MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

18
1 Direction des Opérations Laboratoire Environnement Ressources-Concarneau Patrick Monfort MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES 1 – Les Toxi-Infections alimentaires Les coquillages, consommés crus ou peu cuits, peuvent être à l’origine de toxi- infections alimentaires (TIA), comme l’ensemble des denrées alimentaires dont les symptômes sont le plus souvent de nature digestive. Quand deux cas groupés apparaissent, on parle alors de Toxi-Infections Alimentaires Collectives (TIACs). La surveillance sanitaire effectuée par l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) permet de disposer des données épidémiologiques qui soulignent une relative constance du nombre de foyers de TIAC entre 1991 et 2000 (Figure 1). En moyenne sur ces dix années prises en référence, 520 foyers d’origine alimentaire ont été déclarés soit aux Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS) soit à la Direction des Services Vétérinaires (DSV). 300 350 400 450 500 550 600 650 700 1991 199 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Nombre de foyers Figure 1 : Evolution du nombre de foyers de TIAC en France entre 1994 et 2003 toutes sources alimentaires confondues (source : INVS)

Transcript of MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

Page 1: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

1

Direction des Opérations Laboratoire Environnement Ressources-Concarneau Patrick Monfort

MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

1 – Les Toxi-Infections alimentaires Les coquillages, consommés crus ou peu cuits, peuvent être à l’origine de toxi-infections alimentaires (TIA), comme l’ensemble des denrées alimentaires dont les symptômes sont le plus souvent de nature digestive. Quand deux cas groupés apparaissent, on parle alors de Toxi-Infections Alimentaires Collectives (TIACs). La surveillance sanitaire effectuée par l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) permet de disposer des données épidémiologiques qui soulignent une relative constance du nombre de foyers de TIAC entre 1991 et 2000 (Figure 1). En moyenne sur ces dix années prises en référence, 520 foyers d’origine alimentaire ont été déclarés soit aux Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS) soit à la Direction des Services Vétérinaires (DSV).

300

350

400

450

500

550

600

650

700

1991 199 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Nom

bre

de fo

yers

Figure 1 : Evolution du nombre de foyers de TIAC en France entre 1994 et 2003 toutes sources alimentaires confondues (source : INVS)

Page 2: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

2

Parmi ces 520 foyers de Toxi-Infections Alimentaires Collectives, 51(9.8 %) ont concerné les produits marins dont 13 (2.5%) mettaient en cause les coquillages. Sur la période 1995 – 2001, les données acquises par l’INVS montrent que les bactéries et virus sont les agents le plus souvent impliqués dans les TIACs engendrées par la consommation de coquillages (figure 2). Ces statistiques ne doivent cependant pas faire oublier que bon nombre de TIA familiales non déclarées, voire non diagnostiquées, échappent à ces recensements. Ainsi, les experts estiment que ces statistiques officielles ne représentent que 1% à 10% des cas réels de salmonelloses (Mossel 1989, Desenclos 1996). Figure 2 : Importance respective des agents pathogènes dans les TIACs liées aux coquillages entre 1995 et 2001(source : INVS). Par ailleurs, certains travaux se sont intéressés à l’incidence économique, financière et sociale de ces épisodes infectieux. Ainsi, Archer et Kvenberg (1985) déterminent les coûts induits annuellement par les salmonelloses aux USA entre 1.9 et 2.3 milliards de dollars. Roberts (1988) quant à lui évalue le coût des toxi-infections bactériennes aux USA à 4.8 milliards de dollars pour l’année 1987. Ces constats devraient tout naturellement conduire à privilégier les actions de prévention tant chez les professionnels de l’alimentation que chez les consommateurs. 2 – Germes pathogènes et coquillages Les microorganismes pathogènes (samonelles, listeria, vibrios, virus de l’hépatite A, entérovirus,…) dans l’environnement sont le plus souvent des germes allochtones au milieu marin dont l’origine est à rechercher dans l’intestin de l’homme et des animaux à sang chaud. On parle alors de bactéries entériques. Toutefois, la recherche de ces

Page 3: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

3

microorganismes pathogènes, présents en faible quantité, est coûteuse et les techniques d’identification complexes. Aussi, pour évaluer le risque de contamination d’origine fécale, les hygiénistes ont retenu au sein du groupe des coliformes, une espèce, Escherichia coli, comme indicateur de contamination fécale en raison de leur spécificité fécale, de la résistance comparable d’E.coli et des pathogènes entériques dans le milieu extérieur et de la sensibilité des méthodes analytiques. La validité des Escherichia coli pour estimer la présence de bactéries pathogènes dans les eaux et les coquillages a donné lieu à de nombreuses contreverses (Thomas et Jones 1971, Andrews et al. 1975, Marjori et al. 1977, Fraiser et Koburger 1984). Une synthèse des données finistériennes sur l’occurrence des salmonelles dans les coquillages (Monfort et al 1997) a permis de mettre en évidence une relation hautement significative (p<0.001) entre la fréquence d’isolement des salmonelles et l’abondance du germe test de contamination fécale, E. coli (figure 3). Par contre, il est communément admis que les E. coli ne sont pas des indicateurs efficaces de la contamination virale.

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

1 2 3 4Classes d''Escherichia coli

% S

alm

onel

les

non Fouisseurs

Fouisseurs

CTT/100g1 - 100

101 - 10001001 - 10000

>10000

Classes1234

0.925.98

11.98

33.6

3.16.4

17.2

39.5

Figure 3 : Pourcentage d’isolements de salmonelles dans les coquillages du Finistère par classe d’E.coli (source : IFREMER Concarneau). Ces germes font l’objet d’une dissémination dans l’environnement , induite par les rejets des effluents urbains (station d’épuration, poste de relèvement, assainissement autonome) et industriels ou encore par l’épandage des effluents d’élevages agricoles utilisés à des fins fertilisatrices (figure 4). S’il paraît vain de vouloir éradiquer ces germes pathogènes de notre environnement et des salmonelles en particulier en raison de la complexité du cycle de contamination (figure 5), du moins pouvons nous tenter de limiter les effets délétères des toxi-infections alimentaires en mettant en place les mesures préventives à tous les niveaux (réduire les pressions anthropiques sur le bassin versant, assurer une purification efficace des coquillages, contrôler la qualité sanitaire des produits finis,

Page 4: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

4

conserver les coquillages dans des conditions optimales du producteur au consommateur, prendre les mesures d’hygiène appropriées,…). Figure 4 : 0rigines des sources potentielles de contamination fécale des eaux et des coquillages (source : http://www.ifremer.fr/envlit/).

Figure 5 : Cycle potentiel de transmission des salmonelles.

Page 5: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

5

3 – Origines de la contamination microbiologique des eaux 3.1 – Origine urbaine 3.1.1 – Assainissement collectif Avec le développement de l’urbanisation et de l’industrialisation, les rejets d’eaux usées ont considérablement évolués tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Pour ne pas hypothéquer les usages de l’eau en aval de ces rejets, des réglementations européennes (Directive Eaux Résiduaires Urbaines – 21/05/1991) et nationales (Loi sur l’eau – 3/01/1992, décret – 03/06/1994, Arrêtés – 06/05/1996 et 21/06/1996) ont été édictées. Elles fixent les obligations des communes et des particuliers et définit le rôle de l’Etat. Ces réglementations définissent la notion d’Equivalent-Habitant (EH) qui est l’estimation de la quantité de pollution journalière rejetée par un habitant (tableau 2 ). L’équivalent-habitant permet ainsi d’exprimer, à l’aide d’une unité commune, des types de rejets différents et de pouvoir en conséquence les comparer.

Paramètres Equivalent - Habitant Volume consommé 150 litres Demande Biologique en Oxygène sur 5 jours (DBO5) 60 g Demande Chimique en Oxygène (DCO) 120 g Matières en suspension (MES) 90 g Matières azotées (Azote total –NTK) 15 g Matières phosphorées (phosphore total – PT) 4 g Escherichia coli (cf. 3.2) 2.14 109 Tableau 2 : Pollution émise journellement par un habitant D’après le recensement de la population en 1999, 97% des logements disposaient d’un système d’assainissement et 80% des logements étaient raccordés à un réseau collectif d’assainissement. L’épuration des eaux usées domestiques fait appel à différents systèmes alternatifs (lagunage, filtres plantés de roseaux, lits bactériens, boues activées) dont la mise en place sera effective en fonction des contraintes locales (capacités épuratrices, disponibilité de terres,…). Pour les stations d’épuration de plus de 10000 Equivalents-habitant , 50% d’entre elles sont construites sur le principe des boues activées qui est décrit ci-dessous (figure 6).

Prétraitements

Le Dégrillage consiste à éliminer les déchets les plus grossiers. Le dessablage et le Déshuilage consistent à faite passer l’effluent dans un bassin où la réduction de la vitesse d’écoulement va permettre une décantation des sables et une flottaison des graisses. L’injection de microbulles d’air assure une accélération de la flottaison des graisses.

Traitements primaires physico-chimiques

Page 6: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

6

Les traitements primaires s’intéressent aux matières particulaires décantables. Pour cela ils utilisent des traitements physico-chimiques qui permet d’agglomérer les particules par adjonction d’agents coagulants et floculants (sels de fer ou d’alumine) qui sont séparés par décantation ou flottaison.

Traitements secondaires biologiques

Ce traitement biologique permet d’extraire des eaux usées les polluants dissous que ce soit le carbone, l’azote ou le phosphore en favorisant la multiplication de bactéries aérobies c’est à dire qui se développent en présence d’air, capables de transformer le carbone en CO2, l’azote en nitrates puis en azote gazeux (N2) soit de stocker le phosphore. La séparation de l’eau traitée et de la masse des bactéries que l’on appelle « les boues » se fait au sein d’un clarificateur. Pour conserver une masse bactérienne suffisante dans le bassin des boues activées une partie de ces boues est réinjectée dans ce bassin. Ces boues qui contiennent une part des bactéries et virus amenés à la station d’épura tion sont ensuite égouttées, puis éliminées le plus souvent par épandage sur les sols agricoles.

Figure 6 : Principe de fonctionnement d’une station d’épuration à boues activées (source : http://www.ifremer.fr/envlit/). Pour les différents types de traitement des eaux usées domestiques il est communément admis les abattements bactériens moyens suivants (tableau 3) Type de traitement Abattement bactérien

(1Log= une puissance de 10) Lagunage naturel 3 à 4 Log Boues activées+membranes filtrantes 6 Log Boues activées 2 à 3 Log Lits bactériens 1 Log Tableau 3 : Types de traitement épuratoire et performances d’élimination bactériennes

Page 7: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

7

3.1.2 – Assainissement autonome

L’assainissement autonome non maîtrisé est également un vecteur potentiel de contamination bactériologique du milieu naturel. Afin de satisfaire à une démarche globale de restauration de la qualité des eaux sur les bassins versants, la loi sur l’eau a prévu la création d’un Service Public d’Assainissement Non Collectif (SPANC) à l’échelle locale pour contrôler ces installations chez les particuliers.

3.2 – Origine agricole La définition officielle d’équivalent-habitant n’intègre pas le paramètre relatif au rejet bactérien, ce qui nous a contraint de rechercher dans la bibliographie les données disponibles sur ce sujet. Les études menées par Geldreich 1978, Weather et al. 1979 et Mara et Oragui 1983 mettent en évidence une variabilité importante de la contamination fécale animale. Toutefois pour satisfaire aux exigences de comparaison des sources potentielles de pollution sur les territoires, l’IFREMER utilise les valeurs suivantes (figure7), retenues initialement dans le cadre de l’étude rejets agricoles et bactériologie (Dupray et al.1999).

Espèces Flux/j d’E. coli Equivalent-Habitant

2.14 109

1

5

30

0.06

Figure 7 : Comparaison inter espèces de la contamination fécale journalière Ces contaminations bactériologiques peuvent avoir diverses origines qui sont déclinées ci-dessous :

• La présence d’écoulements aux sièges d’exploitations qui, de fossés en ruisseaux, peuvent aboutir à l’estuaire.

Page 8: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

8

• L’épandage des effluents agricoles, et tout particulièrement les lisiers, qui réalisé dans des conditions défavorables (pluviométrie, sol gelé), peut s’avérer fort dommageable pour la qualité de l’eau.

• Les points d’abreuvage ainsi que le passage des animaux dans les

rivières s’avèrent des foyers de contamination non négligeables en période pluvieuse (figure 8). Cette figure souligne ainsi l’ augmentation significative de la contamination bactériologique en concentration (x1400) et en flux (x4600) après un épisode pluvieux de 17.3 mm.

Figure 8 : Contamination de l’eau en aval d’un point d’abreuvage sur le bassin versant du Bélon en 2005 (source : IFREMER Concarneau).

3.3 – Origine liée aux activités de loisirs Les activités liées au littoral, et la plaisance notamment, peuvent induire une

dégradation microbiologique des eaux en raison du déversement des eaux noires des bateaux. Afin de limiter l’impact des rejets de cette activité de loisir, une réglementation européenne va imposer à terme la mise en place de bac de vidange dans les ports de plaisance de la communauté européenne. 4 – Contamination des eaux estuariennes Si les rejets directs (urbain, agricole, industriel) ou diffus (épandage des lisiers et des boues de station d’épuration) dans l’environnement sont une condition nécessaire à la contamination microbiologique des eaux estuariennes, elle n’est nullement une condition suffisante. En effet, les microorganismes rejetés sur le bassin versant, pour parvenir au littoral, seront sous la dépendance d’un certains nombre de facteurs naturels (pentes, pluviométrie, importance du réseau hydrographique,…) et humains

Page 9: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

9

(pratiques agricoles,…) qui faciliteront leur transit du point de rejet à l’estuaire (figure 8). Figure 8 : Recensement des facteurs susceptibles d’influer sur la contamination ultime des eaux estuariennes. Parmi ces différents facteurs, la pluviométrie est sans aucun doute celui qui occupe une place primordiale dans cette contamination à l’échelle du bassin versant. Il n’en est pour s’en convaincre que de se référer aux résultats obtenus dans le cadre du projet Cycleau (Monfort et al. 2006). Ceux-ci font apparaître une perte d’une à deux classes de qualité sur le paramètre microbiologique à la suite d’épisodes pluvieux (figure 9).

Page 10: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

10

Figure 9 : Concentrations bactériennes dans les eaux superficielles du Bélon en périodes sèches et pluvieuses (source : IFREMER Concarneau). 5 – Survie des bactéries en mer Les bactéries et virus, hôtes habituels de l’intestin de l’homme et des animaux à sang chaud, qui arrivent dans le milieu marin, se retrouvent dans un milieu hostile peu propice à leur croissance. Incapables de se multiplier dans cet environnement, ces microorganismes vont y survivre plus ou moins longtemps en fonction des paramètres physiques, chimiques et biologiques du milieu (figure 10). Les microorganismes sont soit libres dans la masse d’eau, soit associés à des particules organiques ou minérales. Suivant le poids de ces particules, les microorganismes vont être soumis à une dilution tout au long de l’estuaire ou à une sédimentation favorable à leur concentration. Ainsi on estime que les sédiments sont de 100 à 1000 fois plus contaminés que l’eau environnante (Gerba 1976, Smith 1978, Labelle et al. 1980) et vont constituer un réservoir potentiel pour une recontamination ultérieure des eaux à la faveur de la remise en suspension des microorganismes lors des phénomènes naturels (crues, tempête) ou d’activités humaines (dragages). Le temps de survie des microorganismes est défini par le temps nécessaire à la disparition de 90% de la population initiale, exprimé par le T90. De quelques heures à quelques jours pour les bactéries, cette survie est prolongée, pour les virus, de plusieurs semaines à plusieurs mois.

Page 11: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

11

Figure 10 : Paramètres physiques, chimiques et biologiques influençant la survie des germes en milieu marin (source : M. Pommepuy – IFREMER)

La lumière L’action bactéricide des rayons ultra-violets (UV) de la lumière solaire est connue depuis longtemps et la variabilité saisonnière (hiver – été) de la survie des germes peut être observée en fonction de la présence ou de l’absence de la couche nuageuse. Une turbidité élevée de l’eau limite la pénétration des rayons UV dans l’eau et contribue également à réduire l’efficacité des rayons UV vis à vis des cellules microbiennes. Ainsi dans une eau peu chargée en matières en suspension (1mg/l), environ 80% de l’intensité lumineuse est transmise dans les cinq premiers mètres alors que dans une eau plus turbide (10mg/l) ce pourcentage n’est plus que de 20% (Pommepuy et al. 1991).

La température

D’une manière générale, on observe un allongement de la durée de survie des microorganismes à basse température, induite par un ralentissement de leur métabolisme. Ainsi, dans le cadre d’une étude de la survie des listeria et des salmonelles dans l’environnement marin (Monfort et al. 2000), nous avons enregistré respectivement en eau de mer des T90 de 9 et de 14 heures à 18°C et de 67 et 167 heures à 5°C (figures 11 et 12 ).

Page 12: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

12

Figure 11 : Evaluation de la survie bactérienne des salmonelles et des listeria en laboratoire à 18°C (source : IFREMER Concarneau). Figure 12 : Evaluation de la survie bactérienne des salmonelles et des listeria en laboratoire à 5°C (source : IFREMER Concarneau).

La salinité Parmi les stress subis par les bactéries d’origine entérique arrivant en milieu

marin, l’un des principaux est exercé par la salinité (Pommepuy et al.1991). Ces auteurs montrent qu’à une concentration de 10g/l 100% des souches d’E.coli croissent en milieu minimum alors qu’à 20g/l, 25% des souches bactériennes ont disparu. Ils soulignent également que la présence de particules organiques permet aux microorganismes de lutter plus efficacement contre le stress salin.

Autres La compétitivité entre cette flore fécale et la flore bactérienne autochtone au

milieu marin, leur prédation par d’autres organismes ainsi que l’absence de nourriture (oligotrophie) sont autant de facteurs supplémentaires qui concourent à la disparition des bactéries entériques apportées au littoral.

Page 13: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

13

6 – La contamination des coquillages Outre la présence de germes dans l’eau, inhérente aux activités et aux usages anthropiques, le risque de Toxi-Infection Alimentaire est intimement lié à la physiologie des mollusques bivalves filtreurs (figure 13). En effet, pour satisfaire leurs exigences nutritionnelles et respiratoires, les coquillages filtrent des volumes d’eau importants. Ce faisant, ils ingèrent le phytoplancton, base essentielle de leur nourriture mais concentrent également dans leur tractus digestif et leurs tissus, les polluants chimiques et les microorganismes présents dans le milieu naturel. Aussi, les coquillages présentent ils une plus grande sensibilité analytique et des fluctuations temporelles moins marquée que l’eau dans laquelle ils sont élevés (figure 14), ce qui leur confèrent un rôle de sentinelle de l’environnement, mis à profit dans la surveillance des eaux littorales que ce soit aux Etats-Unis (mussel watch) ou en France (Réseau microbiologique-REMI).

Figure 13 : La filtration, un impératif physiologique à double tranchant Figure 14 : Evolution des concentrations en E. coli dans les moules et dans l’eau environnante au cours d’un cycle de marée (source : IFREMER Concarneau).

Page 14: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

14

Facteurs agissant sur l’accumulation Cette accumulation de microorganismes dans les bivalves, liée à leur activité physiologique de filtration, est conditionnée par divers paramètres.

• L’espèce et la taille des coquillages est un facteur important de différenciation d’enrichissement. Au sein de l’espèce, On note également une variabilité individuelle plus marquée chez l’ huître creuse que chez la moule.

• La filtration optimale des coquillages se situe le plus souvent entre 18 et 22°C. A l’extérieur de cette fourchette, la filtration est ralentie tandis qu’en dessous de 10°C et au dessus de 27°C, elle est fortement perturbée (Rowse and Fleet 1984).

• L’optimum de salinité est variable selon les espèces considérées mais elles supportent en général de large gradient de salinité (espèces euryhalines). Une forte et brutale dessalure peut toutefois entraîner une mortalité importante des coquillages.

• Les bivalves utilisent l’oxygène dissous dans l’eau de mer pour satisfaire leurs besoins respiratoires. En dessous des valeurs situées entre 28 et 35 mg/l (His et Cantin 1995), on observe une perturbation de l’activité physiologique et donc une moindre capacité de filtration.

• Une turbidité de l’eau excessive entraîne un ralentissement du pompage par le coquillage et donc une filtration moindre.

• L’état physiologique des coquillages (Le Bec et al. 2002).

L’accumulation des bactéries dans les tissus des bivalves se traduit par un enrichissement bactérien par rapport à l’eau environnante (tableau 4 ). L’observation de valeurs différentes dépend non seulement du germe de référence mais également des conditions d’étude (in vivo ou in vitro), des conditions environnementales de l’expérience (Température, salinité,…) mais aussi l’état physiologique du coquillage. Des facteurs de 10 à 30, communément admis pour Escherichia coli, sont utilisés dans les modèles prédictifs de dispersion des rejets polluants afin d’évaluer leurs impacts sur la contamination des zones conchylicoles. Des études menées au laboratoire de Concarneau ont permis de noter une variabilité importante de ce facteur d’enrichissement chez la moule, non seulement entre les sites mais également au cours du cycle de marée (figures 13 et 14).

Page 15: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

15

Références Bivalve Conditions Groupe bactérien

Facteur d’enrichissement

Cabelli et Heffernan 1970

M. mercenaria

expérimentales

E. coli

6.5 – 8.5

Cooke 1976 E. coli 3.2 Mazières et al. 1980

Huîtres

Coliformes

30

Perkins et al. 1980

Huîtres

Coliformes fécaux

3 - 16

Delattre et Delesmont 1981

Huîtres et coques

naturelles

Coliformes fécaux Streptocoques fécaux

10

150

Plusquellec et al.1983

Moules

Naturelles

Coliformes fécaux Streptocoques fécaux

13.2

250

Timoney and Abston 1984

M. mercenaria

Expérimentales

E.coli Salmonella

3 3

Plusquellec et al. 1990

Moules

Naturelles Expérimentales

Coliformes fécaux E. coli

20

9.8

Nishio et al 1980

Chamelea gallina

expérimentales

E.coli

1.6

Tableau 4 : Données bibliographiques concernant l’enrichissement bactérien dans les bivalves (source :Prieur et al. 1990). Figure 13 : Evolution du facteur d’enrichissement (E. coli) chez la moule par faible coefficient de marée selon le site d’étude (source : IFREMER Concarneau).

Page 16: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

16

Figure 14 : Evolution du facteur d’enrichissement (E. coli) chez la moule par fort coefficient de marée selon le site d’étude (source : IFREMER Concarneau). 7– Bibliographie Andrews W.H., Diggs C.O., Presnel M.W., Miescer J.J., Wilson C.R., Goodwin C.P., Adams W.N., Furfari S.A. and Musselman J.F. 1975 Comparative validity of the total coliform and fecal coliform groups for indicating the presence of Salmonella in the eastern oyster Crassostrea virginica. J. Milk Food Technol. 38 (8) : 453 - 456 Archer and Kvenberg 1985 Incidence and cost of foodborne diarrehal diseases in Canada and the US J. Food Prot. 47, p. 322 – 328. Desenclos JC., Bouvet P., Pirre V., Brisabois A., Frémy S., Lahelléc C., Grimont F., et Grimont P.A.D 1996. Epidémiologie des infections à salmonella : tendances récentes en France et en Europe. Bull. Soc. Fr. Microbiol. 11(3), p. 209 – 215 Dupray E. 1999 Rejets agricoles et bactériologie Rapport final IFREMER rédigé dans le cadre du programme Bretagne eau pure, 71 p.

Page 17: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

17

Fraiser M.B. and Koburger J.A. 1984 Incidence of Salmonella in clams, oysters, crabs and mullets J. Food Prot. 47 (5) : 343 – 345 Geldreich E.E. 1978 Bacterial populations and indicator concepts in feces, sewage, stormwater and solid wastes In: Indicator of viruses in water and food, Berg G. Editor, chap. 4, p. 51 – 97. Gerba C.P. and Mc Leod J.J. 1976 Effects of sediments on the survival of E. coli in marine waters Appl. And Environ. Microbiol., 56, p. 551 – 554. His et Cantin 1995 Biologie et physiologiedes coquillages IFREMER Direction de l’environnement et de l’aménagement littoral, R.INT. DEL/95.06/Arcachon, 108 p. Labelle R.L., Gerba C.P., Goyal S.M., Melnick J.L., Cech I and Bogdam G.F. 1980 Relationships between environmental factors, bacterial indicators and the occurrence of enteric viruses in estuarine sediments Appl. And Environ. Microbiol. 39 : 588 – 596 Le Bec (coordonnateur) 2002 Incidence de la station d’épuration de Lannion sur l’estuaire du Léguer. IFREMER - Rapport de fin d’étude, 71 p. Marjori L., Campello C. et Crevatin E. 1978 Salmonella pollution of coastal seawaters of the gulf of trieste : a 3-year survey. IV journées Etud. Poll., Antalya C.I.E.S.M. : 505 - 510 Monfort P., Hervio-Heath D., Caprais MP., Pommepuy M., Annézo JP., Loaec S., Le Mennec C. Guillerm E., Boulben S. et Bilien G. 2006 Le basin versant du Bélon : Vers une restauration durable de la qualité bactériologique des eaux estuariennes. Rapport final du projet européen cycleau, 76 p. Monfort P., Piclet G. and Plusquellec A. 2000. Listeria innocua and Salmonella panama in estuarine water and seawater : a comparative study. Wat. Res. Vol. 34, N°3, pp. 983 – 989. Monfort P. , Piclet G., Le Gal D., Raguénès P., Le Naour G., Boulben S. et Le Saux JC. 1997. Incidence de salmonella spp. dans les bivalves issus de zones conchylicoles du Finistère (France). Colloque salmonelles et salmonelloses, Ploufragan, p. 431-433.

Page 18: MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES

18

Mossel D.A.A. 1989. Infections et intoxications alimentaires. In : Microbiologie du tube digestif, l’eau et les aliments part. 4, chap.IV,2, p. 389 – 412. Pommepuy M., Dupray E., Guillaud J.F., Derrien A., L’Yavanc J. and Cormier M. 1991 Rejets urbains et contamination fécale. Oceanologica acta. Proceedings of the international colloquium on the environment of epicontinental seas, Lille 20-22 mars 1990 n°11, p. 321 – 327.. Prieur D., Mével G., Nicolas J.L., Plusquellec A. and Vigneulle M. 1990 Interactions between bivalve molluscs and bacteria in the marine environment. Oceanogr. Mar. Biol. Annu. Rev. 28, p. 277 – 352. Roberts 1988 Salmonellosis control : Estimated economic costs Poultry Sci., 67, p. 936 – 943. Rowse A.J. and Fleet G.H. 1984 Effects of water temperature and salinity on elimination of Salmonella charity and Escherichia coli from Sydney rock oysters. Appl.and Environ.Microbiol., 48 (5), p. 1061 – 1063. Smith E.M., Gerba C.P. and Melnick J.L. 1978 Role of sediment in the persistence of enteroviruses in the estuarine environment. Appl. And Environ. Microbiol. 35, p. 685 – 689. Thomas K.L. and Jones A.M. 1971 Comparison of methods on estimating the number of E. coli in edile mussels and the relationship between the presence of Salmonella and E. coli J. Appl. Bacteriol. 34 : 717 – 725 Weather DWF., Mara D.D. and Oragui J. 1979. Indicator systems to distinguish sewage from stormwater run-off and human from animal fecal material. James A, EvisonL. Ed. “Biological indicators of water quality” chap. 21, 27 p.