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Il Y fJ gens qUI ne tiennent pas en place ... sauf dans un steiner. MAGASIN D'EXPOSITION: 63-67, Bd Raspail 75-PARIS DOCUMENTATION: Polytechnique du Siège (réf. MRAP) 18, Bd du Maréchal Foch 93-NOISY-LE-GRAND OJ o (f) o I Revue mensuelle du Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix DROIT ET LI BERTE - N° 260 - MARS 1967 - PR IX : 1,50 F MI(JDEL SIMON 1 A l'mUR OUVERT

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Il Y fJ de~ gens qUI ne tiennent pas en place ... sauf dans un steiner.

MAGASIN D'EXPOSITION: 63-67, Bd Raspail 75-PARIS DOCUMENTATION: Polytechnique du Siège (réf. MRAP) 18, Bd du Maréchal Foch 93-NOISY-LE-GRAND

OJ o (f)

o I

Revue mensuelle du Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix

DROIT ET LI BERTE - N° 260 - MARS 1967 - PR IX : 1,50 F

MI(JDEL SIMON 1 A l'mUR OUVERT

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~''-... " , ... ~ ) ~. ~!

Michel Simon, Charles Denner et Claude, Berri parlent du film en pages 27·28·29.

A l'occasion de la Journée internationale contre la discrimination raciale

PRESENTATION EXCEPTIONNELLE DU FILM DE CLAUDE BERRI

Le vieil homme et renfant avec Michel Simon, Charles Denner, et le petit Alain Cohen

le 20 mars 1967, à 20 h. 30 a u Pal ais .d e Cha i Ilot

Prix des places: 7, 10, 15, 20 et 25 F. Location dès aujourd'hui au M.R.A.P., 30, rue des Jeuneurs . Paris-2e

(C.C.P. Paris 14-825-85) et au Palais de Chaillot

Htieez-lIol!s de louer 1105 places Aldez-Itous il dl"user les blllees

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• • V01Cl des ca.dea.ux pour vous

A l'occasion de la Journée Inter­nationale pour l'élimination de la discrimination raciale, fixée par l'O.N.U. au 21 mars, "Droit' et. Liberté" amplifie son effort de diffusion. Pour encourager nos amis à souscrire et à faire souscrire des abonnements,

VOUS RECEVREZ Deux badges (voir page 34).

• •

Un disque 45 tours au choix. CHANTS ET DANSES PEAUX-ROUGES : DOCuments sonores recueillis et enregistrés aux U.S.A. par Marcel Isy-Schwart. HELENE MARTIN: Extraits du Récital N° 2. FRANCESCA SOLLEVILLE chante Aragon, Bérlmont et Léo Ferré (Grand Prix du Disque de l'Académie Charles Cros). AUX ANTILLES AVEC ALPHON80 (N° 1). MUSIQUE DU VIETNAM: Grand 'prix du disque.

Un livre au choix. MALCOLM X : Le pouvoir noir (textes politiques). LES ENFANTS D'ALGERIE (récits et dessins). FRANCIS JOURDAIN: De mon temps. WILFRED BURCHETT : Hanoi sous les bombes. C. WRIGHT MILLS : Les cols blancs (essai !lur les classes moyennes américaines). JACQUES ROUMAIN : Gouverneurs de la Rosée. GABRIELLE ESTIVALS: Pas de cheval pour Hamida (Prix de la Fraternité). ALBERT LABORDE: Trente-huit années pr.ès de Zola (la vie d'Alexandrine Zola).

Un disque 33 tours au choix. JEAN-SEBASTIEN BACH : Les trois sonates pour cello et clavecin. LUDWIG VAN BEETlIOVEN : Trios n- 5 et 6; sonates nO' 7 et 28. CLAUDE DEBUSSY : La demoiselle élue. HOMMAGE A JEAN-BAPTISlE LŒILLET (Grand Prix de l'Académie du Disque françals). MOZART: Concertos pour piano et orchestre; les quatre quatuors pour flûte et cordes. JEAN-PHILIPPE RAMEAU : Six concerts en sextuor. MAURICE RAVEL: Trio pour piano et cordes. NEOMI ET ARIK BAR-OR CHANTENT ISRAEL. AFRIQUE NOIRE : Panorama de la musique instrumentale. MUSIQUE INDIENNE DES 'ANDES.

Un livre ' d'art: « Hommage aux combattants martyrs du ghetto de Varsovie ». 3S dessins sur planches de Maurice Mendjiski. Préface de Vercors. Poème inédit. de Paul Eluard. Chaque exemplaire, présenté sous jaquette, est numéroté.

BULLETIN D'ABONNEMENT M ........................ Adresse : ....... _ ........................................ ' ......... .

vous joint dans le présent envoi .................... abonnements groupés (préciser les adresses).

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dans ce nUlllèro

LES ASSASSINS D'ANNE FRANK Ils ne sont pas tous au

banc des accusés ...... 6-10

CETTE ALLEMAGNE IGNOREE Les juifs de R.D.A: parlent 8

LE DOSSIER DU MOIS: LES TRAVAILLEURS ETRANGERS EN FRANCE . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . 19-26

TROIS HOMMES ET UN ENFANT Michel Simon, Claude Ber­

ri, Charles Denner par-lent de leur dernier film 27-29

LE MYSTERE DE LA DIASPORA NOIRE Un entretien avec André

Schwarz-Bart ..... . .. .. 30-31

L'ENTERREUR Un extrait du dernier re-

cueil d'Oliven Sten .... 38-40

et toutes nos rubriques habituelles '

.' lIIuatretlona de couverture • Michel Simoll et le petit Alain Cohen pen·

dant le tournage de • le vieil homme et l'en­fant • (Photo Elle Kagan).

• le mols de mars (gravure du XV- siècle) .

DROIT ET LIBERTE • No 260 - MAAS 1967

IDEES POUR MARS

EN proclamant le 21 mars, Journée Internationale pour l'éliml· nation de la discrimination raciale, l'O.M.U. a souligné l'impor­tance et l'actualité d'un fléau: le racisme, qui, sous des formes diver~es fait des centaines de millions de victimes à travers le monde. Ce fléau revêt souvent des formes spectaculaires con­

nues de tous: apartheid en Afrique du Sud, ségrégation aux Etats-Unis, poussée néo-nazie en Allemagne occidentale, faim et misère de peuples entiers que le régime colonial a placés en marge de l'humanité, - sans oublier la guerre atroce poursuivie au Vietnam, où le massacre d'in· nocents prend une telle ampleur que les observateurs les plus impar­tiaux en viennent à prononcer le mot de génocide.

NOMBREUX sont les Français qui, dénonçant, à juste titre, le

racisme ailleurs, et dans ses effets les plus explosifs, en igno­rent les manifestations dans notre propre pays. C'est oublier des faits plus ou moins récents tels que les mesures antijuives sous l'occupation, auxquelles des « kollabos » de tous grades

ont prêté la main; la guerre d'Algérie et les méthodes inhumaines qu'elle engendra, y compris sur le territoire métropolitain; l'état déplorable

. (sous.développement, misère, analphabétisme) dans lequel se sont trouvées nos colonies au moment de leur indépendance.

C'est aussi méconnaître les bidonvilles et les difficultés de toutes sortes - quand ce n'est pas l'hostilité - que rencontrent chez nous les travailleurs immigrés; les campagnes des journaux racistes; les graffiti sur nos murs; les menées des ' groupes spécialisés dans les exci­tations à la haine et les violences. C'est enfin être insensible aux préju­gés - résultant souvent de l'ignorance plus que de la mauvaise foi -qui s'expriment un peu partout dans la vie quotidienne à l'égard des noirs, des juifs, des arabes, des gitans, de tous les « étrangers », « ces gens-là », qui « ne sont pas comme nous » ...

LA Journée internationale est l'occasion à la fois de s'informer, de

réfléchir et d'agir. Le Mouvement contre l€ Racisme, l'Antisémi­tisme et pour h.Paix soumet à tous les citoyens de bonne volonté, et à leurs associations les plus diverses; de très nombreuses « idées pour mars » qui donnent déjà naissance à une foison

d'initiatives (1). ' , L'un des grands mérites de la décision prise par les Nations Unies,

c'est de faire appel à l'opinion publique. Nous voyons en elle la source de tout progrès. Et nous constatons, avec une satisfaction toute parti­culière, l'intérêt actif que montre la jeunesse pour que le combat que nous menons. ,

En ce printemps 1967, c'est notre meilleure raison d'espérer.

DROIT ET LIBERTE.

(1) Voir nos informations pages 34 et 35. Le M.R.A.P. a édité, pour le 21 mars, un dépliant qu'il expédie sur simple demande.

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Devant la salle du procès, des manifestants portent les portraits de deux victimes, parmi 95 000, des accusés : Anne Frank et la religieuse' Edith- Stein.

. Anne Frank (indiquée par une croix), en classe à Amsterdam; la photo a été prise quelques semaines avant que la famille Frank se réfugie ~ans le grenier où la Gestapo allait l'arrêter.

LES ASSASSINS D'ANNE FRANK

(De notre correspondant particulier Ernst B. Poirrier)

JUILLET 1943: le Dr Wilhelm liarster, général-major de la po­lice hWérienne adresse un rap­port au commissaire du Reich pour les pays ocoupés, Seyss-

Inquart : 90.000 juifs environ ont déjà été « éloignés» de Hollande. Adolf Eichmann triomphe. Magnifique! On fait du bon travail dans ce sacré pays!

1963: des poursuites sont engagées à la . suite d'une campagne de presse ,contre Harster et quelques·uns de ses complices - les «Endloser », c'est-<à­dire les exterminateurs de la popula­tion juive de Hollande.

Et maintenant, les voici au banc des accusés, devant le tribunal de premiè­re instance de Münich, au deuxième étage du vieux palais de Justice, face au juge Gropner, à ses deux assesseurs et aux huit jurés. L'acte d'accusation déclare: participation à des milliers d'assassinats.

Ils sont trois: Wilhelm Harster, 62 ans, ancien brigade-führer S.S., géné­ral de division des services de sécu­rité; Wilhelm Zoepf, 58 ans, ancien

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sturmbannführer S.S. (lieutenant·colo­nel) qui fut chef de la Division des affaires juives à la Gestapo de La Haye; Gertrud Slottke, 64 ans, an­cienne secrétaire des Services de Sécurité. Tous trois appartenaient au Judenreferat, le service IV B 4 dirigé par Adolf Eichmann.

Des meurtres

bureaucratiques

L'acte d'accusation precIse qu'à par­tir de 1941, la Hollande étant occupée, 94.938 juifs ont été' déportés de ce pays dans les camps d 'extermination de l'Est, spécialement Auschwitz, So­bibor et Terezienstadt. Seuls, 1.070 ont survécu. Tels sont les chiffres exacts et reconnus par le Parquet de Münich.

Dans ce procès, il ne s'agit pas de la cruauté ni de la bestialité des gar­diens des camps, comme ce fut le cas, par exemple, devant le tribunal de Francfort. Cette fois·ci , ce ne sont pas

des bourreaux à la Boger, à la Kaduk, que l'on juge. Les accusés que nous voyons là n'ont pas eux-mêmes rougi leurs mains du sang de leurs victimes. Il s'agit de «schreibtischmorder » de « meurtres bureaucratiques,," exécutés en ordonnant des rafles, en rédigeant des lettres, en livrant la «marchan­dise vivante» pour les chambres à gaz et les fours crématoires.

C'est la première fois depuis long­temps qu'une femme est présente parmi les accusés. Son cas, son visage aùssi, font penser à une autre crimi­nelle, Ilse Koch, la « commandante » épouvantable de Buchenwald. Gertrud Slottke, membre du parti nazi depuis 1934', fut bien la «EndIOserin» (l 'ex­terminatrice) des juifs hollandais. La participation à 54.982 cas d 'extermina­tion lui est imputée. Elle est bien l'un de ces monstres comme le Führer les voulait : «hart wie Kruppstahl », durs comme l'acier de KIUpp.

Le Procureur l'accuse d'avoir tou­jours été présente lorsque les «trans­ports » quittaient le camp de Wester­bork où étaient parquées les victimes des rafles. C'est elle qui preni;lit, sur place, les dernières décisions, et qui s'assurait de la bonne exécution de la tâche.

Aujourd'hui, elle affirme: «Je ne savais rien des camps d'extermination. Je m'imaginais qu'U s'agissait de ré­serves en vue de futures transplanta­tions. Je ne pouvais pas croire a l'ex­termination des juifs et, d'aUIe~s, je n'avais d'autre choix que de faire mon service. »

Elle parle d 'une voix nette et froide, ne donnant ' pas le moindre signe d'émotion.

«C'est Wilhelm Zoepf qui signait tout », dit-elle, se plaignant qu'il lui mettait tout le travail sur le dos.

« Nous voulions garder

les familles réunies »

Wilhelm Zoepf, d 'origine petite bourgeoisie comme elle, est le fils d'un greffier. Il a commencé sa car­rière dans la S.S. et, « protégé » par le professeur Karl Gebhardt (condam­né à mort par le Tribunal interallié pour ses « expériences » sur les déte­nus des 'camps de concentration), il obtint bientôt un poste dans - la "Rei­chssichenmgshauptamt» (Sécurité du Reich) à Berlin. En 1942, il est chef du « Judenreferat» . à La Haye, en Hol­lande.

Devant le tribunal de Münich, il déclare: «Je n'ai jamais été antisé­mite. En 1943, j'ai eu certaines infor­mations au sujet ·des atrocités qui se déroulaient dans les camps de concen­tration. Jamais je n'ai voulu ce sort pour les juifs mais U n'existait alors aùcune autre voie pour eux.»

- «Connaissez-vous cette enfant?» demande à Zoepf l'avocat Robert Kempner en lui montrant le portrait d'Anne Frarik.. Anne Frank compte, en effet, avec la religieuse Edith Stein, parmi les victimes les plus connues de Zoepf, Harster et Gertrud Slottke.

[ ·ROIl ET LIBERTE • No 260 • MARS 1967

UN RAPPORT SANS EQUIVOQUE

C'EST le 29 avril 1942 que le port de l'étoile jaune fut imposé aux juifs des Pays-Bas. Quelques semaines plus tard . Wilhelm Zoepf, aujourd'hui jugé à Münich, établissait, à ce sujet, un rapport circonstancié qui a été

retrouvé (1). Ce document fut adressé au Service de sécurité nazi de Paris, qui s 'apprêtait à prendre une mesure semblable. En voici le texte :

« La mesure a suscité dans les milieux à tendances hostiles et en parti­culier dans les cercles confessionnels, une aversion marqué contre les forces occupantes et une sympathie générale pour les juifs. Cette mesure a été considérée comme une nouvelle atteinte aux droits souverains de la Hollande et la marque distinctive imposée aux juifs passa pour un affront pour tout le peuple hollandais. Les milieux nazis hollandais eux-mêmes n'approuvèrent pas ces mesures. On vit des juifs portant l'étoile jaune, être publiquementl l'objet d'égards particuliers de la part des Hollandais. Dans les premiers jours les Hollandais exprimaient aux juifs leur sympathie en s'affublant eux-mêmes de l'étoile ou de son imitation.

« Des mesures énergiques prises contre ces personnes et contre les juifs qui ne portaient pas l'étoile ont calmé jusqu'à un certain degré l'excitation publique. Ceux qui appartenaient à la race juive et qui portaient l'étoile avec fierté sont devenus plus modestes depuis que les forces occupantes le& menacent de nouveaux décrets. Les jUifs qui ne portaient pas l'étoile furent immédiatement arrêtés. Nous nous sommes efforcés d'obtenir de nouvelles admissions au camp de concentration de Mauthausen.

cc On envisage de nouvelles mesures contre les jUifs pour cette semaine .• Signé: ZOEPF S.S.

Führer du Secteur d'Assaut.

(1) Cité par Ernst Schnabel dans son ouvrage. Sur les traces d'Anne Frank» (Albin Michel) .

Réponse de Zoepf: «Oui, je la con­nais, c'est Anne Frank.»

Q. - Cette jeune fille a été dépor­tée sous votre responsabilité.

R. - Oui, je le sais. Q. - Qu'en pensez-vous mainte­

nant? R. - Je ne l'ai jamais vue, mais on

est horrifié parce que c'est une enfant. L'avocat. - Je vous accuse d'avoir

organisé des déportations dans les­quelles se trouvaient 48 % de femmes et 22 % d'enfants.

Zoepf. - Nous voulions garder les familles réunies.

Le seul moyen

de faire carrière

En somme, ils ne savaient rien, ils ne voulaient pas savoir - c'est du moins ce qu'ils prétendent aujour­d'hui - ou s'ils admettent qu'ils sa­vaient, c'est pour dire qu'ils ne pouvaient rien faire d'autre. Ils pré­sentent leurs activités criminelles comme des «fautes morales». Ils se rendent compte aujourd'hui, disent-ils, ils n 'auraient pas dû, si c'était à refaire, ils ne recommenceraient plus ...

Cette forme de défense est assez nouvelle. Le Chancelier Kiesinger a montré la voie en reconnaissant qu'il avait été nazi et qu~ c'était le seul moyen à l'époque de «faire carrière». Harster s 'explique là-dessus sans am­bages: «Dans les années 32·33, seules deux possibilités s'offraient: le com­munisme ou le national-socialisme. Ce

que je devais choisir était dair pour moi.»

Harster est accusé d 'avoir participé à l'assassinat de 82.856 personnes. Pils d'un haut-fonctionnaire de la police criminelle 'de Bavière, il manifestait, dès son plus jeune âge, une grande ambition, qui le conduisit, après ses études juridiques, à prendre du ser­vice dans la police hitlérienne. Il de­vait devenir l'un des assistants directs de Himmler. Membre du parti nazi, il est dès 1933 affecté à l'état-major de la Gestapo à Berlin. Après l'Anschluss, il est nommé chef de la Gestapo à Innsbruck. Après l'invasion de la Bel­gique, c'est à Bruxelles qu'il poursuit ses activités, puis il gagne les Pays­Bas.

L'histoire de ce criminel est signi­ficative, car elle ressemble à celle de beaucoup de ses' semblables en Répu­blique Fédérale Allemande. En 1949, il est condamné, aux Pays-Bas, à 12 ans de prison, les dossiers qui le concer­naient n 'ayant pas permis de connaître la totalité de ses crimes. Après avoir purgé seulement la moitié de sa peine, il est libéré de la prison de Breda, sur intervention du gouvernement de Bonn. En 1953, donc, Harster rentre en Bavière. Il touche sa prime de «prisonnier de guerre» et l'on s'em­presse de lui offrir un emploi: il sera « conseiUer» du gouvernement de Ba­vière et, montant en grade au bout de deux ans, il deviendra «Oberregfe­rungsrat» (conseiller supérieur) du gouvernement.

Il . est établi que ses employeurs savaient tout de son passé. Mais en

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196j, le scandale éclate au grand jour à la suite du procès, à Vienne, de Ra­jakovitch, adjoint d 'Eichmann, au cours duquel Harster est nommé. Ori lui accorde précipitamment sa retraite anticipée pour « raison de santé", au taux de 1.300 marks par mois. Ce qui ne l'empêche pas de poursuivre d'au-

CETTE AL LEMAGNE IGNOREE

. tres activités lucratives comme direc­teur du Centre de l'Industrie Euro­péenne à Münich.

Pour cinq florins

Il se confesse : et que pourrait-iJ faire d'autre? puisqu'en février 1942, un document signé de sa main se réfère à . la « solution finale» de la question juive.

Il s'explique: « Nous exécutions des ordres. L'éviction des juifs nous était commandée par la sauvegarde du peu­ple allèmand.»

En fait, pour lui, le crime majeur est de n'avoir pas compris assez tôt ce qu'il risquait, puisqu'il précise: «Je croyais à la fin victorieuse de la guerre, et je pensals que dans ce cas­là, personne, - plus tard, ne s'intéresse­rait à ce qui s'était passé ... »

Tels sont les «meurtriers bureau­crates » qui ont participé à l'assassinat d'Anne Frank, cachée 2S mois dans un grenier d'Amsterdam, dénoncée par un mouchard qui reçut pour cela les 5 florins promis par la Gestapo, em­menée à Auschwitz puis à Bergen­Belsen où elle mourut en mars 1945, à 15 ans, avec sa sœur et sa mère.

Dans le flot anonyme des déportés, ni Harster, ni Zoepf, ni Gertrud Slot­tke n'ont vu Anne Frank.

Zoepf se défend: «Ce n 'est pas mol qui al participé personnellement à l'arrestation ... Ce n 'est pas mol qui ai personnellement mis en route le train où se trouvait cette jeune fille ... »

Est-il, pour cela, moins coupable?

E.-B. P.

J E reviens d'un pays qui n'existe pas : officiellement du moins, la France, comme beaucoup d'autres Etats en relations avec Bonn, refuse d'admettre la réalité de

la République Démocratique Allemande. Selon cette étrange conception de la géographie - et de l'histoire -, entre la République ouest-allemande et la Pologne, il y aurait... un vide sur la carte politique de l'Europe. Dans ce pays, pourtant, vivent 17 milljons de personnes; -elles s'orga­nisent à leur façon; j'y al rencontré des hommes respon­sables dont les préoccupations rejoignent les nôtres, qui

. veulent la paix, qui , agissent dans le même esprit antinazi et antiraciste que nous-mêmes, et J'al vu les résultats de leur action. .

Nous étions plus de cent Journalistes, Invités à une con­férence de presse internationale par le Conseil des Com­munautés juives de la R.D.A.

Il ne reste que peu de Juifs dans l'ensemble de l'Alle­magne; et pour ce qui est de la R.D.A., leur porte-parole nous a cité l'exemple tragique de la province de Mecklem­bourg, où l'on compte 40 cimetières Juifs, et le même nombre, exactement, de juifs survivants inscrits sur les registres de la communauté religieuse.

De zélés serviteurs Premières victimes d'Hitler, les quelques rescapés reve­

nus sur les lieux de leur martyre, après les vicissitudes de l'exil ou l'enfer des camps, savent de quoi Ils parlent quand ils évoquent le nazisme d'hier et d'aujourd'huI. Et nous avons le devoir de les entendre.

Ils nous ont dit leurs alarmes devant l'évolution qui se poursuit en République Fédérale Allemande, où l'agitation néo-nazie prElnd une ampleur spectaculaire, où des généraux ' hitlériens, des dirigeant! de l'Industrie du IIJ< Reich, des propagandistes du racisme, des • bureaucrates de la mort • occupent des positions-clés dans l'Etat, sa vie 'économique et politique, dans la presse et l'appareil Judiciaire, dans . la police et l'armée. Ils nous ont remis, à l'appui de leurs ' affirmations, des listes de noms, InépUisables, avec, pour chacun, des Indications précises quant au passé et au présent. Ils nous ont apporté la 'preuve que, dans les minis­tères et les' services de Bonn, pullulent les • conseillers • qui s'occupaient sous le régime nazi de • l'aryanisation • des biens Juifs, les sbires de la Gestapo qui apportèrent leur concours sanglant à la • solution finale de la question juive " , les zéléS serviteurs de Gœbbels qui répandaient, contre les juifs, la haine et le mensonge. Ils .ont rappelé, documents en main, que le chancelier Kiesinger fut de ces derniers; et aussi que le préSident de la République fédé­rale, Heinrich Lübke, a joué un rôle actif dans la construc­tion de camps et d'usines de guerre, en utilisant le travail forcé des détenus jurfs raflés dans les pays occupés ...

A Berlln, le profesSeur Scheideman, Vice -' prési; dent . des Communautés j u i.v es de la R.D.A., s'adresse à la presse

mondiale

par

Albert Lévy

DES COMPLICES EN LIBERTE

C 'EST pendant l'été 1933, ' que M. Otto Frank et sa famille quittent F'rancfort-sur-Ie-Main :

4epuis janvier, Hitler est au pouvoir; comme pour beaucoup d'autres juifs, l'exil . représente à leurs yeux le seul moyen d'assurer leur sécurité.

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Le docteur Herman Con ring était le repré­sentant personnel aux Pays-Bas de Seyss­Inquart, Haut-Commissaire du Reich pour les pays occupés. Depuis 1953, Il est député C.D.U. Sa biographie figure, dament épurée, dans l'anlluaitELQU Bundestaa .

Anne a trois ans. Ils 's'installent à Amsterdam. Ce seront les années heu­reuses de la petite fille, qui fréquente

. l'école Montessori,. puis le lycée. . Mais le 10 mai 1940, les troupes mais envahissent la Hollande. Le pays capitUJle après cinq jours de lutte iné­gale.

Pendant ces quelques jours passés en R.D.A., je me suis efforcé de m'informer sur ce pays. Je ne prétends pas juger ses réalisations économiques, et ce n'est pas le lieu, dans ces colonnes, d'apprécier sa politique générale. Mais ce qui m'a passionné, ce fut de rechercher et de découvrir comment, eux, là-bas, ils s'y sont pris pour donner une orientation nouvelle à un peuple marqué par le nazisme, -ce qu'ils ont fait du terrible héritage qui leur est échu en 1945.

Antinazis dès la première heure J'ai eu de nombreuses conversations privées, et j'ai' inter­

rogé diverses personnalités officielles; je me suis entre­tenu longuement avec des hauts fonctionnaires de l'Educa­tion Nationale; je me suis .promené dans Berlin (-Est); j'~i applaudi, dans un grand théâtre de la ville, l'excellente pièce d'Arthur Miller, • Incident à Vichy "; j'al visité le mémorial du camp de Sachsenhausen. Ce qu'on m'a dit, ce que j'ai vu peut se résumer comme suit ...

Avant tout, les hommes au pouvoir en R. D. A. - eux­mêmes antinazis de la première heure, rescapés des prisons et des camps, ou anciens combattants des organisations de résistance européennes - ont misé sur la jeunesse. ' Dès le début, au prix des difficultés qu'on imagine, ils ont éliminé tous les instituteurs et professeurs de la période nazie, et les ont remplacés par des maîtres nouveaux.

A l'égard des générations anciennes, la première tâche fut de pourchasser et de châtier les criminels, tous ceux qui avaient occupé des postes d'autorité ou participé acti­vement à l 'entreprise de terreur et d'extermination . Les nouveaux dirigeants s'attachèrent en outre à détruire les bases économiques et sociales sur lesquelles s'était déve­loppé le nazisme. Dénonçant avec vigueur les crimes dont furent victimes les peuples d'Europe et le peuple allemand lui-même, ils donnèrent pour objectif à la population de travailler au progrès, à la paix, à l'amitié internationale, pour faire en sorte que, jamais, de pareils événements ne puissent se reproduire .

Cette dénonciation de l'hitlérisme et du militarisme, la vigilance à l 'égard des resurgences du passé, l'exaltation de la paix et de la fraternité humaine constituent les leit­motive de la vie quotidienne en R.D.A. Ces préoccupations apparaissent en permanence dans les journaux et les revues, dans les programmes des cinémas et des théâtres , dans les réunions et manifestations publiques, dans les manuels scolaires (dont j'ai rapporté une série complète), depuis la maternelle jusqu'à l'Université. La réfutation des préjugés raciaux figure explicitement dans les directives aux ensei­gnants; des livres anti-hitlériens sont inscrits aux program­mes des. examens ; il n'est pas d'élèves des écoles primai­res et secondaires qui ne participent à la vi.site com­mentée d'un camp de concentration : j'ai vu dans le. Livre d'or de Sachsenhausen, les remarques écrites par ces enfants, et signées par des dizaines de classes. '

Des musées antinazis Ou 'y avait-il à faire d'autre 1 ... Si nous voulons compren­

dre les problèmes qui se posaient aux dirigeants allemands, demandons·nous, dans un domaine assez comparable, ce qui a été fait chez nous par les pouvoirs publiCS pour dénoncer les horreurs des guerres du Vietnam et d'Algérie, commises en notre nom. Ou'a-t-on fait pour châtier les res­ponsables de ces horreurs 1 Imaginons, par exemple, un musée consacré aux méfaits du colonialisme et aux luttes libératrices des anciennes colonies, édifié à Paris pour rendre justice aux peuples que la ' France a opprimés, comme il y a des musées en R.D.A. montrant la lutte des peuples d'Europe contre les occupants nazis ...

Est-ce à dire qu'en R.D.A. tous les Allemands ont été transformés 1 L'affirmer serait absurde. Ce qui importe, c'est que les nostalgiques du passé ne peuvent pas s'y manifester. On m'a cité des cas de poursuites et d'appli­cation de la loi qui interait l'antisémitisme et le racisme. Et il est de fait que lorsqu'une vague de croix gammées, partie d'Allemagne occidentale, déferle sur l'Europe (y compris la France) , elle s'arrête net aux frontières de la R.D.A. Dans ce pays, on n'édite aucun livre, aucune publi­cation si peu favorable que ce soit à Hitler et à ses tristes explOits. Il n'y a là ni N.P.D. ni aucune organisation néo­nazie, les cimetières juifs et les synagogues ne sont pas profanés. Lorsque, l 'an dernier, un ancien médecin-sélec­tionneur d'Auschwitz a été découvert en R.D.A. , il fut aussitôt jugé, condamné à mort, exécuté, alors qu'en R.F.A., tant de ses congénères sont libres et que le procureur, au

. procès de Münich, demande seulement quelques ann~es de prison pour les assassins d'Anne Frank. En R.D.A., comme en France, les crimes hitlériens, ont été, par une loi , pro· clamés imprescriptibles .

En dehors de toute considération politique, je le répète, et du seul point de vue qui nous intéresse ici, il est navrant que l'on ignore en France cet Etat allemand ; qu'en conséquence, son action soit cachée à l'opinion française ; que les échanges entre nos deux pays soient pratiquement inexistants.

Nous sommes, bien sûr, pour la coopération avec toute l'Allemagne, pourvu que ce soit dans un esprit de ferme répudiation du passé; nous nous sentons solidaires de ceux qui luttent en R.F.A. - étudiants, ouvriers, intellectuels -contre l'agitation néo-nazie et pour une véritable démocra­tisation. Mais on ne peut se résoudre à ce que, pour com­plaire aux gouvernants de Bonn, soient tenus pour nuls les efforts de cet autre Etat allemand, que notre pays, après tant d'épreuves, devrait reconnaître et apprécier.

Les inquiétudes que nous éprouvons concernant l'Allema· gne fédérale risquent de faire désespérer certains de l'avenir et du peuple allemand lui·même. Ce ' qui se passe en R.D.A. donne confiance.

Le 2 juillet, paraît le premier avis concernant les juifs: ceux qui ne sont pas d'origine hollandaise doivent se présenter à la police... C'est le début d'une « escalade » tragique: selon une méthode bien mise au point par Glob­ke et Eichmann, on recense, catégorie par catégorie, ceux à qui on interdira peu à peu toute activité profession­nelle, (22 octobre 1941) dont on limi­tera les déplacements, à qui on im­posera le port de l'étoile jaune (29 avril 1942), et que l'on soumettra aux rafles avant de les acheminer vers le camp de Westerbork, le « Drancy »

hollandais, antichambre de la dépor­tation et de la mort.

Westerbork, le' dernier convoi de dé· portés partant de Hollande (3 septem· -bre) les emmène à Auschwitz. Anrie est transférée vers la fin octobre à Bergen-Belsen, où · elle mourra peu après.

uROIT ET LIBERTE • N° 260 • MARS 1967

L'occupation

Le 6 juin 1942, les Frank et une famille amie se cachent dans un gre· nier, au 263 de la Prisengracht, où Anne écrira son Journal devenu célè­bre après la Libération. Dénoncés, ils sont arrêtés, le 4 août 1944. L'officier qui les interroge au siège de la Ges­tapo, dit, joyeux, à sa secrétaire: « Aujourdhui, ç'a été une bonne jour­née ». Après quelques 'jours, passés. à

Le Tribunal de' Münich juge trois des criminels nazis qui ont contribué à la mort d'Anne Frank (parmi 95000 autres juifs de Hollande) .

Leur rôle, dans l'organisation de la « solution finale» se situe au stade de l'arrestation et de la déportation. On ne peut évidemment pas énumérer tous les serviteurs d 'Hitler qui sont

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Albert K 0 n rad Gemmeker, hier ' (à gauche) com­man dan t SS du camp de Wester­bork, Hollande, où passèrent 95,000 Juifs, est auJour­d'hui (à droite) un • honorable • com­merçant, établi à Dusseldorf (RFA), Parkstrasse 55.

.... également intervenus, au long de ce chemin de croix suivi par Anne Frank, et qui la conduisait inéluctablement au four crématoire. Nous en présen­tons ci-dessous quelques-uns. , En 1940, dans les forces armées qui envahirent la Hollande et ,la Belgique, un général de corps d'armée se dis­tingua tout particulièrement, ce qui lui valut les plus hautes décorations. Il s'agit du général Heinz Trettner. Aujourd'hui, général d'armée, il oc­cupe en R.F.A. les très hautes fonc­tions d'inspecteur général et de chef d'état-major de la Bundeswehr.

Hermann Conring, membre du bu­reau du commandant d'armes en cam­pagne de Groningue, conseiller supé­rieur de l'administration de guerre, fut nommé en Hollande par Seyss­Inquart, le haut responsable nazi des pays occupés. Un biographe' de Con­ring souligne que «dès l'année 1942, cet homme insiste pour que les juifs disparaissent de son secteur ». Cet homme est devenu député de la C.D.U. (le parti d'Adenauer, de Globke et de Kiesinger) à partir de 1953. Il a été décoré de la Grand-croix fédérale de l'ordre du mérite de la R.F.A.

Voici maintenant le Dr Otto Dippel­hofer. Ce !' Sturmbannführer » S.S. accompagna les forces d 'invasion à la tête de l'unité de Feldgendarmerie dont il était commandant. Il avait pour rôle « d'assurer l'ordre » en fai­sant régner la terreur dans les popu­lations civiles. « Il a toujours accom­pli soigneusement et ponctuellement les tâches qu'on lui a assignées ... Son comportement garantit qu'il s'emploie­ra toujours pleinement pour le service de l'Etat national-socialiste », écrivent de lui ses chefs hiérarchiques. Après la Hollande, il s'illustra en Pologne et en U.R.S.S. Il est aujourd'hui, en

. R.F.A., général de brigade dans les gardes-frontières, et dirige le « secteur Sud» de cette formation.

Aussitôt mises en places les struc­tures de l'occupation, le conseiller

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d 'ambassade Ernst Günther Mohr, en poste à La Haye, s'employa à organiser la déportation des juifs. Après avoir occupé diverses fonctions dans d'au­tres pays jusqu'à la fin de ta guerre, il est devenu ambassadeur de la Répu­blique fédérale à Buenos Aires (1965). , Hans von Boeckh, ,qui était « com­

missaire du Reich aux territoires oc­cupés des Pays-Bas », et qu'Hitler décora de la Croix de guerre de 1re

classe, a participé après la guerre, dans la délégation ouest-allemande, aux négociations pour les traités du Marché commun et de l'Euratom. Il est actuellement vice-président du « Conseil d'études ' et de recherches auprès du ministère fédéral aux ques­tions pan-allemandes.»

La Gestapo

Passons à la Gestapo. Nous trouvom là beaucoup de monde.

Karl Silbauer est le policier qui arrêta Anne Frank et sa famille. On ignora son rôle jusqu'en décembre 1963, lorsqu'il fut découvert à Vienne.

D'origine autrichienne, il était revenu dans son pays, et avait repris du ser­l'ice comme inspecteur au commissa­riat du 1" arrondissement de la capi­tale.

Arrêté et jugé, il fut acquitté, et réintégré dans ses fonctions.

Willi Lages était le chef de la Ges­tapo d'Amsterdam. Condamné à mort par la Justice hollandaise, après la Libération, sa peine a été commuée en détention à vie, à la suite d 'une inter­vention personnelle du chancelier Adenauer, par lettre du 27 mars 1950.

En vrac, voici encore: Erich Deppner, « Sturmbannführer »

S.S., ex-commandant du régiment de la déportation de 11.000 juifs hollan­dais. Acquitté pour « manque de preuves » en 1965 par la Cour d'As­sises de Münich, il exerce en R.F.A. la fonction de « conseiller industriel et économique ».

'Andreas Fermer, membre , .de la Gestapo de Weimar, avant d'opérer à La Haye, se trouve maintenant à Dort­mund, où il est commissaire de la police judiciaire.

J(ihannes Frank, membre de la Ges.­tapo depuis 1934 à Leipzig, puis nom-· mé aux Pays-Bas sous l'occupation, es.t devenu secrétaire de la police judiciai-re à Essen, après 1945. . '

Herbert Furk, « Sturmbannführer" S.S., ex-commandant du régiment de policè S.S. 1-3, aux Pays~BasT est con­seiller de la police à Kiel. .

Hermann WeigQld; . ex-~hautpsturm­führer» S.S. auprès â~l chef de région de la S.S. et de la police e,n Hollande, est commissaire de police. à Stuttgart.

Etc., etc .. : . '. Signalons enfin, un dernier person­

nage de ce sinistre. jeu de massacre: le commandant du camp de Wester­bork, où Anne Frank et les siens furent parqués avant la déportation « vers l'Est ». Il s'agit d'Albert Kon­rad Gemmeker, « Obersturmführer » S.S., collaborateur ' direct d'Eichmann. Son supérieur hiérarcllique le quali-

' fiait de « fonctionnaire excellemment qualifié, au-dessus de tout éloge ». Il est aujourd'hui, à Düsseldorf, un pai­sible commerçant. Il n'a jamais été inquiété.

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QUE SE PASSE-T-. ? 18 - 1. - l'apartheid est non seulement une solution inadmissible aux conflits

entre races et groupes mais constitue par elle-même une cause majeure de, conflits raciaux en Afrique du Sud, affirme un rapport de l'Unesco.

20 • 1. - Un criminel de guerre, ancien caporal de la Wehrmacht, condamné en 1949 à 20 ans de travaux forcés est retrouvé dans un hôtel de Lille.

• Violente bagarre à Bordeaux: une réunion sur le Vietnam organisée par l'Association des Etudiants de la ville est perturbée par des groupes d'extrême droite.

21 - 1. - Réunis au Palais de Justice de Paris, les Jésuites de nombreux pays se prononcent pour l'imprescriptibilité des crimes de guerre et le respect des principes de Nuremberg.

23 • 1. - A Munich, ouverture du procès des officiers nazis respon­sables de la déportation des juifs holl~ndais parmi lesquels Anne Frank.

24 • 1. - Berlin-Ouest ; le chancelier Kiesinger dépose une gerbe devant le le monument aux victimes du nazisme; « le régime dont il avait le propagandiste D

soulignent des intellectuels allemands. 26 • 1. - Grande-Bretagne : Colin Jordan, chef du mouvement nazi est condam~é

à 18 mois de prison pour incitation à la haine raciale. . • La visite de Von Thadden, dirigeant du N.P.D., est annulée à Oxford.

29 - 1. - • Méprise » dans le delta du Mékong: des unités américaine tuent trente et un vietnami«nts et en blessent 33 autres, parmi lesquels des civils et des soldats gouvernementaux.

1er - Il, - L'ex-colonel Godard, ancien chef militaire de l'O.A.S., est arrêté à Bruxelles.

• M. Smith, chef du gouvernement raciste rhodésien. est accusé par l'opposition africaine de vouloir Institutionnaliser l'apartheid.

10 . ' Il. - les représentants de la communauté juive de la République Démocra­tique Allemande tiennent une conférence de presse pour dénoncer la montée de "antisémitisme en R.F.A.

12 • Il. - Création d'un Parti National Démocrate (N.P.D,) autri· chien à Linz (Autriche).

13 - Il. - Au procès des nazis responsables de la mort des Juifs hollandais à Munich, le procureur requiert 15 ans de détention contre ('ancien SS Wilhelm Harster.

• Arrestation à Madrid du président de l'U.N.E.F., Pierré Vandenburle. venu expri-mer la solidarité de son organisation aVec les étudiants espagnols. ' .

, 15 - Il. - Devant le Pentagone, 2.500 femmes américaines manifestent contre la

guerre au Vietnam. • le préSident Johnson présente au Congrès de nouveaux projets de lois contre

la digcrimination raciale dans le logement, l'emploi et la composition des jurys.

16 - Il. - Sud· Vietnam : les B 52 américains multiplient les bombardements. • Après trois jours de détention à Madrid, Pierre Vandenburle, président de

l'U.N.E.F. est expulsé d'Espagne. '

17 - Il. - Seize prélats catholiques américains se déclarent opposés aux lois interdisant les mariages interraciaux. '

• Malgré d'Importants faits nouveaux, Morton Sobelt, condamné en 1951 avec .Julius et Ethel Rosenberg n'obtient pas la réouverture de son procès.

18 - Il. - la guerre au Vietnam fait plus de morts parmi les noirs américains que parmi les blancs, révèle le Pentagone.

19 - Il. - les Etats-Unis • tentent de mener une guerre génOCide contre le Nord­,Vietnam », déclare dans ses conclusions la 2' commission ·d'enquête du • tribunal ifl.!ernational des crim~s de guerre •

DROI r ET LIBERTE . N° 260 . MARS 1967

éiectiQn8

AUX FRAIS

DES CONTRIBUABLES

LE Rassemblement Européen « de la Liberté dit : non à l'in-sécurité de nos rues; non

aux hôpitaux surchargés; non aux charges sociales écrasantes; non à l'immigration algérienne ... Contre l'im­migratlOn algérienne: votez R.E.L. JO

La haine contre les Algériens, prin­cipaux « responsables» des maux dont souffrent les Français, tel est l'argu­ment essentiel de la campagne élec­torale du « parti » de Dominique Venner.

Le R.E.L., version électorale du M.N.P. (Mouvement Nationaliste du Progrès) créé le 1e r mai 1966 à partir des « volontaires d'Europe Action lO, de la F.E.N. (Fédération des Etudiants Nationalistes) et des dissidents tixié­ristes et poujadistes, présente dix· sept candidats en province et douze sur Paris et la banlieue.

Parmi eux : Georges Schme1z, secré­taire général de la Fédération des Etudiants -Nationalistes, responsable et dirigeant du camp-école de Goudar­gues, dans le Garo, où 150 cadres de la F.E.N. reçurent une "fonnation physique et doctrinale» durant l'été 1966; Ferdinand Ferrand, commission­naire aux Halles où il dit avoir «réin­troduit le Nationalisme ». «Nous par­ticipons, déolarait-il il y a quelques temps à Europe-Action, aux prochaines élections législatives non pour «faire du député », mais pour utUiser une occasion exceptionnelle de nous faire connaitre »; Roger Holeindre, ancien parachutiste, caporal·chef en 'Indochi­ne, emprisonné en 1964, pour activisme en Algérie, organisateur de la ," Cara­vane de la volonté» de Tixier-Vignan­cour, créateur d'une « Maison de jeu­nes », 10, rue Quincampoix (cette adresse est aussi celle des Editions du Clan, dirigées par François Brigneau de « Minute») , à l'époque où il était responsable national des troupes de choc de Tixier-Vignancour ; Pierre Pauty, ancien rédacteur à «~ratemlté Française ", le journal de PIerre Pou­jade, etc:

Il leu~ en aura coûté seulement, à eux et aux autres candidats du R.E.L. , mille francs (versement nécessaire à l'inscription des candidatures) pour abreuver à loisir, et aux frais def, contribuables, les habitants des 8", 13<, ....

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NON-SENS DE L'HUMOUR N ami de Bourg-la-Reine me transmet un bulletin paroissial de cette vi.lle,

U Saint-Gilles Actualités (n° 11, janvier 1967). En première page, un ent~efIlet affirmant qu'un bulletin paroissial n'est pas seulement lI:lle journal d mf.or­

mations religieuses, mais qu'Il doit « présenter la doctnne, a travers les faits, dans des articles ou des reportages. »

Je voudrais bien savoir 'quelle doctrine on pe.u~ ,découvrir dans la page intérieure où un article, intitulé: « Humour et publlclte », reprodult un p!acard publicitaire apocryphe d'un marchand d'objets de piété. Passons sur le taIt que cette amusante (?) fantaisie propose des enfants d.e chœur en aluminill!ll moxy~a­ble, des chaisières en zinc et cuir tanné et des Slisses en fer forgé quetant. g~ace à un disque qui répète « Pour les veuves de M. le Curé », etc. "~es parOISSiens de Saint-Gilles ont le droit de rire, s'Ils trouvent ça d~ bon gout. Par contre, lorsqu'on affirme (toujours pour rire) que le tenanc~er de cette offi~ine. se nomme Abraham Isaac Levy, cela ne relève plus de 1 humo~r. Les «hls}orres juives» ont toujours servi une mauvais~ ~ause, cell~ du racisme. Sous loccu­pation nazie, les journaux officiels en etaient remplIs.

« Nous sommes sûrs , .dit le bulletin, que !:los lecteurs aur<?nt, assez ~e, finesse pour accueillir cette plalsantene avec le meme humour qu~ 1 a inspiree. »

Mon Dieu' où l'humour va-t-Il se nicher? Quand on sait ce que l'anti­sémitisme a f~it de mal! Monsieu~ le vicaire de Saint-Gilles, pensez à l'âme de Max Jacob! 1 Oncle TOM.

,-----------------------..... 11', 16', 17' et lS' arrondissements de tracts électoraux débordants de la même démagogie fielleuse que Minute.

Le R.E.L., voulant faire figure hono­rable devant ses éventuels électeurs, a désavoué récemment les violence.s qu'il préconisait jusque .là, et dont Il rend responsable le seul Mouvement Occident. Il opère parallèlement un rapprochement insidieux avec les can­didats de l'Alliance Républicaine pour les Libertés et le Progrès, présidée par Tixier-Vignancour qu'il c<:msidé- , rait pourtant comme un partI trop « conservateur ».

QUESTIONS SUR L'AFRIQUE DU SUD

SOUS le titre « L'Afrique du Sud

et nos élections · ", M' Jean-Jac­ques de Félice, écrit qans le nu-

méro du 9 février de Cité Nouvelle, ·organe du « christianisme social »: «'-;-a discussion entre violence et non-vIO­lence reste bien théorique si l'on ou­blie nos responsabilités et toute l'hy­pocrisie d'un monde occidental qui proclame Albert Luthuli, Prix Nobel de la Paix, mais participe à l'oppres­sion, soutient l'oppression. Et la France

tient en cette affaire un rang très « honorable », sinon déshonorant.

Depuis des années, l'Assemblée d~s Nations Unies - lors de votes acqUIS à des majorités écrasantes - dénonce l'apartheid et s'inquiète du danger de guerre que constitue la ségrégation lé­gale pratiqué,e en Afrique du S.ud; De­puis des annees, des textes préCIS znter­disent toute vente d'armes à ce pays raciste. Or, délibérément, avec cons­tance la France viole ce texte et en· voie ~u gouvernement sud-africain les voitures blindées, les avions, les héli­coptères, les armes et engins divers dont il a besoin ".

Rappelant le projet de construction d'une nouvelle raffinerie de pétrole en Afrique du Sud avec. l'aide d~~ techni­ciens de la compagme pétrohere fran­çaise « Total » Me de Félice poursuit .: « Les victimes de l'apartheid en Afn­que du Sud, les huit mille prisonniers politiques, les 12 millions d'homm.es de couleur privés de tous leurs drOIts attendent de la France une autre poli­tique que celle du soutien et de l'aide à leurs maîtres et géôliers ».

« N'a-t-on pas sur ce sujet, conclut M' de Félice, quelques questions à po­ser à nos candidats du 5 mars pro­chain? »

«ET LA 'FAIM DANS LE MONDE?»

UN groupe de chrétiens du XVI' arrondissement ont rédigé le texte d'une lettre ouverte diffu­

sée sous forme de tract et destinée aux candidats. Une question y est posée: « Monsieur le candidat, quelle

Ainsi, le R.E.L. appor!era , s~n sou­tien à André Figueras, ]ournahste .au Charivari, qui se présente à Pontarher pour l'Alliance Républicaine.

Tixier-Vignancour, lui, ap~ès. avoir parlé à Berlin devant l'Ass<;JcIatlOn des Réfugiés allemands, est alle a~x Et~ts­Unis où, déclare-t-il dans une mtervlew publiée par Rivarol, « l'affaire du Viet­nam si douloureuse qu'eHe 'soit, reste une petite chose: 125 morts par se­maine cela compte certes, mais cette guerr~ n'effraie pas une opinion pu­blique qui se révèle d'une « solidité totale» dans l'examen du problème. Pour elle, l'aide apportée au Sud se présente comme un devoir moral.»

LE PAYS DU SOURIRE?

Parlant des candidats « nationaux », il fait remarquer que « grâce à l'ex­trême modération et à la sagesse de l'Alliance Républicaine, un minimum d'entente a pu être réalisé du côté de l'opposition nationale.»

Le 16 février dernier , au Palais des Sports , Tixier-Vignancour a pré~enté ses trente-trois candidats en faIsant applaudir les noms de Georges Bi­dault Jacques Soustelle et de l'ex­généjal Salan. Il a réclamé. l'~mnistie générale en faveur des cnmmels de l'O.A.S.

12

UN certain nombre de Français, malgré Mao. et sa « ré~olutiO~ cu!turelle -, continuent à penser que « tOUjours soume " est bien « 1 hablt~de d~s orientaux ". C'est ce qui ressort de la lecture de la pochette de 1 enr~~ls­

trement du Pays du Sourire, l'immortel chef-d'œuvre de Franz Le~ar (Philips P 77.1162) dont la présentation est signée par M. Jacques BourgeOIs .

Dans un texte ql,li ne peut qu~ cons~erner I,e lecteur de c,e journa!, c,~ criti­que se plait à s 'affliger de « la melancohe du denouement ... ou Ion VOit 1 incom­patibilité foncière de deux races malgré l'amou~ ". Et vo!là le mot lâ~hé. Convain­cu de l'évidente monstruosité du couple forme par la Jeune europeenne et son beau prince chinois , il n'hésite pas à solliciter notre acquiescement. « Leur différence de racés ne s'oppose-t·elle pas à toute union raisonnable .1" Allez avec çà marier votre· fille à un nègre ou un jaune et essayez de vous faire p.asser pour raisonnable ! Et d'insister sur cette « union avec une blanche " vraiment contre nature et de souligner « l'incompatibilité de la situation» et de conclure forcément à '« l'erreur " du jeune couple '{lue l'on désigne antagoniquement comme « l'européenne et l'oriental", etc . "

Vraiment est-ce raisonnàble de la part des éditions Philips de rep!'endre en 1967 les arguments de 1929 (date de la création de l'œuvre), de cette epoqu.e où le racisme souriant s'appelait. l'exotisme " ? Est-ce raisonnable de s~rtlr des tiroirs honteux de l'hi.stoire ces ponCifs détestables ? A quand la revo­lutio-n culturelle des ' racistes qui s'ignorent ?

Albert BENSOUSSAN.

place ferez-vous dans votre program­me, au drame de la faim dans' le monde? ".

« •.. Les rapports des pays industria­lisés et des pays du tiers monde (qui) ' restent des rapports de domination, rappelant, à bien des égards, ceux qui existaient au dix-neuvième siècle, entre les patrons et les ouvriers... cette si· tuation constitue pour les chrétiens un scandale ... " lit-on notamment au verso du tract, qui préconise une aide accrue et mieux comprise aux pays sous­développés :,

« Ne craignez pas, M. le candidat en vous engageant dans cette voie, de faire une politique impopulaire. Nous comprenons parfaitement que le sort des pays pauvres ne pourra s'amélio­rer que si les citoyens des Etats riches consentent certains sacrifices. Ceci nous paraît normal et d'avance, nous les acceptons avec discipline et soli­darité, sans vous en tenir aucunement rigueur, bien au contraire. Ce que nous n'admettrions pas, en revanche, c'est que vous vous désintéressiez de cette question, à nos yeux capitale ".

immigration

PERSÉCUTIONS BUREAUCRATIQUES

ENCORE un exemple navrant de tracasseries administratives dont sont victimes les Algériens!

M. Mohamed Ch., marié à uné Fran­çaise, père d 'un petit garçon né à Paris, vit en France depuis dix ans. Lors de son dernier séjour en Algérie, où il prenait ses vacances en compa­gnie de sa femme et de son enfant, il s'aperçoit qu'il a égaré son bulletin de paie. Invoquant les règlements fran­çais, les autorités algériennes refusent de laisser repartir la famille Ch., bien que M. Ch. présente au contrôle de police une liste de papiers complète et parfaitement en règfe : passeport, livret de famille, quittance de loyer, certificat de travail, etc.

Rien n 'y fait . Malgré leur bébé ma­lade, M. et Mme Ch. doivent attendre trois jours, le temps qu'ils reçoivent un duplicata de feuille de paie.

,Mais leurs ennuis n'étaient pas finis: à Marseille, la police refuse de laisser débarquer M. Ch. sous prétexte que son bulletin de paie ne porte pas de prénom ,!

« Tous les papiers que nous avions et mes affirmations sur l'honneur ne suffisaient donc pas ! écrit Mme Ch. Il m'a fallu passer l'après-midi à faire la navette entre le bateau et le com­missariat du port, dans l'angoisse avec mon bébé souffrant. Finalement à 9 h. du soir, mon mari fut libéré. Je n'ar­rive pas à croire qu'on puisse légàle­ment faire de telles tracasseries pour

DROIT 'Er LIBERTE - N° 260 - MARS 1967

DANS L'OBSCURITE Sur l'écran, apparaît le générique du film hongrois « Les Sans-Espoir »: ..

A côté de moi, une voix féminine, distinctement, s'élève : Ma voisine de droite: C'est un film tchèque? Le mari : Non, hongrois. Ma voisine, : C'est la même chose ! Le mari : Mais non ! Ils ne parlent tout de même pas la même langue ... Ma voisine : La Hongrie, c'est Prague ? Une voix dans la salle : Silence ! Ma voisine : Maintenant, les Hongrois, ils sont Russes ? Le mari : Mais non ! Ils sont toujours Hongrois. Ma voisine : Comment ? Ils sont bien occupés par les Russes ? Le mari: Oui, ils sont occupés. Ma voisine: Alors, c'est un film russe? Une voix dans la salle : Silence ! Ma voisine : Oh ! J'y comprends rien ... Le mari : Chut ! ... Ma voisine : Ce qu'ils sont laids, les Hongrois ... Le mari : Chut ! ...

. Ma voisine: Mol, Je préfère les Tchèques. Ils sont plus gentils . D'abord, ils étalent avec nous pendant la guerre ...

Le film est terminé. C'est maintenant la présentation du prochafn pro­gramme, dont l'humour, selon le commentaire, évoque celui de Charlie Chaplin ...

Ma voisine: Ah ! S'ils recommencent avec Chaplin, on va encore être pans les juifs !

Le mari : Mais ... Ma voisine : On est en France, et pas en Israël. Une voix dans la salle: Silence! Ma voisine : Maintenant, on va voir • Brigitte et Brigitte » ? Le mari : Mais 'non ! C'est dans la salle à côté. Ma voisine : J'y comprends rien ! Ah ! On m'y reprendra plus, Je te jure. La scène est à Paris, en l'an 1967.

une feuille de paie égarée, pour un pré­nom absent .. que l'on ait pu vouloir refouler un père d'enfant français dé­sireux de rester, avec sa femme et son enfant, dans l'intérêt de celui-ci, en France où il a son travail depuis dix ans.

« Citoyenne française, je me suis sentie, plus que mon mari peut-être, bafouée, injuriée, reniée par mon pro­pre pays et pas fière d'être française ".

Chine '

XÉNOPHOBIE?

P ARMI beaucoup d'aSipects inqUle­tants des événements qui se déroulent actueHement en Chine,

Ï'l en est un qui retient particulière­ment notre attention. Dans la dernière période, des slogans de caractère xéno­phobe ont été lancés par les « gardes rouges» à plusieurs reprises.

L'Agence France-Presse, rapporte «( Le Monde )~, 5 février), que M. Wi­told Rodzinsky, ambassadeur de Polo­gne à Pékin, bloqué plus de deux heures à l'aérodrome par une foule hostile, fut traité de « cochon de Polo­nais» par l~s manifestants déchaînés.

J. L

L'A.F.P. et l'Agence Reuter ont d'au­tre part signalé «( Le Monde", 11 fé­vrier) , que «de nombreux magasins et hôtels de Pékin boycottent les Soviétiques, et certains' de ces établis­sements affichent cet avertissement,.: « Ni chiens ni Soviétiques ici.»

Si les dirigeants chinois laissaient ce conflit, idéologique à l'origine, dégénérer dans cette voie, il y aurait beaucoup à craindre pour l'avenir.

Cela ne justifie pas pour autant, bien sûr, une attitude raciste à l'égard des Chinois. Lorsque des étudiants chinois ont organisé à Paris des démonstrations, la presse a rapporté que certains policiers ont eu à leur égard un comportement brutal et mé­prisant, qui évoquait le temps des « ratonnades ». Nous ne pouvons que nous élever contre un tel état d'esprit, de même que nous avons dénoncé les campagnes nettement racistes menées par Minute et d'autres journaux, contre «' l'invasion » de ces jeunes qui, pendant de longs mois, ont poursuivi paisiblement leurs études -en France.

Nous n 'en sommes que plus à l'aise pour nous élever contre la lettre adressée par certains d'entre eux, après -leurs départ, à leurs condisci­ples ete Rennes, disant : «Nous som· mes bien décidés à vous écraser, têtes de chiens, et à vous briser les r~ins ... »

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LES TRAITS DU STEREOTYPE par Jacques Gutwirth

Jacques Gutwirth est chargé de conférences à l'Ecole des Hautes Etudes. Il y dirige un séminaire consacré à «l'ethno­logie et la sociologie de la vie juive ».

ON parle beaUCoup depuis quelques jours de Trans Europ Express, le film écrit et réalisé par l'écrivain Alain Robbe-Grillet. Celui-ci fait se dérouler un

scénario imaginé par un auteur de film (Robbe-Grillet lui­même) alors qu'il voyage dans le train rapide Trans Europ Express entre Paris et Anvers. Or, l'histoire ainsi impro­visée, et c'est la trame du film, est celle d'une rocambo­lesque aventure de trafiquants de drogue se passant surtout à Anvers . Au début du film cependant, l 'auteur du scénario hésite encore devant le choix du sujet et après quelques scènes de trafic de drogue, il propose d'opter pour le trafic des diamants, Anvers étant, comme on sait, le centre mon­dial de i'industrie diamantaire. Et pour illustrer son propos Robbe-Grillet a fait filmer à leur insu par son photographe Willy Kurant, plusieurs juifs orthodoxes et des hassidim à l'aspect traditionnel caractéristique.

particulières. D'abord, elle marque le caractère prétendu juif d'une activité Illégale, alors que c'est pour des raisons historiques précises sur lesquelles il serait trop long de s'étendre ici, que l'industrie et ie commerce des diamants sont fortement influencés par les juifs (1) ; ensuite - et J'en parle en connaissance de cause, ayant fait des recher­ches dans ce milieu, aucun personnage saisi au vol par Robbe-Grillet n'est un trafiquant. Tous sont d'honnêtes arti­sans , commerçants ; dans un cas il s'agit même d'un fonc­tionnaire religieux invalide et ayant près de quatre-vingts ans!

Comme on ne dit pas dans le film que ces gens sont juifs, il est possible qu'un public non averti ne comprenne pas ces allusions. Cependant, trop de gens savent ce que parler veut dire et ce pêle-mêle ne fera que renforcer de vieux préjugés. Je frémis lorsque je réalise que ce film sera représenté en Belgique. Certes, tout cela est traité sur le mode humoristique,

mais n'en crée pas moins une association d'images et d'idées :..- trafics de drogue, trafic de diamants, juifs carac­térisés - qui présente à notre avis les traits du stéréotype calomnieux et antisémite.

En effet, il est d'abord faux d'amalgamer le trafic des drogues et ceiui des diamants : le premier est une activité criminelle alors que le second , certes Illicite. n'est qu 'un phénomène accessoire, comme par exemple la contrebande de café, de cigarettes ou de montres, à une activité indus­trielle et commerciale légale et exercée par des gens respectables. En outre, l 'association de ce trafic avec des personnages juifs est injuste pour des raisons générales et

Robbe-Grillet dira peut-être qu 'il n'a pas du tout voulu tout cela, que son film n'illustre que des délires de l'imagi­nation dans notre temps. Seulement, et ici notre reproche rejoint la critique cinématographique, Robbe-Grillet évite de s'intéresser aux contenus idéologiques de la mythologie contemporaine ; s'il l'avait fait il aurait, entre autres, peut­être supprimé l'épisode pernicieux ci-dessus. Et, par ailleurs, il aurait fait un film moins superficiel.

anti5émitiarne

« NOUS NE SOMMES PAS COMPLEXÉS»

UN tract violemment et grossière­ment anti-is,raélien a été distri­bué massivement ces jours der­

niers dans les boîtes aux lettres de plusieurs quartiers de Paris.

Il fait la liste des {( divers actes de banditisme» commis par {( l'Etat­pirate » ; entre autres: les {( assassi­nats ou enlèvements de citoyens euro­péens en Amérique du Sud » (c'est sans doute Eichmann que désigne ce délicat euphémisme), {( deux tentatives d'enlèvement d'un réfugié politique en Espagne » (il s'agit cette foi s sans doute de Degrelle, chef des {( rexistes ", les nazis belges).

En fait, mettant à profit la tension israélo-arabe, les auteurs du tract ré­pandent leur propagande antisémite sans jamais prononcer le mot cc juif ".

La signature: cc Comité de soutien pour l'Europe réelle» éclaire l'origine de ce tract. L'Europe réelle qui s 'in­titule {( Périodique de combat pour un nouvel ordre européen ", est l'organe

14

(1) La Revue des Etudes juives, de l'Ecole des Hautes Etudes, publiera dans sa prochaine livraison une étude de Jacques Gutwirth sur ce sujet.

du cc Nouvel Ordre Européen " fraction de l'Internationale néo-nazie implantée surtout en Suisse et en Belgique. Ce sont les hommes de cette association qui ont manifesté bruyamment à la Chambre belge lors du débat en no­vembre 1965 sur la prescription des crimes nazis.

Chaque article de L'Europe Réelle, que dirige le Belge Jean-Robert Deb­baudt, est un ramassis ignoble de toute la propagande antisémite et raciste. Un exemple: dans le numéro daté de mars'avril 1966, sous le titre cc Le National-Socialisme ne mourra pas ", on lit: cc Les peuples aryens sont exploités par les juifs, La juiverie internationale s'est assurée en Europe un pouvoir inexpugnable... Nous ne sommes pas des gens complexés; nous n'avons aucun sentiment de cul­pabilité. Nous disons qu'Hitler avait raison, etc.»

L'Europe réelle {( s'honore» de la collaboration de Roland Dursanne dont on peut relever le nom au bas du tract, ce même Dursanne qui s 'in­surge contre l'interruption du camp­école organisé par la Fédération des Etudiants Nationalistes en Vendée l'été 1965, et qualifie les policiers de {( soldats de la juiverie internationale ".

Etata-Unis

BILAN D'UNE LUTTE

LES Noirs constituent 11 % des forces américaines qui combat­tent au Vietnam - une propor­

tion légèrement supérieure à celle de la population américaine, qui compte 10 % de Noirs. Ils représentent 17,80/0 des soldats américains tués au com­bat.

Le Pentagone qui donne ces chiffres explique cette grande proportion de victimes noires au Vietnam par le manque d'éducation: 20 % des Noirs combattent dans l'infanterie, qui est l'arme la plus exposée; par les ren­gagements: trois fois plus importants pour les Noirs que pour les Blancs; par le volontariat : les Noirs, qui re­présentent 25 % des engagés volontai­res sont attirés par les avantages financiers, les possibilités d'apprentis­sage technique, le prestige que confère l'armée qui devient ainsi la seule ma­nière d'échapper au chômage et à la misère.

La participation effective des Noirs à la guerre, aura peut-être comme

La guerre du Viet­nam tue plus de Nol r s que de Blancs.

effet d'appuyer leurs revendications dans le domaine des droits civiques.

C'est déjà ce que laisse supposer une déclaration au Congrès, du Prési­dent Johnson, le 15 février dernier: «Les balles tirées sur le champ de bataille, a-t-B dit, ne font aucune dis­crimination, mais les propriétaires d'bnmeubles la pratiquent chez nous; le sac à dos du soldat noir est aussi lourd que celui du soldat blanc, mais le fardeau qui pèse sur sa famille au pays est bien plus lourd. Les Noirs américains ont donné au pays le meil­leur d'eux-mêmes en temps de guerre,

mais ce pays ne leur a pas accordé l'égalité dans la justice ... »

On est tout de même bien loin des promesses faîtes aux élections de 1964, L'escalade au Vietnam, l'effort de guerre intensifié, ont donné un coup d'arrêt au mouvement en faveur des droits civiques. Il y a trop peu d'ar­gent pour financer cette « grande so­ciété américaine» d 'où toute discrimi­nation raciale serait en principe abolie par la force des réformes bien compri­ses. Le Monde (4-6-1966) faisait déjà remarquer l'année dernière : «Quels que soient les chiffres mis en avant

UN ACTE DE SOLIDARITE LA xx· Vente de Solidarité . Kermesse de la Commission Centrale de l 'Enfance aura lieu

dacs les Salons de l'Hôt~1 Moderne , place de la République à Paris, du 2 au 6 mars 1967 (de 10 à 22 heures sans onterruptlon) ,

Le • Stand de la solidarité internationale. exposera des articles et objets d'art en provenance dbS pays du monde entier.

De nombreux autres stands : ameublement, vêtements, tricots maroquinerie obJ'ets d'art IIvr<!&, disques .. , ' , ,

Vous y ferez de bons achats fort avantageux en accomplissant un acte de solidarité. Communlqu6

LA "NOUVELLE CRITIQUE" CHANGE Son format grandit , Les documents Iconographiques sont nombreux, Les articles sont

en règle générale, plus courts, plus denses. Elle s 'en explique :

• Depuis 1948, notre revue a tenu un rOle de premier plan dans les combats Intellectuels et politiques auxquels, ont pris part les communistes , Constamment en butte aux attaques (ou aux silences) de ,1 Immense masse des périodiques, elle a permiS sans faiblir aux Intellec· tuels communistes d Intervenir dans la guerre froide des Idées, puiS d'engager des débats et des études sur la politique et la culture d'aujourd·hul. Les temps ont cependant changé et s~ns rien renier des quallt~s d'hier, Il n'était plus possible de laisser vieillir nos outll~ d expression face à la multIplicatIOn des questions nouvelles: les débats philosophiques se poursuIvent de nos jours sur un terrain qui n'est plus seulement celui des principes mals aussi celui de savoirs pré,cls ,(éco~omie , psychologie , sociologie , ethnologie , linguistique) : de ~ême , Il faut plus que JamaIs s appuyer sur les sciences de la nature ou de la vie en & Interrogeant avec nos contemporains sur les pOSSibilités de progrès dans la connaissance et la maltrlse , des structures et des lois de l'univers , Comment aussi, au·delà du commentaire de~ chefs·d œuvre passés , ne pas se passionner pour l'évolution des instruments de création art stlque, (télévision, cinéma , thé,âtre ", ) ou bien encore ne pas mettre rigoureusement en lumière 1 Impact des pUissances d argent, des progrès techn iques ou des conflits Idéologiques sur la production des biens culturels?

d Dès le numéro un <te la nouvelle série qui vient de paraltre, les lecteurs seront à mê~e ée Ise colnvalncre que, fout en gardant la rigueur nécessaire, la • Nouvelle Critique. tend à

r a Iser es changements de forme annoncés, Com,.,uniqué

DROIT ET LIBERTE . N° 260 . MARS 1967

par les partisans de tel ou tel « plan» réformateur, ils sont de cinq à vingt fois supérieurs à ce que les Etats-Unis peuvent ou veulent se permettre tant que dure la guerre au Vietnam.» . ~ourtant,. il est évident qu'il est dif­

fIcIle de rejeter les revendications des Noirs qui ont participé à la guerre comme en 1945. Cette égalité sur le champ de bataille renforce la volonté des. Noirs d'en finir avec les discrimi­n.atIons et accélère la prise de cons­CIence des Américains blancs devant !e :acisme comme en ,témoignent des lDcldents survenus en Afrique du Sud pays de l'apartheid. . ' , L'escale que devait effectuer vers le . 12 février dans le port de Durban, le S~o~dknot, . navire de repérage de mIssIles qUI possède un équipage de 56 blancs et 11 noirs fut annulée en raison de la législation raciale sud­africaine. Pour des raisons analogues le .4 février} .le .commandant du porte: aVIOns amencam, Franklin D. Roose­velt qui faisait escale au Cap, avait consi&né à ~)Qrd l'équipage qui com­prenaIt plUSIeurs centaines de Noirs. Juste avant le départ - avancé ' de deux jours - du navire, un dernier in­cident survint qui entraîna de nom­breuses protestations. Des volontaires parmi l'équipage s'étaient offerts à donner du sang au centre de transfu­sion de la ville. Mais, quand le com­mandant du navire apprit que le sang devait être étiqueté selon la race du donneur, il décida de surseoir à cette initiative.

Finalement un compromis fut con­clu: les Américains acceptèrent que les prises de sang aient lieu dans des locaux séparés, et les Sud-Africains de considérer le sang donné comme ap­partenant à une même race,

Mais les pratiques, dénoncées en Afrique du Sud, continuent à exister aux Etats-Unis mêmes. La commission américaine des droits civiques note dans un rapport au président Johnson' que la ségrégation a empiré aussi bie~ dans les écoles du Nord que dans cel~ les du Sud des Etats-Unis, en dépit des arrêtés publiés depuis treize ans par la Cour Suprême,

amitiéa

LA SEINE ET LE SÉNÉGAL

L A dernière livraison de Cités Unies, la revue de la Fédération des Villes Jumelées consacre un

important article au «jumelage dans !a lutte antiraciste,., illustré par le sé­JOur de quarante huit Sénégalais venus passer le mois d'août de l'année der­nière à St-Maur-des-Fossés dans le ca­dre du jumelage de cett~ ville avec Ziguinchor (Sénégal) .

Ce séjour avait ét~ précédé par ce:ui

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Voua dites

LES PIECES U N des pièges les mieux camouflés du racisme, au

point que les esprits les plus honnêtement Intention­nés s'y laissent souvent prendre, consiste à généraliser à partir d'un individu et à particulariser à partir d'un jugement global. . C'est ainsi qu'un ancien ministre connu pour son anti·

racisme libérai, écrivait récemment pour lutter à Juste titre contre cet autre piège du racisme oc le racisme de la pitié, le paternalisme de race ": " Il ne suffit pas de donner; Il faut savoir recevoir, et il y a tant li recevoir de ces hom­mes noirs qui ont le sens du rythme et de la vie, profes­seurs de gaîté, de dynamisme et de poésie pour les Fran· çals. énervés ou lassés ( ... ) "

En quoi y a-t-il confusion dans ce propos pourtant bien. veillant et correspondant apparemment à une réalité assez répandue? Essayons de délimiter les distinctions qui s'impo­sent: • les • Français ne sont nullement • énervés • ou • lassés • parce qu'Ifs sont Français ou parce qU'ils ont la peau blanche, mais parce qu'ils vivent dans des conditions sociales-historiques très précises ne présentant pas un ca­ractère permanent; ce n'est même pas ce qu 'on a tôt fait d:appeler la vie moderne qui est en cause mais les condi-

tions de travail, un mode de vie qui en découle et qui déter­mine un état psychique aux aspects négatifs bien connus . . Si bien que si 1 on met en avant, même • sans penser li mal., une esquisse d'explication plus ou moins racfale, on masque la dure vérité de rapports sociaux qu'II faut changer, qu'il est possible de transformer.

En ce qui concerne les Noirs, là encore Il faut y regarder à deux fols avant de leur attribuer les caractères d'ensem­ble relevés dans le passage cité. Il s'en faut de beaucoup que ces comportements leurs soient communs, surtout si J'on distingue entre les Noirs d'Afrique (le paysan affamé des zones de misère et l'étudiant fortuné Installé à Paris étant alors mis sur le même plan), les Antillais (J'ouvrier martini­quais d'une usine métallurgique de Saint-Ouen et le gros négociant en agrumes de la rue de Rivoli?) et les autr~s (le jeune chômeur noir en colère des faubourgs de Détroit et J'emprisonné des geôles d'Afrique du Sud? Le ministre séné­galais ou le syndicaliste ghanéen en exil? etc) ... Ajoutons que les hommes noirs vivant en France, risquent d'être ~ éner­vés • et • ,lassés • de la même façon que les Blancs, les mêmes causes produisant les mêmes effets. - ,

Poser ces Simples questions suffit à montrer qu'If faut très rapidement dépasser les appréciations superficielles liées à la couleur de la peau, et qui n'éclairent à peu près, aucun problème (elles sont facteurs de confusion) pour faire éclater, déjà en esprit, les barrières de couleur et les catégories ethniques, afin d'en venir à l'homme réel dans un monde en mouvement.

Roger MARIA.

-+ " Elle est la pièce maitresse du séjoU!l" : c'est elle qui en est le test. Si une seu­le incompatibUité s'était déclarée en­tre gens de Ziguinchor et gens de St­Maur, Il faudrait avouer honnêtement de ce jumelage qu'Il n'a pas été une réussite. Car il ne peut y avoir d'échecs en ce domaine. Soit dit sans fausse modestie, tous les jumelages familiaux furent des succès ... "

dres. Tout cela n'embraye pas ou peu sur le réel, parce que de part et d'au· tre, les peuples ne se sentent nullement concernés, parce que de part et d'au­tre, le mUieu humain n'a pas été am&­'nagé de l'Intérieur, paree que les men­talités ne sont pas préparées à com­prendre de quoi fi s'agit. lt

de quarante jeunes de Saint-Maur à Ziguinchor. Michel Le Houx, auteur de

. l'article écrit à ce propos :

« Les garçons ont participé à la cons­truction d'un marché et les filles ont travaillé dans les hôpitaux et les dis­pensaires. Tous sont repartis après avoir vécu dans les famille! africaines. Des liens profonds se sont noués avec la population de Ziguinchor et il sem­ble que les Africains aient découvert un nouveau visage de l'homme blanc, de même que les jeunes de St-Maur ont été véritablement séduits par tant de richesses humaines chez un peuple encore peu dévelOppé techniquement.,.

Parlant de la vie de famille vécue pendant huit jours par les jeunes Sé­négalais, Michel Le ' Houx explique :

«Nous n'échappons pas à un cer­tain risque,. poursuit M. Le Houx qui cite un technicien de la Coopération, M. Blardonne :

«La coopération est conçue comme une affaire économique et financière et de techniciens, écrit ce dernier. On construit des usines ou on les livre " clés en mains ", on envoie de l'argent, on détache des technic.ens ou des ca-

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16

"A condition de concevoir ainsi le jumelage et particulièrement le jume­lage-coopération, conolue M. Le Houx, ces deux voyages à Ziguinchor et -à St· Maur s'inscrivent dans l'aventure la plus extraordinaire de notre temps, celle du progrès et de la paix, pour toutes les nations. lt

faits divers

ETRANGE EDUCATEUR

A NH-TUAN, un petit garçonnet âgé de dix ans d'origine vIetnamien­ne, fréquente l'école communale

de garçons de la rue de l'Amiral-Rous­sin dans le 15" arrondissement. Très bon ~lève, iJ a- obtenu le prix d'excel­lence pendant trois années consécuti­ves.

Le 25 janvier dernier après la classe, le visage marqué de coups, il rentre chez lui en compagnie de quelques camarades qui le pressent de ra~on­ter à ses parents ce qui s'est passé dans l'après-midi.

Il était environ 13 heures, le repas était terminé lorsque , M. Martin sur­veillant de cantine décida da faire faire quelques exercices physiques à la classe de Anh-Tuan. Mais l'enfant

A l'occasion du vingtième anniver­saire de l'UNESCO, des écoliers pari­siens, ont visité le siège et traduit leurs impressions en dessins.

N 0 u s reprodui· sons ci - contre l'un des meilleurs documents publiés dans Santé du Monde, la revue de l'Organisation Mondiale de la Santé. A-t-il été ins­pire par l'œuvre de Miro qui orne ie palaiS ?

exécute les mouvements trop lente­ment au gré de M. Martin, qui inter­prète le manque d'aptitude comme une atteinte malicieuse du petit garçon à l'ordre donné. Le surveillant se pré­cipite alors sur lui, l'attrape par les cheveux, le soulève, le gifle à la volée. L'enfant s'évanouit ... Ranimé brutale­ment par le surveillant qui lui plonge la tête dans le lavabo, l'enfant qui se plaint de nausées et de maux de tête 'sera transporté à l'infirmerie de l'école.

M. Martin, qui semble avoir la pé­nible habitude de s'attaquer aux en­fants d'immigrés, avait, quinze jours auparavant, obligé le jeune frère de Anh-Tuan, Anh-Dung à manger lt:~ Jé­chets qui se trouvaient sur la table.

Les parents, tous deux vietnamiens

et qui sont respectivement ingénieur agricole et professeur de sciences phy­siques., ont aussitôt déposé plainte par l'intermédiaire de M" Jacoby, au: près de l'Inspecteur Primaire de l'ar­rondissement. « Il est inadmissible écrivent-ils, qu'un édu.cateur, quel qu~ soit son rang, se permette de se livrer à des violences sur les enfants dont il a la charge. Ces violences sont encore pl,us, odieuses lorsqu'elles sont moti­vees par le racisme. "

Cinq jours plus tard, après avoir procédé à une enquête, l'Inspectc"Jr qui restait très nuancé quant aux mo­tivations raciales de l'affaire, faisait savoir à M" Jacoby que M. Martin était suspendu de son service, la ma­térialité des coups et violences étant incontestable.

« CLIENTELE ETRANGERE

S'ABSTENIR» ?

U NE employée de maison espa­gnole entre dans une succursale Félix Potin, s'approche de la

caisse pour remettre une commande au nom de Mme Cohen.

« Encore un nom bien de chez nous... on ne voit que ça dans le quartier ", s'exclame alors la caisslere qui ne cessant de maugréer, termine sa diatribe par... « four crématoire ».

Une cliente, Mme H ... , qui avait été, à plusieurs reprises, témoin de l'atti-· tude scandaleuse de la caissière à l 'égard des Espagnoles travaillant dans le CJ..,uartier, indignée par de tels pro­pos, en fit part au MRAP et adressa aussitôt une protestation à la direc­tion de la société Félix-Potin.

« Etant moi-même d'origine israé­lite, a-t-elle écrit, je désire savoir si les propos racistes de votre employée reflètent les idées de la direction de votre établissement; si, dans l'affir­mative, vous êtes disposés à les affi­cher dans vos succursales, afin que les intéressés sachent que leur clientèle n'est pas désirée, et qu'ils puissent aittsi éviter de s'exposer à des injures inad­missibles ; dans la négative, quelles conséquences vous entendez tirer d'une attitude absolument inadmissi­ble dans notre pays? ."

La réaction de Mme H., qui témoi­gne de sa vigilance, est de celles qui contribuent à la lutte menée par le MRAP.

des faits communisme et de la Loi contre les organisations illé­gales.

quête ouverte par le Parquet général de Francfort. Ils sont accusés d'avoir « par leur action et par leurs con· seils participé aux extenni­nations décidées par l~s au­torités hitlériennes ».

poste d'équipage, n 'avait pas disparu.

• 124 exécutions capitales en Afrique du Sud au cours de l'année 1966 - 2 Blancs, 90 Africains dont une femme, et 32 autres personnes de « cou­leur» - au lieu de 85 en 1965.

Du 30 juin 1965 au 30 juin 1966, 13 Blancs, 3 Asiatiques, 16 « hommes de couleur» et 324 Afric~ins y ont été con­damnés aux termes de la Loi sur la suppression du

• Pour avoir dessiné des croix gammées sur des murs et des trottoirs de Longuyon, 'Noël Halatre, 30 ans, et Claude Gérardin, 27 ans, ont été condamnés chacun, par le Tribunal correctionnel de Briey, à trois mois de pri­son avec sursis et 100 F d'amende.

• Treize anciens magistrats nazis sont l'objet d'une en-

• « Maria Pineda » de Fede­rico Garcia Lorca qui, sous la direction du réalisateur Alfredo Magnas, devait être jouée pour la première fois depuis la fin de la guerre civile; vient d'être interdite par la censure espagnole. Po~r échapper à « Anasta­sie », Maria Pineda,: cette jeune fille condamnée à mort au cours des luttes libérales du XIX" siècle pour avoir brodé un drapeau républi­cain, aurait dû broder le dra­peau monarchiste.

• liftIer: toujours présent :

21 février 1967, en plein Paris République.

E des dockers du port de Sta­~ vanger (Norvège) ont refusé

de décharger un 'cargo alle-rue de Lancry, près de la mand tant qu'un portrait

d'Hitler, suspendu dans le

DROIT ET LIBERTE . Nu 260 . MARS 1967

• Danger nazi au Canada : un second parti nazi cana­dien . vient de se créer à Montréal. Il est en lutte avec l'organisation de Toronto pour obtenir « l'investiture » de l'Union mondiale national­socialiste. A Winnipeg, une vague de croix gammées sur les synagogues et d'autres bâtiments de la ville, ainsi que dans les cimetières, a entraîné les protestations du Conseil canadien des Juifs, et des Chrétiens.

• 19 membres du parti des Croix fléchées (nazis hon­grois) dirigé par Wilmos Kroeszl ont comparu devant le tribunal de Budapest, sous l'accusation d'avoir commis entre octobre 1944 et janvier 1945 des crimes de guerre qui ont entraîné - la mort de 239 personnes, juifs, résis­tants, femmes et enfants.

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DROIT ET LIBERT~- N° 280

LES TRAVAILLEURS

ÉIRI GERS E FRI CE

Ils ne viennent pas en France vivre à nos dépens. Ils travaillent pour nous.

Depuis la Libération, un phénom~ne nouveau est apparu en Europe, et surtout en France ~ l'immigration d'un n'Ombre toujours croissant de travailleurs venus des anciens empires coloniaux, et l/,u Tiers-monde ' en géné­ral. Ce phéJl:omène, lié à des mécanismes économiques très complexes, alimente ,un racisme 'latent, que certaine presse s'efforce d'attiser et d'utiliser. L'argument le plus souvent repris, et qui renèontre le ' plus d'audience, pré-

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tend que l'Occident n'a pas à entrètenir le reste du monde, et particulièrement les ex-colonies qui ont revendiqué et obtenu leur indépendance. Or l'examen des chiffres et des statistiques prouve que l'immigration, loin d'~tre un poids pour la France, est extrêmement bénéfique ~ son économie. C'est ce que fait apparaître le présent dossier.

PETITE GEOGRAPHIE DE LA MAIN­-" D'ŒUVRE

IMMIGREE L

ES incidences géographiques des , migrations ne peuvent être dis­sociées des causes économiques

qui ont donné lieu à de tels mouve­ments de population. La carte que l'on peut dresser, non sans quelque à-peu­près, de la localisation des étrangers venus vendre en France leur force de travail ne doit donc servir que de ré­férence purement quantitative aux pro­blèmes humains dont elle est le cadre. Jetons-y néanmoins un coup d'œil. Elle nous révèle immédiatement la nature spécifique des besoins nationaux qui président à l'installation des migrants. L'étranger se fixe où l'on a besoin de lui et ce n'est pas un syllogisme que d'en déduire qu'il est accueilli dans la mesure ou son travail correspond à un besoin économique.

Origine géographique des immigrés en France

Nombre Evolution (1) Italiens " ... . .... . ........ ... . . . .. . . ...... . 687.000 Espagnols .. , .. ... . ........................ . I\l.gériens . .. . . ............ . ...... . .... . ... .

600.000 0 530.000 0

Portugais . . ... .. . . . . .......... . .. . ...... . . . Marocains ...... .... . . . ..... . .. ........ . .. . .

150.000 + 65.000 +

Tunisiens ., .... .. .. ... .. . .. .. ............. . 40.0pO 0 Africains noirs .... .... . . ....... . .. , . ..... . 40.000 + Yougoslaves et Albanais .......... . ........ . 17.000 + Grecs ... . ............. . . . ............. . 11.000 + Turcs . ...... . ... . ..... . ........... . 4.000 +

A quoi il faut ajouter une immigration européenne ou des pays dévelop­pés, dont l'implantation est souvent ancienne, ou qui est simplement frontalière.

Polonais ................................. . Belges ..... . ....................... . ... . Allemands . . ......... . .. . ... .. .. . ....... . .. . Néerlandais ~ .. . . . ............. : ....... . ... . Divers (U.S.A., Canada, Grande~Bretagne,

U.R.S.S., etc.) .. .. . ....... .. ...... . ...... .

TOTAL GENERAL

\

(1) - en diminution; 0 augmentation.

stationnaire; + en

152.000 83.000 0 50.000 0 10.000 0

300.000 0

2.739.000 +

En 1964, 45 % des étrangers se trou­vent dans les départements de la Sei­ne (30 %) de la Seine-et-Oise, (7 %), du Nord (5 %) et du Rhône (3 %). Les effectifs de l'immigration sont donc concentrés dans les régions industriel­les où, très évidemment, les besoins de main-d'œuvre se font le plus sentir.

Ces localisations sont, au demeurant, liées à la demande de main-d'œuvre étrangère dans "J.es branches de l'éco­nomie où son bas niveau de qualifica­tion lui confère le plus d'utilité. (Voir le tableau ci-contre).

Un déséquilibre

économique

Répartition de la main·d'œuvre immigrée dans les secteurs d'activité de l'économie française

Notons en passant que 59 % des étrangers travaillaient en 1964 dans le secteur secondaire, secteur qui recou­vre une part de plus en plus petite de la population active française (38 % en 1965. Chiffre cité par J. Fourastié, Le grand espoir du XX' siècle). Il est d'autre part intéressant de remarquer avec Henri Bartoli (1) que les migra­tions externes et les migrations inter­nes s'effectuent suivant les mêmes li­gnes de force ; elles présentent des liaisons et des analogies évidentes. Dans les deux cas, c'est en effet, l'ap­parition d'un déséquilibre économique entre régions d'un même pays pour les

Bâtiment et Travaux publics .... .. .. ....... . . ........ . Métaux - et sidérurgie ....... .. ..... ....... . ......... . Services domestiques .. . .. .. . . ... . . . ... . . . Agriculture et forestage .. .. .. .. .. .. . . . . .. .. .. .. .. .. .. Houillères et mines . . .. . . .. .. . . .. . . . . .. .. .. Divers . . . . .. . . " . . .. . ... . .. .

TOTAL

20

% 40 20 11 10 5

14

100

.ft à 25%

~4àS%

~J,à4%

D rnoins de 2.,_

LA -REPARTITION DE LA MAIN·D'ŒUVRE IMMIGREE DANS LES 21 REGIONS DU PROGRAMME

(en pourcentage par rappCilrt au chiffre total)

DONNEE par région du programme. '. cette répartition demande quelques con1mentaires.

1." Dans le Nord, où vivent plus de 200.000 étrangers, il n'est pas tenu compte des frontaliers, qui vivent en Belgique, mais travaillent en France.

2. En Lorraine, qui compte quatre départements (Moselle, Meurthe-et­Moselle, -Meuse, Vosges), la main-d'œuvre immigrée est surtout concentrée dans la Moselle (130 à 150.000), le département le plus industriel 'de la région.

3. En Aquitaine, la quasi-totalité de la main-d'œuvre est concentrée tians le département de la Gironde. . .

4. Dans le Midi-Pyrénées, seule la Haute-Garonne compte un nombre assez important de main-d'œuvre immigrée industrielle (40.000 environ) . Mais les autres départe!11ents de .Ia région (Hautes-Pyrénées, Lot, Aveyron, Tatn, Gers). à .J'exception de l'Ariège, comptent une implantation espagnole assez impor­tante.

5. Dans le Languedoc, la population immigrée, souvent d'origine espagnole, est répartie de façon homogène entre les quatre départements côtiers (Pyré­nées-Orièntales, Aude, Hérault, Gard) ; seule, la L.ozère n'en compte presque aucun) .

6. En Provence·Côte d'Azur-Corse, l'immigration e:;t concentrée dans les Bouches-du-Rhône (1-3.0001 et dans les Alpes-Maritimes · (60 à 70.000, la plupart Italiens). L'arrière-pays n'en compte que très peu. ..

7. Dans la région Rhône-Alpes (huit départements), la quasi-totalité de ' la main-d'œuvre immigrée est concentrée dans les deux départements ind"ustriels du Rhône (Lyon) et de l'Isère (Grenoble).

Jlf!OIT ET LIBERTE • No 260 - MARS 1967

migrations internes (les Bretons « montent » à Paris), entre pays ri­ches et pays sous-industrialisés pour les migrations externes - qui déter­mine la direction et l'amplitude des courants de migration.

Ce point de vue nécessite un com­plément puisqu'il est ici question de travailleurs étrangers : l'immigré rem­plit une fonction économique qui se trouve étroitement liée au niveau du pays (voire de la région) dont il est originaire.

Pauvre, souvent illettré, le migrant vient apporter au pays riche qui le reçoit ce dont celui-ci a besoin : sa misère et son bas niveau profession­nel, qui lui feront açcepter les emplois désagréables et mal payés. Parce qu'il est pauvre et ignorant, il permet aux riches d'accroître leur bien-être. Cette dialectique interne au marché de l'em­ploi commande l'origine géographique des migrants (voir tableau page 20).

Un rôle

de C( bouche·trou »

L'immigré vient combler un besoin ' de main-d'œuvre non qualifiée. Ce qui est vrai quant aux localisations géo­graphiques l'est aussi sur le plan de la chronologie de l'immigration (gra­phique page 22). La courbe du nom­bre des entrées des travailleurs étran­gers recensés par l'Office National d'Immigration (O.N.L), avec un cer­tain temps de retard dû à l'inertie habituellement attachée à ce type de phénomène, suit celles des fluctuations de l'économie française:

• de 1946 à 1947, croissance en flè­che de l'économie d'après-guerre et du nombre des immigrés.

• 1948 marque un ralentissemept du rythme de la croissance économ.i­que, ce qui se traduit par un palier dans la courbe des entrées, bientôt suivi d'une chute verticale. Il y a sa­turation des offres d'emploi: en 1949, l'O.N.1. enregistre 58.782 entrées ; en 1950, 10.525.

• 1956: la guerre d 'Algérie absorbe 500.000 hommes, pour la plupart sol­dats du contingent : 65.428 immigrés -entrent en France; 11.693 l'année sui­vante.

• De 1960 à 1964, la croissance éco­nomique sera régulière ainsi que le nombre des entrées.

L'immigré trouve un emploi où et quand on a besoin de lui. Cette cons­tatation peut paraître triviale ; c'est cependant parce 'qu'eHe répond à une vérité simple qu'elle est riche d'impli­cations. Jouant, en effet, le rôle de " bouche-trou» sur le marché du tra­vaH, l'immigré va se trouver pratique­ment privé d'une formation profession­nelle qui lui serait pourtant d'autant plus nécessaire que son niveau est bas.

-+ 21

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.-. Cette « fonction» de l'immigré dans

l'économie du ' pays d'accueil (la Fran­ce n'est pas seule en question) peut aussi avoir une incidence sur la stabi­lité de son emploi - notamment en période de crise ou 'même de phase de ralentissement du développement éco­nomique, Rappelons à ce sujet que le V' Plan a prévu, avant la fin de son application, l'existence d'un « volant de chômage» de plus de 500.000 person­nes ; cette prévision paraît d'ailleurs d'autant plus fondée que les péripéties de la participation française au Mar­ché commun se traduisent pour le mo­ment par une phase de récession rela­tive appelée pudiquement par le Pre­mier ministre « phase de relâchement dans l'expansion» (discours radio-télé­visé du 21 janvier 1967). C'est très pro· bablement, pour les immigrés, un nou­veau 1950 qui s'annonce, et dans une conjoncture qui leur sera peut.être plus dure.

Marc NACHT.

1) Les migrations de maln·d'œuvre . • Esprit •. Avril 1966,

Courbe 'de l'arrivée des

travailleurs permanents 1e 1946 à 1964

, 'statistiques de l'~ce '

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UNE POPULATION part - est relativement sous-peuplée. Pendant tout le début de ce siècle, la natalité y fut basse; les 10 millions de morts de la première guerre mon­diale, et les 55 millions de morts de la seconde, qui furent Européens dans une écrasante proportion, accentuè­rent ce phénomène !;le sous-population. Les économistes estiment à 60 à 75 millions le chiffre de population qui permettrait actuellement le développe­ment optimum de l'économie fran­çaise. Ajoutons à celà que la densité moyenne de la population française est deux à quatre fois moindre que celle de ses \"oisins immédiats.

(( RENTABLE ))

ON leur a donné l'indépendance, « ils n'ont qu'à se débrouiller tout seuls ". Si souvent exprimé crû­ment, ce mépris vindicatif à l'égard des peuples ex-colonisés

a aussi ses théoriciens. Sa forme la plus « . pensée ", le « cartiérisme », prône le repliement total sur l'hexa­gone national. Plus à droite encore, ce repliement ne· se conçoit pas sans l'expulsIon immédiate de tout ce qui a le « teint basané " ou le nom un tant soit peu exotique; on veut être entre soi: « Nous n'avons pas à nour­rir des incapables qui viennent en­combrer nos hôpitaUx, vivre à nos crochets, et même - je l'ai encore lu dans , Minute la semaine dernière -violer nos femmes et nos filles! ». L'extrême-droite axe l'essentiel de sa campagne électorale sur le slogan: « Contre l'immigration algérienne, votez R.E.L. » (1).

De tels arguments ne sont pas sans écho dans l'opinion; à ce point qu'ils. sont parfois repris, 'pour raisons élec-

, torales, dans telle banlieue parisienne, dans tel centre industriel où l'immi­gration est nombreuse, par des candi­dats dont on pouvait attendre un peu plus de pondération,

Le simplisme de ce racisme nouveau style n'est pas moins aberrant que ' celui des formes de racisme plus an­ciennes. Car enfin, dans la société où nous vivons, l'activité économique reste mûe ' par la recherche du profit maximum, et si la France compte aujourd'hui quelque 3 millions d'im­migrés, c'est que l'écono1TIie française y trouve très largement son compte. De même. d'ailleurs que l'aide aux pays sous-développés, que d'aucuns trouvent excessive, est l'expression la plus visible de mécanismes récipro­ques où la France est loin d'être per­dante. Dans le domaine des échanges internationaux, on ne connaît qu'une règle: celle du « donnant-donnant ».

La France - comme ses partenaires du Marché commun, l'Italie mise à

Dans un camion frigorifique

La France, donc, manque de main­d'œuvre. En outre, les responsables de l'économie, dans un système comme le nôtre, considèrent qu'un certain ' chômage, latent ou chronique, n'est pas une mauvaise chose: il empêche les revendications ouvrières et sala­riales de se manifester trop crûment; on appela cette frange de chômeurs, au XIX· siècle, l' « armée' industrielle de réserve »; aujourd'hui, on la nom­me « volant de sécurité ». Pour l'ins­tant, le nombre de chômeurs en France est d'environ 300.000; le V·

- Plah prévoit qu'en 1970, il pourra atteindre 600.000.

Oi la main-d'œuvre immigrée joue . ce rôle de « volant de sécurité », d'au­

tant mieux que, de par sa situation, elle est très inorganisée, qu'elle éprouo

ve pour se syndiquer les plus grandes difficultés. A cet égard, la fameuse « iIIllDigration Clandestine », qui M

J ,

1

f

fraye les' chroniques algérienne et portugaise, revêt une importance tout à fait significative. Sur les 100.000 im­migrants qui débarquent cqaque an­née en France, 75 % sont, depuis ces dernières années, des «clandestins»: Algériens, venus « en touristes» avec le billet de retour et les 500 F néces­saires pour ne pas être refoulés; Por­tugais, enfermés dans un camion fri­gorifique ou le , double fond d'une camionnette. C'est qu'un immigré en situation illégale est une main-d'œuvre rêvée: il peut être embauché sur n'importe quelle base, et sera néces­sairement d'une docilité exemplaire. Voici deux ans, en mai 1964, fut arrêté un trafiquant qui faisait , entrer en France des tqwailleurs portugais clan­destins; il leur faisait · franchir les Pyrénées, non sans ·les' avoir délestés du maigre viatique qu'ils avaient pu réunir - le passage coûtait 1.000 F -, les amenait jusqu'à Paris, les livrait à une grosse firme de construction immobilière pour la somme de 800 F par tête. L'affaire connut un épisOde judiciaire, mais il n'empêche que cette traite d'un genre nouveau demeure très largement pratiquée, et que les Pouvoirs publics ferment tout bonne­ment les , yeux chaque fois que le scandale n'est pas trop évident; il est impossible de .croire que 70.000 clan­destins puissent entrer chaque année en France à l'insu des autorités.

Une main-d'œuvre soumise

Ajoutons à cela qu'un employeur qui recrute un immigré sur les bases d'un contrat conclu par l'O.N.L, l'Of-

DIiOIT ET LIBERTE • No 260 • MARS 1967

fice National d'Immigration, doit verser 100 F à l'Office, prendre en charge le transport du travaiHeur et lui trouver un logement. Toutes me­sures qui, rendues effectiv.ement im­pératives, diminueraient les profits ql}e procure ce sous-prolétariat.

-La presse raciste prend prétexte de ce désordre dans les entrées en France pour dénoncer la , « racaille» qui « nous envahit », et aussi pour jouer les Tartuffes:' « Nous n'en avons pas aux honnêtes travailleurs en situation régulière, écrit Minute, en prélude à chacune de ses incitations au pogrome anti-algérien, mais à ceux qui entrent chez nous illégalement ». C'est pren­dre le problème ' à l'envers: la véri­table solution n'est ni de contin~enter l'entrée des immigrants de manIère à organiser l'illégalité et à obtenir une main-d~œuvre exemplaire de soumis­sion, ni de refouler une main-d'œuvre dont l'arrivée est prévue et souh~itée:

Elle est d'élaborer une législation qui aligne les conditions d'immigration sur les besoins réels .de l'économie française, et qui ' prenne toutes dis­positions pour assurer à ces travail­leurs des conditions de vie convena­bles.

C'est alors que la démagogie raciste sort son deuxième argument: « La présence. massive des travailleurs algé~ nens, prQclame un tract électoral dü R.E.L. permet de faire pression sur les sa~aires des travailléurs français, de fremer leur augmentation en créant une concurrence sur le marché du travail, ce qUI! nous vorls dit pas le

Les travailleurs immigrés occu­pent les emplOis les plus durs, les plus mal payés, ceux pour qui la main-d'œuvre françaIse ' fait de plus en plus défaut. Toute une industrie : celle des travaux publics et du bâtiment, vit du labeur de la main-d'œuvre étrangir ••

parti communiste, complice de cette politique, contre les intérêts des tra­vailleurs français ». Ce second argu­ment n'est pas moins perfide que le premier; Il est vrai que l'immigration a, entre autres effets - nous l'avons

-vu - de créer . un clivage entre tra­vailleurs. En les opposant les uns aux autres, on peut plus aisément p~ser sur les salaires; de tels clivages, il est vrai, peuvent aussi bien être tracés entre ' diverses catégories de travail­leurs tous français (le cas des travàil­leurs du métro est à Get égard bien connu). Dresser les victimes contre les victimes a toujours été un objectif du raèÏsme au profit d'intérêts bien détermines. Les exemples en sont in­nombrables (les « petits blancs » de Chicago, de Johannesburg, et naguère d'Alger et d'Oran, mis ainsi en condi­tion, furent ou sont les défenseurs les plus acharnés d'un système qui fiüt d'eux aussi, bien que de fliçon plus subtile, des victimes). 'Et donc, l'in­térêt bien compris des salariés fran­çais, dès lors que, d'une façon ou d'une' autre, ' ils ont ptlur compagnons de travail, des immigrés, c'est de dé­fendre ceux-ci, d.e demander pour eux les mêmes salaires, les mêmes droits que pour eux-mêmes, pour empêcher que leur _p(Opre éondition se dégrade ou «oit menacée.

Ara&es, Turcs et Yougoslaves

Quoi , qu'il en soit, les employeurs sont les premiers à préciser que la charité et l'hospitalité ne sont pour rien dans l'accroissement continu de ~'immigration. Cet accroissement leur

-+ 23

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LES METIERS DES IMMIGRES Alors que la population active française représente 45 % de la population

totale, la population immigrée est active à 66 % (soit 1,85 million de travail· leurs) .

Parmi cette popu lation immi.grée, 8 % environ a une profession commer­ciale ou libérale ; 92 % (soit 1,6 m'illion) est salariée.

Les salariés se répartissent ge la façon suivante : Manœuvres . . .. .. .. .. .. .. .. .. . . 57 % Ouvriers spécialisés . . . . .. .. . . .. . . 31 % Ouvriers qualifiés . . .. . . .. . . . . . . .. . . 9,5 % EmployéS .. .. . . .. . .. .. .. . . .. . . . . 1,5 %

Il faut noter que, depuis quelques années, l'immigration par familles entières tend à croître. Jusqu'en 1959, il ne s'installait pas en France plus de 4.000 famil· les étrangères par an . En 1960, ce chiffre est passé à 22.000, et tend, depuis lors, à se maintenir à ce niveau.

-+ semble même insuffisant. L'Usine nou­velle, l'un des journaux officiels du capitalisme français , le rappelait en­core récemment (le 14 avril 1966) :

« Les difficultés de recrutement en Italie et le risque de voir l'afflux espa­gnol et portugais s'épuiser dans la prochaine décennie ont incité les au­torités françaises à se tourner vers d'autres sources de main-d'œuvre. Un accord vient d'être signé avec la Yougoslavie, un autre l'est déjà avec la Turquie ». Loin d'aècueillir les tra­vailleurs. immigrés par bonté d'âme, comme ml le laisse si souvent enten­dre, l'économie française se préoccupe donc dès aujourd'hui de ne pas laisser tarir cet afflux de main-d'œuv're dans les décennies à venir. Elle se heurte d'ailleurs à la concurrence de ses par­tenaires du Marché commun, dont les économies ont le · même besoin : la Suisse utilise plus d'un million de travailleurs immigrés (15 % de la population active de la Confédéra­tion !) , l'Allemagne Fédérale 1,2 mil­lions, la Belgique 600.000, les Pays-Bas 200.000. L'Angleterre est dans la même situation: des Antilles, du Pakistan, d 'Afrique anglophone, d'Irlande, lui sont arrivés près de 3 millions de travailleurs immigrés. Entre les divers pays d'Europe occidentale, des zones de partage se dessinent, particulière­ment entre la France, l'Allemagne fé­dérale et la Suisse : à l'une les Arabes, à l'autre les Turcs et les Slaves du Sud; à la troisième les Siciliens et les Levantins.

Qu'apporte donc cette main-d'œuvre aux économies européennes, et singu­lièrement à l'économie française, pour que le V' Plan prévoie une immigra­tion de 60.000 travailleurs par an d'ici 1970, puis, ensuite, de 100.000 travail­leurs paF an ?

Il est impossible de donner une évaluation chiffrée précise du profit que tire la France du travail de la main-d'œuvre étrangère. Mais un cer­tain nombre d'approximations sont possibles. Elles indiquent que la mas-

24

se des salaires et prestations sociales (allocations, remboursements de Sécu­rité soCiale, etc.) versée à la main­d'œuvre immigrée se situe actuelle­ment entre 10 et 12 milliards de F. Mais que la production assurée par cette même main-d'œuvre peut s'éva-

L'Immigration fa­miliale tend à aug­

.menter par rapport à l'immigration in- _ dividuelle.

luer, en tenant compte de la marge d'approximation la plus large possible, à 16 à 18 milliards de francs. Le béné­fice net pour l'économie française se montre donc, en comptant au plus juste - c'est-à-dire en considérant le coût le plus 'élevé et le rapport le plus bas - , à 4 milliards de francs - ac­tuels, bien entendu (2).

Des profits de tous ordres

Il n'est pas sans intérêt à ce propos de donner les estimations concernant la main-d'œuvre algérienne, puisque c'est elle qui est la plus décriée. Elle coûte 2 à 2,5 milliards en salaires et charges sociales; elle produit 3,5 à 3,7 milliards. Elle laisse donc un pro­fit de 1 milliard par an à l'économie française. Même si l'on considère les

quelque 700 millions d'aide française annuelle à l'Algérie (et sans même tenir compte que cette aide a pour contrepartie des profits d'un autre ordre sur les produits pétroliers, par exemple) on voit que l'Algérie, loin d'être, comme l'écrivent tant de nos­talgiques et de plumitifs d'extrême­droite, une charge pour l'économie française, lui rapporte beaucoup d'ar­gent.

Encore ces profits directs ne sont­ils pas les seuls que tire l'économie française de la main-d'œuvre immi­grée. Dans une excellente intervention prononcée à un récent colloque sur la migration algérienne en France (3), l'économiste Yves Chaigneau énumère quelques sources de profits complé­mentaires aux profits directs; ce qu'il dit de la main-d'œuvre algérienne peut être extrapolé à l'ensemble de la main-d'œuvre immigrée:

« Cette . main-d'œuvre, outre qu'elle est disponible, est très motJile entre régions, secteurs, entreprises. Une telle mobili(é est recherchée dans toute économie, mais les pays déve-

loppés paient fort cher la mobilité de leur propre population active tandis que la main-d'œuvre algérienne (et immigrée en général • N.D.L.R.) se déplace sans pratiquement aucune aide ... »

... « Du point de vue de la structure de l'emploi, la main-d'œuvre algérien­ne vient, pour partie, tenir des postes de travail dont ne veut plus la main­d'œuvre française. Il s'agit soit de postes de travail dangereux, soit de postes considérés comme rebutants ... L'économie française fait ainsi soit l'économie d'investissements qui de­vraient suppléer à l'absence de main­d'œuvre, soit celle de hausses de salaires qui seraient nécessaires pour y cOflserver la main-d'œuvre françai­se » ...

.t'ar ailleurs, « les familles restées en Algérie (et dans les autres pays d'émigration N.D.L.R.) ne créent à l'économie française aucune charge en matière d'équipements collectifs : éco­les, routes, .hôpitaux, infrastructures administratives... enfin, le recours à des travailleurs immigrants adultes permet d'économiser complètement les coûts de subsistance, d'éducation et de formation jusqu'à l'entrée en production (4) ».

Travail égal, salaire inégal

Yves Chaigneau souligne enfin un rôle indirect que l'on peut encore généraliser à l'ensem9le de la main­d'œuvre immigrée :

« Le mode d'utilisation des revenus acquis par les Algériens leur · fait jouer un rôle déflationniste complémen­taire.- en effet les revenus transférés en Algérie, parce qu'ils mettent un certain . temps avant de revenir dans l'économie française et y provoquer une demande, introduisent un déca­lage bénéfique entre la période de production et celle de consomma­tion. »

Et il conclut: « Pour être marginales, toutes ces

influences n'en aident pas moins l'éco­nomie française et dans sa croissance, et dans sa compétition avec les autres économies développées.- car c'est gé­néralement sur les marges que se jouent en cette matière les batailles ».

Il faut, ajouter là ces .remarques un c bénéfice » supplémentaire, qui re­lève d'une surexploitation inadmissible dont sont victimes les travailleurs émigrés, à qui l'on refuse d 'appliquer le principe « à travail égal salaire égal » . Dans la plupart des professions du bâtiment, un Portugais et un Algé­J,"ien reçoivent 20 % de moins que leurs homologues français. Les pres­tations sociales varient également souvent; en décembre 1965, un père

/

CE QUE DISENT LES SYNDICATS LA C.F.D.T.

L'absence de politique d'immigration, le laisser-faire de notre gouverne­ment, ouvrent la porte à d'odieuses injustices. Puisqu'ils sont nos frères de vie et de travail, syndicalistes, nous devons agir pour leur donner plus de sécurité et de .justice... L'action passe d'abord par une prise de conscience collective.

(. Syndicalisme -, mars 1966.)

LA C.G.T.-F.O.

La masse des travailleurs immigrés tient une place essentielle dans le développement de notre économie. A tous égards, ils ont le droit de prétendre "à l'égalité de traitement avec les travailleurs nationaux ... Pour sa part, .la Confédération Force-Ouvrière s'emploie à secourir les travailleurs immigrés avec la détermination qui a toujours présidé à son action en faveur des tra­vailleurs étrangers.

LA C.G.T.

Roger Louet, secrétaire confédéral. (Immigré mon ami, plaquette éditée par le CRIJEF . Comité pour les relations Internationales des mouvements de jeunesse et d'éducation français)

Les conventions collectives doivent assurer aux travailleurs immigrés l'égalité" des droits ... Constituer le front uni de la classe ouvrière, souder les unes aux autres les différentes catégories de travailleurs, y intégrer solidement les immigrés (1 ouvrier sur 4 est un immigré) constituent les garanties les plus efficaces contre l 'ennemi commun ...

(Résolution de la Commission administrative de la C.G.T., janvier 1966.)

de trois enfants, touchait, s'il était Français, 180,55 francs; s'il était ita­lien ou Espagnol 117 francs, 72 francs s'il était Algérien, et 51,51 francs s'il était Portugais. Ces différences sont d'autant plus injustifiables que les cotisations versées., elles, sont les mêmes pour tous.

l'Ouarsenis, toutes les regIOns de l'Al­gérie pauvres, surpeuplées, et ravagées par sept années de guerre, vivent par

,exemple presque exclusivement des milliards de francs qu'y envoient cha­que année les chefs de famille venus en France. Aussi bien s'agit-il de poser le problème de l'immigration au Ili­veau où il doit se situer : un contrat d'Etat à Etat, au mieux des intérêts de chacun. Et .sans onblier qu'un loge­ment décent, un peu plus de sécurité dans le travail, et la parité des salai­res avec leurs camarades français n'ab­sorbera qu'une petite partie des richesses que produisent chaque jour les travailleurs immigrés qui travail­lent pour nous.

Il est bien certain par ailleurs que les pays d'émigration - Algérie, Afri­que noire, péninsule ibérique, etc, -trouveIlt aussi leur compte dans ces mouvements, migratoires. La Kabylie,

POUR EN SAVOIR DAVANTAGE Georges CHATAIN.

• ESPRIT -, avril 1966. Numéro spéCial sur "émigration.

SEMINAIRE NATIONAL SUR L'EMIGRATION. Allocutions et rapports de la session tenue à Alger du 8 au 13 août 1966. (Edité par la Direction des Algé­riens en Europe - 3, rue Joseph Sans bœuf - Paris-9·) .

LEITRE (Bimestriel des Communautés 'de la Mission de France). Numéro du 15 août 1966: • Les étrangers en France. (Préfecture de Pontigny - " Yonne - 89).

HOMMES ET MIGRATIONS. Revue de presse et documentation de l'E.S.N.A. (Etudes Sociales Nord-Africaines) - 6, rue Barye - Paris-17'.

COLLOQUE SUR L'EMIGRATION. Comptes rendus des travaux organisés par l'Association France-Algérie, du' 13 au 15 octobre 1966. 235, boulevard Saint­Germain - Paris-7'.

DROIT ET LIBERTE· No 260 . MARS 1967

(1) Le Rassemblement Européen de la Liberté, du , chef. Dominique Venner (voir Droit et Liberté No 259. février 1967) .

(2) L'évaluation se fa it en calculant quelle plus· value produit le travail d'un salarié dans tell'! profession. et en additionnant les chiffres obtenus selon la répartition professionnelle de la main·d·œuvre Immigrée. Cette méthode , pré· cise lorsqu ' II s 'ag it de travailleurs manuels. l'est moins lorsqu ' II s 'agit de salariés du secteur tertiaire, c·est·à·dire d'employés, de cadres et de techniciens . Mais la quasi totalité des Immigrés sont des travailleurs manuels ...

(3) Le colloque sur la migration algérlen~e en France s'est déroulé les 13, 14 et 15 octobre 1966 au Centre des Conférences Internationales à Paris. .

(4) Jusqu 'à 20 ans , en moyenne. un individu con· somme plus qu ' ll ne produit.

25

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TROIS HOM·MES

ET UN ENFANT

(Interviews recueillis par Marguerite Kagan)

Le petit Alain Cohen, Michel Simon et Claude Berri , .Charles Denner et Zoritza pendant le tournage de « Le vieil homme et l'enfant -(reportage photographi­que Elie Kagan)

L'occupation en France: les Langman quittent Paris et vo nt se réfugier à la campagne_ Mals . leur fils CI'amfe. W1 enfant de huit ans et demie, accumule les étourderies de son âge, « des peccadilles qui peuvent conduire au four crématoire a_._ Ils décident alors de confier Claude aux parents d'une de leurs amies, un couple de retraités, qui vivent près de Grenoble.

L'homme, « Pépé ", est un ancien combattant de 14-18, pétainiste intoxiqué par la propagande de Vichy qui cristallise en lui tous les préjugés de l'époque et particulièrement l'antisémitisme. Or cet enfant dont il ne sait pas qu'il est juif fait naître en lui une merveilleuse tendresse, un amour que jusque-là il ne dispensait qu'à son chien. Le petit Claude devient le complice et le, confident de ft Pépé ", et profitant de la situation le fait parler avec un malin plaisir de son sujet favori: les juifs. Et c'est la Simple logique du raisonnement d'un enfant qui démantèlera l'argumentation de « Pépé " constituée de tous les stéréotypes de l'imagerie antisémite.

Une réalisation sobre j't intelligente, un-dialogue nuancé, plein d'humour et de finesse, remarquablement servi par les interprètes Michel Simon, le petit Alain Cohen" Charles Dennér, l'actrice yougoslave Zoritza, Luce Fabiole, Roger Carrel et Sylvine Delacroix font du film de Claude Berri « Le vieil homme et l'enfant -, une œuvre marquante dans la lutte contre l 'antisémitisme.

Michel Simon : « J'ai participé à ce film parce que j'ai vu ce que les juifs ont subi ». . .

V DUS traversez le village, et à la sortie vous tombez, sur une petite place: la première rue à

droite, c'est la rue de la Malnoue ... un nom qui sonne mal », ironise gen­timent Michel Simon au téléphone.

Si le «village» qu'il habite res.­semble à n'importe quelle grande banlieue de Paris, la rue, elle, a con­servé le calme de la campagne. t

Un haut mur protecteur, un grand jardin fou, une pièce accueillante et luisante qui débouche sur une immen­S8 volière vitrée, un pas lourd qui ébranle l'étage supérieur ... Crinière en bataille, massif, Michel Simon est là, légendaire figure de Jean. de la Lune, de La Chienne, 'de Boudu sauvé des eaux ... , . de l'Atalante. ' La convers(j.tion s'engage, souriante,

rebondissante au gré de la mémoire . prodigieuse :de ' notre hôte.

DROIT ET LI BERTE - No 260 - MARS 1967

- C'est Gambetta qui avait fait construire la maison que j'habite. Celle d'à-côté appartenait au peintre Poilpot, célèbre par un 'tableau révo­lutionnaire «Panorama de la guerre de 1870» où il y avait très peu de drapeaux mais surtout des cadavres, des hommes agonisants qui perdaient

. leurs entrailles. Cela avait beaucoup choqué. En face, demeurait Alfred Jarry chez qui Alphonse Allais venait passer ses vacances. Georges Courte­line l'auteur de ce chef-d'œuvre' pro­phétique qu'était « Messieurs les Ronds.-de-Cuir » vivait dans la maison voisine ... Voilà! Dans la journée, je vis .parmi des ombres qui me sont chères,

. parmi ces fantômes. Le soir, au théâtre (Michel Simon joue dans la pièce de René de Obaldia: «Du vent dans les branches de Sassafras »J, je prends contact avec des amis authen-

tiques et désintéressés : ils paient pour venir me voir » ...

Soudain retentit un tonitruant éclat de rire: c'est Lolita, la mainate des Indes qui intervient dans le fécit.

- Ils sont merveilleux ces oiseaux, s'exclame Michel Simon. Figurez-vouS' qu'en 194() j'avais été dénoncé comme juif. Ma maison était occupée par un officier nazi et son ordonnance.: Co­cotte, une pl!rroquette que j'ai gardée vingt-six ans connaissait la Marseil­laise - elle l'a d'ailleurs apprise à Coco, l'autre imbécile qui est là-bas, qui lui-même l'a transmis à Lolita. Donc Cocotte, avec un à-propos non dénué de malice, attendait que l'of­ficier se mette à table pour entonner La Marseillaise, et ce trois fois par jour. L'Allemand était blanc de colère: c'était le parfait type du crétin qui a empoisonné le monde entier.

- Pourquoi avez-vous été dénoncé? - Peut-être à cause de mon nom?

Peut-être que je suis juif moi aussi. . De toute façon je suis juif de re­ligion puisque je suis chrétien. Mon

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-+ portrait figurait dans le même format à côté de celui de Léon Blum à l'ex­position Berlitz: «Le Juif et la Fran­ce ». l'étais flatté car j'avais pour Blum une grande admiration. l'ai dû faire établir quantité de papiers prou­van.t que j'étais .issu de quatre géné­rattons de parfaIts catholiques.

Dans une autre brochure, je n'étais plus juif mais communiste. l'étais «responsable du désastre de la Fran­ce », ma photo voisinait avec celle de Maurice Thorez que j'admirais beau­coup aussi.

A la Libération, je pensais pouvoir enfin travailler. Pendant quatre ans ~~ n'~vais rien fait. Mais pas du tout; J étaIs un «collabo» cette fois . Je n'avais rien, mais rien à me reprocher. Pourquoi ces calomnies? Elles éma­naient de petits comédiens, de petits acteurs sans emploi. C'était et c'est encore le Père Ubu qui règne sur le monde. Vous savez, les hommes c'est très bien mais il faut en user à dose homéopathique... '

Michel Simon se tait médite un court instant. '

- Je crois que les vrais philoso­,phes, ce sont les humoristes.

C'est pourquoi le ,film de Claude Berri me plaît: il est plein d'humour rose et noir, mais c'est de l'humo .. /

J'ai été séduit par l'idée de départ C'est une histoire ,authentique, en de: hors de toute lltterature, qu'il voulait ' porter à l'écran, une histoire vécue donc ~ien ~upérieure à. tout ce qU'O~ pe"!t Imagtn~r. Et pUIS c'était très dro.le ce p,etlt. enfa.nt juif qui en ridi­culIsant l antIsémitisme forcené du «Pépé» s'acquiert, son amitié, sa ten­dresse, son amour.

l'ai aussi fait. ce film parce que j'ai . vu ce que les juifs ont subi. En 1938

je me trouvais à Berlin: c'était im: monde ce qui se passait.

- Pensez-vous que l'image du com­battant 14-18 que vous incarnez cor-responde à la réalité? '

- Ce combattant-là c'est celui que C!aude Berri a connu, qu'il révèle. Ce ,n est pas une synthèse de toutes les images possibles. l'en ai connu qui lui ressemblaient. Les «combattants » q~i n'?nt j~mais vu un Allemand, qui

'n ont JamaIs été blessés, qui ont passé leur temps à l'arrière. Les planqués en q'autre.s te~mes! Ce sont les plus terrtbles, Ils n admettent rien

A1ais si on veut faire un film qui plalt. à tout le monde, il faut être 1!lédlOcre. Les gens n'aiment pas les Idées. Elles les empêchent de digérer, su~tout la . race ruminante qui aime qu on la laIsse brouter à son aise son toin de tous les jours. On lui apporte qu.elques ~delweiss pour , égayer ce fom, elle n en veut pas.

- Et l'enfant? - Il est merveilleux. Il m 'a remonté

I~ mor~l" souvent il m'a encouragé. ~ en SUIS a n:on 141< film . Quelquefois, Je perds patIence.

Mais. je bavarde, je bavarde... Ah! très. b/~n, vous faites un gala, je vien­draI : Il me plaIrait assez d'être 'lapidé à cause de ce film.

21

Claude Berri : «C'est au spectateur seul

qu'il appartient de tirer la leçon»

Com~dien de prof~ssion, le jeune réalisateur Claude Berri, qui obtint el?- .1963 a HolJy~ood, IOscar du ~ourt métrage pour Le poulet, a conçu Le VIeIl hOl11;me et l enfant, son premIer long métrage dont il a écrit le scénario et les . d~alogues, co~me une « comédie de mœurs» traitée sur le mode hUmOrIstIque.

J E suis parti d'une histoire qui n~us c0,ncerne tous, et cette his­tOIre, c est la mienne. En 1944

pendant six mois j'ai été caché sou~ un faux nom à la campagne chez des ~e~s qui. ~o~taitint Henriot, qui etaIent antlsemltes comme un certain n?mbr.e de Français à l'époque, ni plus nI moms ...

Je n'ai pas voulu faire un film à thèse, ni apporter un message. J'atta­que la bêtise, la «connerie », mais je ne donne pas de leçon. C'est au spec­tateur seul qu'il appartient de tirer la leçon.

Une comédie de mœurs, voilà com­ment je définirais mon film; peinture de. I~ Fr~nce sous l'occupation, des­CrIptIOn d un personnage: « Pépé» est e!, blo.c a~tisémite, pétainiste, végéta­rIen (d élIme trop les animaux pour les manger), anticlérical et ancien combattant de 14-18. Cette dernière ' caraCtéristique est très importante. Pour être vrai, mon personnage doit ayoir fait 14-18, beaucoUip de ces au­c~ens combattants étant devenus pétai­~Istes entre 40 et 44 par fidélité à une Image. De toute façon, mon propos n'était pas de décrire, à travers « Pé­pé» tous les anciens de 14-18, parmi lesquels il y a eu fort heureusement d~s. opposants à Vichy, des juifs, des reslstants, etc.

Un caractère universel

D'autre part, je tiens à préciser que je !l'ai pas fait un fi:Im sur les juifs, malS sur un antisémite, c'est sans doute la première fois qu'une telle description est portée à l'écran.

S'il y a un caractère véritablement universel dans le film, c'est celui qui­eS,t interprét!! par Michel Simon, « Pé­pe », cet homme pas méchant, mais qui doit être condamné.

Victime de ses préjugés, jeté par des événements qui le dépassent, dans le plus grand désarroi, il met tout le monde dans le même panier : à part son chien qui vient de mourir, à part l'enfant qui va partir, à part la France,

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qu'il juge trahie, il n 'aime personne. Et dans mon esprit, il doit ignorer

jusqu'au bout que l'enfant auquel il s'est attaché est juif. Je ne voulais absolument pas lui donner l'occasion de ~e. racheter"n;tême si une question maJb~It;use. de 1 enfant, lorsqu'arrive la LiberatlOn, fait r~ondre à Michel Simon: « T'en fais pas, ils (les juifs) ne sont pas pires que les autres." En fa~t cette réplique me fut imposée par MIchel Simon qui craignait d 'être comp~ètemen~ assimilé à un person­nage IrrémédIablement antisémite.

cc J'ai eu beaucoup de chance, »

Je me demande, si je n'avais eu la chance de trouver le petit Alain Cohen dan~ quelle mes';ITe j'aurais pu mene; à bIen mes projets. Il me fallait un enfant à . la fois. ~aiet triste, grave et enfantm, malICIeux; tendre intelli­gen1. J'ai eu la chance extrao'rdinaire de trouver cet enfànt. J'en avais vu une centaine lorsque je l'ai rencontré ~ ,un cours religieux. Il est très pra: tIquant. Ses parents je crois, sont nés à Tanger; sa mère est juive espagnole et ' son . père, qui est architecte, juif marocam.

Ses parents lui ont raconté la guerre. Sa mère l'a même un peu traumatisé par le récit de ,la déportation des grands.parents. Il a neuf ans aujour­d'hui; on peut dire pourtant qu'il a vécu la guerre, expérience des siens sur laquelle se greffe l'imagination enfantine. .

On peut lui parler d'Hitler : «Hitler. je connais li) répondra-t-il. C'était for­midable pour moi, je n'avais pas à lui expliquer l'époque. Il avait compris que l'enfan~ ~u fil~ c'était lui; et que comme mm, Il fallaIt s 'en amuser. Dès l'instant où il assumait cette situation qui s'intégrait dans un univers qu'iÎ connaissait bien, le petit Alain avait maitrisé son rôle.

II est servi par des dons exception­nels: c'est ' un grand acteur. Je le répète, j'ai eu beaucoup de chance avec lui.

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Charles Denner : • « J'ai connu

cette histoire aussI

». L'acteur Charles Denner Joue 1.

raie difficile du père du petit Claude ; Il réussit i faire vivre, avec l'actrice yougoslave Zorltza, le calvaire de pa­rents partagé. entre la peur des rafles et le désir de faire vivre leur enfant.

J 'AI lu le scénario : il m'a plu d'emblée. L'histoire me rappelait presque mon enfance. Ce que j'ai

pu faire «marronner" mon père. J'étais plus âgé bien sûr que le go~se du film : j'avais 14 ans à la déclaratIOn de la guerre.

Le film de Claude Berri repose sur la réalité, la réalité commune à la plupart des juifs émigrés de fraîche date. C'est le cas de ma famille: mon père, arrivé en France en 1930, était tailleur à domicile. II devait assurer la survie de ses quatre enfants et n'a pas pu rejoindre le maquis. Nous y som­mes allés pour lui, mon frère aîné et moi (1).

De toute façon, les juifs ont résisté autant que les autres. Mais il n'y a pas de raison d'en faire des héros. Pas plus que des lâches. ., .

C'est pendant la guerre que j al découvert le théâtre. Nous savions qu'un. juif se cachait dans la maison où , nous étions ' réfugiés. C'était un homme doté d'une certaine culture, à qui j'ai confié mon désir de devenir comédien. Il m'a fait acheter Le Mi­santhrope et, le soir, à voix éto~fée _ nous ne devions pas nous connaltre _ je lui en récitais des passages. J'ai d'ailleurs emporté cette brochure au maquis. En 1945, je suis e!ltr~ à l'~cole Charles Dullin sans aVOIr JamaIS vu une pièce de théâtre. C'est . seul~m7nt trois semaines après mon mscrIpt~on que j'ai assisté à une repré~ntatIOn dù Roi Lear, Tout en/ .tI1i'vaIllant j'étais tailleur, puis maroquinier -j'ai fait mes premières armes avec une troupe juive d'expression française Les compagnons de l'Arche.

Par tempérament, par ,goût, par chance j'ai joué par la suite des rôles dontlç contenu correspondait à ce que je pense sur la vie. Le personnage que j'incarne dans Le ' vieil homme et l'enfant m'a posé quelques problè~es. J'avais peur de le rendre trop nOIr: cet homme qui se livre à des colères imbéciles pour punir dès 'peccadilles ... des peccadilles qui pouvaIent. envoyer au four' crématOIre. Il y avaIt là une disproportion nécessaire mais ~élica~e à exprimer. De tou~e. ~açon, j7 SUIS heureux d'avoir partlclpe à ce film. I.I m'a intéressé et je souhaite ardem­ment qu'il , amène le public à réflé­chir. »

(1) .ch. Denner a rejoint le maquis du Vercors en février 1944; il a été décoré

, de la Croix de guerre.

DI1ÙIT ET LIBERTE - No 260 • MARS 1967'

Le jeune Dean Stockwell et Pat O'Brien dans • Le garçon aux cheveux verts - . Une fable dont la morale est sans ambiguïté

LA PARABOLE DE L'ENFANT TONDU

« Le garçon aux cheveux verts» de Joseph Losey.

LE cinéma contemporain semble atteint d'une curieuse maladie: celle de l'exégèse. Combien de

films suscitent des pages et des pages de commentaires, qui expliquent ce qu'apparemment les films sont impuis­sants à exposer? Dans combien de vaudevilles insignifiants ne nous a-t-oll pas conviés à admirer l'implacable dé­nonciation de la décrépitude bour­geoise, du racisme ou l' « aliénation de l'individu réifié »?

Un film vient de sortir à Paris, dont les premières images suffisent à mon­trer l'inanité de cette pseudo-critique : ~ Le garçon aux cheveux verts, qui fut, en 1948, le premier long métrage de Jo­seph Losey: une sorte de parabol~ réalisée pendant ce peu de temps qUI sépara la fin de l'hécatombe de 1939-1945 du début de ,la guerre froide, un avertissement pathétique, contre la haine raciale, la violence, la guerre et les préjugés qui l'alimentent. L'avertis. sement était si clair que les sbires de MacCarthy ne ratèrent pas l'occasion: Losey n'eut que le temps de s'exiler en Europe, où pendant près de dix ans, il allait servir de grouillot au cinéma anglais avant qu'on lui redonne enfin )a possibilité de tourner.

Le souffre-douleur -de la ville

L'argument est surprenant, presque féérique. La police arrête un enfant au. ' crâne rasé, qui re)ite obsti~émc:nt sourd aux questions qu'on lUI pose. Un psychologue, appelé à la rescousse, parvient enfin à l'amadouer. L'enfan~ va raconter son 'histoire, el} un long retoùr en arrière, L'effet de surprise ménagé par ce début est nécess~ire pour tenir le sp~ctateur en haleI!le,) l'intéresser à la mIse en scène des elé­ments du drame.

L'enfant est fils adoptif d'un vieil acteur raté, et pourtant débonnaire; il croyait ses parents en voyage, et voici qu'il apprend, lors d'une fête de charité organisée à l'école en faveur des orphelins de guerre, qu'il est lui­même un de ces orphelins. C'est un des moments forts du film que cet instant de révélation où, suffocant de désespoir stupéfait, il lacère une de ces affiches que l'on voyait tant à l'époque (et que l'on recommence à voir à propos du Vietnam), sur la­quelle un enfant déguenillé promène un regard fixe dans un paysage de ruines. Cette première révélation le singularise déjà. Et puis un beau ma­tin le voilà qui se réveille avec les ch~veux verts. C'est la panique dans la ville. Doit-on incriminer l'eau? Le lait peut-être? En attendant, le gar­ço-d, coupable de n'~tre pas comme tout le monde, ' deVIent le souffre­douleur de la ville.

En larmes, H se réfugie dans la fo­rêt voisine. Et soudain, voici que les orphelins hâves et mutilés des affiches de l'école apparaissent entre les ar­bres, s 'approchent de .lui et lui par­lent : il n'a pas à aVOIr honte de sa chevelure, bien au contraire ; puis­qu'elle le singularise, et que sa cou­leur est, après tout, celle de l'esp~­rance, qu'il soit leur porte-parole! C)u'Il témoigne hautement pour ces mIllIons de victimes!

Du coup, en ville, la gêne se change en fureur. On tolérait cette chevelure étrange tant qu'~ en avait ponte I~~­même; mais qu'Il la revendlql;le, qu Il , la porte fièrement, cel,a dAevlen~ u~ scandale. La fonIe se dechame : Il lUI faut cette chevelure.

Comme à' Nuremberg

L'enfant est donc tondu en public. La scène est d'une rare puissance: les mèches tombent, une à une, sous les regards de la foule qui s'est mas~ée

a.+ -~

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da,:s ,la boutique du coiffeur; ceux gUI n ont pas pu ~n~rer ont le visage ecrasé contre la vltrme, pour ne rien perdre du spectacle. La parabole ne trompe personne: c 'est bien d 'une exéc1;l,tion gu'il s'agit. Et lorsque la dermere meche est tombée la honte brutalement déferle sur l:assistance' ~ersonne n'ose regarder, ni le crân~ hsse du gosse, ni même le voisin complice; le coiffeur, qui a été l'exé­cutant, sent cette honte comme une menace. «L'idée n'était pas de moi! » pr.oteste-t-il, comme protestèrent avant lUl les bourreaux nazis à Nuremberg. Il empoche quand même le billet qu'on lui tend pour prix de sa beso­gne.

Losey, on le voit, n'y va pas avec le dos de la cuiller. Il n 'a rien à faire de l' « ambiguïté », de la « compleXité du réel » , qui servent si souvent d 'ali­bis aux créateurs timorés .

Rien pourtant de simpliste ni de propagandi3te, dans Le garç~n aux chev~ux ver.ts. Ç>n en a dit que c'était un film antiraciste et c 'est vrai ; mais JI s 'en prend aussi à la bê tise à la résignation, à la lâcheté moraÎe qui accep ten t . et légi timen t l' exploi ta- ' tJ~n, le faSCIsme, la barbarie, la guerre. L u~e des leçons du film, c'est que le racisme n 'est que l'une des dix têtes de la « bête immonde » dont parlait Brecht , et que cette tête repousse sans cesse, tant que les autres n'o nt pas aussi é té tranchées.

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LE

André et Simone Schwarz-Bart

AL - Pour commencer il faut se référer, je pense, au De~ier des Justes. De notre point de vue, cette succession de vos deux livres, le premier consacré à la condition des juifs, le seCOnd à celle des noirs, revêt un grand intérêt. Pour ma part, elle ne m'étonne pas telle­ment: dans Le Dernier des Justes vous avez traité votre sujet san~ esprit particulariste, non seulement en tant que juif, mais en tant qu'an· tiraciste et en tant qu'homme. De ce fait, votre second roman m'ap­paraît comme une suite logique au premier. Je voudrais savoir dans quelle mesure vous considérez vous­même qu'il y a une filiation de l'un à l'autre ...

~. Schwarz-Bart. - Le présent tra­vail a commencé en 1955, c 'est-à-dire quatre ans avant la fin du Dernier des ' Juste~; pratiquement, les deux livres ont vecu ensemble avant même que Le D.ernier des Justes soit terminé. Vous dites que Le Dernier des Justes n'a pas été . écrit .seulement en tant que juif mais aussI en tant qu'antiraciste et en tant ~u:homme: pour moi, il n'y a pas de dlfference entre ces trois termes.

Il y a une identité absolue entre le fait d'être juif et d'être homme. C'est une seule et même chose, et il n'y a pas un. cheveu qui puisse s'introduire entre ces notions. C'est ma manière à moi d'être homme que d'être juif, de même que ~haque peuple, chaque groupe humam a sa manière d'être h?mme. Ce qui n 'exclut pas, pour eux, d etre parfaitement ouverts sur le monde.

J'~jou~.erai que, dans l'esprit même du Judals~e ~t de la ~ondition juive telle que.Je 1 entends, II y a un élan vers la Justice, d'ailleurs inscrit en to~tes lettres dans la Tradition et qui fait q~:uI?- j~if ne peut pas r~mener t~ute 1 mJu~tl\::e du monde à celle qui 1 affecte, lUl ; 11 y a un sentiment très naturel ~e .la solidarité qui relie tou­tes les victimes possibks du racisme le . sentiment que le racisme est soli: dalre, dans to~tes ses parties, et par consequent, qu on ne peut s'y opposer q~'e.n ,ayant la conscience de cette reahte.

Si, par exemple, devant un noir on parle mal d'un juif, il faut que cet homme sac;he que c'est de lui qu'on .parle; et mversement si, devant un JUlf, quelque chose de désagréable est

dit vi~-à-vis ~e. tel ou tel autre groupe humam, le JUlf doit savoir que c 'est aussi de lui qu'on parle.

A.L. - C'est bien notre point de vue. Mais le fait que vous ayiez épousé une Antillaise n'a-t-il pas joué un rôle dans l'orientation vers votre second livre?

André Schwarz-Bart. - Vous savez ~n se marie généralement dans le mi: he.u q~e l'o~ . c~mnaît, t;t je connais­saiS, J appre~I~ls dep1;lls très long­temps les mlheux antillais de Paris.

. D~~s les premières minutes de la pre­mlere rencontre que j'ai eue avec ma femme, j'ai pu lui parler en créole: c:es~ .vous dire que j 'étais déjà fami­hanse avec. ce,t ~nivers et que, par co~séquent, Il etait aussi naturel pour mOl d 'épouser une Antillaise que d'épouser une juive, par exemple.

Sur le plan du travail c'est autre chose. J'ai épousé une fe~me et non pas ~n écr~va~n, ou du moins je le croyais; pUlS, Il s'est trouvé que cette feI?me s 'e~t révélée, un jour, un écri­vam. Et bien, tant mieux!

A.L. - Certains critiques ont es­timé que Le Dernier des Justes ne montrait pas suffisamment la ré­sistance des juifs au nazisme. Pour ma part, je pense que cette œuvre au contraire, est source de résis: tance, de lutte, et qu'elle est, par conséquent, fort utile à notre com­bat. Même, et surtout, lorsque vous faites apparaître la résignation -je dirais plutôt l'inconscience - de certains personnages, liée sans dou­te à leur attitude religieuse votre livre exprime et engendre la ~volte contre les persécutions de tous les temps: c'est ainsi, du moins que je le ressens ... Cette interprétation est· elle valable?

André Schwarz-Bart. - A partir du mOfI!ent ?ù un livre est publié, il ap­partient a tout le monde, sauf à l'au· teur. ~'au~eur a, moins que personne, le drOIt d en,yarler. Mais, enfin, puis­que vous m mterrogez à ce sujet je parlerai quand même. '

Il Y. a un certain monde qui vivait à partir de notions religieuses. Si on devait, au. n?m de ~elle croyance ou telle conVictIOn, operer un tri dans l'esprit humain, si, par exemple du fai.t que . l 'on n'est pas croyant, ori. de­vait temr pour rien toutes les créa­tions de l'homme qui se sont faites

MYSTERE DE LA DIASPORA NOIRE

Huit ans après Le Dernier des Justes, qUi lui valut le Prix Goncourt. André Schwarz-Sart -commence la publication d'un cycle romanesque, La Mulâtresse Solitude, écrit en collaboration avec sa femme, et qui comptera sept volumes . C'est le premier d'entre eux , Un plat de porc aux bananes vertes, qui vient de paraître aux Editions du Seuil. Notre rédacteur en chef, Albert Lévy, s'est entre­tenu de cette œuvre avec André et Simone Schwarz-Bart lors du bref séjour qu 'ils ont fait récem· ment à Paris.

au nom de la religion, eh bien je pense qu'on exclurait les neuf-dizièmes des beautés et des valeurs que l'homme a créées. Il s'agit de considérer l'his­toire dans son ensemble et d 'admettre, de comprendre qu'à travers des signes, à travers des mots qui peut-être au­jourd'hui ont perdu une grande part de leurs sens, pour nous , l'homme a créé de grandes valeurs qui nous par­lent encore,

Quant à 1,\ « résignation », ou ce qu'on appelle parfois « passivité. /) des victimes, il faut vraiment, avant d'en parler, comprendre combien le méca­nisme nazi était écrasant; et pour prendre simplement l'exemple des camps, nous savons que la m achine concentrationnaire, ce qu'on a appelé les « moulins d'Auschwitz », broyait tout ce qui venait sous leurs dents, qu'il s'agisse de révolutionnaires non· juifs, de dsistants , d'hommes mûrs et forts, ou tout simplement de familles entières plus désarmées. Là où l'élite de l'Europe a été, comme ont dit faus­sement, « passive », quel repro he peut-on faire à des masses prises in­distinc '.ement et qui n'ont même pas su ce qui leur arrivait, qui comptaient des enfants et des vieillards en grand nomrre ? Pour ceux-là, vraiment, moirs que pour quiconque, le terme de passivité ne convient .

A.L. - Je vous remercie de cette précision; elle éclaire certaines pri· ses de position actuelles qui tendent à accabler les victimes en insistant sur cette prétendue « passivité ».

Le Dernier des Justes , par contre, a joué dans ce domaine un rôle qui n'est pas celui d'un simple roman. Il est , devenu un classique en quel· que sorte. .

Votre nouveau livre est-il ap­pelé à jouer un rôle semblable en ce qui concerne la condition noire?

Andr,é Schwarz·Bart. - Je n'ai pas conçu Le Dernier des Justes comme un livre fondamental sur quelque ques­tion que ce soit. Je me suis comporté comme tout écrivain. J'ai essayé sim· plement d'exprimer quelque chose, sans songer à l'usage qu'on ferait par la suite de ce travail, usage dont je suis très heureux, bien sûr, mais, avant tout, il ne s'agit pas de cela .. . Il s 'agit, tout d'abord, de s 'exprimer; il s'agit également, dans les limites qui sont celles du talent, de vos moyens, de

[, [,OIT ET LIBERTE - N° 260 - MARS 1967

servir - il n'y a pas d'autre mot - de servir les êtres dont on parle.

C'est une grande responsabilité que d 'évoquer des minorités. Car dans ce monde, où tout le monde n'est pas bien intentionné, dans ce monde où vi­vent beaucoup d 'anormaux, c'est-à-

\ )

1 J

« Sur la première page de ce cahier, je dessinai avec appli­cation ma silhouette aVf c filet de nuit et simili-lunettes. »

(Illustration du livre d'A. Schwarz-Bart)

dire des racistes, il faut peser mûre­ment ce que l'on écrit afin de ne pas aboutir au 'résultat inverse de celui que l'on cherche.

Cela signifie un certain engagement. Le monde dans lequel nous vivons est partagé, il est en lutte. Bien sûr un livre n'est pas grand chose en soi, et les hvres n'agissent pas tout à fait par leurs propres forces; mais malgré tout, dans la mesure où un livre s'ins­crit dans un courant collectif d'une époque, dans la mesure où il vient ap­porter sa goutte d'eau à ce courant il peut servir dans cette mesure-là:

A.L. - Cet engagement dont vous parlez n'est pas en co~radiction, avec l'objectivité.

André Schwarz-Bart. - Il se trouve que la vérité humaine n 'est pas du côté du racisme.

A.L. - Il est bon de le souligner. Avez-vous travaillé pour la prépara­tion de votre nouveau livre de la même façon que pour le précédent?

André Schwarz-Bart. - C'est tout de même assez différent parce que, d'une certaine manière, dans Le Der­nier des Justes, tout se passait corn· me si je parlais de moi. Cela a appelé une grande spontanéité. Cette fois-ci, des difficultés d'un autre autre sont intervenues. Sans doute, lorsqu'on par. le de soi on parle de tous les hommes et lorsqu'on parle de quiconque 'on parle aussi de soi. Mais il y a, dans le second cas, une attitude plus ré­flexive, un plus grand scrupule; un plus grand respect encore est néces­~aire . La seule spontanéité ne suffit pas; 11 faut une grande conscience de la difficulté, de la responsabilité à l'égard d'autrui . Mais c'est là au fond la mê· me chose. Chacun de nous est autrui, autrui est chacun de nous.

A.L. - Je suppose que pour écrire votre nouveau livre·, votr e femme, qui l'a signé avec vous, ,ous a aidé à vous placer vis-à·vis de '; noirs dans une situation comparabl ~ à celle où vous vous trouviez par ('apport aux juifs?

André Schwarz· Bart. - Bien enten· du . La chose eût été impossible sans elle. J'avais décidé, à un certain mo· ment, de renoncer à ce travail. Ce li­vre n 'a été écrit que p? rce qu'elle est alors intervenue.

A.L. - Je voudrais vous poser une dernière question. Le résumé qui se trouve sur la couverture de ce livre parle de ( la mystérieuse Geste noire '". Cette expression cor­respond-elle à votre point de vue? Il me semble que ce mot n'e$t pas opportun, vous c\Jncernant.

André Schwarz-B'lrt. - Cela veut simplement dire ql.e devant cet événe· ment prodigieux e l complexe -qu'a été la diaspora des Africains dans le monde, les gens, y compris les noirs eux-mêmes, se trouvent comme devant un énorme mystère. La complexité est telle qu'il est difficile, sauf pour les spécialistes, de saisir tous les aspects, toutes le~ contradictions que cela a entraîné. Ce n'est pas un mystère, di­sons, absolu et définitif. Comme tous les mystères, il relève de l'effort de l'esprit humain pour l'élucider. C'est un mystère fait pour être éclairé; et, _précisément, nous aimerions, ma fem­me et moi, au terme de l'ouvrage, -qu'il y ait moins de mystère à ce sujet.

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les livres

Les Etats-Unis de Monroe à Johnson

"Les Etats-Unis semblent avoir été déslinés par la Providence pour ac­cabler l'Amérique de misère au nom de la IIberté_ JO Le mot n'est pas de Fidel Castro, mais de Simon Bolivar, le libérateur de l'Amérique latine, au début du siècle dernier.

Dans un livre qui vient de paraître aux Editions Sociales, " De Monroë à Johnson _, Georges Fournial et , Roland Labarre analysent cent cin­quante ans de politique liord-améri­caine dans le continent, de la poli­tique du te gros bâton JO à celle de 1'« alliance p<>ùr le progrès JO. Un chiffre réSUme fort bien cet ~uvrage : en 150 ans, l 'Amérique latme a connu 535 coups d 'Etat et plus de 1 000 re­bellions militaires, derrière lesquelles on retrouve constamment la mam des Etats-Unis.

L' insu rrection du Chetto de Varsovie pré$entée par Michel Borwicz (Coll. " Archives» - Julliard) , En septembre 1946, puis en décembre 1950, furent retrouvées, à Varsovie, les archives des combattants' du ghetto qui avaient été enterrées dans des caves, Michel ,Borwicz, qui fut un dirigeant de la résistance polonaise, en présente de larges extraits. L'héroïsme en imprègne chaque page,

Les Compagnons de la Forêt Noire Roman de Michel Droit (Julliard)

Ce livre est le premier d 'un cycle romanesque qui retrace l'histoire d'une génération - un quart de siècle, de 1,945 à 1970. Il décrit, dans la stricte tradition du , roman unanimiste, les dernières semaines de la guerre mon­diale, l'écroulement sanglant de l'Alle­magne nazie.

Paul Vaillant-Couturier écrivain Tex'tes choisis par André Stil (Editeurs Français Réums)

Journaliste et écrivain, Paul Vaillant­Couturier - mort en 1937 - fut aussi écrivain et poète. Il laissa même un SCénario, « Vive la Commune », qui ne vit pas le jour. André Stil pré­sente ainsi l'anthologie : « Cette œuvre .. _ apparait avant tout comme une œuvre dé formation, ,de décou­verte et d'appréhension du monde, de prise de conscietiée a'une responsabi­lité d'homme ... ' ».

t le cinéma

Made in U. S. A. Film de Jean Luc Godard, avec Anna Karina.

"Le fascisme passera comme la mini-jupe ... lO ': Sur ce paradoxe qui n'est que l'aboutissement d'une longue réflexion se termine le dernier film de Jean-Luc Godard, «Made in U.S.A. ".

Qu'est-ce que «Made in U.S.A.»? Une histoire politique, celle d'une jeu­ne femme Anna Karina, qui , cherche à découvrir la vérité sur l'assassinat de son mari. L'action se passe à Atlantic­City, qui n'est pas bien loin, ni dans le temps, ni dans l 'espace, de notre Paris contemporain. L'héroïne, de bar­bouze en barbouze, ne découvrira pas plus la vérité qu'on ne l'a découverte, au sens judiciaire du terme, dans l'en­lèvement de Ben Barka.

C'est un cri de rage: notre société est pourrie, on y patauge dans le san~ et la sanie. Mais , ce n'est pas une ral­son pour désespérer, pour se résigner

' à ce monde monstrueux ...

On aime ou on n'aime pas «Made in U.S.A , », mais on ne peut que s'in­cliner devant l'absolue sincérité de Godard, cet écorché qui nous cogne avec ses vérités premières pas si pre­mières que ça.

Quand le sang coule, il nous montre de la couleur rouge; quand les yeux de Karina se gonflent de larmes, il nous secoue par l'oreille et nous dit: "Il fait un temps à mettre une ca-

_ méra dehors et à tourner un film en couleurs JO. C'est sa façon à lui de « distancier », un mot qu'on a mis à toutes les sauces, mais auquel il rend sa vertu première, celle de Brecht.

«Made in U.S.A.» est un film «in­telligent ", ce qui né veut pas dire qu'il est lisible au premier regard, Godard nous force à· réfléchir sur no­tre temps. Profitons-en.

Ra~ond PRADINES

Vietnam en guerre « Europe" - octobre 1966.

Le témoignage d'Europe sur le Viet­nam est permanent. Mais ce numéro spécial d'octobre, nous en révèle, et du Nord, et du Sud, la Poésie.

Le mot révélation convient, car de ces vers nous recevons une lumière. Ces poèmes de guerre sont presque tous des poèmes d 'amour. Ce peuple a été arraché à la paix et s'il ne con­sent à la retrouver que libre, c 'est qu'elle était d'abord sa dignité.

Niant le parallèle - frontière impo­sé, l'amour n'est plus seulement celui d'un homme et d'une femme - mais des deux parts d'un pays qui à travers la douleur s'épousent.

Qui donc t'a fait cette blessure? Depuis cinq ans que je t'attends Et parce que je ne t'ai pas oublié L'ennemi m'a poursuivie ...

dit une Lettre de la Ville. En ce pays de la fertilité dont l'opu­

lent barbare dévaste le visage d'hom­mes et de irains, l'amour demeure lé refuge et le fruit dont nul napalm ou poison ne peut le dépouiller. Un trou de bombe au fond de la cour A l'autre bout une 'rose.

Chanson de toile, filant la patience et l'espérance de l'amour, les vers d'adieu à l'homme se fredonnent et accompagnent le travail. Ecoutez: C'est moi la fleur de tous les jours J'ai tant aimé que je deviens fleur de

[combat] Vous qui cherchez l'objet de poésie,

voici la poésie objet de l'homme!... Sur le bateau de D.C.A. s'incorporant à . sa défense, la jeune fille, ce n'est plus du mandarimer qu'elle fait Un bel habit de camoufla~e : C'était de son corps d'avrtl C'était de S011 corps printanier Qu'elle connait le corps du bateau bien

[aimé.] Jean CUSSAT-BLANC

Nommer la peur Deux poètes, Gabriel Cousin et Jean

Perret, viennent de réunir un recueil commun, Nommer la peur. C'est l'édi­teur Pierre-Jean Oswatd qui a publié ce recueil, dans sa collection «J'exige la parole,., réservée aux poètes que l'on dit sommairement «engagés JO.

Le recueil s'ouvre sur «Juin 40 JO, de Cousin; il se ferme sur « Tambour de Rage JO, un poème sur le Vietnam de Jean Perret. Entre le premier et le dernier texte, quarante-huit poèmes composent une chronique de vingt ans d'actualité : la première guerre du Vietnam, l'Algérie, les Rosenberg, l'assassinat de ' Lumumba, de Maurice Audin, les morts du métro Charonne.

Iles arts

Le trésor de Toutankhamon Au Petit Palais

Ce n'est qu'une petite partie du fabuleux trésor de Toutankhamon, que présente au public français l'exposition du Petit Palais : quarante-cinq pièces, sur 2.000 que renfermait le Tombeau du pharaon-enfant; mort à l'âge de 19 ans.

Le tombeau découvert en 1922 dans la Vallée des Rois , fut l 'un des très rares à n'avoir pas été pillés au cours des millénaires. Il permit à l'égyptolb­gie de faire des progrès décisifs dans la connaissance de la vie quotidienne de nos très lointains ancêtres: meu­bles, jouets, mets et boissons, manus­crits et devoirs d'écoliers , sont parve­nus jusqu'à nous.

Parce que l'un ' des découvreurs du tombeau, Lord Carnavon, mourut acci­dentellement au cours des fouilles, naquit la légende fameuse de la «ma-

lédiction du pharaon» qui se vengeait des profanateurs de sa dernière de­meure. Cette invention ressort aux habituels lieux communs sur les civi­lisations disparues.

Ce qui fait le grand intérêt de cette exposition, outre la beauté des objets exposés, c'est que ces objets ' datent d 'une époque où l'Empire des Pha­raons s'étendait, en Asie . mineure, jusqu'à nrak actuel. Des similitudes s'y révèlent avec les œuvres de peu­ples et d'ethnies différentes ; elles viennent renforcer la thèse des ar­chéologues contemporains, qui, depuis quelques années, s'attachent à mon­trer à quel point les anciennes civilisa­tions du bassin méditerranéen ont

,agi 'et réagi les unes sur les autres, à quer point l'origine de la civilisa-tion est une et indivisible.

"ROIT ET LIBERTE - No 260 - MARS 1967

De jolies bulles ésotériques

« Le Golem» adapté par Pauwels et Kerchbron du livre de Meyring.

Mise en scène brillante, belles ima­ges - parfois extrêmement belles -acteurs talentueux et bien dirigés .... Bref, tous les ingrédients réunis pour réaliser un film hors-classe. Tous, à une exception près, capitale: un scé­nario - textes et idées - défaillant, au point que nous sommes perplexes. Mais que voulaient donc prouver Pau­wels et Kerchbron? La légende du Golem n'est pas en cause. C'est un sujet valable. D'ailleurs l'émission reli­gieuse du dimanche matin qui suivit cette dramatique a, tout compte fait, très bien situé le symbole dw golem, né, comme bien des êtres mythologi­ques, d'un rêve de l'humanité au XVI' siècle, Cet être d 'argile pétri par l'homme et capable de le servir~ n'est­ce pas la préfiguration 'du robot mo­derne, de la machine? Les auteurs, inspirés par le livre de l'écrivain allemand Meyring ont voulu transpo­ser, interpréter, distiller la belle et vieille légende juive. Ils nous avaient prévenu; ils faisaient appel à notre intelligence; ils refusaient la facilité d'un divertissement pur et simple. Leur savante alchimie nous a conduü au royaume de la purée de pois ..mys­tique, des théories nébuleuses - chè­res à Pauwels d 'ailleurs - sur le dé­doublement de la per~onne et autres balivernes ...

Et çela a fait de jolies bulles ésoté­riques sur un fond de néant.

La libertè venait du ciel . A «La liberté venait du Ciel» on peu faire bien des reproches: simpli­fication oU!trancière des personnages, schématisation des situations. - On flaire à cent lieu~ les événements en marche. Mais cette série a un mé­rite. Elle rappelle - ou fait découvrir aux jeunes - certains aspects d'une époque que notre T.V. a trop tendance à oublier. Voilà qui nous change des sujets faciles - la guerre des chouans par exemple. Certes la guerre contre les nazis, ce n'était pas que cela, mais c'était aussi cela. '

Jean CONTE

C la télévision

La guerre entre parenthèses Au Théâtre Municipal de Villejuif·

Pourquoi «entre parenthèses » ? PaI'~ ce qu'il s'agit du Vietnam, que le Vietnam est loin, et que les massacres et les bombardements qui y font cha­que jour des centaines, des milliers de victimes n'empêchent pas la loin­taine Europe de dormir. Pourtant, en Europe même, certains font ce qu'ils peuvent pour soutenir le Vietnam me­nacé de génocide.

«La guerre entre parenthèses» est une de ces actions, que mène depuis la mi-février le te Franc-Théâtre» de Villejuif. Claire-Lise Charbonnier et Georges Feldhandler, qui ont écrit le spectacle, l'ont conçu comme une im­mense partie d'échecs. «L'aire de jeu, disent-ils, est un échiquier, parce que les échecs sont un jeu natIonal viet­namien, et parce que tout joueur d'échecs n'a pas pu ne pas étre frappé par l'analogie du vocabulaire des échecs avec celui de la guerr,e. »

«La guerre entre parenthèses» est, avant tout, une œuvre militante : « Nous ,sommes durs d'oreille, c'est connu. Tous les tintamarres seront bons, pourvu qu'ils fassent entendre les sourds.» Elle atteint pleinement son but; la musique de François Ter­rai et la mise en scène de Guy Kayat ne sont pas pour rien dans la «force de frappe» du spectacle.

Napalm Au théâtre des Carmes d'Avignon

Un nouveau théâtre s'implante en France: la revue scénique d'actualités. Un thème central sert de lie.U! à une série de sketches, de mimes, voire de ballets. Nous avons vu, l'an dernier, Mille millions de sauvages et l'hexa­gone, où le Théâtre de Montreuil !)Ous conviait, du Mississippi à Paris et à Johannesburg, à l'étude d.U! racisme. Voici maintenant, au Théâtre des Carmes d'Avignon, Napalm, spectacle en 33 tableaux.

Les titres de ces tableaux suffisent à évoquer leur contenu : dialogue (ou ' plus exactement : « dispute »), entre Steinbeck et Evtouchenko; un pilote américain prisonnier; une veuve; Mitchell l'insoumis; un chef du F.N.L. ~t ses troupes ...

Un spectacle de ce genre refuse évidemment d'être jugé sur le seul plan esthétique; le premier critère qu'il revendique, c'est sa force d'i!!:­pact sur le public. Napalm est, à cet égard (comme d'ailleurs au point de vue de la qualité du texte et de la mise en scène) une réussite.

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la • vie du

mrap

(~) 21 q,MARS

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C'est par une résolution adoptée le 28 octobre 1966, que l'Assem­blée Générale de l'Organisation des Nations Unies a proclamé le 21 mars Journée Inte-rnationale pour l'élimination de la discrimination raciale. Cette résolution a été adoptée par 94 voix contre une, celle de l'Afrique du Sud.

On comprend que les représen­tants sud-africains à l'O.N.U. aient refusé de s'associer à une telle décision qui condamne explicite­ment la politique d'apartheid. De plus , si le 21 mars a été choisi, c'est parce que cette date est l'an­niversaire du massacre de Shar­peville.

Le 21 mars 1960, des dizaines de milliers d'Africains avaient orga­nisé, à travers l'Afrique du Sud, des manifestations afin de protester contre les discriminations raciales et plus particulièrement contre le système des • laisser-passer -. A Sharpeville, localité africaine si­tuée près de Vereniglng, la police tira sur un rassemblement pacifi­que d'Africains. " y eut 68 tués et près de 200 blessés.

C'est à ces victimes de l'apar­theid en même temps qu'à toutes les victimes du racisme et de l 'an­tisémitisme que nous penserons en célébrant la Journée Internatio­nale.

De la Journée nationale à la Journée internationale DEPUIS sa fondation (en 1949), le

M.R.A.P. organise, chaque année au printemps, une Journée Na­

tionale contre le racisme, l'antisémi­tisme' et pour la paix. Aussi notre Mouvement se réjouit de la décision prise par l'D.N.V., proclamant une Journée internationale pour l'él~mina­tion de la discrimination raciale qui confère à la tradition établie en France un retentissement universel.

De ce fait, le Conseil National du M.R.A.P. réuni à Paris le dimanche 5 février, a pris plusieurs décisions qui modifient sensiblement la conception de nos manifestations annuelles.

La Journée nationale s'inscrira désor­mais dans le cadre de l'appel lancé par l'D.N.V. Elle se déroulera donc régulièrement chaque 21 mars.

Par delà le M.R.A.P. et au lieu de l'unique rassemblement national habi­tuel, de multiples manifestations au­ront lieu dans toute la France, sous des formes très diverses, permettant à de très nombreux citoyens une partici­pation plus active.

En outre, comme le 21 mars tombe chaque année un jour différent de la semaine, le M.R.A.P. suggère que ce soient en fait sur huit ou dix jours que s'étendent les manifestations.

Dans l'appel rendu public par notre Conseil National, le M.R.A.P. invite à cette occasion, « tous les Français à examiner les données actuelles du ra-

cisme et de l'antisémitisme et à pren­dre des dispositions pour s'opposer aux discriminations, aux préjugés qu'ils engendrent. )}

Les municipalités

« Il invite les municipalités et con­seils généraux à se pencher, dans un esprit compréhensif, sur la condition des travailleurs immigrés, ainsi que des Gitans et Tziganes, et à envisager

Le M.R.A.P. et ses comités locaux sont à votre disposition pour tous renseignements complémentaires sur la semaine antiraciste de mars, pour vous aider, vous fournir de la documentation (livres, films, photos, études, bibliographie, etc.). II accueillera également volontiers toutes vos suggestions.

II vous prie de l'informer de vos ·initiatives.

des mesures positives en leur faveur. Il les appelle à organiser des manifes­tations telles que soirées culturelles et artistiques, projections cinémato­graphiques, expositions, etc. pour sen­sibiliser l'opinion aux problèmes du racisme et de la xénophobie.

Les associations et syndicats

« Le M.R.A.P. s'adresse aux respon­sables des Maisons de Jeunes, des associations artistiques, culturelles ou

Pour la Journée du 21 mars Pour que la Journée internationale contre la discrimination raciale soit

célébrée' avec éclat dans toute la France, le M.R.A.P. a édité plusieurs éléments de propagande:

• Des badges: quatre modèles, que nous présentons ci-dessous. Prix : 1 F pièce. A partir de 10: 0,95 F. A partir de 100: 0,90 F. A partir de 500: 0,80 ·F.

• Des papillons gommés, portant des slogans antiracistes. Nous les avons présentés dans le numéro 259 de D.L. Prix: 2 F les cent.

• Des affiches - 40 X 60 cm - frappées du symbole de l'O.N.U . (le globe terrestre et les branches de laurier) , et portant en gros caractères la date: 21 mars 1967, et, en cara.c.tères plus petits: première Journée interna­tinale contre la discrimination raciale. Prix: 1 F pièce.

Les commandes doivent être envoyées au M.R.A.P., 30, rue des JeûneUi 5, Paris (2' ), accompagnées d'un chèque ou d'un mandat adressé au C.C.P. 14-825-85 PARIS.

VOICI CE OUI SE PREPARE Pour le 21 mars, ou plus exactement pour les semaines

qui précèdent ou suivent la Journée internationale, de mul­tiples initiatives sont d'ores et déjà annoncées.

Différents, comités du M .R.A.P. nous font savoir qu'ils pré­parent des soirées cinématographiques, comportant un exposé et un débat : à Tours, le 14 mars, avec Charles Palant; à Nancy, le 17 mars; à Caen, le 15· mars, avec Jean-Jacques de Félice; à Paris, dans le 18' arrondissement (à la Maison Verte, 127, rue Marcadetl. le 18 mars; dans la région pari­sienne à Noisy-le-Sec, le 24 mars ; à Nanterre, le 17 mars ; à Bourg-la-Reine, etc.

Sous des formes différentes, d'autres soirées sont pré­vues: le comité étudiant du M.R.A .P., en collaboration avec différentes associations d'étudiants prépare pour le 17 mars, une importante manifestation à la Mutualité, à laquelle par­ticiperont d'éminents universitaires et plusieurs artistes; le Comité ' d'Action Antiraciste du Prêt-à-Porter, organise une assemblée d'information sur le néo-nazisme, avec la participation du journaliste Marcel Ophüls.

Au Théâtre d'Aubervilliers, une représentation exception­nelle de • L'Opéra Noir - aura lieu le dimanche après-midi 19 mars, suivie d'un concert de jazz. L'écrivain Roger Ikor prendra la parole.

Les Maisons des Jeunes et de la Culture participent acti-

vement à la préparation de la Journée Internationale. Des conférenciers du M.R.A.P. animeront les débats dont elles ont pris l'initiative à Caen (le rac'isme aux Etats-Unis, avec Elisabeth Labrousse), à Rambouillet (Le racisme en France'), à Rueil-Malmaison (Les Antilles, avec Joby Fanon), à Fon­tenay-le·Fleury (Les Français et le racisme), à Lézignan, dans l'Aude (Nazisme et néo-nazisme, avec M' R. Rappaport), à Thonon-les-Bains (Actualité du racisme), à Gex dans l'Ain (Actualité du raGisme, avec M' Jean Schapira), à Sedan (Le racisme et nous), à Paris dans le 18' arrondissement (Le racisme en France, avec M'Armand Dymenstajn)" et à la Porte de Vanves, le 8 mars (Le racisme de· nos jours, avec M' Daniel Jacoby).

Des expositions consacrées au racisme et à l'action anti­raciste sont préparées par le comité du M.R.A.P. de Tours, le comité d'entreprise de la Caisse des -Allocations Fami· liales à Paris, le Centre Culturel de Bobigny, le lycée de Montgeron.

Parmi les autres initiatives dont nous sommes informés, signalons tout particulièrement la décision prise par le Rec­teur d'Académie de Nancy, de susciter dans les éçoles et lycées un concours de dissertations sur le racisme; les prix seront distribués aux jeunes lauréats au cours d'une grande réunion, qui comportera également la projection d'un film.

uociales, des comités d'établissements et d'entreprises, des syndicats, aux re­. présentants des différents cultes, cer­. tain qu'ils voudront agir par les moyens qui leur sont propres pour faire reculer le racisme et l'antisémi­tisme.

films, etc ... Il invite les éducateurs et enseignants à participer activement à la préparation du colloque organisé le 16 avril à la Sorbonne par le Centre de Liaison des Educateurs contre les Préjugés Raciaux, où doivent être étu­diés les moyens pédagogiques d'action contre les préjugés raciaux.

France et la ratification par notre pays de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Cette pétition sera soumise à l'ensemble des candi­dats aux élections législatives. »

Le 20 mars au Palais de Chaillot Les enseignants

« Il souhaite que dans les écoles, collèges et lycées l'attention des jeu­nes soit attirée sur la décision de l'O.N.V. et sa signification, au moyen de lectures, dissertations, exposés,

Pour une législation antiraciste

« Le M.R.A.P. demande à tous de signer et de faire signer sa pétition nationale pour l'adoption de la légis­lation antiraciste qui fait défaut à la

Le M.R.A.P. prépare en outre sur le plan national plusieurs initiatives, dont la plus importante sera la soirée de gala du 20 mars au Palais de Chaillot, avec la présentation du film « Le vieil homme et l'enfant ».

.... '0'" O'HOH""'" , u •• ~,,~ ~ P BULLETIN D'ADHÉSION mler Président Honoraire · de la Cour de Cassa- Approuvant le combat de « Droit et Liberté » et désireux de soutenir l'action tlon); PRESIDENT: Pierre PARAF; SECRETAIRE . l'· ·.. t 1 -GENERAL: Charles PALANT. contre le raCisme, antlsemltlsme e pour a paiX,

COMITE D'HONNEUR Bâtonnier Paul ARRIGHI, Georges AURIC , Claude

AVELINE. Robert BALLANGER. Roger BASTIDE, Jean CASSOU. Almé CESAIRE, Diomède CATROUX Charles de CHAM BRUN, André CHAMSON. Pierre COT, Docteur Jean DALSACE, Louis DAOUIN. Hu­bert DESCHAMPS, Henri DESOILLE, Michel DROIT. Pasteur André DUMAS. Adolphe ESPIARD. Henri FAURE. Max-Pol FOUCHET, Marcel GROMAIRE, André HAURIOU, Charles-André JULIEN. Alfred KASTLER , Joseph KESSEL, Alain Le LEAP. Michel LEIRIS, Jeanne LEVY. André MAUROIS. Darius MILHAUD. Théodore MONOD, Etienne NOUVEAU, Jean PAINLEVE, Jean PIERRE-BLOCH , Marcel PRE· NANT, Alain RESNAIS, Emmanuel ROBLES. Fran­çoise ROSAY, Armand SALACROU, Jean-Paul SARTRE, Laurent SCHWARTZ, Jean SURET-CANALE, Jacqueline THOME-PATENOTRE. Général Paul TU­BERT, VERCORS , Dr WERTHEIMER.

Robert ATTULY, Vincent AURIOL, Georges DUHA­MEL, Yves FARGES, Francisque GAY, Jacques HADAMARD. Georges HUISMAN. Jules ISAAC, Frédéric JOLIOT-CURIE. Jean LURÇAT, Amiral MUSELlER, Marc SANGNIER. André SPIRE, Cha· nolne Jean VIOLLET.

j'ADHERE AU !VI.R.A.P.

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Je vous envoie, à cet effet, la somme de

Je souhaite (2) :

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.......... (1).

• recevoir une documentation complète sur le M .R.A.P.

• être invité à ses réunions et manifestations,

• participer à l'un de ses Comités locaux ou professionnels.

(1) De 1 /1 10 F: Ami du M.R.A.P.: de 11 Il 50 F: Souscripteur ; de SI .. 200 F: DonllteUr; au-dessus de 200 F : Bienfaiteur.

(2} Rayer les mentions Inutiles.

MOUVEMENT CONTRE LE RACISME, L'ANTISEMITISME ET POUR LA PAIX (M.RA.P.) .... ------- 30, rue des Jeuneurs - Paris (2") • Téléphone: 488-09-57 • C.C.P.: 14-825-85 Parlli -------..

0!10IT ET LIBERTE - N° 260 - MARS 1967 3S

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le carnet de D.l. anniversaire

Notre très cher ami Georges SAROTTE membre du Conseil National du M.R.A.P. vient de célébrer son 90" anniversaire.

Nous lui adressons nos ~ordlales féli­ci tations et nos vœux les prus affectueux.

nos deuils L'amiral Louis KAHN

Le vendredi 27 janvier, l'amiral Louis KAHN, président du Consistoire Israélite de France mourait à l'âge de 71 ans" terrassé par une crise cardiaque.

Grand officier de la Légion d'Honneur, ancien secrétaire général des Forces Armées, l'Ingénieur général du Génie Maritime Louis Kahn a été un grand sol­dat, un résistant de la première heure et un grand inventeur: il a rénové la carto­graphie et défini la nouvelle architecture des porte-avions modernes. Nommé di­recteur général des constructions et armes navales en 1945, il contribuera à la reconstruction des ports et arsenaux et à la reconstitution de la marine de guerre française. , il avait honoré de sa présence de nom­breuses manifestations du M.R.A.P., en particulier nos Journées Nationales où il prit la parole, et le débat organisé après l'adoption par le Concile du schéma sur les juifs.

Oue sa famille trouve ici l'expression de nos douloureuses condoléances.

M' Pierre STIBBE La mort de M' Pierre STiBBE foudroyé

par une crise cardiaque au .banc de la défense en pleine audience du procès Mehyaoui a soulevé une intense émotion dans les milieux les plus larges.

Résistant à Libération-Sud dès 1941 , il fut en 1945 l'un des jurés de la Haute Cour qui jugea Petain . il se consacra alors à la défense de tous ceux qui luttaient dans le 'monde pour la décolo­nisation . C'est ainsi qu'il se trouvait parmi les défenseurs de la partie-civile au procès de Mehdi ~en Barka.

Membre du Bureau~ National du P.S.U., du Comité National du Secours Populé;lire et du Conseil National du Mouvement de la Paix, M' Stibbe avait à maintes reprises , honoré de sa collaboration cc Droit et Liberté ».

En hommage « à la mémoire de ce grllnd avocat qui pendant la lutte de libération assura la défense de plusieurs centaines de militants algériens... », les autorités d'Alger ont décidé de donner à l 'une des artères principales de la ville le nom de « Maître Pierre Stibbe ».

M' René-William THORP

Vingt-quatre heures après M' Pierre Stibbe , le bâtonnier René-William THORP succombait à une congestion cérébrale qui l'avait terrassé, lui aussi, en pleine audience de la deuxième chambre civile

36

dLi Tribunal de la Seine. Comme Pierre Stibbe, il était avocat

de la partie-civile dans l'affaire des ravis­seurs de Ben Barka. C'est dire la simili­tude des préoccupations des deux avo­cats.

A l'époque de la guerre d'Algérie, M' THORP fut parmi les fondateurs de l 'As­sociation pour la sauvegarde des institu­tions judiciaires et la défense des liber­tés individuelles. Animé par l'esprit de vérité, il devint l 'avocat de Mme Maurice Audin, l'épouse du jeune universitaire assassiné à Alger par les parachutistes. Il fut aussi celui de la famille de M' Popie, avocat libéral assassiné par l 'O.A.S, Enfin il animait les célèbres « Col­loques juridiques. . Il était par ailleurs membre de l 'équipe formatrice du contre­gouvernement et y était chargé de la justice.

Le bâtonnier Thorp avait participé à l'élaboration des propositions de lois du M.R.A.P. et était intervenu à ce sujet à la Journée Nationale de 1959.

André MIGOT

Notre amie Olga Wormser Migot vient d'avoir la douleur de perdre son mari le Dr. André MIGOT, vice-président de la Société des Explorateurs et Voyageurs Français, décédé à l 'âge de 75 ans d'une crise cardiaque. Médecin, licencié ès­lettres, diplômé de l'Ecole du Louvre, le Dr. Migot avait organisé de nombreux voyages notamment en Ch ine , en Inde, au Cambodge, au Tibet, aux Iles Kerguelen et dans l'Antarctique. Auteur de livres de voyages , i l avait publ ié des études sur les lamas tibétains , le bouddhisme, la Chine ancienne et moderne.

Nous exprimons à Olga Wormser-Migot et à sa famille l'assurance de notre pro­fonde et amicale sympathie.

Henri LABORDE Nous avons appris avec émotion la

mort de M , HenrÎ LABORDE, délégué gé­nérai des Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation actives , officier de la Légion d'honneur, membre du Conseil supérieur de l 'Education Nationale, fonda­teur avec. Jeân Vilar des Rencontres Internationales de jeunes d'Avignon et des Amis du Théâtre Populaire . Nous exprimons à sa famille , ainsi qu 'aux C.E,M.E.A. nos sincères condoléances .

• Nous avons appris le décès de Mme

Maria KAUFCIK épouse de notré ami M. Kaufcik, président de la société Piotrkov. Nous lu i exprimons ainsi qu 'à sa famille nos sincères condoléances.

Nous apprenons le 'décès de Mme Dwojra KENIG, Oue son mari , notre ami Aron Henoch Kenig et sa famil le trouvent ICI l 'expression de notre douloureuse sympathie.

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A l'hôpital panSlen où je viens de passer un mois, il il a dans le service quatorze « serveuses» dont douze An­tillaises de 16 à 20 ans. Ces jeunes filles gagnent 520 , F pour 8 h et demie de pré­sence sans être logées, ni nourries, sans un instant de repos. Les deux parisiennes logent chez leurs par.ents. Quant aux «noires" (àinsi dénommées) elles habitent à l'hôtel dans de minuscules chambres, avec un petit lit, partagées ' par trois ou qua­tre d'entre elles, couchant alors par , terre, dans un sac de couchage. La chambre,

, souvent une mansarde, coûte en moyenne 15 F par jour, chauffage en plus, payable

, d'avance. Ces jeunes Antillaises par­

lent couramment le français ,mais sont, en général, anal­phabètes. Elles sont obligées aux tâches .les plus rudes, parfois répugnantes. r' (Les employés de couleur, moins nombreux, mais soumis à de durs travaux, touchent 10 F de plus, pour les cigarettes).

EUes sont très bien trai­tées par tout le personnel français, mais souvent mépri­sées par les malades qui dé­clarent : «Elles prennent la place des blanches ! ".

Comme elles sont sans tra­vail à la, Martinique ou à ' la Guadeloupe, elles s'endettent pour venir ,en France, accep­tant n'importe quel travail. Elles sont en général de fa­milles nombreuses mais la mortalité infantile est ef­froyable. C'est la porte ou­verte à la prostitution.

Une campagne hospitalière est indispensable, il faut for­mer des infirmières quali­fiées et payer convenable­ment un personnel si dévoué.

G. A" Paris

DERRIERE LES

BARREAUX

Je vous remercie pour les trois journaux que vous m'avez fait parvenir. Je les ai trouvés très intéressants mais je ne peux pas m'y

, abonner, car Je suis espagno­le et je dois rentrer très pro­t:hainement , dans , mon pays. Votre journal , ne passerait pas la frontière et je me trouverai pour quelques an-

DROIT ET LIBERTE - N° 260 - MARS 1967

dans notre courrier nées derrière les barreaux ; vous savez bien qu'on ne ba­dine pas àvec Franco.

Je vous félicite cependant pour la position courageuse que vous prenez pour com­battre le racisme. J'ai été souvent moi-même victime de ce fléau.

Mme V" Paris

UNE MENACE

PERMANENTE

. Je vIens d'acheter votre journal et je ne puis que di­re ma satisfaction devant la formule nouvelle.

Toutefois, il me semble voir une lacune dans votre documentation. Quand vous parlez des mouvements ra­cistes d'extrême-droite, vous ne citez que Occident ou la F.E.N .• Ici, .. à Grenoble, ces deux organisations n'existent pas ou plus. Le, seul danger est l'Action Française. Les maurrassiens vendent réguliè­rement leurs journaux roya­listes à la porte des églises,

;' devant les grands magasins et les relitaurants universitai­res. Ils distribuent des tracts, collent des affiches et ont de l'influence sur le mi­lieu étudiant (je suis en Fa­culté de Lettres). Bien sûr, ces gens ne se prétendent pas racistes, et même sont, paraît-il contre la F.E.N. Mais leurs slogans où l'anticom­munisme et l'antidémocratis­'me dominent ne valent pas mieux.

La F.E.N., ' comme vous l'avez dit, a tenu un ' camp d'études; mais l'Action Fran­çaise, aussi, et plus impor­tant. Ces gens là sont très dangereux, bien plus que leurs pseudo-ennemis, car ils sont plus intelligents et n'ex­ploitent pas la même basse démagogie.

Dominique MADEJ, 38-Grenoble.

N.D.L.R. - L'article de notre dernier numéro" Intitulé • Lil tempe d.. matrlqueur., _, était consacré essentiellement 'aux groupes fas­cistes notoirement Impliqués dans plUSieurs agressions récentes, Nous avons signalé la participation com­mune de membres ' de la F.E.N. (Fédération des Etudiants Natio­nalistes). d'Occident, de l'Action Fl'llno;el.e (Restauration Nationale). et de Jlune Alllanci è certains • COups dur, . .. . Il est bien vrai qu'en dépit de la diversité des sigles, variant salon les lieux et les milieux. l 'extr6me-drolte mani­feste 'partout une activité nocive, Et nous devgns d'autant mof,rS

Ignorer la fraction maurrassiellne que l'un de leurs chefs de tlle. Xavier Vallat, fut. sous Vichy, le premier • commissaire aux affal, res juives •.

NE PAS RESTER

PASSIF

Depuis que j'ai lu le terri­ble livre de Pierre Paraf « Le racisme dans le monde », et ai eu entre les mains un exemplaire de votre journal, je suis plus que jamais dé­cidée à ne plus rester passi­ve.

Ne pouvant raisonnable­ment rien faire seule, je dé­sire adhérer au Mouvement. J'ai constaté que bien des gens sont racistes parce que mal informés et j'ai déjà convaincu certains de mes âmis 'de prendre conscience du problème.

H. MUHLEMANN, Château-Thierry.

... Après le passionnant dé­bat sur le racisme paru dans l'Humanité-Dimanche, il est impossible de rester insensi­ble. Bravo pour votre ac­tion !

Maurice ETIENNE, Amélle-Ies.aalns.

OUI A LA

NOUVELLE FORMULE

Bonne présentation, bon contenu, compliments. Re­merciements.

Mme Max GOUHIER, DIJon:

Mes félicitations pour la nouvelle édition de Droit et Liberté.

Dr André GRUNBERG. Parls-13"

J'ai été très content de re­cevoir ,votre numéro de jan­vier, nouvelle formule, dont j'ai apprécié la présentation. Je vous adresse la somme de 30 F pour m'abonner et abonner des membres de ma famille qui vivent en ~sraël.

Albo MEYER, VilleJuif.

Lecteur de Combat, j'ai pris connaissance avec inté­rêt du long article que ce quotidien consacre à votre revue, sous le titre Droit et Liberté fait peau neuve. Je

vous prie de me compter , d 'ores et déjà parmi vos

"sympathisants. , Georges RIVOIRE,

Paris-Ur

Nous ne pouvons dire que bravo!

Dr Maurice FALK, Argenteuil (S"et-O.).

J'ai reçu un exemplaire ' de Droit et Liberté que j'ai lu avec une fervente attention. Votre ' combat si nécessaire en ces temps difficiles est bien aussi le mien.

Félix LEON, Amsterdam (HoUande).

Je dois vous dire très franchement que je suis et serai toujours fidèle et in­séparable . compagnon de Droit et Liberté pour son in­lassable combat.

AHMAT Mohamed, Moussoro (Tchad).

NOTRE SOLIDARITE

ENTIERE

Nous voudrions vous faire ' part de notre profonde sym­pathie pour les actions que le Mouvement contre le Ra­cisme, l'Antisémitisme et

, pour la Paix mène ' en com­mun avec les autres forces démocratiques de votre pays contre le développement du , néo-nazisme en Allemagne de l'Ouest, de plus en plus alar­mant pour la paix et la sécu­rité en Europe.

Tout comme vos compa­triotes, nous sommes profon­dément indignés de la visite effectuée à Paris par le nou­veau chancelier fédéral ouest­allemand, Kiesinger, dont le passé nazi est lourd. Nous comprenons trop bien, com­bien cette visite d'un nazi et antisémite doit porter attein- '/ te aux sentiments de tous les patriotes français et, en pre-mier lieu, de tous ceux qui, èomme les membres de votre Mouvement, ont tellement eu à souffrir' du nazisme.

Vous pouvez être assuré que le Conseil de la Paix fe­ra tout ce qui est en son pouvoir pour mobiliser l'opi- ' nion mondiale contre le fléau nazi qui menace de nouveau notre civilisation.

M_ ZANKNER, Secrétaire général adjoint

Conseil ' de la Paix de la ,R.D.A., Berlin. '

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UR p oème d 'Oliv eR Sten

l'ENTERREUR L' cc • enterreur » est un

très long poème en prose, qui vient d'être publié par l'éditeur Pierre-Jean Os­wald, en même temps que six autres œuvres - dont un très beau « Rue des Rosiers » - , dans une nouvel:le collection : «P.J .O. Poche ». En voici six (trop courts) extraits .

D'Oliven Sten , le criti­que René Lacôte a écrit: ft on ne peut dire la dou­leur sans montrer ce qui meurtrit, et il y excelle. En vérité, il n'est rien de plus noir que le climat dans lequel re réconfort de ce chant s'élève, rien de plus noi r que les · réalités du fascisme , du raci sme et de la guerre qui. dès sa naissance, ont marqué ce poète que je t iens pour l'un de nos grands poètes contemporains ».

Les deux dessins sont . ' du peintre Christian Bol­tanski. Ils ornent la cou­verture de l'édition Os­wald. Un livre à 'ne pas manquer.

« L'enterreur et autres poèmes.. Un volume simple : 3,50 F.

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AYANT perdu trente millions de membres. de ma famille

des suites d 'une m échante piqûre d 'insecte, je me mis en devoir de leur assurer une sépulture honora­ble en un lieu qui rendît aisés le dépôt de gerbes et les commémorations.

Aussi paradoxal que celui puisse paraître, il n 'est pas rare de nos jours que des deuils massifs emportent, par manque d'hygiène ou faute professionnelle des médecins, des popu­lations entières et l'on peut voir certains soirs le dernier des ravis, le dernier des maquisards et le dernier des sol­dats inconnus à une même table de brasserie lugubrement réunis .

Et pourtant, nous avons des hommes d'Etat capables, des insecticides puissants, la vaccination triple associée !

Et pourtant, nous avons des médecins avertis !

... Longtemps je n 'ai pu supporter- l'injustice. C'était çà ma maladie. La moindre inégalité, le moindre empiètement de la force sur le d roit , de l'injure sur la vérité me révol­taient . Les riches et les pauvres, les bien et les mal portants, les mili tants poursuivis, les dirigeants épargnés , tout ceci m 'insupportai t .

Affair e d 'éducation : le monde tel qu'il était , avec ses verrues et ses excroissances, ses heureux et ses affligés, me démoralisait. Je me suis guéri tout seul. J'ai capitalisé les injustices et les révoltes contre les injustices. J'ai écono­misé les morsures et les perfidies , je les ai accumulées, elles sont devenues l'Injustice, la grande Injustice, celle des hommes contre eux-même, celle de l'avenir envers le passé.

Les uns naissent en poussant un rire, déjà forts, pré­parés. Ils poussent tout seuls , dit la voisine, sans otite, sans intolérance au lait ou aux farines , sans diarrhée.

Les autres , d 'emblée, sont effrayés. Ils s 'élèvent mal, réclament leur m ère, ils ont toutes les maladies, ils tom­bent dans la cour de récréation , la maîtresse ne les remar­que que quand ils poussent, jamais. quand ils sont poussés .

Je ne m 'habituais pas à cette répartition inéquitable des désespoirs et des effusions. Je croyais à l'égalité fon­damentale des êtres, à la ressemblance parfaite du kilo de plomb et du kilo de plume .

J 'étais né et j 'avais, vécu avec l'édénique vision d'hommes solidaires autour du feu, tous égaux et chaleureux, éplu­chant ensemble les oranges et les cacahu~tes , écalant les uns pour les autres les châtaignes et les noisettes, au temps des noix vertes et du vin de cerneaux.

Je me suis habitué à l'injustice, je peux à présent la regarder dans les yeux sans me désagréger.

Je peux assister au naufrage d'une vocation, au piétine-

OI,OIT ET LIBERTE - N° 260 - MARS 1967

ment d 'une chevrette, au lourd et stupide travail d 'unt: verrotière sans crier à l'iniquité.

Longtemps j 'ai cru que je ne m 'y habituerais pas, qu'il me fallait changer tout ce monde, prendre notre Univers. à l'envers et, prestement, le remettre à l'endroit.

Et quand je disais : le pauvre! de braves gens derrière moi , voulant me prendre au mot, me disaient: toi qui es fort , suppr ime la pauvreté!

Et quand je disais: le malheureux! de braves gens der­rière moi me disaient : toi qui es fort, supprime le malheur 1 .. ,

Je me souviens de l'arrivée de mes cousins, les Groberg, après la Libération. Ils étaient hâves, dépenaillés, exté­nués comme des qui avaient beaucoup voyagé. Ils venaient des camps de personnes déplacées' et de plus loin, avant , Treblinka, Maïdanek et autres endroits malsains.. Ils étaient cinq, quatre frères et une sœur, cinq survivants. Ce qu 'ils avaient fait , ce qu'ils avaient vu ne se raconte pas bien .

Je me souviens du départ et de l'arrivée de la statue d'Etienne Dolet. La statue de Dolet n 'avait fait de mal à personne, ça ne l'avait pas empêchée d 'être déportée. Il fu t un temps où l'on transformait les statues en bom­bardiers, la chair humaine en savon. Il viendra peut-être un temps où l'on transformera l'Acropole en plutonium et la chair humaine en poudre à récurer.

Mon projet, ce sont l'insurrection du ghetto de Varsovie, les combats de la Résistance et la déportation de la statue d'Etienne Dolet qui me l'ont inspiré.

.. . A Lyon, tous les ponts avaient sauté, dans, l'Ecriture aussi les ponts sautent, mais le troupeau arrive à desti­nation. Le long du quai de la Saône, la synagogue illu­minée recevait les survivants. C'était une longue litanie d'interrogations, il en manquait des croyants , c 'était Pou­rim ou veille de Kippour, les, gens avaient l'air étonné, abasourdi, ils sortaient d 'une nuit noire, n'y croyaient pas encore tout à fait, et reprenaient leurs prières, leurs obsti­nées invocations. Dans les lointains crépitait le canon, et plus loin encore, dans la proximité de l'Etre Suprême, crépitaient les vœux, les adieux, les dernières, recomman­dations des fusillés , déportés, défenestrés, décapités de la Résistance et de la Déportation. Ce sont ces souvenirs que je voudrais enterrer. Ces. trains qui déraillaient, ces ponts qui sautaient, ces cachettes, ces embuscades, ces familles terrées au 10' étage d'un petit gratte-ciel de la Croix-Rousse presque tout à fait dans les nuages, presque à l'abri, n 'eût été cet escalier.

. .. Il y a une Bête dans les entrailles de la Terre. DaI).s la profonde profondeur de la Terre, dans les tortueux boyaux de ses tranchées, dans les sous-sols de ses fondrières , il y a une Bête qui avance en rampant.

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L'ENTERREUR

-+ Les hommes ont peur de cette Bête qu'ils ont connue à

l'état larvaire et dont ils ne savent pas exactement en quoi elle s'est transformée. Les hommes savent qu'ils auraient dû la tuer, avant de j:onstruire leurs fusées. Ils auraient dû organiser une expédition pour la capturer. Rationnel­lement, les hommes et leurs gouvernements auraient dû protéger la Terre et ses habitants contre la Bête, l'encer­cler, l'enfermer, boucher les gouffres, les souterrains inexplorés, bétonner les interstices des chausliées.

Mais ils étaient trop effrayés, plus effrayés encore à la pensée de la rencontrer, de se trouver nez à nez avec elle; qu'à celle de la pourchasser.

Toute la convention mondaine, toute la convention civi­lisée, consiste à ne pas parler d'elle, à · sous-entendre la Bête sans jamais la nommer, à fonder famille, à prévoir l'avenir en tenant compte d'elle (tout en se gardant de la nommer).

Toute la . quintescence du savoir-vivre, le raffinement su­prême, consiste à être courtois aux réceptions, à comin er­cer dans la bonne entente, à s'envoyer des délégations., à négocier en . se fondant sur la notion de Progrès et à trembler d'effroi à la moindre éclipse, au moindre défaut de surveillance, du haut des tourelles, à l'idée que n'appa-raisse la Bête et qu'un homme ne la voie! . Lori~temps j'ai cru pouvoir échapper à cette obsession,

connaItre son existence, lei possibilité. qu'il y a de la voir réapparaître et m'en accommoder.

... Je n'étais pas ~é pour la négligence. J'étais né pour faire correctement mon métier. Je prenais exemple non sur· les insouciants, les amateurs de travail bâclé, mais · sur les ouvriers consciertcieux qui ont le goût de la belle ouvrage et qui veulent finir ce qui doit être terminé.

... D'ailleurs, si j'ai été le preIlÜer, je crois bien que je ne serai pas le dernier. Les hommes sont destinés à devenir immortels. Si ce n'est aujourd'hui, ce sera demain : la science les rendra immortels, il n'est pas une songerie de notre enf~ce qu'elle ne puisse accomplir. ÉlIe remplacera paumons, .vessie, cœur et reins, elle nous congèlera, et un beau matin, beaux et belles au frigo · dormant, nous nous éveillerons pour l'éternité.

Dès lors, ou ·bien les hommes renonceront d'eux-mêmes à l'immortalité (refuseront par écrit, devant notaire avec testament et codiciille, l'état congelé), ou bien, immortels sur · une terre surpeupJée; ils · reviendront d'eux-mêmes à

. l'ancienne solution : la guerre, encore une fois la guerre, II!.ieux planifiée.

Le métier d'enterreur sur une grande échelle deviendra spécialisé comme celui de marchand de canons. On prendra l'habitude d'avoir recours à des hommes d'envergure, tech­niciens qualifiés, chefs d'entreprise, ayant organisé leur affaire à l'échelle cosmique et enlevé le marché par adju-dication... .

Délices dll monde entier

PLAT DE PORC AUX BANANES VERTES

Pour 4 personnes : 4 côtes de porc de la grosseur voulue ; 4 ba­nanes à peine mûres ; 60 g de beurre ; 1 petit verre de rhum. Sel, poivre de Cayenne, gingembre en poudre, 2 échalottes.

Faites c.wire les côtes de porc à feu lent, 10 minutes de chaque côté, avec un peu de beurre. Paral­lèlement, faites sauter dans le reste du beurre les bananes, épluchées et coupées en deux dans le sens de la longueur, dans une deuxième poêle, avec les échalotes finement émin­cées, un peu de sel, du poivre et une petite cuillerée de gingembre en poudre. Lorsque les bananes sont dorées; versez le rhum, ap­prochez une allumette et flambez. Salez légèrement les côtes de porc, présentez-les sur un plat de ser­vice bien chauffé, chaque côte re­couverte de sa portion de bananes et arrosez avec les deux jus réunis.

Si vous ne possédez , pas deux poêles de taille suffisante, com­mencez par les côtes - que vous tiendrez au chaud dans un four doux, sur leur plat de service -et servez-vous de la même poêle (sans la laver) pour faire sauter · les bananes.

DROIT ET LIBERTE· No 260 • MARS 1967

CECIL RHODES : .. L'ARGENT, C'EST LE SANG DES AUTRES .• _ •

Ce dessin de Caran d'Ache parut dans Le Rire en 1900, à l'époque où Rhodes fonda son empire minier .. rhodésien -, au prix de . combats san­glants, de massacres et de déplacements massifs de population.

BETES ET MECHANTS Satan anime les lti!fs et je les vois •

avancer par s on instinct. (Bossuet)

Une de leurs . victimes, de race fran­çaise, a prétendu que, . dans lès accouche­ments laborieux, le tintement d'une pièce d'argent près de la patiente s~ffisait pour faire apparaîtrelè moutard juif, les mains téndues. (Fernand Grégoire : ~ J,.a juiverie algérienne ", 1888) .

CONNAISSEZ-VOUS .9 L'AMERIQUE e

Voici notre .. Jeu antiraciste ». 11 est consacré, dans ce numéro, à divers aspects plus ou moins connus de l'Amérique. Soulignez la réponse que vous croyez juste. Vérifiez la justesse de vos réponses en page 42 et comptez vos points.

De 1 à 5 points ... hum ? De 6 à 10 points, vous vous êtes déjà intéressés à ce continent. De 10 à 14 points, votre antiracisme . est conséquent. De 14 à 20 points, vous êtes très fort 1

Réponse Points 1. Le~ .populations Indiennes d'Amérique sont d'origine

aSiatique . . .. . . . . . . .. . . . . , . .. .. " . . OUI NON 1

2. Les Incas formaient l'ethnie traditionnelle la plus répan-due en Amérique latine . . . . , .' .. .. . . .. . . .. .. OUI NON 3

3. L'Alaska est peuplé en majorité de Lapons .. _ . . ' .. . . OUI NON 2

4. Au XVIe siècle, les conquérants espagnols furent rejetés à la mer plUSieurs fois avant de pouvoir prendre pied sur le continent américain .. .. .. .. . . .. .. . . .. OUI NON 2

5. ,L'empire aztèque fut contemporain du Bas-Empire romain OUI NON 3 6. L'empire mexicain des Toltèques dura pendant plus

d'un millénaire . . . . . . . . .. .. . . . . .. .. .. . . . . OUI NON 3 7. L'empire maya fut contemporain de l'empire franc ({es

Carolingiens .. ... .. .. .. . • .. . . .. .. . . .. .. . . OUI NON 3 8. La langue espagnole est la langue officielle da~s tous

.Ies pays . d'Amérique latine .. . . .. .. .. . . . . .. " OUI NON 1 9. . Le ,Pérou a la même superficie que la France .. OUI NON 1

10. l.'Amazone est le fleuve le plu. long du monde OUI NON

(Réponses en page 42)

41

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CONNAISSEZ-VOUS L'AMÉRIQUE '1 (Réponses de la page 41)

1. OUI. - D'après les travaux les plus récents, elles seraient IFenues d'Asie centrale. par la Sibérie et l'Alaska. à une date relativement récente : vingt mille ans avant Jésus-Christ. environ. Certaines ethnies sud-américaines pourraient être d'origine océanienne, et venues par mer.

2. NON. - Le mot. Inca • . ne désignait pas à l 'origine une ethnie. Un • Inca. était un chef de famille; au sommet, l'. Inca. était J'Empereur-Dieu. Le nom ethnique de ce peuple était • Quichua., C'est par généralisation que le terme • Inca. servit à déSigner le peuple entier.

3. NON. - Les Lapons vivent dans les régions polaires d'Europe: Scandinavie, Finlande. U.R.S .S. Les habitants des régions polaires américaines sont les Esquimaux.

4. NON. - Ils furent d 'autant mieux accueillis qu'une ancienne prophétie aztèque annonçait la venue future de dieux blancs sortis de I·océan. Ce sont les Espagnols, éblouis par la richesse des Empires Indiens, qui ouvrirent les hostilités par un pillage et des tueries systé-matiques . .

5. NON. - Les Aztèques , venus du Nord n'arrlvèrent au Mexique qu'au début du 14' siècle; ils furent les fondateurs de Mexico (alors appelé Tenochtltlan) . .

6. OUI. - Les débuts de la civilisation toltèque datent du V' siècle avant Jésus·Chrlst. L'apogée de l 'Empire commence au X' siècle de notre ère. L'Empire fut détruit en 1225 par J'invasion des Chichimèques venus du Nord, qui adoptèrent la civilisation des vai}lcus.

7. OUI. - L'apogée de l'Empire maya se situe au VIII' slè,cle, à l'époque de PépJn-le-Bref et de Charlemagne. C 'est de cette époque que datent les célèbres pyramides et palais de la presqu 'Ile du Yacatan . Car l 'Empire maya était voisin de J'Empire toltèque.

8. NON. - Même si l 'on excepte les Guyanes (où 1'0" parle ang)als, français, hollandais) et les Iles des Antilles (.où la langue espagnole est juste majoritaire). le Brésil, qui couvre à lui seul près de la moitié du continent sud-américain (8,5 millions de kilomètres carrés sur un total de 17,5) a pour langue le Portugais. '

9. NON. - Le Pérou, avec 1,28 ,million de kilomètres carrés, est grand comme deux fois et demie la France.

10. OUI_ - Il mesure 7.025 kilomètres de long.

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