Millenials & Pop culture
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MEMOIRE
DE F IN
D ’ETUDES
AN
NEE
201
2-20
13
GENERATION Y : UNE CULTURE SUR LE WEB
ALINE BILLONDEAU
MASTER 2 COMMUNICATION DES ORGANISATIONSParcours Stratégies & Produits de communication
2
REMERCIEMENTS
En premier lieu, je souhaite remercier Valérie Planchez, la directrice de la Stratégie,
Nicolas Izel, Pierrine Etienne, Nathanaël Este-Klein, Romain Seidenbender, Sarah Louis et
Carine Tenart qui ont passés, à un moment ou à un autre, un moment à mes cotés, au sein de
la cellule de planning stratégique de l’agence de publicité Saatchi & Saatchi + Duke. J’ai
beaucoup appris à leur coté et les remercie pour la confiance qu’ils m’ont accordé dès mes
premiers pas dans le monde obscur et merveilleux du Planning Stratégique (dont personne ne
connaît vraiment la définition à l’heure actuelle). Merci pour les connaissances et savoir-faire
qu’ils m’ont permis de développer.
En second lieu, je remercie l’ISIC et plus particulièrement le responsable du parcours
Stratégies et produits de communication (M. Etienne Damome) pour ses conseils, son suivi et
son soutien tout au long de ces 6 mois de stage.
Je souhaite adresser un grand merci à tous les collègues de l’Agence : créatifs, commerciaux,
managers et tous les autres pour leur accueil chaleureux et les relations enrichissantes que j’ai
pu nouer avec eux.
Merci à tous ceux qui m’ont orienté, conseillé, encouragé dans l’entreprise de ce travail.
3
SOMMAIRE
PRÉFACE…………………………………………………………………………………………...…7
INTRODUCTION AU SUJET……………………………………………………………………..…9
DÉFINITION DES TERMES………………………………………………………………………..11
Génération……………………………………………………………………………………..11
Génération Y/Millenials………………………………………………………………………12
Réseaux sociaux………………………………………………………………………………14
Culture………………………………………………………………………………………...15
Pop Culture……………………………………………………………………………………17
PARTIE 1. DIGITAL ET RESEAUX SOCIAUX
UNE REALITE CHEZ LES PROFESSIONNELS DE LA COMMUNICATION POUR
ATTEINDRE LA GENERATION Y………………………………………………………………...19
1. LA GENERATION Y : GENERATION DIGITALE…………………………………………...20
1.1. Des valeurs portées par le web en adéquation avec l’état d’esprit des jeunes……………20
1.2. Une classe d’âge façonnée par le net……………………………………………………..21
1.3. Un nouveau challenge pour les marques : Comment atteindre la Génération Y ?.............24
2. GENERATION Y = RESEAUX SOCIAUX ?...............................................................................28
2.1. Génération Y et média : quelle réalité ?..............................................................................28
2.2. Illustration du comportement d’un individu de la GY……………………………………32
PARTIE 2. LA GENERATION Y
LE JEUNE D’UN POINT DE VUE SOCIOLOGIQUE……………………………………………38
1. POINT METHODOLOGIQUE…………………………………………………………………..39
1.1. Apports anthropologiques et ethnographiques au domaine de la publicité………………39
1.2. Xploring…………………………………………………………………………………..40
1.3. Mood board……………………………………………………………………………….41
4
2. LES JEUNES : KESAKO ?.............................................................................................................42
2.1. Jeune et société…………………………………………………………………………...43
2.2. Jeune et travail……………………………………………………………………………46
2.3. Jeune et âge adulte………………………………………………………………………..47
2.4. Jeune et loisirs…………………………………………………………………………….50
2.5. Humour et dérision
3. LA GENERATION Y : QUELS ATTRIBUTS ?...........................................................................54
3.1. Les normes de la Génération Y.…………………………………………………………..55
3.2. Des créateurs de contenus………………………………………………………………...59
PARTIE 3. LA POP CULTURE WEB
UNE IMAGE DE LA CULTURE DE LA JEUNESSE SUR LE WEB…………………………..62
1. LE LOL COMME ETAT D’ESPRIT…………………………………………………………….64
1.1. Qu’est-ce que le LOL sur internet ?………………………………………………………64
1.2. Grandes tendances du LOL……………………………………………………………….66
2. LE MEME………………………………………………………………………………………….72
2.1. Petit historique du même…………………………………………………………………72
2.2. Point théorique sur l’activité d’innovation……………………………………………….74
2.3. Le mème, jeu et détournement des images……………………………………………….76
3. UNE CULTURE ICONOGRAPHIQUE ET VIDEO……………………………………………79
3.1. Iconographie……………………………………………………………………………...79
3.1.1. Pinterest : l’image au cœur des pratiques……………………………………...80
3.1.2. Instagram : l’outil-réseau de l’image…………………………………………..81
3.1.3. Tumblr : challenger de Facebook……………………………………………...82
3.2. La vidéo et la Gen C. : la nouvelle facette de la Génération Y ?…………………………83
3.3. Une curation comme reflet de la pop culture « physique » (dans le sens du non digital)..85
CONCLUSION……………………………………………………………………………………….87 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………………89 ANNEXES …………………………………………………………………………………………...92
5
RESUME La Génération Y, cette population d’individus née avec l’explosion du numérique, est devenu en quelques années l’objet d’étude favori des marketeurs, des chercheurs en communication des organisations… et des marques. Ces dernières ne font pas l’impasse sur cette cible, grosse consommatrice de biens et services aujourd’hui et futurs consommateurs de demain. Néanmoins, les marques tombent vite dans le piège de réduire cette Génération à leur seul pratique médiatique. Il est vrai que la Génération Y présente des spécificités dans son utilisation des média : une génération du digital, qui utilise internet comme un métamedia fédérant les autres sources d’informations comme la presse magazine, la télévision ou la radio. Au-delà de la pratique médiatique qui s’est digitalisée, les individus de cette population ont la spécificité d’avoir une identité virtuelle, travaillée sur les différents réseaux sociaux. C’est en cela que les marques se doivent, pour toucher cette cible, d’aller sur ces derniers et plus globalement sur le web. Néanmoins, il ne suffit plus aujourd’hui de se créer une page fan sur Facebook pour être efficace. Les « jeunes » en tant que génération possède une culture commune, malgré l’hétérogénéité de la population. Aujourd’hui, les jeunes se positionnent de manière différente par rapport à leurs ainés concertant l’âge adulte, la société, l’avenir et les loisirs. Cette culture fait écho à leurs caractéristiques et à la position mentale adoptée face à cet avenir incertain et morose. Pour eux, tout est un jeu, tout élément de l’actualité peut être tourné en dérision, vu par le prisme de l’humour et diffusé à la communauté. Cette culture s’incarne notamment dans la Culture LOL et l’élément fondateur qu’est le mème. Elle repose également sur un aspect iconographique et vidéo très important. Les jeunes ont une culture de l’image d’humour qui est illustrée notamment par l’émergence de réseaux sociaux comme Instagram, Pinterest ou Tumblr qui diffusent chaque jour les « être culturels » créés, à partir de faits réels d’actualité ou iconique, par les jeunes sur le toile. Millenials are a generation of persons who have grown up with digital culture. They quickly became one of the most favorite object studies of marketers, research workers and brands. Brands can not override this marketing target, huge consumers of today and tomorrow. However, they are often falling into the trap of reducing Gen. Y to their only media behaviors. It’s true that Gen Y is special regarding to its use of media. It’s a digital generation, using the internet as a metamedia that federates TV, magazines and radio. Besides, this generation has developed a digital identity through social media like Facebook, Twitter etc. As regard as these specificities, brands, in order to reach this target, needs to develop their digital ecosystem in social media and throughout the web too. Nonetheless, it's not sufficient to just open a fan page in Facebook. Young people, as a generation, are holding a specific culture. They are all different even if they share a common point of view about society, mature age, future and entertainment. This youth culture reflects their characteristics and their mental disposition regarding their unknown and moribund future. For them, everything is a game; every piece of current event could be mocked, seen through humour and broadcast to the web community. This culture embodies itself into LOL culture and a funding element called meme. It rests upon iconography and video. Young people have a humorous picture culture, particularly illustrated through new social networks such as Pinterest, Instagram or Tumblr. These social networks spread a “cultural being” fed by Gen Y throughout their activity on the Internet.
6
LISTE DES ABRÉVIATIONS
- GY - Génération Y
- GX - Génération X
- SS - Saatchi & Saatchi
- SSD - Saatchi & Saatchi + Duke
- SIC - Sciences de l’Information et de la Communication
- TIC - Technologie de l’Information et de la Communication
- Yers - Personnes issues de la Génération Y
7
PREFACE
Le travail du planning stratégique, dans son sens le plus restrictif, est de comprendre la
marque : la marque dans sa globalité, du modèle économique, à ses publics en passant par ses
aspects marketing.
Mais surtout de comprendre le consommateur, seule partie prenante qui n’est pas représentée
dans le travail de communication entrepris par une marque et son agence. Le planneur
stratégique revêt ainsi l’habit de la « partie civile ». À chaque étape du projet, il doit faire
preuve d’empathie pour ce consommateur/ usager/ individu qui n’est pas physiquement
représenté dans le processus, se questionner perpétuellement sur les émotions et les réflexions
qui vont l’agiter.
Le but de cette double compréhension est, à terme, d’orienter les stratégies de communication
et les exécutions créatives.
Clarisse Lacarrau, directrice adjointe du planning de l’agence de publicité BETC définit le
planneur stratégique de la manière suivante : « Le planneur, c’est celui, à l’agence, qui parle
toutes les langues. La langue du client, la langue des commerciaux, celle des créas, la langue
du business… Son rôle c’est de fluidifier tout ça. D’apporter de la cohérence et de l’unité.
Tout cela dans le but de nourrir les créatifs. Car le planning n’existe que par la mise en
œuvre créative de l’idée. »
Dans le cadre de mon stage de fin d’étude, j’ai rejoint la cellule de planning stratégique de
l’agence de publicité Saatchi & Saatchi + Duke. Etant dans une agence de communication, il
est plus difficile de composer une réflexion sur un élément palpable, à titre d’exemple les
réseaux sociaux dans une institution publique, les sujets traités pendant ma période de stage
étant très variés et plus ou moins développés en fonction du moment où nous nous trouvions
dans le travail de publicité. L’étude des consommateurs, l’observation des tendances et la
connaissance du marché m’ont amenée à effectuer une veille quotidienne et, sur certains
projets, à m’intéresser plus particulièrement à la cible des Millenials ou Génération Y.
Avec ce mémoire, j’entreprends une réflexion sur le travail de planning stratégique.
A l’origine, une intuition, un constat : les annonceurs lorsqu’ils décident de cibler des
consommateurs de la Génération Y pensent directement Réseaux sociaux. Il est vrai que de
8
nos jours, aucune stratégie ne peut être pensée sans son pan digital. Néanmoins, je trouve
réducteur d’envisager que Génération Y = réseaux sociaux.
Après avoir mené une étude approfondie de la cible, et par un regard quotidien sur l’actualité
de la publicité, de la communication et marketing, j’aimerais mettre en perspective des
éléments de la culture digitale actuelle et les caractéristiques sociologiques et
comportementales de la Génération Y.
Ce mémoire est également la prise de parole d’une personne qui fait partie de cette
Génération Y et qui se trouve désolée de voir la manière dont les journalistes ou chercheurs
qualifient cette GY. Amalgames après amalgames, à travers les écrits, la GY semble être une
génération d’incapables, de fainéants et de personnes non créatives. Je tenterais de rétablir un
peu la balance sur cette question.
J’ai décidé de dresser une image d’un sujet sur lequel j’ai travaillé plus en profondeur.
L’une de mes références bibliographiques se trouve être Le temps de tribus de Michel
Maffesoli. En préface, il explique sa méthode de recherche. Je pense aujourd’hui m’être
appuyée sur une méthodologie similaire, qui n’est peut-être pas scientifiquement éprouvée
mais qui inaugure pour moi une nouvelle méthode de réflexion. Pour M. Maffesoli, il faut
parfois s’accommoder avec des séries de métaphores, analogies, images, toutes choses
vaporeuses, qui seraient les moyens les moins mauvais possible pour dire « ce qui est », ce
qui est à l’état naissant. Il fonde sa recherche sur une méthode qu'il a inventée, l’« Ingrès »,
un néologisme qui vient d’Entrer (ingressar) sans progresser (progressar). Son travail
consiste à ne pas se concentrer sur le but à atteindre mais plutôt d’entrer dans le moment
présent, dans l’intensité du moment. Cette méthode place en son cœur les fantaisies
communes, les expériences oniriques, les manifestations ludiques par lesquelles nos sociétés
redisent ce qui les rattache à la nature humaine.
Cette approche est très similaire à celle du travail du planneur stratégique qui s’appuie
notamment sur des intuitions, des idées qui, même si elles ne sont pas validées par un corpus
de chercheur, ne sont pas pour autant dénuées de sens. Ce mémoire repose donc sur une
réflexion théorique tirée des pratiques ou des constatations du terrain que j’ai pu avoir
pendant mon stage chez Saatchi & Saatchi + Duke, une démarche inductive fondée sur des
techniques anthropologiques.
9
INTRODUCTION AU SUJET
Aujourd’hui, la GY se place au cœur des préoccupations. Ce sujet est traité sous de
multiples angles : Génération Y & Luxe, Génération Y & Marques, Quels leviers pour
atteindre la Génération Y ? etc. Lors de ma recherche documentaire, j’ai pu m’apercevoir que
les travaux universitaires traitaient surtout de l’impact que peuvent avoir les personnes issues
de cette génération sur l’organisation dans une optique travail/ méthode de management. De
nombreux travaux, notamment de chercheurs comme Jean Pralong, Daniel Ollivier, Catherine
Tanguy etc. se penchent sur les relations particulières et les méthodologies développées par la
GY dans le cadre de l’entreprise.
D’un autre côté, les journalistes de la communication et du marketing n’ont que la Génération
Y à la bouche et font rapidement un parallèle avec les réseaux sociaux. Il s’agit certes d’une
réalité incarnée, comme nous pourrons le voir ci-après ; mais il y aussi, au-delà de
l’outil/support que représente les réseaux sociaux, une culture qui émerge sur le digital, une
pop culture propre à cette génération.
Dans le TEDx de San Francisco de juin 2011, Scott Hess nous parle des Millennials: Who
They Are & Why We Hate Them1. Un propos très juste et drôle sur cette Génération, nouvelle
cible des études après la Génération X (1960-1980) et les boomers (1945-1960)
Pour Scott Hess2, ces personnes nées entre 1980 et 2000 sont étudiées pour trois raisons :
1. Parce que leur population est différente de « la notre3 ». Ils présentent une
tendance à l’engagement, ils sont ouverts et tolérants, comme « lubrifiés par leur
conscience », leurs parents sont des amis et des accompagnateurs, ils sont élevés par les
Simpson et la TV réalité etc. 2. Parce que les Générations précédentes sont « jalouses ». Lorsque l’on effectue des
recherches sur l'âge que les personnes souhaiteraient avoir, on remarquait il y a quelques
années qu’il existait une véritable volonté de vieillir… Maintenant, les personnes ne veulent
plus vieillir. Pour beaucoup, l’âge des Millenials est l’âge d’or « Forever 21 », c’est le
moment entre la dépendance et l’indépendance. De plus, ils ont découvert comment étendre
cette période de la vie où l’on oscille entre la jeunesse et l’âge adulte.
1 En Français, Millenials : Qui sont-ils et pourquoi nous les détestons 2 Vice president de Human Intelligence 3 Scott Hess appartient à la GX
10
3. Parce que la mentalité de la GY est différente.
Leur mentalité ne ressemble à aucune autre. Ils ont accès à tout, tout le temps, ils ont une
connexion particulière avec le monde (ex : Les amis Facebook) et un ego plutôt narcissique :
« Voyez comme je suis formidable ».
Leurs marques préférées sont celles qui ont un mouvement, une philosophie dans l’air du
temps comme Apple ou Nike. « Dans l’air du temps », une expression qui a toute son
importance pour la suite de ce travail de réflexion.
Nous essayons aujourd’hui de capter l’air du temps, d'aller au-delà des stéréotypes et des
raccourcis stratégiques que peuvent faire certains annonceurs ou journalistes.
La génération Y impulse-elle un nouvel univers culturel sur le net ? Les marques
doivent-elles nécessairement penser que Génération Y = Réseaux sociaux ?
Ce travail se développe autour de deux hypothèses.
Hypothèse N°1 :
Pour toucher la génération Y il ne suffit pas d'utiliser des outils réseaux sociaux.
Hypothèse N°2 :
Il existe une culture Génération Y sur le web.
Dans une première partie, nous tenterons de définir les caractéristiques de la Génération Y au
regard du digital. Nous aborderons leurs pratiques médiatiques et ce qui fait dire aujourd’hui à
la sphère communication que pour atteindre cette génération, il faut obligatoirement travailler
la question du digital et des réseaux sociaux.
Dans un second temps, nous ferons un détour sur les méthodes ethnomarketing et
anthropologiques mises en place chez Saatchi & Saatchi + Duke pour étudier une cible de
consommateurs/individus. Puis, nous développerons sur la Génération Y d’un point de vue
sociologique : jeunes et société, jeune et âge adulte, jeune et loisirs etc. Puis, pour finir sur
cette partie plus sociologique nous définirons les grands attributs comportementaux de la GY.
Enfin, pour finir, nous nous pencherons sur les éléments qui fondent la Culture de la GY, des
éléments structurants qui passent d’un état d’esprit, le LOL à un objet fondateur, le mème.
Les derniers points traiteront du caractère spécial de cette culture qui repose sur l’image et le
visuel ; et de l’aspect curatif de celle-ci.
11
DEFINITION DES TERMES
GÉNÉRATION Marc Devriese dans Approche sociologique de la génération nous parle de la Génération. Est-
ce un terme polysémique (plusieurs significations) ou pluriel (qui indique un nombre de
déclinaisons supérieures à sa signification primaire) ?
Pour lui, il existe 3 axes pour définir la notion.
Un premier axe qui relève de la psychologie et psychanalyse. Cet axe se concentre sur l’âge et
la famille. C’est la génération qui est étudiée comme structuration de l’individu, de sa
personnalité, en analysant les mécanismes d’autorité et de transmission. Les études par ce
prisme se concentrent par exemple sur le complexe œdipien, les conflits parents-enfants, les
conflits jeunesses-société… Poussé à son paroxysme, cet axe se développe aussi via la
psycho-sociologie et tente de définir les cohortes démographiques de leur arrivée à leur
sortie de la pyramide des âges (dynamique générationnelle), l’analyse du parcours de vie (le
facteur âge, de la constitution et du rôle des groupes d’âges, la stratification), de la
modification des comportements dus à l’âge (behaviorisme) etc.
Le deuxième axe concerne la sociologie politique. Ici, les chercheurs tentent d’appréhender
les mécanismes par lesquels la société intègre les générations nouvelles (transmission
d’héritage, éducation, socialisation etc.).
C’est souvent l’impact des nouvelles générations dans le changement social qui est étudié.
Enfin, le dernier axe est celui de la recherche en sociologie historique. Il étudie le
positionnement commun d’individus dans la dimension historique du processus social.
Marc Devriese amène un questionnement pertinent dans son texte. Il est nécessaire de se
poser la question de la Génération en s’interrogeant sur les liens, les solidarités entre les
individus, ainsi que sur la multiplicité et la force de ces liens.
Fondamentalement, ce qui fait une Génération, ce peut être l’événement unificateur (une
guerre, un cataclysme…) mais surtout c’est une question de lien.
Les individus partagent une destinée commune (temps, lieu, culture), ils expérimentent les
mêmes problèmes historiques concrets, ils participent des courants sociaux et intellectuels
12
propres à leur société et leur époque, ils ont une expérience active ou passive des interactions
des forces qui créent une situation nouvelle.
La part d’individualité ne doit pas être occultée, chacun vit l’expérience à sa manière mais le
lien ténu qui existe entre les individus fonde la génération.
Au-delà, à l’intérieur d’une même « génération » il est possible de trouver des contrastes.
C’est ce que Devriese nomme des unités générationnelles : « groupes d’individus qui
confrontent leur perception du réel, véhiculent des attitudes fondamentales, intégratrices, et
des principes formateurs qui ont une force socialisante. »
Notre réflexion repose plus sur cette dernière signification d’unités générationnelles.
GÉNÉRATION Y / MILLENIALS
La Génération Y a été identifié en premier lieu comme la population démographique née dans
les années 90, plus largement celle qui a connu Internet dès sa naissance.
Cette définition est un peu restrictive. Dans les textes, la GY ou Millenials ou Digital Natives
représentent une tranche d’âge qui varie en fonction de l’auteur.
Ils peuvent être les 18-24 ans, ou les 18-35 ou uniquement les individus nés entre 1980 et
1990… Bref, les violons ne sont pas accordés.
Ils sont dans tous les cas reconnus comme les enfants qui ont grandi avec internet (pas
forcément depuis leur naissance) et qui connaissent les communications digitales.
Le plus simple serait encore de définir cette génération par rapport aux générations
précédentes.
Dans La génération Y, une classe d’âge façonnée par le Net de Marie Boëton, des ruptures
historiques ont façonnés les différentes « Générations » :
Pour les Baby-boomers, il s’agit de la fin de 2nd Guerre Mondiale, concernant la Génération
X, Mai 68 et enfin la GY, la révolution numérique.
Madsen Pirie et Robert M. Worcester vont plus loin dans la description des Générations dans
The Millenial Generation, en insistant notamment sur les éléments de culture populaire de
l’époque.
13
Les Baby-Boomers
Cette génération représente un groupe cohérent de personnes qui a grandi au milieu
d’expériences similaires et qui partagent un certains nombres de valeurs. Ce premier point
peut être un trait commun à toutes les générations. De manière stéréotypée, ils sont les
adolescents qui ont vécu l’arrivé du Rock’n’roll et d’une culture jeune tout à fait spécifique.
Aux USA, ils conduisaient des Chevies, ils ont vu le Président Kennedy se faire assassiner, ils
ont été les hippies Flower Power de Woodstock, ils se sont rebellés contre la guerre du
Vietnam etc. Ils sont caractérisés par une réussite professionnelle par rapport à leurs parents,
ils dominent le monde du business, de la finance et de la politique.
La Génération X
Ce sont les personnes nées entre 1965 et 1975, eux aussi partagent un certains nombres
d’expériences qui les définit en tant que Génération.
Ils ont connu les première récessions et crises, les premiers ralentissements sur le marché du
travail, l’augmentation des tensions sociales et de l’insécurité dans les villes. De plus, ils ont
connu une prise de conscience au niveau de l’écologie et de la nécessaire préservation de la
planète pour les générations futures.
Ils ont connus l’effondrement de l’URSS et des totalitarismes communistes mais aussi la
menace d’une guerre totale (nucléaire).
Ils ont également moins d’argent que leurs ainés et des habitudes de consommation
différentes (plus d’achat de vêtements notamment). Ils restent plus longtemps dans leur
famille et s’émancipent plus tard que les baby-boomers. Une tendance encore plus forte chez
la GY…
La Génération Y Nommée ainsi pour certain par rapport au Y qui se prononce « Why » en anglais4, ce serait
« la génération de la remise en question permanente des 15-30 ans concernant les décisions
de leurs ainés. »5
Selon Madsen Pirie et Robert M. Worcester, cette génération a subi encore plus de crises que
la précédente. Ils ont grandi dans une morosité économique latente et ne connaitront pas la
sécurité professionnelle de la GX ou des Baby-Boomers. 4 Pourquoi 5 La génération Y, une classe d’âge façonnée par le Net de Marie Boëton
14
Nous reviendrons plus précisément sur les caractéristiques de la GY dans sur la partie 2 de ce
mémoire.
RÉSEAUX SOCIAUX
En apparence terme contemporain, le mot « réseau » ne date pourtant pas d’aujourd’hui.
Pierre Mercklé, dans Les réseaux sociaux, les origines de l’analyse des réseaux sociaux, ce
terme apparaît au début du XVIIe siècle dans le secteur du textile.
« réseul » : « tisseur de fil faite à mailles, dont les filets, rets, poches, bourses et tirasses à
prendre poissons, connils, cailles et autres oiseaux sont faits ». Le terme, qui vient du latin
retis, entrelacs de lignes, désigne donc un tissu. Le terme se propage au fil des siècles
notamment dans le médical (réseau sanguin). Métaphoriquement le « réseau » explicite
l’entrelacement et le contrôle. Plus tard, s’ajoute une nouvelle métaphore, d’abord implicite,
celle de la circulation dont le réseau est le support. Le réseau désigne généralement au XIXe
siècle, l’ensemble des chemins, des routes, puis des voies ferrées qui parcourent une région ou
un pays.
Finalement, au fil de l’enrichissement du terme par glissement et métaphore, le réseau peut
désigner un certain nombre de propriétés générales intimement entremêlées :
l’entrelacement, mais aussi le contrôle et la cohésion, la circulation, la connaissance et la
représentation topologique.
D’un point de vue sociologique, le terme réseau désigne aussi les ensembles d’individus et les
relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres.
Réseau social semble donc être en réalité un pléonasme6 puisque dans l’idée même de réseau
il y a l’idée du social.
On trouve la première occurrence du terme « réseau social » dans un article de John A. Barnes
(1954) anthropologue britannique : « Social network ». Son terrain de recherche s’étendait
aux principes de la stratification sociale au sein de la communauté des Norwegian Island
Parish. Confronté à un phénomène, il invente le néologisme « Social network » pour essayer
d’expliquer en quoi les habitants de cette île, pris dans des relations étroites
d’interconnaissance, se considéraient comme appartenant à une vaste et unique classe
moyenne.
6 Figure de style où l'expression d'une idée est soit renforcée soit précisée par l'ajout d'un ou plusieurs mots choisis qui ne sont pas d'abord nécessaires au sens grammatical de la phrase – Source Wikipédia
15
En somme, à partir de cette première définition, nous pouvons dire qu’un réseau social
désigne un ensemble de personnes réunies par un lien social.
C’est avec l’avènement d’internet, à la fin des années 80 – début des années 90, que le terme
réseau social revêt une définition plus « digitale ». L’objet en est toujours social puisqu’il
s’agit de réunion de personnes physiques via des services numériques d’échanges
personnalisés, chacun décidant de lire les messages de tel ou tel autre utilisateur. Puis au fil
des avancées technologiques, notamment avec la technologie AJAX7 qui permet des
interactions plus rapides avec les pages Internet, le terme réseau social s’enrichit, s’étoffe.
C’est la naissance du web 2.0 où les utilisateurs peuvent interagir avec les pages internet. Dès
lors, différentes structures dynamiques de groupement social apparaissent : Copains d’avant
(le premier réseau social français), les blogs, Myspace, Viadéo & Linked In, Facebook,
Twitter, Pinterest, etc.
Les réseaux sociaux peuvent regrouper des amis dans la vie réelle, d’autres concernent la
création de cercles d'amis, trouver des partenaires commerciaux, un emploi etc.
Par expansion, le terme réseau social fait aujourd’hui écho à celui de medias sociaux définit
par Andreas Kaplan et Michael Haenlein dans Users of the World, Unite! The challenges and
opportunities of social media, comme étant « un groupe d’applications en ligne qui se fondent
sur la philosophie et la technologie du net et permettent la création et l’échange du contenu
généré par les utilisateurs ».
Il s’agit donc, par le biais de ces moyens de communication sociale, de la collaboration des
individus ou des groupes d’individus pour créer du contenu web, l’organiser, l’indexer, le
modifier ou le commenter, jusqu’à le combiner avec des créations personnelles.
CULTURE La Culture, parler de culture c’est s’attaquer à un « gros morceau », un terme millénaire qui
ne trouve aujourd’hui pas de définition fixe et unanime.
De nombreux chercheurs depuis les philosophes grecs, en passant par Lévi-Strauss ou
Durkheim se sont escrimés à la définir.
L’étymologie du mot culture, du latin colere (« habiter », « cultiver », ou « honorer ») suggère
que la culture se réfère, en général, à l’activité humaine.
7 JavaScript + XML
16
Le mot recouvre plusieurs concepts : civilisation, progrès technique, culture dans son sens
artistique (et ses déclinaisons art, danse, sport, écriture…), culture comme ensemble de
symboles d’une société ou d’un groupe, sociologie…
Le premier point à retenir est l’opposition entre culture et nature. Cette distinction est déjà
« culturelle » puisqu’elle suppose un état originel de l’homme et des opérations qui le
transforment par la suite.
Claude Lévi-Strauss, dans Les Structures élémentaires de la parenté (1947), thématise cette
opposition de la manière suivante : « Posons donc que tout ce qui est universel, chez l'homme,
relève de l'ordre de la nature et se caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint
à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier ».
Dans cette veine, le dictionnaire Larousse définit la culture comme étant l'ensemble des
pratiques sociales instituées, acquises et non innées.
L’encyclopedia universalis inaugure son propos sur la Culture par une citation de T.
Dobzhansky qui semble caractériser ce qu’est la culture contemporaine : « Étant donné que la
culture s'acquiert par apprentissage, les gens ne naissent pas Américains, Chinois ou
Hottentots, paysans, soldats ou aristocrates, savants, musiciens ou artistes, saints, chenapans
ou moyennement vertueux : ils apprennent à l'être. ».
La Culture serait d’abord une histoire d’acquis. Nous naissons tous égaux et les influences
(famille, état, institution) nous façonnent par imprégnation, identification puis apprentissage
explicite ; elle est transmise généalogiquement et non héréditairement.
Cette vision ethnologique de la culture peut être enrichie par une réalité sociologique, c’est
cette approche qui nous intéresse pour ce mémoire. Les travaux de Pierre Bourdieu sur une
perspective sociologique d’une théorie des goûts et des styles de vies (La Distinction. Critique
sociale du jugement, 1979), soulignent chaque catégorie sociale se caractérise par un certain
nombre de pratiques ludiques et symboliques, par des références imaginaires communes, qui
constituent son identité.
Toujours en terme de réalité sociale, Guy Rocher, sociologue Québécois propose une vision
proche de celle de Bourdieu : « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus
ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent,
d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité
particulière et distincte. »
17
Enfin nous terminerons par la définition donnée par l’UNESCO8 qui semble la plus globale :
« Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble
des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une
société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les
droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les
croyances. »
La culture semble donc représenter l’ensemble des biens matériels et immatériels produits par
l’activité humaine dans son sens le plus large : interactions sociales, croyances, normes,
valeurs, fantasmes, attentes etc.
POP CULTURE Le terme de pop culture – équivalent anglo-saxon de « culture de masse » – désigne un
phénomène culturel qui commence, selon l'historien Dominique Kalifa, dans la décennie 1860
et se développe tout au long du 20e siècle. La pop culture englobe l'industrie culturelle et les
médias de masse sous toutes leurs formes, de la presse jusqu'à Internet, en passant par le
cinéma, la radio et la télévision9.
Il s’agit d’une forme de culture dont la principale caractéristique est d'être produite et
appréciée par le plus grand nombre, à l'opposé d'une culture élitiste ou avant-gardiste qui ne
toucherait qu'une partie aisée et/ou instruite de la population10.
A défaut d’avoir une définition claire et fixe, la pop culture se définit le plus souvent en
opposition aux autres types de culture.
Il ne faut pas confondre pop culture et Culture de masse. Le premier est caractérisé par le
nombre : le nombre de personne qui partage cette « culture », alors que la Culture de masse
désigne une forme de culture liée à la société contemporaine ; elle est souvent associée à une
société de consommation où une grande part des rapports entre les hommes sont fondés sur
ou régis par des processus économiques et où la consommation et les volontés des entreprises
deviennent des phénomènes de société. Il s'agit donc d'une forme de culture destinée au plus
grand nombre, et ayant de puissants soubassements économiques11.
8 United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization 9 TRANS- N°9 : "POP CULTURE" – Revue sur internet 10 Source Wikipédia 11 Source Wikipédia
18
Les Cultural Studies sont les études les plus connues dans le domaine de la Culture Pop. Il
s’agit d’un courant de recherche transdisciplinaire (sociologie, anthropologie culturelle,
philosophie, ethnologie, littérature, médiologie, arts, etc.) qui étudie les cultures populaires,
minoritaires ou les contestataires.
19
PARTIE 1. DIGITAL ET RÉSEAUX SOCIAUX UNE RÉALITÉ CHEZ LES PROFESSIONNELS DE LA COMMUNICATION POUR ATTEINDRE LA GÉNÉRATION Y
20
La Génération Y est une génération façonnées par le net. Nous retrouvons dans les
valeurs intrinsèques au web un état d’esprit porté par cette Génération.
Cette génération a toujours connu le digital, les marques ne peuvent donc pas faire l’impasse
sur ce point de contact primordial pour toucher les jeunes. Ils ont grandi et grandissent encore
à travers une identité numérique forte et cela se retrouve dans leur pratique médiatique
quotidienne. Nous montrerons, à travers des études et un Persona quel est le comportement de
la GY en matière de média. Nous soulignerons également les bonnes pratiques que doivent
employer les marques pour atteindre cette population.
1. LA GENERATION Y : GENERATION DIGITALE 1.1. Des valeurs portées par le web en adéquation avec l’état d’esprit des jeunes
Le web 2.0 porte de manière intrinsèque des valeurs qui parlent à la génération Y et plus
largement à la jeunesse.
Il s’agit d’un système de pensée particulier, façonné par son histoire. Les premiers
développements technologiques laissent des traces qui aujourd’hui peuvent expliquer
pourquoi la Génération Y est une génération digitale.
Les premiers temps d’internet sont les temps des universitaires et des contre-cultures, un mixe
entre l’imaginaire des créateurs de logiciels libres et de contre-cultures californiennes.
On attribue souvent la naissance d’internet à l’armée mais il s’agissait plus de compter sur la
dynamique créée par les universitaires. A l’origine, les concepteurs sont les usagers. Des
usagers qui possèdent certaines caractéristiques. Ils évoluent dans une communauté sans
hiérarchie, leurs travaux reposent sur l’idée de collaboration en utilisant le réseau et sur une
intelligence collective. Leur objectif en créant internet est de pouvoir partager la capacité de
calcul des ordinateurs à distance et de pouvoir communiquer avec d’autres chercheurs à
distance.
L’autre pan est celui des Hackers, ces personnes qui aiment fouiller, expérimenter les détails
des programmes informatiques pour en étirer les potentialités. Le Internet Users' Glossary
21
définit le hacker comme une personne qui apprécie particulièrement avoir une compréhension
intime de l’infernal fonctionnement d’un système informatique, d’un ordinateur et des réseaux
en particulier.
Ils impulsent le développement d’internet et l’expansion des petits ordinateurs, pour une
démocratisation du web. Ceux-ci s’inscrivent dans des contre-cultures américaines :
- La culture Hippie qui souhaite redévelopper les réseaux commerciaux locaux à travers
les réseaux informatiques. Ils s’inscrivent dans une idéologie apolitique, non
conformiste et révolutionnaire.
- Le mouvement « Small is Beautiful », mouvement d'idées, contemporain des années
70, qui peut être considéré comme défenseur de la décroissance qui tente de récréer la
proximité grâce aux réseaux.
- Les hackers : ils ne sont pas universitaires mais passionnés par l’informatique. Ils
mettent en place des outils pour ces contre-cultures.
Ces types de communautés cohabitent et développent ensemble des réseaux distincts à travers
une idéologie des TIC encore actuelle. Des communautés qui portent les valeurs de liberté
d’expression sans limite, l’idéal égalitaire, l’échange désintéressé, la création collective et le
Do-it-Yourself12.
Cette culture libertaire profondément enracinée dans l’histoire du web prône une autonomie
des personnes, un refus des contraintes collectives et une méfiance face aux Institutions et à
l’Etat ; autant de valeurs en affinité avec l’état d’esprit de la jeunesse.
D’une part, les valeurs portées par Internet font écho à celle des jeunes, d’autre part, ils ont
été façonnés par le net. Une double influence qui les rapproche d’autant plus.
1.2. Une classe d’âge façonnée par le net
Marie Boëton nous explique dans son texte, La génération Y, une classe d’âge façonnée par
le Net, que le digital fait partie du quotidien de cette Génération. Il relève même de
l’évidence, certains le comprennent de manière « génétique », à la limite de l’inné.
12 En français, « Faites le vous-même »: activité qui a pour objectif de créer des objets de la vie courante, des objets technologiques ou des objets artistiques de manière artisanale
22
Comme nous avons pu le voir précédemment, les sauts et ruptures historiques ont façonnés
les « Générations » : les Baby-boomers et la fin de Second Guerre Mondiale (1945), la
Génération X avec les révolutions de Mai 68 et enfin la génération Y… et la Révolution
numérique.
Ils sont entourés d’écrans, ils montrent une dextérité extrême quant à l’utilisation des outils
technologiques et ils vivent connectés au net. Autant de caractéristiques qui bouleversent d’un
côté les méthodes d’apprentissage et le comportement au travail dans le futur ; et de l’autre,
les manières de se socialiser, se cultiver et militer.
Les jeunes se forment une écologie numérique caractérisée par une cybersocialisation avec
une identité numérique singulière, une projection de soi, dont les réseaux sociaux se placent
au cœur. Facebook est en effet devenu le lieu d’expression, de partage et d’échange privilégié
des jeunes. Un lieu d’expression qui se trouve tout de même sur le déclin.
Notamment parce que les parents s’y sont mis aussi, chahutant cette identité numérique si
méticuleusement construite et les codes communicationnels induits par ces réseaux :
s’épancher sur sa vie personnelle à la manière d’un journal intime, un lieu auquel les parents
ne doivent pas avoir accès en temps normal.
Aujourd’hui, d’autres plateformes trouvent grâce aux yeux des jeunes. Dans l’infographie
suivante, on nous parle de Tumblr notamment, qui en pourcentage d’utilisation dépasse
Facebook (61% contre 55% pour Facebook). Mais aussi de nouveaux usages qui apparaissent
avec le mobile. Toujours plus d’instantanéité, un accès au web en direct qui façonne les
jeunes d’aujourd’hui et leurs usages du web.
23
Infographie Teens & Social Media Right Mix Marketing
24
1.3. Un nouveau challenge pour les marques : Comment atteindre la Génération Y ?
Aux vues de ces spécificités, du côté des marques et des annonceurs, certains éléments sont à
prendre en compte pour toucher la Génération Y de manière efficace.
Lors de la conférence MCON1313, et notamment des sessions de blogging Live Millenials &
Social Media, l’intervenante, Jessica Mason14 encourage les entreprises à penser 3C lorsqu’il
s’agit de lancer une campagne pour toucher les Millenials.
Content (Contenu) : des contenus riches et de qualité. C’est ce que l’on appelle le
Brand Content, devenu le mot à la mode ces derniers temps. Le contenu de marque (ou
Brand content) désigne des contenus éditoriaux comme des conseils, des articles
pratiques, des documentaires etc. proposés sur Internet le plus souvent mais également
sur des supports papier ou en TV. De plus en plus, il prend la forme de vidéos, de
jeux, d’expositions, de livres, etc.
Community (Communauté) : du contenu qui peut être partagé.
Connecting (Connexion) : utiliser les différentes communautés qui reçoivent le
message pour créer une audience existante plus globale car Le Tout est supérieur à la
sommes des parties comme le dit Aristote.
Au cours de mon stage et en travaillant sur la manière de toucher la génération GY j’ai
également pu me construire une idée des bonnes pratiques à avoir en tant que marques pour
réussir à capter l’attention des Millenials.
Pour s’adresser aux Yers, il est nécessaire de tenir compte des attentes de la cible.
L’aspect divertissement est essentiel. Une annonce publicitaire ne suffit plus, ainsi, il est
nécessaire de raconter une histoire et de stimuler l’imaginaire à travers toutes les prises de
parole de la marque. Dans le cadre de mon stage, j’ai été amenée à travailler sur des
13 The Millenials Impact Conference 2013 : Journée de discussions et de réflexion autour de la question de la génération Millenials regroupant 15 dirigeants d’entreprise à but non lucratives, d’entreprises commerciales et technologiques. La conférence s’organise autour de grand domaine : la connexion, l’implication et des clés de compréhension pour comprendre comment engager la GY à des causes, aussi diverses soit-elle. La conférence fournit un cadre conceptuel pour la mise en œuvre de nouvelles initiatives axées Millenials. 14 Directrice de la Stratégie digitale d’une grande entreprise américaine
25
écosystèmes de marque pour un annonceur qui voulait toucher cette cible. Certains
présentaient la spécificité d’avoir de multiples points de contacts avec la cible, notamment sur
les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou Youtube, chacun racontant un bout de
l’histoire globale de sa marque. Prenons l’exemple de la marque de bière Desperado. Celle-ci
travaille sur des mécanismes d’engagement et de gamification15 qui permettent de toucher
durablement et au cœur la cible des Millenials. La GY est une génération de joueurs et il faut
lui donner les moyens de jouer avec la marque.
La marque s’est appuyée sur un mécanisme de buzz, comme beaucoup d’autres, pour faire la
promotion d’une soirée événement, visant à réunir des jeunes qui veulent faire la fête.
Elle a récemment communiqué sur l’événement à travers un jeu de piste sur Facebook pour
faire gagner des places à son événement exceptionnel de 2013. Avec différents indices révélés
sur la page fan de la marque, l’internaute pouvait deviner l’adresse du lieu (tenue secrète) et
gagner des places en soumettant sa réponse.
Elle s’est aussi appuyée sur une série de vidéos virales mettant en scène des jeunes qui, au
cours d’une promenade, tombent sur une fête déjantée.
La question de l’interactivité est aussi primordiale. Il est normal que les marques pensent
directement réseaux sociaux lorsqu’il s’agit d’atteindre la cible GY. Ces innovations
technologiques présentent un potentiel d’interactivité fort en ouvrant des dialogues entre
marque et consommateur sur des espaces dédiés et pensés dans cette optique. J’ai pu travailler
sur la stratégie social media de l’OR Espresso, il est vrai que la cible n’est pas vraiment celle
des Millenials mais la construction de la stratégie était clairement accès à provoquer la
discussion et l’engagement des fans.
Des marques comme Oréo, ont bien compris cette problématique et ont relevé le défi haut la
main l’an passé avec la campagne Oréo Daily Twist.
Afin de devenir une marque référente de la culture pop, Oréo a monté une opération sur sa
page Fan Facebook, quotidienne et au plus proche de l’actualité. L’objectif était de démontrer
que cette marque centenaire était pourtant encore profondément ancrée dans l’air du temps.
L’idée de l’opération était de passer d’une marque populaire à une marque de pop-culture, en
poussant chaque jour une création quotidienne inspirée de l’actualité.
15 En français : Ludification ou art de faire appel aux mécaniques du jeu
26
Les résultats de l’opération ont été spectaculaires avec 433 millions de vues sur Facebook et
+280% de Share16. Le deuxième chiffre montre clairement l’interactivité entre la marque et
ses fans qui n’ont pas hésités à partager les petites actus’ Oréo chaque jour et à participer ainsi
à la pérennité de la marque sur le réseau social. De nombreux commentaires ont également été
dénombrés à chaque nouvelle image postée.
Il est même recommander d’aller au-delà de la simple interactivité et de donner aux Yers la
possibilité de se sentir unique en jouant sur le levier de la personnalisation. Nous nous
sommes penchés sur cette question pour un appel d’offre pour un site de E-commerce.
Voulant rajeunir leur cible (à l’heure actuelle plutôt les femmes de 35-40 ans avec enfants), il
a été nécessaire de leur montrer que la possibilité de personnalisation des produits est
essentiel pour cette cible. A travers deux exemples qui sont les suivants, deux sites de E-
commerce qui sont novateurs sur cette question et qui s’adressent aux jeunes. Certains points
de vente digitaux jouent sur l’hyperpersonnalisation des produits proposés.
United style est un site de e-commerce qui permet aux internautes de designer ses propres
vêtements. Ce E-Store propose de customiser chaque éléments du vêtement : des
mensurations, en passant par les couleurs, les matériaux, le style du vêtement (veste, robe,
pantalon), les imprimés etc.
16 Actions de partager du contenu sur Facebook
Campagne - Oréo daily Twist
27
Shoe Dazzle traite la question de la personnalisation d’une autre manière en proposant un
dressing shoes personnalisé. Avant de parvenir au site, l’internaute doit répondre à un court
quizz aux questions plus diverses les unes que les autres. En fonction du résultat, 24h plus
tard, son espace chaussure personnalisé lui est proposé avec des modèles qui correspondent à
ses gouts.
www.shoedazzle.com/
www.unitedstyles.com/
28
Enfin, il est nécessaire pour une marque qui veut dialoguer avec la GY d’utiliser leurs codes
culturels, sans tomber pour autant dans le jeunisme ou la caricature, certaines marques s’y
étant abimées comme Cuisinela et son bad buzz de Décembre 2012. Voulant toucher la cible
des jeunes qui emménagent en foyer avec une offre de cuisine « tout compris à un prix
accessible », la marque a débarqué sur les réseaux sociaux avec un concept créatif soit disant
innovant jouant sur les codes des jeux vidéo comme Counter Strike17 et la tendance des
Zombies appréciée par les jeunes. Seulement, faire l’écueil des tendances qui plaisent à la GY
ne suffit pas, le spot viral a été très mal reçu et peu compris par la cible.
2. GÉNÉRATION Y = RÉSEAUX SOCIAUX ?
2.1. Génération Y et média : quelle réalité ?
Pour mieux comprendre le lien entre Génération Y et réseaux sociaux, nous nous appuierons
sur une étude : Les Digital Natives, réalisée par le Channel planneur de SSD avec lequel j’ai
été amenée à travailler sur différents projets. Son rôle est de créer des écosystèmes
médiatiques adéquats pour créer l’impact désiré de la stratégie de communication publicitaire.
Son travail va au-delà du médiaplanning traditionnel puisqu’il apporte une vision plus large
sur les différents canaux de communication : réseaux sociaux, événementiel, médias mobiles,
PLV18, guérilla marketing etc.
Cette étude a pour objectif de comprendre qui sont les Digital Natives19 aujourd’hui pour
mieux analyser ce qu’ils seront demain, elle repose sur des études prospectives disponibles
sur le marché qui montrent les tendances à venir et décrivent les grands mouvements de
consommation média.
Ce travail repose sur des données marché : Idate/ Forrester ; des données référents : Media
360, les 15-24 ans (Médiamétrie 2007); des données sociologiques : Comment le web change
le monde (Francis Pisani, Dominique Piotet) ; des sources instituts : Génération gratuité –
CSA (2008) etc. Mais aussi des points de vue d’experts et des « paroles de jeunes ».
17 Jeu vidéo de tir subjectif multijoueur en ligne basé sur le jeu d'équipe – Source Wikipédia 18 Publicité sur le lieu de vente 19 Personne ayant grandi dans un environnement numérique
29
Voici, de manière résumé, les points forts de la présentation sur les Digital Natives. Si nous
traitons de manière rapide la question de l’usage des médias par la GY c’est parce que ce
n’est pas le cœur du sujet de ce mémoire. Il est tout de même important d’avoir en tête les
habitudes de consommation médiatique des Millenials.
Les DN ne sont pas une simple tendance marketing
Leur évolution dans un environnement profondément digital a des conséquences profondes
sur leur personnalité, leur rapport aux autres, aux marques et aux médias.
Les média traditionnels ne disparaissent pas, ils sont en mutation
La télévision n’est pas « morte » comme certains ont pu l’annoncer, elle doit s’adapter aux
nouvelles pratiques induites par la nouvelle génération.
La presse quant à elle continue d’être au cœur des pratiques, mais doit avant tout s’adapter à
des nouvelles habitudes de lecture : magazines digitaux, sites mobiles, tablettes tactiles,
lecture en mobilité etc.
Le seul média qui souffre de ces nouvelles évolutions est la radio. Le déficit d’audience se
creuse et de nouvelles pratiques d’écoute émergent (notamment en podcast et streaming).
Internet devient le métamédia par excellence On trouve ce nom de métamedia dans les écrits de Marshall Macluhan, grand théoricien des
sciences de l’information et de la communication. Les métamedia font référence à une
nouvelle relation entre la forme et le contenu dans le développement des nouvelles
technologies et des nouveaux médias. Internet permet d’avoir accès et d’utiliser d’une
nouvelle manière une accumulation de média. Ceux-ci sont présents, internet les agrège et
devient le lieu où tout est accessible et où tout ce passe.
A titre d’exemple nous pouvons citer les chaines TV qui rediffusent leurs programmes sur
internet, ou les grands journaux qui proposent les mêmes services qu’en papier mais de
manière numérisée. Internet est le grand marché du media où tout se trouve et tout s’échange.
Ce métamedia fait donc converger les différentes pratiques médiatiques vers le tout
numérique.
30
Schéma 1 : Vers un cumul des médias numériques à horizon 202020
Dans le schéma suivant, nous pouvons nous rendre compte que les pratiques médiatiques
traditionnelles convergent vers un format digitalisé.
L’exemple le plus flagrant est la télévision qui de 1940 à 2000 occupe une grande place dans
le temps moyen passé par semaine mais qui, depuis les années 2000 tend à être remplacé par
la TV digitale.
Depuis 2000, internet, la radio digitale, le mobile et les jeux prennent une place de plus en
plus importante. 2020 sera-t-elle l’année du tout digital ?
Internet est un un média « réflexe » pour les DN et la GY plus globalement La consommation est certes variée (musique, films, vidéos, podcast, surf aléatoire) mais elle
va en s’accentuant. Le temps passé sur ce média est quotidien, plus important on assiste à une
démultiplication des terminaux de connexion qui permettent une connexion plus rapide et
fluide.
Internet devient un outil de communication, au sens de relation d’un émetteur à un récepteur,
notamment à travers les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook. C’est également un
outil de partage.
La GY se composent d’individus qui sont des producteurs de contenus : musiques, textes et
photos sur leurs blogs, vidéos prises avec leur téléphone portable etc. mais aussi diffuseurs de
pratiques en innovant online et qu’ils font partager à leurs ainés. 20 Source ibid.
31
Génération Y = Digital Native + Digital Adopters21
Le cœur de la génération Digital Natives est né après 1997 mais elle s'inscrit dans un groupe
d’individus plus large que constitue la Génération Y qui possède certaines caractéristiques.
- Une identité augmentée sur le web mais parsemée sur les multiples réseaux et lieux
d’expression : blogs, réseaux sociaux
- Une recherche de liens authentiques et utiles au quotidien
- Une définition de soi plus globale qui dépend aussi du collectif
De tous temps, les jeunes intègrent avec facilité les nouveaux médias. Enfants de la
révolution numérique, leur rapport aux médias a été bouleversé et de nouveaux caractères
émergent.
Immédiateté : Nécessité de la mise à disposition gratuite de tous les contenus partout
et tout le temps
Identification : Les considérer en tant qu’individus uniques, à même d’avoir un avis
qu’ils peuvent diffuser auprès de leurs pairs via les nouveaux médias considérés
comme des supports d’échange
Hyper compétents : Ils ont acquis une maturité sur internet et sur la question des
médias, favorisée par cette culture de l’échange permanent.
21 18-30 ayant franchi une étape de la vie adulte : emploi, vie de couple, enfant
32
2.2. Illustration du comportement d’un individu de la GY
Afin d’illustrer de manière moins théorique ces éléments, nous vous proposons de découvrir,
Nathalie, un persona créé dans le cadre d’une présentation pour un client international.
Un PERSONA est un archétype d’utilisateur. C’est une représentation fictive d’un
consommateur cible, qui aide à guider les décisions marketing (communication, nouveaux
service, prix des produits, conception d’interface...) en se donnant une idée de qui
achète/utilise mon produit ou service.
Cette méthode, initiée par Alan Cooper à la fin des années 90, est centrée sur l’Utilisateur. La
construction d’un persona est le produit d’ateliers de travail, d’entretiens, d’études
scientifiques et marketing. Un persona est en somme une vision commune et partagée des
utilisateurs par rapport à un produit ou service. Le persona permet de se centrer sur, les
objectifs, les attentes et les freins des consommateurs dans le processus d’achat.
Avec les personas, il s’agit en fait de faire “la moyenne” des données étudiées pour dégager
une entité stéréotypée d’utilisateur/consommateur/individu.
PERSONA NATHALIE
Le brief : Dessiner une image du comportement digital de Nathalie
Nathalie est dans la vingtaine flamboyante, c’est une « Globalista » (une sorte de
citoyenne du monde), très cosmopolite, intégrée dans le village mondial, intelligente,
qui aime être « au courant », toujours branchée sur ce qui se passe et qui aime
découvrir de nouvelles choses.
Les expériences sont très importantes pour elle, c’est ce qui lui donne son statut de
leader d’opinion auprès de ses amis.
Il ne va pas sans dire qu’elle est également sophistiquée, cultivée et qu’elle aime les
choses pointues.
Ses passions : l’art, les films, la mode, les voyages, la nourriture mais le tout avec une
certaine intégrité.
Elle aime les choses « fait main » ou issues d’un savoir-faire particulier. Elle n’achète
pas que du bio mais elle en apprécie les bénéfices aussi bien sur sa santé que sur la
société en général.
33
Elle fait attention à ses dépenses mais elle est prête à payer des produits
« premium »22.
Les questions auxquels il faut répondre :
- Quelles technologies (outils et formats) utilise-t-elle ?
- Pour quels usages spécifiques utilise-t-elle telle ou telle technologie ?
- Quel est son comportement digital (consommatrice/créatrice/partageuse ?) et où va-t-
elle ? Quel outil utilise-t-elle en fonction de son comportement ?
- Au regard de ses passions, quels sont ses lieux préférés online ? Où les trouve-t-elle ?
Pour la construction de ce persona, nous nous sommes appuyés sur les études suivantes :
Connected Screens and multitasking - Groupe M & SFR Régie
Pinterest : stakes and interests for Brands - Dagobert
L’observatoire des écrans connectés, Groupe M & SFR Régie, mars 2013
The mobil consumer, a global snapshot, Nielsen Research: Mobile consumer report 2013
Understanding today’s smartphone user : Demystifying data usage trends on cellular & Wi-
Fi networks, Informa Telecoms & Media sponsorisé par Mobidia
Mais aussi sur des discussions que nous avons pu avoir avec notre entourage, nos proches
étant dans la cible. En utilisant toutes ces données, nous avons pu dresser le comportement
digital journalier de Nathalie.
FOCUS - Please, meet Nathalie
Nathalie utilise son smartphone de manière centrale dans sa vie de tous les jours mais surtout
dans sa vie digitale.
Elle consulte internet environ 1 fois par heure et l’utilise surtout en mobilité (voyage vers le
lieu de travail, dans les transports publics, au centre commercial, dans la rue etc.). Un fait
étonnant est que le smartphone est utilisé dès le réveil et que c’est le dernier point de contact
avec internet avant de se coucher. Il est donc l’accompagnateur des journées de Nathalie.
22 Produit d'une marque nationale positionné haut de gamme. De ce fait, son prix est généralement plus élevé que celui de ses concurrents – Définition du glossaire marketing
34
L’ordinateur quant à lui est plutôt une plateforme de “mode de vie”. Il s’utilise certes dans le
cadre de travail mais l’ordinateur personnel, à la maison, n’a pas la même fonction. Il permet
la sérendipité23.
Nathalie l’utilise pour voir ce qui se passe sur ses réseaux sociaux (Facebook, Twitter,
Pinterest et réseaux professionnels), regarder ses sites favoris, des vidéos virales, des blogs et
écouter de la musique en streaming.
Elle passe 4h par jour sur internet en moyenne pour des occupations « privées ». Si l’on
rajoute à cela les pauses qu’elle s’accorde au travail, ce temps explose.
En tant que véritable Millenials, elle pratique le multitasking, c’est à dire qu’elle utilise
plusieurs appareils technologiques en même temps (ordinateur, tablette, smartphone...).
Cela s’incarne notamment dans sa pratique télévisuelle, elle ne regarde plus passivement
l’écran comme pouvaient le faire ses parents. Aujourd’hui, elle commente en live ses
programmes sur Twitter ou Facebook.
Elle surfe sur internet en même temps et spécialement sur les réseaux sociaux. Une étude du
groupe Nielsen de juillet 2013 montre que Facebook attire plus d’audience 18-24 ans sur la
période prime-time que n’importe quel média.
D’un point de vue comportemental, nous pouvons dire que Nathalie souffre du phénomène
FOMO (Fear Of Missing Out). Cet acronyme anglais fut en premier lieu utilisé pour les
accros aux réseaux sociaux. Il est définit de la manière suivant sur le dictionnaire urbain24 :
Syndrome touchant les dingues de réseaux sociaux, qui se traduit par une crainte de rater « le
super évènement » ou « la super soirée » jusqu’à l’angoisse. Mais il peut également être
généralisé à l’usage d’internet. Aujourd’hui, avec un accès étendu à l’information grâce au
web, manquer une info, aussi infime soit-elle peut être ressenti comme un échec pour bon
nombre de personne. Nous pourrions parler de Twitter qui joue intrinsèquement sur ce
phénomène. L’information est instantanée et celui qui la rate n’est pas « In ». Twitter est
fréquenté surtout par un public de news junkies, accros à l'information. Le réseau s'est
aujourd’hui créé une réputation dans les breaking news, c'est-à-dire les informations urgentes.
23 Fait et talent de trouver constamment par le biais des liens hypertextuels une grande quantité de choses inattendues mais intéressantes (web, blog, images, forum, vidéos, etc.) bien qu'hors sujet de la recherche - Source Wikipédia 24 http://dictionnaire-urbain.fr/
35
Schéma 2 : Comment le contenu viral se répand
En guise d’illustration, un schéma humoristique sur le cycle de la viralité des contenus sur le web. Il s’agit
d’une courte vidéo virale d’un chat déguisé en requin sur un aspirateur intelligent qui a fait le buzz il y a
quelques mois.
Si nous revenons sur le cas de Nathalie, elle ressent le besoin de garder un contact permanent
avec ses proches via son smartphone avec des sms et des e-mails, sur ses réseaux sociaux et
applications comme Viber et What’s app (qui permettent d’envoyer des messages
gratuitement à l’étranger par le wifi ou la 3G25).
Lorsqu’elle est chez elle, Facebook, Twitter et Youtube sont des plateformes incontournables
pour débuter ses soirées. Ils sont même aujourd’hui considérés, en marketing, comme un
second moteur de recherche après Google.
En matière d’usages, nous remarquons que Nathalie n’a pas délaissé les médias traditionnels
pour autant, surtout la presse magazine. Aussi, elle est dorénavant en contact avec ses 25 3G : norme de téléphonie mobile. Cette norme constitue la « troisième génération » après la téléphonie numérique à modulation de voix analogique (1G) et la norme GSM (2G).
36
marques média26 préférées sur internet par le biais de leur fan page sur les réseaux sociaux et
autres sites.
Concernant ses marques favorites, elle les suit également sur Facebook et Twitter dans
l’optique de partager et de participer à l’histoire de marque.
Pour Nathalie, c’est surtout un bon moyen d’obtenir des informations de première main en
exclusivité, de gagner aux jeux concours et de faire partie des quelques privilégiés aux
événements de Marque.
Elle passe en moyenne 5 heures par semaine sur Facebook.
Pour finir, afin de répondre au brief de manière détaillée, nous avons dressé des listes de
points de contact online pour les passions de Nathalie décrites ci-dessus. Celles-ci sont plus
détaillées dans l’ANNEXE 1.
En matière de mode de vie, Nathalie suit des sites et blogs internationaux de Lifestyle qui lui
donnent une vision du monde contemporaine et visionnaire.
Elle aime également surfer sur les sites d’humour décalé qui s’expriment sur un ton cynique,
moqueur et non-conformiste par rapport aux média traditionnels. Enfin, pour s’inspirer, elle
se connecte sur Pinterest pour affiner et montrer son univers iconographique.
Pour ce qui est de la mode, elle fait confiance aux bloggeuses tendance puisque se sont des
filles comme elle. C’est d’ailleurs pour cela que les agences de communication mettent en
place de plus en plus souvent des plans media dont une partie du budget est consacrée aux
opérations spéciales d’E-Influence. Les bloggeurs incarnent un véritable relais d’information
auprès d’une communauté d’internautes et d’e-consommateurs qui ont confiance.
En bref, elle s’est ainsi constituée un cluster d’outils ATAWAD : Any Time, Any Where, Any
Devices. Cet acronyme, marque déposée par Xavier Dalloz depuis 2002, se définit comme la
tendance selon laquelle les individus souhaitent de plus en plus pouvoir accéder à un
26 La marque média est tout une appellation utilisée pour désigner une marque qui devient producteur / éditeur de contenus médiatiques. Pour la marque média, l’intérêt est de bénéficier d’une exposition plus qualitative que celle obtenue généralement sur les supports publicitaires traditionnels et de ne pas partager l’espace d’exposition avec d’autres annonceurs. Le concept de marque média s’est développé avec l’émergence des médias numériques (Internet, jeux vidéos, mobiles, etc.) qui rendent la production plus accessible, mais on peut noter que des pratiques de marque média avaient déjà lieu avec par exemple l’édition de consumer magazines – Définition du glossaire marketing
37
contenu, une information ou une offre marchande quelque soit le moment, le lieu ou le mode
d’accès (TV, ordinateur, mobile, tablette, console, etc.27)
Selon la Règle du 1% de William C. Hill travaillant aux laboratoires de AT&T28, dans la
cyberculture, également appelée principe 90-9-1, moins de 1 % de la population contribue de
façon proactive à l’activité d’internet, 9 % participe occasionnellement et 90 % sont des
observateurs qui ne contribuent jamais. Cette loi reflète le fait que la participation est
extrêmement inégale dans une communauté en ligne. Nathalie se positionne dans la masse des
90% mais tend à devenir une participante occasionnelle.
Elle a un comportement digital qui améliore son mode de vie : elle creuse, elle trouve, elle
regarde, elle se cultive sur ses différents outils.
En ANNEXE 1, vous trouverez la présentation – Nathalie Digital Behavior – réalisé dans le
cadre de mon stage chez Saatchi & Saatchi + Duke
27 Définition du glossaire marketing 28 Fournisseur d’accès internet aux Etats-‐Unis
38
PARTIE 2. LA GENERATION Y LE « JEUNE » D’UN POINT DE VUE SOCIOLOGIQUE
39
Dans le cadre de mon stage chez SSD, j’ai eu l’occasion de découvrir de nouvelles
techniques d’études, moins littéraires, plus anthropologiques, pour comprendre le
consommateur. Nous avons parlé ci-dessus des Personas.
D’autres méthodes sont implémentées à l’agence afin d’être toujours au plus près du Vrai.
Cette notion de vrai revêt toute son importance. Les stratégies de communication publicitaire
ne devraient pas être faites pour gagner des prix ou faire plaisir à l’annonceur (en théorie),
elles sont faites pour les consommateurs.
C’est notamment par le biais de ces méthodes que nous avons pu dresser en suivant un
portrait de la Génération Y et en nous appuyant sur différentes études. Ici, le portrait se
compose d’une attitude vis à vis de la société, de l’âge adulte, des loisirs etc. et des attributs
qui peuvent être donnés à ces individus.
1. POINT METHODOLOGIQUE
1.1. Apports anthropologiques et ethnographique au domaine de la publicité
Les méthodes anthropologiques sont intéressantes pour le domaine de la publicité et du
marketing, dans la mesure où les individus ne vivent pas repliés sur eux-mêmes mais dans un
environnement social qui impacte sur leur manière de penser et leur comportement d’achat
notamment.
Selon Norbert Rouland, spécialiste de la question anthropologique dans le juridique, cette
nouvelle branche de l’anthropologie est l’« étude de l’homme dans sa diversité dans tous les
espaces chronologiques et tous les espaces géographiques ». Le professeur Erice Vernet nous
parle également des techniques ethno–anthropologiques en tant qu’étude qualitative des
comportements d’un point de vue culturel et social plutôt que cognitif.
Il s’agit de techniques d’anthropologie culturelle qui abordent les croyances, les valeurs et les
coutumes qui influent sur le comportement de consommation. Mais aussi les facteurs et
influences, externes ou internes, de décision qui sont nombreux pour n’importe quel type
d’achat.
40
Dans un état de l’art de La contribution de l’Anthropologie au marketing, on nous parle
d’ethnomarketing, néologisme inventé par Dominique Desjeux, sociologue spécialiste de
l’anthropologie de la consommation.
L’anthropologie a pour but le décryptage des différents aspects de l’homme qui le distinguent
de l’animal. Il est désormais commun en marketing d’utiliser des méthodes d’anthropologie
plus naturalistes en lieu et place de méthodes purement scientifiques dans l’optique d’analyser
des faits culturels qui influencent le comportement des individus et les échanges qui sont à la
source de toute relation sociale.
L’ethnomarketing emprunte également à l'ethnographie29 des méthodes d'étude du
comportement du consommateur.
« C'est afin d'affiner l'observation des pratiques des offreurs et des consommateurs, en
s'approchant le plus près possible de leurs micro-comportements variés et changeants, que le
personnel marketing recourt, depuis peu, à des approches empruntant aux méthodes des
ethnographes et des ethnométhodologues, regroupés sous la dénomination
d'ethnomarketing.»
Olivier Badot
1.2. Xploring
« Si vous voulez comprendre comment chasse un tigre, n’allez pas au Zoo, allez dans la
Jungle. ». C’est ainsi que Saatchi & Saatchi Germany inaugure son propos sur l’Xploring.
Dans l’optique d’extirper aux consommateurs de vrais insights30 et prévisions sur les
tendances à venir, le réseau Saatchi & Saatchi a développé une technique d’entretiens qui
peuvent être qualifiés de semi-directifs. Néanmoins, les Xploring vont plus loin.
Les Xplorers s’immergent totalement et vont à la rencontre des « vrais gens » dans des
situations réelles de leur quotidien. Ils se joignent aux conversations, se font de nouveaux
amis et sont à la recherche d’expériences réelles et honnêtes sur ce qui compte vraiment. Car
au final, au-delà des motivations d’achat, ces personnes ont une histoire, des attentes, des
envies et des espoirs.
29 Etude descriptive des peuples et des groupes humains. 30 Un consumer insight est une opinion ou attente dominante présente et détectée chez les consommateurs d’un produit qui sert à orienter les discours publicitaires et la politique de commercialisation - Définition du glossaire marketing
41
Les Xploring ne sont pas des focus groupe où les interviewés sont étudiés à travers une vitre
sans teint. Les Xploring dissolvent la limite entre l’agence et le consommateur. Pour se
connecter avec les gens, rien de mieux que de se placer en leur sein. Dans le cadre de mon
stage, j’ai eu l’occasion d’aller boire une bière avec des jeunes et des plus âgées31 mais aussi
de me déplacer chez des amis d’amis pour prendre le café32. La grille d’entretien n’est jamais
montrée, il faut auparavant savoir de quoi l’on va parler et de noyer les questions dans une
conversation informelle. Je pense que, de cette manière, les biais méthodologiques peuvent
être évités dans la mesure où la personne ne sait pas vraiment de quoi il est question. On parle
de sa vie et de ses habitudes en rebondissant sur les réponses qui nous intéressent pour le sujet
de l’Xploring. Les histoires tirées des Xploring font la différence dans le travail de planning
stratégique en apportant de nouveaux éléments que l’on ne trouve pas forcément dans les
études. Cela permet d’être plus sensible quant à la stratégie à employer en publicité ou
communication mais aussi d’être plus créatif.
1.3. Mood board
« Une image vaut 1000 mots »
Confucius
Les Mood boards ou Inspiration boards sont des compositions d’iconographies, de textes et
d’objets qui ont pour objectif de développer des concepts et de communiquer avec les autres
membres d’une équipe, notamment l’équipe créative.
La combinaison des visuels doit inspirer l’équipe créative pour mettre en place une manière
de penser différente et de trouver un concept esthétique au projet de publicité. En d’autres
termes, le Mood board est une aide visuelle pour définir une palette de couleurs, une humeur,
des formes et images, des genres, des compositions pour le futur objet publicitaire.
D’un point de vue plus ethnologique, ils permettent de créer un univers. L’iconographie est
plus tangible et parle plus que des aplats de textes. Dans le cadre de prospections chez SSD,
plusieurs Mood Board ont été effectués. Cette technique permet d’obtenir un sentiment, une
31 Dans le cadre d’une prospection pour une marque de bière 32 Dans le cadre d’une prospection pour une marque de café
42
ambiance sur des sujets divers et variés. Il est souvent difficile d’exprimer ses idées ou de
faire comprendre une atmosphère, c’est pour cela que cet outil se révèle très utile.
Enfin, du côté marketing, d’autres déclinaisons sont possibles, notamment pour présenter
l’état d’esprit d’une cible, ou d’un évènement (si c’est l’objet du brief), présenter les univers
de la concurrence, des tendances de communication etc.
En ANNEXE 2, vous trouverez plusieurs Mood board qui accompagnent des
recommandations pour les clients ou prospects de l’agence.
2. LES JEUNES : KESAKO ?
Dans le cadre d’une prospection chez SSD pour un nouveau compte du secteur de la boisson,
nous nous sommes penchés sur les « Jeunes ».
A travers plusieurs études, nous avons dressé un portrait de cette population qui représente
plus de 13 million d’individus en France soit 21% de la population33.
Nous nous sommes appuyés sur les études et articles suivants :
Les jeunes et l'avenir - Viavoice - Mars 2012
Les jeunes d’aujourd’hui quelle société pour demain - Credoc - Dec 2013
Vos enfants sont-ils trop sous pression ?, L’Express, mars 2010
Génération Y, les empêcheurs de travailler en rond, Le Monde, avril 2013
Sondage Opinionway pour Kaspersky (éditeur), La génération Y (les 25-30 ans) fev. 2013
Barometre de la jeunesse 2012 - Credit suisse - octobre 2012
En guise d’avant-propos : Le Jeune n’existe pas.
Au fil des études qui ont été analysés, nous avons assisté à la formation d’un constat qui ne
facilitera pas la compréhension de la problématique: il y a autant de jeunesses qu’il y a de
jeunes. Une assertion qui relève du sens commun mais qui n’en est pas moins réelle. Marc
33 Source INSEE
43
Devriese dans son texte34, nuance ce propos. Pour lui, le phénomène des générations repose
sur un positionnement commun par rapport à un événement fondateur historique et social. Les
individus sont donc en mesure d’expérimenter les mêmes événements ou processus mais cet
événement peut les frapper de manière différente.
Cependant, nous avons pu remarquer que certains facteurs sont segmentant :
- L’origine sociale
- L’aide des parents ou non
- Les diplômes
Les deux premiers éléments conditionnent d’une certaine manière les diplômes, qui, eux-
mêmes conditionnent le fait d’être entré dans la vie active, ce qui crée un moment charnière
entre 18 et 24 ans, objet de la partie qui va suivre.
Mood board – Portraits de la jeunesse française à travers plusieurs visuels
34 Approche sociologique de la génération
44
2.1. Jeune et société
Une diversité dans la population Commençons d’abord par quelques éléments démographiques. Chez les 18-29 ans, il y a une
hétérogénéité de la population.
69% ne vivent plus chez leurs parents. Parmi eux, le plus grand nombre travaille
(58%) : 44% ont un emploi stable, 14% n’en ont pas encore. 11% du groupe, par
ailleurs, est composé d’étudiants.
31% vivent encore chez leurs parents. Plus de la moitié (18%) sont étudiants ; 14%
travaillent, mais la plus grande partie sont encore en instabilité professionnelle.
Les étudiants représentent 29% de l’ensemble des jeunes.
Un quart des jeunes a au moins un enfant à charge.
Environ 17% des jeunes adultes ne vivant pas chez leurs parents sont pauvres en
termes de conditions de vie contre 13% pour l’ensemble de la population.
Ces premiers éléments démontrent la richesse de la GY. La population est très hétérogène
mais présente des similitudes en matière de comportement face à la société.
Une diversité dans la manière de penser la société
Par rapport à la société, les jeunes se placent selon des grands axes de pensée.
D’une part, il y a ceux qui remettent en question le modèle capitaliste de notre société, statut
juridique d'une société humaine caractérisée par la propriété privée des moyens de
production et leur mise en œuvre par des travailleurs qui n'en sont pas propriétaires35 :
32% sont “dissidents ”: ils veulent une société plus progressive et égalitaire, et
critiquent le capitalisme.
35 Défintion Larousse
45
29% sont “désenchantés” : ils sont pessimistes et réellement inquiets au sujet du
travail, du pouvoir d’achat et du logement.
22% sont “pro-système” : plutôt heureux dans leur vie et confiants dans l’avenir, ils
ont trouvé un job facilement et ont une bonne situation.
17% sont “conformistes” : moins informés, ils se préoccupent peu des sujets de société
et sont heureux comme ils sont.
De manière paradoxale, les jeunes se déclarent en général heureux dans le présent (78%),
mais sont très pessimistes à propos de l’avenir de leur pays.
« Il y a tellement de problèmes qui semblent monstrueux à soulever car tout est si bien
entremêlé que finalement on est tenté de se replier sur nous-même et songer à s'en sortir soi-
même d'abord.
Je ne sais pas, mais voir des gens qui reviennent aux extrêmes du genre vivre dans des
cabanes dans la forêt dans des conditions précaires ça ne vous fait pas réfléchir à où va le
monde ? Je sais que ce sont des extrêmes, mais quand même, ça révèle un profond malaise,
non ? »
« On nous parle des ingénieurs chinois qui vont nous voler nos boulots -horreur !- et on nous
met la pression pour que nous, l'avenir économique du pays, soyons compétitifs sur la scène
mondiale. « Depuis que nous sommes ados nous entendons les adultes nous rabâcher qu'il
faudra bosser dur pour ne pas se retrouver au chômage, qu'il faut multiplier les expériences
"pro", qu'il n'y a pas de place pour tout le monde et qu'il faudra lutter pour survivre dans ce
monde de brutes. »
Et puis il y a toutes ces incertitudes, le nucléaire, les dettes, la pollution... »
Citations issues de forums de discussion
De nouvelles sources de pression Ils sont également soumis à une pression que les générations précédentes n'ont pas ou peu
connue.
Une pression latente : le chômage, la crise, l’accès à la propriété…
46
C’est la première génération qui n’est pas sûre de vivre au-dessus du niveau de vie de
ses parents.
Ils sont soumis à une prise de conscience autour de l’écologie et la responsabilité d’un
environnement à préserver pour les générations futures.
Ils connaissent une pression qui commence de plus en plus tôt, dès l’école primaire :
redoublement, orthophoniste dès le moindre problème, pression sur les notes, les
examens, etc.
Un exemple probant est tiré de l’article de l’Express, dans lequel des enfants de 6 ans disent :
« Si tu n'as pas de métier, tu vas peut-être être pauvre et tu manqueras un petit peu de
nourriture. Tu ne pourras pas nourrir ta famille »
« Quand on réussit pas, on n'a pas un bon métier: par exemple on voulait être vétérinaire et
on est femme de ménage! »
2.2. Jeune et travail
En matière de travail, et c’est là une question énormément traitée par les chercheurs en SIC et
en Communication des organisations, ils ont des attentes particulières.
Ils ont intériorisé le problème du chômage et de la crise et ont conscience qu’ils sont
susceptibles de passer par la case chômage un jour ou l’autre. Néanmoins cela ne les empêche
pas d’avancer car leurs attentes par rapport au travail changent et ne sont pas les mêmes que
les générations précédentes.
Ils veulent avant tout s’épanouir dans un emploi qui leur plait et dans une entreprise dont les
valeurs sont en accord avec les leurs. Face à ces exigences, ils sont moins regardants sur les
modalités contractuelles de leur job et n’hésitent pas à s’engager en CDD même si ce contrat
ne présente pas de possibilités d’embauche par la suite. Ils sont prêts à changer d’entreprise,
même s’ils sont en CDI avec une position convenable, si l’ambiance de travail ou la mentalité
du management ne leur plait pas.
47
Ils remettent en question l’autorité au profit de la rationalité, rejettent les codes de l’entreprise
« à papa ». Ils prennent ce qu’il y a à prendre et n’ont pas peur de l’échec.
Il existe également une certaine porosité entre les sphères professionnelles et privées :
rapprochement avec ses collègues sur les réseaux sociaux, travail de chez soi, flou des
frontières temps de travail / temps au bureau…
On passe plus facilement d’une bulle à l’autre. 16% des jeunes interrogés lors d’une étude
n’avaient aucune idée de leur temps de travail effectif. La Génération Y s’attend ainsi à
pouvoir consacrer du temps à ses problèmes privés au bureau si besoin.
2.3. Jeune et âge adulte
Une entrée dans la vie adulte par paliers L’entrée dans la vie adulte est jugée aujourd’hui plus longue, avec des contours de moins en
moins définis, d’abord parce que l’âge des premières fois se décale (premier emploi stable,
premier logement autonome, mise en couple)
Les rites de passage ne sont plus les mêmes qu’avant : diplôme, vie active et appartement ne
veulent pas dire adulte. Ils accèdent à la vie adulte par « paliers » : CDD – CDI, chambre de
bonne – studio – appartement… d’où une transition plus longue.
Ainsi, les jeunes évaluent l’entrée à l’âge adulte plus tard qu’auparavant : 20 ans contre 19 en
2007, 21,3 ans selon les adultes contre 19 en 2007 etc.
Depuis les années 70, le marqueur commun à tout le monde (après 24 ans, chacun est « établi
») n’est plus et une période intermédiaire s’installe dans toutes les catégories sociales.
Financièrement, ils doivent compter sur leurs parents jusqu’à 25 ans, et même jusqu’à 30 ans
lorsqu’il s’agit de trouver un logement.
Depuis la révolution des années 1960, l’âge adulte semble avoir « perdu de son pouvoir de
séduction et ne constitue plus la norme à atteindre »36.
36 Madeleine Gauthier dans Les jeunes d'aujourd'hui : quelle société pour demain - Credoc
48
Les jeunes ont tendance, plus que leurs parents en leur temps, à faire durer la transition à l’âge
adulte. L’adolescence n’existe pas vraiment puisque tout le monde se sent déjà adulte à 16
ans, c’est plutôt une notion de jeunes adultes qui s’étend sur plusieurs années.
Ils ont conscience des efforts à faire, des responsabilités à prendre, mais retardent ce moment.
Fait d’étude ou véritable ressenti ? Voici quelques exemples de ce phénomène. Sur cette question particulière de l’âge adulte,
nous avons été amenés à réaliser une série d’entretiens semi-directifs sur la cible des 18-25
ans. Nous avons tiré de ces interviews une idée de l’air du temps, de ce que pense la cible sur
la famille du produit étudiée, les habitudes de consommation etc. Le questionnaire a permis
d’obtenir des données sur le produit mais aussi sur la vie en général.
Nous avons interrogé 8 personnes entre 16 et 24 ans.
Au cours de nos discussions, ils ont tous formulé ce flou qui existe pendant la période
charnière du passage à l’âge adulte. Néanmoins ils s’entendent sur un point : il s’agit d’abord
d’un état d’esprit plus que d’un âge (18, 20, 21 ans etc.).
Pour Enzo (24 ans), l’âge adulte c’est une disposition d’esprit. C’est lorsque l’on change de
priorités dans la vie mais aussi d’intérêts et d’obligations.
Graphique tiré du TedX San Francisco de
Scott Hess – Millenials, Who They Are & Why
We Hate Them?
49
Cela peut le rebuter parfois car il pense alors qu’il aura l’impression d’avoir déjà tout fait,
d’arriver au bout de tous ces petits objectifs (un CDI, une compagne, un enfant, une maison).
L’idée d’être installé dans une maison avec femmes et enfants pour les 40 années à venir
ressemble à une sorte de fatalité.
Gary (20 ans) quant à lui, ne se sent pas encore adulte mais se qualifie de jeune adulte. L’âge
adulte est lié à l’indépendance, surtout financière: se gérer tout seul, avoir un chez soi. Mais
cela ne lui fait pas envie pour autant, pour lui « il n’y a pas le feu au lac ». Il pense que l’âge
adulte n’est pas un cap qui « vient d’un coup, d’un seul » mais qu’il y a des étapes.
Henriette (22 ans) pense que l’on devient adulte dans sa tête mais aussi sur le plan matériel en
travaillant. Etre adulte c’est être indépendant financièrement et pour elle cela est vu de
manière positive. Et en même temps, elle veut rester du côté de l’enfance dans sa philosophie
de vie, pour le côté insouciant, le grain de folie.
Justine (23 ans), se sent déjà adulte : la première étape a été de vivre seule. Mais aussi d’avoir
un métier très professionnalisant (elle est infirmière) avec des responsabilités importantes :
s’occuper des malades, soigner des nouveaux nés, faire des horaires très difficiles etc. Son
activité professionnelle l’a propulsée à l’âge adulte.
Enfin, Urzua (25 ans) a une philosophie plutôt spéciale sur la question de l’âge adulte. Pour
lui, l’âge adulte vient avec l’expérience de la vie, les étapes arrivent petit à petit et on les
intègre au fur et à mesure, ce n’est pas forcément flagrant.
Cet âge est « imposé par la société », grandir c’est accepter les choses : s’accepter dans un
univers déjà donné. Etre adulte c’est trouver sa place.
90% des adolescents et 84% des adultes considèrent que chacun devient adulte à sa
manière suivant le contexte économique, social et culturel.37
37 Etude Ipsos Adolescents aujourd’hui, adultes demain : quelles transitions, quels passages ?, avril 2013
50
Désir d’infantilisation de la Génération Y
Les enfants de la GY ont été plus couvés. Les parents de cette génération sont d'avantage
accompagnateurs qu’éducateurs et sont moins dans l’autorité radicale que dans l’écoute et la
protection, ce qui peut expliquer une transition vers l’âge adulte plus douce et longue.
Ils conservent coûte que coûte cette part d’enfance. Certains appellent ce phénomène
syndrome de Peter Pan, mais la nomenclature est un peu forte. Le syndrome de Peter Pan
décrit la première fois par Dan Kiley dans son ouvrage Le Syndrome de Peter Pan : ces
hommes qui ont refusé de grandir, désigne communément une angoisse liée à l'idée de
devenir adulte et le désir associé de rester enfant et plus généralement caractérise un adulte
immature. Vu sous l’angle de la psychologie, la définition se fait plus grave. Le jeune adulte
atteint de ce syndrome présente une grande irresponsabilité, des angoisses, une certaine
solitude, un conflit face au sexe, un narcissisme fort etc. La description de ces problèmes est
très controversée à l’heure actuelle. C’est pour cela que nous ne retiendrons pas cette
expression pour qualifier la GY.
Il s’agit plutôt d’une position mentale paradoxale : une forte envie d’indépendance VS un
refus de grandir. Ils seront adultes par le biais de dispositions matérielles et des
responsabilités face à la société, mais tout en conservant un état d’esprit tourné vers
l’amusement, la légèreté, les jeux d’enfants et la nostalgie (plutôt qu’une pathologie sociale).
En ANNEXE 3, la grille d’entretien réalisé pour l’Xploring d’un prospect, célèbre marque
de bière française.
2.4. Jeune et loisirs
Binarité de la temporalité
Les différentes sources de pression qui pèsent sur les jeunes expliquent une envie de
décompresser, de réintroduire de l’humour, de l’insouciance.
Ils fonctionnent dans une conception binaire du temps :
-‐ travail / vacances,
-‐ semaines / week-ends,
-‐ journées / soirées…
51
Un mode « switch on / switch off38 » de cette temporalité, lorsque la journée est terminée,
place à la soirée etc.
Ils ont beaucoup d’activités culturelles et de hobbies (plus que le reste de la population)
marqués par une émancipation des goûts par rapport à leurs parents.
Les jeunes sont plus autonomes vis-à-vis de la société des adultes sur le plan des goûts
culturels (dans leurs choix musicaux et vestimentaires notamment) et de la vie intime
(relations sentimentales et sexuelles).
Cette prise d’autonomie a été favorisée par une transformation profonde de la socialisation
familiale (en particulier au niveau de l’exercice de l’autorité parentale) par l’importance
grandissante prise par le groupe des pairs au niveau de la régulation des conduites
individuelles.
La montée des cultures adolescentes a été favorisée par un plus grand accès à des produits de
grande consommation toujours plus diversifiés.
Notion de tribus
M. Maffesoli, développe l’idée des tribus et du tribalisme post-moderne : « Le quotidien et ses
rituels, les émotions et les passions collectives (…), l’importance du corps en spectacle et de
la jouissance contemplative, la reviviscence du nomadisme contemporain. ». Le tribalisme
rappelle de manière empirique l’importance du sentiment d’appartenance à un lieu, un groupe,
comme fondement essentiel de toute vie sociale.
On observe dans cette population une augmentation des petits groupes sociaux qui
s'apparentent à des communautés ou à des formes tribales très fortement déterminées par un
lien émotionnel. Les tribus se regroupent autour de centres d’intérêts communs.
La tribu est un moyen de renouveler la nature du lien social. Ce phénomène est encore plus
vrai pour les jeunes. Le jeune est un inconnu pour lui-même. Il est en phase de construction
identitaire, tout en étant orienté vers l’avenir. Pour M. Maffesoli, derrière les formes instituées
qui existent et souvent dominent, il y existe également une centralité souterraine informelle
qui permet que la vie en société continue. Malgré les diversités, chacun rend compte d’une
organicité des choses qui fait qu’un ensemble fait corps.
Ces tribus s’appuient sur les outils de communication numérique en se rapprochant
notamment sur les réseaux sociaux.
38 En français : Allumer/ Eteindre
52
Monique Dagnaud, auteur de Génération Y : Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision
à la subversion, explore de manière approfondie les cultures de cette génération et notamment
ce nouveau réseau de sociabilité installé sur le net. Elle nous parle de l’émergence d’une «
identité numérique », de l’essor d’une sociabilité originale qui se fonde à travers des
conversations en continu, des échanges d’images et des productions artistiques amateurs.
L’un des points de départ de son raisonnement est que l’âge adolescent et post-adolescent
traversés par cette génération sont une période de latence dans laquelle les liens amicaux et
sociaux se composent et se recomposent. Le web devient l’outil par lequel la sociabilité et les
contacts de la vie réelle sont prolongés et amplifiés.
Les tribus ont été l’objet d’une présentation de Seth Godin39 lors d’une conférence TEDx en
2009 : The tribes we lead.
Pour lui, la tribu c’est la direction et la connexion des personnes et des idées.
Des personnes qui luttent contre un certain status quo et qui transportent avec elles l’idée du
changement.
Auparavant, il y avait des tribus religieuses (paroisses) ou professionnelles (les collègues de
travail, les associations de professionnels). Mais avec internet, les tribus sont partout et
s’organisent autour d’aires d’intérêts. Avec le net, il est plus simple de trouver les personnes
qui ont les mêmes intérêts/passions et de se connecter avec eux.
Au-delà d’un groupement de personne, Seth Godin pense que ces tribus peuvent changer les
choses non pas parce qu’on les force mais parce que les individus ressentent un besoin d’être
connectés autour d’une cause. C’est ainsi que se créent des mouvements, transcendant les
tribus par la propagation d’une idée d’un groupe à l’autre, toujours avec ce fil tenu de
« l’intérêt ».
39 Entrepreneur américain, ancien responsable du marketing direct de Yahoo, ainsi qu'un auteur et conférencier à succès sur des problématiques du marketing
53
Seth Godin insiste sur le fait que ce groupe possède une culture puisqu’il faut bien un moyen
de savoir si l’on appartient ou non au groupe.
L’effet du groupe impacte la consommation
La consommation permet de plus en plus à chacun d’exprimer son identité.
Les relations des jeunes en groupe créent un désir de consommation. Par effet de mimétisme
et d’imitation, nous désirons ce que l’autre a désigné comme désirable. Les leaders d’opinion
jouent un rôle capital dans le jeu du désir puisqu’ils jouent le rôle du médiateur. Les
consommateurs souhaitent le produit porté par une célébrité dans leur construction de soi. La
consommation « symbole » signifie souvent que l’individu cherche à améliorer son image.
Ainsi, les individus de la GY ont un attrait particulier pour les marques, porteuses d’un statut
et de valeurs qui peuvent trouver un équivalent chez les « jeunes ».
Les jeunes d’aujourd’hui installés (« en ménage ») entre 18 et 29 ans consomment plus que
les générations précédentes au même âge. Ils arbitrent leur budget en défaveur des dépenses
de base (alimentation…) et en faveur de l’habillage, des sorties, des loisirs et communication.
Autant de biens de consommation qui traduisent d’une identité définie.
54
2.5. Humour et dérision
Face à une pression latente et une grande incertitude quant à l’avenir, la GY ne sombre pas
pour autant dans la « dépression ». Au contraire, la génération Y a tendance à tout tourner en
dérision, comme si rien ne devait être pris au sérieux.
L’ironie et la moquerie sont très présentes et notamment sur les contenus partagés et diffusés
sur internet. Nous reviendrons sur ce phénomène dans la partie 3.
Cette façon d’aborder toute chose avec humour est une manière de mettre à distance ce qui
pourrait être désagréable ou source de soucis. Se dire que tout peut être vu sous l’angle de
l’ironie permet de ne rien prendre au sérieux, de se détacher d’un ordinaire trop terre à terre.
Cela se voit aussi dans la culture du détournement et du remix, montrant une créativité sans
borne et un vrai culte de l’humour et du « LOL » en général, symbolique des Digital Natives.
L’importance de l’humour dans les rapports sociaux et la culture de la dérision manifestent un
besoin vital de se détacher du « sérieux » et de la normalité du monde. Cette envie de
détachement total est sensiblement palpable dans la fête. La fête cristallise le paradoxe entre
l’envie de lâcher prise et l’inquiétude face à l'avenir.
Derrière l’insouciance, cela montre une avidité tenace, une volonté d’attraper et d’arracher
tout ce qu’offre le monde, de profiter.
Cette nécessaire conservation de la part d’enfance semble impacter et dicter les nouvelles
pratiques culturelles sur le digital. La Génération Y se détourne de la culture officielle pour
impulser sa propre manière de voir la société sur le web.
55
3. LA GENERATION Y : QUELS ATTRIBUTS ?
Les magazines spécialisés, les articles de presse, voire même certaines études, cristallisent les
stéréotypes sur la Génération Y.
« Ne leur dites pas explicitement mais ils sont nombreux dans la génération Y à être
un peu "paumés". Ils n'écoutent pas les parents ni les institutions. (…) Une génération certes
"éduquée" au porno mais un peu "larguée" au moment de la "vraie rencontre" ! »
L’entreprise.com, Quatre nouveaux leviers marketing pour séduire la génération Y, Etienne
Gless (2012)
« Monsieur, j’ai l’honneur de vous informer que vous êtes un boloss”. Si votre jeune
stagiaire, yeux en feu et chevelure au vent, vous lance d’un air de défi cette phrase à la
figure, n’allez pas imaginer qu’elle vous qualifie de “beau gosse” et qu’il s’agit donc d’une
quasi-déclaration d’amour. En fait, elle vient de vous traiter de “bouffon”. »
Article Challenges.fr, Comment décoder ce que disent les stagiaires d'aujourd'hui, Laurent
Calixte (Mars 2013)
« Paul manque également parfois de persévérance. Tout lui semble simple, trop
simple. S’il a lu tous les « Harry Potter », Dostoïevski est presque un gros mot pour lui. S’il a
voyagé partout dans le monde, il ne s’est jamais trop intéressé à l’histoire des pays qu’il
traversait. »
Le monde.fr, Y : la génération de tous les défis, Olivier Rollot (Juillet 2013)
« Ils ne travaillent pas, peu, ou mal, ne s'intéressent à rien, ne font qu'écouter fort de la
musique de dingues, ne lisent plus,et passent des heures à taper sur leurs claviers. D'ailleurs
ils ont muté, avec un pouce démesuré et des écouteurs à la place d'oreilles. On les considère
comme des Extra-terrestres et on les résume à des mots comme« Génération Internet »,
« Génération iPod », « Génération Zapping », « Génération RTT », « Génération Mac Do »...
Ils sont trop ceci, trop cela et en même temps pas assez non plus...
Stop, arrêtez tout. Et si nous faisions des clichés table rase ? »
56
Edito de la Revue Influencia La jeunesse, mais qu’elle jeunesse par Isabelle Musnik (Janvier/
Mars 2013)
Dans l’optique de prendre le contre-pied de ces stéréotypes, nous nous sommes reposés, entre
autre, sur l’ouvrage de Don Tapscott, Grown Up Digital.
Celui-ci ne s’est pas concentré sur l’image que peuvent donner les « jeunes » à la société mais
surtout sur ce qui les caractérise en tant que Génération.
Il part de constats empiriques sur ses enfants, pour élargir ses intuitions et les tester auprès
d’un panel très important de Millenials. Une méthode qui, là encore, part d’intuitions de
l’auteur. Il est allé explorer son questionnement de manière anthropologique en observant et
échangeant avec ses enfants pour ensuite développer ses hypothèses et les mettre à l’épreuve
d’un panel beaucoup plus important.
Au final, D. Tapscott nous dit qu’à travers l’usage du media digital, la « Génération Net »
développe et impose de nouvelles normes culturelles au reste de la société.
Une force pour la transformation sociale, ils apprennent, jouent, communiquent, travaillent et
créent des communautés de manière très différente de la génération précédente.
3.1. Les normes de la Génération Y
Liberté
La GY malmène la notion d’engagement, notamment au niveau du travail et prône la liberté
d’essayer de nouvelles choses, des expériences différentes.
Ce phénomène se traduit surtout dans les pratiques de travail. Les individus de la GY
travaillent en heures flexibles, avec des limites floues entre vie privée et vie publique. Le net
leur permet de s’échapper du bureau traditionnel en rendant possible le travail nomade, depuis
chez soi (télétravail). Ce comportement a également fait évoluer les méthodes
d’indemnisation des salariés en proposant une compensation financière liée à la performance
et non plus aux heures passées au bureau. Pour finir, le turn over est important car la GY
recherche avant tout le challenge et le fun dans ses pratiques professionnelles.
D. Tapscott donne également un autre exemple, plus papable, ce besoin de liberté se retrouve
aussi dans les pratiques musicales. Les individus de la GY ne subissent plus la radio mais
composent leurs playlists via Itunes ou d’autres players comme Deezer et Spotify .
57
Customisation
A l’heure des avancées technologiques, les appareils digitaux permettent une personnalisation
toujours plus grande. La GY s’exprime sur le net et a besoin de pouvoir partager sa
personnalité. Cela passe par un refus des conventions et d’un cadrage trop strict en matière
d’interface visuelle notamment.
Les marques répondent à ce besoin de customisation. Par exemple Apple propose des produits
vendus en masse mais personnalisables sur chaque fonction, chaque module. Ou encore
Facebook, qui propose de choisir sa photo de profil et son header.
Cela leur permet de « customiser les objets pour les faire sien »40 pour qu’ils correspondent à
leur envie.
Ce désir vient d’abord de l’esthétisme plus que de la fonctionnalité et surtout de l’envie de se
créer des espaces de vie digitaux en harmonie avec la personnalité de l’individu.
La première étape de toute vie digitale est de customiser sa page à son goût pour en faire son
« média personnalisé ».
Examens approfondis « scrutiny »/ scepticisme
Le net c’est l’information partout, tout le temps et qui émane de chacun. L’avènement
d’internet a marqué la fin de l’accès à l’information telle que nous le connaissions, diffusée
par une autorité légitime, seule détentrice du savoir, de l’actualité.
Plongé dans l’information fiable ou pas (spams, fishing etc.) la Génération Y a développé une
grande habilité à distinguer plus facilement la fiction du réel, de démêler le vrai du faux. Ils
ont une grande conscience de ce qui les entourent et une envie de connaitre ce qui va arriver :
en quelques clics ils trouvent l’information utile et utilisable avec toujours en tête leur
nouveau motto vrai mais vérifié.
Intégrité L’un des stéréotypes les plus récurrents sur la Génération Y et notamment les DN, plus
jeunes, est que la GY est une génération désenchantée, de personnes qui se fichent de tout : de
son prochain, des entreprises, de l’avenir, de son avenir, des phénomènes écologiques… la
liste est longue.
40 Don Taspscott dans Grow Up Digital
58
Il s’agit, selon D. Tapscott d’un faux stéréotype. Car, en effet, de par cette capacité à scruter
et dégoter n’importe quelle information sur n’importe qui, la GY, si elle le veut, peut être au
courant des faits et gestes des entreprises et des marques notamment. Celles-ci doivent plus
que jamais être honnêtes, intègres, transparentes et respecter leurs engagement sous peine
d’être jugées non intègres par les futurs consommateurs et donc boycottées. Ces derniers font
preuve d’une conscience et d’une attention particulière aux questions sociétales et
écologiques, fruit d’un apprentissage dès le plus jeune âge par différentes institutions,
beaucoup plus que leur ainés.
Collaboration D. Tapscott appelle la GY la Génération du « sharing »41, de la relation. Il nous parle
d’individus qui portent l’idée de collaboration dans leur pratiques online : chat groupe, carte
collaborative heuristique, jeu multiplayers, crowdfounding, crowdsourcing…
Mais aussi de la notion de prosumer42, inventé par Alvin Toffler dans les années 80.
Le prosumer est l’entité qui arrive après le consommateur.
Avec cette nouvelle figure qui émerge, les marketeurs ne prennent plus l'aliénation du
consommateur comme prérogative, le prosumer ne se reconnait pas dans le comportement du
consommateur qui achète pour acheter. Il porte une attention particulière à sa consommation à
travers de nouvelles exigences, un intérêt à la chaine de valeur du produit et avec une relation
importante à l’usage qui produit de la valeur.
Ce prosumer fait écho à l’hypothèse de réconcilier citoyen et consommateur : consommer
éco-citoyen, éthique. Au niveau microéconomique la GY présente un comportement novateur.
Elle change les gestes, les méthodes d’apprentissage et inaugure de nouvelles pratiques. D’un
point de vu macro, elle fait la synthèse entre libéralisme et socialisme, proposant un modèle
hybride, pas purement capitaliste mais pas pour autant socialiste.
Ainsi, les marques ont pour enjeux de réinventer une communication où le prosumer n’est pas
une cible mais un partenaire, un contributeur de l’achat.
Entertainement
La GY a une propension à tourner en dérision le moindre élément de sa vie réelle ou digitale.
Pour eux, tout doit être fun, il faut profiter de tout ce que l’on fait pour vivre sa vie. Cette
41 En français “partage” 42 Contraction de professionnel et de consommateur
59
tendance peut être résumée dans le fameux mantra YOLO : You Only Live Once43 (détournée
et vidée de son sens aujourd’hui mais porteuse de signification à l’origine). La GY part donc
du principe que l’on a qu’une vie et qu’il faut en profiter : ils sortent plus que leurs ainés,
voyagent plus, testent, changent d’avis, etc.
Parallèlement, internet donne de multiples opportunités digitales pour s’amuser.
Cette culture de l’amusement impacte sur les marques. Aujourd’hui les jeunes veulent
« s’amuser pendant qu’ils utilisent un produit ; et c’est aussi important que ce que le produit
fait, selon ce qu’il est censé faire »44. L’expérience devient plus importante que l’usage
primaire du produit.
Vitesse
La GY c’est la génération qui ne connaît que l’instantanéité, qui ne supporte pas l’attente
d’une réponse, d’un colis, en caisse au supermarché ou encore du chargement d’une page
internet. Ils vivent dans un environnement où la célérité est le maitre mot et où les innovations
technologiques vont dans ce sens (connexion internet/ ADSL/ fibre, 1G/ 2G/ 3G/ 4G etc.)
Innovation
Pour finir, la GY est une génération élevée dans le culte de l’invention. Ils s’épanouissent
dans une société où le rythme de l’innovation n’a jamais été aussi soutenu, où une innovation
en chasse une autre dans tous les secteurs.
Ils sont soumis à un cycle d’obsolescence rapide des produits (de part des innovations
nombreuses) et à une envie d’avoir toujours la dernière version en date, la meilleur, le plus
vite possible.
43 Acronyme anglais proche du Carpe Diem ou du Memento Mori antiques qui sous-entend de vivre sa vie pleinement quitte à prendre des risques. Source Wikipédia 44 Don Tapscott dans Grow Up Digital
60
A titre d’exemple, voici un schéma présentant les innovations écrans de 1940 à nos jours.
Nous pouvons clairement voir que depuis les années 80, les évolutions et innovations
s’enchainent et le rythme soutenu n’est pas près de s’arrêter.
3.2. Des créateurs de contenus
Un septième attribut, à la croisée des précédents peut être souligné. Les individus de la GY
sont des créateurs. Ils créent des contenus, des pratiques, des modes. A titre d’exemple, un
chiffre : 74% des 15-20 ans ont une activité d’autoproduction assistée par ordinateur45.
Activités très larges car il peut s’agir de blogs, de retouches de photographies, de production
de musique ou voire même de vidéos. Permis par des logiciels toujours plus simple à utiliser,
internet en a ensuite boosté la circulation sur la toile.
Michel de Serres explique ce phénomène dans son ouvrage Petite Poucette. Un nouveau
monde apparaît, incarné par la couverture de son ouvrage qui représente la célèbre peinture de
Michel Ange, La Création d’Adam, où le doigt de Dieu et la main d’Adam sont redessinés en
codage binaire. Le monde d’aujourd’hui selon M. Serres est un monde dominé par le codage
et le digital en général, un monde soumis au numérique qui rend obsolète le précédent.
45 Source ibid.
Graphique issu de la présentation
« Génération Y de A à Z » de l’agence
Mec Paris
61
Grâce à un accès généralisé au savoir via Wikipédia, Google, les Smartphones toujours en
poche/ près à dégainer au moindre questionnement, nous déplaçons peu à peu notre faculté de
mémorisation sur les supports techniques.
Néanmoins, ce que l’homme perd dans la technique, il le gagne par ailleurs. Avec le
développement des techniques, nous soulageons notre capacité de traitement, de mémoire,
tout ce qui est délégué dans la technique permet l’évolution de l’homme vers autre chose.
Plus simplement, nous créons un vide dans notre cerveau qui rend possible de nouveaux
usages : savoirs et facultés sont objectivés, ainsi, la Génération Y peut se concentrer sur
l’intelligence inventive.
La Génération Y est une génération de créateurs, d’inventifs : nous sommes tous dotés d’un
disque dur externe infiniment grand, pourquoi ne pas plutôt concentrer tout son temps à la
création ?
Monique Dagnaud reprend également cette idée en parlant d’une certaine culture artistique
impulsée par la Génération Y : « Le Net stimule les expressions artistiques et rend poreuses
les frontières entre la pratique artistique du pur loisir et la mobilisation d’un réseau en vue
d’une carrière ».
Est-il possible de rapprocher ces comportements à la Culture émergente des Makers ? Une communauté se forme autour de valeur, d’un esprit et d’un comportement. Des personnes
qui veulent et font dans l’action, en créant. C’est ce que chez SSD, nous appelons ce
phénomène la Makers Culture46. De manière basique, il s’agit d’une culture du « Do-It-Yourself » ou « Faites-le vous-même ».
Chez les Makers les plus investis, il existe même une culture de la bataille contre les
institutions établis, un peu comme aux origines de la création d’internet dont nous avons parlé
plus haut. Ils se battent contre les systèmes absurdes et centralisés.
Cette communauté s’incarne dans le digital mais également dans la vie réelle en portant un
idéal d’inspiration pour un monde meilleur, incarné dans une vision optimiste et pragmatique
de la société en devenir. L’action individuelle doit conduire à une amélioration collective.
La technologie est l’outil principal. La culture des Makers est clairement liée à l’usage des
nouvelles technologies et de la science informatique mais aussi des systèmes analogues. Ce
sont des personnes qui créent avec leurs mains.
46 Culture du Faire
62
Ils sont autodidactes la plupart du temps en apprennent d’une manière originale : déconstruire
pour comprendre. Ce sont aussi des constructeurs avec leur imagination ou en détournant
l’existant.
Par exemple le site Codeacademy, propose d’apprendre le codage informatique au plus novice
dans l’optique que ceux-ci puissent s’approprier leurs outils technologiques sans être soumis
aux systèmes imposés (Windows, Mac IOS).
Ikéa Hackers quant à lui propose une curation des meilleures idées de détournement et
recyclage des meubles Ikéa (la célèbre marque suédoise). Les usagers ont découpé, recollé et
repeint leurs vieux meubles pour leur donner une seconde vie en leur trouvant de nouveaux
usages
C’est également une culture du « pensons ensemble », du « test and learn » (essayer et
apprendre) et du « fail to win » (échouer pour réussir). Ils font face à leur futur et le font de
manière très optimiste parce qu’ils pensent pouvoir faire la différence : 84% du groupe pense qu’ils peuvent changer le monde
82% du groupe pensent que le changement est bien47
Ils essayent et expérimentent, convaincus que les meilleures inventions viennent d’un coup de
chance.
47 Chiffres : One Young World Havas 2012
Codeacademy.com
Ikeahackers.net
63
PARTIE 3. LA POP CULTURE WEB UNE IMAGE DE LA CULTURE DE LA JEUNESSE SUR LE
WEB
64
Cette troisième partie fait écho aux travaux de Yves Jeanneret sur la trivialité48.
Son travail synthétise ses recherches sur la question des signes et des sens pris dans le social.
Une théorie qui peut être nommée « Sociologie des idées ».
La trivialité au sens « jeanneretien » du terme est une catégorie descriptive qui permet de
saisir et de penser le fait que « les objets et les représentations circulent et passent entre les
mains et les esprits des hommes ».
Ici, nous nous intéresserons à ces « objets » qui passent par les mains de la Génération Y et
qui impulsent un parcours enrichissant par lequel les individus, en s’appropriant par leurs
usages les « êtres culturels », les recréent.
Les êtres culturels sont, selon l’auteur, des idées qui ont une matérialité. Ce sont des
« complexes » associant « objets matériels, textes et représentations » qui ont pour
caractéristique d’élaborer des « idées, des savoirs, des jugements. » Ces êtres peuvent être
communiqués, échangés. La communication dans la trivialité de Jeanneret sert à faire circuler
en recréant les idées et les représentations.
La trivialité dépeint le paysage de « formes culturelles d’une société » qui revêt un caractère
composite d’objets, de représentations, de pratiques.
Selon Jeanneret, la vie triviale est poésie, au sens étymologique du terme à savoir : création49.
Il s’agit d’une fabrication de nouveau avec de l’ancien et c’est dans ce sens que nous pouvons
faire un parallèle entre ce cette « pop culture web » et la théorie de Jeanneret. La Génération
Y détourne, se réapproprie, transforme des signes anciens pour mieux les diffuser sur internet
à travers le prisme de l’humour et de la dérision.
A l’heure actuelle, le media internet est devenu le canal de communication par excellence
pour disséminer ces formes culturelles. A la manière d’un vecteur, ce media de masse
fonctionne efficacement et rapidement en transmettant les êtres culturels fondateurs de cette
pop culture digitale.
48 Penser la trivialité I. La vie triviale des êtres culturels, Hermès-Lavoisier, 2008 49 Poesis (en latin « poésie, art poétique, œuvre poétique »), lui-même issu du grec ancien ποίησις, poíêsis (« action de faire, création »)
65
1. LE LOL COMME ETAT D’ESPRIT Le « LOL », de l'acronyme anglais « laughing out loud », en français « rire aux éclats » ou
« rire à gorge déployée », est un élément d’argot internet qui symbolise le rire ou
l’amusement. Il est surtout utilisé de manière virtuelle dans les communications sur internet,
mais aussi par sms.
Il est de plus en plus utilisé tel quel, à l’oral, dans des situations où le rire est approprié.
Le dictionnaire Petit Robert a ajouté ce terme en 2013 et le définit de la manière suivante :
« Exclamation soulignant le caractère comique d'un propos" (Laughing Out Loud en
anglais). »
Une expression « jeune » utilisée par les adolescents et jeunes adultes.
Monique Dagnaud a rédigé plusieurs textes sur la question de la Culture LOL et notamment
l’ouvrage Génération Y. Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion qui
comporte le texte Le LOL (Laughing Out Loud) sur le net un état d’esprit politique propre
aux jeunes générations.
Monique Dagnaud est chercheuse au CNRS50, auteure notamment de La Teuf, et d’un essai
sur le désordre des générations. Elle s’intéresse à la question de cette génération qui émerge.
Le texte se penche sur la question de la diffusion du LOL en tant que « verve ironique » sur le
net et sur les réseaux sociaux, un texte a visée politique puisqu’il s’agit ici de définir un état
d’esprit des jeunes par rapport aux politiques. Dans l’optique de ce mémoire, des éléments
seront réutilisés dans une visée toute autre, à savoir, comprendre ce qu’est la culture du LOL.
1.1. Qu’est-ce que le LOL sur le net ?
Selon Monique Dagnaud, il s’agit d’une « posture mentale consistant à ne jamais prendre
quoi que ce soit au sérieux et à aborder par l’espièglerie ou la dérision les institutions et les
personnes qui façonnent la vie publique (politiques, stars, personnages des médias) ».
Nous pourrions définir le LOL comme un regard sarcastique sur les faits d’actualités. Ce
regard s’exerce par le détournement des contenus médiatiques, des éléments visuels issus de
la télévision ou de sites.
50 Centre National de la Recherche Scientifique
66
Le comportement LOL a émergé sur un « fond de sociabilité numérique », induit par les
réseaux sociaux. Il est incarné dans les conversations numériques ou mobiles (via sms) et à
pour objectif de déclencher le rire.
C’est une « approche du monde par le rire (…) et la gaieté ».
Comme un titre de presse passe un contrat implicite avec son lectorat à propos de son contenu
et de son ton, l’esprit LOL n’est pas à prendre au premier degré.
M. Dagnaud rapproche le LOL des libellés des XVIIe et XVIIIe siècles, qui, sur un ton non
intellectualisé qui reprenaient à l’infini les historiettes/rumeurs/satires sur la famille royale et
les gouvernants dans le but de frapper « au-dessous de la ceinture pour produire des
réactions viscérales »51.
L’esprit LOL vise à désacraliser nos icones actuelles, que ce soit la starlette en vogue, un
acteur iconique ou encore une personnage politique de la plus haute importance. Le LOL
s’empare de tout et n’importe quoi mais privilégie surtout les héros anonymes, les héros
dérisoires.
Plusieurs degrés sont à prendre en compte lorsque l’on parle de contenu LOL. Il s’agit d’une
forme d’expression à graduer de la satire, qui a pour objectif de galvaniser et enflammer des
sentiments contestataires (notamment lorsqu’il s’agit de politique), au simple comportement
désinvolte à visée purement divertissante.
Dans un article de septembre 2010 sur Slate52, magazine en ligne d'analyses, de commentaires
et de débats sur l'actualité dans les domaines politique, économique, technologique et social,
Monique Dagnaud résume sa réflexion. Elle nous parle de la Génération BOF, celle de l’avant
Mai 68, désabusée, sans impertinence, « incapable de trouver la passion dans un monde sans
émotion »53. A contrario, la Génération LOL impulse un vent de changement. Pour elle, il ne
faut plus regarder dans la rue, comme cela pouvait être le cas avec les mouvements antérieurs
(types Punk, Hip-Hop, Soixante-huitard…), mais plutôt sur les réseaux sociaux et les blogs.
Cette génération critique le social par le rire et l‘absurde en choisissant la place publique la
plus publique : le net. Ce rire est fédérateur, il rassemble les internautes. Elle souligne que ces
marqueurs s’adressent à une communauté, un public d’initiés qui savent décrypter les signes
codés du net.
51 Danton, Le Diable dans un bénitier, op. cit, p. 566 52 De la BOF generation à la LOL generation, Monique Dagnaud, Slate.fr 53 La Bof Génération, Renaud Hantson, 1997
67
Elle fait une distinction entre Culture LOL et infotainement. L’infotainement c’est
"l’articulation de l’information avec des séquences qui la place sous l’angle du rire". Elle
illustre ce phénomène par le développement de programmes comme Les Grosses Têtes, Les
Guignols de l’info, Le petit journal de Canal + ou les humoristes qui animent des revues de
presse lors d’émissions. Les média se sont inspirés du comique des jeunes, fondé sur
l’impertinence et le coté loufoque, néanmoins on ne peut y retrouver la transgression présente
sur internet car ce médium possède déjà les codes de la transgression dans son essence.
Cette culture émergente est synonyme de changement, elle provoque « un dynamitage des
codes anciens, un bricolage sans fin sur le sens des choses, une création collective où tout est
permis, où tout s’échange et où tout change tout le temps ».
A chaque nouvelle appropriation du signe « LOL » (que ce soit un texte, une courte vidéo, un
gif animé54 ou une image), celui ci est susceptible d’être recréé, relancée, renouvelée, étendu,
réapproprié à l’infini.
Ce voyage du signe, sans fin, qui joue sur le sens des choses, tisse un état d’esprit particulier.
1.2. Grandes tendances du LOL
Une recherche effectuée pour un client de l’agence ayant pour cible les jeunes a permis de
nous rendre compte de l’émergence de deux catégories de contenus liées à la culture LOL.
Le Grand Détournement Nomenclature qui fait écho au film de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette - La
Classe américaine : Le Grand Détournement - composé d'extraits de films de Warner Bros,
essentiellement ceux mettant en scène John Wayne, réalisés entre 1952 et 1980 montés et
doublés afin de créer un film inédit.
A l’heure actuelle, la GY se réapproprie à l’infini les signes caractéristiques des années 80-90
que ce soit les icones politiques ou les stars du petit écran de l’époque, pour les tourner en
dérision mais aussi, à l’inverse, pour les utiliser comme signe iconique.
54 Petite animation obtenue par succession de plusieurs images le tout contenu dans un seul fichier au format .gif
68
On retrouve ce revival des 90’s dans de nombres domaines : la musique, la mode, les
programmes télévisés. Depuis quelques années, la mode retro fait son retour et s’immisce
dans tous les domaines de la culture.
Dans un article du Daily French, Pourquoi le retro est-il tendance ?, l’auteur, nous parle d’un
samplage55 culturel. Ce sont dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures, et cette
expression, la GY l’a bien compris et emprunte le meilleur des cultures des années 60, 70, 80
et 90 pour créer un melting-pot culturel.
La GY détournent ensuite ces signes d’une époque antérieure pour mieux les utiliser comme
ils l’entendent.
Ainsi, Chuck Norris devient une icône ultra populaire sur Internet avec 56 millions de
résultats en recherche Google et autant d’extraits de la série culte Walker Texas Ranger re-
doublés, de vidéos diffusés, de citations inventées sur cet acteur. Ce phénomène est à prendre
au second degré puisque qu’en héroïsant le personnage, la GY se moque aussi de lui, le
tournant en dérision dans une sorte de dieu Has-Been.
Surfant sur la popularisation des ex-célébrités des années 80-90, les producteurs de séries
télévisées et les programmateurs des chaines de télévision suivent le mouvement en reprenant
des séries mythiques comme Melrose Place, Dallas ou Beverly Hills avec une « nouvelle
génération » (avec plus ou moins de succès).
55 Le Sample vient à l’origine de la musique, il s’agit d’un collage électronique d'extraits musicaux. Ici, le samplage représente le fait de prendre des éléments des différentes époques pour les coller entre elles et créer un nouvel objet.
Mèmes diffusés sur le web avec pour
icone Chuck Norris
69
Autre exemple, Jacques Chirac, l’ancien président français, est devenu une icône a posteriori,
une icône de « style » et de classe à la française. Les jeunes jouant avec d’anciennes
photographies du président, les imprimant même sur des vêtements ou encore les
transformant en jeu à la « Où est Charlie ? ». Un tumblr et une page fan Facebook est même
dédié à ce phénomène : http://fuckyeahjacqueschirac.tumblr.com
Le site effectue une curation de différentes images de M. Chirac sous la légende « The Chirac
Daily : smooth pimping, suave gangsterism » qui parle d’elle-même sur l’état d’esprit des
fans.
Un autre exemple de cette envie de tourner tout en dérision est la ré-écriture des grands
classiques de la Littérature française en langage « des jeunes de cités ». Le Tumblr56 « Le
Boloss des belles lettres » réécrit les résumés de la littérature classique en langage « jeune ».
56 Tumblr : plate-forme de microblogage, via le principe du reblogage principalement, créée en 2007, qui permet à l'utilisateur de poster du texte, des images, des vidéos, des liens et des sons. Source Wikipédia.
70
Ainsi, Antigone de Sophocle débute de la manière suivante :
« ça se passe à thèbes en grèce mais tmtc que tout le monde dit teub parce que les kids de l’an
2000 ils sont chauds y’a rien qui les empêche de se taper des barres hautes comme un kaiju
de 50 mètres big up pacific rim’k »
Le jeu est partout
Un deuxième phénomène est la tendance à la ludification de toute chose. Les jeunes
s’amusent dès qu’ils le peuvent et cela fait l’objet de contenus à diffuser sur internet.
Plusieurs modes se succèdent et agitent le web ces derniers temps. Il s’agit d’une sorte de
cadrage des contenus diffusés où le challenge est toujours plus absurde ou insolite.
Par exemple, le planking ou l’art de poser sur des objets du quotidien ou insolites. Il s’agit
d’une activité qui consiste à se positionner aussi raide qu'une planche dans des endroits
publics et à se faire photographier. La photo est ensuite diffusée par Internet via des réseaux
sociaux. Les « plankeurs » rivalisent pour trouver l'endroit le plus insolite et original.
Plus récemment, nous pouvons parler du Pottering. Le nom de cette nouvelle « activité » vient
du film Harry Potter57 et du sport favori du sorcier : le Quidditch, qui se pratique sur un balais
volant. Le but est de rejouer une scène du « sport » avec des amis en se prenant en photo au
moment où tous les « convives » sont en l’air, comme s’ils volaient.
57 Harry Potter, suite romanesque de fantasy comprenant sept tomes, écrite par J. K. Rowling
Des photographies de Planking tirées
d’Internet
71
Ces pratiques démontrent d’une envie de s’amuser, d’un détournement de pratiques inventées
ou empruntées mais également d’un investissement de la part des personnes dans la mesure
où elles se mettent en scène et tentent d’être toujours plus dans l’originalité et l’inattendu afin
de provoquer le rire. La GY est créative et trouve toujours une bêtise à faire pour se distraire
et partager.
L’envie de s’amuser se retrouve au quotidien dans la vie réelle. Dans une étude réalisée par le
CSA et HADOPI sur les Perceptions et pratiques de consommation de la GY en matière de
biens culturels dématérialisés, il est possible de décrire une tendance dans les pratiques
culturelles.
Les individus présentent une surconsommation de musique, de films et de séries sur internet
(de manière illégale ou légale, en streaming ou en téléchargement).
Ces pratiques relèvent davantage du divertissement que d'une culture plus sérieuse ou
éducative. Cette culture du divertissement repose sur plusieurs points :
La musique : Celle-ci est partie intégrante de la vie des 15-24 ans et s’écoute partout,
à tout moment. Cette pratique quotidienne peut même se muer en véritable besoin.
Films et séries : Les jeunes s’accordent de manière quasi-quotidienne un moment de
détente, seul pour s’évader, se reposer voire se ressourcer. Cette consommation peut
même devenir boulimique, pour les séries notamment.
Des photographies de Pottering tirées d’Internet
72
Jeux vidéo : La pratique des jeux vidéo est majoritaire par rapport à des moments de
lecture plus occasionnels et minoritaires au sein de l’échantillon qualitatif.
En ANNEXE 4, vous trouverez la présentation effectuée sur la Culture jeune.
Ses tendances viralisent des contenus créés par la GY. Mais il s’agit surtout de modes qui se
succèdent. Sur le fond plus que sur la forme, cette culture du détournement s’incarne dans un
objet sous-jacent sur le digital, le mème.
73
2. LE MEME
2.1. Petit historique du mème
Le mème, une histoire de gène
A l’origine, le mème est un terme associé à la génétique. Nous débuterons cette partie sur le
mème en nous appuyant sur le texte de Jean Magnan de Bornier, Mèmes et évolution
culturelle.
La théorie du mémétisme c’est développé dans les années 90, s’appuyant entre autres sur les
travaux de Darwin et de sa Théorie de l’évolution. Richard Dawkins est le premier chercheur
à donner une idée-force à ce concept : il existe dans le domaine culturel ou informationnel, un
équivalent à ce qu’est la génétique dans le domaine de la biologie, et un équivalent
indépendant de la génétique.
Il est possible d’établir un parallèle entre génétique et mémétique, c’est là qu’intervient
Darwin et sa Théorie de l’évolution. L’évolution darwinienne repose sur 3 mécaniques :
- La transmission : mécanisme de copie du codage des caractères
- La variation : la transmission du codage n’implique pas une copie à l’identique
- La sélection : élimine les mutations non-dotées de la fitness58 / qui ne sont pas
adaptées à leur environnement
Le darwinisme moderne va plus loin en proposant 2 nouvelles entités à ce modèle : les
réplicateurs et les interacteurs.
Les réplicateurs sont les gènes qui ont le pouvoir de se reproduire à l’identique, à quelques
variations près. Ils ont une qualité d’autonomie dynamique.
Face à ces réplicateurs, un autre objet est nécessaire pour « produire de l’évolution », les
interacteurs, qui eux sont les véhicules qui accueillent les réplicateurs et les protègent.
Ils sont définit de la manière suivant : entité qui interagit directement comme un mur de
cohésion avec l’environnement de telle manière que la réplication est différente.
58 En français : forme, aptitude
74
Traduit de manière culturelle :
FONCTION
BIOLOGIE
CULTURE
Réplicateur
Gène Mème
Interacteur Corps
Cerveau (et internet si l’on
va plus loin dans notre réflexion)
Susan Blackmore, précise le terme de la manière suivant : « Les mèmes sont des modes
d’emploi qui soutiennent le comportement emmagasiné dans le cerveau (ou d’autres objets) et
diffusé par imitation. Leur compétition conduit à l’évolution de l’esprit. »
La notion de compétition est intéressante pour la suite. Dawkins nous parle du « Selfish
Gene » qui tente de maximiser le nombre de copies de lui-même (sa réplication) sous
contraintes des ressources disponibles et en considérant les usages alternatifs. Certains
mèmes n’arriveront jamais à se répandre dans la population.
Les mèmes sur internet, nous y reviendrons par la suite, sont comme leurs congénères
biologiques, en compétition. Ils se comportent comme des Selfish Genes. C’est en cela que ce
détour théorique est nécessaire pour comprendre le comportement de cette entité particulière.
Lorsqu’il s’agit de définir les mèmes, il n’est pas possible de dissocier le terme de celui
d’imitation. Le même est imitation. Blackmore définit l’imitation comme : l’échange
d’information en utilisant le langage, la lecture, et les instructions de cette imitation, comme
des compétences et comportements complexes. L’imitation induit l’idée de copie d’idée et
comportements d’une personne à une autre.
Mèmes et web
Brent Silby du Département de Philosophie de l’Université de Canterbury rapproche le mème
de notre terrain d’investigation actuel. Dans son texte What is a Meme ?, il nous parle de ce
concept de manière plus tangible. Les mèmes sont des idées qui évoluent de la même manière
que les gènes dans la théorie de l’évolution.
75
« Pensez à toutes les idées que vous avez en tête à l’instant présent. Se sont tous des
mèmes, et ils viennent tous de quelque part. Certains viennent d’amis et d’autres
d’internet ou de la télévision. »
Il donne comme exemple les rythmes musicaux, les blagues, les modes, les tendances, les
phrases accrocheuses etc. Nous avons des mèmes à l’esprit et ils sont tous en compétition les
uns les autres dans la memepool pour se faire copier dans l’esprit d’autres personnes. Au-delà
de l’esprit, les meilleurs mèmes sont copiés sur des livres, des CD, des ordinateurs. Les
mèmes qui ne sont pas efficaces tombent dans l’oubli et ne résistent que les meilleurs.
La meilleure définition que nous donne Silby est que le mème est la plus petite idée qui se
copie entièrement tout en restant intacte.
La problématique du mème est donc aussi une question d’innovation. A chaque réplication le
mème innove, mute pour finir par s’installer durablement sur le web et dans la tête de la
communauté.
2.2. Point théorique sur l’activité d’innovation
Des chercheurs comme Madeleine Akrich ou Michel De Certeau étudient la place des usagers
dans la construction des innovations techniques. Les usagers sont pour les innovateurs le
public cible, les personnes que l’on veut toucher. Ils participent, autant que les « ingénieurs »,
au processus d’innovation en s’appropriant, en détournant, en braconnant l’innovation.
Nous pouvons créer un parallèle entre les actions des utilisateurs sur l’innovation qu’ils ont
définie dans leurs travaux et le mème. Ici, l’usager n’est pas forcément le public cible puisque
le mème ne cible personne en particulier. Il s’appuie sur un mécanisme de viralité. L’usager
serait l’internaute dans son sens le plus large.
Madeleine Akrich dans Les utilisateurs, acteurs de l'innovation, caractérise le comportement
des « usagers » en 4 styles d’actions.
Le Déplacement : Le déplacement consiste à modifier le spectre des usages prévus
d’un dispositif, sans annihiler ce en vue de quoi il a été conçu, et sans introduire de
modifications majeures dans le dispositif.
76
Les innovations présentent une certaine flexibilité dans la mesure où les innovateurs
réfléchissent à plusieurs scénarios d’utilisation.
L’Adaptation : On parlera d’adaptation lorsqu’il s’agit d’introduire quelques
modifications dans le dispositif qui permettent de l’ajuster aux caractéristiques de
l’utilisateur ou de son environnement sans pour autant toucher à sa fonction
première. L’usager fait évoluer l’outil mais en conserve l’usage originel. De manière générale, il
s’agit d’une gamme de transformation qui a pour objectif d’améliorer l’ergonomie de
l’outil pour des usagers aux besoins spécifiques.
L’Extension : On parlera d'extension lorsqu'un dispositif est à peu près conservé
dans sa forme et ses usages de départ mais qu'on lui adjoint un ou plusieurs
éléments qui permettent d'enrichir la liste de ses fonctions.
L’usager ajoute des éléments au dispositif par l’introduction de nouvelles fonctions.
Certaines extensions ont un impact plus global sur la société comme les logiciels
libres, logiciels dont l'utilisation, l'étude, la modification et la duplication en vue de
leur diffusion sont permises, techniquement et parfois légalement.
Le Détournement : La notion de détournement renvoie à un concept assez répandu,
en particulier dans le domaine de l'art : un dispositif est détourné lorsqu'un
utilisateur s'en sert pour un propos qui n'a rien à voir avec le scénario prévu au
départ par le concepteur et même annihile du coup toute possibilité de retour à
l'usage précédent.
Le dispositif n’a plus rien à voir avec ce qu’il était à l’origine.
L’exemple le plus probant de détournement est Internet. A l’origine conçu pour le
secteur militaire, il est aujourd’hui utilisé par le grand public pour des usages
multiples.
L’activité d’innovation se fait « approprier » et « évoluer » par les usagers.
77
2.3. Le mème, jeu et détournement des images
Si nous incluons le mème dans ces activités d’innovation, nous pouvons dire qu’il correspond
au détournement.
Il s’agit bien en effet de détourner un dispositif existant (sujet d’actualité, photographie
connue, extrait de films etc.) vers un propos qui a peu à voir avec le scénario d’origine.
Dans un article du Monde.fr de 2012, Damien Leloup se penche sur la question des mèmes.
Pour lui, cela peut débuter avec n’importe quoi : une recette de cuisine, une photo de star ou
de politicien, un gif animé, une citation de série… Quelqu’un détourne cet objet en y ajoutant
une pincée d’humour ou de dérision et le tour est joué si le mème ainsi créé est diffusé et
repris massivement.
L’article reprend l’apport théorique de Dawkins, mais y ajoute la dimension web 2.0 :
« Avec le développement du Web, le mot acquiert un sens plus restreint dans le langage
courant : celui d'un objet culturel, le plus souvent humoristique, qui se diffuse très vite au sein
d'une communauté en ligne, chacun des membres de cette communauté pouvant se
réapproprier l'objet et en créer sa propre version. »
Ainsi, le mème sort du domaine obscur de la génétique pour être vulgarisé au sein d’internet.
Le mème devient un objet culturel qui se transmet de manière virale.
Damien Leloup dresse une liste des mèmes connus à l’heure actuelle, ceux-ci reposent entre
autres sur :
-‐ Une situation cocasse ou humoristique
-‐ Un dessin amusant
-‐ Une blague connue
Ils peuvent également sortir du cadre léger de l’humour pour retranscrire une opinion
politique ou un message.
Monique Dagnaud parle également des mèmes dans sa réflexion sur la culture LOL. La
dimension divertissante et humoristique du mème est bien présente.
78
Les mèmes apparaissent sur n’importe quel support mais gagnent leur gallon sur internet
lorsqu’ils sont massivement repris, répondant à cet espoir de déclencher une tempête virale et
faire surgir un symbole culte qui attirera une communauté de rieurs et de commentateurs59.
Le phénomène prend de l’ampleur et aujourd’hui des espaces communautaires sont même
créées : des encyclopédies du mèmes et des explications sur le « mème zéro » comme
Knowyourmeme.com ou encore des « producteurs de mèmes », 4chan, Reddit.
D’autres sites sont connus comme étant des agrégateurs de mèmes, 9gag, minutebuzz, etc.
Au cours de notre veille quotidienne, nous voyons émerger des modes dans les mèmes, des
caractères récurrents dans ces images dérisoires, humoristiques et insolites.
Depuis quelques temps maintenant les chats et autres Lolcats agitent la toile. Un Lolcat c’est
une image de chat (de chaton de préférence) sur laquelle est accolée une citation
humoristique. Construite comme la plupart des mèmes, les images lolcats jouent sur l’aspect
attendrissant de l’animal et sur l’aspect sarcastique avec une citation piquante ou drôle. Le
phénomène s’étend et s’enrichit puisque les chats sont maintenant l’objet de multiples
détournements sur la toile, de vidéos, de gifs voire même de sites internet loufoques.
L’emploi d’animaux est l’un des détournements les plus utilisés dans les mèmes qui
parcourent le web : chat, chien, ours, oiseau etc. Il suffit d’une photographie dont le rendu
prête à rire et le mème peut être créé et diffusé.
Un exemple de marque surfant sur la vague des Lolcats est Bouygues Telecom, qui, en 2012 a
sorti une publicité télévisée entièrement réalisée avec des chatons. Publicité qui a fait des
émules dans la sphère communication et qui a été saluée par de nombreux publicitaires et
créatifs d’agence.
Un autre pan est le détournement d’images d’actualités et notamment de politique. Nous en
avons parlé plus haut, Jacques Chirac est devenu une véritable icône. Mais cela va plus loin
qu’un ancien président français. A chaque scandale politique ou bien fait marquant, plusieurs
mèmes sont créés avec des images prises sur le fait ou bien d’anciens supports sur lesquel une
citation fait le lien avec la situation actuelle.
Un élément est cependant à prendre en compte. Le mème suppose des connaissances
techniques et notamment d’utilisation de logiciel informatique comme Photoshop. Il faut
59 Monique Dagnaud dans De la BOF génération à la LOL génération, Slate.fr
79
découper les images ou les vidéos, les animer, les accoler etc. Le plus souvent, les mèmes
sont initiés par des semi-professionnels d’internet comme des webmasters, des graphistes ou
des développeurs web. Mais de plus en plus, les jeunes maitrisent ses logiciels avec un savoir
acquis en tâtonnant, en essayant… certains mèmes ne nécessitent pas forcément de grandes
connaissances informatiques et eux aussi peuvent être à l’origine de mèmes célèbrent.
Mais encore, créer un mème de nos jours et devenu un jeu d’enfant. Des sites comme
memecreator.org/ permettent à n’importe qui possédant un accès internet de fabriquer son
mème. Une banque de donné d’images est mise à disposition, l’internaute peut également
télécharger son image s’il en possède une digne de créer un mème ; ensuite, un logiciel
propose d’incruster le texte, dans les code du même (typographie). Une fois satisfait,
l’internaute n’a qu’à cliquer et le mème est diffusé sur tous les sites précédemment cités et sur
les réseaux sociaux.
Le mème reste fondamentalement un objet (ovni) visuel qui traverse la toile. Ce fondement de
la Culture LOL de la GY est iconographique. Cet élément est d’une importance capitale dans
notre propos. Chaque culture a ses normes, l’aspect iconographique semble en être une ici.
A titre d’exemple vous trouverez une infographie en ANNEXE 5 qui montre comment se
forme un mème sur internet et la diversité sur laquelle repose ces êtres culturels.
Les catégories de mèmes « confirmés » sur Internet –Source : Knowyourmeme.com
80
3. UNE CULTURE ICONOGRAPHIQUE ET VIDEO
Olivier Houdé, directeur du Laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation
de l’enfant, Université Paris Descartes nous montre que les générations actuelles sont
façonnées par l’image.
« Lorsque les enfants font face à un écran, ce sont souvent les régions postérieures du
cerveau, les parties visuelles et sensorielles – en clair l’intelligence élémentaire – qui
sont activées. (…) Ainsi, les élèves sollicitent moins le cortex préfrontal, c’est-à-dire le
lieu de la synthèse personnelle et de l’abstraction ».
L’attrait pour l’iconographique et l’image semble donc physiologique chez les jeunes
générations.
3.1. Iconographie
« Nous sommes dans un siècle de l'image. Pour le bien comme pour le mal, nous subissons
plus que jamais l'action de l'image. »
Gaston Bachelard
Monique Dagnaud dans l'article publié sur Slate.fr, qualifie le web de centrifugeuse dans
laquelle s’observe un brassage et une diffusion de plusieurs milliards d’images.
Elle appelle la GY la Génération “je m’exprime par l’image”. Ce caractère se retrouve sur les
réseaux sociaux qui laissent une part importante à l’image dans leur interface visuelle.
L’image permet de toucher à l’affect et à l’imaginaire puisqu’elle se veut, par essence
polysémique. Chacun y voit ce qu’il veut. Toute image est polysémique, puisqu’elle repose
sur des systèmes d’interprétations différents. L'image, comme tout objet, n'est pas
nécessairement perçue de la même manière par tous ses observateurs.
L’image est imaginaire et, sur cet élément, nous pouvons rebondir avec nos propos précédents
qui veulent que la GY soit une génération de rêveurs, d’éternels enfants qui aiment s’amuser.
La dimension ludique de l’image n’est plus à prouver. Elle parle plus que des mots et permet
de voir au-delà de la signification première. L’image est divertissement pour la GY et c’est
pour cela qu’elle est si appréciée.
Afin d’illustrer ces propos, nous pouvons nous appuyer sur les chiffres d’une étude du Pew
Research center : Generations and their gadgets qui titre l’une de ces parties « Génération Y -
génération “visuel” ».
81
A la question : Vous utilisez votre téléphone portable pour… ?
91% des individus interrogés appartenant à la cible GY répond prendre des photos (VS 83%
pour la Génération X). Les Millenials utilisent de manière significative leur téléphone
portable pour divers objectifs : prendre des photos, envoyer des sms, enregistrer des vidéos, se
connecter en ligne, écouter de la musique, jouer à des jeux vidéo, recevoir et envoyer des e-
mails etc. Des activités de divertissement beaucoup plus développée que chez les autres
générations.
L’importance de l’image se retrouve notamment dans le cas de Facebook, qui, à chaque mise
à jour du réseau social, fait une part de plus en plus belle au partage des photos et des visuels.
Ce phénomène de mise en image de toute chose semble aussi être raison de l’ascension
fulgurante de Tumblr, Instagram et de Pinterest, trois réseaux qui fonctionnent principalement
sur la mise en valeur et le partage de visuels.
3.1.1. Pinterest : l’image au cœur des pratiques
Pinterest est un réseau de partage de contenu où l’internaute, s’étant créé un compte au
préalable, « épingle » sur son mur des images et des vidéos trouvées sur le net ou sur les
comptes des autres abonnés. Ce réseau social est considéré par certains comme une source
d’inspiration puisque l’interface graphique rassemble de manière très esthétique et pratique
des tableaux graphiques et artistiques.
Même les marques s’y mettent de plus en plus, Pinterest est une opportunité de vitrine
esthétique pour leurs produits.
A l’instar de plusieurs autres réseaux sociaux, la fonctionnalité de partage va plus loin que le
simple flux d’image puisqu’il est possible d’aimer, de commenter et « ré-épingler » les
contenus des personnes que l’on suit. Sur le plan ergonomique, Pinterest propose une
expérience simple mais surtout visuelle.
Pinterest c’est60 le réseau social sacré meilleure Start-up en 2011 par Tech Crunch, avec 13
millions de visiteurs uniques par mois et 2 millions d’utilisateurs uniques quotidiens. Des
chiffres importants pour un réseau lancé en 2010.
60 Source : Shareolic, RJ metrics, Mashable, Visual.Ly
82
Cette plateforme nous intéresse puisqu'elle atteste de cette culture de l’image qu’ont les
jeunes.
Au global, Pinterest c’est 80% de femmes qui ont entre 25 et 34 ans de moyenne d’âge. Le
temps moyen passé est de 72min, un public qui est donc plutôt jeune.
Les utilisateurs partagent leurs trouvailles et cherchent des idées d’inspiration que ce soit en
matière de déco, de beauté, de shopping, de DIY, de mode, mais ils partagent aussi de
l’actualité (via des infographies notamment).
Visuel – Interface visuelle Pinterest
3.1.2. Instagram : l’outil-réseau de l’image
Instagram est « un moyen rapide, esthétique et amusant de partager votre vie avec vos amis
au travers de vos photos. Prenez une photo avec votre Smartphone, choisissez un filtre pour
en changer l’apparence et partagez la sur Facebook, Twitter ou Tumblr – c’est simple comme
bonjour. C’est le partage de photo, réinventé. »61
Les utilisateurs d'Instagram ont entre 18 et 34 ans de moyenne d'âge. Les Instagrammers sont
des individus qualifié de « trendy », créatifs, connectés et attiré par l'art et le design. Mais la
« masse » utilise surtout Instagram comme un outil de retouche photo, simple et pratique.
Ainsi, les contenus créés par l’utilisateur sont mis en beauté et diffusé à sa communauté par le
biais des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter.
En 2013, près de 90 millions d'usagers seraient actifs chaque mois. Le site assure recevoir
près de 40 millions de photos chaque jour. En mai 2012, Instagram a même annoncé que plus
d’un milliard de photos avaient été prises depuis le service mobile.
61 Source site Instagram.com
83
La raison de ce succès est expliquée, dans de nombreux articles, par la valeur ajoutée
qu'apporte l’option de filtres, mais aussi par la possibilité de partager instantanément ses
photos sur les différentes plateformes de réseau social.
Visuel – Interface visuelle Instagram
3.1.3. Tumblr : challenger de Facebook
Un troisième réseau, Tumblr est lui aussi le nouveau chouchou de la GY. Il s’agit d’un réseau
de micro-blogging de partage de photos. Dans un article de Rue89 de janvier 2013, le réseau
serait même en passe de détrôner Facebook chez les jeunes américains de 15-25 ans.
Tumblr semble être plus libertaire que son confrère Facebook (car possibilité d’y accéder sans
abonnement). Il est aussi construit de manière à être simple d’utilisation, d’avoir un impact
visuel fort et une liberté d’expression importante. La plateforme permet de partager des
images, de la musique, des vidéos ou des textes. L’aspect visuel est un véritable atout des
Tumblr car les individus ont de moins en moins tendance à lire toutes les informations
textuelles qui parasitent les autres réseaux sociaux. Ils sont plus accrochés par les objets
visuels.
De nombreux Tumblr sont également célèbres pour leur ton humoristique et décalé.
Le réseau semble donc réunir les 2 aspects favoris de la GY d’ou son succès auprès des
jeunes.
84
Visuel – Interface visuelle Tumblr.
3.2. La vidéo & Gen C. : la nouvelle facette de la Génération Y ?
Une étude de Think Insights62, la plateforme d’études de Google présente une nouvelle
Génération qui émerge sur internet, la Gen C. : Google Insight Introducing Gen C – The
Youtube Generation.
Cette étude se penche notamment sur l’utilisation de la vidéo sur Youtube, la plateforme de
partage de vidéos appartenant à Google.
Le terme Gen C. est utilisé pour décrire les individus qui s’intéressent à la création, la
curation, la connexion et la communauté. Il ne s’agit pas forcément d’une génération définie
par l’âge mais plutôt par un état d’esprit, une attitude. Néanmoins près de 80% des Millenials
appartient à ce groupe Gen C63.
Cette Génération repose sur plusieurs piliers :
Ils partagent un état d’esprit : Un état d’esprit définit par les phénomènes de
création, de curation, de connexion et de communauté.
62 http://www.google.com/think/ 63 Source : Forrester Technographics Q2 2012
85
Ils luttent pour l’expression : La Gen C est le « ravitailleur » de la culture en ligne,
uploadant photos, vidéos, mèmes, mash-up (vidéos qui mélangent images et sons) etc.
Ils apportent du contenu frais en téléchargeant dans le web leur propre contenu. Ils
sont contributeurs et plus seulement spectateurs.
A titre d’illustration de ce phénomène, 67% des individus de la Gen C. mettent en
ligne leurs propres photos sur les réseaux sociaux64.
Ils sont des créateurs de tendance : La Gen C est celle qui fixe les nouvelles
tendances et détermine ce qui sera populaire dans le futur. En effet, avec le web 2.0,
celui du partage et des commentaires, l’avis des pairs est devenu important.
Nous pouvons faire le rapprochement avec les bloggeurs, qui deviennent, au fur et à
mesure que leur popularité s’accroit, des trendsetteur65 qui disent ce qui est à la mode
et ce qui ne l’est pas. A l’origine pourtant, ils n’ont pas de légitimité acquise, ils sont
des gens comme tout le monde, leur crédit leur est donné par la communauté qui les
suit.
Youtube est l’endroit où ils vivent le divertissement : La Gen C. est 2 fois plus
susceptible de regarder des vidéos sur Youtube que la population générale66.
Ils s’y connectent même de plus en plus sur leur Smartphone. En effet, avec les coûts
de la data qui décroissent et l’augmentation de la vitesse de connexion et de
téléchargement des réseaux, la vidéo mobile est en totale explosion.
Selon une autre étude du Pew research Center : Millenials, a portrait of Generation
Next, il y aurait plus de Millenials qui postent des videos online. Seulement 7% de la
population interrogée dit avoir posté des vidéos d’eux sur internet. Les Millenials
semblent beaucoup plus enclin à cette pratique avec 20% qui ont déjà posté des vidéos
d’eux sur le web.
64 Source : Engaging Generation C, novembre 2012 65 « Faiseurs de tendances » 66 GfK-MRI, printemps 2012
86
3.3. Une curation comme reflet de la pop culture « physique » (dans le sens non digital)
La GY construit sa culture à travers un filtre d’humour et sur des supports fortement visuels.
Les êtres culturels ainsi créés, sont des détournements d’images. Cela implique donc de partir
de quelque chose qui existe déjà. Les nouveaux éléments de culture développés sur internet
prennent alors place dans des univers culturels préexistants.
Le travail du planneur est de trouver l’inspiration partout et de suivre les mouvances
culturelles en cinéma, publicité, télévision, littérature, sociales, politiques etc. Il ne se
cantonne pas à l’analyse des publicités existantes, au contraire, il s’inspire de ce qui se passe
vraiment. Dans tous les domaines qui fondent notre société.
Chaque jour, nous nous tenons au courant de ce qui se passe dans l’actualité au sens large ; la
culture de la GY semble être en réalité un miroir de l’actualité sociale, économique et
politique par le prisme du web.
Il est vrai qu’un pan est complètement aléatoire et suit le fil des modes (lolcats, planking,
pottering etc.) mais la plupart des « êtres culturels » qui sont diffusés partent d’un fait originel
bien existant. Ce fait est seulement retravaillé par la communauté du web pour convenir aux
codes imposés par celle-ci. Un fait brut ne serait pas aussi viral s’il n’était pas passé par le
filtre « Humour/dérision/divertissement ». Selon Monique Dagnaud, le mème capte un sujet
inattendu ou décalé. Il est donc préalablement chargé d’un potentiel de significations.
La mème transforme le signifiant primaire et l’augmente à l’aide d’images ou de texte.
La GY effectue une curation de la pop culture actuelle pour ne prendre que les éléments qui
l’intéressent et les diffuser à la communauté.
Le terme curation vient du latin curare qui veut dire soigné. De manière plus moderne, il est
employé par les Anglophones pour désigner la personne qui choisit les œuvres pour réaliser
une exposition ou la collection d’un musée en prenant en compte le futur public : curator.
Par extension, le monde du web présente des Content curators, c’est à dire des internautes
qui, par envie, passion ou besoin de reconnaissance partagent et mettent en scène leurs
découvertes digitales.
Dans le texte de Christophe Deschamps, Les multiples facettes de la curation, on nous parle
de ce phénomène émergeant du partage de contenus de personne à personne.
Des internautes s’auto investissent d’une mission et au regard de leur expertise, vont « filtrer
les contenus numériques les plus pertinents, (...) les organiser, les structurer à travers un
dispositif de scénographie ». Les individus de la GY se créent leur univers sur le web, un
87
univers plus gai, plus riche que celui qu’on leur donne à voir dans la réalité de tous les jours.
A la manière d’un commissaire d’exposition, ils choisissent leurs œuvres et les partagent avec
les autres pour que l’image globale soit commune, au-delà des sous-cultures et des groupes
d’appartenance quels qu’ils soient.
La pop culture sur le digital est un panorama composé de parcelles d’actualités, actualités
sérieuses ou inattendus, voire improbables.
88
CONCLUSION
La question du digital lorsque l’on parle de la GY ne peut tout bonnement pas être
écartée et celle des réseaux sociaux encore moins. Les jeunes d’aujourd’hui vivent, pour la
plupart, entièrement connectés à l’écosystème qu’ils se sont façonnés. Il est donc naturel pour
les marques, dans le cadre d’une campagne de communication visant cette cible, de passer par
les réseaux sociaux. C’est l’un des points de contact les plus efficaces, plus efficace que
l’affichage traditionnel ou la radio. D’autre part, cette génération a également influé sur ces
médias traditionnels en faisant émerger de nouvelles pratiques auxquelles ils doivent
s’adapter aujourd’hui pour conserver une audience : TV connectée, Live Tweet pendant des
émissions de télévision, magazines digitaux ect.
Néanmoins, la GY ne se caractérise pas uniquement par des habitudes de consommation
médiatique et un emploi particulier des supports traditionnels et numériques. Ils ne se
définissent pas non plus uniquement à travers les réseaux sociaux et l’identité qu’ils s’y
construisent.
En tant que Génération, ils ne sont pas réductibles à cela, ils sont également porteurs de
changements comportementaux sur la question du travail, de la société, de l’âge adulte et de
changements culturels.
Une culture de la Génération Y
Qui repose sur l’humour, l’amusement, l’évasion
Qui s’incarne dans les réseaux (sociaux et virtuels) et notamment sur de nouveaux
supports comme Pinterest, Instagram ou Tumblr, qui font la part belle à l’image
Qui oscille entre des éléments rétro et une curation d'objets qui appartiennent à l’air du
temps, à l’actualité pris par le prisme de l’humour
Une culture qui repose en grande partie sur les mécanismes de l’humour et de l’inventivité
pour faire face à une société toujours plus morose et à un futur plutôt incertain et négatif tel
qu’on le dépeint de nos jours.
89
Après avoir dressé ce portrait, la question qui reste sous-jacente est de savoir qui influe sur
qui ? Est-ce de par cette culture incarnée dans l’iconographie que des réseaux comme
Pinterest ou Instagram ont vu le jour ? Ou bien le contraire ?
Ici, nous aimerions éviter le piège déterministe qui présente une vision réduite de la réalité. Il
ne s’agit pas de considérer les NTIC comme totalement neutres ni comme portant à elles-
seules ses évolutions, déterminantes. Nous préférerons la logique de co-émergence de Patrice
Flichy qui, dans sa sociologie de l’innovation parle des NTIC en tant qu’accompagnateur et
catalyseur de celle-ci. P. Flichy abandonne les logiques de causalité et nous parle de la
conception des techniques qui intègre les attentes et aspirations de la société.
En effet, dans cette pensée, les innovateurs qui produisent les outils ont en tête la vision
actuelle de la société et de la communication, à la base de l’innovation les principes
d’évolutions sont déjà intégrés. Et puis, quand ces innovations sont utilisées dans la société,
elles vont accélérer les évolutions car elles ont déjà incorporé les logiques sociales : « Celle
qui gagne, c’est celle qui a le mieux anticipé les modes de vie ».
Un peu à la manière des mèmes qui sont un élément majeur de cette culture : celui qui gagne,
c’est celui qui est le plus ancré dans l’esprit des gens.
Nous terminerons notre propos sur une citation de Jean Pralong, professeur à l’Ecole de
Management EM Lyon Business School, qui ouvre un nouveau questionnement sur cette
Génération Y.
« Si cette génération est souvent simplifiée et définie par une empreinte
démographique sur la pyramide des âges, elle s’en est affranchie pour devenir une
"culture" ou "état d’esprit" que l’on retrouve chez les membres des autres
générations ! On peut donc dire que la génération Y n’existe pas, elle est simplement
le côté émergé de l’iceberg qui nous montre les mutations de notre société ! »
90
BIBLIOGRAPHIE
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91
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http://www.definitions-marketing.com
http://www.universalis.fr
DOCUMENTS INTERNES SAATCHI & SAATCHI + DUKE Confidentiel SAATCHI & SAATCHI + DUKE. Les Digital Natives – Reload, Juin 2013. SAATCHI & SAATCHI + DUKE. Les jeunes pour Kronenbourg, Juillet 2013. SAATCHI & SAATCHI + DUKE. Workshop Lenovo, Janvier 2013.
Toutes les marques analysées ou citées ont été étudiées dans le cadre de mon stage de fin d’études chez Saatchi & Saatchi + Duke.
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ANNEXES
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ANNEXE 1
PRESENTATION NATHALIE DIGITAL BEHAVIOR
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ANNEXE 2
MOOD BOARD
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ANNEXE 3
GRILLE D’ENTRETIEN XPLORING
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KRONENBOURG / XPLORING 16-25 ANS
CONTEXTE Les jeunes ont aujourd’hui des habitudes de consommation qui changent, notamment autour de la consommation d’alcool. Boire de l’alcool peut ainsi être associé à différentes situations : faire la fête, se détendre, s’alcooliser (binge drinking)…
ObjectifS Nous cherchons à comprendre le passage à l’âge adulte, comment les jeunes le vivent, ce que cela signifie pour eux. Nous essayons de voir leur manière de décompresser, s’ils en ont besoin. Il s’agit ainsi de comprendre comment ils se relâchent et quels sont leurs moments de détente. Seul ou entre amis, nous voulons voir quelle est la place de l’alcool et de la bière dans ces moments.
Domaines de recherche de l’Xploring Adulte / indépendance Comment tu définis l’âge adulte ? Est-ce que tu te considères comme adulte ? Par rapport à tes amis ? A quel point tu te considères comme indépendant ? Est-ce que ça t’attire de devenir adulte ? Qu’est ce qui fait le fait d’être adulte ? (Etapes ?) Moment de détente / apéro / fête Comment vous détendez-vous ? Qu’est ce qui amène ce moment de détente (pression à relâcher ?) Seul… En groupe… ? A quelle occasion vous voyez vos amis ? Alcool Comment vous avez commencé à boire de l’alcool ? Votre meilleur souvenir ou votre pire souvenir ? A quoi vous associez le moment où vous buvez de l’alcool ? Où, avec qui… (Pour le bar et en appartement : critères d’achat) Quelles attentes ? Quelle différence entre apéro ou « vraie » fête ? La fête c’est quoi ? L’apéro ? Bière Le moment bière Avec qui ? Où ? Votre première fois ? Votre meilleur souvenir ou votre pire souvenir ? A quoi vous associez le moment où vous buvez de la bière ? Où, avec qui… (Pour le bar et en appartement : critères d’achat) Quelles attentes ? Est ce que ça plait autant aux hommes qu’aux femmes ? Est ce que tu continueras à en boire en grandissant ? Kronenbourg Quelles sont les marques de bière que tu bois ? Quelle est ta marque habituelle et pour quoi ? Bar / maison ? Est ce qu’il y en a dans les bars ? Est ce que tu en achètes pour chez toi ? A quel moment tu bois Kronenbourg ? Quand tu penses Kronenbourg tu penses à qui / à quoi ? A quelle marque tu l’associes ?
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KRONENBOURG / XPLORING / 25-35 ANS
ObjectifS Nous cherchons à comprendre les motivations d’achat et de consommation d’une marque de bière. Quelles sont les émotions liées à la bière, quel est leur histoire avec cet alcool, comment ils le consomment et dans quel environnement physique et émotionnel ils se trouvent. Nous cherchons également à tester 2 pistes à travers l’Xploring :
-‐ la fierté de la différence à la française (Kronenbourg peut-‐elle être érigée comme une icône du je-‐m’en-‐foutisme à la française)
-‐ brassons nos différences (la mixité des origines en France est-‐elle un vecteur porteur pour Kronenbourg)
Domaines de recherche de l’Xploring Leur rapport aux responsabilités aujourd’hui vs adolescent A quel point votre vie est-‐elle différente de lorsque vous étiez étudiant ? que regrettez-‐vous de cette époque ? qu’est ce que vous ne referiez pour rien au monde ? de quoi ne pourriez-‐vous pas vous passer dans votre vie d’aujourd’hui ? La détente, la décompression aujourd’hui vs adolescent Comment ça se passe, quand et ou ? Seul ? avec ses amis ? avec son compagnon ? Quels changements par rapport à lorsque vous étiez plus jeune ? La différence entre apéro et fête ? A quelle fréquence ? Leur histoire avec l’alcool et la bière Comment vous avez commencé à boire de l’alcool ? Où et quand était-‐ce ? A quoi vous associez le moment où vous buviez de l’alcool ? Qu’en retenez-‐vous ? Les choses sont-‐elles différentes aujourd’hui ? A quelle occasion est-‐ce différent/identique ? Est ce que vous avez appris de cette époque ? La bière aujourd’hui Lorsqu’on vous parle de bière, quel est le premier endroit qui vous vient à l’esprit ? Quand consommez-‐vous de la bière ? A quelle fréquence ? La semaine, le weekend ? Avec qui en buvez-‐vous ? Est ce un plaisir plutôt solitaire ou un rituel de partage ? Et dans un bar ? Y-‐allez-‐vous ? Avec qui et dans quelles circonstances ? Les critères de choix de la bière Comment choisissez-‐vous votre bière au supermarché ? dans un bar ? Connaissez-‐vous bien les bières ? Êtes-‐vous attiré par les bières artisanales ? Est ce qu’il y a des connaisseurs de la bière ? Chez soi : quelle marque buvez-‐vous ? En buvez-‐vous plusieurs ? Chaque marque a-‐t-‐elle son événement de prédilection ? Quand vous recevez, y a-‐t-‐il de la bière ? Quand vous êtes invité, en amenez-‐vous? Kronenbourg Quelles sont les marques de bière que tu bois ? Quelle est ta marque habituelle et pour quoi ? Bar / maison ? Est ce qu’il y en a dans les bars ? Est ce que tu en achètes pour chez toi ? A quel moment tu bois Kronenbourg ? Quand tu penses Kronenbourg tu penses à qui / à quoi ? Sur une table où il y a de la Kronenbourg, il y a quoi d’autre ? La fierté de la différence française Être en France et rencontrer les touristes : Y-‐a-‐t-‐il un stéréotype du français ? Qu’est ce qui vous dérange le plus dans cette image ? Y-‐a-‐t-‐il une réalité dans ce stéréotype ? Aller à l’étranger et parler de son pays : Êtes-‐vous déjà allé à l’étranger ? On vous a parlé de la France à cette occasion ? Comment avez-‐vous réagi ?
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ANNEXE 4
PRESENTATION LA CULTURE JEUNE
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ANNEXE 5
INFOGRAPHIE - WHAT IS A MEME ?
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