Mihai Eminescu 2

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Mihai Eminescu Le lac Les nénuphars jaunes emplissent Le lac des forêts comme argent Il fait se balancer la barque Et tressaille en cercles blancs. Je passe tout au long des rives zet je m'attends à chaque pas Qu`elle surgisse des roseaux Et qu'elle tombe dans mes bras. Nous sauterons dans notre barque Par la voix des eaux enivrés, J'abandonnerai le timon. Laissant les rames m'échapper; Nous flotterons saisis du charme Sous cette lune rayonnante -- Le vent bercera les roseaux Les eaux chanteront ondoyantes ! Mais elle ne vient pas... Tout seul Je soupire, je souffre en vain, Les yeux perdus sur mon lac bleu, Qui de Iourds nénuphars est plein. Fleur bleue - Tu replonges dans les étoiles, Les nuages, les cieux infinis? O âme de toute ma vie. Eloigne de l'oubli le voile.

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Mihai Eminescu

Le lac 

Les nénuphars jaunes emplissentLe lac des forêts comme argentIl fait se balancer la barqueEt tressaille en cercles blancs.

Je passe tout au long des riveszet je m'attends à chaque pasQu`elle surgisse des roseauxEt qu'elle tombe dans mes bras.

Nous sauterons dans notre barquePar la voix des eaux enivrés,J'abandonnerai le timon.Laissant les rames m'échapper;

Nous flotterons saisis du charmeSous cette lune rayonnante --Le vent bercera les roseauxLes eaux chanteront ondoyantes !

Mais elle ne vient pas... Tout seulJe soupire, je souffre en vain,Les yeux perdus sur mon lac bleu,Qui de Iourds nénuphars est plein.

Fleur bleue 

- Tu replonges dans les étoiles,Les nuages, les cieux infinis?O âme de toute ma vie.Eloigne de l'oubli le voile.

En vain des rivières solairesDans ta pesée tu réunis,Les Iarges plaines d'Assyrie,Même la ténébreuse mer;

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Les pyramides au grand jourElèvent leur sommet hautain --Ne cherche pas dans le lointainLe grand bonheur, ô mon amour!

La mignonne me dit ainsi,Tout en caressant mes cheveux,Ah, dirent vrai ses mots heureux,Et moi j'ai ri, je n'ai rien dit.

- Viens au bois plein de délices,Où sources pleurent dans les vaux,Où Ie rocher se penche tropVers le grandiose précipice,

Sous les arbres au doux murmure,Près du roseau qui nous écouteEt de l'étang qui nous envoûteParmi Ies feuilles et les mûres.

Tu me diras contes de féesMentant de ta bouche gertilleAlons qun brin de camomilleDira si ton amour est vrai.

Je serai alors toute rougeSous le soleil qui brille fort,Je défairai mes cheveux d'orPour te remplir ainsi la bouche.

Si tu me donnes un baiserPersonne au monde ne saura,Car mon chapeau le cachera --Cela ne peut les concerner!

Lorsque la lune tout d'un coup

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Dans notre nuit aura surgiTes bras me lèveront ainsi,Mes bras entoureront ton cou.

Sur le sentier sous le feuillageVers le village descendant,Nous cueillirons embrassementsDoux comme fleurs qui se cachent.

Et arrivant devant la porteNous parlerons sous le soir dout:Qui peut donc se soucier de nous,De cet amour que je te porte?

Un baiser, elle part sous l'houre ...J'etais un pilier sous lune molle!O combien belle, combien folleEst ma fleur bleue, ma douce fleur!

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Et tu t'en fus, douce merveille,En est mort notre amour fougueux --Douce fleur bleue, douce fleur bleue !...C'est bien triste sous le soleil.

O reste 

«0 reste, reste pres de moiPuisque je t'aime tellement !Moi seule je sais ecouterTes nostalgies, desirs ardents;

Dans l'obscurite de mes ombres

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A un prince je te compare,Qui regarde aux trefonds des eauxAvec ses yeux sages et noirs:

Et par les vagues qui mugissent,Par les ondes de l'herbe antiereJe te fais entendre en secretLa marche des troupeaux de cerfs;

Je te voi ravi par le charmeMurmurer de ta douce voix,Pendant que tu tends le pied nuDans l'eau limpide au pur eclat

Et regardant sous clair de IuneVers le lac aux ardents rayons,Tes anees semblent des instants,Les instants siecles sembleront.»

Ainsi dit la calme foret,Sa voutes sur moi balançant;Mais je sifflais a son appelEt je sortis au champ en riant.

Aujourd'hui si j'y revenaisJe ne la comprendrais plus guere...Ah, mais où at-tu mon enfance,Avec ta foret, ton mystere?

Au long des peupliers 

Au long des peupliers en vainJe suis souvent passé,Me connaissaient tous les voisins-Mais tu m'as ignoré.

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Vers ta fenêtre qui brillaitJe regardais éprisQuand tout un monde comprenait-Tu ne m'as pas compris.

Combien de fois, mon grand amourRéponse a attendu!Si tu m'avais donné un jour,Heureux m'aurais rendu;

Si l'on avait été amisDans notre tendre ardeurEn écoutant ta bouche ainsi,Une heure et que je moure.

Si tes yeux m'avaient donnéRien qu'un seul rayon,Une autre étoile aurait brûléDevant les horizons.

Tn eusses vécu à jamaisAu long des temps, des viesAvec tes bras prenant l'aspectDu marbre froid exquis;

Image toujours adorée,N'ayant plus de pareillesLes fées qui viennent des contréesOù naissent les merveilles.

Aux yeux païens je t'aimais tantAux yeux si lourds de peineQue me laissèrent les parents,Ma race très ancienne.

Aujourd'hui je ne regrette

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Que moins souvent j'y passe,Qu'en vain se pencbe encor la têtePour me revoir, hélas !

Car tu ressembles maintenantAux autres dans ton port,Je te regarde indifférentDe l'oeil glacé de mort.

Mais tu devais t'abandonnerA ce profond mystère,Et sous l'icône rallumerBougie d'amour sur terre

Au milieu de la forêt 

Au milieu de la forêtViennent les oiseaux sans arrêtDe la coudraie fort ombrageuse,A la clairière joyeuse,Clairiere pres de l'étangQui, aux grands roseaux ondoyants,Se balance ainsi dans Ies ondes.Pénétré dans ses eaux profondesPar la lune, par le soleilPar les oiseaux comme merveilles,Par les étoiles éternelles,Par les volées des hirondellesPar le visage de ma belle.

Glose 

Le temps passe, Ie temps vienttout est ancien, tout est nouveau;

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Ce qui est mal, ce qui est bienPèse et médite à tout propos;N'espère pas et n'aie pas peur,Ce qui est flot en flot s'en va,Si on te mande ou on te leurre.A toute chose reste froid.

D'innombrables choses on voit,On en entend sonner beaucoup,Qui pourrait retenir cela,Et qui pourrait écouter tout?. .Toi, tu dois t'asseoir d'un côté,Tc retrouvant dans ton maintien,Dans les bruits de la vanitéLe temps passe, le temps vient.

Que ne penche pas son aiguilleLa balance du froid penseurVers l'instant léger qui oscillePour le faux masque du bonheurQui surgit de sa mort peut-êtreEt retombe dans le chaos;Pour celui qui peut le connaîtreTout est ancien, tout est nouveau.

En spectateur au grand théâtreDans ce monde imagine-toi:Sous masques tristes ou folâtresSon jeu, tu le devineras.S'il se dispute ou s'il en pleureTu dois méditer dans ton coinPour saisir dans leur art trompeurCe qui est mal. ce qui est bien.

Car l'avenir et le passéSont les doux faces de la feuille,

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Voit tont au bout le point d'entréeCelui qu'exerce son oeilTnut ce qui fut ou qui seraSr trouve dans les faits, les mots,Quant à leur vanite déjàPese et medite a tout propos.

Aux mêmes moyens destinésSe soumet tout ce qui existeEt depuis des milliers d'annéesLe monde est gai, le monde est tristeD'autres masques, la même pièce,D'autres voix, mais te même choeur,Même trompé, dans ta détresseN'espere pas et n'aie pas peur.

N'espère pas quand les salaudsPour le trionphe se battrontIls l'emporteront, les idiotsMalgré ta belle étoile au front:Ne t'en fais pas, ils vont chercherEntre eux-mêmes se ployer bas,Ne sois jamais leur associé:Ce qui est flat, en flat s'en va.

Pareil à un chant de sirène,On vous attire en guet-apens;Pour chancher les acteurs. sur scèneOn vous attrappe en vous leurrant';A côté glisse vite et sors,Ignore leurs propos flatteurs,De ton sentier en dehors.Si l'on te mande ou on te leurre.

Evite cependant leurs coups,Face aux calomnies tais-toi bien;

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Renonce à tes conseils surtoutSi tu connais leurs vrais moyons;lls peuvent parler à leur aise,Vive en ce monde qui vivraEt afin que rien ne te plaise,A toute chose reste froid.

A toute chose reste froid,Si l'on te mande ou on te leurre,Ce qui est flot en flot s'en va,N'espère pas et n'aie pas peur;Pese et medite à tout proposCe qui est mal, ce qui est bien,Tout est ancien, tout est nouveau:Le temps passe, le temps vient.

A mes critiques 

Il y a beaucoup de fleurs, mais peuD'entre elles fruits au monde portent,Frappent aux portes de la vie,Pourtant s'teffeuillent beaucoup mortes.

C'est facile à faire des versQuand on n'a rien à dire au fond,Enfilant de vides parolesQui dans les queues résonneront.

Mais quand ton coeur ardent pétritGrandes passions et vifs désires,Quand ton esprit essaie toujoursD'en écouter tout le délire,

Eu fleurs aut portes de la vie,Frappent aux portes des pensées,

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Tous exigent entrée au monde,Et les vêtements du parler.

Mais pour tes propres passionsEt pour ta proprc vie, hélas,Où se trouvent pourtant les juges,Les implacables yeux de glace?

Alors tu crois bien que sur toiLe ciel est en train de tomber:Où trouveras-tu les parolesQui expriment la vérité?

O critiques dont les fleurs vainesJamais de fruits ne porteront -C'est facile à faire des versQuand on n'a rien à dire au fond.