Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf ·...

10
Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes, la pro- portion d’échecs est loin d’être négligeable. D’après les données récentes de la littéra- ture, le taux de succès varierait de 75 % 1,2 à 91,1 % 3 en fonction des études. Généralement, la dépose anticipée des vis s’impose en cas de collision avec un élément anatomique voisin (dent, nerf…), ou s’il devient impossible de les exploiter comme source d’ancrage pour des raisons méca- niques – manque de stabilité primaire, frac- ture – et/ou biologiques – inflammation et abcès péri-implantaires –. Afin d’anticiper au mieux la survenue de ces différents types d’échecs, une analyse minu- tieuse des facteurs mis en cause doit être entreprise. Un cas clinique illustrera cette réflexion. 1. Les incidents per-opératoires 1. 1. Les lésions desmodontales et radiculaires Si certaines précautions ne sont pas prises, le placement d’une mini-vis entre deux dents risque de provoquer un traumatisme desmo- dontal ou radiculaire. Les complications potentielles incluent une ankylose dento- alvéolaire ainsi qu’une perte de vitalité. Fort heureusement, lorsque la pulpe reste indemne, le pronostic de la dent est rarement remis en cause. Asscherickx 4 a démontré dans une étude animale, qu’une réparation complète de la dent et du parodonte se pro- duit 12 à 18 semaines après dépose de la vis. Pour déterminer l’emplacement le plus appro- prié, il convient d’effectuer un bilan radiogra- phique de qualité comprenant un panora- mique dentaire et des clichés rétroalvéolaires. Un guide radiologique et chirurgical peut être utile. Poggio et al. 5 ont étudié sur des coupes acquises par New Tom l’espace inter-radi- culaire disponible dans les secteurs posté- rieurs. Dans le sens mésio-distal, ils ont ainsi défini : – des «zones de sécurité» : entre la 2 e prémo- laire et la 1 re molaire au maxillaire, du côté palatin, à 5 mm de la crête alvéolaire ; et entre la 1 re et la 2 e prémolaire à la mandi- bule ; – des «zones à risque» : la tubérosité maxil- laire, et l’espace entre la canine et la 1 re pré- molaire mandibulaire. Afin de minimiser les risques de collision, les auteurs recommandent l’emploi de vis coniques avec une extrémité de diamètre réduit, et un angle d’insertion de 30-40° par rapport à l’axe dentaire. De toute façon, grâce à l’anesthésie superfi- cielle, le patient ressent la vis s’approcher peu à peu du ligament alvéolo-dentaire et peut en informer le praticien. Au pire, lorsqu’un contact radiculaire se produit, la vis s’arrête. L’opérateur prend conscience que la vis a cer- tainement rencontré un obstacle. En cas de doute, il suffit de dévisser de 2 ou 3 tours et de réaliser une radiographie de contrôle 6 . 41-50 - décembre 2008 41 Mini-vis : les sources d’échecs A. Costi Adresse de correspondance : Arnaud Costi, Faculté de chirurgie-dentaire, 5, rue Garancière, 75006 Paris.

Transcript of Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf ·...

Page 1: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

Malgré l’engouement certain qu’ont connules mini-vis auprès des orthodontistes, la pro-portion d’échecs est loin d’être négligeable.D’après les données récentes de la littéra-ture, le taux de succès varierait de 75 %1,2 à91,1 %3 en fonction des études.

Généralement, la dépose anticipée des viss’impose en cas de collision avec un élémentanatomique voisin (dent, nerf…), ou s’ildevient impossible de les exploiter commesource d’ancrage pour des raisons méca-niques – manque de stabilité primaire, frac-ture – et/ou biologiques – inflammation etabcès péri-implantaires –.

Afin d’anticiper au mieux la survenue de cesdifférents types d’échecs, une analyse minu-tieuse des facteurs mis en cause doit êtreentreprise. Un cas clinique illustrera cetteréflexion.

1. Les incidents per-opératoires

1. 1. Les lésions desmodontales et radiculaires

Si certaines précautions ne sont pas prises, leplacement d’une mini-vis entre deux dentsrisque de provoquer un traumatisme desmo-dontal ou radiculaire. Les complicationspotentielles incluent une ankylose dento-alvéolaire ainsi qu’une perte de vitalité.Fort heureusement, lorsque la pulpe resteindemne, le pronostic de la dent est rarementremis en cause. Asscherickx4 a démontrédans une étude animale, qu’une réparation

complète de la dent et du parodonte se pro-duit 12 à 18 semaines après dépose de la vis.Pour déterminer l’emplacement le plus appro-prié, il convient d’effectuer un bilan radiogra-phique de qualité comprenant un panora-mique dentaire et des clichés rétroalvéolaires.Un guide radiologique et chirurgical peut êtreutile.Poggio et al.5 ont étudié sur des coupesacquises par New Tom l’espace inter-radi-culaire disponible dans les secteurs posté-rieurs. Dans le sens mésio-distal, ils ont ainsidéfini :– des «zones de sécurité» : entre la 2e prémo-

laire et la 1re molaire au maxillaire, du côtépalatin, à 5 mm de la crête alvéolaire ; etentre la 1re et la 2e prémolaire à la mandi-bule ;

– des «zones à risque» : la tubérosité maxil-laire, et l’espace entre la canine et la 1re pré-molaire mandibulaire.

Afin de minimiser les risques de collision, lesauteurs recommandent l’emploi de visconiques avec une extrémité de diamètreréduit, et un angle d’insertion de 30-40° parrapport à l’axe dentaire.De toute façon, grâce à l’anesthésie superfi-cielle, le patient ressent la vis s’approcher peuà peu du ligament alvéolo-dentaire et peut eninformer le praticien. Au pire, lorsqu’uncontact radiculaire se produit, la vis s’arrête.L’opérateur prend conscience que la vis a cer-tainement rencontré un obstacle.En cas de doute, il suffit de dévisser de 2 ou3 tours et de réaliser une radiographie decontrôle6.

41-50 - décembre 2008 41

Mini-vis : les sources d’échecsA. Costi

Adresse de correspondance : Arnaud Costi, Faculté de chirurgie-dentaire, 5, rue Garancière, 75006 Paris.

Page 2: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

1. 2. Les lésions des structures anatomiques voisines

Lorsque la chirurgie intéresse la zone du tri-gone rétro-molaire, il faut éviter de déraperdans l’espace sous-mandibulaire et latéro-pharyngé au risque d’endommager le nerflingual et/ou le nerf buccal. Des mini-vis insé-rées en vestibulaire près des apex des2e molaire et 2e prémolaire mandibulairesjouxtent souvent le canal mandibulaire danslequel transite le nerf alvéolaire inférieur.Une radiographie panoramique permet devisualiser la position de ce canal mandibulaireet celle du foramen mentonnier (qui se trouvele plus souvent entre la 1re et la 2e prémolairemandibulaire).

Dans la région palatine, une attention touteparticulière est accordée au nerf grand pala-tin. Ce dernier passe avec son artère homo-logue au niveau du foramen grand palatin,qui se situe généralement entre la 2e et la3e molaire maxillaire (figure 1).

Une perforation des fosses nasales ou dusinus maxillaire peut survenir lors de l’inser-tion d’une vis au maxillaire ou dans la régionzygomatique. Des perforations sur une courtedistance (< 2 mm) du sinus maxillaire guéris-sent sans complications majeures. Il est tou-

tefois recommandé d’anguler l’axe perpendi-culairement à la paroi alvéolaire lorsque lesinus est procident6.

Un bilan radiologique de qualité, et une bonneconnaissance de l’anatomie permettent d’évi-ter la plupart des complications chirurgicalesper-opératoires. Pourtant, il n’est pas certainque la vis, une fois posée, puisse servir d’an-crage pour la réalisation du déplacementorthodontique. Cela va dépendre en grandepartie de sa stabilité primaire.

2. Le manquede stabilité primaire

La stabilité primaire de l’implant correspond àsa stabilisation mécanique immédiate aprèsimplantation. Elle est directement dépen-dante de trois groupes de facteurs, qui sontétroitement liés :

– les facteurs liés à l’hôte : ils interviennentdans la sélection optimale du site ;

– les facteurs liés à l’opérateur : ce dernierdoit assurer une bonne manipulation ;

– les facteurs liés aux implants : la nécessitéd’augmenter la stabilité oriente vers lechoix d’un système implantaire donné.

Arnaud Costi

L’Orthodontie BIOPROGRESSIVE42

Figure 1Émergence de l’artère et du nerf grands palatins au niveau du foramen grand palatin (modifié d’après Netter7).

Page 3: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

2. 1. Les facteurs liés à l’hôte

Tout d’abord, il faut prendre en considérationla qualité et la quantité de l’os disponible.Or, les caractéristiques de l’os cortical varientnon seulement d’un individu à l’autre, maisaussi d’un site à l’autre.

L’âge du patient est un élément important. Lapose de mini-vis conviendrait mieux auxadultes de plus de 30 ans car leur corticaleserait plus dense et plus épaisse8.

L’épaisseur de l’os cortical vestibulaire seraitégalement corrélée au type facial9, 10. Lessujets présentant un angle mandibulaireouvert auraient une épaisseur de corticaleplus fine dans la région de la 1re molaire man-dibulaire (1,5 - 2,7 mm) que ceux ayant unangle mandibulaire fermé (2,3 - 3,7 mm). Miya-waki11 s’appuie sur ces travaux pour expli-quer le taux d’échec plus élevé observé chezles patients ayant une typologie hyperdiver-gente.

Une classification de la densité osseuse en4 catégories de D1 à D412 est classique-ment utilisée en implantologie. Elle permetd’établir un véritable diagramme de den-sité osseuse en fonction du site considéré(figure 2 a et b).

Les os de type D1 à D3 présentent une den-sité acceptable pour la pose de mini-vis auto-forantes, ce qui n’est pas le cas pour l’os detype D4 non corticalisé6. Au niveau d’unezone édentée, les remaniements importantsque subit l’os alvéolaire peuvent égalementcompromettre la stabilité primaire de la mini-vis dans les 1res semaines post-extraction-nelles.

Par ailleurs, l’épaisseur de gencive doit êtremesurée avec une sonde parodontale auniveau du site implantaire. La muqueuse pala-tine13 et celle en regard de la partie anté-rieure du ramus3 présentent généralementune épaisseur de 4 à 5 mm.

Or, plus la force orthodontique est appliquéeà distance du support osseux, plus le bras delevier est long et donc plus le moment exercésur la partie intra-osseuse de la mini-vis estélevé. C’est la raison pour laquelle, Tseng3

suggère que la partie intra-osseuse de la vismesure au minimum 6 mm (figure 3).

Enfin, une contrainte venant des régionspériphériques peut favoriser une mobilitéprogressive de l’implant.

Des forces masticatrices excessives14 s’exer-cent parfois entre les 1re et 2e molaires man-dibulaires.

Mini-vis : les sources d’échecs

41-50 - décembre 2008 43

Figure 2 a et bDiagramme de densité osseuse (modifié d’après Kravitz6).– D1 est un os cortical dense (zones mandibulaire antérieure et palatine médiane).– D2 est un os cortical épais (2 mm) et poreux à trabéculations larges (aires maxillaire antérieure et man-dibulaire postérieure).

– D3 est un os cortical fin et poreux avec une fine trabéculation (zones postérieures du maxillaire et dela mandibule).

– Enfin, D4 désigne un os finement trabéculé (maxillaire postérieur et région tubérositaire).

a b

Page 4: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

La langue peut également déstabiliser desimplants placés au maxillaire15 ou à la mandi-bule sur le versant lingual16. D’ailleurs, leséchecs rencontrés au niveau lingual mandibu-laire surviennent dans plus de 75 % descas16 : la pose de mini-vis à ce niveau est for-tement déconseillée.

2. 2. Les facteurs liés a l’opérateur

Le succès de la thérapeutique implantairedépend étroitement de l’expérience du chi-rurgien. Sa dextérité, son aptitude à mainte-nir un axe de forage constant pour ne pasélargir l’espace dévolu à l’implant, sont autantd’éléments prépondérants.

Il faut garder à l’esprit que l’os mature estsensible à la température. Les dommagesdu tissu osseux interviennent lorsque la tem-pérature de l’os atteint 47° C pendant 1 à 5minutes17. Un tel traumatisme chirurgicalpeut se produire sous l’effet d’une pressionou plus exactement d’un torque de vissageexcessif (> 100 Nmm18) dans un os dense etépais de type D114.

Pour éviter les risques de nécrose osseuse auniveau de l’interface os-implant et par consé-quent une perte de stabilité à court terme, lepraticien doit évaluer la nécessité ou nond’effectuer un préforage sous irrigation, et,le cas échéant, choisir le foret adapté.

En règle générale, ce foret pilote doit tou-jours être sous-dimensionné d’au moins0,3 mm par rapport au diamètre de la mini-vis19. En fait, plus le diamètre de préforageaugmente, moins bonne est la stabilité pri-

maire. Ainsi, pour l’insertion d’une vis de2,0 mm de diamètre dans un os dense, l’utili-sation d’un foret de 1,3 mm est recomman-dée.

Pour des implants plus petits, de 1,6 mm dediamètre par exemple, le préforage n’ap-porte pas d’avantage en termes de stabilitéprimaire20. Au contraire, il risquerait d’aug-menter le traumatisme chirurgical. Les mini-vis autoforantes insérées en douceur donnentparfois de meilleurs résultats, dans la mesureoù elles préservent l’os environnant et doncl’interface os-implant21.

La longueur du préforage n’est pas détermi-nante à partir du moment où la corticale estperforée de part en part. Il suffit donc deforer sur une profondeur de 3 mm, ce qui cor-respond à l’épaisseur maximale que présentela corticale (au niveau de l’angle mandibu-laire)22.

Par ailleurs, de nombreux auteurs se sontinterrogés sur les modalités de mise encharge orthodontique.

Une ostéointégration complète n’est pasrecherchée. En effet, la dépose de la mini-visdeviendrait plus ardue, et risquerait de se sol-der par une fracture23. Contrairement auximplants conventionnels à visée prothétique,il est donc possible d’exploiter l’ancragesquelettique soit d’emblée (mise en chargeimmédiate), soit à partir de trois semaines(mise en charge retardée après ostéointégra-tion partielle6).

Bien contrôlée cliniquement, la mise encharge immédiate ne compromet pas la stabi-lité primaire.

Dans une étude histologique, Büchter24

indique, qu’une mise en charge immédiateest possible à condition de ne pas exercer unmoment de version supérieur à 6 N.mm auniveau du bord osseux pour des vis de1,6 mm de diamètre.

Ces résultats ont été confirmés cliniquement,notamment par Miyawaki11. Ce dernierconstate que le délai entre l’implantation etla mise en charge n’a pas d’influence sur letaux de succès tant que la force initiale nedépasse pas 2N (200 g force). Toutefois, cer-tains auteurs se montrent plus prudents etrecommandent des forces initiales inférieuresou égales à 0,5 N (50 g force)25.

Arnaud Costi

L’Orthodontie BIOPROGRESSIVE44

Figure 3Influence de l’épaisseur dela fibromuqueuse sur la sta-bilité de la vis une fois miseen charge (modifié d’aprèsLee14).

Page 5: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

Que ce soit au moyen d’une chaînette élasto-mèrique, d’un ressort métallique, ou de l’as-sociation des deux8, il semblerait que lemoment induit par la force orthodontique soitdavantage préjudiciable s’il va dans le sens dudévissage26.

2. 3. Les facteurs liés aux implants

La biocompatibilité de l’état de surfaceinfluence grandement le type d’interfaceformé. Les matériaux les plus biocompatiblessont les céramiques au phosphate de calciumet le titane pur, suivis des alliages de titane.L’acier inoxydable entraîne inéluctablementla formation de tissu fibreux, ce qui ne com-promet pas pour autant la stabilité primairede la vis.

D’autres critères entrent en compte dans lechoix du matériau constitutif de la vis, notam-ment sa solidité – le titane pur est fragilepour des diamètres réduits –, et sa résistanceà la corrosion – l’alliage de titane Ti-6Al-4Vlibère des ions métalliques de vanadium, maisles concentrations mesurées chez l’animaln’atteignent pas le seuil de toxicité27 –.

La forme générale, la forme du filetage et lediamètre de l’implant sont en relation avec larépartition des contraintes sur les tissusosseux adjacents. Ainsi, dans l’os cortical,

plus le diamètre est important, meilleure serala répartition des contraintes14.

D’après la plupart des auteurs8, 11, 28, sa lon-gueur ne joue pas un rôle crucial dans l’ob-tention d’une stabilité primaire. Toutefois, ilfaut que la partie enfouie dans l’os ait une lon-gueur minimale, notamment dans les zones oùla gencive est épaisse : 5 mm selon Kuroda29,6 mm selon Tseng3.

En réalité, la meilleure façon de renforcer l’an-crage squelettique consiste à augmenter lenombre de vis et éventuellement à les solida-riser, avant de les soumettre à une chargeorthodontique importante (ingression demolaires, recul en masse). C’est du moinsl’une des conclusions de l’étude rétrospectivede Chen8. L’auteur constate d’ailleurs un tauxde succès plus élevé avec les mini-plaques,pour lesquelles 2 à 3 vis sont systématique-ment solidarisées.

D’un point de vue biomécanique, il est préfé-rable de répartir l’intensité globale d’uneforce entre plusieurs vis, d’une part pourdiminuer la charge orthodontique appliquéesur chacune d’elles, et d’autre part pour ten-ter de contrecarrer certains effets parasitesprévisibles (figure 4 a et b).

La figure 5 synthétise l’ensemble des facteursqui interviennent dans l’obtention d’une sta-bilité primaire (figure 5).

Mini-vis : les sources d’échecs

41-50 - décembre 2008 45

Figures 4 a et bIngression molaire à l’aide de 4 mini-vis : les moments de version parasite tendent à s’annuler mutuellement, que cesoit dans le sens vestibulo-palatin ou dans le sens mésio-distal.

a b

Page 6: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

Parmi les échecs mécaniques, il ne faut pasoublier les fractures de mini-vis…

3. Les fractures

Dans les secteurs peu accessibles où l’os cor-tical est dur (versants vestibulaires mandibu-laires postérieurs, suture palatine médiane),l’opérateur est tenté d’exercer une pressionimportante, en particulier s’il n’a pas effectuéde préforage. La fracture survient pour untorque d’insertion généralement supérieur à230 N.mm22.

Elle peut concerner l’extrémité de la vislorsque l’angle d’insertion est modifié alorsque l’extrémité se situe dans la corticale. Plusfréquemment, elle se produit au niveau ducol, que ce soit au moment de la pose ou dela dépose (figure 6).

En fait, la contrainte locale engendrée auniveau du col de la vis est si importante qu’ellepeut entraîner une torsion voire une fracturede la vis. Or, la résistance à la torsion – facteurintrinsèque limitant la fracture d’un implant –,

Arnaud Costi

L’Orthodontie BIOPROGRESSIVE46

HOTE� Épaisseur et densité del’os cortical

� Épaisseur de la gencive� Contraintes des tissus mous

PRATICIEN� Expériencedextérité

� Préforageou non

� Modalité de miseen charge

IMPLANT� Biocompatibilité,solidité

� Forme, diamètre,longueur

� Nombre

Figure 5Paramètres influençant la stabilité primaire de la vis.

Figure 6Les fractures surviennent le plus souvent au niveau ducol pour les vis de petits diamètres.

Page 7: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

dépend des propriétés physiques du maté-riau et est proportionnel au cube de son dia-mètre14.

Il faudra donc privilégier un système de visconique, avec un col résistant dont le dia-mètre est adapté à la qualité de l’os19. Pourles petits diamètres, le titane pur n’est passuffisamment résistant mécaniquement : ilconvient d’utiliser des matériaux plus solidestels que les alliages de titane ou l’acier inoxy-dable. Quoi qu’il en soit, les implants dont lediamètre est inférieur ou égal à 1,0 mm sontcontre-indiqués11.

Par ailleurs, il est important que la région cer-vicale soit la plus résistante possible : un trouau travers du col tendrait à fragiliser cettezone critique.

Enfin, la dernière catégorie d’échecs rencon-trés, est à mettre en relation avec l’inflamma-tion voire l’infection des tissus mous péri-implantaires.

4. Les causes inflammatoireset infectieuses

Les tissus mous péri-implantaires constituentune barrière biologique protectrice face àl’agression bactérienne. La qualité de ces tis-sus mous influe grandement sur la pérennitédu dispositif.

Si une hygiène bucco-dentaire rigoureusen’est pas respectée, une inflammation et/ouune infection mineure peuvent survenir. Or,l’inflammation des tissus mous est associée àune augmentation de 30 % du taux d’échec11.

Les mini-vis placées dans la muqueuse alvéo-laire sont très fréquemment recouvertes parles tissus mous en même temps que les élé-ments actifs accrochés sur leur tête (ressort,chainette élastomèrique) ; ce qui constitueun risque d’inflammation supplémentaire.Leur taux de succès reste inférieur à celuides vis placées en gencive attachée kérati-nisée28.

La conception du col représente égalementun facteur clef. Une partie transmuqueusetrès lisse minimise le risque d’accumulationde plaque et donc d’inflammation autour dela vis. Comme l’épaisseur de gencive varie

d’un site à l’autre, il est recommandé d’avoirà disposition une gamme de vis avec des lon-gueurs de col différentes (figure 3).

Autre remarque importante : certains disposi-tifs sont commercialisés dans des condition-nements non stériles. Il va de soi que les mini-vis, tout comme le reste de l’instrumentationchirurgicale, doivent être stérilisées par lepraticien avant utilisation.

Finalement, il est possible pour chaque typed’échec, de répertorier un certain nombre defacteurs de risque. Toutefois, la relation decause à effet est souvent difficile à établir,comme l’illustre le cas clinique suivant.

5. Présentationd’un cas clinique

5. 1. Du diagnostic au traitement orthodontique

Madame R., âgée de 51 ans, se présente à laconsultation pour un motif esthétique. Elle aété traitée d’une parodontite agressive géné-ralisée. Elle a ensuite bénéficié de greffesosseuses et de la pose de 6 implants maxil-laires dans les secteurs postérieurs. La phaseparodonto-implantaire a été réalisée par leDocteur DE MONCK D’UZER, tandis que laphase prothétique a été finalisée par le Doc-teur TREVELO (figure 7 b).

Malgré la qualité des travaux prothétiques, lesourire de la patiente ne présentait pas lescritères d’un sourire harmonieux. En effet,l’égression de 11 et 12 qui s’était produitedurant la phase active de la parodontite, avaitentraîné une discontinuité de la ligne desbords libres incisifs, et de celle des collets. Àcela, s’ajoutait également l’ouverture de tri-angles noirs, consécutive à la perte d’attacheobservée au niveau de 11 et 12 (figures 7 a et9 a).

Pour ne pas risquer d’endommager les cou-ronnes implanto-portées toutes neuves dansles secteurs postérieurs, il a été décidé de nes’appuyer que sur les 5 dents antérieures (de13 à 22) pour ingresser les deux incisives. Unrenfort d’ancrage était alors nécessaire : desmini-vis Abso-Anchor® Dentos (Ormodent)

Mini-vis : les sources d’échecs

41-50 - décembre 2008 47

Page 8: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

autoforantes de 1,3 mm de diamètre et de 7,0mm de longueur ont été posées en genciveattachée entre 12 et 13, d’une part, et entre11 et 21 à distance du frein labial médiansupérieur, d’autre part. La mise en charge aété immédiate (figure 8 a). Un stripping précisa permis de fermer les triangles noirs.

Au fur et à mesure de l’ingression, les vis sesont déplacées progressivement en directionocclusale (figure 8 b). Il s’est produit uneinflammation gingivale et les mini-vis sontdevenues mobiles. Elles ont été déposéesaprès 3 mois de traitement (figure 8 c). Lesattaches ont été enlevées 1 mois plus tard, etune contention fixe permanente a été colléeen lingual. Le Docteur DE MONCK D’UZER afinalement réalisé une petite plastie d’aligne-ment des collets pour parfaire le résultatesthétique (figures 9 b et 10).

5. 2. Discussion

Dans une étude clinique de 2004, Liou30 a étéle premier à démontrer que les mini-vis sou-mises à une traction orthodontique pouvaientse déplacer à travers l’os sans pour autantdevenir mobiles. Une des hypothèses propo-sées par l’auteur repose sur la nature de l’in-terface os-implant, de type fibro-conjonctive,autorisant une certaine liberté de mouvementdans le sens de la traction.

Pendant les 2 premiers mois, la tête de la visposée entre 12 et 13 s’est déplacée de plusde 3 mm. Mais ce n’est qu’à partir du 3e moisque les vis ont commencé à devenir mobiles.

En tout état de cause, il paraît difficile d’attri-buer la perte de ces mini-vis à un seul facteur.

Apparemment, le parodonte de la patiente, enparticulier au niveau de 12 et 11, était de mau-vaise qualité. Peut-être que l’hygiène bucco-dentaire de la patiente n’a pas été suffisantepour écarter tout risque d’inflammation et deré-infection dans cette zone critique.

Ensuite, il faut s’interroger sur le choix du sys-tème implantaire : la sélection d’un petit dia-mètre et d’une longueur réduite n’était sansdoute pas appropriée.

Enfin, les modalités de mise en charge sontdiscutables. La traction a certainement été unpeu trop forte dès le début, sachant qu’il afallu s’opposer à la rigidité et à l’élasticité desdifférents sectionnels utilisés : fil tressé enacier Flex® .0175, fil en Elgiloy® Bleu puisJaune, carré puis rectangulaire, (utilisés pourcontrecarrer les effets parasites de vestibulo-version).

Tous ces paramètres sont vraisemblablementintervenus concomitamment.

Cependant, même si les vis ont été déposéesde façon anticipée, il ne s’agit que d’un échecpartiel, car le déplacement dentaire escomptéa tout de même été obtenu avec succès.

Arnaud Costi

L’Orthodontie BIOPROGRESSIVE48

Figures 7 a et bDocuments initiaux de Madame R. : a) photographie exo-buccale du sourire non forcé, disgracieux en raison de l’égres-sion de 11 et 12 ; b) radiographie panoramique de la patiente qui permet d’objectiver la présence de 6 implants aumaxillaire ; les soins sur 46 et 47 ont été entrepris en parallèle.

a b

Page 9: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

6. Conclusion

Selon Oscar Wilde, «l’expérience est le nomque chacun donne à ses erreurs». Dans ledomaine des mini-vis, mises sur le marchédepuis une dizaine d’années, les praticiensont acquis une certaine expérience. Autre-

ment dit, ils ont dû faire face à différentstypes d’échecs. La maîtrise de ces échecsnécessite en amont un travail systématiqued’identification des paramètres mis en cause. Une fois que toutes les précautions ont étéprises, que ce soit pour la sélection du site oule choix du système implantaire, que ce soitau moment de la chirurgie ou lors de la mise

Mini-vis : les sources d’échecs

41-50 - décembre 2008 49

a b c

Figures 8 a, b et cIngression incisive lors de 3 premiers mois à l’aide de 2 mini-vis : a) mise en charge immédiate le jour de la pose desmini-vis ; b) déplacement des vis en direction occlusale, sans mobilité, pendant les 2 premiers mois de l’ingression ;c) dépose des vis devenues mobiles au 3e mois.

a bFigure 9 a et b

Photographies endo-buccales avant (a) et après traitement orthodontique partiel (b) : 11 et 12 ont été ingressées de 2mm en l’espace de 4 mois, les triangles noirs ont disparu et la ligne des collets a été harmonisée suite à une plastiegingivale.

Figure 10Photographie exo-buccale du sourire non forcé en fin detraitement.

Page 10: Mini-vis : les sources d’échecs - bioprog.combioprog.com/IMG/pdf/mini_vis_source_d_echec.pdf · Malgré l’engouement certain qu’ont connu les mini-vis auprès des orthodontistes,

en charge, les mini-vis procurent un renfortd’ancrage très appréciable. Encore faut-ilsavoir les exploiter à bon escient, pourqu’elles profitent réellement au traitementorthodontique…

Remerciements aux Docteurs DE MONCKD’UZER et TREVELO pour leur participation res-pective à la réalisation du cas clinique.

Remerciements également au ProfesseurLEJOYEUX et au Docteur LEVY-COHEN.

Bibliographie1. Freudenthaler JW, Haas R, Bantleon HP. Bicorticaltitanium screws for critical orthodontic anchorage in themandible: a preliminary report on clinical applications.Clin Oral Implants Res 2001;12:358-63.2. Fritz U, Ehmer A, Diedrich P. Clinical suitability of tita-nium microscrews for orthodontic anchorage-prelimi-nary experiences. J Orofac Orthop 2004;65(5):410-8.3. Tseng YC, Hsieh CH, Chen CH, Shen YS, Huang IY,Chen CM. The application of mini-implants for orthodon-tic anchorage. Int J Oral Maxillofac Surg 2006;35:704-7.4. Asscherickx K, Vannet BV, Wehrbein H, Sabzevar MM.Root repair after injury from mini-screw. Clin Oral ImplRes 2005;16:575-8.5. Poggio PM, Incorvati C, Velo S, Carano A. «Safezones»: a guide for miniscrew positioning in the maxil-lary and mandibular arch. Angle Orthod 2006;76:191-7.6. Kravitz ND, Kusnoto B. Risks and complications oforthodontic miniscrews. Am J Orthop DentofacialOrthop 2007;131(4):43-51.7. Netter FH. Atlas d’anatomie humaine, 2e édition. Tra-duit en français par Kamina P. New Jersey : EditionsMaloine, Novartis, 1997: planche 46.8. Chen YJ, Chang HH, Huang HC, Lai EHH, Yao CCJ. Aretrospective analysis of the failure rate of three diffe-rent orthodontic skeletal anchorage systems. Clin OralImpl Res 2007;18:768-75.9. Masumoto T, Hayashi I, Kawamura A, Tanaka K, KasaiK. Relationships among facial type, buccolingual molarinclination, and cortical bone thickness of the mandible.Eur J Orthod 2001;23:15-23.10. Tsunori M, Mashita M, Kasai K. Relationship bet-ween facial types and tooth and bone characteristics ofthe mandible obtained by CT scanning. Angle Orthod1998;68:557-62.11. Miyawaki S, Koyama I, Inoue M, Mishima K, Suga-hara T, Takano-Yamamoto T. Factors associated with thestability of titanium screws placed in the posteriorregion for orthodontic anchorage. Am J Orthod Dento-facial Orthop 2003;124:373-8.12. Misch CE. Bone character: second vital implant cri-terion. Dent Today 1988;7(5):39-40.13. Berens A, Wiechmann D, Dempf R. Mini-and micro-screws for temporary skeletal anchorage in orthodontictherapy. J Orofac Orthop 2006;67:450-8.

14. Lee JS, Kim JK, Park YC, Vanarsdall RL. Applicationscliniques des mini-implants en orthodontie. Paris : Quin-tessence Internationale, 2007.15. Hedayati Z, Hashemi M, Zamiri HR, Fattahi HR.Anchorage value of surgical titanium screws in ortho-dontic tooth movement. Int J Oral Maxillofac Surg 2007;36:588-92.16. Wiechmann D, Meyer U, Büchter A. Success rate ofmini- and micro- implants used for orthodontic ancho-rage: a prospective clinical study. Clin Oral Impl Res2007;18:263-7.17. Eriksson RA, Albrektsson T. The effect of heat onbone regeneration: an experimental study in the rabbitusing the bone growth chamber. J Oral Maxillofac Surg1984;42:705-11.18. Motoyoshi M, Hirabayashi M, Uemura M, Shimizu N.Recommended placement torque when tightening anorthodontic mini-implant. Clin Oral Impl Res 2006;17:109-114.19. Melsen B. Mini-implants: where are we? J Clin Orthod2005;39(9):539-47.20. Kim JW, Ahn SJ, Chang YI. Histomorphometric andmechanical analyses of the drill-free screw as orthodon-tic anchorage. Am J Orthodont Dentofacial Orthop2005;128:190-4.21. Heidemann W, Terheyden H, Gerlach KL. Analysis ofthe osseous/metal interface of drill free screws and self-tapping screws. J Cranio Maxfac Surg 2001;29:69-74.22. Wilmes B, Rademacher C, Olthoff G, Drescher D.Parameters affecting primary stability of orthodonticmini-implants. J Orofac Orthop 2006;67:162-74.23. Ohmae M, Saito S, Morohash T, Seki K, Qu H,Kanomi R, Yamasaki KI, Okano T, Yamada S, Shibasaki Y.A clinical and histological evaluation of titanium mini-implants as anchors for orthodontic intrusion in thebeagle dog. Am J Orthod Dentofacial Orhop 2001;119:489-97.24. Büchter A, Wiechmann D, Gaertner C, Hendrik M,Vogeler M, Wiesmann HP, Piffko J, Meyer U. Load-rela-ted bone modelling at the interface of orthodonticmicro-implants. Clin Oral Impl Res 2006;17:714-22.25. Dalstra M, Cattaneo PM, Melsen B. Load transfer ofmini-screws for orthodontic anchorage. Orthod 2004;1:53-62.26. Costa A, Raffainl M, Melsen B. Miniscrews as ortho-dontic anchorage: a preliminary report. Int J Adult Orh-tod Orthognatic Surg 1998;13:201-9.27. Morais LS, Serra GG, Muller CA, Andrade LR,Palermo EFA, Elias CN, Meyers M. Titanium alloy mini-implants for orthodontic anchorage: immediate loadingand metal ion release. Acta Biomat 2007;3:331-9.28. Cheng SJ, Tseng IY, Lee JJ, Kok SH. A prospectivestudy of the risk factors associated with failure of mini-implants used for orthodontic anchorage. Int J OralMaxillofac Implants 2004;19(1):100-6.29. Kuroda S, Sugawara Y, Deguchi T, Kyung HM,Takano-Yamamoto T. Clinical use of miniscrew implantsas orthodontic anchorage: success rates and postopera-tive discomfort. Am J Orthod Dentofacial Orthop 2007;131:9-15.30. Liou EJW, Pai BCJ, Lin JCY. Do miniscrews remainstationary under orthodontic forces? Am J Orthod Den-tofacial Orthop 2004;126:42-7.

Arnaud Costi

L’Orthodontie BIOPROGRESSIVE50