Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

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MÉTROPOLES À CROQUER En quoi l'agriculture urbaine constitue un moteur de constitution des villes ? Presente par Abel GUILLAUME Suivi par Elodie Nourrigat Jury : Laurence Kimmel Daniel Delgado Isabelle Berthet-Bondet Elodie Nourrigat Semestre 09 - Janvier 2015 2

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En quoi l'agriculture urbaine constitue un moteur de constitution des villes ? Comment peut elle générer du profit ? Comment peut elle sauver l'avenir de nos villes ? Agriculture urbaine Urban Agriculture Permaculture Vertical Farming Ferme Verticale Autosuffisance Alimentaire

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MÉTROPOLES À CROQUEREn quoi l'agriculture urbaine constitue un moteur de constitution des villes ?

Presente par

Abel GUILLAUME

Suivi par Elodie Nourrigat

Jury :

Laurence Kimmel

Daniel Delgado

Isabelle Berthet-Bondet

Elodie Nourrigat

Semestre 09 - Janvier 2015

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SOMMAIRE :

– INTRODUCTION

– PARTIE I : Un constat alarmant

1.1 Une population mondiale en plein expansion.

1.2 Des ressources qui s'epuisent.

1.3 Des villes qui souffrent.

– PARTIE II : L'agriculture urbaine

2.1 Les grands enjeux de l'agriculture urbaine.

2.2 Les differentes methodes.

2.3 Vers une relation symbiotique durable.

– PARTIE III : La ville agricole.

3.1 Une viabilite economique.

3.2 Les leviers potentiels .

3.3 Des prospectives differentes.

– CONCLUSION

– BIBLIOGRAPHIE

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INTRODUCTION :

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Depuis 2006, plus de 50% de la population

mondiale vit dans les villes1. Ce chiffre ne cesse

d'augmenter à tel point que l'Organisation des Nations

Unies prevoie que celui-ci devrait depasser les 70% d'ici

20502.

Parallèlement, la population mondiale subit un

accroissement demographique sans precedent. Depuis les

annees 1960, le nombre d'individus sur Terre est passe de

3 à 7 milliards de personnes en 2011 et devrait depasser les

9 milliards en 2050.

Nourrir les populations devient alors un problème majeur

et l'agriculture doit repondre à une demande de plus en

plus forte tout en beneficiant de moins en moins d'espace.

En effet, l'expansion des villes ne peut se faire sans

empieter sur le territoire agricole, complexifiant ainsi les

limites periurbaines et la relation ville-nature dejà mise à

mal.

Le territoire urbain et le territoire agricole sont donc

amenes à cohabiter, à s'imbriquer en donnant naissance à

un nouveau territoire hybride, lieu d'une relation

symbiotique ville-nature.

Si l'agriculture urbaine est encore à l'etat de pratique

emergente, elle est pourtant l'une des solutions proposees

et recommandees par l'ONU et la FAO ( Food and

Agriculture Organization )3 pour faire face aux besoins de securite alimentaire et aux defis de

l'urbanisation.

Presentee comme solution miracle à tous les maux de la ville, la pollution de l'environnement

1 Donnees de la Banque Mondiale2 Conference Rio+20 sur le developpement durable. http://www.un.org/fr/sustainablefuture/index.shtml 3 Rapport de prospective sur l’urbanisation, World Urbanization Prospects, rendu public en octobre 2006 4 101eme Conference Interparlementaire – Bruxelles – 15 Avril 1999

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à l'interieur et autour des zones urbaines, la gestion de l'eau, la congestion de la circulation,

l'insecurite alimentaire, le traitement des dechets, le chômage, l'etalement urbain ou encore

la pollution de l'air4, l'agriculture urbaine existe pourtant depuis l'aube de l'humanite et c'est

avec le phenomène de « Mondialisation »5 et d'industrialisation que l'agriculture s'est vue petit

à petit exclue de nos villes, au profit d'une agriculture intensive privilegiant la quantite à la

qualite, epuisant les ressources inutilement et devenant de plus en plus polluante. Profitant

des progrès technologiques dans le domaine du transport de frets longue distance,

l’agriculture s’est vue delocalisee là où elle etait le plus rentable, en fonction des climats,

offrant ainsi une identite locale nouvelle à des regions toutes entières (exemple : la Floride

avec les oranges, les fraises espagnoles, les tomates marocaines etc.).

Cependant, fatigue de voir la qualite des produits s’affaiblir et de voir les prix augmenter, de

plus en plus de personnes ont decide de trouver des solutions pour reintroduire l’agriculture

dans les villes, parfois à des fin sociales, comme dans les interventions de Richard Reynolds

et de son groupe de guerilleros jardiniers 6, et parfois à visee economique, comme c'est le cas

avec Mohamed Hage, initiateur du projet des fermes urbaines Lufa à Montreal au Canada.

L’agriculture urbaine semble offrir une reponse à la demande de facon locale, par le biais

d’une production responsable et respectueuse de l’environnement. Non seulement le gain

environnemental est immense, mais ces types de cultures et l’abolition du transport

permettent une amelioration de la production mais aussi de la qualite du produit, qui se

retrouve à passer des mains du producteur à celles du consommateur sans intermediaires.

Cet etude vise à etablir en quoi l'agriculture urbaine peut constituer un moteur de conception

et de reflexion urbaine et architecturale dans les annees à venir. Prenant le parti que celle-ci

constitue une des solutions aux problèmes de la ville cites ci-dessus mais aussi plus

largement à ceux d'un territoire entier, il s'agira de demontrer que son integration intelligente

au projet peut permettre une evolution dans la facon de vivre la ville mais aussi d'ouvrir la

porte vers de nouvelles dynamiques sociales, culturelles et economiques.

Afin de bien comprendre l'importance de la question de l'agriculture urbaine dans le

processus de la conception du projet urbain et architectural, nous nous concentrerons dans

5 Olivier Dollfus, en 1997: «La mondialisation, c’est l’echange generalise entre les differentes parties de la planète, l’espace mondial etant alors l’espace de transaction de l’humanite»

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un premier temps sur la realite de la situation globale mondiale actuelle, et des crises

auxquelles nous devons et devrons faire face vis à vis de l'alimentation et du modèle agricole

intensif. Ce constat sera dresse par le biais d'analyses de datas recueillis mais aussi à travers

la pensee de Frederic Lemaître, editorialiste au journal le «Monde», dans son livre «Demain la

faim !»7 qui donne une prospective mondiale de la question de l'alimentation dans les annees

à venir.

Il s'agira dans un second temps d'introduire la notion d'agriculture urbaine et d'en presenter

ses differentes formes partout dans le monde par l'intermediaire de l'analyse de plusieurs

projets types. Cela permettra de degager differentes thematiques qui visent la mise en place

de solutions plus ou moins durables et ciblant differents types de populations, les specificites

des pays du Sud n'etant pas les même que ceux des pays du Nord. Il s'agira dans cette partie

de mettre en avant le caractère local de ces interventions, tout en questionnant son impact à

une echelle territoriale.

Enfin, nous presenterons des prospectives en lien avec les thematiques les plus

prometteuses pour essayer de comprendre comment l'agriculture urbaine peut devenir

generatrice d'espaces publics et de projets urbains visant à ameliorer la relation ville-nature

dans une volonte productiviste liee au contexte economique des metropoles d'aujourd'hui et

de demain.

7Frederic Lemaître, Demain la fin !, Edition Grasset, 2009, 138 pages.6 Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, Editions Yves Michel, 2010

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PARTIE I : Un constat alarmant.9

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1.1 Une population mondiale en pleine expansion

Il suffit de regarder des vues aeriennes des ville historiques du debut du siècle et

d'aujourd'hui pour se rendre compte de l'ampleur du phenomène de l'expansion des villes,

intimement liee à la croissance demographique globale.

Qu'il s'agisse des villes des pays developpes du Nord ou des villes en voie de developpement

des pays du Sud, la croissance urbaine touche toutes les agglomerations de la planète.

La population mondiale n'a jamais augmente aussi vite que durant le siècle dernier, passant

de trois à sept milliards d'habitants entre 1960 et 2011, les specialistes nous promettent une

population mondiale de plus de neufs milliards en 2050 et presque quinze milliards d'humains

en 21002.

Los Angeles en 1920 et 2010 – USC Librarie's Los Angeles Examiner Collection

Ce qui rend cette croissance demographique exponentielle possible est en grande

partie lie à la question de l'agriculture moderne. En effet, l'industrialisation du monde debutee

dans les annees 1840 a permis la construction d'un nouveau modèle agricole que l'on qualifie

aujourd'hui d'intensif.

Basee sur une notion de rendement maximum, l'agriculture intensive est definie par le

dictionnaire Larousse comme « se disant d'une culture, d'un système agricole pour lesquels

sont appliquees de fortes quantites de travail et de capital par unite de surface, et dont on

obtient, en consequence, de fortes quantites de produits par unite de surface. »

Si elle est avant tout motivee par le profit direct, l'agriculture intensive permettait jusqu'à

present de repondre à la demande mondiale croissante.

2 D'après les prospectives de l' ONU revisee en 2010/2011 et publiee le 3 mai 2011

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Malgre cela, aujourd'hui, plus d'un milliard de personnes souffrent de sous-nutrition et

près de deux milliards sont atteints de mal-nutrition, caracterisees par des regimes

alimentaires desequilibres et carences1. Cela represente aujourd'hui plus d'un tiers de la

population mondiale et ce chiffre ne cesse d'augmenter.

Si ce sont avant tout les pays pauvres ou en voie d'emergence qui sont les plus touches par la

mal-nutrition, cela ne signifie pas pour autant que les pays riches en soit à l'abri.

En effet, la securite alimentaire des villes autrefois garantie par la culture de proximite ne

dependait pas forcement de la richesse de celle-ci, or, avec l'apparition du modèle industriel,

l'agriculture s'est vue delocalisee, et la ville jusqu'alors productrice devint uniquement

consommatrice et donc dependante du marche et de la richesse de ces habitants.

La Sous-nutrition dans le monde – Source : l’Atlas de l’agriculture, comment pourra-t-on nourrir le monde en

2050?

Ainsi, lorsque que l'industrie automobile se retira de Detroit aux Etats-Unis, la population n'eut

plus les moyens d'acheter de la nourriture importee et ce fut le debut d'une crise alimentaire

au sein de la première puissance mondiale.

Aujourd'hui, plus de vingt-huit millions de personnes aux Etats-Unis ont besoin de tickets

1 FAO – Le Spectre de la mal-nutrition.

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alimentaires pour se nourrir3.

Ce qui caracterise egalement l'agriculture intensive d'un point de vue plus

geographique, c'est aussi que celle-ci est intimement liee à la notion d'exode rural. Car si

cette agriculture moderne demande beaucoup de travail, celui-ci est effectue par des

machines et engins agricoles en majeure partie.

Ainsi, un seul homme peut exploiter des centaines d'hectares de terres agricoles, ce qui a

pour consequence une diminution du nombre de fermes, et donc de moins en moins de travail

pour les hommes au sein de l'industrie tertiaire.

Les campagnes n'ayant plus de travail à offrir, la fuite des terres agricoles dans les pays

industrialises a offert aux territoires de nouveaux paysages, demographiquement vides et

appauvris au profit de la monoculture et de l'elevage de betail.

Cet exode rural a egalement eu pour consequence la mise en place d'une dependance des

villes aux filières d'approvisionnement mondiale, beneficiant des avancees technologiques

dans le transport de frets mais nuisant considerablement à la qualite des produits dans un

premier temps puis à l'environnement dans un second temps.

Aujourd'hui, la ville est vue comme une entite qui s'oppose radicalement à la

campagne, assimilee au territoire agricole, qui met en avant des espaces qualifies d'artificiels

en opposition avec les espaces cultives qui sont encore consideres comme « naturels » par

l'imaginaire collectif.

Pourtant les villes semblent n'avoir jamais ete aussi attractives puisque celles-ci abritaient en

2006 50% de la population mondiale et qu'elles devraient abriter plus de 70% de celle-ci d'ici

2050 si l'on en croit les pronostics de la Banque Mondiale4.

La centralisation des populations dans les villes à pour effet non seulement de faire prendre

de la hauteur aux villes, mais aussi et surtout de provoquer un etalement urbain.

En effet, l'etalement urbain, aussi appele communement urban sprawl dans les pays

anglophones ou à l'international, consomme le territoire agricole au profit du territoire urbain.

Cet etalement reconfigure sans cesse le statut des banlieues peri-urbaines et en efface peu à

peu les limites. C'est avec cet etalement urbain que nait le conflit entre ville et nature, entre

territoire urbain et territoire agricole, voues à se melanger au detriment de ce dernier.

3 Frederic Lemaître, Demain la fin !, Grasset, 20094 Perspectives d'urbanisation du monde, Nation Unies, Banque Mondiale

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Le problème etant que la croissance d'une ville se fait d'une facon beaucoup plus

rapide que sa croissance demographique. En effet, pour accueillir de nouveaux habitants, une

ville à besoin de nouvelles habitations mais pas seulement, elle doit aussi fournir tout un

nombre d'infrastructures de services, de reseaux routiers etc. C'est pour cette raison que

l'urbanisation des terres constitue un des enjeux majeurs des annees à venir, car il ne sera

pas possible de continuer à empieter sur le territoire agricole tout en continuant à nourrir des

villes de plus en plus grandes.

En France, ce sont plus de 15% du territoire agricole national qui furent rendu artificiels entre

les annees 1994 et 2004 alors que la population n'a augmente que de 5%5 dans le même laps

de temps .

Source : service de la statistique et de la prospective (SSP), Enquetes Teruti

Il suffit de peu de donnees pour se rendre compte que le modèle d'urbanisation et

agricole que nous suivons est voue à un epuisement global dans les prochaines decennies, de

plus son evolution corollaire à celle de la croissance demographique semble nous plonger

dans une problematique mondiale d'un futur proche ou il faudra nourrir plus de 14 milliards

d'êtres humains. «Et si cela etait impossible ?6 »

5 IFEN, Ministère de l'agriculture, enquête Terruti 6 Frederic Lemaître, Demain la faim ! , Grasset, citation resume à propos de nourrir la population mondiale future.

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1.2 Des ressources qui s'épuisent

C'est dans les annees 1950, après la Seconde Guerre Mondiale dans les pays

developpes et un peu plus tard dans les annees 1960 dans les pays en developpement, à

travers ce qu'on appel la Revolution Verte, que le système d'agriculture intensive à reellement

explose.

«La Revolution verte est une politique de transformation des agricultures des pays en

developpement ou des pays les moins avances, fondee principalement sur l'intensification et

l'utilisation de varietes de cereales à hauts potentiels de rendements.

Cette politique combine trois elements:

- les varietes selectionnees à haut rendement;

- les intrants, qui sont des engrais ou produits phytosanitaires;

- l’importance de l'irrigation.

Le terme «revolution verte» designe le bond technologique realise en agriculture au

cours de la periode 1960-1990, suite à la volonte politique et industrielle, appuyees sur les

progrès scientifiques et techniques realises dans le domaine de la chimie et des engins

agricoles durant la première guerre mondiale et poursuivis durant l'entre-deux-guerres. Elle a

aussi ete rendue possible par la mise au point par les semenciers de nouvelles varietes à haut

rendement (hybrides souvent), notamment de cereales (ble et riz), grâce à la selection

varietale. L'utilisation des engrais mineraux et des produits phytosanitaires, de la

mecanisation et de l'irrigation ont aussi contribue à la revolution verte.»

Definition d'après l'encyclopedie en ligne Wikipedia.

Encourage par les politiques de l'epoque, cette pratique productiviste devait avoir pour but de

nourrir la population mondiale croissante, mais aussi et surtout d'assurer une securite

alimentaire nationale pour chacun des pays concernes, tout en s'assurant une place sur le

marche economique agricole mondial.

Cette technique de culture permettait et permet encore aujourd'hui une production

abondante de denrees alimentaires.

Solution miracle pour soutenir la croissance demographique, ce modèle intensif n'est

pourtant possible qu'au prix du sacrifice d'une grande partie de nos ressources planetaires et

de notre environnement.

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Ce type d'agriculture represente aujourd'hui un tiers des emissions de pollution de la

planète7, elle est sur-consommatrice d'eau, polluante au niveau des sols, de l'air mais aussi

destructrice de biodiversite des espaces agricoles et des paysages, elle provoque egalement

l'erosion des sols, les rendant en même temps moins fertiles.

Ce sont les applications agricoles qui en decoulent telles que la monoculture d'OGM à l'aide

d'engrais chimiques ou encore l'elevage animal intensif qui ont l'impact negatif le plus lourd

sur l'environnement.

Ce modèle agricole est energivore et il depend de l'importation et de l'exportation des

denrees alimentaires, et donc de leur transport.

La crise energetique risque d'impacter à court mais egalement à long terme le modèle actuel

de l'agriculture intensive qui n'a su se developper que grâce à l'evolution des outils de

transports de frets, de la mecanisation des exploitations et de la fabrication des engrais, tous

très gourmands en energies fossiles.

Ainsi, une tonne d'engrais chimique necessite trois tonnes de petrole brut à sa fabrication, et

il faut en moyenne bruler douze calories d'energie fossile pour reussir à produire une seule

calorie alimentaire8.

À titre d'exemple, l'agriculture consomme à elle seule 17% de toute l'energie fossile utilisee

aux Etats-Unis, et il fallait dejà en 1994 environ 1800 litres de petrole pour nourrir un americain

pendant un annee complète9.

Conscient de cette dependance energetique, l'une des solutions de substitution à

l'utilisation de petrole fut la production d'agro-carburant, egalement appeles autrefois bio-

carburant en vertu des performances environnementales qui leur etaient attribuees mais qui

sont aujourd'hui dementies ( notamment à cause des operations de brûlage necessaires à la

plantation des champs dedies qui libèrent de fortes concentrations de gaz à effet de serre ).

7«Transition energetique pour tous – ceux que les politiques n'osent pas vous dire.» BFM Story – 27 Septembre 2013

8Donnees recueillies par Pierre Rhabi de l'ONG Terre et Humanisme 9 D. Pimentel et M. Giampietro. Food, Land, Population and the U.S. Economy. Rapport technique, Carrying Capacity Network, novembre 1994. http://www.dieoff.com/page55.htm.

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Brûlage dans des champs de canne à sucre creant une pollution atmospherique importante.© Remi Jouan

Ce carburant realise soit à base d'ethanol issu de la culture de la canne à sucre soit à

base d'huiles issus de la culture d'oleagineux ( colza, palme, etc... ) permet une reduction des

emissions de dioxyde de carbone qui varie entre 20% et 60% selon son utilisation.

En theorie cette solution semble ideale mais la realite est tout autre. En effet, la production

des agro-carburants necessite de consacrer de grands espaces agricoles à la culture des

plantes concernees, et donc à reduire la surface d'exploitations destinees à l'alimentation. De

plus, la transformation des huiles en carburant necessite un lourd apport energetique.

Dans son ouvrage «Demain la faim !», Frederic Lemaître explique que «Si l'Europe, les

Etats-Unis et le Canada veulent vraiment que les bio-carburants diminuent de 10% leur

consommation d'essence, il faudrait, selon les calculs, y consacrer entre 30% et 50% des

surfaces cultivables.10», il s'agirait alors de choisir entre nourriture ou carburant.

En effet, d'après la Banque Mondiale, il faudrait environ 240kg de maïs pour produire 100 litres

d'ethanol ce qui correspond à la capacite moyenne du reservoir d'une grosse voiture. Ces

240kg de cereales permettrait d'un autre cote de nourrir une personne pendant une annee

entière.

Suites à ces constats, certains pays dont l'Union Europeenne ont decide de limiter leur

production d'agro-carburant, alors que d'autres ont fait le choix delibere de l'augmenter,

comme par exemple le Bresil ou les Etats-Unis, se basant sur sa rentabilite financière plus

10 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.41

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importante.

Dans sa consommation exponentielle d'energie, l'agriculture ne deroge pas à

l'emission de gaz à effet de serre (GES). En effet, celle-ci participe à hauteur de 21% des

emissions mondiales des GES11.

Les gaz responsables du rechauffement climatiques sont nombreux à être liberes par la

production agricole intensive, parmi eux se trouvent en particulier le protoxyde d'azote, issu

du traitement des sols via des engrais chimiques riches en azote, le methane, emis par

l'elevage des ruminants qui ont un processus digestif qui degage ce gaz en forte quantite,

mais egalement le dioxyde de carbone, qui est issu de la fabrication des engrais de synthèse,

des pesticides, de l'exploitation des fermes et des terres, de la production de nourriture pour

les animaux d'elevage et du transport des marchandises.

Pour exemple, une vache produit autant de methane en un an qu'une voiture qui parcourt une

distance de 20 000km.12

Si ce sont celles dont on parle le plus dans les medias, les energies fossiles ne sont

pourtant pas les seules ressources qui s'epuisent. En effet, à travers l'artificialisation des

terres et l'exploitation agricole intensive, ce sont aussi les ressources foncières, les matières

premières et les ressources en eaux qui sont mises à mal.

Accorde à la FAO, alors qu'au cours du XXème siècle la population a quadruple passant

de 1,6 milliard à 6 milliards d'habitants, la consommation d'eau a, elle, ete multipliee par huit,

passant de 500 à près de 3800 kilomètres cubes et que plus de la moitie des zones humides

11 Donnees d'après le rapport CITEPA pour ADEME en 200912 D'après une etude du Ministère de l'agriculture et de l'agroalimentaire du Canada

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de la planète ont disparu dans le même laps de temps.

Toujours accorde à la FAO, ce serait l'agriculture intensive qui serait responsable de cette

augmentation de la consommation, puisque celle-ci utilise 80% de l'eau dans les pays en

developpement et 40% de l'eau dans les pays riches. Au sein de l'agriculture, c'est celle dite

irriguee qui est la plus forte consommatrice d'eau.

Definie par le dictionnaire de biologie comme des zones auxquelles on fournit artificiellement

de l'eau, autre que l'eau de pluie, afin d'ameliorer les pâturages ou la production agricole,

l'agriculture irriguee representerait actuellement la source de 40% de la production

alimentaire mondiale13.

Source : l’Atlas de l’agriculture, comment pourra-t-on nourrir le monde en 2050?

L'agriculture en terre irriguee est de loin la plus rentable en terme de rendements à

l'hectare. Pourtant, celle-ci ne peut pas être utilisee dans toutes les regions du monde,

notamment à cause de raisons sanitaires lies à l'eau stagnante et en particulier au risque de

paludisme, mais aussi à cause de sa demande en eau très importante.

13 Donnee de la Banque Mondiale.

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Après l'agriculture irriguee, le plus gros consommateur agricole d'eau peut surprendre, il

s'agit en realite de la branche de l'elevage, en particulier des bovins.

En effet, «Il faut 1m3 d'eau par jour pour nourrir un vegetarien, 4m3 pour un adepte de viande

blanche et 6m3 pour un adepte de viande rouge.14»

Cela est dû en grande partie au fait qu'il faut pour nourrir les bêtes produire de grandes

quantites de cereales qui demandent elles aussi beaucoup d'eau.

«Entre une voiture dont la construction necessite 300 000 litres d'eau et un boeuf dont

l'alimentation a necessite 15 000 litres par kilogrammes, le consommateur devra sans doute

choisir. Autres chiffres qu'il est toujours interessant d'avoir en tête: alors qu'une personne a

besoin de 20 à 50 litres d'eau par jour, un americain en consomme 600 litres et un Europeen

environ 150 ! Comme on commence à calculer son empreinte ecologique, il est vraisemblable

que nous serons bientôt amenes à calculer notre «waterfootprint», notre empreinte

ecologique de l'eau. Où l'on s'apercevra qu'un vegetarien qui roule en 4x4 consomme moins

d'eau qu'un cycliste carnivore.15»

Ainsi, l'agriculture que ce soit à travers la production alimentaire vegetale ou animale puise

enormement dans les ressources en eaux. Qui plus est, le traitement des sols aux engrais et

pesticides pollue egalement ces ressources, que ce soit par infiltration dans les nappes

phreatiques ou par l'ecoulement dans les cours d'eau.

14 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.7315 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.77

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Les ressources naturelles mises à mal par l'agriculture intensive ne sont pas

seulement d'ordre materiel, l'impact de celle-ci sur les ressources paysagère est aussi très

important.

En effet, la monoculture caracteristique de l'agriculture productiviste et la mecanisation des

exploitations a eu de forte incidences sur la fabrication du paysage agricole mondial depuis le

debut du siècle.

Souvent, la monoculture privilegie la culture de la denree qui est la plus rentable et c'est ainsi

que le paysage devient monotone et repetitif, tous les agriculteurs recoltant les mêmes

produits dans des champs identiques, aux surfaces de plus en plus gigantesques.

Accentue par le phenomène d'erosion des sols et par la destruction progressive de la

biodiversite, la transformation du paysage agricole passe aussi par la perte des repaires

visuels agricoles traditionnels caracteristiques qui le structure, tels que les haies de bordures

de champs, le bocage ( on appelle bocage la region où les champs et les pres sont enclos par

des levees de terre portant des haies ou des rangees d'arbres qui marquent les limites de

parcelles de tailles inegales et de formes differentes, et où l'habitat est disperse

generalement en fermes et en hameau. Definition wikipedia ), les bosquets...

La disparition des haies et des arbres est en grande partie due à la mecanisation des

exploitation, il fallait rendre les surfaces agricoles plus facilement exploitable par les

machines, la suppression des arbres permet egalement d'augmenter la surface cultivable

d'une parcelle.

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Photographie du Bocage du Boulonnais dans le Nord de la France par Matthieu Debailleul

Monoculture en Californie, photographie de Jupiterimages

Pourtant, l'utilite de ces arbres et haies est sous-estimee. En effet, s'ils occupent

certes une surface non negligeable des espaces agricoles cultivables, ils n'en jouent pas

moins un rôle important. Servant de protection naturelle aux cultures ou troupeaux, ils se

comportent à la fois comme brise vent mais aussi pare neige, et peuvent permettre de

masquer les odeurs. Ils previennent egalement l'erosion des sols grâce à leur système

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Page 21: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

racinaire et permettent d'accueillir la biodiversite necessaire aux brassage des espèces.

Leur suppression augmente egalement les risques d'inondations.

Si le paysage agricole souffre aujourd'hui enormement de son exploitation intensive, il

demeure pourtant dans l'imaginaire commun synonyme d'une qualite de vie, d'un rapport

plus proche à la nature qu'en ville. Cette vision du paysage faussee par les publicitaires et des

decennies de mensonges et habiles camouflages de la realite reste pour l'instant qualitative.

Il est donc reellement temps d'alerter de l'etat actuel des choses les autorites politiques

d'avoir à prendre en consideration ce problème.

Le paysage urbain et agricole est transforme. Il apparait depuis quelques decennies la notion

de tenir tête à deux etats du paysage : la rarete et le delaissement.

En effet, comme explique par Richard Reynolds, activiste et precurseur du mouvement de

Guerilla Jardinière, « la terre n'est pas repartie en fonction des besoins, mais utilisee comme

actif financier.16»

Car s'il est une chose à laquelle l'agriculture doit faire face, c'est à l'epuisement des

ressources foncières lie à l'expansion des villes qui met en place une speculation à long

terme sur les surfaces arables periurbaines.

Historiquement, les villes se sont developpees sur les terres les plus fertiles, la valeur

d'une terre etant alors calculee en fonction de son rendement agricole potentiel. Ainsi, les

villes du monde entier sont bâties sur les terres aux meilleures capacites agronomiques d'un

territoire, les terres les plus facilement irrigables, et donc exploitables. Pourtant, avec

l'evolution des methodes de productions agricoles, il devient facile de rendre de nouvelles

terres arables (se dit d'une terre qui peut être labouree et donc cultivee) et donc possible

d'eloigner la production agricole des villes tout en augmentant les surfaces cultivees.

C'etait sans compter sur le phenomène d'etalement urbain.

Ce phenomène est lie à la forte croissance demographique globale et surtout à la

desertification de l'espace agricole du fait d'un exode rural fort.

En effet, depuis 2006, plus de la moitie de la population mondiale est urbaine17, et ce chiffre

16Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, citation p.6417D'après les donnees de la Banque Mondiale.

22

Page 22: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

ne cesse d'augmenter. On retrouve à l'origine de cette evolution des migrations du rural vers

l'urbain, la recherche de moyens de subsistance ou d'une meilleure qualite de vie. Car pour

beaucoup dans les campagnes, la ville represente l'accès à l'emploi, mais aussi à l'education,

aux soins, à la consommation... Si le phenomène est suffisamment ancien dans les pays

developpes pour être en grande partie contrôle, ses consequences dans les pays en

developpement sont beaucoup plus alarmantes, outre la desertification de l'espace rural,

cette migration accroit la formation d'habitats informels en banlieue des villes, l'insalubrite,

l'insecurite mais aussi la pollution.

Favela au Bresil – Photographie Pulsa Merica

Des villes de plus en plus peuplees et etalees sur le territoire se constituent tout autour

du monde, celles-ci sont souvent depassees par la vitesse de leur expansion et se retrouvent

incapables d'en gerer les consequences. Il en decoule un manque notoire de ressources,

d'infrastructures mais aussi de services urbains. Ces difficultes à surmonter sont par ailleurs

d'autant plus compliquees à gerer que le niveau de vie du pays est bas.

De part la proximite historique des villes avec le territoire agricole, la croissance de ces

dernières ne peut se faire qu'à travers l'urbanisation des campagnes et donc l'artificialisation

des sols agricoles, contribuant ainsi à la disparition des zones agricoles peri-urbaines.

23

Page 23: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

La progression des surfaces artificialisees est en moyenne quatre fois plus rapide que

celle de la croissance demographique. En effet, lorsqu'une famille s'installe dans une ville, il

ne faut pas seulement lui construire une habitation, mais il faut creer des routes, des

services, des espaces de stationnements, etc.

Ainsi, à l'echelle mondiale, il faudra d'ici 2030 construire plus de 400 000km2 de ville

supplementaire afin de faire face à la demande. C'est l'equivalent de la surface de toute la

zone urbaine mondiale en l'an 200018.

En France, l'etalement urbain provoque l'artificialisation de plus de 600km2 chaque annee 19.

Ce sont les territoires agricoles qui constituent la première ressource foncière necessaire à

cet etalement, y contribuant à hauteur de 80% sur la periode comprise entre 1992 et 200420.

Cette consommation des terres agricoles represente sur la même periode une surface totale

de 400 000ha, soit l'equivalent de 1% du territoire national pour la seule construction de

maisons individuelles.

À l'international, la consommation de terres agricoles represente environ 500 000 hectares

par an aux Etats-Unis, plus de 800 000 hectares par an en Chine et entre 4 et 5 millions

d'hectares par an à l'echelle mondiale.

Dans cette annexion du territoire agricole par le territoire urbain, c'est l'agriculture

peri-urbaine qui en fait le plus les frais. Si cette dernière ne represente que 40% du territoire

agricole francais, elle realise pourtant plus de 50% de la production totale.

Situee en bordure des villes, elle est directement impactee par l'etalement urbain.

Source : SOeS-Gis Sol, 2010.

18 Donnees de la Banque Mondiale dans le rapport Eco2cities19 Donnees recoltees par le Ministère de l'ecologie, du developpement durable et de l'energie en France20 Chiffres issues du rapport Teruti pour Agreste

24

Page 24: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Cette pression exercee par les villes sur les territoires agricoles provoque un

phenomène d'abandon des exploitations. En effet, la speculation sur le prix du foncier se fait

desormais par rapport à la valorisation foncière potentielle dans le cadre de programmes

d'urbanisation plutôt que par la valorisation agricole.

De plus, le morcellement du territoire agricole peri-urbain rend son exploitation de plus en

plus difficile.

En effet, le phenomène de mitage de ces espaces fait que les agriculteurs doivent traverser

des voies rapides, des zones habitees, commerciales, avec des engins agricoles lourds,

tracteurs, troupeaux... De plus, les services lies à la production alimentaire tels que les

cooperatives de stockages, les abattoirs, ou fermes se retrouvent souvent plus eloignes,

moins accessibles, et par consequent moins efficaces.

Ainsi, dans son dossier sur l'etalement urbain en France, le ministère de l'ecologie, du

developpement durable et de l'energie concluait par un bilan alarmiste : «Le recul progressif

de l'exploitation agricole par rapport aux centres urbains degrade l'empreinte ecologique des

zones urbaines et ne favorise pas la mise en place de boucles alimentaires locales ( i.e.

L'approvisionnement preferentiel d'une zone par la production des terres les plus proches

geographiquement ), destinees à diminuer le bilan carbone des activites liees à l'alimentation

des populations.21»

Nefaste sur de nombreux points, cet etalement urbain necessite une prise de conscience

globale des politiques engages, car l'expansion des villes a pour consequence directe la

disparition des limites entre la ville et la campagne, au detriment de l'espace agricole peri-

urbain mais aussi de la qualite de vie dans les villes.

Parallèlement à la croissance des villes, les espaces peri-urbains se dessinent de plus

en plus autour et entre les agglomerations urbaines. Ces espaces très vastes participent à

promouvoir l'influence sociale, culturelle et economique des villes car ils constituent les

nouveaux dortoirs des villes. Liees aux migrations pendulaires, les habitants de ces zones ont

adopte les modes de vie citadins car c'est au sein des villes que se trouvent leurs emplois et

les centres de divertissements principaux.

21 Etalement Ubain, Ministère de l'environnement, du developpement durable et de l'energie. 18 Janvier 2010

25

Page 25: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ainsi, la rarefaction des terres agricoles via l'expansion des villes fait non seulement

grimper le prix du foncier dans les zones peri-urbaines, mais egalement dans les espaces

agricoles eloignes. «Dejà en 2007, pour la première fois en trois decennies, le prix des terrains

agricoles à davantage progresse que le prix des logements à Londres ou à New York.22»

Cet etalement urbain provoque donc une perte de pertinence dans l'opposition entre l'urbain

et le rural dans la caracterisation des territoires. De plus, la centralisation des services dans

les agglomerations urbaines rend l'eloignement de celles-ci d'autant plus difficile à vivre. En

effet, les services, les emplois, les administrations, etc, se retrouvent tous centralises dans

les villes au detriment des campagnes. Il faut donc consommer plus d'energie lorsque l'on

habite et vit en dehors des zones urbaines23, ce qui devient un problème face à la hausse des

prix de l'energie, rendant l'occupation des espaces moins egalitaire.

Globalement, l'epuisement des ressources fossiles mondiales n'est qu'un des symptômes de

l'epuisement du modèle agricole intensif actuel. La croissance du territoire urbain posant lui

aussi de nouvelles problematiques à prendre en compte dans l'evolution agricole, les enjeux

de l'agriculture urbaine semble aujourd'hui au coeur des preoccupations.

Frederic Lemaître resume parfaitement bien la situation lorsqu'il declare : «Dans les

decennies à venir, l'agriculture va être confronte à un triple defi. Faire face à la croissance

demographique, tout en respectant davantage l'environnement et en integrant la rarefaction

des energies fossiles.24»

Reims Ville Campagne – Credit photo CroisRouge

22 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.9323 Rapport Territoire 2040, Gouvernement Francais. 24 Frederic Lemaître, Demain la faim ! ,2009, Grasset, citation p.48

26

Page 26: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

1.3Des villes qui souffrent :

Si le modèle agricole semble s'epuiser, la croissance effrenee des villes donne

naissances à de nouvelles problematiques urbaines. Grandissant plus vites que nos modèles

urbains evoluent, la ville semble aujourd'hui de moins en moins adaptee à la vie.

En effet, symbole de reussite et de qualite de vie pour les populations rurales, la ville

d'aujourd'hui doit faire face à de nombreux maux. C'est lors de la 101ème conference

interparlementaire à Bruxelles le 15 avril 19991 qu'ils furent recenses. Parmi eux, on comptait,

la pollution de l'environnement à l'interieur et autour des zones urbaines, le manque de

ressources en eaux et en traitements des eaux, la congestion de la circulation urbaine,

l'insecurite alimentaire, la vulnerabilite accrue face aux catastrophes naturelles, le

traitements des dechets, le chômage et la pollution de l'air.

Si tous ces problèmes necessitent des solutions diverses et variees, il en est une qui interesse

fortement les politiques. Mise en avant et recommandee par la FAO, il s'agit de l'agriculture

urbaine. En effet, loin de resoudre tous les problèmes, elle permettrait de facon efficace et

durable d'ameliorer plusieurs d'entre eux.

Aujourd'hui, les villes sont les plus grandes consommatrices de denrees alimentaires.

Seulement, celles-ci ne produisent pas ce qu'elles consomment et dependent donc

majoritairement des filières longues d'approvisionnement en nourriture. Cette dependance

est d'autant plus problematique que les villes semblent de plus en plus negligentes vis à vis

de l'agriculture.

De plus, cette forte dependance rend les villes directement exposees aux risques

d'insuffisance de l'approvisionnement qui ne semblent dorenavant plus cantonnes aux pays

extrêmement pauvres tels que l'ont demontres les revoltes de la faim en 2008 un peu partout

dans le monde ( Maroc, Mexique, Senegal, Argentine, Philippines... ).

Face à la mise en danger des villes, les politiques urbaines tardent à prendre la dimension

globale du problème et à appliquer des solutions de production de proximite à l'echelle plus

locale, ne serait-ce que nationale. Aujourd'hui, seuls quelques rares pays montrent de vrais

volontes politiques strictes vis à vis de la protection de leurs espaces agricoles nationaux, si

1 LE PROBLEME DES GRANDES VILLES EN TANT QUE DEFI GLOBAL, AUQUEL LES PARLEMENTAIRES SONT APPELES A FOURNIR UNE REPONSE, EN TERMES A LA FOIS DE CIVILISATION URBAINE ET DE DEMOCRATIE - Resolution adoptee sans vote par la 101ème Conference interparlementaire (Bruxelles, 15 avril 1999)

27

Page 27: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

c'est le dejà le cas du Canada ou de la Suisse, la grande majorite des pays developpes

repondent toujours absents.

La dependance des villes vis à vis du monde agricole semble egalement d'ordre social et

culturel. En effet, la vision d'un territoire agricole idealise offre à la campagne la notion d'une

qualite de vie plus proche de la nature. De plus, aujourd'hui, l'hyper densite des villes est de

plus en plus percue comme une degradation de la qualite de vie, plus le sol est artificialise et

moins la qualite de vie dans les villes semble bonne. Ainsi, cette densite urbaine accroit un

certain besoin de «nature» chez les citadins. Il s'agit alors de revenir verdir la ville.

Comme le remarque Richard Reynolds, «Si l'on cree encore de nouveaux parcs de nos jours, la

priorite est plus souvent accordee à des projets phares qu'à des espaces communautaires

plus petits là où la population en à besoin.2», il ne suffit donc pas de creer de gros

programmes urbain «vert» mais il s'agit egalement de repondre à un besoin social des

habitants, toujours d'après Richard Reynolds, « L'aspect communautaire est un element

essentiel de la reussite d'un espace.» et il est important de prendre en consideration des

solutions peut être plus locales à l'echelle des quartiers et des rues plutôt que des projets

urbain aux echelles citadines et territoriales.

Central Park, New York – Photographie de Sergey Semonov

2 Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, Editions Yves Michel, 1 mars 2010

28

Page 28: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ainsi, les considerations liees à la mise en place d'espaces verts dans les villes

semblent être à revisiter, en se posant des questions plus d'ordre sociales mais aussi

paysagères via les structures urbaines et peri-urbaines, il s'agira de requestionner la place de

l'agriculture.

La proximite avec la nature dans les villes est aujourd'hui vendue comme un atout. Il suffit de

constater les prix de l'immobilier dans les villes pour les habitations qui ont une vue degagee

sur un parc pour s'en rendre compte. Par ailleurs, le developpement des activites de jardinage

et la reappropriation des espaces urbains delaisses par des initiatives individuelles et/ou

associatives met en relief un regain d'interêt dans l'exploitation agricole. Cependant, cette

vision idealisee des fermes et de l'agriculture en general tend à releguer la question de

l'agriculture urbaine au rang d'utopie, de passe-temps, au lieu de la promouvoir au rang d'une

reelle production agricole economiquement viable.

Jardin communautaire Le peuple des Abeilles à New York – Photographie de BeesinNYC

Car si aujourd'hui la protection et la preservation des sites paysagers dans les espaces

urbains est la plupart du temps due à des facteurs de protection de l'environnement plutôt

qu'à des facteurs agricoles, cette volonte de preserver le patrimoine paysager du territoire

29

Page 29: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

semble de bonne augure. Il s'agit dorenavant de ne plus envisager la ville commue une simple

consommatrice mais de realiser son veritable potentiel.

«Nous devons produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons.3»

Car si la ville est la première consommatrice des denrees alimentaires, elle est aussi remplie

de ressources qui pourraient entrer dans le processus de production de ces dernières.

En effet, la ville produit l'energie et la plupart des produits necessaires à l'agriculture ( engins

agricoles, engrais, pesticides, formations par les ecoles... ) et par le phenomène d'etalement

urbain et de disparition des limites ville-campagnes le territoire agricole se retrouve aux

portes de la ville, dans une simple relation de voisinage alors qu'il existe de veritables enjeux

à la mutualisation des ressources, des besoins et des savoirs.

Les ressources de la ville sont avant tout humaines, de par la forte croissance

demographique urbaine, il existe une forte presence de main d'oeuvre disponible, accrue par

le chômage. Cette main d'oeuvre est non seulement disponible, mais elle peut egalement très

rapidement devenir qualifiee grâce à la diversite des savoirs qui reside dans les espaces

urbains ( ecoles, facultes, laboratoires de recherches... ). De cette manière, la vie en tant

qu'agriculteur regagne en attrait vis à vis des jeunes populations, la possibilite de travailler

dans le secteur primaire sans avoir à quitter les grandes villes apportant un plus indeniable.

Par ailleurs, la proximite des lieux de cultures et de transformation des denrees alimentaires

faciliterait les contrôles sanitaires et la tracabilite des produits grâce notamment à la mise en

place de circuits courts, se passant d'intermediaires.

La production locale permettrait egalement de fournir une reponse plus appropriee à la

demande.

Du point de vue des ressources en energies et matières premières, la ville n'est pas non plus

en reste.

Sans même parler de la production d'energies electriques ou du traitements des energies

fossiles, la ville, par la production et la valorisation de ses dechets peut contribuer à de

3 Andre Gorz, Ecologica , Galilee, 2008 - Citation

30

Page 30: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

grandes economies d'energies. La plupart des dechets organiques issus de la consommation

des citadins peut être transformee en compost, et les boues liees aux traitements des eaux

usees peuvent être reutilisees. Les eaux usees elles même offrent un potentiel immense, dejà

en partie exploitees dans une grande partie des pays en voie de developpement, même si ce

que deviennent les eaux usees des villes demeure assez flou.

Pourtant, dans 80% des cas, ces eaux non traitees ou très peu sont utilisees afin d'irriguer les

champs et les jardins peri-urbains4. Ces espaces agricoles arroses avec une eau impropre à la

consommation representent dejà plus de 20 millions d'hectares de terres urbaines et peri-

urbaines, principalement presentes en Chine, Inde, Vietnam, Afrique subsaharienne, et les

grandes villes d'Amerique Latine.

«À Accra, la capitale du Ghana ( 2 millions d'habitants ), 200 000 personnes achètent chaque

jour des legumes produits sur 100 hectares seulement de terre agricoles urbaines irriguees

avec des eaux usees selon l'IWMI.5»

Ces eaux usees sont contaminees à la fois chimiquement et biologiquement, pourtant, elles

sont indispensables à la survie de centaines de millions de personnes. En effet, les villes qui

sont concernees par l'utilisation des ces eaux en agriculture urbaine et peri-urbaine n'ont pas

la possibilite aujourd'hui d'irriguer avec une eau saine.

Il semble alors plus que pertinent de commencer à prendre en compte le devenir des eaux

usees afin de pouvoir les rendre, si non propre à la consommation directe, au minimum propre

à l'irrigation des espaces agricoles.

Irrigation à l'eau usee à Ouagadougou au Burkina Faso - Source: IWMI

4 D'après les chiffres de l'IWMI (International Water Management Institute).5 Frederic Lemaître, Demain la faim !, Grasset, 2009, citation page 84

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Page 31: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

La valorisation des dechets organiques permettrait egalement la production d'un

compost à destination de l'agriculture, ameliorant les rendements de la même facon que le

fait les engrais chimiques, le compost à le merite d'être moins cher à produire que ces

derniers. De plus, son bilan environnemental est bien plus ecologique et il s'inscrit donc dans

une demarche de developpement durable.

Au delà des besoins de loisirs et de bien être des citadins, l'agriculture urbaine peut

egalement constituer un moyen de subsistance pour les populations les plus pauvres des

espaces urbains. En effet, l'agriculture est dejà un moyen de subsistance pour 86% des

habitants des espaces ruraux dans les pays en developpement ce qui represente pas moins

de 5,5 milliard de personnes en 20086. Or, il y a aujourd'hui dans le monde plus de pauvres

urbains que de pauvres ruraux et la mobilisation de l'agriculture urbaine semble une priorite

en vue de reduire la pauvrete dans les villes.

Comme explique par Frederic Lemaître, «Favoriser l'autosubsistance ou permettre à des

menages, tant à la campagne qu'en peripherie des villes, d'avoir accès à un bout de terrain

peut constituer une reponse assez simple et très rapide aux problèmes alimentaires que pose

l'augmentation des prix agricoles.7»

La question de l'agriculture urbaine est aujourd'hui au coeur de plus en plus de reflexions sur

l'evolution et l'expansion des villes, pourtant, celle-ci demeure pour le moment encore

meconnue de grand public et son potentiel vraiment sous-estime par les instances politiques.

Après avoir constate que le monde va mal et que les villes en sont en grande partie

responsables, il semble plus que temps de se tourner vers de nouvelles solutions, de

nouvelles methodes, et l'agriculture urbaine semble en faire definitivement partie.

6 Donnees de la Banque Mondiale7 Frederic Lemaître, Demain la faim !, Grasset, 2009, citation page 136

32

Page 32: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

PARTIE II : L'agriculture urbaine.

33

Page 33: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ce constat alarmant de l'etat de l'humanite et de la planète nous laisse entrevoir une

perte de plus en plus forte du lien qui existe entre l'agriculture et la ville. Cet effet se fait

sentir au sein des villes et divise aujourd'hui les opinions publiques.

L'agriculture urbaine et periurbaine presente une piste possible à une stabilisation de la

situation dans les espaces urbanises afin de garantir un developpement plus durable et

surtout viable d'un point de vue metropolitain mais egalement territorial.

Au delà de ce potentiel, l'agriculture urbaine offre aussi une solution à la securite voire à la

souverainete alimentaire que ce soit à l'echelle des territoires locaux ou nationaux, mais

egalement à l'echelle de l'individu lui même.

Il s'agira dans cette partie d'etablir les enjeux de l'agriculture urbaine et periurbaine à travers

des definitions et la mise en relief de ses avantages et limites puis d'en presenter les

differentes formes et usages à travers l'exploration de projets existants ou en devenir. Cela

permettra de mettre en avant certaines thematiques agro-urbaines et d'en identifier les

acteurs et outils potentiellement utile au developpement de villes plus durables et agreables.

Ces projets allant d'initiatives locales et personnelles à la planification territoriale permettront

par leur analyse d'etudier par la suite diverses prospectives de l'evolution des villes

conjointement à l'agriculture urbaine.

2.1Les grands enjeux de l'Agriculture Urbaine :

L'agriculture dans les villes est aujourd'hui valorisee à travers trois grands points de vu,

economique, environnemental et socio-culturel. Elle participe à la modification des facons

d'habiter la ville tout en integrant les questions d'amenagement du territoire urbanise.

S'il semble aise d'en visualiser l'expression urbaine, la diversite de ses formes et de ses

representations complexifie considerablement la mise en place d'une definition.

Il s'agit de percevoir l'agriculture urbaine comme un concept qui a vocation à rapprocher deux

systèmes : la production alimentaire et la ville.

Dans ce travail, c'est l'agriculture en tant que concept à la croisee des echelles urbaines et

periurbaines qui va nous interesser plus que sa vocation de production alimentaire. Il s'agit ici

de mettre l'accent sur les liens qui unissent la ville et cette production alimentaire, à travers

34

Page 34: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

le developpement spatial au sein du territoire urbain et les relations entre ses differents

acteurs.

La FAO definie l'agriculture urbaine comme ce qui designe toute activite de production

agricole ( culture ou elevage ) à des fins de consommation privee ou pour les circuits

commerciaux au sein d'une aire urbaine. Cependant, cette definition reste vague, car elle ne

distingue ni les acteurs de celle-ci ni leurs statuts. Elle se base sur la simple localisation

«dans» la ville sans pour autant considerer les fonctionnalites de l'agriculteur à l'egard de

celle-ci. Or c'est bien là que se trouve l'essence même de l'agriculture urbaine, c'est dans

l'interaction avec les differents acteurs du processus de production alimentaire que resident

ses points forts, celle-ci ne se limite pas à une localisation urbaine mais ces espaces

agricoles s'inscrivent dans un système particulier au sein d'un territoire qui regroupe à la fois

ville, franges periurbaines et campagne.

Dans ce sens, la definition dressee par Fleury et Donnadieu va un peu plus loin car elle intègre

cette dimension periurbaine et met l'accent sur les rapports fonctionnels reciproques entre

l'agriculture et la ville.

«L'agriculture periurbaine, au strict sens etymologique, est celle qui se trouve en peripherie

de la ville, quelle que soit la nature de ses systèmes de production. Avec la ville, cette

agriculture peut soit n'avoir que des rapports de mitoyennete, soit entretenir des rapports

fonctionnels reciproques. Dans ce dernier cas elle devient urbaine et c'est ensemble

qu'espaces cultives et espaces bâtis participent au processus d'urbanisation et forment le

territoire de la ville.1» En plus de sa dimension spatiale, c'est au travers des echanges et des

flux provoques par l'agriculture avec la ville que reside son caractère urbain. De cette

manière, une agriculture semble pouvoir être «plus» ou «moins» urbaine du point de vu de ses

fonctionnalites reciproques avec l'aire metropolitaine qu'elle occupe.

Avant de commencer à presenter ses fonctionnalites et enjeux, il convient de re-situer

l'agriculture urbaine dans son histoire. Si beaucoup la presente comme phenomène recent et

tendance, il faut savoir que celle-ci commence pourtant avec l'ère neolithique ( -9000 AV-JC ).

En effet, c'est à travers la sedentarisation des populations que se met en place les premières

co-construction entre les villes et l'agriculture2. Plus tard, on observe au Moyen-Age avec la

1 Andre Fleury et Pierre Donadieu 19972 Mazoyer et Roudart, Histoires des agricultures du monde. Du neoloithique à la crise contemporaine, 1997

35

Page 35: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

separation creee par les fortifications, des espaces agricoles colles aux remparts et des

espaces intra-muros avec des vocations uniquement nourricières. Ceux-ci pouvaient servir

toute l'annee comme c'etait le cas dans les abbayes (autosuffisance) mais etaient egalement

très importants en cas de siège de la cite.

Livre des merveilles du monde, Maître de Charles d'Angoulême (Robinet Testard), France, fin du XVesiècle

C'est un peu plus tard, au XIXème siècle que l'expansion des villes et le developpement des

transports à travers la revolution industrielle qu'une rupture se cree dans la relation entre la

ville, l'espace agricole et la nature.

Ainsi, herites d'une histoire ou bien recomposes par divers acteurs territoriaux et locaux, les

espaces cultives contribuent depuis toujours à la structuration de la ville. Ce travail va essayer

de comprendre comment, au travers des trois axes economique, environnemental et socio-

culturel.

Aujourd'hui, la FAO mise sur de developpement de l'agriculture urbaine pour renforcer

la securite alimentaire et l'accès à la nourriture de qualite grâce à cet approvisionnement

alimentaire de proximite. Pourtant, l'agriculture urbaine offre bien plus que cela.

Certes, la production alimentaire est la vocation même de l'agriculture, qu'elle soit urbaine ou

qu'elle ne le soit pas, mais le rayonnement de ses fonctionnalites au sein d'une ville est bien

plus large.

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Page 36: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Tout d'abord d'un point de vue environnemental, l'agriculture urbaine offre trois

benefices primaires ne serait-ce que par sa simple mise en place. Elle aide à preserver la

biodiversite, permet de diminuer le gaspillage ( avec l'utilisation des ressources de la ville :

compost, etc, voir première partie ) et de reduire la quantite d'energies et de ressources

utilisees dans la production et la distribution alimentaire à travers la reduction des distances

( concept du «food miles» ), la diminution du nombre d'intermediaires et les methodes de

cultures specifiques.

Distance moyenne parcourues par les productions d'après les chiffres de la BBC

Ces benefices directs environnementaux sont completes par les effets secondaires lies à la

mise en place de l'agriculture urbaine, ainsi la preservation de la biodiversite permet la

resilience de la nature en milieu urbain mais même au delà, elle permet la fabrication d'une

coherence ecologique des territoires.3 Au sein des collectivites elle contribue à la diminution

des emissions des gaz à effet de serre (GES) et permet une re-localisation de la production

alimentaire et le developpement des chaines de distribution courtes.

Agissant comme un frein à l'etalement urbain, elle permet la protection du paysage en

stoppant la croissance des villes en valorisant la mise en place de ceintures vertes ( Green

Belts ) à vocation agricole.

La diversification des cultures agit egalement en faveur de la biodiversite dans les

quartiers pavillonnaires, qui jouissent d'un fort potentiel agricole de part les superficies

3 BERTRAND, N. Agriculture periurbaine : la construction du rapport à la ville proche , Universite de Montreal - 2010

37

Page 37: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

potentiellement potagères que constituent les jardins privatifs qui sont aujourd'hui très

largement occupes par les pelouses. «Lawns use more equipment, labor, fuel, and

agricultural toxins than industrial farming, making lawns the largest agricultural sector in the

united states.4»

«Les pelouses necessitent plus d'equipements, d'entretiens, d'energies et d'engrais que

l'agriculture intensive, faisant des pelouses le secteur agricole le plus important des Etats-

Unis.»

Vue aerienne d'un quartier pavillonnaire de San Diego – USA – Photo Brooke Madison

Tous ces avantages environnementaux permettent à l'agriculture urbaine de changer

le regard des populations urbaines vis à vis de l'agriculture, souvent consideree comme

polluante et de mauvaise qualite. Ce sont souvent ces arguments qui sont mis en avant lors

de la mise en place de projets agricoles urbains par les politiques et acteurs principaux mais il

ne s'agit que de volontes ecologiques, très souvent associees aux milieux hippies et

marginaux et qui presentent l'agriculture urbaine comme un passe temps recreatif pour

illumines. La realite est pourtant toute autre.

Bien loin des aprioris collectifs, il existe une vision economique rentable de la mise en place

de l'agriculture urbaine à travers les systèmes de productions et toutes les fonctionnalites qui

interagissent avec le système urbain. Celle-ci sera developpee et decryptee plus en details

dans la troisième partie qui à pour vocation de confronter l'agriculture urbaine à la realite.

4 Richard Burdick, The Biology of lawns. , Discover, Juillet 2003

38

Page 38: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Enfin, il existe des avantages socio-culturels aux potentiels sous-estimes quand à

l'integration de l'agriculture dans les villes. Ces avantages resident en partie dans les

interactions entre les differents acteurs mobilises mais egalement et surtout dans les

ressentis personnels directs des habitants. En effet, les forces agri-urbaines resident dans la

modification des rapports entre les hommes entre eux mais aussi avec leur milieu.

De cette manière, les attentes des habitants en matière de cadre de vie participent à la

production d'un «milieu urbain». L'agriculture peut alors naturellement être consideree

comme un element d'elaboration de ce milieu de par son influence sur la configuration des

formes urbaines et periurbaines.

C'est ce que l'on appelle le concept d'agro-urbanisme, qui est le processus d'integration des

espaces agricoles dans la strategie territoriale, visant à rendre compatible l'extension des

villes en integrant la question agricole dans toute sa complexite.

Cette resilience agricole urbaine à la capacite de modeler une amelioration notoire et visible

de la qualite de vie des habitants et de leur prise de conscience de l'importance de la

protection de leur milieu de vie. « Food growing projects can act as a focus for the community

to come together, generate a sens of «can-do», and also help create a sens of local

distinctiveness, a sens that each particular place, however ordinary, is unique and has

value.5»

«Les projets à visee nourricière peuvent agir au sein de la communaute comme une

motivation pour se reunir, en generant une sorte d'esprit «on peut le faire», mais aussi en

aidant à creer un caractère local distinct, une conscience que chaque espace particulier,

pourtant ordinaire, est unique et a de la valeur.»

Il en decoule une nouvelle facon de s'approprier l'espace public, mais aussi la ville, son

quartier ou même son jardin. Cela favorise la culture locale, tout en revendiquant une

dimension sociale et politique de la notion d'habiter à travers ces initiatives locales et

territoriales.

En effet, à une echelle immediate, ces initiatives permettent la transformation des espaces

concernes. La qualification hygieniste et fonctionnelle des espaces dans les villes via

l'agriculture permet la restauration du lien au vivant. Lentement, l'agriculture urbaine se

reapproprie des espaces dans la ville, terrains non constructibles, friches, terrain inondes,

proteges, etc.

5 Tara Garnett, Growing food in Cities , National Food Alliance, 1996

39

Page 39: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Elle est aujourd'hui majoritairement interstitielle, mais elle permet de structurer le tissu

urbain et donne naissance à de nouvelles formes urbaines. Par exemple les jardins familiaux

ou partages qui changent la cadre de vie à l'echelle de l'habitant et d'un quartier et qui

participent à la construction du paysage de l'individu.

L'habitant noue des rapports avec son milieu en se l'appropriant, en le cultivant, et en retour

ce milieu participe au bien être de l'habitant. Ainsi, «pour le docteur Schreber, le jardinage et

l'exercice physique qui lui est associe etaient une voie vers la sante physique et mentale de

l'individu, et, par extension, vers une societe plus saine.6»

Par ailleurs, d'après certaines etudes menee par T.Spence en 1999 à l'universite de Floride,

l'entretiens d'un potager permet sur une base regulière d'accomplir les exercices physiques

quotidiens necessaires à la diminution des problèmes d'obesite et des risques d'accidents

cardio-vasculaires. De plus, toujours selon la même etude, il ressort que le simple fait de

marcher autour d'un jardin botanique reduit les niveaux de stress d'un individu. Les avantages

sur la sante mentale et physique sont tels que certains hôpitaux ont decider d'installer en leur

sein des jardins potager, assurant l'apport en fruits et legume necessaire aux fonctionnement

de l'hôpital mais aussi et surtout offrant une activite saine aux patients en convalescence.

Cueillette au CHU d'Angers, France , source : Incredible Edible

Au delà du simple bien être corporel des individus à proximite, l'integration de

l'agriculture urbaine au sein d'un quartier permet egalement de lutter contre la criminalite et

l'insecurite. En effet, souvent situes dans les espaces urbains avec des taux de criminalite

6 Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, citation p.48

40

Page 40: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

forts, les jardins communautaires ont ete très actifs dans la rehabilitation de quartiers entiers.

Etant presque toujours occupes par quelqu'un, les espaces auparavant laisses vacants et

disponibles aux trafiques en tout genres ( drogues, prostitution, vols... ), sont devenus des

espaces de rencontres et d'echanges.

C'est de cette manière que le quartier Hell's Kitchen à New York, autrefois reconnu

comme un des quartiers le plus mal fame de la ville, est devenu aujourd'hui l'un des endroits

le plus huppe de la ville. C'est la mise en place du Clinton Community Garden qui à permis en

grande partie de stopper les trafics de drogue.

Autre exemple de l'autre cote du pays rapporte par Richard Reynolds : «Dans le quartier de

South Central à Los Angeles, un magnifique jardin communautaire biologique de 4,5ha dont

prenaient soin depuis 15 ans la communaute afro-americaine et hispanique. Cet ancien

terrain vague etait devenu un havre de paix prospère pour les plantes meso-americaine et 500

arbres et nourrissant au moins 350 personnes. Le jardin avait ete cree avec les autorites

municipales à la suite du passage à tabac de Rodney King par deux policiers ( emeutes en

1992 après leur acquittement ) et avait beaucoup contribue à ameliorer les conditions de vie et

le moral dans le district.7»

La production agricole fournit egalement un excellent moyen de combattre les

discriminations existantes envers des groupes de personnes, comme les minorites ethniques,

les personnes âgees, mais aussi les femmes, à travers une activite productive et sociale.

Parfois, les jardins communautaires donnent même à observer l'expression d'une identite

ethnique locale presente à travers la nature des cultures.

C'est par exemple le cas au Royaume-Uni à Birmingham au sein du Ashram Acres Community

Garden, ou la forte concentration d'immigres asiatiques est traduite par le type de produits

cultives.

7 Richard Reynolds, La Guerilla Jardinière, Citation p.68

41

Page 41: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Photo by Lilly O'neill

Afin de resumer globalement les enjeux de l'agriculture urbaine, il s'agira de

comprendre que ceux-ci sont en faveur à la fois de l'individu et de son milieu.

S'ils sont d'ordre sociaux et alimentaires principalement d'après ses defenseurs, ils peuvent

egalement devenir economiques.

D'après les enjeux principaux developpes precedemment, il semble etrange que cette

pratique ne soit pour le moment que peu exploitee. La raison est simple, l'agriculture urbaine

se heurte à de nombreuses contraintes et limites. La principale etant son coût de mise en

oeuvre et sa dependance du foncier. L'agriculture urbaine est aujourd'hui prisonnière de la

ville, elle n'occupe pour le moment que les espaces laisses pour friche mais qui demeurent

disponibles selon le bon vouloir de la ville. La domination urbaine est donc totale. La

principale concurrence entre la ville et l'agriculture reside dans l'occupation des sols et de

leurs usages.

Pourtant, si l'agriculture urbaine a beaucoup à offrir sur les plans sociaux et alimentaires, elle

peut egalement offrir beaucoup à la ville elle même, en commencant par la reconcilier avec

l'agriculture. En effet, aujourd'hui, il existe un fort clivage entre les modes de vie des citadins

et des ruraux. Il en decoule egalement une forte meconnaissance reciproque et donc

beaucoup d'aprioris ne facilitant pas le dialogue et les echanges. Considerer comme un

42

Page 42: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

metier dur aux remunerations ingrates, l'agriculture n'attire pas les jeunes generations

citadines qui voient le metier d'agriculteur comme socialement peu valorisant. L'agriculture

urbaine permettrait de depasser ces prejuges en montrant directement aux citadins les

aspects du metier et surtout permettrait de concilier vie professionnelle et vie personnelle

sans avoir à quitter la ville pour la campagne. La ville pourrait alors devenir pour les

agriculteurs à la fois espace de vie et espace de travail.

Ainsi, les espaces agricoles urbains beneficieraient d'un statut particulier, de nature hybride

entre espace prive et espace public. Il reviendrait aux citadins d'en questionner les usages,

cheminements, promenades, ouvertures, clôtures... La construction d'un lieu de vie partage

de jardinage permet de faire evoluer la conception et les methodes existantes de gestion des

espaces. Cela permet au niveau des individus la mise en place d'un echange des savoirs, des

pratiques, mais aussi des semences et des recoltes. Ces espaces partages deviennent alors

communs.

De plus, la nature aujourd'hui spontanee et isolee de ces initiatives locales permettent une

forte pluralite des experiences proposees. En effet, l'agriculture urbaine peut être aujourd'hui

d'une multitude de formes, recreative, dediee à la vente, liee à de la reinsertion, educative,

nourricière, etc... Il en ressort une forte importance des fonctions non marchandes au sein

des rapports qui y règnent. C'est cela qui pose problème aux amenageurs, dans le sens où ce

type d'agriculture, bien que très positive sur son bilan social, ne leur rapporte pas d'argent

directement.

Heureusement, ces nouvelles fonctions urbaines sont aujourd'hui de plus en plus portees par

les elus car elles correspondent à une attente des electeurs. Les perspectives politiques sont

multiples et les principaux acteurs mettent en avant les notions de reduction de la pollution

des eaux, des terres, de l'air, la protection de la biodiversite, l'amelioration de la sante, du

bien être, de la cohesion sociale et du developpement economique. Certain parlent même

d'evolution des marches agricoles, ou même de quêtes de nouveaux espaces identitaires de

convivialite et du renouvellement du lien social en ville. Axant leurs discours sur la production

alimentaire et sur l'environnement, il n'existe pourtant pas de legislation concernant la

protection des espaces agricoles. En effet, la vocation legislative actuelle est de bâtir la ville à

tout prix.

En France, c'est à travers le PLU et le SCOT qui definissent les règles de l'urbanisation mais qui

43

Page 43: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

ne definissent en rien l'usage du foncier et encore moins la protection des espaces agricoles.

Les applications de l'agriculture urbaine et la protection du territoire agricole dependent

aujourd'hui en grande partie des volontes politiques locales. Seuls le Canada et la Suisse ont à

ce jour adopte de reelles lois visant à la protection de l'agriculture periurbaine.

C'est bien la l'une des limites actuelles. La dynamique des forces agricoles au sein de

l'espace urbain depend entièrement de la tension mise en place par trois entites agissant

avec des logiques differentes : les institutions de la ville, la profession agricole et les

habitants.

L'agriculture urbaine offre donc un large eventail d'avantages, qu'ils soient sociaux,

environnementaux ou economiques. Ils constituent tous une volonte d'ameliorer la ville et le

cadre de vie des habitants. Malgre cela, elle semble toujours associee à une vision utopique,

et peine à gagner en credibilite aux yeux du plus grand nombre.

Ces avantages sont pourtant bien reels et maintes fois demontres par le biais de differents

projets dans le monde.

Toutefois, l'agriculture urbaine ne possède pas que des avantages,et beaucoup lui

trouvent de nombreuses contraintes et limites.

En effet, si elle est parfois presentee comme une solution aux problèmes de chômage dans

les villes, il ne faut pas oublier que le milieu agricole souffre d'un desinterêt fort des jeunes

populations qui rend le recrutement de main d'oeuvre difficile. La penibilite du travail, le peu

de valorisation accordee et les remunerations plutôt faibles decouragent les personnes

pourtant interessees par le domaine.

De plus, certains scientifiques s'interrogent sur les risques de contamination de la production

lies à la culture dans une ville. Ces risques sont pour le moment peu etudies et les resultats

des etudes se contredisent. Il est mis en avant d'eventuelles contaminations par le sol à

travers des terres polluees en metaux lourds, mais aussi par le depôts de particules volatiles

comme les gaz d'echappement et autres emissions polluantes. La sensibilite des cultures

liees à la proximite des routes devrait donner lieu à des legislations precises et contrôlees; les

distances de securite sont aujourd'hui arbitraires et aleatoires.

Les quelques etudes realisees en France montrent que les particules polluantes ( types

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Page 44: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

metaux lourds ) ne sont pas presentes dans les recoltes et que les taux de pollution des

denrees alimentaires sont identiques aux taux constates sur les recoltes de l'agriculture

classique et en dessous des normes d'hygiène europeennes exigees8.

Pour sa defense, il est prouve que l'agriculture urbaine participe activement à reduire le CO2

dans les villes.

Des risques sanitaires sont egalement mis en avant. La contamination des cultures par des

organismes pathogènes ( bacteries, virus, etc. ) engendree par l'irrigation avec des eaux

issues de sources polluees ou par des eaux usees ou bien encore par des dechets organiques

solides insuffisamment traites ( compost mal conditionne ) constitue un fort risque de

transfert de maladies humaines par des agents pathogènes attires par les activites agricoles

( ex: la bacterie E coli, la grippe aviaire... ).

Ces contaminations des cultures pourraient egalement avoir des origines criminelles, car une

ville autosuffisante dependrait entièrement de son système de production interne, une

attaque terroriste bacteriologique pourrait donc être redoutee.

En dehors des contaminations possibles, l'integration urbaine de l'agriculture se heurte

au prix du foncier et à la surface disponible.

Ainsi, beaucoup avancent que seules les fermes verticales pourraient avoir un reel sens

economique dans les grandes metropoles du Nord. Cependant, malgre des rendements

estimes six fois plus eleves9 qu'en culture classique grâce au contrôle permanent des

paramètres nutritifs et climatiques, la rentabilite de ces bâtiments semble loin d'être assuree.

Qui plus est, les avantages environnementaux de ces bâtiments sont aujourd'hui très

controverses.

L'energie grise consommee lors de la construction de ces tours est considerable, le bilan

carbone de l'agriculture verticale est egalement plus lourd que celui d'une culture classique

due à l'entretien des locaux et son maintien en service. Il faut egalement recourir à un

eclairage artificiel. Une des solutions reside dans le mode d'approvisionnement en energie qui

devrait être renouvelable et dans l'evolution technique des performances des eclairages

8 States of Knowledge on the dispersion of road trafic contaminants on farmlands at the edge of the roads. 9 Michael J. , Vertical urban farms are here, Coren, 2012

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Page 45: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

horticoles qui sont aujourd'hui très energivores. Par ailleurs, la pollution lumineuse de ces

edifices la nuit pourrait rendre son insertion paysagère d'autant plus difficile vis à vis des

habitants, dejà en mal avec l'idee de consommer des denrees alimentaires produites dans

des tours.

Enfin, il reside un problème d'ordre moral quand à l'accessibilite financière à ce type

d'agriculture. En effet, si elle peuvent rapporter sur le long terme, l'investissement de depart

est considerable et seules de très grosses entreprises pourraient se le permettre, leur offrant

ainsi le monopole de la production alimentaire, faisant peu à peu disparaître les petites

structures agricoles.

Au delà des entreprises privees, le coût de l'integration d'une agriculture urbaine

productive et viable dans les metropoles representerait des depenses titanesques pour les

gouvernements, et seules quelques regions du monde auraient les moyens de mettre en

place de telles politiques.

L'Union Europeenne, les Etats-Unis ou encore le Bresil pourraient par exemple à grand frais

rendre leurs villes autosuffisantes, mais une telle demarche serait suicidaire pour le reste du

monde, dependant completement de l'importation des denrees alimentaires.

De plus, l'agriculture urbaine contemporaine au sens large ne semble pas reellement

applicable dans les pays en voie de developpement puisque celle-ci y est dejà pratiquee en

grande partie et qu'elle ne solutionne pas pour l'instant les problèmes de mal nutrition.

Dans une vision qui depasse les avantages et les inconvenients de l'agriculture

urbaine, la vocation des territoires urbains et agricoles à se melanger nous amènera

obligatoirement à explorer l'agriculture urbaine plus profondement et donc à penser en detail

la co-construction d'un nouveau territoire hybride.

Celui-ci sera plus riche de par la pluralite des formes de l'agriculture urbaine. Jardins

individuels, familiaux, partages, grandes exploitations à objectifs economiques ou

pedagogiques, de loisirs, d'autonomie ou de securite alimentaire, de production

commerciales, de preservation du foncier face à l'artificialisation des terres, de resilience

urbaine, integration sociale...

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Page 46: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Toutes ces formes aux visees differentes participeront à enrichir l'experience urbaine et le

cadre de vie des citadins. Ces differentes formes agri-urbaines constituent tout autant de

types d'occupation de l'espace urbain et de ses interstices en sein de la ville dense ou de sa

peripherie.

Champ d'action de l'agriculture urbaine.

47

Page 47: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

2.2 Les différentes méthodes.

Avant d'explorer les differentes methodes de production, il convient de comprendre en

quoi consiste l'agriculture elle même. Il s'agit litteralement de la maitrise d'un cycle vegetal

ou animal dans son ensemble. Ainsi, le jardinier amateur est en soit considere comme un

agriculteur et il contribue au même titre à cette fonction de production. Ceci etant dit, si le

processus est semblable, c'est dans les objectifs recherches que resident les differences.

Il faut donc differencier l'agriculteur professionnel aux objectifs economiques d'entreprises et

les agriculteurs non professionnels et citadins dont les objectifs sont divers ( fonctionnalite

paysagère, recreative, sociale ou alimentaire ).

Il en ressort trois principales categories d'agriculture urbaine.

La première est orientee vers la fourniture des marches locaux et regionaux en matière

première agricole. Elle tend à tirer partie de la proximite avec les aires urbaines pour multiplier

les opportunites de vente mais doit cohabiter avec des contraintes specifiques

( fractionnement des infrastructures, pressions foncières, contrôles sanitaires plus forts,

nuisances à contrôler... ). Cela lui confère une competitivite difficile car le coût de production

est plus eleve. De fait, ces types d'exploitation se sont axes sur la promotion de la qualite du

produit et de l'eco-responsabilite. Ces exploitations ont egalement mis en place des services

de cueillette en ouvrant leur structures directement aux consommateurs qui peuvent alors

parfois selectionner directement sur la plante leur recolte et donc reduire le prix des denrees.

Il en resulte des attentes paysagères plus specifiques, accès sur l'image idyllique des fermes

rurales pour en faciliter la communication exterieure.

D'un autre cote, mais toujours avec une visee economique, on retrouve la categorie

des structures organisees en circuit court de commercialisation. Souvent limite à un seul

intermediaire, la distribution de la production est assuree par la vente directe grâce à une

revendication de proximite. Aujourd'hui, on constate un interêt croissant des citadins pour

cette forme de commercialisation des productions agricoles. Ainsi, l'agriculteur devient en

quelque sorte un mediateur vis à vis des citadins, et redonne ainsi une confiance alimentaire

qui avait ete mise à mal lors des crises recentes ( vache folle, OGM, grippe aviaire... ).

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Page 48: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Les agriculteurs peuvent ainsi mieux prendre en compte les attentes des citadins ( attentes

ecologiques et paysagères majoritairement mais aussi des attentes en terme de qualite et de

choix du produit ). Finie la monoculture intensive ! Cette categorie d'agriculture urbaine

constitue un très puissant vecteur de rapprochement entre ville et campagne.

De plus, celle-ci agit sur une dynamique locale et reduit parallèlement les emissions

polluantes ( GES due aux transports notamment ) tout en facilitant les contrôles sanitaires.

Cette methode peut donc être consideree comme le coeur et le pivot central de l'agriculture

urbaine.

Enfin, la troisième categorie est celle pratiquee sans objectifs professionnels. Ce sont tous les

espaces jardines, jardins, balcons, terrasses, jardin partages, familiaux ou botaniques. Ils

constituent tous une appropriation personnelle de l'espace urbain et de ses friches. Il en

ressort très souvent une identite locale forte. Certains groupes utilisent ce langage avec des

visees politiques comme le mouvement de Guerilla Jardinière qui invite les gens à cultiver les

espaces publics.

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Page 49: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Que leurs gestions soient personnelles ou associatives, les raisons sociales sont en general

dominantes. Les objectifs recherches peuvent cependant demeurer differents : completer son

alimentation avec des produits frais, preoccupations environnementales, revendication d'un

cadre de vie, de loisir, de detente, d'education... Ces activites semblent de moins en moins

vivrières dans les metropoles des pays developpes.

Au contraire, il s'agit en quelque sorte de retrouver dans les villes ce que l'on trouve de

meilleurs dans les campagnes d'après un imaginaire utopique.

Soumis à une demande de plus en plus fort de la part des citadins, les gestionnaires

de jardins familiaux et partages sont contraints d'emettre de longues listes d'attentes avant

de pouvoir accorder une parcelle. Cette demande semble être en croissance permanente et

de plus en plus d'espaces urbains y sont devoues, parfois avec des visees educatives ou

même de reinsertion ( crèches, ecoles, hôpitaux, prisons... ) comme c'est le cas à Villeneuve-

les-Maguelone où l'association des Restos du Coeur ont mis en place un Jardin du Coeur

exploite par des personnes en reinsertion sociale pour alimenter leur besoin en fruits et

legumes.

Jardin du Coeur – Photo Restos Du coeur.

Ces initiatives locales montrent et prouvent l'interêt des habitants vis à vis de leur cadre de

vie urbain et questionnent les politiques d'amenagement des espaces publics actuels.

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Page 50: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ces trois categories d'agriculture urbaine s'accompagnent egalement de nouvelles

methodes de production. En effet, celles-ci doivent s'adapter au milieu qu'elles occupent,

l'aire urbaine. Car s'il est certain que la plus grande problematique de l'agriculture urbaine est

de lui trouver une place dans les villes, il s'agit egalement d'augmenter la production afin de

satisfaire la demande croissante et de rendre ces nouvelles formes de production

economiquement viables.

Comme le souligne Frederic Lemaître dans son livre, «Pour augmenter la production, il

n'y a que deux solutions : augmenter le rendement, ou accroitre les superficies cultivees.9» Or

il devient difficile d'accroitre les superficies cultivees dans un milieu où chaque mètre carre

de terre se negocie à prix d'or pour y developper de nouvelles zones habitees.

C'est donc à travers l'augmentation des rendements et l'occupation des espaces non utilises

de la ville que l'agriculture urbaine doit se developper. Pour cela, de nouveaux modes de

production ont vus le jour, s'associant aux nouvelles technologies et à des solutions

architecturales innovantes.

Afin d'elargir le regard porte sur l'agriculture urbaine et d'en identifier les vecteurs de

developpement, il semble essentiel d'effectuer une analyse des formes et methodes

developpees dans les differentes regions du monde. Il s'agit ici de presenter quelques

exemples d'interêts sans pour autant viser l'exhaustivite.

Situe dans un contexte à la croisee des echelles urbaines et architecturales,

l'agriculture urbaine se developpe aussi bien à l'echelle de l'individu et donc integree au projet

architectural qu'à l'echelle de la ville ainsi associee au projet urbain. Son integration ne se fait

pas uniquement via des solutions techniques mais exige egalement la mise en place de tout

un processus de production, de transformation et de commercialisation de la production. La

mise en place de ce système depend des methodes employees, et les solutions apportees

semblent egalement specifiques aux projets associes.

Avant de parler architecture et urbanisme, il semble important d'identifier les methodes de

production aujourd'hui utilisees en agriculture urbaine. Celles-ci reposent principalement sur

six strategies : la culture sur les toits, la separation des substrats et du sol existant, les

9 Frederic Lemaître, Demain la Faim ! , Grasset, 2009, citation p.52

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Page 51: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

cultures hydroponiques, l'elevage animal hors sol, les cultures aquaponiques et la valorisation

des dechets.

Ces methodes peuvent être utilisees seules ou être associees entre elles pour un rendement

plus grand.

La culture sur les toits permet de contourner la problematique du foncier, mais elle necessite

differentes conditions et elle n'est donc pas toujours facile à mettre en place.

En effet, la toiture qui l'accueille doit posseder une bonne isolation, recouverte d'une

membrane etanche enduite d'un repulsif à racines. Ensuite, cela necessite la pose d'une

couche drainante et enfin d'un substrat nutritif pour les plantes. Parfois, pour des raisons

economiques principalement, la culture en toiture peut se faire dans de grands bacs,

technique souvent privilegiee lorsque la culture en toiture intervient sur un bâtiment dejà

existant et non sur un nouveau projet.

Source : Liaison Vegetale

Cette technique de culture semble aujourd'hui l'une des techniques privilegiee en agriculture

urbaine car ces avantages sont multiples. Ces toitures vertes en zones urbaines permettent

de limiter les pics de temperature en cas de fortes chaleurs 10 et participent à l'amelioration de

10 Dianne Draper, 2008

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Page 52: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

la qualite de l'air urbain en consommant le CO2 atmospherique. Son atout majeur est que

n'utilisant pas de surface au sol, elle n'entre pas en concurrence avec le developpement

urbain. Ces toitures offrent aux bâtiments equipes de meilleures performances thermiques et

permettent donc une economie d'energie. C'est par ailleurs grâce à ce dernier point qu'une loi

a ete adoptee au Japon qui stipule que tous les nouveaux bâtiments dont la surface de toiture

excède 1000m2 doivent être «verts»11. Cette loi constitue en elle même un levier puissant de

developpement de l'agriculture urbaine, même si celle-ci ne stipule pas que la toiture

vegetalisee se doit d'être cultivee ou non.

Culture en bacs sur les toits d'AgroParis Tech. Source AgroParis Tech

Afin de rendre encore plus performant ce système, les ressources naturelles et les

ressources de la ville peuvent aussi être integrees au processus. En effet, l'utilisation de

compost pur en guise de substrat permet de recycler les dechets urbains locaux. De plus ce

type de compost est leger et très riche en elements nutritifs.

11 Tokyo keep it cool with roog gardens, 2001

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Page 53: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Le système d'irrigation est egalement une partie importante de la culture sur les toits. Dans

un souci de developpement durable et de reduction des frais, c'est souvent la recuperation

des eaux de pluies qui est privilegiee.

Ainsi dependant du climat, ce sont souvent des plantes resistantes et peu gourmandes en

eau qui y sont cultivees. Celles-ci doivent être le plus compactes possible afin d'augmenter le

rendement au mètre carre. Une dynamique temporelle est donc mise en place et l'on retrouve

des toitures evoluant au fil des saisons avec des strategies d'hiver et d'ete differentes.

Dependant du climat local, ces toitures offrent aussi à la ville une identite qui leur est propre.

La culture en toiture possède en revanche quelques limites. Son coût d'integration au

projet architectural revient environ à 28,7 euro de plus qu'une toiture classique par mètre

carre12 et la maintenance revient egalement plus chère. La mise en place de ces toitures

vertes est parfois favorisee par des aides gouvernementales dans certains pays. C'est par

exemple le cas en Allemagne, où l'industrie liee aux toitures vegetalisees a subit une

croissance de près de 15% entre 2000 et 2010 grâce aux aides gouvernementales.

Malgre ces contraintes, la vente des recoltes ou son utilisation en circuit court accompagnee

de l'economie d'energie liee à la thermique du bâtiment permet de rentabiliser

l'investissement sur le long terme.

Cette methode est souvent pratiquee avec des objectifs sociaux mais l'est egalement parfois

avec une visee economique. C'est par exemple le cas de la ferme urbaine Brooklyn Grange qui

se situe à New York aux Etats-Unis. Cette ferme cultive toute l'annee des produits biologiques

de qualite qui sont revendus au sein même de l'etablissement et en circuit court aux services

de restauration locales.

Credit Photo : Brooklyn Grange

12Johnstone S. , Estimated incremental cost to install grassed roof. ,Peterborough, Trent University Physical ressources , 2001

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Page 54: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

La toiture a ete amenagee et equipee en substrat de manière à la rendre similaire à un

potager classique en pleine terre.

Credit Photo : Brooklyn Grange

Cette ferme urbaine fonctionne grâce à la production de legumes et fruits frais mais

egalement à celle de miel et de champignons.

Schema de fonctionnement de Brooklyn Grange13

13 sources: Brooklyn Grange, Green Roofs and Roof Farms. http://www.brooklyngrangefarm.com/designinstall (Jan 2014)

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Page 55: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Alternative à la culture sur les toits, la culture sur le sol existant est egalement très

pratiquee dans les villes. Prenant places dans les interstices et friches urbaines, celle-ci est

rarement mise en competition avec la crise du foncier puisque profitant des espaces restes

libres après l'artificialisation des sols.

Les sols souvent pollues par les metaux lourds et autres agents pathogènes, des techniques

de séparation du substrat ont vu le jour afin d'eviter toutes ces eventuelles contaminations.

Il s'agit avec cette methode de la mise en place d'un nouveau sol artificiel par dessus un sol

naturel eventuellement pollue. Cela peut se faire par la mise en place de bacs ou pots, de

dalles en beton, de sacs, ou encore d'une couche d'argile comme cela à ete fait par Ken Dunn

à Chicago pour le projet CityFarm.

Ken Dunn dans son Jardin Partage à Chicago, credit 31 century Museum Chicago

Mise en place du substrat par dessus le lit d'argile et de paille. Source: Plant Chicago NFP, n.d. Web. 25 Apr. 2013.

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Page 56: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Lorsque l'on parle d'agriculture urbaine, il est important de souligner que celle-ci

concerne egalement l'elevage animal. Cependant, celui-ci ne peut pas vraiment être de

même nature que celui existant à la campagne.

La particularite des elevages est qu'ils degagent de nombreuses nuisances, sonores,

olfactives, sanitaires...

En ville, une des solutions trouvees fut l'élevage hors-sol. C'est l'idee d'une integration de

l'elevage aux fermes urbaines afin de coupler la production des vegetaux necessaires à

l'alimentation des animaux, la production animale, et la transformation des produits.

De nature très productive, ces elevages privilegient les porcs et la volaille qui sont de tailles

reduites et qui ont besoin de moins d'espace pour se developper.

Cette logique de concentration de la production et cette logique de proximite entre

production, transformation, vente et consommation est actuellement en totale opposition

avec ce qu'il se fait dans l'elevage classique, où la production y est majoritairement destinee

à l'exportation internationale.

Depuis le debut du siècle, la viande de porc est celle qui est la plus consommee dans le

monde. Plus de 80 milliards de kilogrammes par an etaient alors consommes en l'an 2000.

C'est dans ce contexte que l'agence d'architecture MVRDV eu l'idee d'imaginer PIGCITY,

veritable superstructure destinee à l'elevage hors-sols de porc dans le respect de

l'environnement.

Vue Perspective de PIG CITY – Credit Agence MVRDV

57

Page 57: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Si l'idee est seduisante sur le papier pour les investisseurs, c'est du cote des

consommateurs que l'idee semble difficile à accepter. L'ensemble des citadins n'etant pas

forcement pour la mise en place de telles tours odorantes dans leur paysage immediat.

De plus, il existe aujourd'hui un veritable frein legislatif à ce genre de pratiques dans de

nombreux pays. Si l'elevage de volaille est aujourd'hui autorise en ville et accepte de tous en

Asie ou au Royaume-Uni par exemple il est encore interdit dans de nombreuses villes

americaines ( Toronto, Boston... ) à cause des nuisances engendrees.

À l'oppose, Singapour favorise fortement le developpement de ce type d'elevage du fait de sa

configuration geographique et de sa croissance urbaine très rapide. Ce petit pays souhaitait

conserver sa souverainete alimentaire malgre ses enormes problèmes fonciers. Grâce à sa

politique favorable, le pays est aujourd'hui autosuffisant en porc et se permet même

d'exporter son surplus de production en volailles et oeufs dont l'origine est totalement issue

de l'elevage hors sol.

Fermes d'elevage hors-sol à Singapour – photo IeatIshoopIpost

L'avantage de cette technique reside dans la superposition des espaces d'elevage et dans la

facilite d'entretien et de maintenance accrue. De plus, ces dispositifs permettent de securiser

les elevages vis à vis des nuisibles et predateurs.

Ces trois methodes agricoles urbaines ont pour point commun l'exploitation de la

valorisation des déchets urbains. Ces dechets sont une source d'engrais necessaires à la

production agricole et ce recyclage possède des vertus à la fois economiques et

environnementales.

58

Page 58: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Car la ville ne produit pas que des dechets organiques secs tels que ceux necessaires à la

production de compost. En effet, les eaux usees peuvent egalement être utilisees après

traitement pour l'irrigation et les boues de stations d'epuration utilisees pour l'epandage14.

La fabrication de compost quant à elle depend de la qualite du tri effectue par les

citadins, et peut dans d'autres cas être valorisee à travers la production d'energie. La

decomposition des particules organiques entrainant une production de gaz pouvant servir de

combustible et donc potentiellement transformable en electricite. C'est par exemple le choix

fait par la ville de Montpellier en France qui en 2008 inaugure l'unite de methanisation

Ametyst capable de traiter 200 000 tonnes de dechets urbains.

D'après le journal de Montpellier Mediterranee Metropole : «Le biogaz ainsi produit est valorise

par des moteurs qui produiront 2 energies complementaires: 30 000 Megawatts d'electricite

vendus à EDF, soit l'equivalent de la consommation annuelle de 25 000 habitants et 20 000

Megawatts de chaleur recuperee sur les moteurs, utilisee en partie pour les besoins de l'unite.

Les produits issus des digesteurs (digestats des OMR, biodechets et stabilisats) sont stockes

pendant 4 à 5 semaines dans le hall de maturation, puis affines pour produire : 24 000 tonnes

de compost d'ordures menagères residuelles et 4 000 de compost de biodechets.15».

Usine Ametyst Montpellier. Photo MidiLibre

Alors que ces methodes d'agriculture urbaine semblent plutôt simples, il existe

14 Definition Larousse : Action d'epandre avec regularite des engrais, des amendements ou des pesticides.15 http://www.montpellier-agglo.com/equipement/unite-de-methanisation-ametyst

59

Page 59: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

d'autres methodes faisant appel aux nouvelles technologies. Il s'agit des cultures

hydroponiques et aquaponiques.

Les cultures hydroponiques sont des cultures ou les plantes ne sont en contact qu'avec de

l'eau riche en nutriments et completements hors-sol.

Ces cultures sont caracterisees par un mouvement continu de l'eau afin d'assurer le

renouvellement des nutriments et pour eviter la formation d'algues et de moisissures.

Ce type de culture est beaucoup plus efficace du point de vue des rendements que les

cultures dites classiques. Elle permet par exemple une production entre dix et vingt fois

superieure à celles obtenues par les cultures irriguees de plein air16, lorsque celle-ci est

pratiquee sous serres.

De plus, cette forme de culture est peu gourmande en eau et plus sure d'un point de vue

sanitaire car plus facilement contrôlable. Cette economie en eau s'accompagne egalement

d'une economie en engrais et pesticides, qui sont repartis plus efficacement.

Il existe differents types de cultures hydroponiques reparties selon trois grands systèmes :

– la culture en radeaux

– la culture sur films nutritifs

– la culture dite Hollandaise ( en pots )

La culture en radeaux, aussi appele table à maree, permet de «nourrir» les plantes par

intermittence afin de respecter leurs cycles. Chaque arrosage est appele maree. Quand la

table est pleine, et le substrat ( souvent de la laine de roche ou des billes d'argile )

suffisamment irrigue, la pompe s'arrête et la solution s'ecoule par les systèmes de drainage.

Schema Table à Maree. Source Hiboox

16 Benjamin Linsley, etude du Bright Farm System, New York

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Page 60: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Cultures en radeaux. Photo : Hydroponics Culture

La culture sur film nutritif, plus communement appele culture NFT ( Nutrients Film

Technic ) est aujourd'hui l'une des plus utilisee. Le milieu nutritif circule en permanence sur

une fine epaisseur sous les racines. L'oxygenation est donc accrue par le mouvement. Cette

solution nutritive est envoyee dans des rigoles par une pompe situee dans un reservoir. Le

ruissellement se fait de manière naturelle grâce à l'inclinaison legère des gouttières et la

solution nutritive circule en circuit ferme.

Schema Système NFC. Source : hydroponie.fr

Ce système de culture hydroponique est surtout utilise en Europe pour la culture de tomates

et de laitues. La solution nutritive doit être en permanence reajustee mais les evolutions

technologiques ont permis d'automatiser le procede.

61

Page 61: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Système NFC. Photo : Syndicat Agricole.

Enfin, le système de culture hydroponique en pot, aussi appele goutte à goutte ou à

l'hollandaise, est un système qui necessite un pot et un goutteur par plante. L'arrosage se fait

par intermittence grâce à un temporisateur electronique et la solution est souvent consideree

comme perdue et donc pas reutilisee. La plante est placee dans un substrat de type laine de

roche ou fibre de coco, lui même place dans des billes d'argiles où la solution nutritive peut

s'ecouler.

Schema Culture en Pot. Source : Bougepourtaplanete.com

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Page 62: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ce système hydroponique permet de cultiver des plantes de taille moyenne comme grande et

de maitriser les paramètres nutritifs et climatiques de facon individuelle pour chaque plante.

Cultures Hydroponique en Pot avec goutteurs. Source : Futura Science

Ces trois systèmes hydroponiques souffrent d'une image souvent negative de par leur

aspect denature et laborantin. L'acceptation sociale de ce type de culture est

particulièrement difficile en Europe.

Afin de combattre se refus social, de plus en plus d'engrais biologiques sont developpes et de

nouvelles methodes hydroponiques basees sur du recyclage voient le jour.

Hydroponie et Recyclage. Photo : BushBike

En revanche, d'autres pays, dont Singapour en figure de leader, ont places le developpement

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Page 63: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

des cultures hydroponiques dans leur priorites.

L'un des freins à l'utilisation de cette methode est aussi le coût de ces installations à l'achat

et à l'entretien. Coût qui pourrait être reduit avec une democratisation de la methode et par le

developpement des cultures hydroponiques à usage privatif d'interieur.

Système Hydroponique Privatif. Source : Agriculteur Urbain.

Qui plus est, une etude menee par l'enseignant chercheur Gregory Chow à Singapour a

demontre qu'avec seulement 212 hectares de surface hydroponique cultivee, il est possible de

produire environ 39 000 tonnes de legumes par an. Ces legumes rapporteraient alors au prix

du marche plus de 40 millions de dollars par an de benefices17.

L'aquaponie est, quand à elle, une pratique nouvelle encore emergente bien que très

prometteuse.

Issue des technologies employees en hydroponie, l'aquaponie constitue l'hybridation de

l'aquaculture ( elevage de poissons ) et de l'agriculture. Le point fort de l'aquaponie reside

17 Gregory Chow, Ecole Polytechnique Ngee Ann, Singapour, 2010

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Page 64: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

dans la complementarite des deux systèmes et dans l'equilibre nutritif qui en decoule.

En effet, un système aquaponique permet de se passer de l'apport d'engrais grâce aux

dechets produits par l'elevage des poissons et de système de purification de l'eau de

l'elevage grâce à la filtration effectuee par les plantes. Il s'agit en realite d'une relation

symbiotique basique où les protagonistes sont les poissons et les plantes.

Principe de l'aquaponie. Source : aquaponie.com

Ce système agricole est pour le moment encore très peu utilise car encore meconnu.

C'est la firme americaine AquaRanch qui fait figure de reference dans le domaine depuis 1992

et qui developpe le plus cette methode. Elle produit de grandes quantites de legumes en tous

genres et elève simultanement un poisson d'eau douce destine à l'alimentation appele

Tilapia. La commercialisation de ses systèmes aquaponiques mais aussi de sa production

agricole ne se fait que via internet et la demande est aujourd'hui plus forte que leur offre, ce

qui temoigne de l'interêt croissant porte à l'aquaponie.

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Page 65: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Il est possible d'elever de nombreuses espèces de poissons d'eau douce en aquaponie. La

truite en est un très bon exemple.

Ferme Aquaponique Professionnelle. Photo : the survivalist

L'aquaponie est egalement très prometteuse dans son usage personnel à domicile et de

nombreux designer travaillent dejà à la rendre à la fois efficace et belle.

Système TOUCH – Photo : PureContemporary Blog.

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Page 66: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Toutes ces methodes ne constituent pas l'ensemble de ce qu'il est possible de faire

dans un contexte d'agriculture urbaine mais semblent aujourd'hui les plus utilisees et c'est

pourquoi ce sont celles-ci qui sont etudiees dans ce travail. Ces methodes peuvent être

declinees sous de nombreuses formes et appliquees à l'architecture et l'urbanisme de facon

très differentes les unes des autres. Identifier ces formes permet d'essayer de comprendre

comment integrer l'agriculture urbaine au mieux.

Synthèse des methodes de production agricoles en milieu urbain 18 :

18 Donnees issue du rapport ministeriel «La filière agricole au coeur des villes en 2030» Ministère de l'agriculture et de la pèche, France.

67

Page 67: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

2.3 Vers une relation symbiotique durable.

Ces methodes de production interessantes d'un point de vue technique et/ou dans leur

relation avec le territoire et leur milieu permettent de mettre en reliefs les differentes

specificites liees aux diverses formes urbaines qui en decoulent. Elles aident à mettre en

place differentes thematiques pouvant agir comme tout autant de leviers potentiels de

developpement urbain.

Afin de mieux situer l'efficacite specifique de chacun, ces systèmes seront questionnes en

fonction de leur echelle globale d'application. Ainsi, les systèmes à l'echelle du bâtiment

seront differencies des systèmes applicables à l'echelle urbaine.

Les systèmes à l'échelle architecturale :

• Association de la production et de la vente dans un bâtiment.

Le principe de couplage des activites de production et de vente au sein même d'un bâtiment a

pour vocation première de regrouper les fonctions agricoles et commerciales afin de reduire

les distances au maximum.

Il s'agit d'une ferme maraîchère de production intensive. Le système de construction demeure

souvent classique mais son mode d'implantation est original : elle vient recouvrir un

supermarche. Cela permet de cette manière l'association totale du lieu de production et du

lieu de vente à l'echelle de la grande distribution.

La transformation et la commercialisation de la production se fait donc sur place.

Il en decoule une hierarchisation importante au sein du bâtiment fonctionnant sur le principe

d'une chaine de production.

La plupart du temps, la production se retrouve dans les etages superieurs du bâtiment et la

vente dans les etages inferieurs car accessibles au public.

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Page 68: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ce type de fermes urbaines existe dejà dans certaines villes americaines et jouissent d'un

succès très fort.

Fonctionnant avec les collectivites locales et la vente directe, le prix plus eleve à la vente est

justifie par la proximite et la fraicheur du produit.

Par ailleurs, certaines de ses fermes permettent au public de directement visualiser ou visiter

les espaces de production ce qui rassure le consommateur.

Sky Vegetables – Berkley – USA

Projet pilote de supermarche producteur.

Il s'agit d'une initiative à vocation commerciale avant tout. Elle se base sur l'utilisation de

l'aquaponie et l'autosuffisance energetique.

Photo : Sky Vegetables

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Page 69: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Super Ferme – SOA

«Son architecture se compose de la superposition des deux programmes et de leur

mise en relation. Logiquement, le rez-de-chaussee accueille la surface commerciale et le

niveau superieur les serres agricoles qui peuvent beneficier de lumière naturelle. Il s'agit donc

de deux programmes habituellement très horizontaux qui, superposes l'un à l'autre, forment

un nouveau gabarit et un environnement interieur inedit.

Chacune des parties gagne dans son association avec l'autre. Le supermarche trouve un

eclairage naturel. L'exploitation s'emancipe des contraintes de stockage habituelles pour ne

se consacrer qu'à la production.

Le plan des deux programmes consiste à alterner des circulations qui distribuent des

rayonnages dans un cas et des sillons agricoles dans l'autre.1 »

Un des avantages de la Super Ferme est d'associer agriculture et vente sur un plan

horizontal. Cela permet dans son integration urbaine un gain de place considerable ce qui en

fait un outil très performant pour le developpement des villes à travers sa densification.

1 Description du projet par L.U.A Paris.

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Page 70: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Perspectives SAO Architecture.

D'un point de vue du paysage, celle-ci ne donne que peut à offrir vis à vis du citadins. Elle

n'apporte pas plus d'espace verre en ville du fait de la culture sous serre mais offre un cadre

tout à fait nouveau à l'interieur du bâtiment lui même. En effet, le client se retrouve à faire ses

achats au milieu d'une zone de production qui peut faire penser aux serres des jardins

botaniques et cela permet de rendre l'espace plus agreable.

Perspectives SOA Architecture

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Page 71: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Les avantages territoriaux de ces nouveaux supermarches sont nombreux, cependant,

ils ne semblent que très peu interessant d'un point de vue social et culturel. En effet, leur

vocation commerciale en fait des outils marketing d'un nouveau genre pour les differents

acteurs de la grande distribution et il est difficile d'en identifier les evolutions possibles en

dehors des objectifs de profits.

Qui plus est, ce modèle commercial pourrait s'averer dangereux pour les consommateurs car

il offre à la grande distribution une forte independance, lui permettant d'agir plus librement

sur la fluctuation des prix, les critères de qualite et la pluralite des cultures.

D'un autre cote, ce modèle permettrait une agriculture intensive de proximite tout à fait

justifiable dans un contexte de production alimentaire urbaine.

• Cultures vivrières et à but sociaux intégrées.

Ce modèle permet de faire face à la penurie du foncier en transferant les jardins ouvriers,

partages et familiaux directement au sein des bâtiments ou sur leurs toits.

Il s'agit donc de prevoir des toitures cultivables depuis l'origine du projet et d'adapter celui-ci

à la pratique agricole.

N'ayant pas de vocations commerciales, ces jardins peuvent s'integrer à n'importe quel type

d'architecture, bureaux, logements, espaces publics. Ils dependront en revanche un peu plus

de leur situation geographique. En effet, ils ont pour but de repondre à une dynamique locale

de quartier.

Leur mise en place depend en grande partie de la volonte des autorites locales et leur gestion

est souvent collective ou associative.

Les recoltes sont directement disponibles pour les utilisateurs et contribuent souvent à une

meilleure securite alimentaire. De plus, l'usage à vocation personnelle et familiale que ce soit

à visee recreative ou vivrière rend le recyclage plus performant. En effet, directement

impactes, les personnes concernees effectues un tri organique de meilleur qualite pour

ameliorer la qualite du compost et donc de la production agricole.

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Page 72: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Parfois, les surplus de production peuvent être vendus ou offerts aux plus demunis.

La production agricole n'a ici pas de reelles valeurs en terme d'innovation et de proximite

mais sa raison d'être resulte d'une volonte politique et associative de garantir la securite

alimentaire des populations defavorisees tout en permettant l'accès à la nature au plus grand

nombre. Les objectifs sont donc ici à la fois sociaux et culturels et peuvent intervenir dans

une demarche ludique et educative.

FERME SUR LES TOITS À ROMAINVILLE – SOA

Perspective – SOA Architecture

Il s'agit d'une projet de renovation d'une ancienne cite HLM situe à Romainville en

Seine Saint Denis. Une ferme urbaine vient envelopper les bâtiments existants grâce à une

structure en portique qui vient non seulement consolider l'ensemble mais egalement agrandir

les logements.

Coupes avant et après – SOA Architecture

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Page 73: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Le langage agricole est très present à travers l'image des serres mais le rythme en facade des

logements est conserve.

En lien avec la maison de l'enfance et la mediathèque, son objectif est à la fois educatif et

productif.

Plan de situation – SOA Architecture

Les trois differentes serres sont chauffees à des temperatures differentes en hiver pour

permettre la culture de legumes differents. Toutes comportent deux niveaux de culture en

hydroponie de type NFT et sont reliees entres elles par des passerelles.

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Page 74: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

L'integration d'une ferme urbaine à un projet de logement relève d'une relation symbiotique.

En effet, les plantations beneficient de la chaleur degagee par les logements et de leur

surface de toiture alors que les habitants des logements profitent directement des recoltes.

Projet ZAUM – Collectif Babylone - Hauts de Montreuil – France

L'idee est de developper un projet de toiture vivante. Il s'agit de mettre en place un système

de gestion des dechets locaux, une materiau-thèque ainsi qu'un laboratoire d'agriculture

urbaine participatif.

L'objectif est la creation d'un espace d'experimentation et de transformation de l'agriculture

urbaine au coeur des Hauts de Montreuil sur 1,5 hectare de surface.

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Page 75: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Vue aerienne – Google

Fonctionnant sur une base participative, le projet a la vocation d'initier un nouveau

mouvement collaboratif. Centre de partage, de conception, de transformation, de production

et de distribution, le projet ZAUM a pour objectif de servir la ville et ses habitants.

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Page 76: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Faisant le lien entres ressources et besoins, la valorisation des dechets locaux permet un

recyclage de qualite et utile.

Veritable espace d'apprentissage, le jardin accueillera les ecoles et familles du quartier et des

environs.

Le projet ZAUM bien qu'apportant un regard nouveau, repond toutefois à une demande locale

importante. Situee dans une zone defavorisee, l'aspect partage du jardin est important. Ici la

culture vivrière enlève toute notion economique au projet.

Repartition programmatique – Collectif Babylone

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Page 77: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Basso Cambo – AP5 – Toulouse – France

Dans le cadre d'un projet urbain autour de la station de metro Basso Cambo à

Toulouse, l'agence d'architecture AP5 s'interesse à l'agriculture urbaine à vocation sociale.

S'agissant un programme alliant bureaux et logements, l'idee est de proposer un partage de

l'espace permettant une grande flexibilite comme la mutation des transports et des modes

d'habiter urbains par exemple.

Les logements et bureaux beneficient tous de vues degagees sur les espaces cultives.

Axonometrie – Schema de Fonctionnement - AP5

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Page 78: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Tournee vers l'agriculture urbaine, la question de la nourriture et de sa production est integree

avec des solutions specifiques selon les typologies de bâtit ( sur les toits, jardins partages,

jardins privatifs, marches... ).

De cette manière, l'idee du logement est elargie à l'espace commun, y integrant les notions

de detente, de loisir, mais aussi de ravitaillement et d'agriculture.

Les espaces publics ne sont plus ici de simples espaces de circulation ou de stationnement

mais offrent la possibilite de recevoir de nombreuses pratiques aux temporalites variables.

Schema de fonctionnement - AP5

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Page 79: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ici, l'architecture est directement impactee par la strategie mise en place au regard de

l'espace public. Ainsi, fonctionnant sur la base d'ilots ouverts, les bâtiments sont imagines de

facon à rendre l'agriculture plus facile tout en permettant une pluralite des methodes de

culture.

• Les fermes Verticales

Dans l'imaginaire collectif, l'agriculture urbaine est très souvent associee à la notion

de ferme verticale. Et pour cause, aux aspects de science fiction, son integration dans la

densite urbaine forte, son aspiration à l'autosuffisance alimentaire de villes entières et sa

vocation economique en font un objet presque utopique.

Ces projets de grande echelle architecturale denoncent l'agriculture classique comme etant

une pratique polluante, et donc nefaste vis à vis de la nature.

Ces tours s'inscrivent dans un paysage urbain dense, sur un plan vertical et impactent

fortement le territoire à la fois immediat et lointain.

Les fermes verticales, comme la plupart des projets d'agriculture urbaine, peuvent participer

au recyclage des dechets organiques mais aussi à la reutilisation des eaux usees dites grises.

En effet, de par leur mega-structure, celles-ci peuvent integrer de reelles centrales de

transformation et valorisation des dechets.

La recuperation des eaux de pluies est egalement utilisee.

Les fermes verticales ont vocation à nourrir les habitants de la ville, et une tour doit pouvoir

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Page 80: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

subvenir par elle même à une aire urbaine peuplee de 50 000 personnes d'un point de vue

alimentaire, et donc être à même de produire 2200 calories alimentaires par personne et par

jour.

Ce très fort rendement est rendu possible par le fonctionnement jour et nuit des tours.

En effet, ces projets se basent sur les techniques de cultures hydroponiques et aquaponiques

associees à des eclairages artificiels permettant la culture, et ce même pendant la nuit.

La conception de ces tours tient compte du rendement potentiel maximum et les formes

architecturales qui en decoulent sont dans la plupart des cas liees aux notions

d'ensoleillement maximum et specifiques aux techniques de culture.

L'architecture se retrouve donc au service de l'agriculture.

Schema de Principe d'une Ferme Verticale.

De plus, de part leur nature, ces tours sont très gourmandes en energies et la

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Page 81: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

conception architecturale doit, dès l'origine du projet, en tenir compte. Les facades sont très

souvent composees d'une double peau et intègrent des systèmes de production d'energie

qu'ils soient solaires ou ventiles ( photovoltaïque, eolienne, etc. ).

Un des autres avantages des fermes verticales est que celles-ci peuvent egalement integrer

de l'elevage animal, des espaces de transformation de la production, du conditionnement

mais aussi de la vente elle même. Il s'agit au sein de ces tours de mettre en place une filière

agricole complète.

Si toutefois l'agriculture verticale semble une solution ideale, celle-ci se heurte à une

contrainte de taille, son coût.

En effet, le coût de construction et d'entretiens de telles structures est colossal et constitue

un reel frein à la realisation de ces mega-structures.

Cela pose egalement des problèmes d'ethiques. Car seules les très grandes entreprises agro-

alimentaires auraient les moyens de financer la construction de telles fermes et

beneficieraient du même coup d'un monopole sans precedents.

Une des solutions serait de rendre ces structures d'etat. L'etat financerait la construction de

celles-ci et pourrait louer les espaces à de petits agriculteurs.

Il existe egalement des risques au qui sont au delà des considerations agricoles et

sanitaires. En effet, si elles concentrent l'ensemble de la production alimentaire d'une ville,

ces tours deviendraient des cibles de choix en cas de guerres ou d'attaques terroristes. Le

moindre incident technique pourrait egalement avoir des consequences dramatiques sur

toute la population. Une simple contamination des cultures pourrait egalement infecter toute

une ville. Ainsi, ces structures devront beneficier d'une très forte protection pour garantir la

securite de la production.

Aujourd'hui, ces projets de fermes verticales semblent interesser les architectes et les

ingenieurs ainsi que les eventuels investisseurs mais n'aboutissent pour l'instant que très

peu .

Il existe cependant quelques projets test à travers le monde. C'est le cas par exemple du

projet developpe par l'agence Kono Design, qui intègre à un immeuble de bureau une ferme

verticale et un laboratoire de recherche dedie à l'agriculture urbaine.

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Page 82: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Au delà de la production agricole elle même, c'est aussi pour ses valeurs

therapeutiques que l'agriculture est ici utilisee. Situee dans l'immense ville de Tokyo au

Japon, les jardins agricoles integres aux espaces de travail permettent d'offrir un cadre de

nature ressourcant aux employes de la firme Pasona.

Ils beneficient de legumes et de fruits frais toute l'annee mais egalement de la verdure et d'un

cadre apaisant pour travailler.

Photos Agence Kono Designs

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Page 83: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Cela dit, les autorites politiques commencent à prendre conscience de la necessite de telles

installations dans les aires urbaines. C'est ainsi que certains projets à la fois urbains et

architecturaux sont lances avec des objectifs d'autosuffisance alimentaire.

Plantagon's Vertical Farm - Plantagon – Linkoping - Suède

Perspective - Plantagon

C'est aujourd'hui la plus grande ferme verticale en construction.

Concue sur une base universelle capable d'être integree à n'importe qu'elle ville, son insertion

urbaine s'adapte aux conditions d'eclairage naturel.

Le bâtiment se structure autour d'une rampe helicoïdale developpee sur la base de trois

facteurs d'optimisation :

– minimiser la consommation d'eau

– reduire les besoins en eclairages artificiels

– faciliter l'exploitation des cultures.

Le rez de chaussee de la tour abrite l'espace dedie au processus d'industrialisation de la

production tandis qu'une colonne de beton structurant l'edifice abrite les circulations

verticales et les services agricoles et de maintenance.

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Page 84: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

La facade fonctionne en double peau. Celle-ci est modulaire et permet à la fois une

insonorisation et de meilleures performances thermiques.

Detail Facade - Plantagon

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Page 85: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Perspective Interieure - Plantagon

Le design de la rampe est intimement lie à la methode de culture selectionnee. En effet, la

technique de culture hydroponique en NFT necessite une pente douce, et la prise en compte

de ce paramètre dans la conception architecturale permet une optimisation du système.

La Tour Vivante – SOA – Nantes - France

Perspective – SOA Architecure

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Page 86: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

La Tour Vivante est une ferme verticale au programme mixte. Elle intègre à la fois des

bureaux et des logements tout en accueillant une exploitation agricole.

Ce sont ici les echanges entre lieu de production et espace de vie qui genèrent l'essence du

projet.

Les programmes s'adaptent ainsi les uns aux autres. Les logements permettent l'integration

des surfaces agricoles et l'exploitation agricole permet le recyclage des dechets locaux tout

en nourrissant les habitants.

La tour offre une surface agricole totale de 7000m2 developpe de facon lineaire et continue

sur une rampe longue de 875m.

Elle mesure 112m de haut et est constituee de 30 etages. L'opposition entre pleins et vides

permet de repondre aux exigences de confort, d'isolation thermique, acoustique,

d'ensoleillement et de vis à vis.

La structure de la tour s'organise autour d'un noyau central en beton qui reprend la totalite

des charges et des efforts, tandis que le reste de la tour est developpe avec des materiaux

legers.

Le noyau central accueille les circulations verticales mais aussi la totalite des locaux

techniques et espaces humides.

Coupe – SOA Architecure

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Page 87: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

L'ensemble de l'edifice est alimente en electricite par deux grandes eoliennes situees au

sommet de la tour. Elles permettent d'alimenter à la fois les espaces de vie et les espaces

agricoles.

Les echanges thermiques double flux entre les logements et les serres permettent dans un

même temps une regulation thermique plus naturelle et donc plus durable d'un point de vue

environnemental.

La Tour Vivante s'apparente de l'exterieure à une tour classique. De par sa nature, elle semble

restreinte aux zones urbaines très dense et de grande hauteur. Pourtant, le principe

architectural propose pourrait potentiellement se decliner : entrelacement, juxtaposition,

etirement, etc.

Plan de situation – SOA Architecture

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Page 88: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

L'usage pluriel de la tour la rend egalement plus facile à accepter du grand public,

celle-ci semble plus vivante qu'une ferme verticale classique qui a tendance à effrayer les

riverains. Son acceptation sociale semble ainsi simplifiee.

Perspective Interieure – SOA Architecture

Ce qui fait la particularite de la Tour Vivante, c'est sans doute qu'elle ne met pas en avant sa

fonction agricole. De l'exterieur, celle-ci ressemble à un immeuble normal et seules les vues

interieures beneficient du paysage agricole.

Plans de niveaux – Logements – bureaux. SOA Architecture

Les cultures developpees le long d'une seule et même rampe peuvent être separees et

cultivables par differents agriculteurs. De plus, l'accès possible à chaque niveau ainsi que la

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Page 89: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

mise en commun de l'eau, des locaux et de l'energie permet la mise en place d'une

cooperative.

La proximite entre les cultivateurs et les habitants serait telle que les echanges pourraient se

passer de vente directe, les habitants financant l'exploitation en payant un loyer. En retour il

pourraient recevoir des denrees alimentaires. Cela se passerait ainsi de transport,

d'intermediaire mais aussi de point de vente.

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Page 90: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Tableau de Synthèse : Les Systèmes d'agriculture urbaine à l'echelle Architecturale :

Ces projets d'agriculture urbaine à l'echelle architecturale offrent une grande variete

d'avantages et d'inconvenients. Certains ont des objectifs sociaux alors que d'autres n'ont

que des objectifs economiques. Cela dit, ils constituent tous un pas en avant dans le

developpement de nos villes tout en considerant la question agricole et contribuent à

l'hybridation des territoires agricoles et urbains.

S'ils ne representent pas la totalite des systèmes architecturaux existants, ils sont, dans le

cadre de ce travail, les plus pertinents.

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Page 91: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Les systèmes à l'échelle urbaine :

• Des Jardins en Ville

Ces jardins urbains peuvent être de differents types, partages, familiaux, ouvriers ou

même communautaires.

Ils repondent globalement aux besoins urbains, sociaux et alimentaires à la fois.

Ce sont des lieux pedagogiques qui permettent le maintien d'un lien social mais aussi des

espaces qui sont souvent à usages recreatifs.

Permettant une resilience de la nature dans les villes, ces jardins offrent un nouveau paysage

urbain aux citadins et temoignent de leur «besoin de nature» croissant.

S'ils sont parties integrante de la ville depuis ses origines, ces jardins aujourd'hui presque

disparus de nos metropoles ont joues un rôle vital durant la deuxième Guerre Mondiale,

demontrant alors leur efficacite en cas de crise majeure.

Très repandus aux Etats-Unis, ils sont particulièrement frequentes par les communautes

immigrantes. La plupart du temps, ces jardins resultent d'initiatives individuelles ou

collectives mais rarement officielles et d'une volonte de reconquête des espaces urbains

sous-exploites.

Si la production agricole est avant tout vivrière et recreative, elle est parfois vendue afin de

permettre aux plus demunis de survivre.

Leur mise en place et leur maintient depend beaucoup des volontes politiques locales. Ainsi,

s'ils sont parfois mis en place par les collectivites, leur statut demeure très souvent associatif

et peu de lois les encadrent.

L'interêt urbain de ces jardins est sous-estime. En effet, aujourd'hui l'interêt est porte aux

projets de parcs quand il s'agit de rendre les villes vertes, or «L'agriculture est maintenant

consideree comme une forme de gestion de l'espace au même titre que la forêt et le parc.2».

2 Pierre Donadieu, «De l'agriculture peri-urbaine à l'agriculture urbaine », Le Courrier de l'environnement de l'INRA n°31, 1997

92

Page 92: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Agrocité – R Urban – Colombes -France

Vue Perspective - R-Urban

Agrocite est une sous-partie d'un vaste projet urbain appele R-Urban dans la ville de

Colombes. Concu pour alimenter et soutenir les initiatives locales d'agriculture urbaine, le

projet d'Agrocite se decompose en trois parties :

– un espace dedie aux activites en relation avec l'agriculture et la nature

– un espace dedie aux activites d'agriculture urbaine civique

– un laboratoire agricole specialise dans la production agricole organique et intensive

93

Page 93: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ces espaces complementaires se partagent des parcelles cultivables où sont reunis une

ferme experimentale d'agriculture urbaine, un jardin partage pour les habitants du quartier,

un jardin pedagogique, une serre partagee, des equipements de recuperation d'eau de pluie,

de production d'energie solaire et de biogaz, des cultures aquaponiques ainsi que des circuits

courts agricoles.

Le projet inclus egalement une bibliothèque de graines, un marche, un cafe associatif et un

four à pain collectif.

Repartition Programmatique - R-Urban

Les objectifs du projet sont de proposer une serie d'activites urbaines ( habitat, travail,

mobilite, agriculture urbaine ) en utilisant des terrains urbains et ruraux de manière reversible.

L'idee du projet etant de depasser les crises actuelles et futures ( climatiques, economiques,

demographiques, energetiques et alimentaires ).

La reussite du projet depend majoritairement de l'investissement des habitants du quartier,

des pratiques collaboratives et des reseaux de solidarite.

Le projet R-Urban beneficie du soutient de l'Union Europeenne grâce au programme Life+ de

gouvernance environnementale. De plus, la ville est partenaire du projet et de nombreux

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Page 94: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

sponsors issus du secteur prive ont permis sa realisation.

La reussite du projet a permis de faire naitre un reseau de partenaires à une plus grande

echelle incluant d'autres villes francaises mais aussi des villes en Belgique, Espagne,

Roumanie, Allemagne ainsi qu'au Royaume-Uni qui s'inspirent de la strategie R-Urban.

Agrocite – Photo R-Urban

Coupe du Principe de Fonctionnement- R-Urban

Integration Urbaine - R-Urban

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Page 95: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

L'impact du projet d'Agrocite se situe à une echelle urbaine car il concerne un quartier entier

de la ville mais ses relations avec d'autres pôles agricoles urbains lui permet d'avoir un

impact plus large sur le plan national et international.

Cultivate L.A – Los Angeles – États-Unis

Vue Aerienne d'un jardin partagee à Los Angeles - Photo Uncube magazine

Le projet Cultivate L.A. resulte d'une volonte politique locale d'integration de l'agriculture à

l'espace urbain.

La ville de Los Angeles constitue la caricature de l'etalement urbain et de la perte du lien avec

la nature. Large de 40km et longue de 100km, il devient difficile pour les habitant d'avoir accès

à la nature. De plus, peu d'espaces urbains sont dedies aux espaces verts et la ville souffre

aujourd'hui des consequences liees à cette artificialisation.

Afin de repondre à cette forte demande, les autorites locales ont decide de mettre en place

un très vaste projet urbain nomme Cultivate Los Angeles.

Decoupe en plusieurs phases reparties sur plusieurs decennies.

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Page 96: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

La première phase constitue un programme de recherche destine à evaluer l'etat de

l'agriculture urbaine dans le conte de Los Angeles aujourd'hui.

Le rapport ainsi produit vise à fournir une comprehension globale et territoriale de l'agriculture

urbaine existante afin de pouvoir mettre en place des strategies de developpement.

L'equipe de chercheurs issus du departement d'urbanisme de l'universite de Californie ont

realises une etude empirique des principaux secteurs de l'agriculture urbaine.

Pour ce faire, l'equipe de chercheurs a contacte plus de 3000 sites d'agriculture urbaine afin

de pouvoir en questionner les fonctionnements pour permettre de proposer une strategie

territoriale d'optimisation de l'agriculture urbaine.

Cela passe par la redaction d'une legislation sur l'utilisation des terres dediees à l'agriculture

urbaine, une etude de la repartition spatiale de celle-ci à travers la geographie mais aussi à

travers les flux et les echanges de fonctionnalites.

Cartographie des Sites D'agriculture Urbaine etudies dans le Conte de Los Angeles

Ce rapport devrait permettre de faciliter l'integration de l'agriculture urbaine sur tout le

territoire mais aussi d'identifier et de mettre en relation des initiatives locales isolees afin de

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Page 97: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

les raccorder à un reseau plus large de distribution de la production et de la valorisation des

exploitations.

Valorisation des espaces inconstructibles sous les lignes haute tension. Photo Google Maps et California Agriculture

L'etude s'interesse particulièrement aux relations qui pourraient être entretenues avec les

ecoles primaires et collèges dans une visee pedagogique de sensibilisation.

De plus, par l'analyse des typologies existante, l'etude permettra de realiser une cartographie

de preservation de certaines friches urbaines pour l'agriculture.

Transformation d'un ancien parking en jardin pedagogique pour enfants.

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Page 98: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Il ressort de cette etude differentes constatations :

– les definitions des activites d'agriculture urbaine varient selon les villes. De plus, les

elevages sont egalement varies : poules, oies, canards, pigeons...

– les reglementations en vigueur ne sont pas uniquement liees aux notions de zonage,

44% des reglementations appliquees sont issues des reglementations sanitaires, de

nuisances mais aussi de securite.

– L'elevage de volaille est l'activite agricole la plus fortement reglementee. Seulement

75 villes permettent ce type d'elevage sous certaines conditions alors que 27

l'interdisent explicitement.

– Toutes les planifications urbaines ont pour obligation d'integrer un facteur de

developpement durable mais l'agriculture urbaine n'est pas valorisee ou requise.

– Sur les 88 villes etudies dans le comte, 33% seulement ont cartographie les zones

agricoles. Ces villes sont nettement moins denses que les autres.

Ainsi, les chercheurs urbanistes ont pus etablir un certain nombre de recommandations :

– les villes devraient adopter des definitions universelles pour les activites d'agriculture

urbaine.

– Les zones où les elevages et la culture sont legales devraient être cartographiees et

listees.

– Necessite d'identifier les pratiques agricoles les plus benefiques afin de reviser les

legislations en vigueur dans les villes et de mieux promouvoir l'agriculture urbaine à

travers des projets locaux.

Le projet Cultivate LA constitue plus une base de travail permettant la mise en place d'une

strategie territoriale qu'autre chose, mais celui-ci temoigne d'une reponse politique à une

volonte citadine et d'une prise de conscience globale des autorites et des habitants.

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Page 99: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

• Les Ceintures Vertes

Elles ont vocation à maintenir un paysage rural en bordure de la ville.

De natures très differentes selon les situations, ces ceintures vertes ont cinq objectifs precis :

– offrir un cadre rural distinctif et symbolique

– servir de cadre à des activites publiques dans un environnement naturel

– preserver les ecosystèmes naturels

– assurer la viabilite des formes agricoles et des forêts.

– Fournir de grands espaces verts aux etablissements qui contribuent ou beneficient de

la ceinture verte.

Ceinture Verte de La ville de Lyon – Source GeoConfluence

Elles permettent le maintient d'une agriculture patrimoniale traditionnelle aux abords de la

ville, ce qui renforce l'identite locale tout en permettant un developpement durable à la ville.

Les surfaces agricoles peuvent être louees par la ville aux agriculteurs et la production

permet d'alimenter le marche local.

Etroitement liee avec la ville, elle sert egalement à faire avancer la recherche car les champs

sont proches des laboratoires.

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Page 100: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

De plus, elle peut proposer des parcours recreatifs, des randonnees et même des parcours

educatifs.

Elle permet dans tous les cas de retablir un lien avec la nature car celle-ci peut egalement

heberger des forêts et des espaces de sauvegarde de la biodiversite.

Ceinture Verte de Tripoli – Libye

Master Plan – Source Tripoli Green Belt

Elle a pour objectif de venir separer la première couronne urbaine de la deuxième.

Ainsi, elle ne delimite pas vraiment la ville mais offre un accès direct à la nature aux citadins.

Elle permet une très forte resilience de la nature.

L'idee ambitieuse d'une ceinture verte de 700 hectares est une grande opportunite pour Tripoli

d'etablir un fort impact ecologique et culturel sur la ville tout en promouvant une action de

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Page 101: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

developpement durable.

Vue Perspective – Source Tripoli Green Belt

L'arc d'espaces verts est constitue d'une serie d'ecosystèmes qui guident la transformation

des differents secteurs urbains.

Vue Perspective – Source Tripoli Green Belt

Le projet inclus egalement la realisation de differents projets architecturaux publics.

Il existe aujourd'hui de nombreuses villes qui intègrent une ceinture verte, c'est par

exemple le cas de la ville de Londres, precurseur en la matière, mais aussi de nombreuses

villes britanniques.

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Page 102: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ceintures Vertes Britanniques – Source Crown

• Les parcs Agricoles

Ces parcs urbains d'un nouveau genre permettent de stabiliser le foncier et incitent les

agriculteurs à penser de manière collective une agriculture multifonctionnelle et innovante.

Les agriculteurs sont au coeur de ces projets et en constituent le principal moteur.

S'ils constituent une nouvelle strategie d'amenagement des espaces urbains, ils disposent

egalement d'interêts paysagers forts et permettent le maintient d'une biodiversite tout en

etant efficaces faces aux risques d'inondations.

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Page 103: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ces parcs agricoles permettent dans un second temps de remunerer des agriculteurs

pour leur participation active à la preservation du patrimoine naturel et agricole et d'un

paysage traditionnel. Ils mettent donc en valeur les services rendus à la ville à travers les

differents types d'agricultures qui ne sont pas forcement toutes intensives.

La promotion des produits regionaux à travers leur culture renforce l'identite locale du

territoire et des agglomerations hebergeant ces parcs.

Ces parcs ont une vocation plus culturelle que productive. En effet, accessibles au public, la

sensibilisation des populations permet de renouer le dialogue entre citadins et agriculteurs.

De plus, une prise de conscience est souvent constatee chez les citadins, acheter local c'est

finalement creer de l'emploi localement. La promotion des produits locaux peut egalement se

faire à travers la taxations des produits importes, ou en detaxant les denrees alimentaires

issues de la production locale, facilitant ainsi leur vente.

Parc Dondaines – SOA – Lille - France

Perspective Vue d'oiseau – SOA Architecture

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Page 104: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Le parc des Dondaines est compose d'un programme mixte destine à differents

publics. À la fois parc agricole et ferme pedagogique, il accueille egalement un espace

culturel et des espaces de sports et de jeux.

Projet avant tout ludo-educatif, les serres situees au centre mettent en scène une sorte de

chaine alimentaire, où espaces de production de fruits et legumes sont libres d'accès. Le

public est ainsi associe aux agriculteurs. On y retrouve egalement des espaces de

restauration, et des espaces de decouverte ( espaces pedagogiques, espaces de formations,

d'expositions, d'experimentation... ).

Perspective interieure – SOA Architecture

La forme simple du bâtiment resulte de la volonte de simplifier son usage.

Ce parc agricole trouve sa legitimite dans son engagement social s'inscrivant dans l'echange

direct avec la population locale.

Les techniques agricoles sont de type traditionnelles, en terre, et respectueuses de

l'environnement afin de preserver une bonne image vis à vis des citadins.

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Page 105: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

L'eau habituellement perdue après l'arrosage dans les cultures en terre est ici recuperee afin

d'être recyclee.

La plus grande partie du bâtiment est constitue d'une halle de marche couverte et ouverte sur

le parc. Elle permet la vente de la production mais peut egalement accueillir des evenements

culturels.

7 Parcs Agricoles à Dongguan - Chine

La Chine porte un interêt important à la question des parcs agricoles, soucieuse de mettre à

profit ses grandes reserves foncières.

Ainsi, l'etat à decide en 2009 de la creation de sept parcs agricoles contemporains autour de

la ville de Dongguan dans la province du Guangdong afin d'accompagner la transition

agricole urbaine tout en ameliorant les conditions de vie des agriculteurs locaux.

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Page 106: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

La ville riche de 8 millions d'habitants a subit une croissance très rapide et à vite consomme

les espaces agricoles peri-urbains. La necessite de ces parcs se faisait donc sentir.

La construction de ces parcs s'accompagne de l'amelioration des infrastructures agricoles et

de l'optimisation de la structure agricole locale.

Les sept parc agricoles sont configures pour une integration efficace au sein des differents

cantons de la ville, à savoir Zhongtang, Liaobu, Dongkeng, Qiaotou, Qingxi et Dalang.

Agriculture urbaine locale – Photo Stephen Woolverton

Master Plan – Ville de Dongguan

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Page 107: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

L'agriculture ecologique permettrait de developper un tourisme agricole.

L'ensemble du projet est entièrement finance par l'etat, et les exploitations couvrant plus de

100 hectares permettront l'alimentation d'une grande partie de la ville.

Ces parcs feront figure de test pour le reste de la Chine et pourront à terme servir d'exemple

pour l'integration d'autres parcs en Asie.

Culture de Coton ecologique – Parc Agricole – Ville de Dongguan

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Page 108: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Parc Agricole Baix Llobregat – Barcelone – Espagne

Vue Aerienne du parc – Source viatgepercatalunya

Situe proche de l'aeroport de Barcelone, le parc agricole Baix Llobregat accueil 2900

hectares de cultures et d'elevage. La production approvisionne aujourd'hui les marches

locaux en produits frais.

Le parc est ne dans les annees 1990 alors que la pression urbaine etait au plus fort. Le maire

de l'epoque s'est alors associe avec les divers syndicats agricoles et la chambre de

commerce afin de mener à bien le projet.

Il s'agit donc d'une initiative des autorites locale.

Cependant, la gestion du parc est entièrement organisee par les agriculteurs.

La direction est assuree par un consortium representatif des 600 exploitations agricoles

employant plus de 1200 agriculteurs.

Promenade du parc – Photo Battle i Roig

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Page 109: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Il siège au sein d'un centre d'information accessible au public construit au milieu du parc et

propose des activites educatives et des programmes ludiques. Tout autour, les cultures sont

consacrees à l'experimentation horticole.

Plan Masse du Parc – Ville de Barcelone

Le parc est en relation avec des laboratoires de recherche mais aussi avec les

universites de Barcelone en vue d'ameliorer les techniques de production.

Toujours dans un soucis d'identite locale, le consortium a cree un label local appele

«Producto FRESCO del Parque Agrarion» qui permet d'assurer une meilleure vente de ses

produits.

Le consortium est totalement libre à l'interieur des limites administratives du parc et peut

proposer la mise en place de nouvelles infrastructures. Il n'est soumis qu'à l'application du

plan de strategie agricole de la ville de Barcelone dont les objectifs sont de favoriser le

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Page 110: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

developpement des systèmes de production et de consolider le patrimoine culturel, naturel

et environnemental.

Le concept de parc agricole est un bon moyen de proteger et de developper

l'agriculture dans les espaces urbains et peri-urbain.

Il permet de stabiliser le foncier tout en offrant aux agriculteur une chance d'être les acteurs

du developpement de l'agriculture urbaine.

• Larges Plans Urbain

S'il s'agit plus d'un outil de l'urbaniste, les plans urbains à une large echelle permettent

l'integration de l'agriculture urbaine dans une relation symbiotique avec la ville. Toujours

concus sur des echelles de temps plus grandes, ces larges plans urbains se projettent dans

un futur plus ou moins proche, souvent situes aux horizons de 2050 ou 2100.

Lies à une forte notion de science fiction, ils permettent pourtant de reflechir au devenir des

grandes metropoles tout en les adaptants aux besoins futurs.

Parfois, ce sont des projets architecturaux qui sont developpes au sein de ces larges plans

urbains et en font donc partie integrante.

Ces projets d'envergures sont au coeur de la construction des villes de demain.

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Page 111: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

TERREFORM NY 2106 – New York - USA

Perspective – Source Terreform

Imagine pendant plus de six ans par les equipes de Terreform, le projet NY 2106

constitue l'aboutissement d'une version de New York completement autosuffisante, à même

de creer sa propre nourriture mais aussi toute l'energie necessaire à son fonctionnement, le

tout sans depasser les limites de la ville.

Master Plan - TerreForm

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Page 112: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

L'idee cle derrière ce projet est de creer une societe durable en appliquant l'autarcie,

un concept politique qui decrit un système complètement ferme.

Ce système resonne bien avec beaucoup de notions etablies de la durabilite qui exigent

souvent des boucles fermees ou des influences exterieures minimales.

Après avoir defini les limites, la première etape etait de definir comment une ville comme

New York pourrait être adaptee afin de pouvoir nourrir ses 8,5 millions d'habitants.

En utilisant une variete de fermes verticales, et recuperant les rues et friches urbaines,

Terreform a calcule qu'il serait techniquement possible de produire 2 500 calories par

personne et par jour. Combine avec un reseau de distribution sophistique, cela permettrait de

nourrir les citadins.

Distribution Programmatique - Terreform

Une strategie de changement aussi importante apporte evidemment des

inconvenients.

Ainsi, la première version du projet necessitait l'implantation de 25 centrales nucleaires pour

produire l'energie necessaire à la production alimentaire.

L'idee n'etait pas de rendre le projet realiste mais bel et bien d'etudier les limites d'un projet

d'autosuffisance afin de mieux en identifier les contraintes.

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Page 113: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Maquette de concept du Projet - Terreform

En realite, ce travail permet de repousser les limites du faisable afin de montrer à quel point

l'environnement urbain serait à même de changer dans le combat contre la faim.

N'ayant pas vocation à être realise, le projet TerreForm NY 2106 nous permet d'envisager un

futur ou les villes seraient autosuffisantes.

Vue de rue – Terreform

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Page 114: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

HYDRONET SF2108 – Iwamoto Scott – San Francisco - USA

Perspective Vue d'oiseau - IwamotoScott

C'est dans l'idee que les villes du futur devront être encore plus autonomes et

interconnectees qu'est ne le projet Hydronet SF2018.

Developpe par l'agence Iwamoto Scott, le projet urbain à vocation d'empêcher l'etalement

urbain tout en permettant de doubler la population. Pour ce faire, la ville beneficierait d'une

infrastructure capable de recueillir et distribuer l'eau, l'energie, le carburant, la nourriture

mais aussi de permettre le transport des citadins.

Fermes Verticales d'aguaculture – Iwamoto Scott

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Page 115: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

À la croisee des echelles, le projet Hydronet organise les flux de la ville d'un point de vue

urbain et architectural.

Base sur la construction de fermes aquifère verticales, la culture d'algue permettrait la

production d'un carburant naturel et une production alimentaire d'un genre nouveau.

Master Plan – Iwamoto Scott

Europa City – BIG – Paris - France

Perspective vue d'oiseau – BIG

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Page 116: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Developpe par l'agence danoise BIG, Europa City est un immense centre culturel recreatif de

800 000m2.

Cet immense projet hybride projette la volonte de s'ouvrir sur un paysage agricole et urbain à

la fois.

Situe près de l'aeroport Charles de Gaule à Paris, il dispose d'un très large eventail

programmatique destine faire venir le tourisme dans les quartiers nord de la ville.

Perspective - BIG

Le projet est surmonte d'une très vaste toiture vegetalisee qui accueillera agriculture urbaine

mais aussi activites de loisirs et promenades ainsi qu'un golf.

Le centre culturel accueillera quand à lui de nombreuses places, des magasins, un parc

d'attraction, des cinemas et même une piste de ski artificielle.

La surface gigantesque du projet necessite la mise en place d'un transport en commun

interne relie aux reseaux de Paris.

Bâtiment hybride par excellence, Europa City questionne les notions de densite et d'espaces

ouverts.

Les circulations s'organisent à l'image des rues des faubourgs parisiens selon les

concepteurs.

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Page 117: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Schema de circulation - BIG

Si cet enorme projet semble releve de la science fiction, le debut de sa construction est

pourtant prevu pour 2017.

L'integration de l'agriculture urbaine semble ici prise en compte sans pour autant être

justifiee. En effet, celle-ci semble anecdotique comparee à la superficie du projet mais rend

compte d'une nouvelle forme d'architecture de plus en plus representee dans les concours.

Et pour preuve, la quasi totalite des projets presentes integraient de l'agriculture urbaine.

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Page 118: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Tableau de Synthèse des Systèmes à echelle urbaine :

Il ressort de l'etude des systèmes à l'echelle urbaine que ce sont souvent des

initiatives dont l'origine est associee aux autorites politiques. En effet, de part leurs ampleurs,

elles modifient le territoire urbain de facon durable et necessitent des reflexions sur le long

terme, engageant des financements publics.

Dans la plupart des cas, leur realisation semble freinee par les legislations en vigueur et par

des changements radicaux dont la mise en oeuvre semble difficile.

Pourtant, la multiplicite des etudes temoigne d'une reelle motivation de la part des politiques

locales. Au vue des prospectives environnementales et alimentaires, ces solutions semblent

plus que necessaires à la survie des espaces urbains et reflètent finalement un futur dejà

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Page 119: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

trace.

Quoi qu'il en soit, l'etude des differents systèmes permet de se rendre compte de

thematiques precises. En effet, qu'ils soient à l'echelle urbaine ou architecturale, les

systèmes mis en place ou faisant l'objet de reflexions tendent à s'accorder sur certains

points.

Ainsi, l'ensemble des projets est imagine avec seulement trois grands fils directeurs :

– la fonction sociale

– la fonction commerciale

– la fonction environnementale

Ces thematiques sont surtout presentes à travers les usages constates et les objectifs

annonces des projets.

Si ces thematiques dependent de la volonte des acteurs à l'initiative du projet, il est

surprenant de constater qu'elles peuvent être appliquees sans reelles prises en compte des

systèmes urbains et architecturaux.

Qui plus est, cette etude permet de demontrer qu'il semble difficile d'imaginer un projet

d'agriculture urbaine qui exclurait une de ces trois thematiques. En effet, si elles ne sont pas

toutes representees au même niveau dans les projets, celles-ci semblent toujours presentes.

Il suffit de prendre l'exemple presque caricatural de la ferme verticale, objet à vocation

extrêmement commercial, pour se rendre compte que celle-ci constitue une demarche de

developpement durable. La Tour vivante de SOA associe egalement du logement au

programme, offrant ainsi une reelle fonction sociale à l'edifice.

Cependant, force est de constater que chaque système permet d'exploiter une thematique,

ou plusieurs, de manière plus approfondie que les autres. Ainsi, un projet urbain de grande

envergure n'abordera pas l'aspect environnemental de la même facon que le fait un simple

jardin partage.

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Page 120: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

PARTIR III : La ville agricole121

Page 121: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Si l'etude des differents systèmes a permis de mettre en relief trois thematiques de

l'agriculture urbaine, il faut savoir qu'une seule d'entre elles constitue un frein à l'hybridation

des territoires agricoles et urbains.

En effet, la plupart des acteurs concernes semblent en accord avec les fonctions

environnementales et sociales de l'agriculture urbaine. Cela dit, dans le contexte economique

actuel, peu d'entre eux semblent faire confiance à sa fonction commerciale, et peu sont ceux

prenant le risque de tenter l'experience.

Ainsi, l'integration de l'agriculture dans les villes semble mise à mal par un seul facteur: son

coût.

Il suffit de regarder l'evolution du pourcentage de la part reservee au secteur de l'agriculture

dans l'aide publique au developpement accorde par l'ONU pour s'en rendre compte. Si celle-ci

etait de 18% en 1979, elle n'etait dejà plus que de 3,5% en 20051.

Pourtant, si la question de l'agriculture urbaine a ete relegue au second plan par la crise

economique, elle demeure en tête des preoccupations des gouvernements soucieux de

garantir leur securite alimentaire.

La première partie de ce travail tendait à demontrer les limites du liberalisme applique

à l'agriculture tandis que la deuxième partie cherchait à definir et analyser l'agriculture

urbaine et son potentiel dans le developpement des villes. Ainsi, la première partie

s'apparente quelque peu à l'enonce d'un problème alors que la deuxième partie propose une

solution. C'est donc en toute logique que la troisième partie de cette etude tentera d'etablir

des outils utiles dans l'application de cette solution.

1 Chiffres d'après les donnees de l'OCDE

122

Page 122: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

3.1 Une viabilité économique durable.

Au delà de considerer l'agriculture urbaine comme une necessite, l'idee ici est de

demontrer sa viabilite economique.

Car en effet, alors qu'il s'agit souvent de la preoccupation première des investisseurs, le sujet

semble pourtant delicat en France, où melanger rapport sociaux et business semble encore

difficile.

C'est bien simple, au cours des recherches effectuees pour ce travail, aucune etude dediee au

système economique de l'agriculture urbaine n'a ete trouvee. Ainsi, cette partie reposera

essentiellement sur des etudes americaines, pays où tout est considere comme source

potentielle de profits.

L'interêt de ce travail reside dans l'origine des financements des projets agricoles urbains.

En effet, aussi bonnes que soient les volontes politiques, l'argent necessaire à

l'aboutissement des projets est manquant. Or le secteur prive permettrait, dans une relation

de partenariat où chacun y trouve son compte, de financer ces projets à la fois publics et

prives.

La question ici n'etant pas d'ordre ethique mais uniquement economique, il ne s'agira pas

d'analyser l'aspect social de l'ensemble.

Ainsi, si les preoccupations des autorites publiques sont en general d'ordre sociales et

environnementales avant tout, elles sont d'ordre economiques pour le secteur prive.

De fait, pour convaincre d'eventuels investisseurs, il faut demontrer la viabilite economique

du projet.

C'est ce qu'il sera developpe dans cette sous-partie. Afin d'identifier les differents leviers

potentiels de co-construction du territoire urbain et agricole.

Les avantages economiques lies à l'agriculture urbaine sont nombreux. S'ils dependent

egalement de la nature des projets architecturaux et urbains comme constate dans la

deuxième partie, on remarque que ce sont les objectifs souhaites qui forment la ligne

123

Page 123: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

directrice des projets.

Ainsi, le projet n'est pas le même si sa visee est completement commerciale ou

completement sociale.

Cependant, il faut comprendre ici que les avantages economiques developpes ne sont pas

reserves aux projets à vocation commerciale. Mais que, bien au contraire, ils sont presents

dans tous les projets d'agriculture urbaine, et qu'ils constituent un fort levier facilitant

l'integration de celle-ci dans tous les projets quels que soit leurs objectifs.

L'intention globale etant de vehiculer l'idee que l'agriculture urbaine ne fait pas «que» coûter

de l'argent, mais qu'elle est aussi un vecteur de developpement economique.

La commercialisation de la production constitue l'interêt economique principal. Mais

même si elle n'est pas commercialisee, la production permet de faire fonctionner l'economie

locale. En effet, dans sa fonction de securite alimentaire, elle permet aux familles de faire des

economies sur l'argent consacre à la nourriture, economies qui permettent à ces familles de

consommer plus qu'à l'ordinaire.

«L'agriculture urbaine introduit aussi une plus grande souplesse dans les sources de revenus.

En effet, les citadins peuvent, grâce à elle, se consacrer à temps partiel ou sur une base

saisonnière à des activites remuneratrices ou leur procurant des ressources en nature, sans

pour autant negliger les soins aux enfants. D'après une etude portant sur 11 pays d'Amerique

latine, l'agriculture urbaine n'est pas suffisamment rentable pour supplanter un emploi à

temps plein, mais elle offre un complement de revenu. On estime qu'une journee à une

journee et demi de travail est necessaire à une famille moyenne d'Amerique latine pour

l'entretien d'une parcelle urbaine qui lui permet d'economiser entre 10 et 30 pour cent de ses

depenses alimentaires. Ainsi, cette activite offre aux economiquement faibles une

augmentation de revenu de l'ordre de 5 à 20 pour cent.2»

De plus, la mise en place de chaines de distribution courtes permet de palier au surcoût de la

production agricole en milieu urbain.

En effet, l'absence d'intermediaires permet aux producteurs de degager de plus grandes

marges sur le prix du produit.

2 Gutman, P. "Urban agriculture: The potential and limitations of an urban selfreliance strategy." Food and Nutrition Bulletin, 1987

124

Page 124: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Aujourd'hui, plus de 90% de la vente de denrees alimentaires est realisee par seulement 2%

des magasins3.

Ainsi, encourager la commercialisation directe par le biais des chaines de distribution courtes

permettrait de favoriser une economie locale au detriment des geants de la distribution

( Carrefour, Auchan, Walmart, etc. ) dont les capitaux ne sont d'aucun interêts pour les

citadins. Acheter local, c'est favoriser la creation d'emploi dans sa ville.

Contrairement aux idees recues, les avantages economiques de sont pas seulement

associes à la vente de la production des denrees alimentaires.

En effet, les repercutions economiques sont à calculer sur le long terme, et surtout au sein

d'un champ d'action bien plus vaste.

Les avantages de l'integration de l'agriculture urbaine sont aussi, non seulement lies aux

benefices directs, lies à la realisation d'economies.

Ces economies peuvent se ressentir à differentes echelles, de celle de l'individu jusqu'à celle

nationale.

Ces economies resident par exemple dans la valorisation des dechets urbains à travers le

recyclage, mais aussi dans les economies d'energies lie aux echanges thermiques entre les

cultures et le bâtiment...

Ces benefices profitent egalement au milieu dans lequel le projet est integre. En effet,

l'agriculture urbaine est creatrice de valeurs ajoutees concernant les terrains et proprietes

avoisinantes4, permet d'accroitre les investissements exterieurs et encourage le tourisme

dans les zones concernees.

L'agriculture urbaine est egalement une bonne manière de valoriser un espace en friche de

facon non permanente dans l'attente d'une utilisation immobilière ou autre.

Enfin, l'agriculture urbaine peut jouer un rôle important dans la sante publique, qui ne

l'oublions pas, constitue un enorme centre de depenses.

3 Tara Garnett, Growing Food in the Cities – Sustains - 19964 GLA Economics, Valuing Greenness : greenspace. , House Prices and Londoner's Priorities, GLA London 2003

125

Page 125: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Ainsi, elle permet de prevenir des problèmes d'obesite et de maladies cardio-vasculaires

grâce à l'exercice prodigue par l'entretiens des cultures, tout en ameliorant la qualite des

regimes alimentaires des citadins en offrant un accès plus facile à une nourriture de qualite.

Si cela ne rapporte pas directement de benefices, cela permet en revanche de realiser de

grandes economies quand aux depenses liees au traitement des consequences d'une

mauvaise alimentation alliee à une insuffisance d'exercices physiques.

Des economies sont egalement realisables à travers la mise en place des jardins à objectifs

sociaux. En effet, des partenariats avec les ecoles permettraient à moindre coût de

developper l'enseignement des matières traditionnelles telles que la SVT ou la geographie.

De plus dans un procede de resilience et d'amelioration du cadre de vie, l'agriculture urbaine

permet de valoriser les quartiers defavorises sans pour autant engendrer de grands travaux de

rehabilitation ouvrant la porte à la gentrification.

Synthèse des avantages economiques lies à l'agriculture urbaine :

126

Page 126: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

3.2 Les leviers potentiels :

Afin de mieux comprendre le fonctionnement des leviers potentiels de developpement

des villes à travers l'agriculture urbaine, il semble interessant d'identifier dans un premier

temps ses differents acteurs.

En effet, l'agriculture urbaine constitue en soit une entite très large, qui touche à de très

nombreux corps de metiers. Ces differents acteurs evoluent et agissent dans des sphères

differentes, dont les objectifs ne sont pas toujours identiques.

Très nombreux, ils doivent pourtant agir ensemble afin de garantir la reussite du projet.

Il semblerait ainsi interessant d'etablir sinon une hierarchie, au moins un echange entre eux.

Car ces acteurs, aux objectifs divers et varies, interviennent tous dans un même processus

complexe d'integration de l'agriculture en milieu urbain.

Fort heureusement, il existe des forces structurant ce processus. Elles sont d'ordres

politiques, culturelles, legales, ideologiques et economiques.

127

Page 127: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

L'une des première etapes dans la simplification du processus serait l'uniformisation des

discours ainsi que la specialisation d'une branche.

Un methode interessante serait par exemple la creation d'un departement d'agriculture

urbaine dans les universite, relie ni à l'urbanisme ni à l'agriculture mais existant en tant que

tel, se suffisant à lui même. Certes complique à mettre en oeuvre, une première etape

pourrait consister en une specialisation possible dans le cursus universitaires des architectes,

des urbanistes et des ingenieurs agronomes.

Un autre levier potentiel reside dans l'etude et la mise en place d'une nouvelle legislation

permettant de faciliter l'integration de l'agriculture urbaine, qu'il s'agisse de lois concernant

la preservation de l'environnement ou le foncier, integrer l'agriculture urbaine dans les PLU et

SCOT constituerait un bon depart.

Par la suite, un système de taxes pourrait egalement favoriser sur le marche agricole les

productions issues de l'agriculture urbaine, et les investisseurs integrant l'agriculture à leur

projets pourraient beneficier d'avantages fiscaux.

128

Page 128: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

De plus, il semble aujourd'hui urgent de reconsiderer l'integration de l'espace agricole dans la

classification des «espaces verts» urbains. La place du paysage agricole dans les metropoles

doit être defini et trouver sa place parmi la classification des paysages urbains.

Les autorites publiques mais aussi les investisseurs pourraient aller vers des

propositions d'amenagements urbains, quartiers et eco-quartiers qui intègrent dès leurs

origines les reseaux de production et de distribution agricole locale.

Il s'agirait egalement de developper des espaces de production agricole non professionnels

qui permettraient d'ameliorer le cadre de vie des citadins à travers le developpement des

zones de jardins familiaux et partages mais aussi à travers la mise en place de plus de parcs

agricoles en limites peri-urbaines dans le cadre des ceintures vertes.

Des espaces de cultures en serres pourraient être mis à disposition des habitants par les

municipalites dans des programmes lies à des espaces agricoles fonctionnant en

cooperatives.

Ces projets agricoles doivent s'accompagner du tissage d'un reseau de distribution et

d'approvisionnement base sur la construction de halles, marches, magasins et systèmes de

ventes directes d'un genre nouveau, axes pourquoi pas sur les nouvelles technologies et les

reseaux sociaux.

À l'image des cantines des ecoles, un service public de l'alimentation pourrait être mis en

place dans les villes, valorisant des partenariats entre producteurs locaux et institutions.

Tous ces leviers potentiels servent à l'integration de l'agriculture urbaine comme outil de

developpement des villes. Pourtant, le rôle de l'architecte semble encore assez flou dans

cette revolution urbaine.

Le rôle de l'architecte ne reside pas uniquement dans la conception des projets.

Il doit agir bien en amont directement avec ses interlocuteurs. Son rôle est de sensibiliser et

d'en apprendre plus à ses clients, aux decideurs et au public, en s'appuyant sur son savoir

faire professionnel.

129

Page 129: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Les architectes et urbanistes sont, de manière trop generale, axes sur les performances

environnementales et les notions de developpement durable de leurs projets individuels, qu'il

s'agisse d'un bâtiment, d'un lotissement, d'un projet paysager ou urbain, et devraient aborder

la question sous un angle plus large.

En effet, la comprehension du cycle de la vie dans un espace urbain semble d'avantage relie à

un reseau global qu'à des initiatives individuelles.

Les professionnels du bâtiment devront adopter un système de collaboration

interdisciplinaires et des processus de travail specifiques à l'integration de l'agriculture

urbaine en fonction de son contexte mais aussi des thematiques agricoles engagees.

Il sera necessaire dans un premier temps d'adapter la conception architecturale et

urbaine aux specificites de l'agriculture urbaine, puis, dans un second temps, de developper

les notions d'habiter et d'habitat à travers une mise en scène nouvelle de l'agriculture.

Concept de ville resiliante de l'architecte Luc Schuiten

De plus, les architectes ont tout à gagner de cette transition. En effet, s'interesser à

l'agriculture urbaine constitue un bon moyen d'agrandir son champ d'expertise et permet

donc de repondre à plus de concours mais aussi de proposer des initiatives nouvelles.

130

Page 130: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

C'est l'architecte qui en proposant l'integration de l'agriculture dans le projet de ses clients

qui participe à sa democratisation et donc dans le même temps à une chute des coûts en

reponse au principe de l'offre et de la demande.

Le rôle de l'architecte et de l'urbaniste est donc essentiel au developpement de villes

agricoles.

131

Page 131: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

3.3 Des perspectives différentes :

Sur la base du travail developpe dans la deuxième partie et de la mise en evidence des

leviers de developpement des villes, il devient possible d'imaginer differentes perspectives de

la co-construction des territoires urbains et agricoles.

Les perspectives imaginees ont pour but de confronter les differentes situations potentielles

des annees 2050 d'après les donnees recoltees dans la première partie et d'après le rapport

ministeriel «La filière agricole au cœur des villes». Cet etude propose donc quatre evolutions

possibles des rapports existants entre la ville et l'agriculture. Le choix de ces scenarios est lie

aux systèmes etudies dans ce travail et ne constitue en rien une liste exhaustive.

Afin de faciliter la comprehension, les perspectives seront toutes appliquees à une seule et

même ville hypothetique d'aujourd'hui, suffisamment neutre pour servir de temoin.

Schema Ville Temoin

132

Page 132: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

• Naissance d'un partenariat entre exploitants et institutions publiques :

Après une crise energetique majeure, une hausse des prix significative des denrees

alimentaires s'est faite sentir à cause de la conservation du modèle agricole intensif.

Affectant surtout les pays en voie de developpement, certains gouvernements des pays

riches sentant une menace ont decide d'agir pour proteger leur souverainete alimentaire

nationale face au liberalisme agricole en declin.

S'etablissant à une echelle regionale, une strategie agricole est mise en place.

Basee sur la contractualisation des exploitations agricole, l'idee est de charger les autorites

locales du contrôle des cultures et de l'approvisionnement alimentaire des villes.

Ainsi, les exploitants n'ont plus le choix du type de cultures et des produits mais assurent

l'approvisionnement des villes en produits frais, à des prix fixes par des contrats.

Cela permet entre autre de stabiliser les prix sur le marche local tout en dynamisant les

espaces agricoles. Des bâtiments de services sont mis à la disposition des agriculteurs par les

communes et permettent la mise en place d'un reseau agricole local performant.

Schema Agriculture Contractualisee

133

Page 133: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Les urbanistes doivent alors trouver de nouvelles solutions pour agencer non

seulement la ville mais egalement les parcelles agricoles. Le type de culture doit dependre de

la proximite avec les elements bâtis de services lies.

Pour les architectes, le nouveau challenge reside dans l'optimisation des programmes de ces

cooperatives agricoles et dans la gestion des nouvelles typologies adaptees à des densites

urbaines plus fortes. Les espaces peri-urbains ayant disparus, la confrontation entre territoire

urbain et agricole devient frontale et leur melange provoque une hybridation du territoire. Un

maillage plus fin des reseaux apparaît tandis que l'etalement urbain classique disparaît au

profit de l'apparition de nombreux nouveaux centres urbains.

• Des citadins de plus en plus pauvres.

La hausse des prix des denrees alimentaires et la crise economique ont massivement

appauvries la population des pays developpes. Directement dependants des importations de

denrees alimentaires, les citadins sont les plus touches.

Ainsi, de plus en plus de familles ont des difficultes à s'alimenter correctement que ce soit en

terme de qualite mais aussi de quantite.

Des mouvements populaires forcent les autorites à changer les legislations en vigueurs afin

d'autoriser l'agriculture urbaine sous toutes ses formes. Des associations, en partenariat avec

le secteur prive et les autorites locales, realisent des jardins partages sur les toits et les

friches urbaines sont la proie d'initiatives agricoles individuelles.

Ces projets fleurissant dans la ville developpent une economie nouvelle basee sur les

echanges de denrees alimentaires, et sont vecteurs de liens sociaux.

Une resilience de la nature dans la ville se met en place et change le cadre de vie des

habitants mais aussi leurs habitudes, la culture devient une necessite.

Les cultures interieures à domicile evoluent et l'hydroponie domestique devient habituelle.

134

Page 134: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Schema ville resiliante

Sur le plan urbain, les espaces de vies sont rythmes par les saisons et les cultures qui y

sont attachees. Tous les lieux publics sont investis par l'agriculture et le travail des urbanistes

consiste à organiser ces espaces pour optimiser les rendements.

De leur cote, les architectes font desormais face à l'obligation d'integrer des jardins agricoles

à tous les projets.

135

Page 135: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

• L'agriculture disparaît de l'espace urbain.

L'engouement pour l'agriculture urbaine rapide dans les annees 2020 est suivie d'une

forte crise alimentaire liee à l'apparition de maladies animales transmissibles à l'homme et

fortement letales. La confiance dans l'elevage hors sol urbain disparaît et des etudes ne

tardent pas à demontrer la toxicite des produits alimentaires issus de l'agriculture urbaine.

Les micro-particules provenant de la pollution atmospherique des villes contaminent

systematiquement les recoltes et favorisent fortement l'apparition de cancers.

Les autorites reagissent en interdisant les cultures dans les villes et aux abords des routes.

Face à la demande alimentaire toujours croissante, des fermes verticales aux atmosphères

filtrees apparaissent dans les villes. Ces fermes hyper securises ont une vocation uniquement

commerciale et productiviste. Il s'agit avant tout de repondre aux besoins primaires des

population. La nourriture change alors de nature, les insectes et les algues sont favorises.

Schema Agriculture urbaine interdite

136

Page 136: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

La consequence d'un tel scenario serait de mettre fin à l'etalement urbain afin de

preserver les zones tampons mais egalement les derniers espaces agricoles disponibles pour

une agriculture ultra intensive.

Les villes seraient alors contraintes à un developpement vertical, que ce soit en hauteur ou en

profondeur.

Les zones pavillonnaires disparaitraient petit à petit au profits de grandes tours aux

programmes de plus en plus mixtes.

L'hyper densite des zones urbaines changerait alors la nature des espaces aux sols, et l'on

peut imaginer une ville verticale où la pauvrete se retrouverait au sol et les richesses en

hauteur, sans pour autant d'echanges entre les deux.

• Des villes autosuffisantes

C'est à la suite d'une rupture du modèle agricole intensif actuel donnant lieu à des

crises alimentaires de plus en plus fortes touchant tous les pays du monde que les autorites

politiques decident de changer le modèle agricole.

Les evolutions technologiques en matières d'energies renouvelables et de cultures agricoles

sont telles qu'elles permettent la generalisation des fermes verticales urbaines. Les cultures

et elevages de tous types sont desormais possibles n'importe où.

Dans l'idee de preserver une nature devastee par l'agriculture intensive classique mais aussi

dans un soucis de souverainete alimentaire, les autorites interdisent tous types d'agriculture

hors des villes et sanctuarisent les espaces ruraux. Un mecanisme d'autosuffisance se met

alors en marche.

Les villes trop petites pour mettre en place de telles methodes sont alors prises en charge par

des systèmes d'agglomerations bases sur des notions de distance, reorganisant ainsi les

reseaux.

Les pays trop peu developpes pour assumer de tels changement se retrouvent alors

complètement dependants des importations de denrees alimentaires.

137

Page 137: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

La nature des zones peri-urbaines change. De l'agriculture à vocation recreative se

developpe en reponse aux cultures hydroponiques en fermes verticales. La disparition des

exploitations classiques au profit d'une nature sauvage non maitrisee renforce les identites

locales et un tourisme vert se met en place. La question est desormais pour les architectes de

savoir comment augmenter les surfaces cultivables dans ces fermes urbaines tout en

ameliorants les systèmes de maintenance et d'exploitation, de nouvelles typologies voient le

jour, venant servir de nouvelles methodes de commercialisation des productions.

D'un point de vue plus urbain, c'est la mise en place des reseaux de distribution des produits

agricoles qui provoquent le plus de changements.

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Page 138: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

Si l'ensemble de ces perspectives demeurent pure science fiction, elles illustrent

pourtant bien ce que pourrait être le futur de nos villes. Bien entendu, une solution se situant

à mi chemin entre les differents scenarios sera surement plus ideale mais aux vues de la

situation actuelle du monde il semble plus qu'urgent d'organiser sinon une reponse, au moins

une strategie de transition du modèle agricole et urbain.

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Page 139: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

CONCLUSION

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Page 140: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

S'il est vrai que la situation globale de l'humanite est alarmante, il est neanmoins

encore temps de reagir.

Pour cela, il est necessaire et essentiel que s'opère une prise de conscience globale et

collective des politiques mais egalement de chaque individu.

« Ce sont ni les hommes politiques, ni les scientifiques, ni les agriculteurs, ni les ecologistes,

ni le nord, ni le sud, qui peuvent pretendre posseder, seuls, la solution.

Tous ont besoin de travailler ensemble, non pas pour trouver la reponse globale aux difficultes

de la planète mais pour elaborer des solutions, souvent locales, toujours urgentes.

À problème politique, reponse citoyenne.1»

Ces propos de Frederic Lemaître traduisent bien la necessite de l'ouverture d'un dialogue et

d'echanges entre les differents acteurs concernes par l'agriculture urbaine.

Au delà de cela, c'est aux citoyens de formuler leur volonte de l'integration de l'agriculture

dans les villes car ils en constitueront certainement le moteur.

Pour l'instant, l'integration de l'agriculture urbaine dans les projets d'architectes

semblent plus liee à un phenomène de mode quelque peu ecolo qu'à une reelle volonte

publique.

De plus, ces projets semblent encore difficiles à defendre au delà de leurs considerations

environnementales car ils ne justifient pas vraiment d'une reelle necessite immediate.

La question etant de savoir si les citadins sont reellement près à echanger leurs espaces verts

contre des espaces agricoles.

Car si le developpement de l'agriculture urbaine semble une evidence dans le futur, celui-ci

semble toujours anecdotique aujourd'hui. Et comme souvent, on constate qu'avant l'heure,

ce n'est pas l'heure.

Malgre tout, le questionnement autour de l'agriculture urbaine mis en place dans ce

travail nous permet de mettre en avant des solutions durables pour la co-construction des

projets qui permettent non seulement de s'approprier l'espace urbain à son juste titre mais

egalement d'ameliorer la ville et l'usage que l'on en a.

Les solutions proposees notamment à travers les projets de l'agence d'architecture SOA ou

1 Frederic Lemaître, Demain la faim !, Grasset, 2009

141

Page 141: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

les solution imaginees à des echelles beaucoup plus vastes peinent aujourd'hui à sortir de

terre. S'inscrivant dans un contexte de crise economique, le developpement urbain de

l'agriculture semble pour le moment voue à des experiences environnementales et sociales.

C'est par le developpement massif de ces initiatives locales durables que l'impact de

l'integration de l'agriculture urbaine sur les projets, urbains et architecturaux, pourra être

mesuree et reellement se faire sentir.

Ces initiatives locales aux influences souvent reduites à un quartier permettront par leur

multiplication la mise en place de reseaux urbains de plus en plus performants bases sur les

circuits courts de commercialisation et d'echanges.

Personnellement, les recherches effectuees et la redaction de ce memoire m'ont fait

prendre conscience de l'importance de lier l'agriculture urbaine à la conception des projets

dès leur origine, et de le faire en toute connaissance des objectifs fixes. Les outils à

dispositions de l'architecte variant en fonction des objectifs agricoles recherches.

C'est par la mutualisation des competences pluridisciplinaires ( agriculteurs, agronomes,

paysagistes, urbanistes, ingenieurs, architectes... ) que l'on va permettre le developpement

de nouvelles formes urbaines, donnant naissance à de nouvelles formes d'agricultures plus

productives tout en demeurant locales et peu gourmandes en ressources.

Espaces bâtis et espaces cultives vont ainsi se melanger pour engager un procede de

resilience de la nature dans la ville, abattant ainsi les limites peri-urbaines.

La ville pourrait alors devenir autosuffisante d'un point de vue alimentaire et le

territoire agricole utilise et appauvri depuis des siècles pourrait être rendu à la nature pour lui

permettre une resilience naturelle, libre de toute action de l'homme et riche de sa

biodiversite.

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Page 142: Métropoles à croquer. Mémoire GUILLAUME Abel

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