Michel MANGENOT
Transcript of Michel MANGENOT
Université de Strasbourg
Ecole nationale d’administration
Juin 2018
Master spécialité Administration et finances publiques
Parcours Administration Publique Spécialisée
Soutenu par :
NDOLOUM Casimir
CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)
Sous la direction de :
Michel MANGENOT
Professeur de science politique à l’Université Paris 8, Institut d’études européennes
Membre du Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris
Vice-président de l’Association française de science politique
De la problématique du système de recrutement des agents
à la professionnalisation de la Fonction publique au Tchad
2
Dédicace
A ma mère DEMOUNDOU Sophie et à mon père NODJIMGOTO Joseph
Franco,
Pour la vie reçue et entretenue par vos soins ;
Pour votre affection qui a considérablement inspiré ma personnalité par ce que
vous m’aviez constamment appris à percevoir le bonheur dans le travail toujours
bien fait et à lire la réussite dans l’accumulation des épreuves affrontées,
Avec vous, j’ai appris à croire en moi et à voir le soleil qui se lève, les étoiles et
la lune qui déchirent les ténèbres plutôt que le crépuscule affligeant.
Que ce pas soit le soulagement de vos peines!
3
Remerciements
Mes reconnaissances à Monsieur Michel MANGENOT pour avoir accepté de m’encadrer
dans cette entreprise. La simple expression de sa volonté à m’accompagner, malgré ses
multiples occupations, m’a poussé à l’audace et inspiré ce travail ;
Mes remerciements à Monsieur Fabrice LARAT, Directeur adjoint chargé des masters et de la
recherche pour sa précieuse contribution à la formulation de mon thème ;
A Madame Cécile BOSS, la Référente pédagogique des élèves internationaux pour sa
réceptivité et sa patience durant toute ma formation ;
Merci à la Direction générale et à tout le personnel de l’Ecole nationale d’administration pour
les sacrifices consentis à me communiquer la passion du travail bien fait et à rendre
mémorable mon passage à l’ENA ;
A mon binôme et frère, François LEVERGER pour la sympathie durant tous ces moments de
stress ;
A mon épouse ALLAHRA YELKOM Sainte pour le bonheur et la motivation que m’a
procurée sa douce et rassurante présence durant ma formation ;
A mes oncles MBAÏHOUNDAM Pierre et tante NODJIALGOTO Blandine, pour les secours
multiples tout au long de mon aventure.
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Liste des sigles et abréviations
ANT Armée Nationale Tchadienne
CADHP Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
CAP Commissions administratives paritaires
CCFP Comité consultatif de la fonction publique
CED Commission d'équivalence de diplômes.
CIMAPE Commission Interministérielle chargée de l’Assainissement du fichier du
Personnel de l’État
CM Conseil médical
CSR Comité de suivi des recommandations
DRH Direction des Ressources Humaines
DUDH Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
DUDHC Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen
ENAM École nationale d’administration et de la magistrature
ENASS École national des agents sanitaires et sociaux
ENFJ École nationale de formation judiciaire
GNNT Garde nationale des nomades du Tchad
GPEC Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
PR Président de la République
SIGASPE système intégré de gestion administrative et salariale du personnel de l'État
SNRP Stratégie Nationale de Réduction de la Pauvreté
XAF Sur le marché des devises, sigle désignant le franc CFA de la Banque des États
de l'Afrique Central
CESRAP Cellule technique chargée du suivi et de la mise en œuvre de la réforme de
l’administration
BEPC Brevet d’étude du premier cycle
6
Sommaire
Dédicace ..................................................................................................................................... 2
Remerciements ........................................................................................................................... 3
Liste des sigles et abréviations ................................................................................................... 4
Sommaire ................................................................................................................................... 6
Introduction générale .................................................................................................................. 7
1ère
PARTIE : LA CONSTRUCTION DE LA FONCTION PUBLIQUE TCHADIENNE .... 13
Chapitre I : La mise en œuvre de la législation du recrutement ............................................... 15
Section 1 – La Constitution de la IVème
République du 04 mai 2018 .................................. 15
Section 2 – La Loi n°017 / PR / 2001 portant statut général de la fonction publique. ......... 19
Chapitre II : Les modalités de recrutement à la Fonction publique au Tchad ......................... 25
Section 1 – L’illusion du principe du recrutement par voie de concours ............................. 26
Section 2 – Des exceptions à la violation des règles ............................................................ 27
Chap. III : La pénible évolution de carrière dans la fonction publique tchadienne ................. 29
Section 1 – Du stage à la titularisation : une évaluation imparfaite. .................................... 30
Section 2 – Les mouvements de carrière du fonctionnaire : une endurance professionnelle31
2ème Partie : RETROSPECTION DES REFORMES DE LA FONCTION PUBLIQUE
TCHADIENNE ........................................................................................................................ 34
Chapitre I : Un contexte politique peu favorable à la mise en œuvre des réformes ................. 35
Section 1 – Le manque de portage politique des réformes ................................................... 35
Section 2 – L’insuffisante évaluation des réformes ............................................................. 36
Chapitre II : Possible amélioration du cadre institutionnel du recrutement des agents ........... 37
Section 1 – Des dispositifs de recrutement à harmoniser ..................................................... 37
Section 2 – Formation du personnel de l’État à planifier ..................................................... 38
Chapitre III : De l’usage rationnel des outils de gestion et d’évaluation ................................. 39
Section 1 – Bonne exploitation du SIGASPE ...................................................................... 39
Section 2 – Recours à l'évaluation professionnelle .............................................................. 41
Conclusion ................................................................................................................................ 42
Annexes .................................................................................................................................... 44
Extraits de textes ...................................................................................................................... 44
Données statistiques ................................................................................................................. 48
Bibliographie ............................................................................................................................ 49
7
Introduction générale
La construction d’un État ne s’explique pas par la seule évidence de son pouvoir politique
comme il est courant de le peindre sous cette couleur. La définition élémentaire qui conjugue
les notions population, territoire et pouvoir, quoi que paraissant servile, dirige assidûment
nombre de réflexions sur cette créature humaine dont l’appellation « personne morale de droit
public » fertilise, depuis Thémis1jusqu’à BRAIBANT Guy
2, les chantiers séculaires du droit.
L’ambition serait démesurée de philosopher sur l’État, ne serait-ce qu’en l’abordant sous ses
trois éléments de définition. Ce n’est d’ailleurs pas l’enjeu de notre entreprise. Cependant,
Pierre BOURDIEU (1930 – 2002), illustre sociologue français de la seconde moitié du XXème
siècle n’a pas manqué d’aborder sa réflexion « Sur l’État » [en essayant] « d’analyser l’espace
public, le monde de la fonction publique comme un lieu où les valeurs de désintéressement
sont officiellement reconnues et où, dans une certaine mesure, les agents ont intérêt au
désintéressement. » (P. BOURDIEU, 2012, p. 14). Dès lors, il conviendra de se recueillir sur
les défis de l’exercice du pouvoir dans l’État, notamment sur les subtilités qu’il renferme à
travers son organisation administrative, mieux, sa fonction publique. Plus précisément, il
s’agit d’interroger la cour intérieure de l’État sur l’essentiel de son existence au regard de sa
dimension sociologique.
L’État a vocation à promouvoir l’intérêt général, à travers ses services publics. Sa production
administrative s’inscrit dans cette logique. C’est tout le sens du rapport entre le recrutement
des agents et l’efficacité de la Fonction publique. Aussi, une réflexion sur un tel sujet ne peut
être menée isolément du contexte sociopolitique et économique dès lors que le but du
recrutement est de pourvoir les administrations publiques des ressources humaines
compétentes répondant aux besoins de fonctionnement et de qualité des services publics, et, in
fine, aux attentes des usagers. Traiter « De la problématique du système de recrutement des
agents à l’efficacité de la Fonction publique au Tchad» revient à justifier cette légitimité. En
1 Dans la mythologie grecque, déesse de la Justice, de la Loi et de l'Équité et donc du Droit, souvent
représentée dans l'art ancien tenant les plateaux d'une balance avec laquelle elle pèse les arguments des
parties adverses.
2 BRAIBANT Guy (1927 – 2008) est juriste de droit public, ancien élève de l'E.N.A. entré au Conseil d'État en
1953, son nom est associé à ceux de Marceau Long et de Prosper Weil en tant que coauteur d'un classique du
droit administratif français, constamment réédité : Les Grands Arrêts de la jurisprudence administrative.
8
revanche, cela permet de mettre en perspective les enjeux du rapport entre le recrutement
des agents et l’efficacité de la Fonction publique. D’après Frédéric COLIN, spécialiste du
droit public, « la fonction publique rassemble les employeurs publics dont les agents sont
soumis aux règles du droit public. » (F. COLIN, 2016, p. 18). Cette définition juridique de la
fonction publique révèle le statut de l’employeur et de l’agent, tel que conçu par le droit
public. Toutefois, l’intérêt de la question réside, à la base, dans le processus de recrutement et
la gestion des relations professionnelles entre cet employeur public et son agent, au regard des
missions qui leur sont dévolues et des obligations qui leur incombent. Quand bien même la
combinaison des éléments tenant au statut du service et à la présence de la personne publique
rend confuse la limite entre le droit public et le droit privé. En guise d’illustration, la subtilité
de l’applicabilité de la Loi 017/PR/2001 portant statut général de la Fonction publique au
Tchad est évidente dans les contrats de travail entre l’administration publique et une personne
privée, pour l’exercice d’une fonction publique ou d’une mission de service public. Cette
observation est plus courante dans le système de la fonction publique de l’emploi. L’équation
ne se pose pas dans le système de la fonction publique de carrière. Dans le premier, dit
« système de la fonction publique ouverte », pour reprendre les termes de Béatrice Thomas-
Tual, l’agent est recruté sur la base d’un contrat pour occuper un emploi spécifique et ne peut
le changer que dans le contexte d’un nouveau recrutement. Sa carrière dans l’administration
n’est pas prédéfinie par un statut. Cette technique ressemble à s’y méprendre au contrat de
travail du droit privé.3 Dans le second, dit « système de la fonction publique fermée », l’agent
intègre la fonction publique pour une vie professionnelle complète, et est appelé à occuper
plusieurs postes. (B. Thomas-Tual, 2005, traduction libre, pp.5-6). Ce système est caractérisé
par la garantie de la permanence de l’emploi et l’évolution de la carrière dans un corps défini
par un statut. Pour ce qui est du Tchad, la Fonction publique est classiquement celle de la
carrière, même si elle s’hybride exclusivement pour des emplois fournis par certaines
collectivités et établissements publics. Elle apparaît comme un rempart professionnel, et dans
l’imaginaire collectif des tchadiens, une intégration à la fonction publique est gage de stabilité
sociale. Par ailleurs, quel que soit le système, autant les besoins de productivité et de
rentabilité commandent le recrutement dans le secteur privé, tributaire de la concurrence,
autant ils l’influencent dans le secteur public, soumis aux articulations administratives et à la
diversité des services.
3 Système caractéristique de la fonction publique des États-Unis d’Amérique, du Canada et de la Finlande.
9
La Fonction publique tchadienne, jusqu’à la promulgation, le 04 mai 2018, de la Constitution
de la IVème
République, contrairement à celle de la France, n’appelait qu’à une définition
unique, celle de l’État. Il n’y avait pas de distinction entre « les fonctions publiques », au
pluriel, « utilisée pour caractériser les fonctions des administrations publiques » 4[et] la
« fonction publique », au singulier, [qui fait référence à] une personne [...] chargée d’une
fonction publique.» (J.F LACHAUME & A. Virot-Landais, 2017, p. 1). Mais en disposant en
son article 207 que « Les Collectivités autonomes votent et gèrent leur budget. Elles sont
dotées d'une fonction publique locale dont elles recrutent les agents et gèrent les carrières. »,
la Constitution de la IVème
République envisagerait-elle une articulation plurielle sinon
dualiste de la fonction publique, notamment d’État et locale ? Sachant que tous les secteurs
d’activités publiques ne peuvent pas être couverts par une fonction publique locale, un
dispositif de recrutement local pourrait-il efficacement fonctionner en adéquation avec le
système national de recrutement ? En tout état de cause, la seule fonction publique au Tchad
demeure celle des personnes au service de l’État, des collectivités territoriales et des
établissements publics administratifs. Cette acception matérielle est la plus perceptible des
Tchadiens pour qui « fonction publique est égale au fonctionnaire ». Elle n’est d’ailleurs pas
fausse si l’on s’en tient à cette définition de Frédéric COLIN selon laquelle « la fonction
publique est un ensemble composé d’agents publics, c’est-à-dire, de personnels employés par
une personne publique, affectés en principe à un service public administratif, et soumis à un
régime de droit public. » (F. COLIN, 2016, p. 19). Ainsi, la Fonction publique dont nous
traiterons le système de recrutement dans ce document est celle qui regroupe les agents des
personnes publiques qui ont la qualité de fonctionnaires. Il en résulte que le recrutement par
l’employeur public ne confère pas systématiquement la qualité de fonctionnaire à tous les
agents du service public. Dès lors, la définition du fonctionnaire apparaît clairement : c’est la
personne chargée de l’accomplissement d’une fonction publique.
Par ce qu’elle est un cadre idéal d’expression des notions de service public, de missions des
personnes publiques, la Fonction publique sacre l’intérêt général et, en fait, introduit dans le
système de recrutement des agents des valeurs républicaines, surclasse l’individualisme
conjoncturel. La formulation des droits et devoirs des fonctionnaires le démontre. En effet,
l’évolution de carrière des personnes chargées de service public est conditionnée par la
4 Référence faite aux trois fonctions publiques à savoir la fonction publique d’État, la fonction publique
territoriale et la fonction publique hospitalière.
10
qualification du service employeur, la technique du recrutement, la permanence de l’emploi
occupé et sa classification professionnelle dans l’administration (J.F LACHAUME & A.
Virot-Landais, 2017, traduction libre, pp. 7 - 21). Il s’ensuit de là que le recrutement est
fondamental dans l’évolution de la Fonction publique. Telle est la perception des plus hautes
autorités du Tchad, traduite par cet arrêté du Premier Ministre n°392/PR/PM/2014 du 04
Février 2014, instituant une Commission Interministérielle chargée de l’Assainissement du
fichier du Personnel de l’État (CIMAPE), avec comme objectif principal « la poursuite des
actions de rationalisation de la gestion administrative et salariale du personnel civil de l’État
aux fins d’une meilleure maîtrise des effectifs et de la masse salariale. » L’action ici
envisagée est commandée par une conjoncture budgétaire, rendant urgente, la prise par le
gouvernement de diverses mesures d’assainissement et de maîtrise des effectifs et de la masse
salariale dans un contexte d’épuisement des ressources financières. Il se trouvait que
l’eldorado effleuré par le pays des pasteurs et des agriculteurs5, par son entrée dans le cercle
fermé des pays producteurs de pétrole, en 2003, n’avait duré que moins d’une décennie.
L’effectif des fonctionnaires est passé de 81 573 en 2013 à 149 428 personnes en 2017, soit
une augmentation de 83% en quatre (4) ans, avec une masse salariale qui a augmenté de 32%
sur la même période6. Et pourtant, d’après le « Rapport d’audit comptable et organisationnel
de la solde du personnel civil de l’État du Tchad », « la maîtrise réelle des effectifs de la
fonction publique tchadienne a un impact certain sur la maîtrise des dépenses du personnel de
l’État. » (Ernst & Young Tchad, 2017, p.6). Cette observation invite à s’interroger sur les
enjeux budgétaires du recrutement du personnel de l’État, notamment la gestion de la masse
salariale qui, selon le même rapport, « a triplé en moins de dix années combinées à un
doublement des effectifs sur la même période. »
Mais pour sensible que cela puisse paraître, le recrutement des fonctionnaires relève d’un
système d’intégration professionnel exigeant à la fois compétence et rendement, et de l’agent,
et du service. C’est pourquoi, entre autres mesures prises par le gouvernement en 2014 et
2016 pour épurer la Fonction publique, il a été procédé au contrôle physique des
fonctionnaires et à l’audit des diplômes dans une perspective de réforme générale de
5 Les sources classiques de l’économie du pays sont l’élevage et l’agriculture, principales activités de la grande
partie de la population.
6 Données fournies par le service des soldes du Ministère de l’Économie et des Finances.
11
l’administration7. Les conclusions de ces opérations, présentées par le Ministre des Finances
lors de sa conférence de presse le 15 janvier 2015, avaient établi une Fonction publique
épuisée par 4 566 agents fictifs. Ce qui représente une économie de 17 milliards de FCFA par
an. Cette découverte conforte les résultats du rapport d’audit comptable et organisationnel de
la solde du personnel civil de l’État, qui remarque que les données déclarées par les ministères
à travers leurs directions du personnel et celles fournies par le Système intégré de gestion du
personnel de l’État (SIGASPE)8 présentent des incohérences notoires
9. Mais comment en est-
on arrivé là ? Sinon, entre les enjeux budgétaires et la qualité du service public, comment le
dispositif de recrutement des agents peut-il répondre à l’efficacité de la Fonction publique ?
Pour tirer la quintessence de tout, comment le recrutement des agents peut-il contribuer à
l’efficacité de la fonction publique au Tchad ? De notre observation de la pratique tchadienne,
le recrutement à la Fonction publique demeure un mythe qui entoure les ambitions
professionnelles des jeunes diplômés au Tchad. N’empêche qu’il demeure théoriquement un
processus appelant la contribution de plusieurs ministères, outre celui de la Fonction publique.
Dans un souci de véritable contextualisation de toutes ces analyses énoncées, notamment sur
le rapport entre le recrutement des agents et l’efficacité de la fonction publique, nous aurions
aimé interroger les acteurs du système tchadien sur la politique du recrutement et son
influence sur la productivité de la fonction publique. Cependant, à défaut d’une
communication dynamique avec la Direction du personnel civil de l’État de la fonction
publique et les fonctionnaires eux-mêmes, mais également d’une documentation tchadienne
suffisante sur la question, nous sommes obligés de nous tenir aux instruments juridiques, et
aux rapports d’audit et de contrôle. Et ce, pour deux raisons. La première, une lecture entre les
lignes de la législation en vigueur peut permettre un examen plus ou moins conforme aux
contextes socio-économique et politique du recrutement. Cette démarche est avantageuse,
7 En 2016, le gouvernement a pris 16 mesures d'austérité budgétaire pour faire face à la crise que traversait le
pays. Parmi ces mesures, la réduction des primes des fonctionnaires. La suspension de l’intégration à la
fonction publique a également été annoncée, mais ne figurait pas formellement dans les 16 mesures.
8 Le système SIGASPE est une banque de données unique des agents de l’État partagé entre la solde qui paie le
salaire et la Fonction publique (FP) qui recrute et gère la carrière du personnel (un outil d’élaboration d’acte
d’administration)
9 Les résultats de l’audit des diplômes ne sont jusqu’à ce jour pas connus. Mais des fuites d’information font
état de milliers de fonctionnaires intégrés sur la base de faux diplômes dont une cinquantaine de
décisionnaires
12
d’autant plus que l’avènement de la Constitution de la IVème
République peut influencer le
statut général de la fonction publique et ses textes d’application. La deuxième raison réside
dans la fiabilité des résultats des opérations d’audit et de contrôle des institutions et du
système de recrutement de la fonction publique. Ainsi, à la prospection du paysage législatif,
nous rapprochons les ambitions politiques exprimées dans les commandes de vérification de
l’état de la fonction publique pour parvenir à une analyse fructueuse des réformes jusqu’ici
entreprises par le gouvernement.
Cette démarche a l’avantage de nous conduire à une analyse élaborée de la fonction publique
actuelle, à travers l’influence des facteurs socio-économiques et politiques du recrutement de
ses agents. Loin de prétendre évaluer le système, nous proposerons des pistes de réflexion sur
l’état de la législation existante en la matière, notamment les difficultés sociopolitiques de son
application. Mieux, il s’agira d’étudier la construction de la fonction publique tchadienne (1ère
partie) à travers la réglementation (Chapitre 1), les modalités (Chapitre 2) du recrutement et
la difficile évolution de la carrière du fonctionnaire (Chapitre 3). Et seulement, afin d’assortir
notre réflexion de propositions de redressement, il sera fait une rétrospection des réformes de
la fonction publique (2ème
partie) au prisme de l’environnement politique (Chapitre 1), du
déficit de collaboration dans l’administration (Chapitre 2) et de la qualité du cadre
institutionnel du recrutement des agents (Chapitre 3) et de la performance des outils de
gestion et de gestion du personnel de l’État, dans une perspective de productivité de la
Fonction publique au Tchad.
13
1ère
PARTIE :
LA CONSTRUCTION DE LA FONCTION
PUBLIQUE TCHADIENNE
La construction de la fonction publique tchadienne est marquée par une longue période
d’instabilité politique. Les successions des régimes ont eu pour conséquence de convertir
constamment le droit positif aux aspirations des systèmes politiques d’après l’indépendance,
le 11 août 1960. En effet, de toutes les Constitutions, celle de la IIIème
République a une durée
de vie relativement longue. Mais elle n’aura duré que deux décennies. Car depuis le 04 mai
2018, elle a été substituée par la Constitution de la IVème
République, augmentant ainsi le
nombre des réformes institutionnelles imputables aux velléités politiques depuis 1990.
L’administration tenait néanmoins son organisation et son fonctionnement des principes
constitutionnels du régime semi-présidentiel. Pratiquement, aux précisions constitutionnelles
relatives à l’exercice du pouvoir exécutif par le Président de la République et le
Gouvernement (Constitution de la IIIème
République, Article 59) correspondait la confusion
des attributions en matière de disposition de l’administration, notamment la responsabilité du
recrutement des fonctionnaires et, conséquemment, de la qualité du service public. Le régime
présidentiel intégral de la IVème
République est venu aiguiser cette ambivalence en confiant la
disposition de l’administration au Président de la République, en supprimant le poste de
Premier ministre et en estompant les attributions des membres du Gouvernement. Ce qui
ramène au point de départ la réforme de l’administration et de la Fonction publique
enclenchée dans les années 90.
L’historique de la fonction publique remonte à l’année 1997. Une reforme générale de
l’administration a été engagée avec l’objectif global d’ « accroitre la performance de
l’administration publique en améliorant sa compétence, son efficacité, sa loyauté et la qualité
de ses services et prestations tout en réduisant son coût. » Pour mettre en œuvre cette
stratégie, une Cellule technique chargée du suivi et la mise en œuvre de la réforme de
l’administration (CESRAP) a été créée, avec entre autres actions prévues :
- La refonte du cadre statutaire et règlementaire
- La refonte du système de gestion du personnel civil de l’État (SIGASPE)
- La rationalisation des structures et de l’organisation
14
- Le développement des ressources humaines
- Un nouveau statut général, « La loi 17 » en 2001
- 7 statuts particuliers des corps des fonctionnaires
Cependant, dans les réalisations, seulement 23 sur 38 textes d’applications prévus pour le
statut général sont adoptés. Il en reste 12 dont celui portant sur la définition du concours
d’entrée à la fonction publique.
La grande innovation a été de doter l’administration d’un système de gestion du personnel
civil. Ce programme de réforme axé sur la mise en place d’une base des données intégrée a
permis, en amont, le recensement biométrique des agents de l’État en 2011. Comme outil de
développement des ressources humaines, il a servi à la mise en place d’un système
d’appréciation des performances des agents de l’État basée sur le critère de protection
(formation DRH). Toutes ces initiatives visent principalement l’efficacité de la fonction
publique par une gestion rationnelle des ressources humaines. Elles traduisent la consécration
législative du système de recrutement (Chap. 1).
Par ailleurs, si le recrutement conditionne la qualité du service public, ses modalités (Chap. 2)
et les mécanismes d’évolution de carrière dans la fonction publique (Chap. 3) sont
déterminantes dans le fonctionnement de l’administration.
15
Chapitre I :
La mise en œuvre de la législation du recrutement
La spécialité du droit de la Fonction publique, comparativement au droit privé, fait naître la
nécessité de soumettre les agents du service public à un régime exorbitant de droit.
L’administration, en tant que personne morale de droit public, est tenue par certains principes
dont les exigences sont mises en évidence dans le système de recrutement et la gestion de
carrière des agents, notamment la continuité du service public, l’égalité et l’intérêt général.
Pour cette raison, le législateur tchadien opère une distinction entre les règles devant régir les
rapports de travail entre particuliers et celles qui s’appliquent à l’administration, dans ses
rapports avec les agents du service public et les usagers, à travers la loi n°038/PR/96 du 11
décembre 1996 portant code de travail au Tchad. Cependant, le recrutement à la Fonction
publique est fondamentalement encadré par la Constitution (Section 1). La Loi
n°017/PR/2001 portant statut général de la Fonction publique (Section 2) présente les
caractéristiques d’exclure de son champ d’application les travailleurs du secteur privé tout en
intégrant dans le système de recrutement les principes spécifiques à l’administration.
Section 1 – La Constitution de la IVème
République du 04 mai
2018
De tous les temps, la Constitution demeure le repère législatif le plus achevé de la Fonction
publique, quelle que soit ses réformes. En consacrant les principes fondamentaux des droits
de l’Homme contenus dans la Charte des Nations-unies de 1945, la Déclaration universelle
des Droits de l'Homme de 1948 et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
de 1981, les préambules figés des constitutions tchadiennes énoncent les composantes
classiques de la fonction publique dont l’égalité (pars 1). N’empêche que la pratique crée une
dérogation justifiée par certaines prérogatives et une discrimination « légale » (pars 2).
§ 1 – L’application du principe d’égalité dans la Fonction publique
tchadienne.
Dans divers contextes, la constitution du 04 mai 2018 fait huit (8) fois mention du principe
d’égalité. Cette obstination du législateur par le principe d’égalité n’est pas fortuite. Elle
16
exprime l’attachement de la nation à un axiome de la Déclaration universelle des droits de
l’Homme et du citoyen au point de le sacraliser dans le but de sanctuariser la fonction
publique contre les dérives illégitimes de l’autorité publique. A cet effet, le préambule de la
Constitution de la IVème
République évoque formellement le principe d’égalité en attribuant
au peuple tchadien « [l’affirmation] de [sa] volonté de coopérer dans la paix et l'amitié avec
tous les peuples partageant [ses] idéaux de liberté, de justice et de solidarité, sur la base des
principes d’égalité, d'intérêts réciproques, [...], de l’intégrité territoriale... » Autant l’égalité
commande l’organisation républicaine de la vie en société, autant elle assigne à la fonction
publique un mécanisme dénué de toute discrimination. Sa traduction dans les lois et
règlements invite de manière prégnante l’administration à respecter les droits et libertés
fondamentaux, qui justifient l’essence même de l’État de droit. C’est d’ailleurs le sens de
l’alinéa premier de l’article 33 qui dispose que « L’accès aux emplois publics est garanti à
tout Tchadien sans discrimination aucune, sous réserve des conditions propres à chaque
emploi. » Le principe d’égalité, ici posé, revêt un caractère d’ordre public dont la
manifestation dans le recrutement à la fonction publique ou au cours de la carrière est
incontournable. L’ardeur juridique qu’il suscite, bien que velléitaire sur les formes de
discrimination, se ressent à tous les niveaux dans les textes relatifs au recrutement et au
traitement des fonctionnaires.
Sur le recrutement, les dispositions de l’article 5 de la Loi n°017/PR/2001 portant statut
général de la Fonction publique précisent les contours de l’usage par l’administration de la
règle de l’égalité en ces termes : « L'accès aux emplois publics est ouvert à égalité de droit,
sans distinction de genre, de religion, d'origine, de race, d'opinion publique, de position
sociale, à tout tchadien remplissant les conditions prévues au titre IV de la présente loi, sous
réserve des conditions d'aptitudes physique et mentale ou de sujétions propres à certains
emplois déterminés par les statuts particuliers. » L’on en retient une invitation de
l’administration à respecter scrupuleusement la règle de l’égalité « dans tous les cas où elle
est supposée disposer d’une réelle marge d’appréciation pour prendre des décisions
individuelles qui aboutissent à opérer des distinctions entre les candidats et agents de la
Fonction publique. » (A. ZARCA, 2014, p. 44). Comme principe général du droit à valeur
constitutionnelle, l’égal accès à tous aux fonctions publiques interdit toute discrimination
fondée sur le sexe, l’origine géographique, l’opinion religieuse ou politique. Il se décline en
égalité de chance dans l’admission à concourir à la fonction publique et promeut la capacité
ou le mérite lorsqu’une évaluation est requise. Par ailleurs, malgré la justesse de cette
17
disposition, les contentieux de l’inobservation de la règle d’égalité ne sont pas fréquents au
Tchad. Et les jurisprudences sur la question ne sont pas encore connues. Cela ne signifie pas
que l’administration tchadienne est un modèle accompli du respect du principe d’égalité à la
fonction publique. C’est tout simplement parce que le contrôle juridictionnel du principe de
non-discrimination à la Fonction publique n’est pas opérant. Les controverses dues aux
irrégularités spectaculaires du concours d’entrée à l’École nationale d’administration de 2014,
en sont une illustration. En effet, suite à la contestation « extrajudiciaire 10
» des candidats, le
réajustement des résultats par une Commission ad hoc avait révélé que sur les 530 candidats
déclarés admis, plus de 200 ont été débarqués injustement pour être remplacés par des
candidats non méritants. Comme quoi, mépriser le principe d’égalité dans le recrutement à la
Fonction publique en se fondant sur des considérations politiques, religieuses ou sociales est
scandaleux. Par contre, l’égalité des sexes reconnue par la Constitution justifie les efforts
politiques en faveur des femmes à la haute fonction publique. C’est dans cette démarche que
s’est inscrite l’Ordonnance n°012/PR/2018 du 22 mai 2018, instituant un quota d'au moins
30% de femmes dans les fonctions nominatives et électives, avec précision de poursuivre
l’action vers la parité.
Sur le traitement des fonctionnaires appartenant à un même corps, le principe de l’égalité,
ressorti dans tous le statut général et les statuts particuliers à chaque corps révèle un autre pan.
En effet, l’alinéa 1er
de l’article 10 de la Loi 17 dispose : « [...] Aucune discrimination ne peut
être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe ou de leurs opinions publiques,
syndicales, philosophiques, religieuses. » Cette règle impose donc à l’administration de
soumettre tous les fonctionnaires ayant une même situation juridique au même traitement, sur
la base de critères objectifs préalablement établis par la loi. Autant « nul n’est au-dessus de la
loi », autant un fonctionnaire ne peut se prévaloir d’une considération bassement subjective
pour prétendre bénéficier des privilèges que ne lui reconnait son statut ou qui ne sont justifiés
par la loi. D’où l’interdiction faite à l’administration d’opérer un traitement inégalitaire à
l’égard des fonctionnaires. « [Parce que] la fonction publique est censée être le lieu par
excellence de la méritocratie républicaine » d’après Luc ROUBAN, (L. ROUBAN, 2017, p.
134), le traitement de faveur n’y a pas sa place. Pour autant, un fonctionnaire ne peut, de sa
propre initiative, renoncer à un élément du statut qui encadre sa situation dans la Fonction
10
Les candidats ayant estimé être victimes d’une injustice, ont formé un collectif pour dénoncer par voie de
presse les irrégularités qui ont entaché l’organisation du concours.
18
publique pour quelle que raison que ce soit. L’alinéa 2 du même article le signifie clairement :
« [...], il leur est demandé d'exprimer leurs opinions publiques, philosophiques ou religieuses
en dehors du service. » Car, avant d’être un composant de la Fonction publique, le
fonctionnaire est un usager du service public. Pour cette raison, il ne doit pas introduire, par
son acte, dans la Fonction publique une configuration frisant l’exclusion. La défaillance de
l’État à garantir une impersonnalité de l’administration dans ce sens peut conduire à sa
politisation. Ainsi, si l’État, au lieu de veiller à l’observation de la neutralité dans
l’administration, se complaît aux considérations syndicale, politique, philosophique,
religieuse ou associative pour apprécier ou évaluer les fonctionnaires, il contribuerait à son
dysfonctionnement.
En revanche, dans l’aménagement de la règle de l’égalité, l’administration peut opérer une
sélection discriminatoire des candidats à la Fonction publique au motif des circonstances
exceptionnelles ou par l’existence de conditions différentes d’exercice de leurs fonction par
les agents. L’appréciation de l’usage « régulier» ou « légal » de cette discrimination est
tempérée par la nature de l’emploi, la sensibilité de la fonction, mais également par les
prérogatives reconnues au Président de la République dans le recrutement à la Fonction
publique.
§ 2 – L’exception à la règle de l’égalité à la fonction publique
Le cadre juridique du recrutement à la Fonction publique au Tchad ne déroge pas à la maxime
de l’exception qui confirme la règle. La Loi 017 attenue le principe de l’égalité en soumettant
les candidats à la Fonction publique « aux conditions d'aptitudes physique et mentale ou de
sujétions propres à certains emplois déterminés par les statuts particuliers. » (Art. 5). Est-ce
une entorse à la règle de l’égalité ? S’empresser de répondre à la question reviendrait à
mépriser l’objectivité même du recrutement à la Fonction publique. En effet, parce que
certains emplois, de par leur nature, requièrent des aptitudes physiques ou mentales, un
handicap à les exercer peut justifier une appréciation sélective des candidats et ce, dans une
logique de respect de leur dignité et non de discrimination. En revanche, pour une question de
solidarité sociale, l’État aménage dans l’administration des emplois dédiés aux personnes
handicapées sous réserve qu’elles jouissent d’une bonne moralité ou de tous leurs droits
civiques. C’est le sens de la réserve mentionnée à l’article 33 de la Constitution.
19
Par ailleurs, si le principe de l’égalité est consacré par la Constitution pour conduire
l’organisation et le fonctionnement de l’administration, il ne prend véritablement forme que
dans la loi n°017/PR/2001.
Section 2 – La Loi n°017 / PR / 2001 portant statut général de la
fonction publique.
Sur la Fonction publique, le paysage législatif tchadien est tributaire des conjonctures
sociopolitiques. L’augmentation du nombre des diplômés sans emplois, résultante de la
croissance démographique, et les mutations sociétales ont constitué des défis que l’État a
péniblement relevé, dans les années 2000, par des recrutements excentriques grâce aux
revenus pétroliers. Cependant, ce n’est qu’avec la crise financière de 2014 que la dimension
économique du recrutement des fonctionnaires s’est dévoilée, notamment par la taille de la
masse salariale et la nécessaire gestion des emplois et des carrières. Il était alors apparu urgent
de réformer l’administration pour qu’elle soit budgétairement soutenable et à mesure d’offrir
des services publics de qualité. C’est dans ce contexte qu’est née la Loi n°017 / PR / 2001 du
31 décembre 2001 portant statut général de la fonction publique. Les précisions qu’elle
fournit sur son champ d’application (Para. 1), le rôle et les missions des recruteurs publics
(Para. 2) font d’elle une référence législative de la Fonction publique.
§ 1 – La traduction de la Loi 017 dans le système de recrutement des
agents
« La présente loi constitue le Statut Général de la fonction publique de la République du
Tchad. » (Article 1 de la Loi 017/PR/2001). Cette précision attribue au fonctionnaire un statut
dont l’interprétation abouti d’une part à la distinction entre les agents du secteur public et
ceux du privé et, d’autre part, aux conditions d’acquisition du statut d’agent public. Sur le
premier intérêt cependant, le but de l’étude nous assujettit plus à la réflexion sur l’impact du
statut général de la Fonction publique sur le recrutement que sur la définition du
fonctionnaire, même si la comparaison avec les agents contractuels et décisionnaires de l’État
s’avère nécessaire dès lors qu’ils représentent 17% des agents civils de l’État en 2016. Ces
agents qui ne sont pas fonctionnaires au sens de la Loi 017 sont régis par la Convention
collective applicable aux agents contractuels des services publics de la République du Tchad
20
du 07 décembre 2012, conformément aux articles 338 et 33911
de la loi n°038/PR/96 du 11
décembre 1996 portant Code du Travail en République du Tchad (Art. 1er
). Soumis à un
régime contractuel de droit privé, leur situation est directement tributaire de la nature du
contrat, et comme telle, ils ne sont pas habilités à bénéficier de la titularisation que peut
conférer la stabilité et la protection contre le licenciement, énoncée à l’article 212
du statut
général de la Fonction publique (J.F LACHAUME & A. Virot-Landais, 2017, pp. 9-21).
Avec la description du régime juridique propre et spécifique qu’il donne à la Fonction
publique, le statut général conditionne la situation du fonctionnaire, à laquelle s’attachent les
principaux privilèges apparents que sont la stabilité, la permanence et la protection de
l’emploi. Au premier abord, la limite d’âge indiquée aux articles 11 et 12713
pour
l’intégration à la Fonction publique et le départ à la retraite, sous réserve de toute
interprétation de l’esprit du législateur, a eu pour effet de travestir le système de recrutement.
Cette condition, non seulement, restreint la liberté d’emploi parce qu’elle impose aux jeunes
de 18 à 40 ans une ambition professionnelle qui ne correspond pas forcément à leurs
aventures éducatives, mais également exclut de la Fonction publique des diplômés et des
techniciens compétents. Ensuite, la vraisemblance des acquis du statut général de la Fonction
publique tchadienne a donné lieu à des pratiques de recrutement, peu orthodoxe, qui ne sont
pas sans conséquences sur l’évolution de carrière du fonctionnaire. L’empressement des
jeunes à intégrer la Fonction publique et la crainte de la précarité de la vie à la retraite se sont
singulièrement traduits par un mouvement de trentenaires et un maintien des sexagénaires
dans l’administration au mépris de la productivité de la Fonction publique, ici, perçue comme
un véritable bouclier socioprofessionnel contre la vulnérabilité économique. Ainsi, la
fascination du statut du fonctionnaire explique certaines pratiques inciviques telles que la
11
- Les conventions collectives sont des accords écrits conclus entre d’une part, soit un employeur, soit un ou
plusieurs groupements patronaux et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives
des salariés. (Art. 338)
- Les conventions collectives ont pour objet de déterminer les conditions d’emploi et de travail ainsi que
d’organiser les relations collectives entre l’employeur et les travailleurs. Elles ne peuvent déroger aux garanties
qui sont données aux salariés ou leurs représentants par le présent code, la loi ou tout autre texte de nature
réglementaire. Toute clause qui ne respecte pas cette règle est nulle de plein droit et de nul effet. (Art. 339) 12
Le présent statut s'applique aux personnes qui, nommées dans un emploi public permanent, ont été
titularisées dans un corps de la hiérarchie des cadres de l'administration de l'État. (Art. 2)
13 - Nul ne peut être intégré comme fonctionnaire s’il n’est âgé de 18 ans au moins et 40 ans au plus (Art. 36 de
la Loi 017/PR/2001 portant statut général de la Fonction publique)
- La limite d'âge pour être admis à la retraite est fixée à soixante (60) ans. (Art. 127)
21
modification de l’âge et les changements d’acte de naissance, avec pour conséquences
majeures la comptabilisation des fonctionnaires de moins de 18 ans et de ceux ayant dépassé
l’âge légal de la retraite comme l’a montré le rapport d’audit comptable et organisationnel de
la solde du personnel civil de l’État (Ernst & Young Tchad, 2017, p.6). En effet, la
consultation de la base SIGASPE a permis de déceler, sur la période de 2014 à 2016, 4 852
agents de l’État âgés de moins de 18 ans, et l’estimation du salaire net versé à ces agents
publics concernés durant les trois années s’élevait à XAF 4,759 milliards, soit environ 1% de
la masse salariale globale. En revanche, le même rapport a relevé « l’existence d’agents ayant
dépassé l’âge légal de départ à la retraite14
et qui continuent de percevoir des salaires. » dont
le total sur la même période est estimé à XAF 12,194 milliards soit 1,70% de la masse
salariale globale. Par ailleurs, pour la seule année 2016, une analyse de ces chiffres établit que
sur les 73 385 agents civils de l’État, on en compte 1 504 qui n’ont pas l’âge légal minimal
(18 ans) pour être intégrés à la Fonction publique, et 2 365 devant légalement être admis à la
retraite, soit respectivement 2% et 3% de l’effectif total. Ces résultats sont descriptifs de
l’état d’un système de recrutement dont l’écart entre la pratique et l’idéal énoncé par la loi est
considérable. La situation est d’autant plus bouleversante que la négligence des diplômes et
des compétences a eu pour conséquence de faciliter l’intégration à la Fonction publique des
semi-lettrés, et de confier la gestion de certains services publics à des agents ne sachant ni lire
ni écrire. Les révélations du contrôle physiques des agents de l’État et de l’audit des diplômes
l’ont démontré en 2015 (v. supra.).
En fin, bien qu’investis d’une mission de service publique, les personnels des assemblées
parlementaires, les militaires des forces armées, les magistrats de l'ordre judiciaire, les agents
des collectivités locales et des établissements publics, les auxiliaires de l'administration régis
par un texte particulier et les agents de l'État relevant du Code du travail (Art.3) ne sont pas
régis par la Loi 017. Cette exclusion, loin d’avoir pour but de soustraire ces catégories
d’agents publics aux dispositions du statut général de la Fonction publique, vise à adjuger à
ces corps de métiers des statuts particuliers correspondant aux exigences de leurs missions et
aux besoins de leurs services. Pour Jean-François LACHAUME et Aurélie VIROT-
LANDAIS (2017), « ces statuts particuliers à caractère national doivent se limiter à adapter
aux exigences d’un corps de fonctionnaires, les dispositions des statuts généraux, notamment
14
L’âge de départ à la retraite au Tchad est de 60 ans exception faite des agents relevant de la catégorie A
(limite portée à 65 ans) et des magistrats hors rang (limite portée à 70 ans).
22
[les conditions précises de recrutement, d'emploi, de formation, de titularisation et
d'avancement, de discipline et de mise à la retraite], sans les méconnaître. » (p. 31).
L’initiative de préciser les statuts particuliers des différents cadres de fonctionnaires
appartient à l’exécutif qui s’en sert par décret pris en conseil des ministres, sur proposition du
Ministre chargé de la fonction publique, après avis du comité consultatif de la fonction
publique. Ainsi, il conviendra d’étudier le rôle et les missions de ces acteurs publics en
matière de conception et de mise en œuvre des politiques de recrutement.
§ 2 – Définition des attributions des acteurs du recrutement à la
Fonction publique
La Constitution de la IVème
République dispose en son article 207 que les Collectivités
autonomes « sont dotées d'une fonction publique locale dont elles recrutent les agents et
gèrent les carrières. » Elles sont désormais théoriquement chargées des responsabilités dans
la productivité de la fonction publique, notamment par le rôle qu’elles jouent dans le
recrutement et la gestion de carrière des fonctionnaires. Cependant, le contexte de la
décentralisation dans lequel cette mission est envisageable présente des imperfections notoires
telles qu’une fonction publique ne peut véritablement pas être autonome. En effet, l’échec de
l’expérience de la démocratie locale qui s’est traduit par les élections communales de 2012,
les premières de l’histoire du pays, montre que le pouvoir central n’est pas prêt à admettre
l’autonomie de gestion d’une telle institution aux Collectivités. A ce jour, l’État, à travers le
Ministère de la Fonction publique, de l’emploi et du dialogue social demeure seul garant de
l’incorporation, de la performance des agents, de la gestion de carrière et du bon
fonctionnement de l’administration. Mais considérant l’impact du système de recrutement sur
le développement et la bonne gouvernance, et plus précisément sur l’économie et les finances,
il est associé au Ministère de la Fonction publique l’expertise des services du Ministère des
finances et du budget. Cette collaboration qui devrait servir à l’élaboration d’une bonne
politique de recrutement (A) et à l’étude des conditions d’emploi et de gestion de carrières des
agents de l’État, ne se limite malheureusement qu’aux consultations relatives à la conception
du budget. Là encore, les incohérences que présentent le circuit de la dépense du personnel de
l’État, notamment suite au manque de communication entre les différents intervenants de la
chaîne de recrutement, à l’absence de manuel de procédures et à la déficience du système de
contrôle interne ne permettent pas de relever les défis du recrutement.
23
A. Sur la politique de recrutement
Avec les précisions qu’il fournit sur son rôle et ses missions, le Décret 07-509 2007-06-29
PR/PM/MFPT portant organigramme du Ministère de la Fonction publique fait de cette
institution un acteur principal de la politique de recrutement et de l’intégration
professionnelle. La technicité et la complexité de la matière, dans une conjoncture permanente
de foisonnement des réformes, imposent que la problématique du recrutement et de la gestion
de carrière soit confiée à la Direction du personnel civil de l’État. L’article 8 dudit Décret
dispose clairement que, sous l’autorité d’un Directeur, cet organe est chargé :
- « d'appliquer le statut général et les statuts particuliers ;
- de participer à la conception des textes relatifs à la gestion du personnel civil de l'État ;
- d'élaborer les actes de recrutement du personnel civil de l'État ;
- d'élaborer les actes relatifs à la carrière du personnel civil de l'État. »
La Direction du personnel civil de l’État assure cette mission en étroite collaboration avec les
organes consultatifs définis au chapitre 2 de la Loi 017 portant statut de la Fonction publique.
En effet, sur la politique de recrutement et de gestion de carrière, le comité consultatif de la
fonction publique et Les commissions administratives paritaires composent avec la Direction
du personnel civil de l’État un véritable laboratoire. Le premier dispose d’une compétence
générale, et à ce titre, émet des avis sur les politiques de recrutement, d'emploi, de formation,
de rémunération du personnel, ainsi que d’organisation des services publics. Le second,
institué dans chaque département ministériel, est consulté sur toutes les questions concernant
les fonctionnaires en matière de notation, de titularisation, d'avancement, de discipline et de
réforme des fonctionnaires.
B. Sur les conditions d’emploi et la gestion de carrière
Le Ministère de la Fonction publique et du dialogue social s’appuie également sur les
appréciations du conseil médical et de la commission d'équivalence de diplômes pour
organiser la vitalité de l’emploi et l’évolution de carrières dans la fonction publique. Ainsi,
lorsqu’il est saisi par le Ministre chargé de la fonction publique de tous les problèmes
d'hygiène et de salubrité dans les lieux de travail, et les problèmes médicaux concernant le
fonctionnaire, le conseil médical, après étude, formule ses observations sur les aptitudes
physique et mentale requises pour le maintien à la fonction publique, le congé maladie de
longue durée, la réintégration après lesdits congés, la réforme pour raison médicale. La
commission d’équivalence des diplômes, quant à elle, est sollicitée pour apprécier tout
24
diplôme, présenté par un candidat à l'accès à la fonction publique ou à une formation
entraînant reclassement dans un corps et une classe des fonctionnaires, et ne figurant pas sur
la liste des titres explicitement prévus pour l'accès aux corps et classes par les statuts
particuliers.
La fermeté avec laquelle le gouvernement a engagé les grands chantiers de réforme de la
fonction publique, notamment le contrôle physique des fonctionnaires et l’audit des diplômes
en 2017 démontrent que ces organes et les services techniques de la fonction publique n’ont
pas joué le rôle que leur a assigné la loi dans la définition de la moralité de la fonction
publique et des autres services publics. Alors que le rapport du premier audit des diplômes n’a
pas été publié par les autorités, une observation générale a révélé que beaucoup de diplômes
équivalents ont été pris en considération pour le recrutement, en méconnaissance des statuts
particuliers, et sans accord de la Commission nationale d'équivalence des diplômes. Ainsi,
l’opération de vérification des diplômes des fonctionnaires et du personnel civil de l’État
recrutés à la fonction publique à partir de 1996 à 2016 devrait permettre de démasquer les
fonctionnaires et les contractuels usant de faux diplômes pour se faire intégrer à la fonction
publique. Selon le Ministère de la Fonction publique, les diplômes de Baccalauréat, du Brevet
d’étude du premier cycle (Bepc), diplômes équivalents ainsi que les diplômes ayant servi au
reclassement de certains fonctionnaires seront aussi passés au contrôle des auditeurs. Mais si
sincères qu’elles apparaissent, peut-on voir en ces actions politiques un aveu de culpabilité du
gouvernement qui, pendant longtemps, a gardé silence face au clientélisme et au parrainage
qui entachaient le recrutement à la fonction publique ? Et pourtant la Loi 017 portant statut de
la fonction publique n’est pas muette sur les techniques de recrutement.
25
Chapitre II :
Les modalités de recrutement à la Fonction publique au
Tchad
« Est interdit tout recrutement qui n'a pas pour objet de pourvoir à la vacance d'un poste prévu
au budget de l'État. » (Article 37 du statut général de la Fonction publique). Le recrutement à
la Fonction publique répond à un besoin en ressources humaines clairement identifié. En
effet, le but d’intérêt général que poursuit la fonction publique lui impose de disposer des
ressources humaines en quantité et en qualité pour pouvoir offrir des services publics de
qualité, obéissant aux principes caractéristiques de l’administration que sont l’égalité, la
continuité et la mutabilité. Pour cette raison, le recrutement doit s’effectuer sur des modalités
qui promeuvent l’excellence et la compétence, et permettre à la fonction publique de disposer
des agents consciencieux et soucieux du travail bien fait. Les conditions générales fixées par
la loi portant statut général de la fonction publique répondent à cette logique. En effet l’article
36 dispose que : « Nul ne peut être intégré comme fonctionnaire :
a. s'il n'est citoyen tchadien à titre originaire ou s'il n'est naturalisé depuis au moins cinq
(5) ans ;
b. s'il ne jouit de ses droits civiques et s'il n'est de bonne moralité ;
c. s'il ne remplit pas les conditions d'aptitudes physique et mentale exigées pour
l'exercice de la fonction ;
d. un handicap physique ne peut être pris en considération pour l'accès à la fonction
publique si ce handicap n'affecte pas les capacités intellectuelle, morale et mentale de
l'intéressé ;
e. s'il n'est reconnu, soit indemne de toute affection incompatible avec l'exercice des
fonctions publiques, soit définitivement guéri ;
f. s'il n'est âgé de 18 ans au moins et 40 ans au plus. »
Ces conditions traduisent les exigences des missions de l’agent du service public et dénotent
de l’idéal comportemental du fonctionnaire. Cependant, les respecter toutes ne garantit pas
systématiquement l’intégration à la fonction publique au nom du principe d’égal accès aux
emplois publics. Ce qui ne signifie pas non plus que l’intégration par voie de concours
disposée à l’article 41 du statut général est appliquée. Outre les exceptions (Section 2) prévues
26
par la loi au principe du recrutement par voie de concours (Section 1), l’intégration à la
fonction publique au Tchad est entachée de subjectivité.
Section 1 – L’illusion du principe du recrutement par voie de
concours
Alors que l’article 41 du statut général de la fonction publique dispose que « Les recrutements
s'opèrent par voie de concours. », la pratique tchadienne du recrutement se caractérise
toujours par une sélection des candidats sur dépôt des dossiers dont le sort est laissé à
l’appréciation de la Direction du personnel civil de l’État via son Service de recrutement et de
titularisation. Dès lors, l’objectif du concours qui est de pouvoir aménager des règles
différenciées pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que
de celle des besoins du service public, introduit dans l’administration des agents ignorant
complètement leurs contributions à l’efficacité de la fonction publique. En effet, il résulte de
ces subtilités tchadiennes du recrutement une absence de compétition objective pour l’accès à
la fonction publique. Cette entorse à la loi est habilement exploitée par des réseaux de
corruption et des arnaqueurs contre beaucoup de jeunes diplômés naïfs. Car le processus
d’embauche n’apparie pas les compétences aux qualifications requises pour les postes à
pourvoir. Une autre brèche créée par ces techniques d’intégration occultes est la politisation
de l’administration. L’intégration à la fonction publique est utilisée par les parties politiques
comme moyen de récompense aux militants dévoués dans un pays où le repli identitaire
constitue un frein à la construction de la nation au développement.
Par ailleurs, si le mode de recrutement par voie de concours est utilisé pour certains corps de
métiers comme le personnel de santé, les magistrats, les administrateurs civils, la définition
des critères de candidatures et l’organisation du concours demeurent très mitigés. L’admission
au concours d’entrée à l’École nationale d’administration et de la magistrature (ENAM)15
,
l’École national des agents sanitaires et sociaux (ENASS), l’École nationale de formation
judiciaire (ENFJ) et la Faculté de médecine est matière à suspicion eu égard aux parrainages
et aux clientélismes qui entachent l’organisation du concours. Les concours professionnels
prévus à l’article 57 de la Loi 017 n’échappent pas à cette pratique lorsque des fonctionnaires
15
Avec la création de l’École nationale de formation judiciaire (ENFJ) en 2012, la formation des magistrats lui
est rattachée. Désormais, l’École nationale d’administration se charge de former les administrateurs civils de
l’État.
27
n’ayant pas « accompli au moins cinq (5) ans de services effectifs dans la classe » sont
autorisés à concourir. Le recrutement par voie de concours n’est cependant pas la seule
technique législative d’intégration à la fonction publique. La règle est agencée par des
exceptions correspondant aux exigences de la fonction publique.
Section 2 – Des exceptions à la violation des règles
L’alinéa 2 de l’article 41 prévoit la possibilité de dérogation législative au système de
recrutement des fonctionnaires par la voie de concours. Cet aménagement, loin d’offrir une
carte blanche à l’employeur public, fût-il l’autorité administrative ou le Président de la
République, pour le recrutement des agents publics, est conditionné par l’existence des
besoins ponctuels et clairement identifiés. N’entrent pas dans la formule les nominations en
Conseil des Ministres, aux hautes fonctions civiles et militaires de l’État, prévues à l’alinéa 2
de l’article 99 de la Constitution, puisqu’elles n’entrainent pas titularisation. Encore faut-il
que ces emplois concernés soient déterminées par une Loi organique. Ces personnes
nommées dans les hauts-emplois de la fonction publique, qui sont à la charnière du politique
et de l’administratif, ne sont pas fonctionnaires, et à ce titre, elles méritent ces postes plus par
leur loyalisme politique que par leur performance, sachant que l’exécutif peut se séparer
d’elles sans formalisme particulier. Pratiquement, l’usage que fait l’exécutif de cet artifice
législatif méprise allégrement les principes d’une bonne administration et l’efficacité de la
fonction publique. L’inconstance des nominations et des révocations aux plus hautes
fonctions de l’État ôte à l’objectif du recrutement tout son caractère sérieux. L’autorité
administrative ou l’exécutif, au Tchad, s’est prévalu de ce privilège de nomination pour
soustraire factuellement certains services publics et l’administration aux exigences légales des
missions de service public, au mépris de la technicité de ces emplois et de la spécialité des
compétences requises pour ces postes. Ce mécanisme politique de recrutement est à l’origine
de plusieurs facteurs de disfonctionnement dans l’administration dont l’incompétence
scandaleuse des agents décrétés, la complexité de traitement de leurs primes de responsabilité,
indemnités et salaires, et dans certains cas, l’absentéisme ou le double emploi. Il en résulte
des paiements d’indemnités de responsabilité à des agents relevés de leurs fonctions et autres
indemnités payés à tort à 4 814 agents dont le montant total est évalué à XAF 4,814 milliards
FCFA, soit 0,67% de la masse salariale globale.
La dérogation au principe du concours, contrairement à la liberté de recruter qu’elle laisse
paraître, exige de l’autorité investie du pouvoir de nomination, en plus des conditions liées à
28
l’existence des besoins ponctuels et clairement identifiés et les précisions du recrutement sur
ce poste, le respect des principes fondamentaux relatifs au statut du corps, à l’égalité (v.
supra.), à l’indépendance et à la responsabilité de l’agent dans l’exercice de ses fonctions. Ce
qui emporte la poursuite des objectifs et du but de l’administration, et plus précisément, le
bon fonctionnement du service public. Une nomination qui ne s’inscrirait pas dans une telle
logique aura pour effet de promouvoir le népotisme et de faire naître dans l’administration un
conflit d’intérêt.
L’une des subtilités dont le fondement juridique est controversable, car énoncée de manière
insolite par la loi N°001 /PR/2016, portant Budget Général de l’État pour 2016, en son article
23, est le recrutement par remplacement numérique dans les départements ministériels. Les
contours de ce mode de recrutement ne sont pas définis par un texte, moins encore, font
l’objet d’une publication pour permettre aux usagers de s’en prévaloir. Dès cet instant, la
pratique sert à instaurer et à entretenir dans la fonction publique tchadienne une sorte de
primogéniture de l’emploi en méconnaissance de la productivité du service public. Par son
caractère subjectif, le recrutement par remplacement numérique constitue en même temps une
violation des principes statutaires et d’égalité, qui sont fondamentalement caractéristique de la
fonction publique, et perturbe la structure du déroulement de carrière du fonctionnaire.
29
Chap. III :
La pénible évolution de carrière dans la fonction publique
tchadienne
L’intégration à la fonction publique, à la différence du contrat de travail privé, enserré dans le
temps et encodé dans un secteur d’activité, emporte l’engagement à s’inscrire dans une durée
de fonction dont les étapes sont réglementées par un statut et un texte d’application. Dans le
système tchadien de la fonction publique, fondamentalement de carrière, c’est la loi 017 qui
prédéfinit le parcours professionnel du fonctionnaire. En effet, le fonctionnaire est recruté
dans un secteur d’activité appelé corps, hiérarchisé et réglementé par un statut (général ou
particulier), en considération de son profil ou spécialisation. Il y occupe, en fonction de son
niveau de qualification, une position appelée classe dont l’ensemble hiérarchisé forme une
catégorie d’une (1) à quatre (4). Le grade définit sa position dans la hiérarchie de sa classe. Il
correspond à des niveaux de compétence différents. Chaque classe comporte trois (3) grades
dans l'ordre hiérarchique croissant : le grade initial, le grade normal, le grade terminal.
L'échelon définit sa position dans la hiérarchie de son grade. Il correspond à des anciennetés
différentes. Le nombre et la hiérarchie des échelons par grade sont définis par un décret pris
en Conseil des ministres. Les corps sont classés dans trois (3) catégories désignées dans
l'ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B et C. La catégorie A correspond aux
emplois de direction, de conception ou de contrôle, elle requiert un niveau minimum de
formation de licence, assorti d'une expérience professionnelle. La catégorie B correspond aux
emplois d'élaboration et d'application à un haut niveau, elle requiert un niveau minimum de
formation de baccalauréat, assorti d'une formation professionnelle. La catégorie C correspond
à des emplois d'exécution spécialisée et courante, elle requiert un niveau minimum de
formation de BEPC, assorti d'une formation professionnelle. Ce dispositif architectonique
détermine l’aventure professionnelle du fonctionnaire. Laquelle peut être linéaire ou sinueuse.
Dans tous les cas, elle dépend entièrement des ambitions du fonctionnaire et de son capital
social. Malheureusement, elle fait l’objet de commerce et de trafics d’influence politique.
Il n’en demeure pas moins que la mise en œuvre de ces différents éléments, le lien à établir
entre eux au long du déroulement de la carrière du fonctionnaire relève de l’autorité investie
du pouvoir de nomination ou du supérieur hiérarchique immédiat du fonctionnaire, à savoir le
chef de service. Autrement dit, les règles du recrutement ont vocation à gouverner tout le
30
processus d’intégration à la fonction publique, depuis le stage et la titularisation (Section 1)
jusqu’au changement de corps et de classe (Section 2).
Section 1 – Du stage à la titularisation : une évaluation imparfaite.
Le statut général de la Fonction publique Tchadienne prévoit une période de mise à l’épreuve
du futur fonctionnaire, à travers le service ou la formation qui est exigée par le statut
particulier du corps dans lequel il a été recruté. C’est le stage. Parce qu’il doit effectuer une
mission d’intérêt général et que sa fonction requiert à la fois un savoir-faire et un savoir-être,
il doit convaincre son employeur « public » de sa valeur professionnelle, de sa bonne moralité
et de ses aptitudes physique et mentale à assurer les fonctions auxquelles il aspire. Cette
période d’une année renouvelable, dite probatoire est un préalable à la titularisation dans la
fonction publique16
, mais pas un droit. De l’observation et de la formation auxquelles le
stagiaire est soumis s’ensuivra une évaluation dont l’issue peut être un avertissement, un
blâme ou le licenciement.
Avec ces dispositions, il serait évidemment difficile d’imaginer la présence d’agents véreux
dans la Fonction publique tchadienne. Malheureusement, la négligence du stage en a produit
assez qui, dans l’exercice de leur fonction, n’arrivent pas à saisir l’enjeu de leur contribution
dans le bon fonctionnement de l’administration. En violation de l’article 53 de la loi 017,
l’autorité administrative s’appuie frivolement sur l’arrêté d’intégration à la Fonction publique
pour faire assumer par des stagiaires des responsabilités afférentes aux fonctions de direction
ou de contrôle. Le stagiaire, censé être évalué, occupe un poste statutairement réservé à son
évaluateur. Cette pratique, courante dans l’administration tchadienne, désorganise la
hiérarchie des corps dans la fonction publique. L’appréciation du responsable du service
intervient en accomplissement d’une formalité et n’a aucun caractère évaluatif. Enfin, même
si le stagiaire rempli les formalités dans le délai prévu par le statut, sa titularisation
n’intervient pas systématiquement. C’est l’avis de la Commission administrative paritaire, sur
proposition du Ministre ou de l'autorité provinciale utilisateur qui nécessite le renouvellement,
la titularisation ou le licenciement du stagiaire. Cependant, la durée d’une année renouvelable
prévue dans le statut n’est jamais respectée, et des stagiaires exercent dans la Fonction
publique pendant 3 à 5 ans, voir plus avant d’obtenir leur titularisation après rudes
16
Article 47 de la Loi 017
31
négociations. Dès lors, ils acquièrent le titre de fonctionnaire puisqu’intégrés par la
titularisation dans un grade de la hiérarchie administrative et les soumet au régime de la
fonction publique défini par le statut.
Par ailleurs, la particularité tchadienne du stage ne facilite pas l’observation et la formation du
futur fonctionnaire. Ses effets sur le système de recrutement et l’intégration à la fonction
publique sont estompés par la complaisance de l’autorité administrative, sans oublier le
changement de corps et de classe qui restent un vrai parcours du combattant pour le
fonctionnaire tchadien.
Section 2 – Les mouvements de carrière du fonctionnaire : une
endurance professionnelle
Une fois recruté et le stage passé, le fonctionnaire tchadien poursuit son intégration à la
fonction publique en déroulant une carrière en fonction de sa position statutaire (A) ou de la
notation et de l’avancement (B)
A. Position du fonctionnaire
La satisfaction de l’intérêt général est à la croisière de la fonction et des missions pour
lesquelles le fonctionnaire est recruté. Ce but permet d’apprécier ses positions dans
l’administration. La loi 017 prévoit en son article 72 le placement de tout fonctionnaire dans
l’une des quatre positions que sont l’activité, le congé de longue durée, le détachement, la
disponibilité. L’intérêt de cette précision est double. Premièrement, la position permet à
l’autorité administrative de confirmer la productivité du fonctionnaire et de garantir aux
usagers le bon fonctionnement du service public par la disponibilité des ressources humaines.
En effet, il est attendu du fonctionnaire un exercice effectif de l’emploi puisque
l’administration est tenue d’en rendre compte au contribuable. Un fonctionnaire qui n’est pas
dans l’une ou l’autre de ces quatre positions est difficilement identifiable par l’administration.
Aussi, parce qu’il est disposé dans le statut qu’un congé de longue durée permet à un
fonctionnaire d’interrompre le service pour une durée supérieure à six (6) mois pour cause de
convenances personnelles, des agents profitent de cet aménagement statutaire pour échapper à
leur obligation professionnelles, notamment en abandonnant leur service pour des emplois
dans le secteur privé. Ces cas ont été relevés par le Comité de suivi des recommandations de
la Commission interministérielle chargée de l’assainissement du fichier du personnel de l’État
(CIMAPE). Dans son rapport de juin 2015, le Comité a mentionné la présence, dans la
32
Fonction publique tchadienne, des agents absentéistes, des agents en position de double
emploi, de double matricule et des agents fictifs. Ces résultats décrivent les conséquences
auxquelles il faut s’attendre lorsque des agents exploitent la défaillance de l’administration
pour abandonner leurs postes ou service. Le constat fait par le Cabinet Henry-Ernest & Young
Tchad de l’absence au niveau de la fonction publique d’un fichier17
central exhaustif
récapitulant l’ensemble des agents de l’Etat avec précision sur leurs différentes positions
d’activité, confirme cette défaillance (Rapport d’audit comptable et organisationnel de la
solde du personnel civil de l’Etat, 2017, 34). Deuxièmement, la gestion complaisante des
positions statutaires des fonctionnaires méprise, d’une part, les performances administratives
et les résultats, et d’autre part, contribue à déposséder l’administration de ses meilleures
ressources au profit du secteur privé. Les détachements et les disponibilités dans la Fonction
publique tchadienne ne remplissent pas les conditions requises. Et pourtant ces positions ne
sont pas sans incidences sur le budget de l’État. A titre illustratif, l’article 81 dispose qu’un
« fonctionnaire ne peut être détaché que s'il compte au moins cinq (5) ans d'ancienneté dans la
fonction publique, sauf dérogation par décret pris en Conseil des ministres. » Or, la pratique
fait de cette exception une règle et, de ce fait, dénature les objectifs du détachement.
Des aménagements législatifs offrent également aux agents des possibilités de s’engager dans
des aventures professionnelles correspondant à leurs ambitions dans la fonction publique
tchadienne. Ce sont les concours professionnels et les formations professionnelles pouvant
donner lieu à reclassement à l'échelon correspondant à l'indice égal et à défaut immédiatement
supérieur à celui détenu dans son ancienne classe ou son ancien corps.
B. De la notation et de l’avancement
La loi 017 prévoit une appréciation du fonctionnaire dont l’objectif est de donner à
l'administration les moyens de juger de façon permanente du rendement, de l'efficacité et de la
conduite du fonctionnaire. L'appréciation se traduit annuellement par une note chiffrée
attribuée à tout fonctionnaire en activité, en congé de courte durée ou en détachement, et
détermine le droit à l'avancement de grade. Le pouvoir d'appréciation appartient aux deux
niveaux hiérarchiques directs dont relève le fonctionnaire : l’échelon et le grade. Les
17
Ce fichier devrait se trouver au niveau de la Direction du Personnel Civil de l’Etat au Ministère de la Fonction
Publique et être en cohérence avec les données contenues dans la base du SIGASPE au niveau de la Direction
de la Solde.
33
supérieurs hiérarchiques directs sont tenus de noter objectivement le personnel placé sous leur
autorité. La technique d’avancement conçue par le législateur consiste en effet à la promotion
professionnelle de l’agent en fonction de l’évaluation qualitative et quantitative de sa
performance dans le service. Ce faisant, elle se réfère aux tâches du poste de travail et à son
profil. Alors que l'avancement d'échelon est planifié pour intervenir automatiquement
d'échelon à échelon dans un grade donné tous les deux ans, sauf si le fonctionnaire a encouru
une sanction disciplinaire majeure au cours de l'année, et celui du grade supérieur devant se
réaliser après cinq (5) années au minimum passées dans un grade, il est compromis par un
système de négoce, rendant périlleuse l’évolution de carrière du fonctionnaire. La défaillance
de ce système sert de motif à des agents qui, pour mener des démarches relatives à la
régularisation de leur situation, abandonnent leur poste pendant une durée plus ou moins
longue.
Si incomplet que se présente le diagnostic fait du système de recrutement des agents, les
imperfections qui y sont identifiés méritent qu’un bilan des réformes soit dressé en vue de
formuler des propositions de solutions pour une fonction publique efficace.
34
2ème Partie :
RETROSPECTION DES REFORMES DE LA
FONCTION PUBLIQUE TCHADIENNE
Noyau de l’institution étatique, la fonction publique, telle que présentée à la première partie,
« est un système d’emploi et de règles portant sur des questions telles que le recrutement, la
sélection, l’évaluation du travail, la formation et le développement, l’évaluation du
rendement, le code de conduite attendu, les droits politiques, les limites et les
privilèges. »18
(Olowu Dele, 2010, p. 665). Partant des hypothèses liées à la politique du
recrutement, notamment le rapport entre le système de recrutement et l’efficacité de la
Fonction publique, la qualité des outils de gestion et d’évaluation du personnel ainsi que
l’impact budgétaire du recrutement, il est impératif de construire un cadre politico-juridique
qui fasse de l’administration un acteur principal de développement intégral de l’État, d’autant
qu’elle est la principale pourvoyeuse d’emplois dans un pays où le taux de chômage des
jeunes est anormalement élevé. Aussi est-il important que l’administration publique
tchadienne dispose d’un système de recrutement adéquat qui lui permette de bien gérer les
ressources dans l’optique d’offrir des services publics de qualité. Et pourtant, malgré son
importance avérée dans le processus de développement, mise en évidence dans les trois
générations de Stratégie Nationale de Réduction de la Pauvreté et celle de la Bonne
Gouvernance, l’administration publique tchadienne semble être caractérisée par son étroitesse
et son inefficacité.
Face à la crise de l’administration publique dont les principales causes résident dans la
conception triviale du service public et la défaillance de la gouvernance, une introspection de
l’appareil étatique s’impose. Car, considérant la quantité des états généraux des institutions et
les réformes qui s’en sont ensuivies, il convient d’identifier les facteurs d’échec pour proposer
des solutions correspondant. Sachant que l’inopportunité du contexte politique (Chapitre 1)
ne facilite pas l’amélioration du cadre institutionnel du recrutement (Chapitre 2), son
influence sur la mise en œuvre des réformes de l’administration est évidente. La qualité des
18
Olowu Dele, « La réforme des salaires de la fonction publique en Afrique », Revue Internationale des Sciences
Administratives, 2010/4 (Vol. 76), p. 665-686. DOI : 10.3917/risa.764.0665. URL : https://www.cairn.info/revue-
internationale-des-sciences-administratives-2010-4-page-665.htm
35
outils de gestion et d’évaluation du personnel de l’Etat (Chapitre 3) ne détermine pas moins
l’efficacité de la fonction publique.
Chapitre I : Un contexte politique peu favorable à la mise
en œuvre des réformes
S’il est possible de faire l’historique des réformes jusqu’ici entreprises par le Tchad, il
conviendrait de partir de la Conférence Nationale Souveraine de 1993, qui a posé les jalons
d’une démocratie et d’un Etat de droit après trois décennies d’instabilité politique et de
dictature. Mais considérant le disfonctionnement de l’administration en dépit de toutes ces
réformes, il importe de s’interroger sur leur pertinence. En effet, il ressort de l’analyse des
rapports des principales réformes de l’administration un manque de portage politique du
projet (Section 1) et une négligence dans l’évaluation des actions (Section 2).
Section 1 – Le manque de portage politique des réformes
Les projets ou programmes de réforme, financés par les partenaires au développement,
avaient généralement pour résultats attendus une amélioration quantitative et qualitative des
ressources humaines. Malheureusement, lorsqu’il est question de mener les activités relatives,
d’une part, au recrutement et à la formation du personnel de l’État, et d’autre part au
déploiement des ressources dans les secteurs où le besoin s’est fait sentir, l’appui politique
fait défaut. La possible explication à cette sorte de velléité politique est la faible implication
des hautes autorités et de l’administration dans l’étude d’impact des projets. Les besoins
n’étant pas bien définis et les bénéficiaires mal identifiés, la réforme ne produit pas les
résultats escomptés. Le Programme de réforme de la justice (PROREJ) en 2005, le
Programme d’appui à la justice au Tchad, phase I (2009) et II en (2015) (PRAJUST I et II),
qui devraient permettre une augmentation de l’effectif du personnel judiciaire (Magistrats,
Greffiers, surveillants, agents, contrôleurs et administrateurs pénitentiaires) et une
performance que devrait traduire la qualité du service public de la justice, n’ont pas
véritablement relevé les défis de ce secteur. La deuxième promotion des magistrats formés par
l’École nationale de formation judiciaire, qui est une des recommandations d’Etats Généraux
de la Justice de 2003, attend depuis 2015 son déploiement dans les juridictions, et à elle
s’ajoute la troisième promotion. Cette situation illustre le manque de portage politique qui est
l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre des réformes aux Tchad.
36
Section 2 – L’insuffisante évaluation des réformes
La négligence de l’évaluation des réformes ne permet pas de mettre en évidence ses impacts
sur la productivité de la fonction publique. En effet, l’imparfaite évaluation dissimule les vrais
enjeux dans la succession des réformes sans toutefois les relever. Ainsi peut-on aisément
constater l’inachèvement de toutes les réformes entreprises au Tchad. L’administration
tchadienne tient cette lacune de la permissivité du mécanisme d’évaluation des politiques
publiques. Les réformes étant soutenues par les projets grâce aux appuis techniques et
financiers des partenaires, l’État ne parvient pas à se les approprier pour la simple raison qu’il
dispose d’une capacité institutionnelle faible. Dans ces conditions, il est difficile de renforcer
l’administration publique tchadienne, surtout en termes de capacité de formulation de
politiques et d’application des réformes, pour renforcer la gouvernance.
37
Chapitre II : Possible amélioration du cadre institutionnel
du recrutement des agents
Les solutions à l’efficacité de la fonction publique tchadienne résident dans une bonne
exploitation du cadre juridique du recrutement des agents. La clarté et les précisions de la loi
017 en la matière invitent l’administration publique à dépolitiser les acteurs du recrutement et
à harmoniser ses dispositifs de recrutement (Section 1) et à systématiser le renforcement de
capacité des ressources humaines par la formation continue du personnel de l’État (Section 2).
Section 1 – Des dispositifs de recrutement à harmoniser
La responsabilité des organes de recrutement dont dispose la Fonction publique mérite que
cette institution promeuve une indépendance effective, dans le sens d’éviter l’intervention
intempestive du politique. En effet, la répercussion des charge et des missions de la Fonction
publique sur la productivité de l’administration est telle qu’une incompétence et un déficit de
communication dans ses services emporte la défaillance du système de recrutement. Raison
pour laquelle, il est nécessaire de coordonner et d’harmoniser les actions entre les organes
consultatifs cités dans le chapitre 2 du statut général. La dynamique de communication entre
le comité consultatif de la fonction publique, les commissions administratives paritaires, le
conseil médical, la commission d'équivalence de diplômes simplifiera la tâche à la Direction
du personnel civil de l’État qui, dès lors, disposerait d’éléments techniques pour la
coordination du système de recrutement dans la Fonction publique. La bonne gestion de cette
articulation servira à la coopération entre la Fonction publique et le Ministère des finances et
du budget. Elle est indispensable d’autant plus que le rapport d’audit comptable et
organisationnel de la solde et du personnel civil de l’Etat a observé que « le circuit de la
dépense du personnel présente beaucoup d’insuffisances notamment liées au manque de
communication entre les différents intervenants de la chaîne, à l’absence de manuel de
procédures et à l’existence d’un système de contrôle interne déficient. » C’est le rôle premier
du SIGASPE de permettre l’échange de données entre tous les acteurs du circuit administratif
(Ministère de la Fonction Publique, DRH des ministères d’exercice, Direction de la Solde,
Direction Générale de l’Ordonnancement, Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité
Publique).
38
Par ailleurs, compte tenu de la portée du système de recrutement dans l’administration, il
convient de dupliquer son architecture dans les fonctions publiques locales tout en renfonçant
leur autonomie pour une gestion optimale des ressources humaines. La création d’un Haut
Conseil de Recrutement, composé des représentants des ministères, partenaires sociaux et du
patronat serait d’un appui important à l’amélioration de la politique de recrutement des agents
dans la fonction publique.
Enfin, parce que la fonction publique ne se limite pas seulement à l’administration publique
stricto sensu, le principe de recrutement par voie de concours jusqu’ici réservé aux corps
d’administrateurs civils, du personnel judiciaire et de la santé devrait être étendu à toute la
fonction publique, tout en respectant les modalités de son organisation, prévues à l’article 41
du statut général de la fonction publique, dans le sens de l’indépendance et de la transparence.
Section 2 – Formation du personnel de l’État à planifier
Les exigences du service public et de l’administration nécessitent que la Fonction publique
tchadienne planifie, au profit du personnel, des formations professionnelles et continue, pour
permettre, respectivement, une adaptation aux métiers et une acquisition de compétences pour
leurs postes, et les accompagner dans le maintien de leur employabilité, le déroulement du
parcours professionnel. Alors que l’article 58 de la loi 017 dispose que « L'État a l'obligation
d'assurer aux fonctionnaires en cours d'activité une formation professionnelle permanente. » la
Fonction publique n’aménage pas un mécanisme pouvant permettre au personnel de l’État de
bénéficier d’une formation. A cet effet, il convient de le mettre en œuvre de manière
systématique pour améliorer l’efficacité quantitative (compétences) et qualitatives
(amélioration de la qualité des services publics) des fonctionnaires dans le dessein d’une
fonction publique efficace.
Pratiquement, il revient au Ministère de la Fonction publique de recueillir des autres
ministères et services publics les propositions des modules et thèmes pour concevoir le
catalogue de formation, à actualiser annuellement pour permettre la budgétisation des
formations dans chaque ministère. Il s’agira de doter la Fonction publique d’une cartographie
de formations mutualisée dans l’administration. Par ailleurs, la réalisation de cette action ne
peut se faire que par des outils de gestion et d’évaluation adaptés.
39
Chapitre III :
De l’usage rationnel des outils de gestion et d’évaluation
Quelle que soit la réforme entreprise, sa mise en œuvre ne peut répondre aux besoins
identifiés et permettre d’atteindre les résultats qu’au moyen de dispositifs de gestion et
d’évaluation adéquats. La singularité de l’administration tchadienne est qu’elle n’est pas
encore submergée par les outils de gestion et d’évaluation du personnel de l’État. Les seuls
outils et moyens qui existent à ce jour sont le Système Intégré de Gestion Administrative et
Salariale du Personnel de l'État (SIGASPE) et les appréciations individuelles ou les notations
dans les services par les autorités hiérarchiques. Cependant, les résultats des audits dans la
Fonction publique nous amènent à nous interroger sur la pertinence et l’efficacité de ces
outils. Or, l’efficacité recherchée dans la fonction publique exige que ces outils servent à
l’accroissement de la performance individuelle et à l’atteinte des résultats. Ce qui suppose que
l’administration publique tchadienne gagnerait à perfectionner le SIGASPE pour sa bonne
exploitation (Section 1), et à recourir à l’évaluation professionnelle pour promouvoir ses
agents (Section 2), mais également à doter la Fonction publique d’un code d’éthique et de
déontologie du fonctionnaire.
Section 1 – Bonne exploitation du SIGASPE
Lancé le 11 octobre 2012, le système intégré de gestion administrative et salariale du
personnel de l'État (SIGASPE) est un outil permettant de maîtriser la masse salariale estimée
à 80% des recettes hors pétrole, soit 283,2 milliards F CFA inscrits au budget 2012. Il est
destiné à assurer une gestion dynamique et efficace des ressources humaines par la
connaissance approfondie des effectifs des agents de l’État, de leurs caractéristiques, ainsi que
de la constitution d’une base de données informatisées fiables pour leur gestion. Le système a
servi à la détection des fonctionnaires fictifs et ceux percevant de multiples salaires grâce à
une saisie unique et contrôlée des actes et données, un aspect à l’information à temps réel, une
confidentialité paramétrable en fonction des interventions, le suivi des carrières des agents, le
suivi des dépenses du personnel, l'édition automatique des actes de gestion, le traitement
mensuel de la solde. Les résultats du premier recensement biométrique des agents de l'État,
obtenues grâce aux données du système, ont révélé que sur les 69.954 agents payés par la
40
Solde, 55.797 agents ont été effectivement recensés et 8.499 agents sont inconnus. Ce qui
démontre la fiabilité de cet outil et la nécessité de le perfectionner.
En effet, après cinq (5) ans de disponibilité, l’exploitation du SIGASPE par l’administration
tchadienne laisse à désirer. L’audit comptable et organisationnel de la solde du personnel civil
de l’État (v. sup.) a relevé la mauvaise qualité des données gérées par le SIGASPE,
notamment l’existence de renseignements erronés sur la situation réelle des agents de l’État
(date de naissance, matricule, corps d’appartenance, poste occupé, etc.). De même, il manque
de fluidité dans le partage de l’information entre les différentes entités concernées par le
processus de traitement de la solde due principalement à l’absence d’interconnexion entre la
base de donnée du SIGASPE implantée au Ministère des Finances et du Budget et les
différentes directions des ressources humaines des ministères sectoriels. Ce qui conduit certains
fonctionnaires à adresser directement leurs actes administratifs avec effets financiers à la solde sans
passer par leur DRH. Cette situation amène les agents de la solde à s’enfermer souvent dans leur
bureau pour exécuter leurs travaux quotidiens. Alors que le SIGASPE est mis en place pour alléger le
circuit de traitement des dossiers de gestion des carrières du personnel civil de l’Etat en adoptant le
principe qui veut que tout dossier ne passe qu’une seule fois devant un même acteur intervenant dans
ce circuit. Cette pratique est la conséquence de la lenteur dans le traitement des actes administratifs. Il
convient donc d’étendre le SIGASPE afin de couvrir tout le circuit de gestion administrative
et salariale du personnel civil de l'État y compris le personnel à statuts particuliers
(Magistrats, greffiers, Police, GNNT et personnel civil de l'armée), de renforcer son système
de contrôle et de statistique, d’interconnecter les différentes DRH et de poursuivre le
renforcement des capacités des différents acteurs intervenant dans ce système.
Source: Cabinet Henry-Ernest & Young Tchad, 2017, p.10
Tableau présentant les écarts entre les résultats des données fournies par le SIGASPE et les
déclarations des services du Ministère des Finances et du budget.
41
Section 2 – Recours à l'évaluation professionnelle
La surabondance des actes administratifs de nomination (décrets) à des postes donnant droit à
une indemnité de fonction ou de responsabilité dévoile la négligence de l’évaluation
professionnelle dans la fonction publique tchadienne. Et pourtant, lorsque l’évaluation
professionnelle n’est pas bien mise en place, bien guidée par un souci de transparence et
d’objectivité, elle peut provoquer frustration, démotivation dans l’administration et résulter
ainsi à la baisse de la productivité et au gaspillage des ressources. En effet, le Ministère de la
Fonction Publique devrait avoir le fichier complet de tous les agents de la Fonction Publique
en ayant la situation administrative réelle des agents affectés dans les différents ministères ou
autres structures administratives. Cela permettrait d’avoir chaque année la situation des agents
recrutés, en position de détachement, de disponibilités, révoquées, décédés, démissionnaires
ou retraités, pour pouvoir élaborer et disposer d’un outil d’évaluation individuel,
indispensable à la promotion professionnelle. Cela nécessite une interaction continue et
permanente entre les ministères utilisateurs (actes de gestion) et le Ministère de la Fonction
Publique qui administre la carrière des agents. Il s’agit de faire de l’évaluation une condition
sine qua non à l’évolution de carrière. Elle doit servir de levier d’amélioration et de
développement des ressources humaines dans l’administration, et déterminer individuellement
les axes de progrès et d’évolution des salariés ainsi que leurs performances suivant des
critères objectifs afin d’aboutir à une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
(GPEC) adaptée. Dans le contexte de la fonction publique tchadienne, un système
d’évaluation permettrait de réunir des informations nécessaires à la promotion professionnelle
du fonctionnaire, notamment son avancement, mais également sa nomination à certains postes
techniques et aux plus hautes fonctions. L’existence d’un système d’évaluation adéquat
devient donc indispensable dans la fonction publique.
L’adéquation du système de recrutement à l’efficacité de la fonction publique passe enfin par
l’encadrement de la personnalité de l’agent au moyen d’un code d’éthique et de déontologie
des agents du service public. L’absence de référence réglementaire pour la conduite des
agents publics dans les services ou dans la société ne permet pas à ces agents de réaliser les
enjeux de leurs actes dans la noblesse du service public et à l’administration de mieux leur
rappeler ce que la société attend d’eux.
42
Conclusion
Le recrutement des agents, par ses enjeux socio-économiques, fait de la fonction publique le
cadre idéal d’expression des politiques publiques. Le contexte tchadien, marqué par une
longue période d’instabilité politique, a rendu difficile la construction d’une fonction publique
par les réformes de l’administration publique, déjà fortement politisée. La succession
permanente des gouvernements et l’hétérogénéité de la nation n’ont pas permis au jeune État
de perfectionner l’héritage juridico-administratif de la colonisation. En effet, les défis de la
fonction publique sont liés à ceux du système de recrutement des agents sous quatre angles :
- L’angle juridique : l’inscription du système de recrutement dans une démarche d’efficacité de
la fonction publique passe par un cadre juridique bien conçu et effectivement exploité. La
conformité de la réglementation du recrutement à la Constitution ne doit pas se limiter à une
prouesse législative, mais poursuivre le but de satisfaire l’intérêt général en offrant des
services publics de qualité au moyen d’agents loyaux et compétents. Une bonne réforme ne
passe pas seulement par la législation, mais par l’application d’une législation bien conçue.
Aussi faut-il l’accompagner par la lutte contre l’impunité et, pour le Tchad, un code d’éthique
et de déontologie des agents d’État.
- Sous l’angle socio-économique : en ce que son efficacité peut lui permettre de créer
des conditions favorables au développement durable en offrant l’emploi, en motivant les
agents et délivrant de services publics de qualité, la fonction publique reste un laboratoire de
l’économie nationale. Car, sa contribution à la conception et à l’amélioration des outils de
gestion est incontournable. Pour cette raison, elle doit disposer d’un système actualisé de
contrôle et de gestion des ressources humaines, pour permettre au Ministère des finances et du
budget de contrôler l’évolution de la masse salariale. Sachant que le budget de l’État est un
puissant instrument de mise en œuvre des politiques publiques, il peut, de ce fait, être
mobilisé pour atteindre le niveau de l’émergence économique escompté.
- Sous l’angle administratif et politique : C’est la bonne articulation des missions des
acteurs en charge du recrutement et une collaboration dynamique des agents publics qui font
l’authenticité du dispositif de recrutement, et l’inscrivent dans une logique de productivité de
la fonction publique. Il importe, pour permettre à la fonction publique d’accomplir ses
missions d’intérêt général et de régulation de la justice sociale, que l’architecture
administrative du recrutement fonctionne, de manière transparente et indépendante, dans tout
43
l’appareil étatique : ministères et collectivités territoriales. Ce faisant, l’affirmation de la
politique de recrutement des plus hautes autorités se précisera dans les décisions en faveur du
respect de la réglementation et de la répression des pratiques nuisible à l’efficacité de la
fonction publique.
44
Annexes
Extraits de textes
1. Loi n°017 /PR/2001 portant statut général de la fonction publique
Art. 1.-La présente loi constitue le Statut Général de la fonction publique de la
République du Tchad.
Art. 2.-Le présent statut s'applique aux personnes qui, nommées dans un emploi public
permanent, ont été titularisées dans un corps de la hiérarchie des cadres de l'administration de
l'État.
Il s'applique aux fonctionnaires stagiaires dans les conditions définies au Titre IV.
Art. 3.-Le présent statut ne s'applique pas :
- aux personnels des assemblées parlementaires ;
- aux militaires des forces armées ;
- aux magistrats de l'ordre judiciaire ;
- aux agents des collectivités locales et des établissements publics ;
- aux auxiliaires de l'administration régis par un texte particulier et aux agents de l'État
relevant du Code du travail.
Les statuts de ces corps de fonctionnaires sont déterminés par des lois.
Art. 5. – L'accès aux emplois publics est ouvert à égalité de droit, sans distinction de genre,
de religion, d'origine, de race, d'opinion publique, de position sociale, à tout tchadien
remplissant les conditions prévues au titre IV de la présente loi, sous réserve des conditions
d'aptitudes physique et mentale ou de sujétions propres à certains emplois déterminés par les
statuts particuliers.
Art. 6.-Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l'administration, dans une situation statutaire et
réglementaire.
Art. 41.-Les recrutements s'opèrent par voie de concours.
Toutefois, il est prévu une modalité de recrutement sur poste en vue de répondre à des besoins
ponctuels et clairement identifiés, notamment sur des emplois très techniques, pour lesquels le
nombre de candidats s'est avéré inférieur au nombre de postes à pourvoir.
Un décret pris en Conseil des ministres définit les conditions et les modalités de recrutement
sur poste.
Art. 42.-Chaque concours donne lieu à l'établissement d'une liste classant par ordre de mérite
les candidats déclarés admis par le jury.
Ce jury établit, dans le même ordre, une liste complémentaire ou une liste d'attente afin de
permettre le remplacement automatique des candidats inscrits sur la liste principale en cas de
désistement.
Art. 43.-Un décret pris en Conseil des ministres détermine les modalités d'organisation des
concours.
Art. 47.-Le stage est la période probatoire au cours de laquelle le fonctionnaire ayant vocation
à être titularisé dans un corps de la fonction publique doit prouver sa valeur professionnelle,
sa bonne moralité et ses aptitudes physique et mentale à assurer les fonctions auxquelles il
aspire.
45
Le stage est une période d'observation et de formation.
La durée du stage est d'un an, éventuellement renouvelable une fois.
Art. 58.-L'État a l'obligation d'assurer aux fonctionnaires en cours d'activité une formation
professionnelle permanente.
Art. 59.-Sous réserve des dispositions de l'article 56, le concours professionnel peut être
remplacé par le passage dans une école de formation professionnelle pour y suivre un cycle
d'enseignement sanctionné par un diplôme.
Art. 63.-L'appréciation a pour objectif de donner à l'administration les moyens de juger de
façon permanente du rendement, de l'efficacité et de la conduite du fonctionnaire.
L'appréciation se traduit annuellement par une note chiffrée attribuée à tout fonctionnaire en
activité, en congé de courte durée ou en détachement, et détermine le droit à l'avancement de
grade.
Art. 64.-Le fonctionnaire fait l'objet d'une appréciation et d'une notation annuelle.
L'appréciation s'attache principalement aux performances, sur la base des critères qualitatifs
individualisés et des critères quantitatifs, en référence aux tâches du poste de travail et à son
profil.
Les critères quantitatifs reposent sur des objectifs individuels dans le cadre des objectifs
collectifs assignés au service.
Pour les personnels occupant certains emplois d'application et tous les emplois d'exécution,
les objectifs individualisés pourront être remplacés par une grille de critères généraux, établie
par niveau d'emploi.
La note chiffrée annuelle et l'appréciation portées sur la fiche d'appréciation sont
communiquées à l'agent concerné qui dispose d'un droit de recours devant la Commission
administrative paritaire.
Les éléments de l'appréciation sont versés dans le dossier de l'intéressé.
Art. 66.-L'avancement des fonctionnaires comprend l'avancement d'échelon et l'avancement
de grade.
L'avancement d'échelon intervient d'échelon à échelon dans un grade donné tous les deux ans
et automatiquement, sauf si le fonctionnaire a encouru une sanction disciplinaire majeure au
cours de l'année.
L'avancement au grade supérieur intervient après cinq (5) années au minimum passées dans
un grade.
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2. Décret 07-509 2007-06-29 PR/PM/MFPT Portant 0rganigramme du Ministère de
la Fonction Publique et du Travail
Vu la Constitution ;
Vu le Décret N°559/PR/PM/MFPTE/2003 du 23 Juin 2003, portant organigramme du
Ministère de la Fonction
Publique, du Travail et de l'Emploi ;
Vu le Décret N°039/PR/PM/2007 du 18 janvier 2007, portant structure du Gouvernement et
attributions de ses membres ;
Vu le Décret N°223/PR/2007 du 26 Février 2007, portant nomination d'un Premier Ministre,
Chef du
Gouvernement ;
Vu le Décret N°229/PR/PM/2007 du 05 Mars 2007, portant nomination des membres du
Gouvernement
Titre 1 : DE L'ORGANISATION
Article 1er : Le Ministère de la Fonction Publique et du Travail est structure comme suit :
Une Direction de cabinet ;
Une Inspection Générale des Services ;
Une Administration Centrale ;
Des Services Extérieurs ;
Des Organismes sous tutelle.
Section 2 : DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA FONCTION PUBLIQUE
Article 7 : Placée sous l'autorité d'un Directeur Général, la Direction Générale de la Fonction
Publique est chargée d'appliquer la politique du Gouvernement en matière de gestion des
ressources humaines de l'État.
À ce titre, elle est chargée :
d'appliquer la politique de recrutement des agents de l'État ;
de définir la politique de formation du personnel civil de l'État ;
d'appliquer la réglementation en matière de gestion de personnel ;
de concevoir et mettre en œuvre la réforme de l'Administration publique.
La Direction Générale de la Fonction Publique regroupe en son sein les directions techniques
suivantes :
la Direction du personnel civil de l'État ;
la Direction des Études et de la Réforme ;
la Direction du Contrôle des Effectifs, de la Statistique et des Archives.
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Section 3 : DE LA DIRECTION DU PERSONNEL CIVIL DE L'ÉTAT
Article 8 : Placée sous l'autorité d'un Directeur, la Direction du Personnel Civil de l'État est
chargée :
d'appliquer le statut général et les statuts particuliers ;
de participer à la conception des textes relatifs à la gestion du personnel civil de l'État ;
d'élaborer les actes de recrutement du personnel civil de l'État ;
d'élaborer les actes relatifs à la carrière du personnel civil de l'État.
Le Directeur du Personnel Civil de l'État est membre de droit des commissions
administratives paritaires des départements ministériels et du Conseil Médical.
Section 4 : DE LA DIRECTION DES ÉTUDES ET DE LA RÉFORME
Article 9 : Placée sous l'autorité d'un Directeur, la Direction des Etudes et de la Reforme est
chargée :
de réaliser des études juridiques générales et prospectives en vue de la réforme du
système de gestion de la fonction publique ;
de reformer le système de formation et de perfectionnement ;
d'établir les cadres organiques pour la conception d'un système de gestion
prévisionnelle intégrée aux structures des emplois et des effectifs ;
de réaliser des études permettant de réviser le statut général et les statuts particuliers ;
de définir la politique de formation professionnelle et de perfectionnement des agents
de l'Etat ;
d'assurer le secrétariat du Comité Consultatif de la Fonction Publique et de la
Commission d'Equivalence des diplômes ;
d'organiser et superviser les concours :
o de recrutement direct des agents de l'Etat ;
o d'entrée dans les écoles professionnelles ;
o professionnels de promotion.
Section 5 : DE LA DIRECTION DU CONTRÔLE DES EFFECTIFS, DE LA
STATISTIQUE ET DES ARCHIVES
Article 10 : Placée sous l'autorité d'un Directeur, la Direction du Contrôle des Effectifs, de la
Statistique et des
Archives est chargée :
de constituer, conserver et gérer le fonds documentaire du département ;
de collecter les archives des services extérieurs ;
de classer, conserver et archiver les pièces constitutives des dossiers individuels des
agents de l'Etat ;
de gérer et diffuser les documents et informations aux tiers en cas de besoin ;
de mettre en œuvre le système informatise de gestion du personnel civil de l'Etat ;
de gérer le fichier informatise du personnel civil de l'Etat ;
de contrôler les effectifs du personnel civil de l'Etat ;
de produire des données statistiques en matière d'effectifs du personnel civil de l'Etat
civil.
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Données statistiques
3. Effectif des agents civils de l’Etat par catégorie (31/12/2016)
Source : Ministère de la fonction publique
4. Evolution de la masse salariale de 2014 à 2016
Source: Cabinet Henry-Ernest & Young Tchad, 2017, p.10
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Bibliographie
Ouvrages
Jean-François Lachaume et Aurélie Virot-Landais, La fonction publique. Paris, Connaissance
du droit, 2017, 139 p.
Pierre BOURDIEU, Sur l’État. Cours au Collège de France. 1989 – 1992. Paris, Ed. Raisons
d’agir/Ed. Du Seuil, 2012, 679 p.
Frédéric COLIN, Droit de la fonction publique. Issy-les-Moulineaux, Gualino, 2016, 243 p.
Béatrice THOMAS-TUAL, Droit de la fonction publique de l’État, Paris, ellipses, « Mise au
point », 2005, 183 p.
Alexis ZARCA, L’égalité dans la fonction publique. Bruxelles, bruylant, 2014, 919 p.
Luc ROUBAN, Quel avenir pour la fonction publique ?, Paris, La Documentation Française,
« Doc ‘en poche – Place au débat », 2017, 185 p.
Articles de presse
Magazine du Ministère de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, « Service public »,
Janvier – février 2005, N° 110, Dossier « fonction publique : vers une diversification des
recrutements », pp 17 – 25. Pierre Coural, Chef du bureau du recrutement et de la formation à
la Direction générale de l’administration et de la fonction publique.
Rapports
République du Tchad, « Budget citoyen du Tchad, un outil de transparence de la loi de
finance 2016. », 2016.
République du Tchad, CIMAPE, Rapport final, Juin 2015.
Cabinet Henry - Ernst & Young Tchad, Rapport d’audit comptable et organisationnel de la
solde du personnel civil de l’Etat du Tchad, 2017
Sitographie
Olowu Dele, « La réforme des salaires de la fonction publique en Afrique », Revue
Internationale des Sciences Administratives, 2010/4 (Vol. 76), p. 665-686. DOI :
10.3917/risa.764.0665. URL : https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-
administratives-2010-4-page-665.htm