Migrations internationales, transferts de fonds et ...
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Pr.CHAABITA Rachid
Enseignant - chercheur Université Hassan II- Casablanca.
Directeur du Laboratoire Actuariat, Criminalité Financière et Migration Internationale
Responsable de CERMID
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Tel : 00212660737000
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Migrations internationales, transferts de fonds et développement socio-économique au Maroc :
une analyse empirique
28ème Congrès international de la population Cap Town, Afrique du Sud
29 octobre - 4 novembre 2017
Introduction.
Selon les estimations de la banque mondiale en 2011, les transferts de fonds effectués
par les émigrés vers leurs pays d‟origine ont atteint 406 milliards de dollars dans le monde
dont 86,45% vers les pays en développement. Au Maroc, ces transferts constituent une source
importante de revenus pour les populations et de devises pour le pays. Les transferts de fonds
constituent un indicateur important pour analyser l‟émigration. Globalement, les transferts
effectués par plus de trois millions de marocains résidant en Europe rapportent davantage de
devise. Permettant, d‟une part, de venir en aide à une famille nombreuse de telle manière que
On estime que plus de 16% de la population marocaine bénéficie de tels fonds1 (R.Chaâbita
2007), d‟autre part, de réaliser une promotion sociale et d‟être à l‟abri du besoin. D‟ailleurs.
Sans ces transferts plus de 30 mille ménages marocains auraient été comptés parmi les
couches pauvres. À quelque chose malheur est bon. Le récent essoufflement des transferts de
MRE devrait pousser le Maroc à revoir ses actions en faveur de cette communauté. Les
actions du gouvernement marocain devront à présent prendre en considération le statut
«citoyens-acteurs de développement » des MRE et non plus seulement les considérer comme
simples pourvoyeurs de devises. Malgré, de nouvelles tendances sans lien avec la crise, qui
sont de nature à affaiblir les flux futurs de transferts MRE, et sur lesquels il est possible d'agir.
C'est bien la crise internationale qui a provoqué un essoufflement de ces transferts. Les
travailleurs migrants demeurent exposés à l‟incertitude pesant sur l‟économie de leurs pays
d'accueil. Ceci, sachant que la crise internationale a déjà aggravé les chiffres de l‟emploi au
sein de cette communauté. Les MRE installés en Europe affichent en moyenne un taux
d'activité inférieur à 30%, alors même que 69% des actifs sont employés comme ouvriers.
Pour bien comprendre les implications d'une telle situation, il suffit de rappeler que les MRE
d'Europe représentent 80% de la communauté marocaine établie à l‟étranger et 90% des
transferts provenant de toute la communauté MRE de par le monde
1 On estime que plus 10% des Marocains résident actuellement à l‟étranger, plus de 600.000 d'entre eux transfèrent des
fonds. Si leur famille au Maroc est constituée de 3 personnes (ce qui est minimum, en moyenne un ménage marocain est
constitue de 5 personnes selon le recensement de la population 2004), cela signifie que plus de 4,8 millions de Marocains
bénéficient des fonds des Résidents Marocains à l‟étranger, soit 16 % de la population.
Chapitre1 : les retombées socio-économiques de rapatriements des épargnes des
Résidents Marocains en Europe (RME).
Section I : Analyse de l’évolution des transferts de fonds des RME
Si effectivement les retombées de l‟émigration marocaine ont eu d‟importants impacts
sur l‟économie marocaine, en particulier concernant l‟entrée de devises et l‟entretien et la
survie de plusieurs milliers de familles. Il est difficile d‟estimer ou de donner avec exactitude
le volume des transferts à destination du Maroc, car ils s‟effectuent par une multitude de
voies. En effet, à côté des transferts empruntant les canaux officiels (banque et poste), les uns
arrivent sous forme liquide apportés par l‟émigré lui-même ou par des messagers. Et les autres
sont rapatriés sous forme de marchandises. Cette dernière catégorie représente selon le Haut
Commissariat au Plan des montants considérables qui peuvent atteindre jusqu‟a 25% des
transferts globaux2. Elle comprend les effets personnels des émigrants, du mobilier, des biens
de consommation durable, notamment les voitures particulières, des articles électroménagers
et du matériel électronique.
Les transferts qui ont transité par les banques et la poste sont passés, comme le montre
le graphique n°1, de moins de 40 millions $ en 1970 à 5,5 milliards de $ en 2006 et a chuté
5,022 milliard $ en 2009. Entre ces deux dates, les transferts ont connu une augmentation
assez régulière (mais depuis la mise en place de l‟Euro, ces flux ont connu une évolution
importante), mis à part la baisse observée en 1982 (suppression de la prime de parité entre le
dirham et les devises), la diminution remarquée en 1988 (nouvelle suppression de la prime de
change), et la réduction qui s‟est opérée entre 1993 et 1995 (la campagne de lutte contre la
culture du cannabis) et le tassement constaté au début juillet 2008 et 2009 (diminution de
3,6% par rapport à 2007) résultat de la crise financière internationale et le début de l‟opération
contre le trafic et la commercialisation du cannabis. L‟année 2009 a enregistré déjà une
diminution par rapport à 2008 de 5%. En 2016 ces transferts ont dépassé six milliards de $.
2 CERED 1998
Graphique n°1 : Evolution des transferts de fonds des RME en 106 $
(1960-2016)
Source de données : Office des changes
De ce qui précède, on remarque une évolution notoire des transferts des RME, mais
elle ne se fait pas de façon linéaire puisque le volume des transferts de fond des RME dépend
d‟une série de facteurs économiques, financiers, démographiques et sociologiques. Parmi ces
facteurs on cite :
* d‟une part, le changement de mentalité des jeunes de la deuxième génération en adoptant
leur mode de vie sur le style européen, entraînant par conséquent un nouveau modèle de
consommation et, donc une baisse de rapatriement.
* d‟autre part, Les variations enregistrées au cours d‟une année dans le mouvement des
transferts sont dues aux besoins qui diffèrent d‟un milieu à l‟autre :
En effet, dans le milieu rural, ce sont en général les besoins liés à l‟entretien de l‟exploitation
familiale. Ces besoins peuvent augmenter dans les périodes de la saison des semences, de
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
1960 1976 1986 1996 2006 2016
labourage, de moisson ou dans les périodes de sécheresse3. Ces transferts peuvent servir à
diminuer de sévères contraintes de crédit4.
Alors, dans le milieu urbain ce sont le loyer, les frais de scolarité, de mariage, de
naissance, de soins de santé, ou d‟Aïd El Kebir, Aid El Fetr… ou toutes autres charges
sociales qui expliquent cette variation à court terme5.
Par ailleurs, les données statistiques ont montré que l„évolution des montants des
transferts dépend surtout de la variation du taux de change, de la variation du taux d‟inflation
et la variation de la pluviosité. Pour cerner leur effet sur cette évolution on a estimé un modèle
économétrique expliquant le montant des transferts (en volume) par ces trois variables.
La période d'observation s'étale de 1967 à 2015.
Log (Yt) = 2,17 log Xt + 1,84 log Zt + 2,28 SECH + 4,16
(6,04)* (2,13)* (2,51)* (2,09)*
R2 = 0,87 -- DW = 1,82
- * Seuil de signification à 1%, (.) = test de student
Où Yt= Le volume du transfert des RME ; Xt= Le taux de change Zt : Le taux d'inflation ; SECH : Sécheresse pour tenir compte des effets climatiques
Le R
2 = 0,87, étant proche de 1, cela signifie que 87 % de la variation du volume des transferts
est expliqué par l'influence de la variation du taux de change, du taux d'inflation et de la
sécheresse. Le test de student montre que le cours de change et le taux d'inflation expliquent
d'une manière pertinente l'évolution des transferts. Le taux d‟inflation agit positivement sur
l‟évolution des transferts de fonds des RME. Ceci montre que les RME essayent toujours de
garder leurs dépenses à un niveau fixe pour maintenir leurs épargnes. Surtout que dans certains
pays comme la France, une augmentation des prix est suivie par une augmentation des salaires
(indexation des salaires)6. De plus, les anticipations inflationnistes entraînant l‟augmentation des
placements financiers des émigrés surtout vers le pays du départ7. Ceci les pousses à augmenter
leurs épargnes tout en gardant leurs dépenses fixes. La variable « sécheresse au Maroc », traduit
l‟intensité des besoins de ménages marocains, en milieu rural en particulier, en revenus
d‟appoint. Selon le modèle cette variable a un effet sur les transferts, En effet les besoins 3 « Le grand nombre de mandats (2 mandats en moyenne par mois) lors de l‟automne et de l‟hiver s‟explique par le besoin
d‟argent lors de la période entre labours et moisson : les agriculteurs n‟ont plus rien pour vivre et un grand nombre d‟émigrés
sont d‟origine rurale ». Mohamed Charef : (l‟émigration vers l‟étranger et l‟utilisation des transferts monétaires) (1983), in
Hommes et migrations, Paris, N°1057, pp 8-14. 4Benois Dostie et Désiré Vencatachellim, « Transferts volontaires et transferts coercitifs : impact sur le travail
domestique féminin en Tunisie », in « Le développement face à la pauvreté », pages 247-262, Ed Economica
2006. 5 « Le montant varie selon les occasions (fête de ramadan, mariage, fête de mouton,..). La moyenne la plus élevée se situe au
mois de septembre, c‟est la période de rentrée scolaire », Mohamed Charef (1983). 6 Patrick Artus et Pierre Morin, « Mécanismes économiques : Analyses pour la politique économique », édition
Economica (1987). 7 G.Tapinos (1974).
augmentent dans les périodes qui coïncident avec la saison des semences, de labourage, de
moisson, au cours des périodes de sécheresse les transferts se multiplient par deux en
moyenne 8(mais ce n‟est plus le cas depuis 2008). D‟ailleurs plusieurs études
9 ont montré que
ce sont les régions rurales arides ou plus touchées par la sécheresse qui envoient plus des
émigrés afin de bénéficier des transferts.
Section II: Le poids des transferts de fonds des RME dans l’économie
Marocaine :
Il faut souligner par ailleurs, que Même s‟il est difficile d‟estimer avec exactitude le
volume des transferts de fond des RME, ils ont eu d‟importants impacts sur l‟économie du
Maroc. Ceci nous conduit à analyser dans ce qui suit les effets de ces transferts au niveau de
l‟économie nationale, au niveau des familles des émigrés qui vivent au Maroc et au niveau
des régions de départ.
En effet, on remarque le caractère important des transferts au regard du PIB, ils en représente
en moyenne un pourcentage de 7,5% du PIB.
De même, les transferts apparaissent comme un moyen de couvrir une partie du déficit
des échanges extérieurs. Le Maroc dépend encore de cette source de devises pour couvrir prés
plus de 50% du déficit commercial. Mais en fait notre pays compte beaucoup sur ces
transferts, non seulement, pour alimenter ses réserves en devises, mais également pour
subvenir aux besoins des familles des émigres restés au Maroc.
En fait, Les transferts n‟ont pas eu seulement d‟impact sur les familles immédiatement
concernées, mais du fait de leur redistribution dans les circuits économiques, ces capitaux ont
influencé également ceux qui ne sont pas exposés à l‟émigration, d‟où une généralisation de
leurs effets sur le milieu d‟origine (Chaabita 2007).
Les effets des transferts de fonds par les RME se traduisent au Maroc par une
urbanisation importante10
, exprimée par une croissance immense de la superficie construite,
8 Mohamed Charef : « L‟émigration vers l‟étranger et l‟utilisation des transferts monétaires », (1983), in Hommes et
migrations, Paris, N°1057, pp 8-14. 9 - Ali Ben Salah, N (1986) « Migration of labour and the transformation of the economy of the wedinoon region
of Morocco » Georgafika regionstudier n° 17, Uppsala.
-Ait Hamza, M. 1988, « Migration internationale et changement dans les compagnes. In Agoumy, T et
A.Bencherifa : la grande encyclopédie du Maroc : Géographie Humain. Gri : 127-130
-Bencherifa, A (1997), “Migration internationale et développement agricole au Maroc”, in « migration
internationale », actes de séminaires 6 et 7 juin 1996, Rabat. CERED 1997.
Fadlallah Mohamed Fellat, « Transferts et politique d‟incitation aux investissements des émigrés », in
« migration internationale », actes de séminaires 6 et 7 juin 1996, Rabat. CERED 1997. 10
- « Population et développement » CERED 1998,
- « Migration internationale et changements sociaux dans le Maghreb », colloque international, Tunis (1993).
- et « Tendances des migrations internationales », OCDE 1992.
mais également par la transformation des structures économiques des villes recueillant les
investissements des émigrés.
Ces effets ont touché également les campagnes. La diffusion d‟une micro-urbanisation
liée aux transferts intéresse pratiquement toutes les zones marginales, comme les régions
montagneuses (telle que la campagne rifaine), ces petits centres, hier encore douars ruraux,
s‟installent de plus en plus dans l‟urbanité grâce à l‟action des émigrés.
Cette diffusion de l‟urbanisation dans les campagnes signifie également la diffusion
d‟un mode de vie donné, d‟un mode de consommation nouveau, des relations et des rapports
nouveaux au sein des collectivités (il est devenu rare de rencontrer des ruraux dont
l‟occupation unique soit l‟agriculture)11
.
Toutefois les zones concernées par cet impact étaient, avant tout, des régions
économiquement pauvres, ayant donc un grand besoin de l‟argent épargné à l‟étranger. Mais
du fait même de leur pauvreté, elles offrent de faibles structures d‟accueil pour les
investissements des RME. Dans leur recherche d‟une rentabilité maximum des
investissements, les émigrés préfèrent des régions nettement plus développées, ce qui entrave
un développement régional équilibré.
Si on considère les différents types de projets12
de retour et les comportements de
transferts qui leur sont liés, on peut noter que l‟achat d‟une maison reste de loin le projet le
plus important. L‟achat d‟une maison étant envisagé comme un placement hautement rentable
(amélioration de leur cadre de vie) et « une sécurité par rapport à un avenir jugé incertain"13
.
Les dépenses effectuées pour la construction d‟un logement concernent plus de 50% des
investissements des émigrés au Maroc.
Tableau n°1: Répartition des transferts de fonds selon le secteur d’investissement au
Maroc (en %).
Secteur d‟investissement Urbain Rural Ensemble
Construction de logement
Agriculture
Artisanat, industrie
Commerce
Autres services
Achat de terrain
54,72
6,92
0,63
5,03
8,17
24,53
43,82
32,58
-
3,37
1,12
19,11
50,81
16,13
0,40
4,43
5,64
22,59
Source : CERED 1997
11
Article de Abdelatif Bencherifa « annuaire de l‟émigration »,1994 12
Construction de logement, agriculture, artisanat, industrie, commerce et achat de terrain. 13
Zoubair Chattou (1998) ; « Migrations marocaines en Europe : Le paradoxe des itinéraires », ed L‟Harmattan
1998.
Si la plupart des régions du Maroc sont dépendantes14
des apports financés des RME;
les régions du départ ne profitent pas totalement15
de ces transferts qui passent pour la grande
partie dans la consommation des familles d‟origine16
. Les montants estimés des transferts
destinés à l‟unique secteur de la consommation sont de l‟ordre de 9889 DH par foyer migrant
et par année (Chaabita 2007). A ce stade, on remarque que les envois de fonds ont un effet
dual17
:
* d‟un côté la relative aisance des familles, qui reçoivent les transferts, incite au départ de
nouveaux émigrants, soit de la même famille, soit d‟autres familles (effet d‟imitation et effet
d‟information) cela maintient l‟émigration même au niveau de la migration clandestine
(Chaabita 2010);
* d‟un autre côté, par leur volume et l‟affectation qui en est faite (en particulier le
logement18
), les transferts enracinent les familles au pays19
et réduisent les départs à l‟étranger
et l‟exode rural (effet revenu).
Chapitre 2 : Impact des transferts de fonds sur la croissance économique au Maroc
Substituabilité ou Complémentarité ?
Section I : Enjeux des transferts de fonds.
La principale limite du ratio des envois de fonds au PIB est qu‟il ne permet pas de
répondre à la question suivante : quel est le montant des gains de production générés dans
l‟économie grâce à un réinvestissement des transferts d‟argent dans des circuits productifs?
Pour répondre à une telle question, nous mettons en évidence le ratio des transferts d‟argent
au coefficient marginal du capital (ICOR) les résultats indiquent qu‟une utilisation des
transferts d‟argent dans des activités productives permettrait de générer dans l‟économie
Marocaine une production supplémentaire évaluée à 1,40 milliards de dollar US. Ce résultat
montre ainsi que les ressources transférées par les migrants marocains à leurs familles
d‟origine peuvent être sources d‟accroissement de la production, donc de la croissance
économique.
14
Zoubair CHATTOU (1998) 15
Z.CHATTOU (1998), CERED (1997), Annuaire de l‟émigration (1994). 16
- Dewitte Philippe (1999), « Immigration et intégration : l‟état des savoirs », éditions la découverte
- CERED 1998, - Z.Chattou 1998, - Colloque Tunis 1993. 17
G.Tapinos (1974). 18
- Dewitte Philippe (1999), « Immigration et intégration : l‟état des savoirs », éditions la découverte 19
Catherine Wihtole de Wenden (1987), « Les transferts de revenus et de biens des immigrés maghrébins vers
leur pays d‟origine », in Problèmes Economiques N°2046, 28 octobre 1987, pp 27-32.
ICOR (Incremental Capital Output Ratio) indique les gains de production générés par unité de
capital. Il est égal au rapport entre la variation du capital (investissement ou formation brute
de capital fixe) et la variation de la production (PIB) (Beja, Junvith et Ragusett, 2004).
Par ailleurs, si les transferts d‟argent étaient réinvestis dans des activités productives,
ils permettraient de générer des emplois supplémentaires dans l‟économie. Justement,
comment évaluer le nombre d‟emplois additionnels qui peut être ainsi créé ?
Pour ce faire, nous définissons un indicateur égal au produit entre les transferts d‟argent et le
coefficient marginal du travail (ILCR). Les résultats montrent qu‟une réorientation des
transferts d‟argent vers des circuits productifs permettrait de créer 0,9.106 emplois
supplémentaires dans l‟économie Marocaine entre 1960-2016.
« ILCR (Incremental Labor to Capital Ratio) désigne le nombre d‟emplois supplémentaires
créé par unité de capital. Il est égal au rapport entre la variation de l‟emploi et la variation du
capital (investissement ou formation brute de capital fixe) (Beja et al, 2004). »
Par ailleurs, un autre indicateur, qui souligne l‟importance du marché des transferts
d‟argent, est le ratio des envois de fonds aux exportations totales. Les transferts de fonds
opérés par les migrants en direction du Maroc représentent environ 30% les exportations
globales comptabilisées en 2016.
Section II : Analyse des données.
Variable dépendante : Taux de croissance du PIB réel
Variables indépendantes :
Taux de croissance passé (nous avons considéré 2 retards du taux de croissance du
PIB, à savoir le taux de croissance retardé d‟une année et le taux de croissance retardé
de deux années. Ces variables retardées permettent de voir comment le taux de
croissance passé influe sur le taux de croissance actuel)
Taux d‟inflation (la variation annuelle de l‟indice des prix à la consommation)
Degré d‟ouverture économique (est égal au ratio de la somme des exportations et des
importations au PIB. Dans l‟analyse économétrique, nous avons retenu le logarithme
du degré d‟ouverture économique comme variable indépendante)
Investissement (log du ratio de la FBCF au PIB)
Transferts de fonds
Développement financier (deux indicateurs: le ratio des engagements
totaux liquides (M3) au PIB (Ndikumana et Boyce, 2003) ; ensuite, le ratio des dépôts
au PIB).
Interaction entre transferts de fonds et développement financier (le produit entre le logarithme
le développement financier et les transferts de fonds (Giuliano et Ruiz Arranz, 2005)
Modélisation économétrique :
On a :
TCPt = a0+ a1TCPt-1+a2TCPt-2+ a3logTFMPt+ a4logDEFIt + a5(logTFMPt* logDEFIt) + a6Z t+ ɛt
Où TCP est le taux de croissance du PIB réel ;
logTFMP désigne le logarithme du ratio des transferts de fonds des migrants au PIB ;
logDEFI indique le logarithme du développement financier (les indicateurs de développement financier
considérés sont le logarithme de la taille du système financier ;
(logTSF) mesurée par M3/PIB et le logarithme du ratio des dépôts au PIB ;
(logDEP) mesuré par la somme des dépôts à vue, des dépôts à terme, des dépôts d‟épargne et des dépôts en
devises étrangères) ;
(logTFMP*logDEFI) est une mesure de l‟interaction entre les transferts de fonds et le développement financier ;
Z représente le vecteur des variables de contrôle incluant le taux d‟inflation (INF) mesuré par la variation
annuelle de l‟indice des prix à la consommation, Le logarithme du degré d‟ouverture économique (logDOUV)
estimé par le ratio de la somme des exportations et des importations au PIB, Le logarithme de l‟investissement
(logINV) mesuré par le ratio de la formation brute de capital fixe au PIB ; ε est le terme d‟erreur.
Pour corriger ces questions d‟endogénéité, nous avons instrumenté ces variables endogènes (transferts de fonds
et développement financier) par leurs valeurs retardées d‟une année.
Tableau n°2 : Transferts de fonds, développement financier et croissance au Maroc (1960-2014).
La variable dépendante est le taux de croissance du PIB réel.
Variables Exogènes (1)Taille du système
financier (TSF)
(2) Ratio des dépôts
au PIB (DEP)
TCP-1
(Taux de croissance du PIB retardé d‟une année)
-0,52
(2,58)**
-0,63
(3,15)***
TCP-2
(Taux de croissance du PIB retardé de deux années)
-0,63
(3,27)***
-0,71
(4,61)***
INF
(Taux d‟inflation mesuré par la variation de l‟indice des
prix à la consommation)
-0,075
(1,35)
-0,154
(1,46)
log (DOUV) (Degré d‟ouverture économique mesuré par le ratio de la somme des exportations et des importations au PIB)
-0,15
(1,72)*
-0,06
(0,11)*
log (INV)
(Investissement mesuré par le ratio de la formation brute de
capital fixe au PIB)
0,25
(1,53)
0,76
(1,06)
log (TFMP)
(Ratio des transferts de fonds des migrants au PIB
0,32
(1.84)*
0,21
(2.01)**
log (TSF) (Taille du système financier estimée par le ratio des
engagements totaux liquides au PIB)
1,25
(2,95)***
Interaction (logTFMP*logTSF) 0,32
(2,64)***
log (DEP) Ratio des transferts de fonds des
migrants au PIB 0,42
(2,982)***
Interaction (logTFMP*logDEP) 0,137
(3,51)***
Cte 1,45
(3,56)***
0,56
(5,26)***
Observations 53 53
R² 0,55 0,82
*Significatif à 10% ; ** significatif à 5% ; ***significatif à 1% (R.chaabita 2016)
Les résultats des régressions économétriques ont révélé que le développement
financier améliore l‟influence des transferts de fonds sur la croissance économique au Maroc.
Ainsi, toute politique visant à stimuler la croissance doit prendre en compte la nécessité de
promouvoir le système financier et les transferts de fonds des migrants. Deux axes de
politique économique peuvent être retenus pour améliorer l‟effet des transferts de fonds sur la
croissance au Maroc.
1er
axe: Pour améliorer l‟impact des transferts de fonds sur la croissance, il est fondamental
d‟utiliser les envois d‟argent des migrants plus efficacement en les canalisant davantage vers
des investissements productifs.
2ème
axe : Axe de politique économique à retenir pour améliorer l‟impact des transferts de
fonds sur la croissance est de faire en sorte que les ressources envoyées par les migrants
empruntent des circuits formels.
En utilisant la méthode des doubles moindres carrés, nous avons trouvé des résultats qui
indiquent que :
• l‟impact marginal des transferts de fonds sur la croissance économique au Maroc est
renforcé par le niveau du développement financier dans ce pays.
• la relation de complémentarité entre les envois de fonds et les instruments financiers
dans la promotion de la croissance économique au Maroc.
La partie de l‟analyse des données nous a permis à travers une modélisation
économétrique d‟étudier les relations de cause à effet existantes entre les transferts de fonds
des Marocains résidents à l‟étranger et le taux de croissance du PIB.
Ainsi, cette analyse économétrique nous a permis de conclure l‟existence d‟un impact
des transferts de fonds effectués par les MRE sur la croissance économique du Maroc tout en
mettant en évidence le lien de complémentarité entre les transferts de fonds et les instruments
financiers et les effets importants de ces deux facteurs sur le développement économique du
pays. A cet effet, les résultats obtenus grâce à la régression économétrique ont dévoilé
l‟importance de la bonne gestion des transferts de fonds des MRE par leur affectation dans
des investissements productifs par voie formelle afin d‟améliorer leur impact sur la croissance
économique du pays.
Ce qui précède a permis de conclure les éléments suivants :
Les transferts de fonds, une source d‟accroissement de la production, donc de la
croissance économique ;
les transferts de fonds, une source d‟amélioration de la position extérieure du Maroc ;
les transferts de fonds, une source de création d‟emplois supplémentaires dans
l‟économie ;
Les transferts de fonds, une source de réduction de la pauvreté à travers un accroissement
du revenu de chaque Marocain qui en bénéficie ;
Le développement financier améliore l‟influence des transferts de fonds sur la croissance
économique au Maroc ;
La nécessité de promouvoir le système financier et les transferts de fonds des migrants
pour stimuler la croissance économique ;
Les transferts de fonds doivent être utilisés plus efficacement en les canalisant
davantage vers des investissements productifs ;
L‟importance de l‟amélioration de l‟impact des transferts de fonds sur la croissance en
faisant en sorte que les ressources envoyées par les migrants empruntent des circuits formels.
Chapitre 3 : Les caractéristiques des résidents marocains en Europe et les facteurs
explicatifs des montants de transferts : utilisation de données individuelles.
Malgré ces informations issues des données macro-économiques, il était important
d‟étudier les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles de la population
émigrée ainsi que leur attachement à leurs familles, leurs aspirations de retour au Maroc et le
pourquoi de leurs transferts.
Pour cerner ces changements, il a été nécessaire de réaliser une enquête auprès de 404
des RME20
. La base de données tirée de cette enquête a été utilisée pour étudier les
caractéristiques des RME et analyser les déterminants de leurs transferts monétaires à l‟aide
de modèles économétriques.
Section I: Analyse préliminaire des résultats de l’enquête :
L‟échantillon ne comprend que les RME qui empruntent la voie maritime pour
retourner au Maroc.
Le mode d‟investigation choisi est celui du « porte à porte » : les enquêteurs
interrogeaient les chefs de ménages selon un tirage aléatoire systématique où le pas était de 5
familles. Cette méthode a permis d‟obtenir davantage de réponses, de s‟assurer que le
20
Dans ce sens, on s‟est rendu à la Wilaya de Tétouan (Bab Sebta, Fnideq, Madiaq, Tétouan) pour
l‟administration de l‟enquête, après avoir obtenu l‟autorisation du Ministère de l‟Intérieur : C‟est la seule région
d‟ailleurs dans laquelle le ministère de l‟intérieur nous a autorisée à réaliser l‟enquête, alors que nous avions
demandé à l‟effectuer dans tout le Nord du Maroc.
questionnaire21
a été correctement rempli et d‟avoir la possibilité de tirer le maximum
d‟informations surtout en incitant l‟enquêté à s‟exprimer ouvertement sur des sujets
personnels tels que les motifs des transferts, les montants rapatriés, etc.
Les résultats de cette enquête nous ont permis de tirer des informations sur les RME et
leurs comportements vis-à-vis de leurs transferts.
La population interrogée se compose de 70,6% d‟hommes et 29,4% de femmes. Il
s‟agit d‟une population qui était jeune à la veille de son émigration, puisque 88,9 % ont
émigré au plus tard à 26 ans. La jeunesse de cette population était plus accentuée en milieu
urbain où les moins de 20 ans constituaient 75,2 %, alors que 53 % de la population rurale
était âgée au moment du départ de plus de 25 ans. Au moment du départ, 47,2 % de cette
population (y compris étudiants et activités informelles) est sans emploi, dont 73,52 % résidait
en milieu urbain22
.
La grande partie de la population enquêtée a émigré entre 1983 et 1996, ceci étant dû
principalement à l‟augmentation du nombre des chômeurs au cours de cette période. En effet
selon le recensement de 1994, 1,33 millions étaient à la recherche d‟un emploi, alors que
l‟effectif enregistré au recensement de 1982 était de l‟ordre de 643.000. Le chômage qui
s‟est alors répandu concernait essentiellement les jeunes, d‟autant plus que l‟accroissement
démographique reste encore relativement élevé.
La considération des zones du départ montre que l'émigration marocaine provient
essentiellement des villes (68,05 %, dont environ la moitié (31,6 %) provient des grandes
villes] et non (directement) des régions rurales (17.93 % proviennent des régions pauvres). Il
est à noter que 35,9 % des émigrés sont issus du sud et 30 % du centre du Maroc (voir
tableaux 3 et 4).
Tableaux n°3 : Lieu de résidence avant le départ :
Lieu du Départ Pourcentage
Ville
Rural
68,05
31,95
21 Pour pousser l‟enquêté à collaborer davantage, seule 29 questions ont été retenues, courtes, faciles à comprendre et
suivant un ordre logique, d‟ailleurs deux questions seulement étaient ouvertes. 22 Si le phénomène du chômage est une réalité en milieu rural (plus de 400.000 chômeurs), c‟est en milieu urbain que se
concentre la majorité des chômeurs (prés de 7 sur 10). - recensement de 1994 -.
Tableau n°4 : Région de résidence avant le départ :
Région du départ Pourcentage
Nord (1)
Sud (2)
Est (3)
Ouest (4)
Centre (5)
27,14
31,9
5,5
9,42
26.04
(1) Tanger, Tétouan, Larache,…, (2) Marrakech, Agadir, Tiznit, Safi, Ouarzazate,... (3) Oujda, Figuig, Berkane,..., (4) Rabat, Salé, Fès, Mekhnès,…, (5) Casablanca, Settat, Khouribga
Sur les 1030 personnes ayant répondu au questionnaire, 876 ont accepté de révéler le
montant des transferts envoyés annuellement à leurs familles.
Afin d'obtenir une seule unité de compte, on a demandé aux interrogés de donner les
montants en Euro. Au total, les 876 personnes ont transféré en moyenne 1100,00 Euro par
personne et par an. La France représente 39,8 % des envois répertoriés, ceux en provenance
d‟Italie sont de l‟ordre de 19,4%, ceux en provenance des Pays-Bas, de Belgique et d‟Espagne
sont respectivement de 12% ; 11,2% et 7,9 %.
.
On remarque par ailleurs, que 96,4% des transferts ont pour but d'aider la famille
restée au Maroc, parmi eux 54,47 % sont destinés à l‟investissement. En effet, le maintien des
relations avec la famille au pays est un indice du fort attachement des émigrés à leur région,
du fait, notamment, des relations d‟interdépendance qui unissent les émigrés et ceux qui sont
restés au pays23
. Le taux de retour pendant les congés annuels, demeure l‟un des indicateurs
pertinents de l‟intensité des relations qu‟entretiennent les émigrés avec leur famille. Les
transferts importants que les émigrés effectuent pour l‟entretien de leur famille révèlent, selon
l'analyse descriptive un sens aigu de leurs obligations morales (72,6 % des sondés déclarent
avoir transféré de l‟argent pour cette raison).
Les dépenses courantes des familles ayant un membre émigré sont dans l‟ensemble
légèrement supérieures à la moyenne régionale. On peut constater cela à travers les dépenses
pour la célébration de fêtes, l‟utilisation (maintenant devenue courante) des appareils
électroménagers et de biens de luxe qui sont les caractéristiques d‟une société de
consommation. En fait, une enquête24
effectuée dans la commune rurale de Khmis Dadès,
23
Zehraoui Ahséne (1994), « L‟immigration : de l‟homme seul à la famille », éditions L‟Harmattan. 24 Mohamed Aithamza 1993.
montre que 76,3% des foyers ont une télévision, 18,6% ont une vidéo, 34% ont un
réfrigérateur. Le quart des foyers a déjà chacun une voiture. La consommation de la viande,
qui demeure jusqu‟à une date récente limitée à certaines occasions et à certaines couches
sociales, s‟accroît et se généralise d‟une manière sensible. La moyenne de 2,7Kg de viande
par foyer et par semaine est atteinte. De plus les familles font plus de dépenses en matière
vestimentaire. L‟amélioration du mode de vie représente donc pour les émigrés un
investissement social comparable à l‟amélioration de logement.
Tableau n°5 : Transfert de fonds pour soutenir la famille et aide reçue pour émigrer.
Aide reçue pour
émigrer
Transfert pour aider la famille (en effectif)
Total Oui Non Non-réponse
Oui 789 41 76 906
Non 87 08 29 124
Total 876 49 105 1030
D‟ailleurs, comme le montre le tableau suivant, 70,12% des émigrés, qui n‟ont pas
reçu d‟aide avant le départ transfèrent des fonds pour aider leurs familles, et que seulement
4.25 % de ceux qui en ont reçu ne font pas de transferts. Ceci montre le lien familial et
l‟attachement des émigrants marocains à leurs traditions et à leurs familles en vue de subvenir
à leurs besoins25
. Ceci correspond à une caractéristique de la communauté marocaine26
.
Pourtant l‟analyse descriptive des résultats de l‟enquête n‟est pas concluante sur le pourquoi
de ces transferts destinés à la famille.
Ceci nous a amène donc à nous demander quelles sont d‟une part les motivations qui
poussent les Marocains à transférer leurs fonds à leurs familles, et, d‟autre part, les
déterminants des montants transférés: S‟agirait–il d‟un altruisme ou bien des motifs d‟intérêt
commun dans le cadre d‟un contrat implicite ?
Section II : Modélisation micro économétrique des déterminants des transferts de fonds:
A cet égard, il faut souligner que plusieurs études se sont intéressées au phénomène
des transferts de fonds et essentiellement à leurs déterminants. Johnson et Whitelaw (1974)27
25
Zehraoui Ahséne (1994). 26
- Chaabita (2007). 27
G.Ejohnson W.E , Whitelaw (1974), ” Urban-Rural Transfers in Kenya: Estimated Remittance function”
puis Rempel et Lobdell (1978)28
ont estimé des fonctions de transferts en utilisant des
données sur les migrants qui les effectuent. Ils se sont intéressés uniquement au transfert dans
son aspect quantitatif, sans prendre en compte les motivations liées à la décision d‟effectuer
l‟envoi. A cet égard, Knowles et Anker (1981)29
ont établi deux équations séparées; l‟une sur
la décision de transfert et l‟autre sur les montants des transferts. Ils ont mis l‟accent sur les
différents facteurs qui déterminent ces deux décisions.
Par ailleurs, Banerjee (1984)30
a étudié les éléments qui déterminent les montants
transférés en utilisant des données sur les migrants à Delhi prenant en compte ceux qui
transfèrent et ceux qui ne le font pas. Dans le même ordre d‟idée Stark et Lucas (1985)31
ont
procédé à une vérification empirique sur le Botswana tout en expliquant pourquoi des
individus transfèrent des fonds à leur famille.
Pour M.Koulibaly (1997)32
, C.Arnsperger (1998)33
et F.Ngaruka (2000)34
, deux
courants de justifications alternatives des transferts retiennent l‟attention : Le premier
regroupe les approches individualistes qui avancent l‟idée que les transferts familiaux seraient
dus à l‟altruisme des individus qui les font. Les approches du deuxième courant sont plus
proches de la problématique de contrat; ils considèrent que les transferts, de type africain,
relèvent plutôt de conventions.
Il est important de signaler que non seulement ces études diffèrent par la nature et les
caractéristiques de l‟échantillon mais encore par le fait que les variables explicatives utilisées
ne sont pas toutes identiques. En revanche, il faut signaler que ces études sont
complémentaires et adoptent la même approche permettant d‟expliquer les motivations des
transferts destinés à aider la famille restée dans le milieu d‟origine.
Economic Development and Cultural Change 22: 473-79. 28
H.Remple.R, Lobdell. (1978), “the role of urban to rural remittances in rural development”, in journal of
development studies 14 :324-341 . 29
j .Knowles .R, Anker.(1981), <<an analysis of income transfers in a developing country :the case of Kenya,
<<journal of development Economics 8 :205-26 . 30
B.Banerajee (1984), « the Probability, size, and Uses of Remittances form Urban to Rural Areas in India ».
Journal of development Economics vol.16, N°3: 293-311 31
O.Stark, R.E.B Lucas (1985), “Motivations to remit: Evidence from Botswana.”. Journal of Political Economy
93: pages 901-918. 32
Koulibaly M (1997), « une approche des transferts interpersonnels en Afrique Noire », Revue d‟Economie
Politique n°3 Mai – Juin 1997 tome 107, pp 295 –420. 33
C.Arnsperger (1998), « Engagement moral et optimisation individuelle » in « Altruisme : analyses
économiques », édition L‟Harmattan 1998. 34
F.Ngaruko (2000), « un modèle de la solidarité familiale, des transferts communautaires » in Economie
appliquée, tomme LIII n°2, p.65 – 89.
Ainsi, pour étudier empiriquement les déterminants de la décision et des montants des
transferts, Banerjée (1984) et Stark et Lucas (1985) ont établi des modèles économétriques, en
utilisant les données de ceux qui transfèrent et ceux qui ne le font pas.
Les variables explicatives les plus importantes qui sont utilisées, et qui différent d‟un auteur à
l‟autre, sont :
le revenu du migrant
le nombre d‟enfants qui dépendent du migrant
le nombre d‟années passées dans les études
le revenu du père présenté par une proxy relative au patrimoine : la possession de
vaches (Stark et Lucas), de terres (Johnson et Whitelaw) ou d‟une maison rurale
(Knowles et Anker)
la durée de migration
le lieu de résidence de la femme du migrant
le rang du migrant parmi ses frères et sœurs.
On peut relever quelques limites à ces études. En effet l‟utilisation de facteurs tels que la
possession de la terre (Johnson et Whitelaw (1974)) ou de vaches (Stark et lucas (1985))
comme une « proxy » du revenu du père a un effet non pertinent sur le résultat de
l‟estimation car dans les pays africains ou asiatiques, comme le Kenya ou l‟Inde, si la
possession de terres ou de vaches est un signe de richesse, cela ne peut exclure le besoin de la
famille en argent liquide (ou en nature) envoyé par leur migrant pour leur besoin en
alimentation, santé, scolarisation,…. D‟ailleurs, ce n‟est pas facile dans ces régions de vendre
des terres ou des vaches pour avoir de l‟argent liquide. Ce qui rejette, dans ce cas, la thèse de
Stark et Lucas (1985), selon la quelle les transferts de fonds devraient augmenter avec le
revenu urbain du migrant et diminuer avec le revenu du père qui est présenté par une proxy.
Par ailleurs, ces études n‟ont pas pris en considération la variable «aide reçue par le
migrant avant le départ » qui influence largement le montant à transférer35
. En effet, dans un
contexte où n‟existent pas de marchés financiers permettant l‟optimisation inter-temporelle
des actifs de portefeuille, les individus n‟ont d‟autres choix que s‟adonner à une optimisation
intergénérationnelle. Les pères prêtent à des jeunes qui, une fois émigrés rembourseront leur
dette à leurs anciens donateurs36
.
35
Ngaruko (2000), « un modèle de la solidarité familiale, des transferts communautaires » in Economie
appliquée, tomme LIII n°2, p.65 – 89.
Koulibaly M (1997), « une approche des transferts interpersonnels en Afrique Noire », Revue d‟Economie
Politique n°3 Mai – Juin 1997 tome 107, pp 295 –420. 36
Ngaruko (2000), « un modèle de la solidarité familiale, des transferts communautaires » in Revue Economie
appliquée, tome LIII n°2, p.65 – 89.
Koulibaly M (1997), « une approche des transferts interpersonnels en Afrique Noire », Revue d‟Economie
Politique n°3 mai – juin 1997 tome 107, pp 295 –420.
Ces études nous ont permet de cerner et de comprendre les déterminants des transferts de
fonds de façons générale et globale. Il reste donc à expliquer les déterminants des transferts de
fonds des RME. Pour ce but, nous expliquerons par l‟application de modèles économétriques
à partir des données de notre enquête, dans un 1er
temps les motivations de la décision de
transfert et d‟un 2ème
temps les déterminants des montants de ces envois.
Pour analyser les déterminants de la décision de transfert des résidents marocains en
Europe, nous avons procédé à l‟estimation d‟un modèle économétrique où la variable
dépendante, «Transférer », est une variable dichotomique prenant la valeur 1 si l‟individu
transfert de l‟argent et 0 sinon. Cette estimation a été effectuée selon la méthode Probit, et ce en
raison de la nature qualitative de la variable endogène. L‟analyse a porté sur l‟effet des
variables « année de naissance de l‟émigré, lieu de résidence avant le départ de l‟émigré, niveau
d‟instruction de l‟émigré, rang de l‟émigré parmi ses frères et sœurs, durée de l‟émigration à la
date de l‟enquête, lieu de résidence du conjoint et/ou des enfants de l‟émigré, son intention de
rentrer ou non au Maroc37
», en utilisant l‟ensemble de l‟échantillon (404 individus).
Ce qui a donné:
P(transfert) = 1DNAIS + 2LRAD + 3NIVET + 4RANG + 5DEMIG + 6LRESF +7RMAR
Tableau n°6: Estimation de l’effet des caractéristiques sociodémographiques sur la
décision de transférer.
Code Variables explicatives Coefficients T de Student
DNAIS
LRAD
NIVET
RANG
DEMI
LRESA
RMAR
Ct
Date de naissance
Lieu de résidence de l‟émigré avant le départ
Niveau d‟étude
Rang de l‟émigré parmi ses frères et ses sœurs
Durée de l‟émigration
Lieu de résidence du conjoint et/ou enfants
Retour ou non au Maroc
Constante
-0,06
-0,435
-0,27
-0,18
- 0,19
0,00105
0,0025
11,59
-2,51*
-2, 27*
-2,15*
-2,107*
-3,82*
1,93**
2,51*
5,15*
* Seuil de signification est inférieur ou égal à 5%, ** Seuil de signification est supérieur au seuil à 5% R2 = 0,257.
Les résultats obtenus montrent que la date de naissance de l‟individu agit négativement et
de façon significative sur la décision de transfert de fonds des RME. Autrement dit, plus
l‟individu est jeune, toutes choses étant égales par ailleurs, moins probable est la décision de
37
Se sont là les variables testées par les études déjà présentées.
transférer. Ceci est dû surtout à ce que les jeunes sont, dans la plupart des cas, moins
responsables et cherchent à intégrer le pays d‟accueil en imitant le niveau de vie des citoyens de
ces pays.
La perspective du retour au Maroc influence positivement la décision de transférer. Ceci
confirme les résultats de l‟estimation de la variable « DAINS ». En effet, au cours de l‟enquête,
nous avons relevé que plus l‟âge des RME est élevé plus ils annoncent leur intention de rentrer
au Maroc.
Par ailleurs, plus la date d‟émigration est récente plus les émigrés sont attachés à leurs
familles dans le pays d‟origine, ce qui les incite à transférer davantage. En effet, comme leur
départ est relativement récent, leurs niveaux de consommation sont encore marqués par leurs
comportements (avant émigration) et leur capacité d‟épargne est plus forte38
, par contre ceux qui
sont partis depuis longtemps, ont tendance soit, à adapter leur consommation à ceux des citoyens
des pays d‟accueil et par conséquent (toutes choses étant égales par ailleurs), ils épargnent moins
ce qui réduit significativement leur probabilité de transférer, soit à augmenter leurs transferts
dans le but d‟investir au Maroc où ils comptent renter définitivement (l‟effet âge).
Les résultats obtenus montrent aussi que le lieu de résidence de l‟émigré avant le départ
agit de façon significative sur la décision de transfert de fonds. Plus précisément, les individus
ayant émigré de la campagne transfèrent une part relativement plus grande de leur revenu. Ceci
est dû surtout au fait que ces émigrés sont partis d‟un milieu rural où l‟attachement à la famille
est relativement plus grand, surtout que ce sont très souvent leurs familles qui contribuent au
financement de leur émigration (ce qui n‟est pas toujours le cas pour le milieu urbain), puisque
les enfants sont considérés comme une sécurité lors de la vieillesse de leurs parents (Cain
198339
, A.Perotti (1996), M.Koulibaly (1997) C.Arnsperger (1998), Z.Chattou (1998),
F.Ngaruko (2000) et B.Dostie et D.Vencatachellim (2006)), d‟autant plus que le revenu de ces
familles reste, dans la majorité des cas, tributaire des conditions climatiques. C‟est parmi cette
catégorie d‟émigrés que l‟intention de retourner au Maroc pour s‟y installer définitivement est
la plus grande. (82% d‟eux ont déclaré avoir l‟intention de retourner définitivement au Maroc).
De son côté, le rang de l‟émigré parmi ses frères et sœurs a un effet négatif sur la
décision de transfert, en effet, plus le rang est élevé et moins l‟émigré transfère. Ceci est dû sans
doute au fait que dans les traditions marocaines, ce sont plutôt les premiers nés qui sont
responsables de la famille après le père et sont d‟ailleurs considérés tuteurs de celle-ci.
38
Théorie de revenu permanent 39
Cain.M.T (1983), “Fertility as an adjustment to risk”, Population and Development Review 9: p 688-702.
Le niveau d‟instruction par contre a un effet négatif sur la décision de transfert,
autrement dit, plus le niveau d‟étude augmente plus la probabilité de transférer diminue car,
les plus instruits s‟intègrent facilement dans la société du pays d‟accueil et, par conséquent,
imitent le niveau de vie des citoyens de celui-ci.
On constate enfin que le lieu de la résidence du conjoint et/ou des enfants n‟a pas
d‟effet sur la décision de transfert.
Pour pouvoir étudier les déterminants des transferts de fonds, J .L.Arcand,
C.Montmarquette et F.Mourji (1997)40
ont dérivé les niveaux de flux financiers associés aux
deux modèles de décision de transferts sous forme d‟aide de la famille au migrant, z, et les
transferts de fonds au profit de la famille, v, dans le contexte d‟un modèle bien spécifié de
maximisation de l‟utilité où les individus émigrants vivent, comme cela a été montré aussi par
Stark et Lucas (1985) et M.Koulibaly (1997), trois périodes :
* Période 1: les parents donnent une aide à leurs enfants pour s'installer dans le pays
d'accueil et leur donne un délai pour trouver un emploi.
* Période 2 : une fois l'émigrant est installé et qu‟il a trouvé un emploi dans le pays d'accueil,
il transfère une part de son revenu à ses parents dans le pays d'origine.
* Période 3 : Si l'individu n'a pas trouvé d'emploi et par conséquent ne peut transférer de
l'argent, les parents vont effectuer un 2ème
paiement pour l‟aider et, en dernier lieu, s'il ne
réussit pas, il retourne dans son pays d'origine. Mais s‟il a trouvé un emploi et qu‟il n‟a pas
effectué de transfert par la suite, il sera alors sanctionné dans la mesure où il existe un certain
nombre de structures sociales qui donnent aux parents de l'émigrant la possibilité d‟exécuter
des menaces sérieuses à son égard. Surtout que l‟émigrant pense toujours à un retour à son
pays d'origine soit pour vivre sa retraite soit pour se faire enterrer) (3,7% des RME enquêtés
ont déclaré avoir l‟attention de retourner au Maroc pour ce dernier motif).
Les auteurs ont ensuite formulé deux hypothèses pour expliquer les motifs des
transferts.
Hypothèse 1 : les dérivées partielles de chaque élément du contrat de migration, dans le cas
de comportement individuel rationnel, par rapport aux revenus permanents des deux parties
sont de signes opposés (Cela veut dire que l‟émigrant reçoit de l‟aide financière lorsque son
40
Arcand.J.L, Montmarquette.C et Mourji.F: « To remit or not to remit: Altruism or intergenerational contracts » (1997).
Document non publié.
revenu au moment de son départ est faible par rapport à celui de sa famille (le père ou le
tuteur)).
De même, les dérivées partielles des deux paiements par rapport au revenu permanent
de l‟un des deux parties sont de même signe (Cela signifié que la famille reçoit de l‟argent
envoyé par l‟émigrant même si le revenu de ce dernier est faible par rapport à celui de la
famille ).
0yz
i
1 , 0
yz
j
1 , 0
yv
i
2 , 0
yv
j
2
Où
i = migrant, j = famille, Z = montant de l‟aide reçu pour émigrer, V = montant transféré pour
aider la famille restée au Maroc, Y = revenu, 1= avant l‟émigration et 2= après l‟émigration
Hypothèse 2 : Les dérivées partielles des termes du contrat de l‟émigrant dans le cas du
comportement d‟altruisme, par rapport aux revenus permanents des deux parties sont
positives (Cela indique que l‟émigrant ou moment de son départ reçoit de l‟aide de sa famille
même si son revenu au départ n‟est pas faible ), et les dérivées des deux paiements par
rapport au revenu de l‟une des parties sont positives (Cela explique que plus le revenu de
l‟émigrant augment, plus ses transferts au profit de sa famille augmentent ).
0yz
i
1
, 0yz
j
1 , 0
yv
i
2
, 0yv
j
2
Dans un premier temps, et en considérant les individus qui transfèrent, l‟équation est
donnée par :
V2i = Wi + μi ;
Où Wi indique l‟ensemble des variables qui peuvent influencer les transferts.
Dans un deuxième temps la variable dépendante est le montant des transferts et le
vecteur des variables explicatives inclut les variables traduisant l‟influence des revenus
permanents de l‟ensemble des parties.
Ainsi, il est important d‟estimer une équation de la probabilité initiale de la forme :
iii xz ,
onsin0
0si1 vz
2
i
Le vecteur Xi inclut les caractéristiques du ménage qui affectent la décision de
transférer ou non, une alternative est d‟estimer V2i = Wi + μi en utilisant le modèle Tobit.
Pour pouvoir déterminer les motivations des transferts de fonds on va procéder à
l‟estimation des paramètres en utilisant le modèle Tobit.
Le modèle Tobit permet de tester les hypothèses de notre modèle théorique à savoir le
signe des dérivées partielles de l‟aide et des transferts par rapport aux revenus de l‟émigrant et du
père41
.
Dans ce modèle la variable dépendante est quantitative, mais contrainte à
dépasser un certain seuil. Comme ce seuil est fixé à 0, l‟estimation est faite par la méthode Tobit
simple42
.
Ce modèle présente à la fois un aspect qualitatif, dans l‟observation du fait que la variable
touche ou non le seuil, ainsi qu‟un aspect quantitatif. Le modèle tobit peut être considéré comme
intermédiaire entre le modèle qualitatif et le modèle linéaire habituel.
* Les variables endogènes :
MAIDE : Montant de l‟aide reçu en DH au moment du départ vers l‟Europe.
MTRAN : Montant des transferts annuels versés aux parents ou à la famille au Maroc.
* Les variables exogènes :
Les principales43
variables dans notre modèle concernent le revenu du migrant et le
revenu du ménage d‟origine :
RACEM : revenu actuel de l‟émigrant
RAVEM : revenu avant le départ de l‟émigrant
REPE : Revenu du père au moment de l‟émigration du fils
Les variables suivantes sont aussi utilisées dans ces modèles :
NIVI : Niveau d‟instruction de l‟émigrant
RANG : Rang de l‟émigrant parmi ses frères et/ou ses sœurs au moment de son départ.
MATRI : Situation familiale actuelle de l‟émigrant.
ANAIS : Année de naissance de l‟émigrant
REMA : Prend 1 si l‟émigrant est prêt à retourner au Maroc, 0 sinon.
AGE : Age de l‟émigrant ou moment du départ.
DAEM : Date de l‟émigration
FEMR : Prend 1 si Conjoint/enfants sont installés dans le pays d‟accueil. 0 sinon
41 cf C.Montmarquette, J.L.Arcand et F.Mourji (1997). 42 Christian GOURIEROUX, "Econométrie des variables qualitatives" Edition Economica 1989. 43
Principales en ce sens qu‟elles permettent de tester les hypothèses du modèle (déjà avancées).
Les variables explicatives utilisées pour les deux estimations sont : le revenu de
l‟émigrant et le revenu du père.
Les autres variables explicatives diffèrent lorsque la variable dépendante change.
Les variables explicatives de l’aide :
La variable NIVI qui mesure le niveau d‟éducation est nécessaire puisqu‟en général les
parents aident leurs enfants en vue de poursuivre leurs études.
Le RANG de l‟émigrant ainsi que l‟âge de celui-ci au moment du départ sont importants
pour un pays comme le Maroc, où les traditions règnent toujours : si on aide l‟aîné de la famille
par exemple, il sera à son tour responsable de la famille plus tard44
.
Les variables explicatives des transferts :
L‟introduction de la date de naissance est pertinente puisque lorsque l‟individu jeune
décide de rapatrier son épargne le montant du transfert est plus important, les plus âgés ont
davantage de responsabilités et plus de charges familiales45
.
Le recours à la date d‟émigration est pertinent, en effet, plus le départ est récent, plus les
montants transférés sont importants (l‟émigrant est toujours attaché à sa famille)46
. La variable
conjoint/enfant émigré (le regroupement familial) permet d‟une part d‟augmenter les salaires
(grâce aux allocations familiales), et d‟autre part d‟augmenter les dépenses mais ne signifie pas
une diminution des montants transférés à la famille47
.
Le tableau suivant présente les estimations des modèles décrits précédemment.
44
Koulibaly M (1997), « une approche des transferts interpersonnels en Afrique Noire », Revue d‟Economie Politique n°3
Mai – Juin 1997 tome 107, pp 295 –420. 45
Abdelmalek Sayad (1999), « La double absence : des illusions de l‟émigré aux souffrances de l‟émigré »,
éditions le seuil, 1999. 46
Lucas et Stark 1985 et Zehraoui Ahséne (1994), « l‟immigration : de l‟homme seul à la famille », éditions
L‟Harmattan. 47
CERED 1997, CERED 1998 et Z.Chattou 1998.
Tableau n°7: Estimation de l’effet des caractéristiques sociodémographiques
sur le montant de l’aide reçue avant le départ et sur le montant transféré.
Variables endogènes
Variables
Exogènes
Log (MAIDE)
Log (MTRAN)
ANAIS -0,082
(-3,53 )*
AGE 0,35
(18,67)*
RANG -0,004
(-1,73)**
MATRI 0,504
(1,26)**
NIVI 1-0,00052
(1,61)**
0,0026
(1, 801)**
DAEM 0,162
(8,01)*
Log (REPE) 0,0051
(252)*
0,0006
(1,59)**
FEMR 0,0052
(1,703)
Log (RAVEM) -1,0024
(3,621)*
Log (RACEM) -0,0048
(-0,271)**
REMA 0,0071
(5,341)
Constante 4,6096
(23,632*)
2,651
(14,47)*
R2
0,28 0,25
(.) = t de student. * Seuil de signification est inférieur ou égal à 5%, ** Seuil de signification est supérieur à 5%
Les coefficients de la variable « revenu de l‟émigrant » sont de signe négatif et
significatif seulement pour le 1èr
modèle. L‟émigrant reçoit de l‟aide lorsque son revenu au
moment du départ est faible, mais le volume de ses rapatriements de fonds est indépendant de
son revenu actuel.
Les coefficients de la variable REPE sont positifs mais non significatifs par rapport
aux transferts, le revenu du père n‟a donc pas d‟influence sur le montant que l‟émigré envoie
à sa famille. Par contre les aides qui étaient reçues par l‟émigré dépendaient beaucoup du
revenu du père.
Le rang de l‟émigrant n‟influence pas l‟aide reçue, en effet le coefficient de la variable
RANG, bien que négatif est non significatif.
Avec l‟âge on reçoit plus d‟aide, c‟est ce qui explique le signe positif et significatif de
la variable AGE.
La date de naissance agit négativement sur le montant des transferts : plus l‟individu
est jeune, plus le montant des transferts est faible. Ceci est du notamment à ce que les jeunes
ont, dans la majorité des cas, moins de responsabilité et cherchent à intégrer le pays d‟accueils
en imitant le niveau de vie des citoyens des pays d‟accueil48
.
La date d‟émigration a un effet positif sur le montant des transferts. Ainsi plus la date
d‟émigration est récente, plus les montants transférés sont importants, car l‟émigrant est
toujours attaché à sa famille49
. Le montant maximum des transferts apparaît la 3ème
année de
séjour, ce n‟est qu‟après 12 ans qu‟ils commencent à diminuer50
.
La variable conjoint/enfants émigrés agit positivement et de façon non significative sur
le montant des transferts. Le regroupement familial ne signifie pas automatiquement une
baisse sensible des transferts. En effet, pour décider d‟introduire sa famille (ou un membre de
sa famille dans le pays d‟accueil), l‟émigré effectue souvent un arbitrage entre les dépenses
supplémentaires de logement, de nourriture, d‟habillement et la croissance des revenus
procurés par l‟activité du conjoint et/ou des enfants par l‟augmentation des allocations
familiales, allocation logement.
Concernant la variable NIVI, elle est d‟effet non significatif aussi bien par rapport à
l‟aide reçue avant l‟émigration que par rapport aux transferts.
La situation matrimoniale a un effet positif non significatif sur les montants à transférer.
Les femmes et les enfants pensent plus, à leur famille au Maroc et incitent le chef de ménage à
transférer plus. Les émigrés sont conscients qu‟ils sont considérés comme une sécurité lors de
la vieillesse de leurs parents (Cain (1983), A.Perotti (1996), M.Koulibaly (1997)
C.Arnsperger (1998), Z.Chattou (1998) et F.Ngaruko (2000)), c‟est pourquoi les émigrés
mariés transfèrent plus pour aider leurs parents afin que leurs enfants les imitent dans l‟avenir
et c‟est ainsi donc que l‟émigré pourra « être remboursé lui-même quand il sera vieux »51
.
Le signe de la variable REMA, par ailleurs positif et très significatif, indique que ceux qui
ont l‟intention de retourner au Maroc envoient davantage d‟argents (intérêt personnel). Ceci
confirme les résultats de l‟estimation de la variable « ANAIS » ; en effet, au cours de
48 Ahséne Zehraoui (1994) et Zoubair Chattou (1998). 49
Lucas et Stark (1985) et F.Ngaruko (2000). 50
L‟enquête FNSP sur les résidents étrangers en France 1976 et Mohamed Mazouz (1988)) « les marocains en
île de France ». 51
M.Koulibaly 1997.
l‟enquête, nous avons relevé que plus l‟âge des émigrés est élevé, plus ils annoncent leur
intention de revenir au Maroc.
D‟après ces estimations on remarque que:
Pour le 1èr
modèle, les coefficients de la variable revenu de l‟émigrant au moment du
départ est de signe négatif et celui du revenu du père est de signe positif. Pour le 2ème
modèle,
le coefficient de la variable revenu actuel de l‟émigrant est de signe négatif et celui du revenu
du père est de signe positif.
Cela montre que les dérivées partielles dans l‟hypothèse de contrat d‟émigration sont
vérifiées, elles ont les signes attendus. Par contre les dérivées partielles dans l‟hypothèse
d‟altruisme n‟ont pas les signes attendus, seul le signe de la déviée partielle de l‟aide et du
transfert par rapport au revenu du père est vérifié.
Au vu de ces résultats, on peut conclure que l’hypothèse de contrat est vérifiée.
La famille constitue la cellule de base de la société marocaine. Ses multiples rôles en
font de la solidarité la pierre angulaire de l‟individu. Celui-ci se trouve inséré au sein d‟un
grand nombre de relations affectives, économiques et culturelles.
La réalisation de l‟indépendance individuelle a nécessite pour le RME un long
processus de réussite sociale; mais pour qu‟il puisse montrer à la société (amis, voisins,…)
que les obligations et les relations vis à vis de la famille restée au Maroc (parents, frères,
sœurs, oncles, tantes,…), ont demeuré solides malgré plusieurs années d‟absence, le RME
transfère une partie de son épargne à sa famille, d‟une part pour l‟aider en contre parti de sa
contribution à financer son départ, et d‟autre part un moyen pour aboutir à une reconnaissance
sociale de sa réussite. Surtout que l‟émigrant pense toujours à un retour possible à son pays
d'origine à la période finale de sa vie (pour prendre sa retraite ou pour être enterré) et afin
d‟éviter toute sorte de sanction de la part de sa famille.
Conclusion
L‟objectif de ce travail était d‟étudier et d‟analyser les transferts de fonds des RME et
leurs implications. En fin, il faut souligner que malgré le rôle déterminant que joue les
transferts de fonds pour le pays et pour les ménages, des problèmes persistent et qui
empêchent ces flux monétaires de trouver de véritable placement qui génère la meilleure
rentabilité économique. De plus, les RME ont une connaissance médiocre de l‟environnement
économique marocain, et d‟ailleurs l‟appui technique qui devrait être attendu des organismes
spécialisés tels que l‟Office de Développement et de l‟Industrie et l‟Office de Développement
des Coopératives est faible. Par contre, les RME ont bien montré leur volonté d‟investir plutôt
de thésauriser par des participations aux opérations de privatisation lancées depuis 1993.
D’ailleurs Plusieurs études ont constaté que les transferts d’économies
de la communauté marocaine sont considérables en comparativement avec
d’autres communautés résidantes en Europe. Il est donc nécessaire de
connaître, entre autres, les nouvelles données concernant les perspectives
de la seconde et de la troisième génération des émigrés, les problèmes
inhérents à leur maintien dans les pays d’accueil ou de leur retour au
Maroc. Il est donc capital de mettre en place une stratégie pour attirer les
compétences de ces générations hautement qualifiées et plus enclines à
réaliser des investissements productifs. Pour cela il est nécessaire de limiter
le décalage (termes de logistique, d’organisation, de transparence et d’options
de développement économique stable), entre les niveaux d’évolution du
milieu de résidence à l’étranger des RME et du milieu de réalisation de leurs
projets au Maroc. Dans ce sens, il est indispensable de mettre en place un
questionnaire complémentaire pour étudier les facteurs qui peuvent attirer
les transferts de ces jeunes RME et ceux qui les empêchent.
En revanche, il serait impératif de les impliquer dans l‟effort de développement du
pays (sachant que l‟Etat est le seul agent central qui développe le pays). Ils ont des
compétences qu‟il s‟agit de valoriser. Il faudrait cesser de ne voir en eux que le volume des
transferts.
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