Mille Plateaux - le petit Hans.pdf

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www.webdeleuze.com LES COURS DE GILLES DELEUZE www.webdeleuze.com Anti Oedipe et Mille Plateaux > 03/12/1973 > Sur le petit Hans ... Même au niveau du rapport du petit Hans avec le cheval, on va faire de réponses qui consistent à dire : le rapport est analogique, des réponses qui consisteraient à dire que le rapport est homologique, il faut établir le système structural; nous, nous allons dans une toute autre direction en parlant d’un agencement machinique qui exclut aussi bien les analogies imaginaires que les homologies de structure. J’ajoute que c’est pas fini l’histoire du contrat interne de la psychanalyse, parce que si Mélanie Klein a annoncé le coup : je t’échange tes affects contre des fantasmes et que c’est une manière de casser l’enfant et de l’empêcher de produire ses énoncés ou de produire son inconscient, encore pire que celle de Freud; il y a actuellement un troisième stade, ils ont encore trouvé quelque chose d’autre : je prends un livre récent de Green qui s’appelle Lʼenfant de ça, il est très intéressant à cet égard parce que Green, il dit : qu’est-ce qui a manqué à la psychanalyse ? Ce qui a manqué à la psychanalyse, c’est une théorie de la pensée, et il dit : finalement, moi, Green, je suis un disciple de Bion - un analyste de langue anglaise -, plutôt encore que de Lacan, parce que Bion, c’est le premier à avoir fait une théorie psychanalytique de la pensée (il faut lire les textes de Green pour voir ce que c’est que la théorie psychanalytique de la pensée), et il dit très bien que le véritable échange analytique c’est «tu me donnes tes affects et je te donnerai de la pensée». Le psychanalyste se fait penseur et quand le psychanalyste se fait penseur, c’est à peine croyable : l’heure du cogito est revenue. Elle est revenue sous le nom de la sainte castration. L’état actuel de l’échange analytique, ça n’est plus : «tu me donneras tes affects, je te donnerai de la perception», ou «tu me donnes tes affects, je te donnerai du fantasme», mais c’est - rendez-vous compte de la saloperie de M. Klein, donne tes affects et occupe-toi de ces fantasmes ... c’est à dire d’un théâtre, ça ne dérange personne un théâtre dans un coin, mais vas surtout pas foutre le feu à ton école ... C’est ça un affect, c’est un feu ... Le fameux idéal de Mélanie, c’est la même chose : on se trouve devant des petits paranos et un enfant qui vit son corps-machine, il le vit comme puissance, c’est à dire que c’est en effet un petit paranoïaque, mais c’est très bien les petits paranoïaques, ce n’est pas méchant du tout, il veut que ça fonctionne, c’est même très ingénieux, ce n’est pas malade un petit paranoïaque, ça n’a besoin de personne et qu’est- ce qu’elle veut Mélanie Klein : son grand cri de guerre c’est : je te ferai passer de la position paranoïaque à la position dépressive. Là, je n’invente rien, elle construit toute une théorie pour montrer la supériorité de la position dépressive qui atteint à l’unité sacrée du moi au bon objet, etc., à toutes ces merdes là, à la culture du fantasme comme chose particulièrement vivifiante, ça, c’est la bonne position, la position dépressive : on a cassé le petit paranoïaque; c’est considéré comme un succès de la cure et je vois encore dans ma mémoire des textes de Lacan à propos de la psychanalyse didactique où il dit que la psychanalyse intensive, c’est

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    LES COURS DE GILLES DELEUZEwww.webdeleuze.com

    Anti Oedipe et Mille Plateaux> 03/12/1973> Sur le petit Hans

    ... Mme au niveau du rapport du petit Hans avec le cheval, on va faire de rponses qui consistent dire : le rapport est analogique, des rponses qui consisteraient dire que le rapport est homologique, il faut tablir le systme structural; nous, nous allons dans une toute autre direction en parlant dun agencement machinique qui exclut aussi bien les analogies imaginaires que les homologies de structure. Jajoute que cest pas fini lhistoire du contrat interne de la psychanalyse, parce que si Mlanie Klein a annonc le coup : je tchange tes affects contre des fantasmes et que cest une manire de casser lenfant et de lempcher de produire ses noncs ou de produire son inconscient, encore pire que celle de Freud; il y a actuellement un troisime stade, ils ont encore trouv quelque chose dautre : je prends un livre rcent de Green qui sappelle Lenfant de a, il est trs intressant cet gard parce que Green, il dit : quest-ce qui a manqu la psychanalyse ? Ce qui a manqu la psychanalyse, cest une thorie de la pense, et il dit : finalement, moi, Green, je suis un disciple de Bion - un analyste de langue anglaise -, plutt encore que de Lacan, parce que Bion, cest le premier avoir fait une thorie psychanalytique de la pense (il faut lire les textes de Green pour voir ce que cest que la thorie psychanalytique de la pense), et il dit trs bien que le vritable change analytique cest tu me donnes tes affects et je te donnerai de la pense. Le psychanalyste se fait penseur et quand le psychanalyste se fait penseur, cest peine croyable : lheure du cogito est revenue. Elle est revenue sous le nom de la sainte castration. Ltat actuel de lchange analytique, a nest plus : tu me donneras tes affects, je te donnerai de la perception, ou tu me donnes tes affects, je te donnerai du fantasme, mais cest - rendez-vous compte de la saloperie de M. Klein, donne tes affects et occupe-toi de ces fantasmes ... cest dire dun thtre, a ne drange personne un thtre dans un coin, mais vas surtout pas foutre le feu ton cole ... Cest a un affect, cest un feu ... Le fameux idal de Mlanie, cest la mme chose : on se trouve devant des petits paranos et un enfant qui vit son corps-machine, il le vit comme puissance, cest dire que cest en effet un petit paranoaque, mais cest trs bien les petits paranoaques, ce nest pas mchant du tout, il veut que a fonctionne, cest mme trs ingnieux, ce nest pas malade un petit paranoaque, a na besoin de personne et quest-ce quelle veut Mlanie Klein : son grand cri de guerre cest : je te ferai passer de la position paranoaque la position dpressive. L, je ninvente rien, elle construit toute une thorie pour montrer la supriorit de la position dpressive qui atteint lunit sacre du moi au bon objet, etc., toutes ces merdes l, la culture du fantasme comme chose particulirement vivifiante, a, cest la bonne position, la position dpressive : on a cass le petit paranoaque; cest considr comme un succs de la cure et je vois encore dans ma mmoire des textes de Lacan propos de la psychanalyse didactique o il dit que la psychanalyse intensive, cest

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    celle qui doit passer par la position dpressive, ou bien les objections que Green fait et ce nest pas par hasard que Monsieur Green mobjecte : vous ne parlez jamais des dpressifs, vous ne savez pas ce que cest quun dpressif, cest prcisment a tout le truc : transformer une espce de puissance paranoaque en impuissatation dpressive et que a ne fait quun avec lchange : affect-force remplac par des fantasmes, ou programmes remplacs par des fantasmes, et pendant ce temps l, le petit gars est dans son coin, il ne dit rien, i.e. quil ne peut pas produire ses noncs.On en tait rest ceci, une opration extraordinaire : le petit Hans dune manire vivante, dune manire vivante, tout fait indpendamment de ce que les psychanalystes en disent, le petit Hans dcrit le cheval et cette description du cheval, nous on ne se demande pas ce que a veut dire, on ne la prend pas comme lobjet dune interprtation faire; on a juste constat la dernire fois que cette description consistait en une numration daffects et que ces affects, a ne renvoyait pas au cheval dfini comme organisme, au cheval tel quun naturaliste ou un biologiste pourrait le dfinir, mais que a renvoyait au cheval comme pice ou comme un rouage dun agencement machinique. Cet agencement tant cheval-cariole-poids-conducteur du cheval, et ctait dans le cadre de cet agencement machinique que se distribuaient les affects par lesquels le petit Hans, non seulement dcrivait, mais prouvait le cheval. Je dis prouver puisquil se lanait dans une espce de Devenir cheval comme devenir animal. Cest une opration trs curieuse ou trs paradoxale la tentation, ou la tentative de dfinir ou de dcrire quelque chose ou quelquun par les affects quil est cens prouver. Notre question de dpart aujourdhui cest : quest-ce que a veut dire une pareille tentative ? A quoi a engage parce quaprs tout, a ne va pas de soi. Quest-ce que a veut dire logiquement ou non logiquement; quest-ce que cest que cette manire de vivre les choses, animaux ou personnes en fonction des affects quon leur prte; a soppose quoi? Quest-ce que le petit Hans essaye de faire passer par cette mthode ? Pour rsister quoi ? Pour rsister loppression qui vient de la famille, loppression qui vient de la rue et de la ville, oppression qui vient des psychothrapeutes et cette tentative du petit Hans pour maintenir : non, non, le cheval cest un ensemble daffects pris dans un agencement machinique, pour nous cest trs important parce que a nous porte dj sentir quentre un affect et un agencement machinique il y a un rapport, pas du tout le mme que le rapport quil y a entre des dterminations organiques et un organisme, a cest tout fait autre chose. Alors, quest-ce quil veut faire valoir et que la psychanalyse lempche de faire. Il y a l-dedans une description des choses, des tres, des animaux par affects, il cherche quelque chose, il veut quelque chose qui est insparable dun devenir cheval. ca nous engage dj un peu : cest que laffect est insparable dun devenir, laffect est insparable dun passage. A quoi soppose une pense descriptive par affects ...Il faudrait l procder beaucoup par ordre ...

    Andr Scala : Il y a un texte trs important parce quil y a de tout, sur sa mthode; cest la page 98 du petit Hans, cest la note 3. Aprs une rflexion du petit Hans propos du fait-pipi des petites filles, le petit Hans dit que les petites filles ont un fait-pipi puisquelles font pipi. Freud dit : on pourrait seffrayer de cette altration prcoce de lintellect enfantin. Pourquoi ces investigateurs ne constatent-ils pas ce quils voient vraiment, cest dire quil ny a pas de fait-pipi chez les petites filles. Alors pourquoi Hans ne se pose pas cette question? On peut dire que Hans lie le fait-pipi, non pas une forme ou une fonction, mais un fonctionnement, un agencement machinique, cest dire que tout a un fait-pipi, dit-il, par exemple, sauf une chaise ou les tables. Une locomotive a un fait-pipi, une vache en a un, un cheval, le papa, la maman. On peut poser la question : si les petites filles nont pas de fait-pipi, comment font-elles pipi ? Freud rpond : la question nest pas du tout l, elle est secondaire, faire pipi, cest

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    secondaire au fait-pipi. On verra dans lexprimentation de Hans, quand il se retient duriner, cest peut-tre comme a quon pourra savoir si on peut faire pipi par un autre organe. Il y a un premier stade danalogies dorganes, i.e. oui, les petites filles font pipi, r pond Freud, mais a se passe autrement; cest un peu comme les poissons qui ont des branchies et les hommes qui ont des poumons, ils respirent mais ils ne respirent pas de la mme faon et les organes branchies-poumons, petite fille-petit garon, ce sont des organes dits analogues. Ca, cest la premire chose. Deuxime chose : Freud fait dire au petit Hans : je veux avoir un fait-pipi aussi grand que celui dun cheval; il ne semble pas quil y ait de texte o Hans dise : je veux un fait-pipi aussi grand que celui dun cheval. Il ne dit jamais cela parce que le cheval ce nest pas du tout un but, cest un devenir. La deuxime chose, cest lassignation de Freud du devenir cheval, en transcendance, i.e que le cheval est videmment plus grand que le petit Hans, il a un pnis minemment plus grand que celui du petit Hans et a va permettre Freud, par la voie de lvidence, dintroduire la phobie. Bien sr, dans lexprimentation, dans le devenir cheval, il y a de la peur, de langoisse, mais il ny a jamais de phobie en face dun modle. Et l, troisime retournement propos de la perception errone de Freud : Freud dit : la perception errone du petit Hans, finalement, cest son inconscient. Il dit quil devine que les petites filles ont un fait-pipi sous la forme du clitoris et cest le moment de lhomologie structurale. Lhomologie clitoris-pnis dpasse lanalogie de fonction. Il faudrait voir ces trois stades et comment Freud, par ces trois moments : analogie, minence et homologie, comment il boucle la boucle, perception errone, inconscient et comment ce circuit est celui de lanalyse de Freud et comment il court-circuite les affects et comment il injecte de la phobie ...

    Gilles : Si je comprends bien, il y a un point qui touche la psychanalyse dans son domaine le plus fondamental et qui concerne le problme de la diffrence des sexes. Daprs ce qua dit Scala, cest trs frappant que ds que la psychanalyse se mle de penser le problme de la diffrence des sexes, elle le fait en empruntant des modes de pense logiquement faciles inventorier, savoir, ou bien la grosse analogie de perception ou bien ce quon peut appeler lanalogie savante ou lhomologie quon appellerait actuellement structurale. Exemple typique dans la psychanalyse : le petit Hans dit, tantt sous forme de questions, tantt sous forme daffirmations, il dit que les filles, elles aussi ont un fait-pipi. Ca, cest une proposition du petit Hans. Peut-tre quelle engage des tas de choses. On remarque juste comment une ide dans une psychanalyse denfants, elle est dj crase car Hans entend exactement ceci : je sais bien quelles nen ont pas, mais elles en ont par analogie. On avait vu la dernire fois la fameuse analogie que Freud propose entre pnis et clitoris; et tout de suite, Freud dit : pourquoi est-ce quil veut maintenir un fait-pipi de la petite fille ne serait-ce que par analogie, cest par peur de la castration.A mon avis, dans tout ce qua dit le petit Hans, il ny a rien qui, de prs ou de loin, indique cela, absolument rien. Tout a, cest dans la tte de Freud, cest Freud qui croit que les petites filles nont pas de fait-pipi et que, si elles en ont un, ce ne peut tre que par analogie. Ds lors, la sexualit fminine est conue par analogie avec la sexualit masculine. La position de Freud est bien connue, en gros, cest : il ny a quune sexualit, la sexualit du garon, et la sexualit fminine, en effet, cest une sexualit par analogie. Quand la psychanalyse, avec Mlanie Klein, a pench quand mme vers un lger progrs dans ce domaine, a a consist dire : oui, finalement, il y a deux sexualits, une sexualit masculine et une sexualit fminine; ce moment l, entre les deux sexualits, quest-ce quil pouvait y avoir ? Non plus un rapport danalogie grossire, mais un rapport dhomologie dite structurale, comme si il y avait homologie entre deux structures. Or, la suite de la remarque de Scala, le problme se posait : ce procd perptuel de penser la sexualit sous les espces de lanalogie ou

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    de lhomologie. On verra et on garde a dans nos ttes pour linstant. Peut-tre que le petit Hans pense tout autrement; peut-tre que les procds du petit Hans sont compltement diffrents et que cest pour a quil ne pourra jamais dire ce quil a dire parce que d s le dbut, on moule sa pense dans des schmes et dans des processus qui nont rien voir avec lui.O est-ce que a va nous mener ces histoires danalogies et dhomologies ? Vous comprenez, si on est en train de chercher quest-ce quil y a de vritablement original ou de crateur dans les noncs, on retrouve notre question de dpart : quest-ce quil y a doriginal dans une tentative pour dfinir les choses, les tres ou les animaux par des affects et non par autre chose. Or, les affects du cheval, on en a fait la liste, on a vu dans quel agencement a rentre. Supposez que je dise : entre une table, un cheval, un chien, une fille, un garon, les diffrences consistent uniquement en ceci que ils ne sont pas affects par les mmes choses; en dautres termes, les diffrences sont toujours et elles concernent toujours des pouvoirs dtre affect. Ca na lair de rien comme a, mais bizarrement, les choses, les animaux, les personnes, elles tendent dj perdre leur forme. Ca va encore si on me dit que un chien cest un mammifre, quil a quatre pattes, il aboie, un cheval cest autre chose ... Bon. Mais on entre dans une tout autre atmosphre si on dit : ce qui compte, cest les affects dont quelquun ou quelque chose sont capables. L, on entre dans une fort pas connue. Les choses ne se distinguent plus que par les affects dont ils sont capables. Dj, on est forc de dpasser la notion daffect. Nous dpassons la notion daffect par une notion plus prcise : le pouvoir dtre affect. Etre affect, cest un pouvoir. Donc, nous dfinissons les choses, les tres, les animaux, par des pouvoirs. On voit tout de suite, au moins, quels autres paysages a soppose : on ne les dfinit plus par ou comme des genres ou des espces. Je ne dirai pas quune table, cest une chose fabrique, quun cheval cest un animal, je ne dirai pas quune personne est de sexe masculin ou fminin, mais : dites-moi de quels affects vous tes capable ? i.e quels sont vos pouvoirs dtre affect ? Au niveau dun certain mode de pense, trs trs simple, cest peut-tre l quon va voir le plus bizarre : quest-ce que a veut dire ce pouvoir dtre affect ?Donc la liste des affects cheval que le petit Hans a dress au fur et mesure de son exprience, vous vous rappelez, que ce soit, ruer, avoir une croupe, tre un animal anal, cest dire faire du crottin, tirer des chariots, tirer des chariots trop lourds, tomber sous un poids excessif, tout a dfinit le pouvoir dtre affect du cheval.

    Intervention : Dans lindustrie, dans les transports, on emploie ce terme : affectation; on peut tre affect ou dsaffect quelque chose : telle locomotive est affecte au transport des marchandises. je ne sais pas si on peut parler de pouvoirs, cest plutt une question defficience plutt que de pouvoirs.

    Gilles : Bon, quest-ce que a veut dire tre dsaffect ? Etre dsaffect, cest dire ne plus pouvoir tre affect dans lordre de tels ou tels affects.

    Intervention : Un affect est quelque chose qui est libre, qui est susceptible dtre affect dans des choses diffrentes, libre au sens o Freud parle dnergie libre qui peut osciller entre divers ples alors que pratiquement cest quelque chose de plus dterminant. Il faudrait trouver quelque chose qui nous permette de passer de laffect quelque chose de plus prcis, de plus libre. Passer de laffect dans lagencement machinique ... qui sincarnerait dans quelque chose dindividu ...

    Intervention : Quand tu dis qu lnergie sincarne, a ne marche plus. Un affect, cest dj un systme dune certaine manire, il ny a pas daffects libres. Tu ne fais pas nimporte quoi avec

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    du ptrole par exemple, tu ne fais pas nimporte quoi avec de leau, cest dire que chaque affect est dj quelque chose daffect ...

    Gilles : Grce ce que vous avez dit tous les deux, on a un groupe de notions : affects, affectations de fonctionnement et pouvoir.

    Richard : Ce qui ma beaucoup plu dans le petit texte que lisait Andr, et dans le commentaire quil en a fait, cest que a montre trs bien une opration qui est celle la fois de la psychanalyse, a appartient en propre la psychanalyse parce que a fait partie du contrat, et a appartient aussi plus ou moins au capital mais, dans une certaine mesure, dune autre manire. Et tout ce procd que lon voit loeuvre dans lanalyse que Freud fait du petit Hans, cest cette transformation qui est pratiquement une vritable transmutation des intensits en intentions, des intentions qui vont jouer un rle de simulacre des intensits, et ces intensits, finalement, on peut les mettre en conjonction avec la notion daffect, dune certaine manire. Cest un peu aventureux, mais je vois a comme une espce de qualification du quantitatif. Autrement dit, je verrais bien laffect comme un point, comme un point quon prendrait dans une chane - mais la chane, cest une grossire mtaphore -, quon prendrait dans un flux - a, cest dj moins mtaphorique -, et un point qui noterait, qui dnoterait, qui dsignerait plutt, une variation et une fluctuation des intensits, autrement dit une hausse ou une chute, mais ce quon veut, on peut appeler a comme on veut, et cest pour a que dans laffect on naurait que des positions singulires et on aurait aucun lien ...

    Gilles : Oui, mais ces variations et ces fluctuations, il faudrait voir des seuils, des seuils franchir.

    Intervention : Inaudible au magntophone.

    Richard : Jen tais au passage de lintensit lintention. Si jessaye de dfinir le ple intensit-affects, cest un ple qui est compos de singularits, alors que dans lintention, cest dire dans les simulacres dintensits, dans les simulacres daffects, dans le simulacre didentit ou alors dans cette identit que vous fait le capital, dans cette espce de corps organique que vous fait le capital, on est dans une sphre tout fait autre : on est dans celle de lchange.Ce qui me plaisait cest que lon a dans la nature mme de laffect, et du ct des intensits, une espce de plan o il ny a que des processus mtamorphiques. On passe dun affect un autre sans causes, sans raisons, sans buts. Ca se fait et a se passe en tant que pur processus. Alors que du ct de lintention, on aurait une espce de quelque chose qui sappellerait la fixit. On a ce que Freud essaye de faire, cest dire fixer le dsir, quelque chose qui ne coule plus, qui ne se mtamorphose pas et toute lopration de Freud, finalement, va tre de reprer les moments affectifs, les moments au sens de puissances affectives, et de fixer ces puissances afin de justement les changer dans un mouvement que lon avait vu la semaine dernire: savoir, faire cet change : tu me donnes tes affects, je te donne des mots. Finalement, cest ce processus qui, par lintermdiaire de simulacres, de reprsentations, dimages, va faire que ton symptme disparaisse; je crois que cette considration de laffect en tant que pur processus mtamorphique oppos une espce de fixit que veut imposer tout prix le dsir de la psychanalyse, quelque chose de trs important.

    Intervention : On na pas encore assez mis laccent, et je maperois quune partie de ton intervention rentre l-dedans, sur lnergie potentielle en tant quelle est quelque chose de

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    profondment discontinu : elle est capable aussi bien de fluctuations graduelles que de sauts. Des discontinuits, des seuils, des passages trs rapides. Au niveau de lnergie potentielle, par exemple, il ne peut pas y avoir quelque chose comme une galisation, il va y avoir un passage trs brusque o on passe ...

    (Inaudible)