Michelet, Jules - Histoire de France IX

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    Jules Michelet

    (1798-1894)

    Histoire de France

    Tome neuvime

    Guerres de religion

    dition dfinitive, revue et corrigeErnest Flammarion, diteur, Paris 1895

    Un document produit en version numrique par Jean-Marc Simonet, bnvole,Courriel : [email protected]

    Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"Site web : http://classiques.uqac.ca/

    Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec Chicoutimi

    Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/

    http://classiques.uqac.ca/http://bibliotheque.uqac.ca/http://bibliotheque.uqac.ca/http://classiques.uqac.ca/
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    Jules Michelet Histoire de France 2Tome IX : Guerres de Religion

    Cette dition lectronique a t ralise par Jean-Marc Simonet, ancien pro-fesseur des Universits, bnvole.Courriel : [email protected]

    A partir de :

    Jules Michelet(1798-1894)

    Histoire de France

    Tome neuvime

    Guerres de religion(1547-1587)

    dition dfinitive, revue et corrige

    Ernest Flammarion, diteur, 1895, avecles notes et les appendices, 448 p.

    Polices de caractres utilises :Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points.Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points.

    dition lectronique ralise avec le traitement de textes Microsoft Word 2004pour Macintosh.Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5 x 11)

    dition numrique ralise le 25 septembre 2008 Chicoutimi, Ville de Sague-nay, province de Qubec, Canada

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    Jules Michelet Histoire de France 3Tome IX : Guerres de Religion

    Table des matires

    PRFACE

    Chapitre Ier. Henri II. La cour et la France. Jarnac (1547)Esprit romanesque du tempsDiane perscute la duchesse dtampes

    Chapitre II. Le coup de Jarnac (10 juillet 1517)

    Le roi, la reine et Diane Saint-GermainMontmorency et ColignyDuel de Jarnac et La Chtaigneraie

    Chapitre III. Diane. Catherine. Les Guises (1547-1550)Anet et la Diane de GoujonPourquoi Diane aimait CatherineLa cure, les dvorantsLes Guises et leurs douze vchs

    Chapitre IV. Lintrigue espagnole

    Les Jsuites sont un ordre espagnolCombien lEspagne est romanesqueManuel pour faire des romansMatrialit et verbalitCharles-Quint cde la raction

    Chapitre V. Les MartyrsMurs rformes, lan musicalPendant quarante ans, les protestants se laissrent brlerLois pouvantables de Charles-QuintLes amitis des martyrs

    Chapitre VI. Lcole des martyrsLa mission de CalvinEsprit de Genve anti-calvinisteGnie lgiste de CalvinLa Genve de Calvin, les Psaumes

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    Jules Michelet Histoire de France 4Tome IX : Guerres de Religion

    Chapitre VII. Politique des Guises. La guerre. Metz (1548-1552)Folie de leur politique

    Laveuglement de Charles-Quint fait leur succs1552. Ils surprennent les Trois vchs et repoussent Charles-Quint.

    Chapitre VIII. Ronsard. Marie-la-Sanglante. Saint-Quentin (1553-1558)Ronsard contre RabelaisPhilippe II pouse Marie, humilie le papeHenri II infidle Diane ; elle loccupe de guerre (1556)1558. Dfaite et sige de Saint-Quentin ; Coligny

    Chapitre IX. Perscution. Mort dHenri II (1558-1559)Le chrtien peut-il rsister lautorit ?1555. Lglise de ParisChants du Pr-aux-Clercs (mars)Le prche de la rue Saint-Jacques (4 Septembre)Le roi prcipite la paix (3 avril 1559)Menaces du roi. Sa mort (29 juin)

    Chapitre X. Royaut des Guises sous Franois II (1559-1560)Portraits des Guises, de Catherine, de Marie StuartLe roi de Navarre trahit les protestantsInfluence de lEspagne en FranceLe budget de Philippe II

    Chapitre XI. Terrorisme des Guises. La Renaudie (1560)Puissance du clerg sur le peupleEsprit gnral de rsistance (mars)Les Chtillon et Cond persistent dans lobissanceMort de La Renaudie et supplices

    Chapitre XII. Mort de Franois II et chute des Guises (1560)Catherine espionne par Marie StuartLe chancelier de LHospital

    Assemble de Fontainebleau (21 aot)Navarre et Cond se livrentMort de Franois II (3 dcembre)

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    Jules Michelet Histoire de France 5Tome IX : Guerres de Religion

    Chapitre XIII. Charles IX. Le Triumvirat. Poissy et Pontoise (1561)tats gnraux dOrlans (15 dcembre 1560)

    Le clerg sadresse lEspagne (mai 1561)Colloque de Poissy (septembre)Bataille du faubourg Saint-Marceau (27 septembre)

    Chapitre XIV. Intrigue des Guises en Allemagne (1562)Leur conversion simule au protestantisme

    Chapitre XV. Massacre de Vassy (1562)

    Chapitre XVI. Premire guerre de religion (1562-1563)Les Guises semparent du roi et de sa mreColigny refuse dappeler ltrangerLe parti de ltrangerLa Saint-Barthlemy de 1562Bataille de Dreux (19 dcembre 156)Guise assassin (18 fvrier 1563)

    Chapitre XVII. La paix et point de paix (1563-1564)

    LEspagne domine CatherineLa balance tait impossibleLes protestants assassins partout

    Chapitre XVIII. Le duc dAlbe. La seconde guerre civile (1564-1567) Entrevue de Bayonne (juin 1565)Le duc dAlbe aux Pays-Bas (1567)Coligny propose de semparer du roiLe Contrun de La BotieBataille de Saint-Denis (10 novembre 1567)

    Chapitre XIX. Suite. Conqute de la libert religieuse (1568-1570)Dbcle morale du vieux partiHenri dAnjou gnral seize ansMort de Cond Jarnac (13 mars 1569)Montcontour (3 octobre)Coligny impose la paix (8 aot 1570)

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    Jules Michelet Histoire de France 6Tome IX : Guerres de Religion

    Chapitre XX. Charles IX contre Philippe II (1570-1572)Catherine, tout Italienne, naimait quAnjouJalousie de Charles IXSes vers, sa violence, son amourIl veut marier son frre en Angleterre (1570)Il agit pour les Turcs

    Chapitre XXI. Coligny Paris. Occasion de la Saint-Barthlemy (1572)Situation de Coligny ; sa tristesse, son isolementDevait-il venir Paris ?Incertitudes de Catherinechec des protestants (9 juillet) et dcouragement du roi

    Chapitre XXII. Les Noces vermeilles (aot 1572)Coligny devait rester ParisJalousie des Anglais et froideur dOrangeMariage de Navarre (18 aot)Anjou, menac par son frre, complote avec Guise

    Chapitre XXIII. Blessure de Coligny. Charles IX consent sa mort (22-23aot 1572)Coligny bless essaye dclairer le roiLa reine et Gondi leffrayent et obtiennent le massacre

    Chapitre XXIV. Mort de Coligny et massacre du Louvre (22-26 aot 1572)

    Chapitre XXV. Quelle part Paris prit au massacre (aot 1572)Douceur de quelques capitainesLe capitaine Charpentier fait tuer Ramus

    Chapitre XXVI. Suite (aot, septembre, octobre 1572)Lundi 25 aot. Guise Paris malgr le roiMassacre des marchands protestantsMardi 26. Le roi se dclare auteur du massacreLa Saint-Barthlemy des provincesLe Parlement condamne Coligny

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    Jules Michelet Histoire de France 7Tome IX : Guerres de Religion

    Chapitre XXVII. Le lendemain de la Saint-Barthlemy. Triomphe de Char-les IX (1572-1574)

    Craintes de lEurope et jalousie de Philippe II. Naissance du parti politique

    Chapitre XXVIII. Fin de Charles IX (1573-1574)Sige de La Rochelle, puisement des deux partisLa rpublique protestanteFranco-Gallia dHotmanMort de Charles IX (20 mai)

    Chapitre XIX. Des sciences avant la Saint-Barthlemy

    Paracelse, Vsale, Servet, Rabelais

    Chapitre XXX. Dcadence du sicle. Triomphe de la mortValentine de Birague

    Chapitre XXXI. Henri III (1574-1576)Catherine commence imprudemment la guerreHumiliation dHenri III

    Chapitre XXXII. La Ligue (1576)La Ligue tait dj ancienne

    Chapitre XXXIII. La Ligue choue aux tats de Blois (1576-1577)Le roi signe la ligue, puis essaye la libert de conscience

    Chapitre XXXIV. Le vieux parti choue dans lintrigue de Don Juan (1577-1578)

    Action directe des Jsuites

    Chapitre XXXV. Le Ges. Premier assassinat du prince dOrange (1579-1582)pernon, Joyeuse

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    Jules Michelet Histoire de France 8Tome IX : Guerres de Religion

    Chapitre XXXVI. La Ligue clate (1585-1586)LEspagne fait manquer lexpdition de Guise en Angleterre

    Elle le fait agir en France

    Chapitre XXXVII. Les conspirations de Reims. Mort de Marie Stuart(1584-1587)

    Chapitre XXXVIII. Henri III est forc de sanantir lui-mme (1587)Bataille de Coutras (20 octobre)

    APPENDICE

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    Jules Michelet Histoire de France 9Tome IX : Guerres de Religion

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    PRFACE

    Dans cette prface, qui vritablement est plutt une conclusion, jedois des excuses la Renaissance, lart, la science, qui tiennent sipeu de place dans ce volume, mais qui reviendront au suivant.

    Je my arrte peine au rgne dHenri II. Mais, ds ce rgne m-me, sinistre vestibule qui introduit aux guerres civiles, tout souci dart

    et de littrature tait sorti de mon esprit.Mon cur avait t saisi par la grandeur de la rvolution religieuse,

    attendri des martyrs, que jai d prendre leur touchant berceau, sui-vre dans leurs actes hroques, conduire, assister au bcher.

    Les livres ne signifient plus rien devant ces actes. Chacun de cessaints fut un livre o lhumanit lira ternellement. Et, quant lart,quelle uvre opposerait-il la grande construction morale que btit leseizime sicle ?

    p002 La forte base, immense, mystrieuse, sest faite des souffrancesdu peuple et des vertus des saints, de leur foi simple, dont la portehardie leur fut inconnue eux-mmes, enfin de leurs sublimes morts.

    Tout cela infiniment libre. Mais une cole en sort qui fait du mar-tyre une discipline et une institution, qui enferme dans une formule lagrande me brlante de la rvolution religieuse. Cette me y tiendra-t-elle ? La libert qui fut la base, va-t-elle reparatre au sommet ?

    Voil les questions qui mont troubl jadis. La voie tait obscure et

    pleine dombres ; je voyais seulement, au bout de ces tnbres, unpoint rouge, la Saint-Barthlemy.

    Mais maintenant la lumire sest faite, telle que ne leut aucuncontemporain. Tous les grands acteurs de lpoque, et les coupablesmme, sont venus dposer, et on les a connus par leurs aveux. Philip-pe II sest rvl, et, grce lui, lEscurial est perc de part en part. Le

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    Jules Michelet Histoire de France 10Tome IX : Guerres de Religion

    duc dAlbe sest rvl, et nous avons sa pense jour par jour, en facede celle de Granvelle. Nous connaissons par eux leur incapacit, leurvertige et leur dsespoir au moment de la crise. Le duc dAlbe tait

    perdu en 1572, prs de devenir fou. Il faisait prier pour lui dans toutesles glises, consultait les sorciers, implorait un miracle ou du Diableou de Dieu. Le 10 aot, ce miracle lui fut promis pour le 24.

    Les tergiversations de la misrable cour de France, p003 qui si long-temps voulut, ne voulut pas et voulut de nouveau (pousse par ses be-soins, par le riche parti qui lui faisait laumne), et qui prit la fin ducourage force de peur, tout cela nest pas moins clair aujourdhui,lucide, incontestable. Ce que le Louvre avait pour nous dobscur sesttrouv illumin tout coup par cette foule de documents nouveaux

    qui, dAngleterre et de Hollande, de Madrid, de Bruxelles, de Rome,dAllemagne mme et du Levant, sont venus la fois pour lclairer.Et, de tant de rayons croiss, une lumire sest faite, intense, implaca-ble et terrible.

    Et qua-t-on vu alors ? Une grande piti. Ni lEspagne, si fire, nila grande Catherine (que tous mprisaient bon droit), ne savaient oils allaient ni ce quils faisaient. Ils cherchent, ils ttent, ils heurtent,ils donnent le spectacle trs bas de ces tournois daveugles quon ar-mait de btons, et qui frappaient sans voir. Ils marchent au hasard et

    tombent, puis jurent, se relevant, quils ont voulu tomber.Une telle lumire est une flamme, et rien ny tient ; tout fond. Ces

    majestueux personnages, rduits leur nant, svanouissent,sabment, disparaissent, comme cire ou comme neige. Et il ne reste-rait quun peu de boue, si, de tant de dbris, un objet nchappait, neslevait et ne dominait tout : la figure triste et grave dun grandhomme et dun vrai hros.

    Je ne suis pas suspect. Je ne prodigue gure les p004 hros dans meslivres. Mais celui-ci est le hros du devoir, de la conscience.

    Jai beau lexaminer, le sonder et le discuter. Il rsiste et grandittoujours. Au rebours de tant dautres, exagrs follement, celui-ci, quinest point le hros du succs, dfie lpreuve, humilie le regard. Lalumire lectrique, la lumire de la foudre, dont il fut travers, plitdevant ce cour, o rien, au dernier jour, ne restait que Dieu et Patrie.

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    Jules Michelet Histoire de France 11Tome IX : Guerres de Religion

    Une seule objection, dira-t-on. Cette joie hroque dont vous fai-siez ailleurs le premier signe du hros, elle ne fut point en Coligny.Tout ce que dit lhistoire tout ce que dit le funbre portrait, montre en

    cet homme redoutable un ferme juge du temps, mais plein de deuil,triste jusqu la mort.

    Nous lavouons, par cela il fut homme. Bless ? Plus quon ne sau-rait le dire, la profondeur mme de labme des maux du temps. Quisen tonnera ? Nul, aprs trois cents ans, ne pourra seulement les lire,que lui-mme nen reste bless ?

    Mais cest aussi en lui une grandeur davoir toujours vu clair par-dessus la nuit et le deuil, davoir gard si nette la lumire suprieure.

    Les vrais hros de la France ont cela de commun, que les uns inspi-rs, les autres rflchis (comme fut lamiral), sont minemment rai-sonnables. Coligny, quoique fort cultiv, lettr, thologien, quoiquegentilhomme et retard par cette fatalit de classe, allaitsaffranchissant et de ses prjugs et de ses docteurs. Sauf un momentdhsitation chrtienne p005 lentre de la guerre civile, il ne vacillanullement, comme on la dit ; il fut ferme et libre en sa voie.

    Homme de batailles, il hassait la guerre ; il y fut superbe, indomp-table, ddaigneux pour cette fille aveugle, tant flatte, la Victoire. Il la

    mena bout, ne quitta lpe que vainqueur, aprs avoir conquis nonseulement la paix et la libert religieuse (1570), mais les volontsmme de lennemi et lavoir vaincu dans son propre cur. Charles IX(les actes le prouvent), pendant prs de deux ans, suivit la voie de Co-ligny.

    Ce grand esprit, si sage, avait vu merveille la chose essentielle,que la France, dans sa plthore nerveuse et son agitation, voulaitsextravaser au dehors. Et il lui ouvrait lAmrique et les Pays-Bas,cest--dire la succession espagnole. Il ne se trompa nullement. Seu-

    lement (comme Jean de Witt un sicle aprs) il eut raison trop tt. Sesprojets furent repris, ds le lendemain de sa mort, par ceux quilavaient tu.

    Ctait un trs grand citoyen et fort libre de son parti mme. Lors-que les protestants, ayant le couteau la gorge, se virent forcs

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    Jules Michelet Histoire de France 12Tome IX : Guerres de Religion

    dappeler ltranger, il rsista autant quil put, et tant quil eu faillitprir.

    Sa nettet, son admirable cur, apparurent sa mort, quand on lut

    ses papiers secrets, et que ses meurtriers confus virent ce conseil auroi de se dfier de lAngleterre protestante autant que de lEspagnecatholique.

    p006 Grande consolation pour nous, dans cette histoire, de voir lanature humaine tellement releve ici ! de voir marcher si droit, parmilaveuglement de tous, ce pur et ferme cur qui ne regarde que laconscience. Les dfaites des siens, leurs folies, leurs destructions, rienne lentame. Il va son but. Quel ? une grande mort, qui sembleperdre, mais sauve au contraire son parti.

    Car la fille de Coligny, veuve par la Saint-Barthlemy, pouseraGuillaume dOrange. Car la France protestante, de sa blessure f-conde, engendre la France hollandaise. Car ce malheur immense, ausein des meilleurs catholiques, mit le regret, lamour des protestants. Ds ce jour, dit lun deux, sans connatre leur foi, jaimai ceux de laReligion.

    De sorte que ce grand homme a russi, mme selon le monde. Parsa mort triomphante, il gagna plus quil ne voulait.

    Voil la pense de ce livre 1. Et plut au ciel quelle nous et profitaussi nous, que ces grands curs, p007 si riches, nous eussent donnquelque peu dun tel souffle, et mis dans notre aridit un rien de leurstorrents !

    Que si notre temps, si loin de ce temps, et si peu prpar retrou-ver limage de ces grandeurs morales, sen prenait lhistoire,

    1

    Dans la suite de cet ouvrage qui me ramne aux lettres et aux sciences et fer-me le seizime sicle, on trouvera une critique gnrale des sources historiques dece grand sicle si fcond, mais si trouble, Une partie des notes que je donneraisaujourdhui reviendrait dans cette critique. Je les ajourne jusque-l.

    Quil me suffise ici dindiquer les principales sources manuscrites o jai pui-s, et qui mont donn spcialement les causes et prcdents, trs peu connus, dela Saint-Barthlemy : lettres de Morillon Granvelle (cest, jour par jour,lhistoire du duc dAlbe, celle des rapports de Bruxelles et de Paris). Lettresindites de Catherine de Mdicis. Extraits des lettres de Pie V, Charles IX,etc., tires des Archives du Vatican (en 1810), etc.

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    Jules Michelet Histoire de France 13Tome IX : Guerres de Religion

    lhistoire lui rpondrait ce que le jeune dAubign dit un jour dans leLouvre Catherine de Mdicis, qui le voyait debout et si peu pli de-vant elle : Tu ressembles ton pre !...

    Dieu men fasse la grce !

    1er mars 1856.

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    Jules Michelet Histoire de France 14Tome IX : Guerres de Religion

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    HISTOIRE DE FRANCE

    Chapitre Ier

    Henri II La cour et la France Affaire de Jarnac (1547)

    Plus ferme foy jamais ne fut jureA nouveau prince ( ma seule princesse !)Que mon amour, qui vous sera sans cesseContre le temps et la mort assure.De fosse creuse ou de tour bien mureNa pas besoin de ma foy la fortresse,Dont je vous fis dame, reine et matresse,Parce quelle est dternelle dure !

    Le nouveau rgne nous met en plein roman. LAmadis espagnol,tout rcemment traduit, imit, comment, est sa bible chevaleresque.LAmadis est bien plus que lu et dvor, il est refait en action. Hen-ri II rougit presque dtre fils de Franois Ier ; cest le fils du roi P-rion, cest le Beau Tnbreux. La ralit et lhistoire sont enterres Saint-Denis, et p010 libres, grce Dieu, nous entrons au pays des fes.O natteindrons-nous pas ? Les mdailles du temps, les emblmes etdevises ne parlent que dastres et dtoiles. La conqute du monde estassure ; mais quest-ce que cela ? Sur de charmants maux, un cour-sier effrn emporte Diane et Henri, aux nues ? au ciel ? On ne sauraitle dire.

    A la Salamandre ternelle qui rgna trente annes, au Soleil deFranois Ier, dont sa sur fut le tournesol, un autre astre succde : lalune, romanesque, quivoque, de douteuse clart. La Diane dici, enson habit de veuve, de soie blanche et soie noire, nous reprsente la

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    Jules Michelet Histoire de France 15Tome IX : Guerres de Religion

    Diane de l-haut, comme elle, et changeante et fidle. La mobile in-fluence qui rgit les femmes et les mers, qui donne les mares et par-fois les temptes, fait nos destines dsormais. Elle en a le secret et

    nous promet de grandes choses. Sous le croissant, on lit le calemboursublime : Donec totum impleat orbem. (Il remplira son disque ;ou, remplira le monde.)

    Nouvelle religion, galante, astrologique. Malheur qui ny croit !Cest la Diane arme et prte frapper de ses flches. Voyez-la Fon-tainebleau, sous son double visage : l, cleste et dans la lumire ; ici,la Diane des flammes, infernale, et la sombre Hcate. Ainsi la fablenous traduit le roman, et le met en pleine lumire. LAmadis espagnolsclaire du reflet des bchers.

    Nous ne sommes pas, croyez-le, dans un monde naturel : cest unenchantement, et cest par une suite p011 de violentes feries et decoups de thtre quon peut le soutenir. Cette Armide de cinquanteans qui mne en laisse un chevalier de trente doit tous les jours frap-per de la baguette. A ce prix, elle est jeune ; je ne sais quelle Jouvenceincessamment la renouvelle. Elle btit, abat, rebtit, sentoure de tousles arts. Elle lance la France dans dimprobables aventures. Des prin-ces de hasard, les Guises, vont agir sous sa main, blouir, troubler etcharmer. Surprenants magiciens, sil reste un peu de sens, ils sauront

    nous en dlivrer. La France, dcidment romanesque, espagnole, lesremerciera de ses pertes.

    Et dabord elle se trouve riche la mort de Franois Ier. Largentabonde pour les ftes. Trois ftes coup sur coup. Fte delenterrement, splendide, immense, et noblement tragique, o lon jet-te les millions. Fte du sacre, de royale largesse, o le roi comblerases preux.Fte dun combat outrance, dun Jugement de Dieu : celle-ci sombre, sauvage et sanglante, o toute la France est invite.

    En attendant, des voyages rapides, qui sont des ftes eux-mmes,la vie des chevaliers errants, dans nos forts, de chteau en chteau, etpar les arcs de triomphe. Le vieil ami du roi, le conntable, le prend, lemne aux dlices dcouen, de lIle-Adam, de Chantilly. Mais Dianele garde Anet. L, entour des Guises, enivr de fanfares,demblmes prophtiques et du rve de la conqute du monde, les

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    Jules Michelet Histoire de France 16Tome IX : Guerres de Religion

    yeux ferms, il donne les actes dcisifs par lesquels lidole signifie sadivinit.

    p012 Le premier tonna. Pendant que le feu roi, peine refroidi, fai-

    sait son lugubre voyage de Rambouillet Saint-Denis, vingt joursaprs sa mort, on souffleta son rgne, on avertit la France quelle en-trait dans un nouveau monde, hors des anciennes voies, hors de toutevoie, de toute tradition, quon supprimait le temps, quon retournaitdun saut au roi Arthur, Charlemagne.

    Nos rois, nos parlements suivaient, ds le treizime sicle, la gran-de uvre du droit. Rcemment Charles VIII, Louis XII et Franois Ieravaient crit, rdig nos Coutumes. Cujas mettait en face le droit ro-main, et le grand Dumoulin recherchait lunit du ntre. Cette rvolu-

    tion se rclamait du roi, se rapportait au roi, cherchait en lui sa force.Mais voil que le roi la dment et la rpudie, et nen veut rien savoir :tout le travail des lois, il le met sous ses pieds. Il rclame le droit de laforce, le bon vieux droit gothique, la sagesse des preuves, la juris-prudence de lpe. Saint Louis, tant quil peut, entrave le duel juridi-que ; Henri II (dans le sicle de la jurisprudence !) lautorise, le prsi-de et larrange ; il fait les lices, lance des champions selon la formeantique : Laissez-les aller, les bons combattants !

    Une rvolution si grave se fait par trois lignes informes, sans signa-ture, au bas dun chiffon de dfi.

    Toutefois, avec ce mot : Fait en conseil royal. Et sign Laubespin(le nom du secrtaire dtat) !

    Et quel est ce conseil ? Fort ingalement partag p013 entre lami etla matresse, entre le conntable, qui parat mener tout, et Diane, pr-sente, agissante, par ses hommes, les Guises, qui emportent tout eneffet. Montmorency gouverne la condition dtre gouvern.

    Lacte bizarre dont il sagit, supposant que ce droit barbare tait laloi rgnante, obligeait le sire de Jarnac de rpondre au dfi du sire deLa Chtaigneraie.

    Jarnac, beau-frre de la duchesse dtampes, de la matresse quisen va avec Franois Ier. La Chtaigneraie, une pe connue par lesduels, un bras de premire force, un dogue de combat, nourri par Hen-ri II.

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    Jules Michelet Histoire de France 17Tome IX : Guerres de Religion

    La jeune matresse du vieux roi avait trop provoqu cela. Dix ansdurant, elle avait harcel la grande Diane, en lappelant la vieille. Il yavait chez Franois Ier, entre ses domestiques, valets privs et rimeurs

    favoris, une fabrique dpigrammes contre la matresse de son fils. Unjour, on lui offrait des dents ; une autre fois, on lui conseillaitdacheter des cheveux. Ces fous criblaient coups dpingle unefemme de mmoire implacable, qui allait tre plus que reine, et le leurrendre coups dpe.

    Il tait bien facile de perdre la duchesse dtampes. Dabord, elleavait t, comme le malheureux et disgraci Chabot, comme Jean DuBellay, favorable toutes les ides nouvelles. Elle avait une sur pro-testante, connue pour telle, et exalte.

    Ensuite on avait mont contre elle de longue date p014 une machinedirecte et efficace. Par quoi sa tte ne tenait qu un fil. On avait dit,rpt, rpandu, quelle avait trahi le roi au trait de Crpy, que sanselle nous aurions vaincu, que ctait elle qui avait amen lennemi dix lieues de Paris. Bruit absurde, comme le prouve Du Bellay, maisdautant mieux aval par lorgueil national, qui y trouvait consolation.

    Elle aurait pri sans les Guises. Dj les gens de loi taient lancssur un homme qui lui appartenait et quon disait agent de sa trahison.Cet homme intelligent se garda bien de disputer ; il donna un chteauaux Guises. Ceux-ci ds lors ajournrent tout.

    Ils dirent que ce ntait rien de tuer la duchesse, quil fallait la d-sesprer, quon ne commenait pas la chasse par les abois, quil valaitmieux dabord que la bte harcele, mordue, sentt les dents, quelleet la peur et la douleur, quelle verst surtout ces amres et suprmeslarmes qui prouvent la dfaite et demandent merci.

    La victime pouvait tre mordue deux endroits, un dabord. Elleavait en Bretagne un mari de contenance quelle tenait l en exil,

    comme gouverneur de la province. Il avait accept la chose pour ungros traitement. Mais elle palpait ce traitement et le gardait. Cela,vingt ans durant. Ce mari, voyant le roi mort et sa femme perdue,clate alors, crie au voleur, la trane au Parlement. Voil les deuxpoux qui se gourment dans la boue, et avec eux la mmoire du feuroi. Diane y jouit fort, au point quelle envoya Henri II, le roi, aux ju-

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    Jules Michelet Histoire de France 18Tome IX : Guerres de Religion

    ges, aux procureurs, p015dans cette sale chauffoure, pourquoi ? pourassommer une femme qui se noyait dj.

    Autre endroit plus sensible encore ou on pouvait lui enfoncer

    laiguille, piquer la malheureuse, sans quelle pt crier seulement.Pendant vingt ans, matresse dun malade, et tristement malade, elleavait eu sans doute des consolations. La cour malicieuse pensait que leconsolateur devait tre Jarnac, beau grand jeune homme, lgant, dli-cat, que la duchesse dtampes, pour lavoir toujours prs delle, avaitdonn pour mari sa sur. Jarnac faisait beaucoup de dpenses, me-nait grand train, quoique son pre, vivant et remari, ne pt tre bienlarge. Il tait trop facile de deviner qui fournissait.

    Cela compris, senti, il fallait bien se garder de la tuer. Son enne-

    mie, pour rien au monde, ne lui aurait coup la tte ; elle pouvait luipercer le cur.

    On neut pas la patience dattendre la mort de Franois Ier. Un anou deux avant, on mit les fers au feu. Le Dauphin, instrument docile,lana laffaire brutalement par un mot quil dit Jarnac : Commentse fait-il quun fils de famille dont le pre vit encore peut faire unetelle dpense, mener un tel tat ? Le jeune homme, surpris, se cruthabile et parfait courtisan en rpondant une chose quil croyait agra-ble, disant que sa belle-mre lentretenait, ne lui refusait rien. Motquivoque, qui semblait faire entendre que Jarnac imitait lexemple duDauphin, avait la femme de son pre.

    Ce mot tomb peine, le Dauphin le relve, le p016 rpte partout,et dans ces termes : Il couche avec sa belle-mre.

    Un tel mot, et dun prince, va vite. Il alla droit au pre de Jarnac,du pre au fils. Sous un tel coup de foudre, le jeune homme osant tout,bravant tout, et roi et Dauphin, jura que quiconque avait ainsi mentitait un mchant homme, un malheureux, un lche.

    Tout retombait daplomb sur la tte du prince.

    Un, roi ne se bat pas, ni un prince, un Dauphin. Mais ils ne man-quent gure davoir des gens charms de se battre pour eux. Henri enavait, et par bandes. Grand lutteur et sauteur, aimant lescrime, ilchoisissait ses amis sur la force du poignet, la vigueur du jarret, ladextrit du bretteur.

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    Jules Michelet Histoire de France 19Tome IX : Guerres de Religion

    Le spcial ami du Dauphin tait un homme fort, bas sur jambes etcarr dchine, admirable lutteur, dune roideur de bras jeter parterre les lutteurs bretons. Il avait vingt-six ans, et dj il stait signal

    la guerre, surtout Crisoles. Quoique bravache, il tait brave, et seportait pour le plus brave. Il courait les duels, dfiait tout le monde.Cela en avait fait un personnage. Du reste, sans fortune et cadet, il sefaisait appeler, de la seigneurie de son an, le sire de La Chtaigne-raie. Il tranait aprs lui (aux dpens du Dauphin) une meute de genscomme lui.

    Le Dauphin neut aucun besoin de lancer La Chtaigneraie. Dsquil entendit parler de laffaire, il la fit sienne. Il soutint que ctait lui que Jarnac avait dit la chose, quil la lui avait dite cent fois, et lui

    dfendit de dire autrement.p017 Jarnac avait quelques annes de plus que La Chtaigneraie,

    tait beaucoup plus grand, long, dlicat et faible. Lautre, mme sansarmes, dit linscription mmorative du combat, laurait dfait, ananti.

    Et cependant que faire ? La Chtaigneraie demandait le combat ; ilavait fait grand bruit, et stait adress au roi (ctait encore FranoisIer), qui dfendit de passer outre. Combien de temps laffaire fut-ellesuspendue ? Nous lignorons. Mais les mots ironiques, les gestes dempris, les affronts, ne furent pas suspendus. Car le 12 dcembre1548, ce fut Jarnac qui, ne pouvant plus vivre, demanda au roi decombattre. Le roi rpondit quil ne le souffrirait jamais.

    Franois Ier (mort le 31 mars), quelle est la premire affaire de lamonarchie ? La grande guerre dAllemagne apparemment ? les se-cours promis aux princes protestants ? Non, nous avons bien autrechose faire. Charles-Quint les bat Mulhberg. La grande affaire,cest le duel, cest la mort de Jarnac, la vengeance de femme.

    Un mot dit pendant le combat nous autorise croire que Jarnac,

    alarm, se voyant si forte partie (et derrire, le roi mme), fitlhumiliante dmarche daller trouver Diane son ennemie et quil es-saya de la flchir. Grande simplicit. Il tait trois fois condamn.Comme amant de la duchesse dabord, mais aussi comme tant Cha-bot du ct paternel, cousin de lamiral Chabot, et par sa mre desSaint-Gelais, parent du pote de ce nom, comme tel affili peut-tre

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    Jules Michelet Histoire de France 20Tome IX : Guerres de Religion

    p018 cette damnable fabrique dpigrammes contre la vieille, dont nousavons parl.

    La grande dame parat lui avoir dit, avec sa froideur apparente,

    quelle ny pouvait rien, que le vin tait tir et quil fallait le boire,quil ny avait pas de remde, puisque le roi personnellement tait en

    jeu et quil ne cderait jamais.

    Nul moyen den sortir que de shumilier, de ne plus dmentirlinceste, de confirmer loutrage sur le front de son pre, de rester leplastron du roi et lamusement de la cour.

    Celle-ci y comptait, et lon sen amusait davance. Tout tait ar-rang pour donner laffaire une publicit effroyable. On en avait fait

    une fte ; le roi voulait y prsider et donner ce rgal aux dames.Henri II avait fait dresser les lices au centre de la France, prs de

    Paris, sur lemplacement admirable de Saint-Germain. Ce lieu unique,mme avant quon btit la terrasse dune lieue de long, a toujours tun thtre et le plus beau de nos contres. Le plateau triomphal do lafort regarde la Seine aux cent replis reut toute la France. Paris yvint, bruyant et curieux, marchands et artisans, bourgeois et compa-gnons de tout tat, les deux grands peuples noirs, la robe etluniversit, celle-ci spcialement trs aigre et mcontente. Mais le

    plus curieux, ce fut la foule de la pauvre noblesse qui, du 23 avril au10 juillet, dans ces deux mois et demi, eut le temps de venir de toutesles provinces.

    trange elle-mme et vrai spectacle pour la cour. p019 On se mon-trait ces figures dun autre ge, ces nobles revenants, dont tels pour-points dataient de Louis XII et tels chevaux boitaient depuis Pavie. Letout, couch dans la fort, et, parmi les cuisines odorantes, djeunantde pain sec, buvant au fleuve, faisant sur lherbe leur sobre et pastoralbanquet.

    On devinait assez leurs penses srieuses. La premire pour lemort, dj bien oubli de la nouvelle cour. O donc tait ce bel acteur,ce grand homme au grand nez, de noble pe, de haute mine, qui jus-quau dernier jour (malgr les ans, malgr Vnus, si cruelle pour lui),avait reprsent la France ? Que de choses couvertes par sa fire atti-tude, sa grce et son besoin de plaire, que dis-je ! par le souvenir de

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    Jules Michelet Histoire de France 21Tome IX : Guerres de Religion

    ses folies, passes toutes en lgendes. Magnifique hblerie, noble far-ce ! tout tait fini, rentr dans la coulisse, et la scne tait vide.

    Le dernier rgne, au milieu de ses fautes et de ses discordances,

    avait eu, au total, une harmonie fictive qui depuis avait disparu : laroyaut moderne sous un roi chevalier.

    Tant fausse que ft cette chevalerie, elle imposait. Aux choses onopposait les mots. Si la noblesse se plaignait du gouffre dvorant de lacour, des justices seigneuriales ananties, on rpondait par les victoi-res du roi, Marignan, Crisoles. Une police stait cre, secrte,dhonorables espions, qui, de chaque province, crivait aux clercs dusecret. Ces secrtaires du roi, les tribunaux du roi, un vaste tablisse-ment despotique stait form, et tout au profit de la cour. La p020 no-

    blesse, pourtant, du roi-soldat avait tout endur. Lui mort, tout celaapparaissait nouveau, et dsormais intolrable.

    Mais, part le gouvernement, hors de son action, une autre rvolu-tion stait faite, plus grande encore. En moins de cinquante ans,largent multipli et, partant, avili, avait comme annul la rente ; ren-tiers et cranciers recevaient beaucoup moins, et tout objet vendrecotait beaucoup plus cher. On ne pouvait plus vivre. Hutten, long-temps auparavant, le dit dj. La noblesse agonisait dans ses manoirsruins. Et, pour comble, elle stait normment multiplie ; les ca-dets, qui jadis ne se mariaient pas, steignaient au couvent ou lacroisade, avaient fait souche (de mendiants). Quelle ressource ? ladomesticit. Les plus adroits saccrochaient aux seigneurs, vivaient demiettes, lchaient les plats. Mais la plupart taient trop fiers encore,maladroits et sauvages ; draps dans leur manteau perc, ils mouraientde faim noblement.

    Beaucoup pourtant se rveillrent cette grande occasion. Ils firentressource de leurs restes et de tout. Ils voulurent voir la royaut nou-velle, la cour, labme o sabsorbait la France.

    Les longs prparatifs, les interminables crmonies quon avait ex-humes des livres de chevalerie, la pdantesque rudition quon mit reproduire dans leurs dtails ces vieilleries gothiques, leur donnrentle loisir de regarder, de sinformer, et, les yeux dans les yeux, de per-cer cette odieuse cour de leurs tristes et haineux regards.

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    Jules Michelet Histoire de France 23Tome IX : Guerres de Religion

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    Chapitre II

    Le coup de Jarnac (10 juillet 1547)

    Le roi dabord, quand on le dmlait dans la foule brillante, ton-nait, attristait le voir. Quoique grand, fort et bien taill, il ntait nul-lement lgant. Son teint, sombre, espagnol, faisait penser sa capti-vit, rappelait lombre du cachot de Madrid, et ses grosses paules enportaient encore les basses votes. Visage de prison. On y sentait aus-si lennui que son joyeux pre avait eu de faire lamour la fille du roibourgeois, la bonne et triste Claude.

    Au total, point mchant, mais lourdement bonasse et dpendant(voir le buste du Louvre). On comprend quun tel homme une fois liet musel, on pt le mener loin ; que, n chien, pour plaire ses ma-tres, il put devenir dogue, et de ces cruels bouledogues qui mordentsans savoir pourquoi.

    Mais il y avait aussi, dans la figure vivante, une chose que ne ditpas le buste. Le spirituel envoy p022 dEspagne, le trs fin diplomateSimon Renard, lexprime dun seul mot que tout le monde comprenaitalors : Il est n saturnien. Saturne, en alchimie, cest le lourd, vilet plat mtal, le plomb. Astrologiquement, Saturne est lastre sinistredes naissances fatales, des natures malheureuses, des vies qui doiventmal tourner, elles-mmes pesantes, pour les autres malencontreuses,de guignon, de triste aventure.

    Celui-ci, tre relatif, ntait que par rapport un autre tre, un astre

    suprieur. Lastre rassurait peu. Dans son portrait probable (MuseCluny), Diane effraye plutt de son apparente froideur. Fille du Rh-ne, mais longuement attrempe de sagesse normande, elle mit la froi-deur dans les mots, dans la noble attitude. Et les actes nen taient queplus violents.

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    Jules Michelet Histoire de France 24Tome IX : Guerres de Religion

    Combien elle tait redoute, on le voyait par le servile effort de lareine italienne, la jeune Catherine de Mdicis, qui ne regardait quelle,et tchait dattraper un mot ou un sourire. Elle ny perdait pas ses pei-

    nes, et on la rassurait. Ces deux femmes taient un spectacle pour lesaustres provinciaux, qui ne comprenaient rien ce partage dune im-pudente intimit.

    Laudace de Diane et son mpris de tout sentiment public, de touteopinion, apparaissaient en une chose, cest que, par-dessus tous lesdons dont nous parlerons tout lheure, elle stait fait donner un pro-cs avec qui ? avec toute la France.

    Elle se fit donner (sous le nom de son gendre) la concession vague,effrayante, de toutes les terres p023 vacantes au royaume. Or il ny

    avait pas un seigneur, pas une commune, qui neut prs de soi quel-quune de ces terres vacantes et ny prtendt quelque droit.

    Un quart peut-tre de la France tait ainsi dsert, inoccup, vacant,litigieux.

    On rclamait ce quart. On menaait dun coup deux ou trois centmille ayants droit. On leur suspendait sur la tte cet immense procso lon tait sr de gagner.

    Telle apparut la cour, le 10 juillet au matin, pompeusement rangesur les estrades de Saint-Germain. On fut trs matinal. Ds six heures,tous sigeant, les lices taient ouvertes, et lon procdait aux crmo-nies. Le combat neut lieu que le soir, fort tard, presque au soleil cou-ch.

    Nous avons heureusement un long rcit de cette journe, authenti-que, un procs-verbal dress par ceux qui virent de prs, par les h-rauts. Vieilleville y ajoute des faits essentiels, et Brantme, qui ail-

    leurs est de si faible autorit, mrite ici quelque attention, tant neveude lun des combattants, et sans doute inform trs particulirement decet vnement de famille.

    Donc, ds six heures, Guyenne, le hraut, alla chercher lassaillant,La Chtaigneraie, qui entra dans les lices grand bruit de trompetteset tambours, conduit par son parrain Franois de Guise, et par ceux, de

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    Jules Michelet Histoire de France 25Tome IX : Guerres de Religion

    sa compagnie, trois cents gentilshommes, vtus ses couleurs, fortclatantes, blanc et incarnat. Il honorap024 le camp par dehors et en fitle tour. Puis, il fut reconduit solennellement son pavillon, do il ne

    bougea plus.Quel tait donc ce prince qui faisait son entre dans un tel appa-

    reil ? Un cadet de Poitou qui tait venu en chemise. Il y avoit djcinq semaines, dit Vieilleville, quon voyoit La Chtaigneraie faisantune piaffe tous odieuse et intolrable, avec une dpense excessive,impossible, si le roi qui laimoit ne lui en et donn le moyen. Odieuse, en effet, intolrable, lorsque ctait le juge qui prenait siscandaleusement fait et cause pour un des partis.

    Si la tte avait tourn compltement La Chtaigneraie, on ne peut

    sen tonner. Fou de sa fatuit propre, il ltait encore plus de la foliecommune. Le temps nexistait plus, laffaire tait finie avant de com-mencer, Jarnac tait tu, dans son esprit, et il ne soccupait que dutriomphe. Il allait par la cour invitant tout le monde son souperroyal, les grands, les princes. Un Bourbon refusa.

    Un autre des Bourbons, le duc de Vendme, fort oppos aux Gui-ses, voulut relever le pauvre Jarnac, et demanda tre son parrain ;mais le roi le lui dfendit. Jarnac neut de parrain que Boisy, le grandcuyer, de cette famille des Bonnivet, une famille tombe, clipse.Vendme, indign dune partialit si manifeste et si grossire, se leva,et les princes du sang le suivirent.

    Depuis deux mois Jarnac stait prpar la mort, et il avait fait degrandes dvotions. Toutefois, pour p025 ne ngliger rien, il avait faitvenir un renomm matre italien qui savait des bottes secrtes et pou-vait drouter un bretteur de profession. Cet Italien sinforma, observa ;il sut que La Chtaigneraie gardait un bras quelque peu roide duneancienne blessure, et il dressa l-dessus son plan de campagne.

    Jarnac, tant lassailli, avait droit de proposer les armes. La ques-tion tait de savoir sil valait mieux pour lui proposer les armes gothi-ques, embarrassantes et lourdes, du quinzime sicle, ou celles, pluslgres, quon portait au seizime. En droit, puisquon renouvelait toutle vieil appareil, il pouvait exiger aussi les vieilles armes, comme onles portait aux combats de ce genre cent ans ou deux cents ans plustt. Lautre parti ne sy attendait pas. Il naurait jamais devin que le

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    Jules Michelet Histoire de France 26Tome IX : Guerres de Religion

    plus faible demanderait ces armes pesantes. Brantme assure pourtantque La Chtaigneraie trouva dans leur roideur un obstacle qui gna lesmouvements du bras jadis bless.

    Du reste, lItalien comptait si peu sur le succs de ce moyen, qutout hasard il en avait enseign Jarnac un autre, connu en Italie. Il luidit dexiger deux dagues : lune longue attache la cuisse, lautrecourte, mise dans les bottines ; dernire ressource de lhomme terras-s, quon appelait misricorde, parce quau moment de doute o levainqueur tait dessus et attendait quil demandt merci, il pouvait dubras libre tirer encore la dague et la lui mettre au ventre.

    p026 Les dagues furent accordes, et les cottes de mailles, les lon-gues pes pointues, deux tranchants. Je ne vois pas quon parle de

    cuissards ni de grves ; apparemment on les crut trop pesants, danscette journe chaude, pour un combat pied.

    La difficult et la discussion, qui fut longue, porta sur les ganteletsque proposa le parrain de Jarnac, longs et roides gantelets de fer,abandonns depuis longtemps et curiosits dun autre ge. Il prsentaitencore un vaste bouclier dacier poli, non moins inusit alors, maisadmirable pour faire glisser lpe dun fougueux assaillant, user laforce et la fureur du bouillant La Chtaigneraie.

    Tout cela refus de Guise, son parrain. Les juges du litige taientles marchaux de France, et celui qui les prsidait, le conntable. Il yavait parier quils dcideraient contre Jarnac, pour Guise (et pour leroi). Cependant, soit par sentiment dhonneur et dquit pour galerles chances, soit par entranement pour cder la voix publique, lesmarchaux pensrent quon devait suivre, mot mot, les usages desderniers combats, et quon ne pouvait refuser les armes usites alors.

    La voix du conntable tait prpondrante. Quailait-il dcider ?Nous lavons vu bien faible et bien servile sous lautre rgne. Celui-ci

    commenait, et lon ne savait bien encore o pencherait la faveur.Quoique Montmorency ft et parut le premier homme de ltat, quoi-que nominalement il et tout dans les mains, il avait vu combien faci-lement sa grande p027 amie Diane et ses petits amis les Guises avaientenlev Henri II, et de Chantilly, dcouen, maisons du conntable,lavaient emport Anet. Il avait vu encore au conseil du 23 avrilcomme aisment, contre toute vraisemblance, ils tirrent du roi lordre

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    du combat, cest--dire la mort de Jarnac. Sil les laissait ainsi tou-jours aller, lui-mme perdait terre. Homme de paille et simple manne-quin, il lui restait daller planter ses choux.

    Tout cela sans nul doute le mettait pour Jarnac. Et cependant il etflott encore, redoutant dirriter le roi, sans une trs grave circonstan-ce, qui bien plus droit encore saisit son cur et dut lui faire violem-ment dsirer la mort de La Chtaigneraie.

    Ce fait, entirement ignor, et quun rapport de dates nous a faitdcouvrir, est tel :

    Ce mme jour du 23 avril o le conseil, de gr ou de force, avaitcd au roi et livr le sang de Jarnac, Montmorency obtint, en com-

    pensation sans doute de lacte insens quil signait, une trs haute fa-veur personnelle. Le roi lui accorda pour son neveu Coligny les provi-sions de la charge de colonel gnral de linfanterie franaise.

    Coligny, il est vrai, tait trs digne. Ctait un homme de trenteans, dune gravit extraordinaire, dune ducation forte et savante,dune bravoure prouve et dj couvert de blessures. Il avait pris latche dure de former nos bandes de pied, largement recrutesdhommes effrns et de bandits. Il passait pour cruel, dit un historien,mais sa cruautp028a sauv la vie un million dhommes. Ses rgle-

    ments, base premire de nos codes militaires, le constituent lun despremiers crateurs de linfanterie nationale.

    Un tel neveu tait une bonne fortune pour lintrigant austre (onverra si ce nom tait d Montmorency). Coligny avait justement laralit des vertus dont lautre avait le masque. Il tait infiniment utile celui-ci que la noblesse de province, dont Coligny fut lidal, jugetloncle sur le neveu. La parfaite nettet de lun trompait sur lautre.On lui faisait honneur du fier gnie de Coligny, de ses paroles amres,parfois hautaines, sur la lchet du temps. Celle des Guises lui fit mal

    au cur quand ils mendirent une fille de Diane. Et il le dit trs haut.Les Guises eussent voulu tout prix biffer ce titre que lui donnait

    le roi. Ils russirent tenir la chose en suspens et sans excution pen-dant deux ans, pensant, dans lintervalle, pouvoir la faire passer quelque favori. Or celui du moment tait La Chtaigneraie, le roi entait engou ; ils conurent lide bizarre, trange (sotte sous tout au-

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    Jules Michelet Histoire de France 28Tome IX : Guerres de Religion

    tre roi), de faire donner ce bretteur, pour prix dun coup dpe, unecharge qui exigeait un si haut caractre, la plus austre tenue, la mora-lit la plus grave, charge en ralit de juge militaire, une pe de justi-

    ce autant que de combat !Le bruit courut partout que La Chtaigneraie avait la charge, au-

    trement dit, que Coligny ne lavait plus, que lon se moquait duconntable, que le parti des p029 vieux tait bafou, que tout passait la

    jeunesse, aux Guises.

    Il devenait trs essentiel au conntable que La Chtaigneraie fttu. Il approuva les armes proposes par Jarnac.

    Dinstinct, il sentait bien quil avait la France pour lui, que toute la

    noblesse de province surtout et fort mal vu La Chtaigneraie vain-queur et colonel gnral de linfanterie. Pour son matre, il le connais-sait, et jugeait quaprs tout il se consolerait fort vite du grand et cherami, et, sil tait battu, loin de le plaindre, lui garderait rancune.

    La discussion fut trs longue, et ce ne fut que bien tard, au plus tt sept heures du soir, quelle prit fin. La chaleur de juillet, la fatigue,lattente, avaient port au comble lexcitation des spectateurs. Nousavons vu ailleurs ( lpreuve de Savonarole) le vertige qui saisit lesgrandes foules dans de tels moments.

    Enfin les cris sont faits par les hrauts aux quatre vents. Dfense deremuer, de tousser, de cracher, de faire aucun signe.

    On les prend dans leur pavillon, on les amne en leur bizarre cos-tume, ml de deux poques, qui et paru grotesque dans un autremoment. Personne, en celui-ci, navait envie de rire.

    Laissez-les aller, les bons combattants ! Ce mot dit, ils avan-cent... Et lon ne respire plus ; On net os lever les mains au ciel,mais les yeux, les curs sy dressaient.

    p030 Les deux figures de fer marchant lune sur lautre (de droite, laforte et trapue, et de gauche, la longue), la premire se fendit, poussadestoc et redoubla... en vain.

    La longue, ctait Jarnac, remettant tout Dieu et ne se couvrantplus de sa pointe, hasarda un coup de tranchant, dchargea son pe(et peut-tre deux mains) sur le jarret de La Chtaigneraie.

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    Le coup porta si bien que celui-ci ne saisit pas le moment o Jar-nac stait tellement dcouvert, et o il et pu le transpercer. Il chan-cela etparut bloyer... Ce qui donna lautre facilit de redoubler de

    telle force et de telle roideur que, cette fois, le jarret fut tranch, et lajambe pendait... Il tomba lourdement terre.

    Rends-moi mon honneur ! dit Jarnac, et crie merci Dieu et auroi !... Rends-moi mon honneur ! Mais il restait muet.

    Jarnac, le laissant l, traverse la lice et sadresse au roi. Il met ungenou en terre : Sire, je vous supplie que vous mestimiez hommede bien !... Je vous donne La Chtaigneraie. Prenez-le, Sire ! Ce nesont que nos jeunesses qui sont cause de tout cela...

    Mais le roi ne rpondit rien.Acte cruellement partial. Le vaincu que Jarnac avait pargn aurait

    pu ntre qutourdi, se relever derrire et recommencer le combat. Onlui donnait le temps de se remettre et de reprendre force.

    Le vainqueur le craignit et revint. Mais il le trouva immobile, per-dant son sang.Il se jeta prs p031 de lui genoux, et de son gantelet defer se battant la poitrine, il dit et rpta : Non sum dignus, Domine. Puis, il pria La Chtaigneraie de se reconnatre, de rentrer en lui.

    Il tait en effet revenu lui, mais par un accs de fureur. Il se levasur le genou, empoigna son pe, et, dun mouvement dsespr, il seruait sur lautre. Ne bouge ! lui dit Jarnac, je te tuerai. Tue-moidonc ! Et il retomba.

    Ce dernier mot pouvait tenter Jarnac. Quallait-il arriver sil ne letuait ? Que ce furieux, vivant et sans doute sauv par le roi, ne perdraitpas un jour, une heure, peine guri, pour tuer son trop clment vain-queur.

    Mais il lui rpugnait de tuer cet homme par terre, lhomme du roidailleurs, qui peut-tre ne le pardonnerait jamais.

    Pour la seconde fois, il retourna au roi... Lamentable spectacle !...et se mit encore genoux : Sire, Sire, je vous en prie, veuillezque je vous le donne, puisquil fut nourri dans votre maison... Esti-mez-moi homme de bien !... Si vous avez bataille, vous navez gentil-

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    Jules Michelet Histoire de France 30Tome IX : Guerres de Religion

    homme qui vous servira de meilleur cur. Je vous prouverai que jevous aime et que jai profit manger votre pain.

    Cette prire ne fit rien au roi. Il ne desserra pas les dents envelopp

    dobstination sauvage, li de sa parole, sans doute, serf desprit et delangue, misrablement enchant.

    Le bless gisait sans secours. Jarnac, y retournant, p032 le trouvacouch dans son sang) lpe hors de la main. mu de son tat, il luidit : Chtaigneraie, mon ancien compagnon, reconnais ton Crateur,et que nous soyons amis. II nexigeait plus rien de ce mourant quede penser Dieu. Mais, tout mourant quil ft, il fit, encore un mou-vement contre lui. Jarnac, du bout de son pe, carta celle de cettebte sauvage, pe et dague, emporta, tout, remit tout aux hrauts.

    On voyait que La Chtaigneraie tait fort mal. Il pouvait trpasser.Jarnac, pour la troisime fois, alla au roi : Sire, au moins pourlamour de Dieu, prenez-le, je vous en supplie...

    Le conntable, en mme temps, descendu dans la lice, tait allvoir le corps, et, revenant, il dit : Regardez, Sire ; car il le fautter.

    Mais le roi tait aussi morne que le bless. Tout le monde voyaitque la vraie partie de Jarnac, ctait le roi, et que rien ntait fait. Unfrmissement contenu de fureur et dindignation, sans tre entendu, sevoyait sur la foule, et il ntait pas une me, tant basse et servile ft-elle, qui ne lant au trne une muette maldiction. Jarnac, lectris dece grand flot, et mis au-dessus de lui-mme, oublia sa nature de cour-tisan timide ; il fit un coup daudace qui dsignait, marquait la hainepublique son vrai but. Il alla Diane, sarrta devant elle, et, de la li-ce, sur lchafaud royal, lui lana cette parole : Ah ! madame, vousme laviez dit !

    Trente mille hommes la regardaient... La fascination p033 fut brise,la terreur reporte sans doute o elle devait tre ; les cailles tomb-rent des yeux du roi : il vit la montagne de haine qui pesait sur elle etsur lui, et, baissant les grosses paules (quon lui voit dans son buste),il jeta Jarnac ce mot sec : Me le donnez-vous ?

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    Jules Michelet Histoire de France 31Tome IX : Guerres de Religion

    Et alors le vainqueur, se jetant genoux pour la quatrime fois : Oui, Sire ... Suis-je pas homme de bien ?... Je vous le donne pourlamour de Dieu.

    Mais le gosier du roi tait comme sch. Il ne put jamais articuler : Vous tes homme de bien. Il luda cette rparation et dit un motqui ne touchait que le duel : Vous avez fait votre devoir, et vous doittre votre honneur rendu.

    La foule ny regarda pas de si prs. Les curs se desserrrent, lespoitrines souvrirent. Le mourant tait emport, et lon attendait avec

    joie que, selon les anciens usages, le vainqueur, au son des trompettes,ft men par les lices en triomphe. Il y et eu des applaudissements faire crouler le ciel. Le conntable senhardit parler, et rappela

    lusage et ce droit du vainqueur. Mais Jarnac frmit dun triomphe quilaurait perdu pour toujours ; il refusa avec beaucoup de force : Non,Sire, que je sois vtre, cest tout ce que je veux.

    On le fit monter alors sur les chafauds devant le roi. Et il se jetaencore genoux. Henri II avait eu le temps de se remettre et de secomposer. Il lembrassa avec cet loge forc quil avait combattu enCsar, parl en Aristote.

    p034 Quelques-uns disent quil ladopta vraiment et le prit en faveur.

    Je ne vois point cela. A la fin de ce rgne, je le vois encore simple ca-pitaine Saint-Quentin, sous Coligny.

    Ce qui surprit le plus, cest que le roi parut oublier parfaitement, oumpriser plutt son grand et cher ami. Il ne lui pardonna pas sa dfai-te, le laissa dans son agonie sans lui donner le moindre signe. Le mal-heureux fut si exaspre de ce dur abandon, quil arracha les bandesquon mettait ses plaies, laissa couler son sang et parvint mourir.

    Il avait bu jusquau fond le calice par loutrage du peuple. Ds lesoir mme, son pavillon, ses tentes, avaient t violemment envahis.Le splendide souper quil avait prpar pour son triomphe fut dvorpar la valetaille. Puis la foule survint, renversa les plats et marmites,bouleversa les tables. La vaisselle dargent, prte par les grands de lacour, fut pille, emporte. Par-dessus les voleurs, une tourbe confusesacharna, cassant, brisant, dchirant et trpignant sur les dbris.

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    Jules Michelet Histoire de France 32Tome IX : Guerres de Religion

    On vint le dire au roi, qui, ayant dj en lui-mme une grande col-re contenue, fut trop heureux de pouvoir frapper. Il lana ses archers,sa garde, les soldats de la prvt. Sur cette foule compacte, sans trier

    ni rien claircir, on tomba des deux mains coups dpes, de piques,de masses, de hallebardes. Confusion horrible, touffement, carnageindistinct dans lobscurit.

    La nuit tait ferme et sombre, et la foule scoula p035 par la fortet vers Paris, ne regrettant pas son voyage, malgr ce cruel dnoue-ment. Bien des choses taient claircies, et bien des hommes, jusque-l suspendus, commencrent prendre parti, ayant vu la cour dunct, la France de lautre.

    Tout ce quil y avait de pur, de fier, dans la noblesse de province,

    dindomptable et noblement pauvre, fut libre ds cette nuit, cheminantdun grand souffle, ne sentant plus sur ses paules cette fascination dela royaut quavait exerce le feu roi. Et la religion de la cour, le ca-tholicisme des Guises, de Diane, ne leur pesait gure. Beaucoup sesentirent protestants, sans savoir seulement ce qutait, le protestan-tisme.

    Le petit peuple de Paris, tudiants et artisans, malgr lhorribleaverse qui avait signal au soir la royale hospitalit, quoique plus dunrestt sur le carreau, quoique beaucoup revinssent manchots, boiteuxou borgnes, ce peuple, avec une pre joie, emportait avec lui un pro-verbe le coup de Jarnac , qui, redit, rpt partout et dans toutlavenir, renouvelt sans cesse cette dfaite, de la royaut.

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    Jules Michelet Histoire de France 33Tome IX : Guerres de Religion

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    Chapitre III

    Diane Catherine Les Guises (1547-1559)

    Quelque dompt, docile, n pour lobissance, que part Henri II,une femme de quarante-neuf ans qui gouvernait un homme de trentene pouvait tre rassure. Elle avait grand besoin de loccuper de rves,de projets, de penses. Il y avait un malheur, cest quil ne pensaitpoint, parlait peu, et ne lisait pas. En attendant la guerre, il fallait le

    jeter dans les pierres et les btiments.

    Lart avait dj dclin. Le sicle, son milieu, ressemblait fort Diane elle-mme. Il supplait par la noblesse ce qui manquaitdagrments. En btiments, comme en littrature, commenait le gen-re noble et le style soutenu. Leffort y est, et la grce srieuse. Adieula fantaisie. Que trouver dsormais qui ressemble Chambord, lexquise petite galerie de Fontainebleau ? La grande salle de bal (oudHenri II), toute grandiose et prophtique en ses p037 mystrieusesallgories, a leffet dune immense nigme ; on fatigue, on travaille,on sue tcher de comprendre.

    Diane refit dabord Anet. Elle occupa le roi lui btir un palais,maison dintimit, grande et non gigantesque, parfaitement mesureaux convenances dune noble veuve qui afficha toujours ce caractre,et qui dailleurs voulait possder, jouir sur-le-champ. Anet, improvispar Philibert de Lorme, entre Dreux, vreux et Meulan ; non loin de lagrande Seine, mais retir, sur la petite rivire dEure, fut tout en pro-menoirs, tout en rez-de-chausse, galeries et terrasses, au milieu desprairies, une maison de conversation. Du reste, nulle plus complteparc, taillis, bois, garennes, arbres fruitiers, volires, fauconneries,hronnires, tout fut prvu, tout ce qui peut distraire un grand enfant.Cours srieuses, jardin modique ; de petits arcs rustiques slevaient lentre des alles principales. Une chapelle, lgante et petite, cou-ronnait et consacrait tout.

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    Jules Michelet Histoire de France 34Tome IX : Guerres de Religion

    Labondance des eaux, les viviers, les canaux, qui coupaient toutcela, gayaient la maison, plus noble que gaie cependant. Sans les fo-rts voisines et les distractions de la chasse, le roi y et trouv les

    journes longues. Elle, en fit un palais de chasse, et se fit donner pourmettre lentre le bas-relief de cerfs, de sangliers, qua fait Cellinipour Fontainebleau (Voy. Louvre).

    Avec cela lattrait manquait. Qui peut dire ce qui fait lattrait dunemaison, dun lieu, dun paysage ? p038 Pourquoi lempereur Charlema-gne fut-il tellement pris du petit lac dAix-la-Chapelle, sans pouvoiren tirer ses yeux ? Un talisman, dit-on, y attacha son cur, ly retintfascin, amoureux et comme enchant. Mais qui allait crer pour Anetce mystre et ce tout-puissant talisman ?

    Ctait peut-tre la question du rgne.

    Il fallait savouer les choses. Ce qui rendait surtout la maison s-rieuse, ctait lge de la dame. II fallait inventer je ne sais quel mira-cle de jeunesse ternelle qui troublt limagination et lui donnt lechange, retnt le cour mu dun rve. Un rve peut supprimer letemps.

    Diane se souvint que sa rivale, dans un problme inverse, voulantraviver un vieillard, avait, jeune elle-mme, par sa chambre et entou-

    r son lit des ravissantes filles sorties du ciseau de Jean Goujon. Maiscombien le problme tait plus difficile ici, o lobjet aim, dj mr,avait besoin dillusion, dune Jouvence puissante, inoue !

    Jaurais voulu tre Anet quand limposante veuve y fit venir lematre, lui demanda le talisman qui tromperait le roi, lhistoire etlavenir.

    En parcourant dabord ce noble palais, un peu morne, Goujon vit etsentit la vraie grce du lieu, les eaux vives. Le monument, ds lors,dut tre une fontaine, o limmobile image saviverait sans cesse dumouvement de ces belles eaux, de leur gazouillement quelle a lairdcouter.

    Le gracieux gnie du lieu fut ainsi voqu du fond p039 des ondes,une Diane, non mythologique, plutt une fe chasseresse, jeune, fra-che et lgre, pose peine, comme pour respirer un moment. Maiselle y est reste plus longtemps quelle ne le voulait, au doux murmu-

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    Jules Michelet Histoire de France 35Tome IX : Guerres de Religion

    re des eaux ; ses beaux yeux errent et nagent ; et elle ne bouge plus,rveuse, prise elle-mme son enchantement.

    Elle est prise, et elle aime... Qui ? La fort sans doute, ou ce beau

    cerf royal contre qui elle incline, appuyant son poitrail un bouquetnglige de fleurs. Elle aime, qui encore ? Le noble lvrier quelle en-

    jambe dlicatement sans vouloir le presser, dune grce si tendre et sicharmante.

    Lembarras pour lartiste fut Diane elle-mme. La statue serait-elle, ou ne serait-elle pas un portrait ?

    Tous les portraits de Diane sont fictifs, moins, je crois, un seul, unestatue dont je parlerai, et qui ressemble un peu la Diane de Goujon.

    Dans celle-ci, il aura gard quelque chose des traits de la vie, une fu-gitive et lointaine ressemblance.

    Le beau nez, fin, dominateur, qui tombe avec dcision et dune au-torit royale, est un trait historique. Le front fort dcouvert (les che-veux tant relevs de toutes parts) est haut plutt que large ; une rso-lution peu commune habite l, plutt quune pense. Lil si vagueserait dur cependant, si la prunelle tait sculpte.

    Elle est nue, et dautant plus chaste. Virginale ? Non. Elle est pareet riche. Elle a pour vtement un lger bracelet son beau bras, et surla tte un p040 si riche ornement quil vaut un diadme. Tout lart dumonde est dans sa chevelure.

    Tant dart et de parure, et elle est nue ! cest le galant mystre. Cel-le-ci nest pas apparemment la Diane inexorable... Si ctait une fem-me ? Cette ide vient et trouble.

    Leffet tait puissant, magique, dans le jardin des Augustins (Mu-se des monuments franais), sous la feuille et sous lazur du ciel.Ciel troit dun jardin resserr, monastique, tout entour dun clotre.

    La feuille au vent voilait et dvoilait ce rve. Mais comment tait-ellel, charmante et nue ? on se le demandait. La jeune et fire beaut, lamain sur son grand cerf, semblait gare par la chasse, par le hasard,dans ce logis de moines, se reposant de la chaleur du jour, surprise...Mais nallait-elle pas se lever ?

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    Jules Michelet Histoire de France 36Tome IX : Guerres de Religion

    Lhistoire est de deux ges. Il y a le noble lai damour et le gai fa-bliau ; derrire le pome royal, un rire des vieux nols. La figure estsvre, vivement rsolue, le sein naissant et pur. Mais, ct dautres

    dtails font penser la veuve. Le charme est ml dironie.La grande bte au bois superbe, quelle retient mollement sous on

    bouquet de fleurs, ce cerf lil vide, au front vide, aussi passif quesa fort, est-ce une bte royale, ou un roi tout fait ? Je lui trouve unair dHenri II.

    Lartiste, pour ce lieu de fte et damusement, dans sa gaiet sha-kespearienne, derrire la belle nymphe, p041 sest donn le plaisir dunsombre repoussoir, amusante laideur. Il a soigneusement, avec un artexquis, comme il et sculpt Vnus mme, travaill avec complaisan-

    ce un barbet hriss, non, un triste caniche, noir, poil rude, brche-dent, qui rclame tout bas, comme ferait au cur de la belle le souve-nir vulgaire dun vieil attachement, dune triste amiti de mari, dunBrez par exemple, qui elle promit un deuil invariable, et qui timi-dement mle la fte damour quelques gmissements de grondeusefidlit.

    Voil le monument trange, idal et rel, amusant, noble et ravis-sant, lenchantement diabolique et divin qui a tromp les curs et quiles trouble encore, qui dmentit le temps, et qui la maintint belle jus-qu soixante-dix ans, que dis-je ? trois cents ans, jusqu nous.

    Mais laissons l le rve, laissons la posie. Voyons lhistoire et laralit.

    Diane, dite de Poitiers (daprs une prtention de descendre desvieux souverains de Poitou), ntait nullement Poitevine, mais duRhne, du pays le plus processif de la France, le plus pre aux affai-res, le Dauphin du Midi. Fille de Saint-Vallier, ce brouillon (lui crutchanger la dynastie, elle pousa Louis de Brez, petit-fils de celui qui

    trahit Louis XI, fils dun Brez qui eut une fille de France et qui lapoignarda. De tous cts, il y avait des romans dans sa destine.

    Le sang du Rhne intrigant, violent, fut considrablement tempren elle, et assagi par sa transplantation dans le pays de sapience, enNormandie, p042 o elle passa les meilleures annes de sa jeunesse, dequinze trente. Son mari, homme g, Louis de Brez, tait une esp-

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    Jules Michelet Histoire de France 37Tome IX : Guerres de Religion

    ce de grand juge dpe, snchal de Normandie. A la petite cour dusnchal et de madame la snchale, venaient se dbattre les affairesfodales quon pouvait, de gr ou de force, ramener la suzerainet

    du roi. Belle cole daffaires o elle vit sans doute combien la justiceest fructueuse. Il ne faut pas stonner si le premier don quelle obtintdHenri devenu roi fut un immense procs.

    Elle spcula habilement sur son veuvage, le porta haut, se fit inac-cessible, mit laffiche dun deuil ternel. Cela lui donna le Dauphin,qui aimait les places imprenables ; elle le tenta par limpossible. Etelle le garda, comment ? en ne vieillissant pas.

    Beau secret. Et pourtant, on peut en donner la recette Nesmouvoir de rien, naimer rien, ne compatir rien. Des passions, en

    garder seulement ce qui donne un peu de cours au sang, du plaisir sansorages, lamour du gain et la chasse largent. Un diplomate, connupar sa froideur, en jouait un peu tous les jours pour avoir, disait-il, cespetites motions, petits dsirs, petites peurs, qui achvent la digestion.

    Donc, absence de lme. Dautre part, le culte du corps.

    Le corps et la beaut, soigns uniquement, non pas mollement ado-rs, comme font la plupart des femmes, qui les tuent par les trop ai-mer ; mais virilement p043traits par un rgime froid qui est le gardien

    de la vie. Elle profitait des froides heures du matin, se levait de bonneheure, usait trs largement des rafrachissements inconnus aux damesdalors, en toute saison se lavait deau glace. Elle se promenait ensui-te cheval dans la rose ; puis revenait, se remettait au lit, lisait quel-que peu, djeunait. Pour digrer et rire, elle navait ni nain, ni chien,ni singe, mais le cardinal de Lorraine, un garon de vingt ans, fort gai,qui lui servait de femme de chambre et lui contait tous les scandales.Henri II trouvait bon cela, sachant parfaitement la froideur de sa ma-tresse, et regardant dailleurs ce petit prtre comme une femme. Celui-ci y trouvait- son compte, et par l se faisait souffrir.

    Le meilleur oreiller de la grande snchale, ctait son intimitavec la reine, la jeune Catherine de Mdicis. Celle-ci lui appartenait ;Diane avait la clef de lalcve, et quand Henri II couchait chez safemme, cest que Diane lavait exig et voulu. Cela se vit au momentou Diane et les Guises commencrent la guerre dAllemagne, malgrle conntable. Le roi nosait rien faire contre lavis de celui-ci. Il fal-

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    Jules Michelet Histoire de France 38Tome IX : Guerres de Religion

    lait faire dcider la chose par le conseil, qui tait partag ; pour enchanger la majorit, on y voulait ajouter un membre. Mais que diraitle conntable ? On dcida que le roi inopinment nommerait, et, pour

    constater que la chose tait bien de lui seul, spontane et sans influen-ce on le fit cette nuit coucher chez sa femme, o il fit le matin la no-mination. Ainsi Diane se mit p044 couvert ; la majorit fut change ;ni elle ni les Guises nen eurent la responsabilit.

    Sont-ce tous les services que rendait Catherine ? Non ; sous Fran-ois Ier, elle fut sans nul doute plus utile Diane encore. Et comment ?Brantme nous le dit : Elle sattacha au vieux roi ; elle lamusa, et lefaisait causer, le suivait la chasse, parmi ses dames favorites, cou-tant tout, attrapant des secrets. Cest ainsi que Diane dut tre toujours

    avertie, et mme de djouer temps les trames de son ennemie, laduchesse dtampes.

    Catherine (dans une lettre Charles IX) loue Franois Ier davoirinstitu la police, davoir eu partout des yeux, des oreilles. Elle-mme,selon toute apparence, fut chez Franois Ier la police de Diane, sesoreilles et ses yeux.

    Diane laimait tellement quelle seule la soignait en couches etdans ses maladies. Une fois que Catherine fut en danger, on la vittrouble, inquite. Avec raison. O en et-elle jamais trouve une pa-reille, si servile et si corrompue ?

    Mais, dira-t-on, comment la jeune reine stait-elle ce pointdonne sa rivale ? Pour la raison trs forte que Diane la protgeaitcontre laversion de son mari, qui let cent fois rpudie.

    Quand Clment VII vint en France marier sa petite-nice, il exigeaque le mariage ft fait et consomm de suite, irrvocable, se doutantquautrement il ne tiendrait gure. La petite fille de quatorze ans, don-ne un mari de quinze, agrable, douce et docile, ayant p045 beaucoup

    desprit et de culture, fut mal reue, et lui resta singulirement antipa-thique. Pourquoi ? Comme roturire, du sang marchand des Mdicis ?Ou bien pour sa nature menteuse, pour son caractre double et faux ?Non, pour un point physique.

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    Jules Michelet Histoire de France 39Tome IX : Guerres de Religion

    Physique, mais de porte morale. On y sentait la mort ; son mariinstinctivement sen reculait, comme dun ver, n du tombeau delItalie.

    Elle tait fille dun pre tellement gt de la grande maladie du si-cle, que la mre, qui la gagna, mourut en mme temps que lui au boutdun an de mariage. La fille mme tait-elle en vie ? Froide comme lesang des morts, elle ne pouvait avoir denfants quaux temps o lamdecine dfend spcialement den avoir.

    On la mdecina dix ans. Le clbre Fernel ne trouva nul autre re-mde sa strilit. On tait sr davoir des enfants maladifs. Henrifuyait sa femme. Mais ce ntait pas le compte de Diane ; elle avaithorriblement peur que, Henri mourant sans enfants, son successeur ne

    ft son frre, le duc dOrlans, lhomme de la duchesse dtampes. Enavril 1543, lorsque Henri partait pour la guerre et pouvait tre tu, ildut dabord tenter un autre exploit, surmonter la nature, aborder cettefemme et lui faire ses adieux dpoux.

    Le 20 janvier 1544 naquit le flau dsir, un roi pourri, le petitFranois II, qui meurt dun flux doreille et nous laisse la guerre civi-le.

    Puis un fou naquit, Charles IX, le furieux de la Saint-Barthlemy.

    Puis, un nerv, Henri III, et lavilissement de la France.p046 Purge ainsi, fconde denfants malades et denfants morts, el-

    le-mme vieillit, grasse, gaie et rieuse, dans nos effroyables malheurs.

    Les rpublicains de Florence, au sige de cette ville, ou elle taitfort jeune, lavaient eue dans leurs mains, et plusieurs, par une se-conde vue, voulaient la tuer. Elle parut si basse, quon lpargna. Ettelle elle resta, ne sachant mme har, ne pouvant dire un mot de vri-t.

    Diane, qui la tenait par la peur, la mprisait tellement quelle trou-va bon quon la sacrt, quon lui fit des mdailles, etc. Elle-mme, elleavait Anet, en mdaillon de marbre, cette chre reine, pour la tou-

    jours voir.

    Une autre politique de cette femme avise fut, ayant dj lalcve,davoir aussi la guerre. Elle maria ses filles aux aventuriers militaires

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    Jules Michelet Histoire de France 40Tome IX : Guerres de Religion

    dArdenne ou de Lorraine, qui, se trouvant entre la France etlEmpire, taient chefs naturels des bandes dAllemands qui recru-taient nos armes. La premire fille fut donne aux La Marck, et la

    seconde aux Guises.Le petit Charles de Lorraine, qui ntait quarchevque, prit

    lavnement le chapeau quon demanda Rome, et lon y envoya dansun honnte exil les douze cardinaux de Franois Ier. Tous les Guisesentrrent au conseil. Franois eut la Savoie, et plus tard larmedItalie, lentre aux grandes aventures, le vieux champ des romans dela maison dAnjou, dont il prit hardiment le nom.

    Il ny avait, aprs Montmorency, quun camarade de p047 jeunessedu roi, Saint-Andr, qui pt leur faire ombre. Ctait un homme de

    luxe et de bonne chre. Ils le solrent de biens, lui firent donner engouvernement le centre de la France (Lyon, Bourbonnais, Auvergne,etc.).

    La grosse part du gteau fut naturellement pour la grande sncha-le.

    Grande vritablement, normment rapace, miraculeusement ab-sorbante. La baleine, le lviathan, sont de faibles images. Elle avalaAnet et Chenonceaux, le duch de Valentinois. Mais quest-ce que

    cela ? Elle avala le don du nouveau rgne, exigeant que tout ce quonpayait pour renouvellement de charges, confirmation de privilges,etc., lui ft pay elle-mme. Mais quest cela encore ? une part, etelle voulait le tout. Elle prit la clef mme du coffre, destitua le trso-rier de France, et en fit un elle, un voleur prouv tel la mortdHenri II. Mais tant de gens avaient vol avec elle, avec lui, que lonnalla jamais au fond.

    On prit si vite ce qui pouvait se prendre, que bientt il ne resta queles places futures. On pia les morts. Ils avaient, dit Vieilleville, des

    mdecins pour tter le pouls tous ceux qui avaient des charges, lestenir au courant des maladies, des vacances probables, des affairesquon pouvait pousser sur les morts ou sur les vivants.

    Trois affaires promettaient les plus beaux bnfices :

    1 Les confiscations sur les protestants ;

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    Jules Michelet Histoire de France 41Tome IX : Guerres de Religion

    2 Les procs pour les terres vacantes ;

    p048 3 La punition des rvoltes que produirait le dsespoir.

    Il y en eut une tout dabord. Les misrables pcheurs de Saintongeet du Bordelais, rduits par la gabelle ne pouvoir plus saler leurpoisson, leur unique nourriture, mouraient de faim ; ils se soulevrent.Le gouverneur de Bordeaux fut tu. Occasion splendide dexploiterces provinces. On effraya dabord Bordeaux par les supplices, on pen-dit, on roua, on fora les notables dterrer le mort avec leurs ongles.On ranonna les survivants. Le fait suivant en dit beaucoup ; on secroirait dj aux beaux jours de Louis XIV, la rvocation de lditde Nantes.

    Cinq grands seigneurs, dont lun beau-frre de Saint-Andr, appor-tent au marchal de Vieilleville un brevet par lequel le roi donne euxet Vieilleville la confiscation de tous les usuriers et luthriens deGuyenne, Limousin, Quercy, Prigord et Saintonge. Lide premireappartenait un certain Dubois, juge de Prigueux, qui rpondait quechacun deux en tirerait vingt mille cus. Dubois promettait den don-ner moiti dans un mois. Vieilleville les remercia ; mais il tira sa da-gue, et lenfona dans le brevet lendroit o tait son nom. Ils rougi-rent et en firent autant, sen allrent sans mot dire.

    Il tait rare quon lcht prise ainsi. Un riche lapidaire de Tours,qui chaque anne allait aux foires de Lyon, prparait un magnifiquecollier pour Soliman. Cela rendit curieux ; on sinforma de sa foi, eton ne manqua pas de trouver quil tait protestant. Laccusateur, p049prtre de Lyon, pour assurer laffaire, sassocia un gentilhomme qui,dabord, demanda en prt une grosse somme au lapidaire, puis, refus,sollicita et obtint sa confiscation. Tout son bien tait en pierreries, quidisparurent. Exasprs, les dnonciateurs le tranent Paris. Mais l ilaurait pu acheter protection. On se hta de le brler.

    La fructueuse spculation de vendre des procs tait pousse engrand par Diane et les Guises, ouvertement et sans mystre. Nousavons dit que le procs coutre le confident de la duchesse dtampesfut lanc, puis arrt par le cardinal de Lorraine, qui reut de lui uneterre. Le grand Guise, Franois, agit de mme dans la rvision qui sefit du procs des Vaudois. Grigilan, gouverneur de Provence et lundes massacreurs, se lava en donnant son chteau de Grignan au tout-

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    Jules Michelet Histoire de France 42Tome IX : Guerres de Religion

    puissant Franois. Selon toute apparence, cette rparation singulirede la perscution par un gouvernement perscuteur na dautre expli-cation que lapptit de la nouvelle cour pour voler les voleurs du rgne

    prcdent. Les vers se mangent lun lautre.Quelque peu port que lon soit sexagrer limportance dun in-

    dividu dans les grandes rvolutions, on est forc de reconnatre queDiane a pes cruellement dans nos destines.

    Unie aux Guises, Saint-Andr, tout ce qui volait, elle formasous Henri II la ligue compacte qui, plus tard, au jour des rformes, au

    jour de la ncessit, se dressa comme un mur contre la justice, rendittout remde impossible.

    p050 Par elle, la fortune des Guises (qui fut notre infortune) ne mar-cha plus, elle vola. Prcipite, violente, inluctable, par cueils, parabmes, cette fortune fantasque emporta la France avec elle.

    A ce bizarre roman de la vieille matresse se lia le roman de faussechevalerie, de hros de fabrique, de princerie populaire, et tant de san-glantes farces.

    En ce pays de prose, o la vraie posie est peu sentie, pour posieon prit le roman.

    Linfluence espagnole y fit beaucoup sans doute. Mais, mmeavant cette influence, le roman avait commenc.

    Les Guises assez clairement avaient livr le mot du leur. Enfantsdun cadet de Lorraine (dun cinquime fils de Ren II), ils ddaign-rent, comme on a vu, de sappelerLorraine, et prirent le nom dAnjou.Ils en taient par leur aeule, la mre de Ren II. Mais se nommer An-

    jou, ctait promettre plus que les livres de la Table-Ronde.

    Cela commence au frre du roi fou, Charles VI, Louis dAnjou, qui

    ruine la France pour manquer lItalie.Puis vient le fameux roi Ren dAnjou, le bon et le prodigue, sou-

    venir populaire, Ren roi de Jrusalem, Ren le prisonnier, dlivr parsa femme, etc., etc.

    Son fils Jean de Calabre, sa fille Marguerite dAnjou, la furiedAngleterre, le petit-fils enfin, Ren II, qui les lances des Suisses

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    Jules Michelet Histoire de France 43Tome IX : Guerres de Religion

    donnrent le grand succs de la chute du Tmraire : ctaient l deslgendes propres troubler lesprit des Guises. Elles leur furent p051sans nul doute ressasses par leur ambitieuse mre, par leurs chroni-

    queurs domestiques. Leurs dmarches, toujours hasardes fort au delde leur situation, furent visiblement en rapport avec ce royal passdont ils faisaient leur point de dpart.

    Avec le motAnjou, ils pouvaient rclamer cinq ou six provinces deFrance et cinq ou six trnes dEurope. En attendant, avaient-ils deschemises ? Leur pre Claude arriva fort nu en France, point apanagde Lorraine. Ctait un bon soldat. On lui donna des postes deconfiance, des tablissements aux frontires champenoises, picardes etnormandes. On supposait quil pouvait commander nos Allemands,

    suppler les La Marck, de quoi il sacquitta fort mal Marignan. Djauparavant, le bon roi Louis XII lavait hautement mari en lui don-nant Antoinette de Bourbon. Cette Bourbon tait petite-fille par samre du fameux conntable de Saint-Pol, le grand tratre du quinzi-me sicle. Elle en avait le sang avec une violence sinistre quelle fitpasser ses enfants. Cest elle qui dcidera le massacre de Vassy.

    Je nhsite nullement, rapporter Antoinette laudacieuse initia-tive que prit son mari Claude pendant la captivit de Franois Ier ; delui-mme, il ne leut prise. Charg de couvrir nos frontires de lEst

    avec les dbris de Pavie, sans ordre, il sortit du royaume, traversa tou-te la Lorraine, et, sunissant au duc son frre prs de Saverne, frappale coup le plus sanglant sur les paysans insurgs. Un tmoin oculairedit : Jen vis passer dix-huit mille au fil de lpe. On p052 repritSaverne, qui tait lglise de Strasbourg ; on rendit lvque, auchapitre, aux seigneurs ecclsiastiques que poursuivaient les paysans,un service dimmortelle mmoire, et non moins grand lEmpereur ;ce torrent dbord ft descendu aux Pays-Bas.

    Le roi fut tonn plus que satisfait dun tel acte, de cet excs de z-

    le. tait-ce lui quon avait servi en touffant linsurrection qui auraitpu donner Charles-Quint de si graves embarras ? Il sen souvint, et,depuis lors, jamais ne fut bien pour les Guises.

    Le clerg sen souvint aussi. A la premire occasion, il travaillapour eux. Le roi dcosse, Jacques V, veuf dune fille de Franois Ier,quil aimait fort, tait press par les siens de se remarier et ne voulait

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    quune Franaise. Il demandait une Bourbon. Ses prtres dcossefirent si bien quen place il accepta Marie, la sur des Guises.

    Ceux-ci, dans ce hasard heureux, faufils entre deux amours, se

    trouvrent sur le trne, par la grce du clerg, grands et importants parleur sur, dont la France avait besoin contre lAngleterre, et qui, bien-tt veuve, rgente au nom de la petite Marie Stuart, fut courtise pourlivrer cette enfant avec la couronne dcosse.

    Les Guises ntaient pas moins de douze. Douze fortunes faire !Nayant pas la faveur du roi, ils se glissrent par le Dauphin Henri, sedonnrent Diane, mendirent la main dune fille de Diane. Cette al-liance les enhardit au point que Franois de Guise (dit-on) p053 fit pro-mettre ce simple Henri de lui restituer la Provence !

    Ils comptaient bien aux noces prendre le manteau de prince. Fran-ois Ier fut inflexible, et il leur fallut attendre sa mort. Princes alors,malgr les vrais princes, malgr le Parlement, ils ne sen contententplus Ils veulent marcher de front avec le premier prince du sang,Bourbon-Vendme, pre dHenri IV.

    La devise du cardinal de Lorraine tait un lierre autour dun arbre.Image nave des Guises recherchant les Bourbons, les treignant paralliance, et peu peu les touffant.

    Leur audace sduisit la France. Quoique minemment faux, et toutmensonge, ils plurent par le succs et l-propos. On leur crut le su-prme don que plus tard Mazarin voulait dun gnral plus quaucunsolide mrite, disant toujours Est-il heureux ?

    Franois de Guise, excellent homme de guerre, neut pas cependantoccasion de faire la grande guerre stratgique. Metz et Calais, deuxsuccs de dtails, bien russis, enlevrent lopinion. Un immense par-ti, qui avait besoin dun hros, reprit la chose en chur, la chanta pen-dant cinquante ans, en assourdit lhistoire.

    A voir pourtant cette servilit au honteux combat de Jarnac, voirson affaire de Grignan quil lava pour argent, voir cette attention auxpetits gains, aux petites affaires de ses fiefs (Mm. de Guise), jai de lapeine croire que, sous cette bravoure, sous cet clat, un grand curait battu.

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    p054 Cest ce qui distinguait fort les Guises de leurs aeux dAnjou,et qui, dans leur plus haute fortune, les signalait toujours commepar-venus. Ils ntaient pas tellement ambitieux dans le grand, quils ne

    fussent prement avides ; rapaces, crochus, dans le petit. Tout-puissants mme, et rois de France, on les vit palper sans rougir lesmenus profits de la royaut. Leur sur dcosse, et vraie sur en ce-ci, les en gronde, surtout leur reproche de ne pas lui faire part et de nevoler que pour eux.

    Nous ne suivons pas les satires protestantes, mais bien lopinioncatholique indpendante, celles de Tavannes, par exemple, des Espa-gnols, du duc dAlbe, qui parle du cardinal de Lorraine comme dunpetit brouillon avec qui on ne peut traiter. Il en dit ces propres paro-

    les : En disgrce, il nest bon rien. En faveur, il est insolent, et nereconnat plus personne. (Lettre du 18 juillet 1572.)

    Ce que les frres eurent de meilleur, ce fut lentente et lunitdefforts. La division du travail et des rles tait parfaite entre eux. Lesecond, Charles, et le troisime, Aumale, le gendre de Diane, la te-naient par elle et sa fille. Ils nen bougeaient, surtout le jeune cardinal.Ils assuraient Franois, le hros, le vrai champ de bataille des affai-res, savoir la chambre coucher, ces douze pieds carrs qui (disaitRichelieu) donnent plus dembarras que lEurope. Le jeune cardinal,

    entre le roi et Diane, tait de tout en tiers ; il mlait tout ses gamba-des, et tenait son frre, le hros, trs inform, sans sortir de son rle,p055 et gardant la bonne attitude dun militaire tranger aux intrigues.

    Nulle affaire lucrative non plus ne passait l sans quils fussent mme den happer quelque chose. Ce quils en tirrent, Dieu le sait.Pour ne parler que du cardinal, on put croire quil serait peu peu leseul vque de France. Il arriva sous Charles IX runir douze siges,dont trois archevchs, les grands siges archipiscopaux de Reims,de Lyon et de Narbonne ; lest, les riches vchs germaniques de

    Metz, Toul et Verdun ; au midi, Valence, Albi, Agen ; louest, enfin,Luon, Nantes.

    Mais ce mot dvch ne donne gure une ide de la ralitdalors ; les trois de lest taient de riches principauts dEmpire,grasses ce point, quen 1564, voulant sassurer le duc de Lorraine, le

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    Jules Michelet Histoire de France 46Tome IX : Guerres de Religion

    cardinal, sur Verdun seulement, put lui donner en fiefs vacants un donde deux cent mille cus. (Granvelle, VIII, 305.)

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    Chapitre IV

    Lintrigue espagnole

    Jai donn les acteurs, ce semble. Il ne me reste qua commencer ledrame. Selon la mthode ordinaire, je dois, ds ce moment, entamer lercit de limbroglio politique.

    Cest le conseil que le lecteur me donne, et lart peut-tre aussi. Lepuis-je en vrit ? Lhistoire me le dfend, et elle parle plus haut quetout art littraire. Si jouvrais ici le rcit, jaurais beau faire ensuite, ilresterait toujours obscur.

    Quon ne sy trompe point. Les meneurs de la cour que nous avonsnomms, en tout, trois ou quatre intrigants, ne sont nullement lesgrands acteurs rels du drame qui va se jouer. Ils y sont accessoires,entrans quils sont tout lheure sous linfluence souveraine qui lesemportera et eux et leurs projets juste au rebours de leurs projets. Cet-

    te influence est lespagnole.p057 Je ne puis davantage chercher en Charles-Quint la fixit de

    mon fil historique. On le verra ess