLes Missions

coMMencenT à AffLuer, iL eST TeMPSde ProfeSSionnALiSer Ce ServiCe

AuPrèS de LA PATienTèLe. PeTiT à PeTiT, à forCe d’exPériMenTer, Les bonnes

PrATiques se MeTTenT en PLAce.Qu’eST-Ce Qui MArChe ?

Qu’eST-Ce Qui dySfonCTionne ? Que fAuT-iL AMéLiorer ?

reVue de déTAiLs.PAR FRANÇOIS POUZAUD

XavierMosnier-ThoumasTitulaire de la pharmaciede Corbiac àSaint-Médarden Jalles (33)

GéraudMézardPharmacienPharmavie à Aurillac (15)

André-PaulVielTitulaire à Trun (61)

Témoignages

Passez à la vite ssupér i

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les expertsPhilippebeckerexPerT-CoMPTAbLe,direCTeur dudéPArTeMenTPhArMACie de fiduCiAL

christinecaminadePréSidenTe de

L’unoforMATion(unionnATionALe deSorgAniSMeS de forMATiondeS ProfeSSionSde SAnTé)

HélènedecourteixConSuLTAnTe eT fondATriCede LAPhArMACiedigiTALe

GillesbonnefondPréSidenT de L’uSPo

LaëtitiaHiblePréSidenTe de PhArMASySTèMe QuALiTé

Pascal LouisPréSidenT duCoLLeCTifnATionAL deSgrouPeMenTSde PhArMACienSd’offiCine

sandrachauvinASSoCiéefondATriCed’oPALeConSeiL

sophieMuffangexéCuTiveCoACh @ SMC²

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Vendre ses nouveaux services nécessiteun plan de communication à l’égard des patients, qui détaille laliste des missions et prestations, le prix de chacune d’elles etleur prise en charge par la sécurité sociale et les mutuelles.

coMMuniquer

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formation du système de santé impulsée par l’Etat. Sansoublier la publication du décret « Conseils et presta-tions », un sésame pour diversifier encore un peu plusles activités de l’officine en matière de prévention, dedépistage, d’accompagnement des patients, de coordi-nation des soins notamment dans le cadre des com-munautés professionnelles territoriales de santé… Dansce contexte de transformation accélérée du métier, laprofession devra être prête pour répondre aux attentesdes patients. Les pharmaciens sont attendus au tour-nant. « L’avenant n°11 à la convention pharmaceutiquen’est pas un menu à la carte, les entretiens et bilans demédication servent de curseurs pour savoir si la profes-sion est capable de changer et d’aller jusqu’au bout dela réforme, prévient Gilles Bonnefond, président del’Union des syndicats de pharmaciens d’officine(USPO). Si nous ne relançons pas la dynamique, nousaurons du mal à convaincre l’Assurance maladie à nousembarquer sur d’autres pathologies : diabète, maladiescardiovasculaires... ».

DéPASSER le stade de l’expérimentation. Lanouvelle orientation prise par la profession va fortementimpacter l’organisation de l’officine, le management,l’emploi, la qualification et la formation professionnelledes titulaires et de leurs salariés. Le changement, c’estavant tout de l’anticipation et de la conviction ! Maisdans cette période de mutation où le nouveau modèleéconomique n’a pas encore fait ses preuves, les phar-maciens sont dans l’expectative. Ils n’en sont pas tousau même stade d’évolution et d’adaptation aux besoinsdes patients. La taille de l’officine qui conditionne les

moyens et la capacité humaine alloués aux entretienspharmaceutiques joue pour beaucoup. « Les pharma-ciens n’ont pas non plus la même patientèle, le mêmeenvironnement et surtout la même appétence pour lesnouvelles missions. », souligne Sophie Muffang, execu-tive coach @ SMC², spécialiste de l’accompagnementau changement. De plus, ayant du mal à mesurer leretour sur investissement de ces services, qui ne sesituent pas sur la même échelle de temps que le déve-loppement de nouveaux marchés (ventes de produits),« les pharmaciens sont plus dans l’expérimentation quedans la quête d’un nouveau business model », constate-t-elle. Pour Pascal Louis, président du Collectif nationaldes groupements de pharmaciens d’officine, il faut rele-ver le défi des nouvelles missions, mais il faudra fairepreuve de patience pour voir une généralisation. « Larémunération des nouvelles missions perçue commenégligeable aujourd’hui, deviendra de première impor-tance lorsque le périmètre des missions s’élargira defaçon significative. », explique-t-il.

LA VACCINATION, pourquoi ça marche ? Pourdonner une nouvelle impulsion, il faut s’appuyer surce qui marche : la vaccination en officine. Depuis l’ex-périmentation réussie de la vaccination contre la grippepar les pharmaciens, Christine Caminade, présidentede l’Unoformation (Union nationale des organismesde formation des professions de santé), constate unengouement pour la formation qui profitent pleinementaujourd’hui aux bilans de médication. Pour compren-dre l’effervescence actuelle de la demande, elle rapporte les résultats de l’un de ses membres. « A fin

juillet, 780 pharmaciens ont été formés par cetorganisme et 78 % ont déjà mis en place les bilansde médication dans leur officine  ». Les résultats

DOSSIER NOUVELLES MISSIONS

L’union fait la force. AndréPaul Viel et son épouse ont déjàréalisé  plus d’une vingtaine de bilans de médication à mi-juillet,en grande majorité au domiciledes patients. Leurs deux adjointesvont être bientôt formées, afin deproposer ce service à l’ensemblede la patientèle concernée.

une affaire aussi de transmission

Parmi les éléments qui vont conditionner la réussite des nouvellesmissions, certains ont traità la saisie des différentesinformations relatives aux bilans de médication et entretienspharmaceutiques, qui devront être facilités. En particulier, les informationsadministrativesrenseignées sur les LGOqui doivent pouvoir êtretransmises à l’Assurancemaladie. « Cette évolutionnécessite d’intégrer

les bilans et les entretiensdans un programmeinformatique de téléserviceintégré », estime GillesBonnefond, Président del’USPO. Les éditeurs delogiciels réunis au sein dela Fédération des Editeursd’Informatique Médicale etparamédicale Ambulatoire(FEIMA) portentconjointement cettesimplification espérée en 2019, indispensable à la généralisation des accompagnementsdes patients.

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-0,1%À L’HORIZON 2025. Malgré le nouVeau Modèle éconoMiquede l’officine, les perspectiVes d’eMplois dans la branche sont peuflorissantes. Source Etude statistique 2017 de l’Observatoire des métiers dans les professions libérales.

Si le modèle économique amène les officinaux à faire de la prestation de services à « haute dose »,c’est toute la gestion interne de la pharmacie qui devra être revue. Conseils d’experts.

Les nouvellesmissions sont despièces qui se

rajoutent au puzzled’activités del’officine ». Cetaphorisme signé de

Sandra Chauvin, associéefondatrice d’Opale Conseil,nécessite pour les titulaires d’avoirune vision stratégique clairecomme antidote à la révolution liéeà la diversification des services aupatient. « La pharmacie ne pourrapas toutes les faire, il faut donc ensélectionner et en prioriser lors deteam building », explique-t-elle.Définir ses nouvelles priorités, c’est aussi le leitmotiv de SophieMuffang, executive coach @ SMC².« Le pharmacien doit se caler sur cequi est important et non urgent(l’évolution du métier vers leservice), lister les actions qu’ilsouhaite mettre en œuvre sur aumoins une nouvelle mission ou surun an, cela contribuera à établir un plan d’action opérationnel dedéploiement du changement. Il doit inscrire dans son agenda des plages de réflexionhebdomadaires ou par quinzainepour accompagner cechangement. » Une fois les choixarrêtés, « Il faudra répartir lestâches, déléguer des missionsclairement partagées de façoncollective et définir les ponts

d’intervention entre les préparateurs(chargés du recrutement despatients et des prises derendez-vous) et les pharmaciensréalisant les entretiens. », reprendSandra Chauvin.

Une approche différente pour conduire au changement.« La préparation des services nes’organise pas du tout comme de la dispensation au comptoir, ce sont deux approches différentes,souligne Philippe Becker,expert-comptable, directeur dudépartement pharmacie deFiducial. Le prestataire de servicedoit anticiper heure par heure sa journée de travail pour ne pasperdre de temps et être certaind’utiliser celui de ses salariés à une tâche productive facturable. Le pharmacien peut légitimements’inquiéter de la façon dejuxtaposer la dispensation et la prestation avec le mêmepersonnel. Prenons le cas de lavaccination, s’il n’y a pas une prisede rendez-vous organisée, ce sera compliqué en octobre etnovembre... » Pour réussir, il faudras’équiper pour de la prise derendez-vous, disposer de locauxadaptés et bien entendu avoir du personnel dédié. « Il y a despharmaciens qui expérimententcela depuis longtemps, avec

la location de matériel HAD ouMAD ou encore ceux qui servent un EHPAD. Ils ont dû repenserbeaucoup d’aspectsorganisationnels pour réussir,comme dans tous les domaines il ya une courbe d’apprentissage. »,conclut-il.

Le temps, c’est de l’argent !La rémunération des nouvellesmissions est ce qu’elle est et, parrapport à cela, les pharmaciensvont devoir trouver un intérêt à la fois intellectuel et financier. « La prestation de services malpayés peut vite créer un gouffrefinancier, car une heure sousfacturée ne peut jamais êtrerécupérée, met en garde cetexpert-comptable. Il est donc urgentde définir les temps standards pourchaque prestation ou mission, d’y positionner les intervenants enfonction de leur qualification et demesurer le coût horaire complet endéfinissant une marge horaire pourrémunérer de manière décente le ou les titulaires. », affirme PhilippeBecker. « Se “timer” sur les servicespermet de prendre conscience de la gestion de son temps, de ses priorités et d’adapter son organisation de façon pluspertinente. », complète SophieMuffang.

orgAniSATion

Nouvelles missions :la marche à suivre

L’organisation est laclé de la réussite desnouvelles missions. Ellesrentrent dans la catégo-rie «  prestation de ser-vice  », leur gestion doitêtre infaillible.

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3,9MILLIONS DE PATIENTS SONT ÉLIGIBLES AUX BILANS DE MÉDICATION et 8 % de cette

cible sont enrôlés la 1re année, soit une Moyenne de 15 bilans par pharMacie. Source Avenant n°11 de la convention, juillet 2017.

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Cependant, le retour sur inves-tissement sera un critèredéterminant dans ses choix.«  Si leur rémunération n’estpas cohérente avec le tempspassé et le diplôme, cette mutation sera vouée à l’échec. »,lance-t-il. De son côté, Pascal Louis pense aussi que lavaccination va servir de rampe de lancement aux autresnouvelles missions. « Chaque officinal va devoir appren-dre dans sa pratique professionnelle à passer de la station debout au comptoir, à la station assise dans unespace de confidentialité. Le changement est comporte-mental, il est compliqué de proposer un entretien phar-maceutique dans l’espace public de la pharmacie. Enrevanche, c’est plus simple au décours d’une consultationnutritionnelle ou d’un acte vaccinal.  », explique-t-il.

DES BILANS de médication à domicile. Ledéploiement des nouvelles missions et des servicesen général nécessitera une organisation adaptée  : aménagement des espaces, développement de com-pétences plus spécialisées, investissements humainset financiers, organisation différente des temps de travail, notamment des titulaires. Ce qu’ont fait, sanshésiter, Laurence et André Paul Viel, époux et co-titu-laires d’une pharmacie rurale de plus de 2 M€. A latête d’une équipe confortable (8 salariés dont 2adjointes, 4 préparateurs et 1 personne en charge dela logistique du back-office) à Trun dans l’Orne (61),ils vivent les évolutions du métier comme une ouver-ture à de nouvelles opportunités. Avec un C.A composéà 92 % d’ordonnances, ce couple de pharmaciens estprédisposé pour prendre le virage accompagnant/patient, à travers une activité MAD et des entretiensAVK qu’ils proposent déjà. A la mi-juillet, ils comptaientdéjà à leur actif plus d’une vingtaine de bilans de

DOSSIER NOUVELLES MISSIONS

sont également encourageants en matière de formationsur la vaccination antigrippale, mais pour entretenir ladynamique, « il faut aussi alléger les procédures admi-nistratives », poursuit-elle, pointant la saisie des actesde vaccination dans la plateforme de l’Ordre nationaldes pharmaciens. « Du temps gagné sur l’administratif,c’est du temps rendu sur le professionnel. » Au sein dugroupement Pharmavie, 98  % des pharmacies desrégions tests se sont lancées dans la vaccination, cer-taines d’entre elles ont vacciné plus de 100 patients…Géraud Mézard, pharmacien Pharmavie installé àAurillac (15), a contribué à cette performance. « Si lavaccination antigrippale a été un succès, c’est parce quecet acte simple est correctement rémunéré. De plus, ilprofessionnalise notre métier. », affirme-t-il. Titulaire d’unepharmacie de 7 M€, employant 24 salariés, il a lesmoyens de mettre en œuvre des missions étendues.

Communication.La pharmacie de Cor-biac à Saint-Médard-en-Jalles (33) annoncela couleur  sur la de-vanture, en affichantses expertises métier.

Mais si, c’est rentable !Dans leur dernière étude« Les services enpharmacie d’officine,septembre 2018 » menéeen collaboration avec legroupement CGP (réseaude cabinets d’expertisecomptable), les EchosEtudes ont modélisé le modèle économique du bilan partagé demédication. L’objectif ?Apprécier le seuil derentabilité d’un bilan confiéà un adjoint coefficient500, au regard du tempspassé pour réaliser sesquatre étapes – l’entretiende recueil d’informations,l’analyse des traitements,l’entretien « conseil » et le suivi de l’observance –,rémunéré 60 € la premièreannée. Pour effectuer cecalcul, CGP a pris le coûtchargé du salaire de cepharmacien adjoint à pleintemps qui, au comptoir,génère en moyenne un C.Aannuel de 450 k€. Bien sûr,le temps consacré à cebilan de médication sur sesheures de présence en

officine, c’est autant enmoins à la vente. Résultat :Si le temps alloué auxdifférents entretiens et àl’analyse ne dépasse pas45 minutes, le bilan demédication s’avère plusrentable que la vente aucomptoir. S’il est comprisentre 45 minutes et 1h40, il est moins rentable que la vente au comptoir, maisla pharmacie ne perd pasd’argent (activité nondéficitaire). En revanche,au-delà d’1h40, le bilan estmoins rentable que lavente au comptoir et cetteactivité devient déficitaire.

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médication ! « Presque tous réalisés au domi-cile du patient », précise André Paul Viel. Unchoix délibéré. Et d’ajouter  : «  J’ai démarréles bilans avec les patients avec qui j’ai unbon contact, pour obtenir plus facilement leuracceptation. A l’officine, ils ont l’impression depasser sur le gril, alors que dans leur cadre devie, ils sont plus réceptifs et on recueille davan-tage d’informations utiles. », explique-t-il. Pourdégager du temps disponible pour les ser-vices, « j’ai délégué la gestion du tiers-payant,le module location de matériel médical et letravail de facturation mensuelle aux clients encompte à mes préparatrices.  », précise-t-il.

Gagner en efficacité

Les bénéfices d’une démarche qualité

La démarche qualité et le digital donnent du ressortaux nouvelles missions. Défendant ses intérêts, LaëtitiaHible, présidente de Pharma Système Qualité, estimeque la démarche qualité est le « sésame de l’avenir dela pharmacie » et un outil permettant aux pharmaciesde se réorganiser pour assumer les nouvelles missions.« Il n’est pas question d’embaucher de nouveaux salariés,alors que les pharmacies n’en ont pas les moyens. Ellessont donc dans l’obligation d’avoir une organisationparfaitement rodée et d’optimiser leur temps.  » C’estl’objet de la démarche qualité qui permet d’identifierles dysfonctionnements à l’origine des pertes de ren-tabilité et d’y apporter les réponses appropriées. Surles nouvelles missions, les effets de la démarche qualitésont tangibles dans les pharmacies engagées dans lacertification qualité ISO 9001-QMS Pharma. « Sur les2 350 pharmacies engagées, plus de 400 se sont investiesdans la PDA, soit proportionnellement deux fois plusque sur l’ensemble du réseau. Et dans les régions pilotesretenues pour expérimenter la vaccination antigrippale,80 % ont vacciné, contre 55 à 60 % au niveau national. »,souffle-t-elle. Autre intérêt de la démarche qualité : elleapprend à conduire un projet, alors que sans elle, lespharmaciens traitent les nouvelles tâches les unes aprèsles autres. Elle contribue à sécuriser les actes, garantitune qualité homogène au sein de l’officine.« L’homogénéité crée l’observance des patients, par rap-port aux services et aux nouvelles missions. En effet, siun entretien pharmaceutique se passe mal avec un desadjoints de l’équipe, le patient ne reviendra pas à unsecond entretien. », explique-t-elle. Ce gain de temps etce confort quotidien apportés par la qualité, le digital

peut également l’assurer. «  Le pharmacien va devoirapprendre à être efficace dans un temps donné. Or, sansoutil dédié, la conduite d’entretiens n’est pas encadréeet devient vite chronophage. », expose Xavier Mosnier-Thoumas, pharmacien fondateur de mesoigner.fr et

titulaire de la pharmacie deCorbiac à Saint-Médard enJalles (33). Convaincu quela digitalisation de l’offi-cine est un pré-requis pourpouvoir monter en forcesur les nouvelles missions,il teste actuellement dansson officine la dernièresolution concoctée parmesoigner.fr  : un logicieldoté d’une intelligence arti-ficielle, aidant à la conduiteautomatisée des bilans demédication (élaborationdu questionnaire patient,gestion de l’entretien, édi-tion d’une synthèseenvoyée au médecin… ).«  L’objectif est de pouvoiradresser, dans une pro-chaine version du logiciel,un compte-rendu au méde-cin de façon sécurisée et detransmettre en flux sécuriséavec l’Assurance maladie »,annonce-t-il. Mais rienqu’avec cette première ver-sion, « le temps de réalisa-

tion d’un bilan de médication esttombé de 1h30-1h45 à 45 minutes »,soit dans les clous du seuil de renta-bilité calculé par CGP (cf. encadrép.24). Afin de gagner en productivité,

ce pharmacien a également mis en place dans sonofficine un système de renouvellement automatiquedes ordonnances permettant une préparation anticipéede leur délivrance.

AMéLIORER la collecte des données clients.Si ces trois pharmacies ont mis en place une organisa-tion opérationnelle et des bonnes pratiques pour réa-liser des entretiens et des bilans de médication, toutn’est pas réglé comme sur du papier à musique. En par-ticulier, un point névralgique reste la collecte et l’ex-ploitation de datas clients, pour sélectionner les bonnescibles. Malgré les développements des éditeurs de logi-ciels officinaux ou d’autres prestataires de l’officine,cette fonctionnalité n’est pas encore au point. « me soi-gner.fr comme Link de l’OCP ou le LMO de Pharmagest

« Co-construisez avec l’équipe vos choix stratégiques, écoutez le prag-matisme de vos collaborateurs qui connaissent bien vos clients, identifiez les talentset appétences de chacun pour ces nouvelles missions, appuyez-vous sur l’intelligencecollective. », invite sandra chauvin, associée fondatrice d’opale conseil.

en équiPe

Ouvrir le dialogue. Recruterdes patients pour des bilans de mé-dication n’est pas si simple. Dispo-ser des affiches aux comptoirs estun moyen, par exemple, de capterl’attention sur la prise de médica-ments et d’ouvrir le dialogue.

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aident opérationnellement, mais ces solutions ne résol-vent pas la problématique d’identification des patients. »,remarque Hélène Decourteix, consultante et fondatricede La Pharmacie Digitale. André-Paul Viel en témoigne.« J’ai demandé à ma SSII de sélectionner les patients deplus de 75 ans, venant plus de cinq fois dans l’année àla pharmacie. Ensuite, j’ai dû pointer un par un, dans unlisting de 24 pages, les noms des 1 000 patients éligiblesaux bilans de médication, soit 20 % de ma clientèle. »,raconte-t-il.

OPTIMISER la communication entre profes-sionnels de santé. Autre domaine où le bât blesse :la communication. Sur la vaccination dans les pharmacies, les infirmières ont étépiquées au vif et les médecins géné-ralistes ont été irrités de ne pas êtresystématiquement informés de la vac-cination de leurs patients par le phar-macien. Craignant aussi que les phar-maciens marchent sur leurs plates-bandes, les bilans de médication ontravivé au début les tensions. « La communication surles nouvelles missions doit être anticipée suffisammenttôt avec les autres professionnels de santé pour êtredans le bon timing », argue Christine Caminade, prési-dente de l’Unoformation. Le groupement Pharmabest,avec son opération de prévention et de dépistage descancers de la peau à l’officine, l’a appris à ses dépens.Pourtant soutenue par le syndicat national des derma-tologues, cette initiative a essuyé une pluie de critiquesparce qu’elle s’est faite sans aucune concertation avecle reste de la communauté médicale. Gare également

aux faux-pas lors de la restitution des bilans de médi-cation aux médecins  ! « C’est un problème à ne passous-estimer, notamment quand le patient fréquente plu-sieurs pharmacies, il est donc important de bien savoirce qu’on va dire aux médecins en faisant preuve dedoigté. », recommande André Paul Viel. Concernant le

véhicule des échangesnumériques avec les méde-cins, le dossier médical par-tagé (DMP) ne semble pasl’outil idéal. De l’avis de cer-tains syndicats médicaux(Fédération des médecinsde France… ), une mère n’yretrouverait pas ses petitsdans cet amoncellementd’informations ! « Un dossierpharmaceutique avec unhistorique des médicamentsprescrits ou pris sans ordon-nance, allongé à un an faci-literait la réalisation desbilans de médication.  »,estime Hélène Decourteix.

LE PATIENT  : au cœurde sa communication.La communication avec lesclients doit également êtrebien réfléchie. Les entre-tiens pharmaceutiques l’ontdémontrée  : le patient estrarement le demandeur.Pour susciter la demande,Xavier Mosnier-Thoumas

sensibilise les patients aux bilans de médication à l’aidede flyers. « Je travaille également sur des messages placésentre les comptoirs interpellant les patients sur les risquesd’un traitement inapproprié ou mal pris, afin de susciterdes questions qui permettront, par nos réponses, d’inviterà la réalisation de bilans. » Par ce biais, ce pharmacienespère inverser la tendance, en favorisant la communi-cation entre son équipe et le patient. Pour ce faire, ilfaut aussi une équipe formée et motivée. A la rentrée,les deux adjointes d’André Paul Viel suivront une for-mation aux bilans de médication. « Il s’avère nécessairede les accompagner dans cette nouvelle activité,  quiimplique de quitter sa zone de confort pour se mettre enmode participatif. L’attitude de repli peut être liée à lajeunesse d’un adjoint et des adjoints confirmés peuventavoir tendance à se réfugier derrière la connaissance dumédicament et la technique. Or, avec le patient, il faut àla fois être clair et rester maître de l’entretien et de sadurée, cette nouvelle approche n’est donc pas évidente. »,reconnaît-il. •

DOSSIER NOUVELLES MISSIONS

Les pharmaciens, qui sont encore dans l’expectative et l’expérimentation, ont des difficultés à se projeter dans ce modèle économique des services.

Les nouvelles missions requièrent une adaptation des locaux de l’officine, des formations, une organisation et unmanagement spécifiques.

La démarche qualité et les nouvellestechnologies permettent de libérer du temps.Cependant, des progrès sont attendus auniveau des fonctionnalités métier des LGO(ciblage des patients).

Le paramétrage du temps alloué aux nouvellesmissions conditionne leur rentabilité.

L’eSSenTieL

Rentabilité. Un bilan demédication est rentable, s’ildure moins de 45 minutes,montre en main. A forced’entraînement et de rigueur,c’est tout à fait possible.

dans cette quête de l’efficience, créer desgroupes d’échanges pour partager ses expériences (à l’échellelocale et/ou d’un groupement)est essentiel, pour repérer ce quimarche, les dysfonctionnements et élaborer des solutions.

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