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«Metrocables» Téléphérique urbain, l’exemple de l’Amérique latine Compte-rendu d’enquête pour Urbanistes Du Monde Justine Barguillet et Léna Josse Master 2 (Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles) Eté 2011-Brésil, Vénézuela, Colombie

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«Metrocables»Téléphérique urbain, l’exemple de l’Amérique latine

Compte-rendu d’enquête pour Urbanistes Du Monde

Justine Barguillet et Léna JosseMaster 2 (Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles)

Eté 2011-Brésil, Vénézuela, Colombie

Léna Josse Eté 2011Justine Barguillet Amérique LatineEtudiantes en master2 à l ’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versai l les (ENSAV )

«Métrocables» _ Téléphérique urbain, l’exemple de l’Amérique latine

INTRODUCTION

Le terme de Téléphérique urbain est très récent et encore assez méconnu de nos milieux occidentaux. Le téléphérique est, en premier lieu et inévitablement, associé à la pratique et à l’exploitation de nos montagnes. Technologie développée afin de permettre le franchissement de dénivelés importants, il se trouve généralement utilisé uniquement pendant plusieurs mois et sans fonc-tion le reste de l’année.Le téléphérique a du mal à se défaire de cette image d’infrastructure lourde qui marque forte-ment notre paysage. Alors qu’on l’accepte dans nos montagnes, au milieu d’une nature fragile et en péril, on bondit et s’effraie à l’idée de le mettre dans nos villes. Pourtant, voyager dans les airs, qui plus est, en étant suspendu, n’est-ce pas la manière la plus poétique de se dépla-cer? Les villes sont pensées à la hauteur de l’homme, on les traverse en bus, à pied, en train, en métro, dès qu’elles sont traversées par le ciel, on change non seulement notre perception de la ville mais aussi l’organisation même de celle-ci. Le sol est en partie libéré. Si un tramway fractionne et crée malgré lui des limites, le téléphérique lui, véritable aiguille à coudre, permet de raccommoder le territoire avec un impact au sol minimum.

Les premiers à avoir eu l’audace d’installer un téléphérique en milieu urbanisé, sont les colombiens de la ville de Medellin. La ville présente de nombreux quartiers aux accès difficiles, dû aussi bien à sa topographie, qu’au contrôle de cartels de la drogue, responsables de nom-breuses violences urbaines.Installer un téléphérique dans des quartiers populaires à l’habitat précaire et aux problèmes sociaux complexes, va au delà d’un simple apport en terme de mobilité. Il est aussi prétexte à une urbanisation plus poussée grâce à l’apport de nombreux services publics. Il a pour objectif principal de désenclaver ces territoires en les connectant au réseau de transports de la ville et en développant les aspects sociaux et économiques des communautés.La ligne de Santo Domingo à Medellin a projeté le téléphérique sur la scène internationale par son image de moyen de transport urbain novateur et a séduit de nombreux pays d’Amérique latine. En 2010 et 2011 ont été ouvertes, respectivement, une ligne de téléphérique à Caracas, Venezuela et une à Rio de Janeiro, Brésil. Il faut observer, d’ailleurs, que ces villes reprenant le modèle de Medellin, l’ont « reproduit » dans des cas socio-urbains, plus ou moins similaires : quartiers populaires à l’habitat précaire, connaissant d’importants problèmes socio-écono-miques.

Notre problématique d’enquête pour Urbanistes du Monde, a été de comparer les stra-tégies de mises en œuvre des projets de téléphériques urbains, existant sur le continent sud américain : ceux de Rio de Janeiro (Complexo do Alemão), Caracas (San Augustin del Sud) et Medellin (Santo Domingo et San Javier). Le terme « Téléphérique urbain » compris dans le sens d’un transport d’intérêt public, s’intégrant dans un projet d’aménagement urbain global.

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Le tracé de notre voyage a été établi de manière chronologique, du projet le plus récent au plus ancien; nous sommes parties de Rio de Janeiro (mise en service juillet 2011), puis Caracas (mise en service 2010) et enfin à Medellin dont la première ligne de « métro-câble » a été ouverte en 2004 et la deuxième en 2008. En restant de 10 à 15 jours dans chacune de ces villes, nous avons pu rencontrer de nom-breux acteurs des projets : architectes, urbanistes, sociologues, entreprises de transport, constructeurs... afin d’en avoir une vision la plus objective possible.

Nous avons voulu comprendre et comparer les stratégies de mises en œuvre urbaines de chacune de ces villes pour la réalisation de ces projets. Aussi, la ligne conductrice de nos recherches a été de comprendre comment un modèle urbain peut être exporté : comment un système qui fonctionne dans un contexte spécifique, comme les metrocâbles de Medel-lin, peut être reproduit et devenir une référence pour des projets tout à la fois développés selon les mêmes principes, mais cependant gérés dans des environnements institutionnels différents, implantés sur des territoires aux caractéristiques géographiques et sociales qui leur sont propres.

Schéma établissant les relations entre les différents acteurs de projet à Rio de Janeiro, Caracas et MedellinTraduction :

_alcaldia = municipalité_empresa de desarollo urbano = entreprise de développement urbain

_obras publicas = travaux publics

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RIO DE JANEIRO L’organisation des pouvoirs et la gestion du territoire du Brésil sont réparties sur trois niveaux : le niveau Fédéral, 26 États et de nombreuses municipalités. En 2010, avec un PIB1 de 2,025 milliards de dollars, le Brésil est la huitième puissance économique mondiale et le cinquième pays au monde par son nombre d’habitants.Rio de Janeiro, de l’Etat de Rio de Janeiro, est la seconde ville la plus peuplée du pays, avec six millions d’habitants (onze en comptant la région métropolitaine). Ville portuaire, sa configuration géographique l’oblige à se développer entre baies (Guanabara et Sepetiba), lagunes et nombreuses collines, aussi appelées « Morros ». Rio possède le plus grand parc naturel urbain au monde : la forêt de Tijuca, en plein cœur de la ville.

La ségrégation socio-spatiale est particulièrement caractéristique de la mégalopole. La forêt de Tijuca fait office de frontière entre la zone sud, aux quartiers aisés voire très riches, et la zone nord, doté d’un centre d’affaires, foyer économique, mais où se concentrent aussi majoritairement les quartiers pauvres, grimpants à flanc de colline. On compte à Rio, envi-ron 20 % de la population, soit 1,4 millions d’habitants vivant dans l’une des 600 favelas ou autres lotissements irréguliers de la ville. Depuis quelques temps, la ville cherche à améliorer son image à l’étranger. Tous les regards sont tournés vers elle avec la préparation des grands événements sportifs internationaux à venir : la Coupe du Monde de Football en 2014 et les Jeux Olympiques de 2016. C’est pour Rio l’occasion de pacifier ses nombreuses favelas, condition sine qua non pour réussir les grands projets urbains entamés et rassurer investisseurs et touristes potentiels.

1 http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_du_Br%C3%A9sil

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Source : Wikipédia_ modifié par Léna Josse

Source : encontrariodejaneiro.com.br_ modifié par Léna Josse

Le Complexo do Alemão est un regroupement de plusieurs favelas (de dix à quinze selon les sources) qui s’étend aujourd’hui sur cinq collines de la zone nord. Il est un des pro-jets phare du réaménagement de Rio. Ce sont 180 0001 personnes qui y vivent alors que l’IDH du quartier n’était que de 0,587 en 2009, soit le plus faible de Rio.

Plaque tournante du commerce de la drogue, le Complexo do Alemão concentrait, jusqu’à récemment, 40% des crimes de la ville2 . En 2007 le Commando Vermelho, puis-sant cartel de la drogue, contrôlait la totalité du secteur. Plusieurs interventions policières violentes entre 2007 et 2010, ont permis l’avancée des travaux du projet du Complexo do Alemão.

Elaboration de la stratégie urbaine

En 2004, le Complexo do Alemão a fait l’objet d’une longue étude socio-urbaine - « Plan de développement urbain du Complexo do Alemão » - étude commandée par la municipalité de Rio de Janeiro et dirigée en partie par l’architecte urbaniste, Jorge Mario Jauregui. Ce projet, s’étalant sur une période de vingt ans, découpée en cinq périodes de quatre ans, propose plusieurs projets alternatifs pour un aménagement durable et évolutif du Complexo do Alemão. En 2007, parallèlement à ce « Plan de développement urbain » vient se greffer un projet de téléphérique.

Cette année là, suite à une visite à Medellin, le gouverneur de l’Etat, Sergio Cabral, prend l’initiative de créer une ligne de téléphérique dans la métropole de Rio de Janeiro. Après une série d’études sur les différents «Morros» de la ville, le Complexo do Alemão est retenu comme site d’implantation pour son potentiel d’usagers. Par son emplacement, proche de la voie rapide et de la ligne de chemin de fer, de possibles connexions sont envi-sagées afin de relier la ligne au réseau de transport de la ville.Le choix du lieu d’implantation des stations a été essentiellement politique. Ni les archi-tectes urbanistes ni les constructeurs n’ont été consultés sur cette question. Le SEOBRAS (Secrétariat aux ouvrages de l’Etat), commanditaire du projet, a travaillé sur plusieurs hypo-thèses de trajets, revues par la suite pour des questions de coûts et de mise en œuvre, avant de s’arrêter sur le tracé actuel.

Le Complexo do Alemão est le projet phare de la PAC (Plan d’Augmentation de la Croissance), plan de financement au niveau fédéral pour des projets d’urbanisation, de transports, de logements, d’énergie… Ce financement fédéral est complété par des finan-cements de l’Etat de Rio de Janeiro. 1 IBGE2 Um marco histórico no combate à violência” , article de Epoca du Globo, de Celsa MASSON, Solange AZEVEDO et NelitoFERNANDES (http://revis-taepoca.globo.com/Revista/Epoca/0,,EDR77849-6014,00.html)

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Le projet avait des enjeux politiques très importants : être achevé avant la fin des mandats du gouverneur de l’Etat, du maire de la ville ainsi que du président de la Répu-blique Fédérale. D’ailleurs, le téléphérique a d’abord été inauguré une première fois par Lula le 26 décembre 2010 et une seconde fois par Dilma Roussef, le 7 juillet 2011 pour son ouverture officielle au public.

L’EMOP, Empresa de Obras Publicas, dépendant du SEOBRAS, est le maître d’ouvrage du projet du Complexo do Alemão. C’est lui qui lancera les appels d’offres privés afin de né-gocier avec le plus de constructeurs possibles et définir le meilleur rapport coût bénéfice.Odebrecht, entreprise de génie civil brésilienne, obtient la maîtrise d’œuvre du chantier. Un groupement d’entreprises est alors créé spécifiquement pour le pilotage du projet : Consor-tium Rio Melhor. Ce consortium regroupe entre autre, Odebrecht (Entreprise de génie civil), Poma (Constructeur en transport par câble, entreprise française), Supervia (Entreprise de transport brésilienne). C’est Odebrecht, mandataire du groupement, qui passe contrat avec l’agence d’architecte urbaniste, MPU de Jorge Mario Jauregui, pour développer le projet. Le rôle du Consortium Rio Melhor a été de piloter l’exécution des opérations de construc-tion, depuis la régularisation foncière, jusqu’à la réalisation des espaces publics, en passant par celle des infrastructures, des réseaux (eau, électricité, assainissement...), des opérations d’habitations, de mise en œuvre du téléphérique.

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6/21Compte-rendu d’enquête pour Urbanistes Du MondeSource : Jorge Mario Jauregui architecte

Conception du projet

Comme l’a souligné Benjamin Dunesmes, chef de projet chez POMA, le téléphérique du Complexo do Alemão s’intègre dans un projet beaucoup plus global, contrairement à Medellin ou encore Caracas. Dans certains cas, le téléphérique justifie l’implantation des équipements, dans d’autre ce sont les équipements qui justifient l’implantation d’un télé-phérique. Pour Jorge Mario Jauregui, architecte en chef du projet, à Rio de Janeiro il s’agit d’un téléphérique qui justifie l’implantation d’équipements. « Quelle pertinence peut avoir une ligne de téléphérique installée dans un ensemble de communautés ? Combien de per-sonnes vont-elles bénéficier de cette amélioration de leur condition de vie ?» Jorge nous parle de sa vision du projet, « L’objectif principal est de désenclaver le Complexo do Alemão ». Pour ce faire, par conséquent il est nécessaire de donner une visibilité de l’intervention des pouvoirs publics par la construction de nouvelles centralités : stations de transports, services de proximité, édifices et espaces publics de qualité. La notion de public n’existe pas à priori dans une favela, puisque c’est une agglomération d’entités privées. Les rares interventions du service public dans les favelas de Rio de Janeiro ont commencées avec le programme Favela Bairro en 1993. Ces interventions se limitaient essentiellement à des modifications ou améliorations urbanistique : intégration d’un éclairage public, un système d’assainissement ou encore le recouvrement des voies. Installer une infrastructure aussi « lourde » qu’un téléphérique et ses stations, marque l’empreinte du pouvoir public dans le privé. Les six stations de la ligne ne remplissent pas uniquement la fonction de station de trans-ports. Jorge les appelle des « stations sociales », elles sont associées à des services : com-merces, banques, services sociaux… Le programme du Complexo do Alemão comprend : une bibliothèque, des centres d’aide juridique, des centres d’aide à la gestion du travail, des équipements sportifs et de loisirs, un hôpital, 3000 unités d’habitations, l’aménage-ment du parc de la Serra da Misericórdia., ainsi que la restructuration des voies existantes et la construction de nouvelles.

Jorge Mario Jauregui déplore l’absence d’échanges avec la population durant la conception et la réalisation du projet. Aucune étude sociale, plus récente et plus ciblée que celle de 2004, n’aurait été effectuée concernant le projet de téléphérique. Le travail d’étude sociologique auprès des habitants commence seulement aujourd’hui, dirigée par Supervia, l’entreprise de transport. Christiano Prado, Coordinateur de Supervia sur la ligne de téléphérique nous explique qu’avant d’obtenir définitivement le contrat d’exploitation de la ligne, Supervia avait passé un contrat temporaire pour la durée de la construction. Le contrat d’exploitation n’a été signé que quelques jours avant l’ouverture de la ligne, ren-dant ainsi plus difficile toute anticipation. Benjamin Dunesmes, parle de la grande difficulté de communication des acteurs entre eux. Le principal interlocuteur a été le groupement, consortium Rio melhor. Odebrecht, man-dataire du groupement, est aussi l’entreprise de génie civil pour la ligne de câble à San Agustin del Sur, Caracas. En ce sens, quelques échanges ont été établis entre les entreprises

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des deux villes, mais Odebrecht est décentralisé et donc indépendante suivant chacun des pays. Par ailleurs, Odebrecht, Supervia et Seobras ont effectués plusieurs visites à Caracas et Medellin, afin de communiquer et d’échanger avec les professionnels et collectivités lo-cales des lignes déjà en fonctionnement.

La ligne de téléphérique du Complexo do Alemão est ouverte depuis juillet 2011. Passé le moment de la découverte, elle est aujourd’hui beaucoup moins utilisée. Cela s’ex-pliquerait en partie par la gratuité de la ligne durant les 2 premiers mois. Devenue payante, beaucoup moins d’utilisateurs l’empruntent, car pour bénéficier du tarif habitant (gratuité sur 2 trajets par jour), il faut se déclarer avec son CPF (cadastro pessoas fisica) et une décla-ration de résidence, documents que certains hésitent à montrer. Par ailleurs, certains trajets sont plus rapides en bus qu’en téléphérique selon certains habitants interrogés. Quelle per-tinence alors peut avoir une ligne de transport par câble ?Cependant, la ligne attire de plus en plus de visiteurs, forme inédite de tourisme, un nou-veau réseau se crée. Des guides locaux, engagés par Supervia, proposent des tours le week end aux touristes curieux, afin de voir la favela d’en haut, les visites se limitant pour des questions de sécurité, aux abords des stations…

De nouveaux projets de lignes de téléphérique vont débutés dans la ville de Rio de Janeiro, comme celui du morro da Providencia, et d’autres sont encore au stade de la ré-flexion, comme le projet d’une ligne dans la favela da Rocinha, la plus grande favela, d’Amé-rique latine, dans la zone sud de Rio. Une certitude, la ligne du Complexo do Alemão, a pro-jeté Rio sur la scène internationale en tant que ville novatrice et entreprenante en matière d’aménagement et de solutions urbaines pour ses favelas, ainsi la ville n’est pas prête à étendre son réseau de transport câblé.

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© Marc Guilbaud

CARACAS

Santiago Léon de Caracas, plus connue sous le simple nom de Caracas, est la capitale de la República Bolivariana de Venezuela. Les 5 municipios qui forment la ville comptent 5. 905. 463 habitants (aire urbaine), et plus de 6 millions d’habitants pour l’aire métropoli-taine. La ville est située dans une vallée traversée entre autre par le río Guaire. Le parc Natio-nal Cerro de Avila sépare de quelques kilomètres la ville de la mer des Caraïbes.

Le Venezuela, Etat Fédéral Démocratique et social1 , avec à sa tête Hugo Chavez, se partage en 23 états fédéraux et un Distrito Capital. Caracas est formé de la municipalité Libertador del Distrito Capital et d’une partie de l’Etat de Miranda, dont les municipios sui-vant : Baruta, Chacao, El Hatillo et Sucre. Le distrito Metropolitano de Caracas s’organise en un système de gouvernement municipal à deux niveaux : metropolitano ou distrital, avec à sa tête l’Alcalde Metropolitano ou Mayor, la première autorité civile, politique et adminis-trative, designé par le dirigeant de l’Etat ; et les municipios, chacune dirigée par un alcalde municipal élu.

1 http://www.caracas.gob.ve/

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Source : issue d’une photo satellite Google Earth Source : Wikipédia

Source : Wikipédia

Elaboration de la stratégie urbaine

La compagnie C.A. Metro de Caracas, maitre d’ouvrage et responsable de la planifi-cation, a passé un contrat avec l’entreprise de génie civil, Odebrecht, alors maître d’oeuvre. A son tour ce-dernier signe un contrat avec Doppelmayr, entreprise de construction du téléphérique, et Think Tank, l’agence d’architecture-urbanisme, le concepteur. D’après les informations récoltées1 , il n’y a pas eu d’appel d’offre de la part de Odebrecht. Ceux-ci on contacté Doppelmayr directement, probablement parce qu’il fût le constructeur de la première ligne de téléphérique construite à Caracas (le téléphérique touristique du Parc National du Cerro El Alvila), tandis que l’agence Think Tank, elle, avait déjà travaillé avec Odebrecht.Selon les différentes personnes interviewées2 , la décision d’introduire et construire un télé-phérique urbain à San Agustin, est une décision gourvernementale, de l’Etat Fédéral. La parroquia, terme désignant une section de ville, de San Agustin est la plus petite division politico-territoriale de Caracas et la plus petite parroquia de la municipalité Libertador. Elle est elle-même divisé en quartiers, dont San Agustin del Sur et San Agustin del Norte. Eux-même divisés en quartiers plus petits tel que El Manguito ou la Celva, qui donneront leurs noms aux stations du Metrocable. Le choix fixé sur la communauté de San Agustin serait en partie du fait de sa position privilégiée dans la ville : dans le centre ville, proche d’un grand axe routier très emprunté et du río Guaire. L’intégration d’une infrastructure telle que le MetroCable valorise le quartier. Une habitante3 nommera ce projet « un proyecto bandera ». Entendons par là un projet porteur d’une image positive et dynamique de la ville et de l’Etat. D’autre part, San Agustin a été choisi pour sa taille. En effet, choisir un quartier peu étendu permettait à la ville de tester ce nouveau système de transport urbain, avant d’ima-giner l’implanter dans un autre quartier beaucoup plus grand tel que Petare (l’un des plus grands quartiers à l’urbanisation informelle d’Amérique Latine).

1 Suite à l’entretien avec Martin Schoffel, Président Promociones Munich, Représentant Doppelmayr Venezuela, en chef du projet de San Augustin del Sur2 D’après Maria Eugenia, Psychologue, Collectivo Sembrando Huella3 D’après Maria Eugenia, Psychologue, Collectivo Sembrando Huella

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Plan de situation _ Source: vue satellite Gooogle Earth_modifié par Justine Barguillet Maquette de site _ Source: extrait d’une présentation de Think Tank

Après le choix gouvernemental d’introduction d’un téléphérique urbain à San Agus-tin ; la position des stations, câbles et pylônes ont été décidés par Doppelmayr. L’entreprise, seule pouvait prendre ces décisions suite à une étude de faisabilité de 3 mois. Position vali-dée par le maître d’ouvrage, C.A. Metro de Caracas, et le maître d’œuvre, Odebrecht1.

Concernant les budgets et les coûts moyennant cette opération, nous ne disposons que de peu d’information.

Les principaux objectifs annoncés se rapprochent de ceux de Rio de Janeiro et Me-dellin : désenclavement de communautés, apports de services publics...Une équipe constituée de membres de la communauté et de membres de l’équipe du maitre d’ouvrage, s’est rendue à Medellín pour visiter la première ligne de Metrocable et rencontrer quelques uns des acteurs du projet. L’équipe s’est particulièrement intéressée au travail social effectué à Medellín sur le terrain. Pour Maria Eugenia (à la fois habitante de San Agustin, « guardia patrimonial » pour la compagnie C.A. Metro de Caracas, membre du collectif Sembrando-Huella et du groupe Apollo Comunitario), le contexte sociogéo-graphique était quasiment identique, avec cependant des distinctions dans les relations avec la communauté. Selon elle, la présence d’habitants parmi les équipes travaillant sur le terrain à Caracas a été l’occasion d’un véritable travail social.

Le travail « communautaire » consistait à mener une action entre le maître d’ouvrage, le constructeur et le concepteur. D’après les informations obtenues2 , des sociologues et psychologues, appartenant au collectif Sembrando-Huella, en relation avec le gouverne-ment central, ont permis de faire le lien entre les habitants, les acteurs du projet et de com-muniquer au sujet du Metrocable. Ils ont travaillé avec les habitants et avec Odebrecht très tôt dans le processus du projet, afin d’éviter les conflits. Le collectif Sembrando-Huella a travaillé entre autre avec le groupe Apollo Comunitario. Maria Eugenia, nous dit que le maitre d’ouvrage et le maitre d’oeuvre souhaitaient rapidement être mis en contact avec des personnes venant « d’organisations légales » pour présenter le projet aux habitants. Mais la communauté n’aurait pas accepté ce projet comme tel au départ, ce devait être le leur ! Le collectif Sembrando-Huella continue son travail de terrain, après la fin du contrat passé avec le maître d’oeuvre.

1 Suite à l’entretien avec Martin Schoffel, Président Promociones Munich, Représentant Doppelmayr Venezuela2 D’après Maria Eugenia, Psychologue, Collectivo Sembrando Huella et, Jose Antonio Nuñez et Rafael Machado, Architectes Think tank

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Plan masse _ Source: extrait d’une présentation de Think Tank

Conception du projet

Les concepteurs, architectes-urbanistes, ont reçu la commande du projet de San Agustin, début 2007. De mars à juillet, ils ont travaillé sur le pré-projet, évalué et rééva-lué par le maitre d’ouvrage et le maitre d’oeuvre (Metro et Odebrecht), pour sortir le plan final en août 2007. Ils ont été chargé de la conception des stations, des espaces publics les entourant, ainsi que des bâtiments publics (gymnase, marché communautaire....). San Agustin est un quartier connu pour être un des foyers historiques de la salsa, et où l’arti-sanat et le théâtre sont très présents. Au-delà de la simple réponse à la commande, Think Tank a donc proposé l’intégration aux stations, d’espaces publics au service de la commu-nauté : espaces d’expositions, espaces dédiés à l’artisanat et à la pratique de la musique. Le Metro de Caracas, voulant éviter des interférences d’activités entre le fonctionnement du Metrocable et celui de ces espaces publics (horaires, personnel, sécurité), a décidé de ne pas ouvrir ces espaces pourtant dédiés à la communauté. Il faut préciser cependant qu’ils ont été approuvés lors de l’avant-projet et ont été construits1. Parallèlement, un travail à l’échelle du quartier a été proposé en collaboration avec Ruddy Bauer, designer iconographie-urbaine. De la signalétique aux rampes d’accès en passant par la couleur des cabines. Cette partie du projet elle aussi abandonnée.

image 2 _ immeubles de logement ,

1 D’après Jose Antonio Nuñez et Rafael Machado, ArchitectesThink tank, en chef du projet de San Augustin del Sur

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Source: extrait d’une présentation de Think Tank_Odebrecht

© Justine Barguillet © Justine Barguillet

© Justine Barguillet

© Léna Josse© Justine Barguillet

L’équipe d’architectes-urbanistes ayant travaillé en relation avec les acteurs sociaux et habitants, continuent aujourd’hui cet échange pour développer de nouveaux espaces urbains en lien avec les stations, à destination des habitants et « futurs touristes ». La com-munauté avec l’aide de Think Tank a proposé au Métro de Caracas de nouveaux aménage-ments urbains, comme des jardins en terrasse. Ces propositions se transforment en l’amé-nagement d’une « route touristique. » En amont de la construction du Metrocable, de nouveaux logements ont été construits sur les hauteurs de la communauté de San Agustin, immeubles R+4 s’intégrant difficilement au tissu urbain dense et de faible hauteur (image 2 page précédente). Certains de ces appar-tements sont destinés aux personnes expropriées pour la construction de la ligne. Sur un autre pan de colline, une réserve foncière est destinée à la construction de nouveaux loge-ments. Selon certains, il existerait encore actuellement des habitants du quartier sans eau ni électricité, d’autres maintiennent le contraire.

Selon nos observations, la fréquence d’utilisation du téléphérique est relativement faible. Cela serait-il dû à un manque d’étude préalable quant au tracé de la ligne (cette forme de U est-elle judicieuse) (cf plan page 10). Ou un manque de travail en amont avec les habitants ? Ou peut-être que les aménagements urbains ne soient pas existants à l’échelle du quartier ? Ces futurs aménagements, notamment la « route touristique », influeront-ils beaucoup sur les taux de fréquentation de la ligne ? Rappelons que les forces de l’ordre sont présentes à chaque station et qu’il est encore imprudent à tout étranger au quartier de s’aventurer trop longtemps hors de ces-dernières. Nous nous posons la question d’une réelle coordination de projet urbain. Quelles seront les leçons dont tirera parti le maître d’ouvrage et plus généralement l’Etat avant de se lan-cer dans un projet du même type d’une plus grande envergure?

Depuis la fin de notre enquête quelques mois se sont écoulés. Un nouveau Metro-cable devrait voir le jour avant la fin de l’année 2012 dans les comunidades de Mariches, Guaicoco et La Dolorita, totalisant environs 93 000 personnes1 .

1 http://www.metrodecaracas.com.ve/noticias/historial/mayo2012/funicularesllegan.html

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MEDELLIN

Medellín est la seconde ville la plus importante de Colombie par sa population et la seconde agglomération urbaine par sa superficie. C’est une des villes colombiennes les plus puissantes économiquement et démographiquement. Située sur la Cordillère de Andes, elle se développe sur les flancs de montagnes de part et d’autre de la rivière de Medellin le long de la vallée d’Aburrá. Medellin est situé dans le département d’Antioquia, lui même situé dans la région de la Vallée de Aburrá. La capitale d’Antioquia dénombre 2 636 101 habitants en 2010. Son aire métropolitaine formée avec 9 autres municipalités compte 3 740 000 habitants cette même année. Ville dite la plus « dangereuse » au monde en 1991, connue pour son narcotrafic, elle est actuellement l’un des principaux centres financiers, industriels, commerciaux et de services du pays, avec une insécurité qui a fortement dimi-nuée ces dernières années1.

Medellín est régit par un système démocratique décentralisé. Elle est gouvernée par un Alcalde (maire), actuellement Alonzo Salazar, pour le pouvoir exécutif et un conseil mu-nicipal pour le pouvoir législatif. Administrativement, l’alcaldía est divisé en deux : l’admi-nistration centrale (tel que le secrétariat de « Obras Públicas », travaux publics) et les entités décentralisées (tel que la EDU, Entreprise de Développement Urbain ou l’ACI, Agence de Coopération Internationale). La ville est découpée en 6 zones (telle que la zone Norenrien-tale, Metrocable ligne K ou la zone centro-occidentale, Metrocable ligne J), elles-mêmes divisées en « comunas » (comme les comunas Popular et Santa Cruz, ligne K ou la comuna San Javier, ligne J). Les comunas sont aussi réparties en barrios (quartiers) tel que Santo Domingo dans la comuna Popular ou San Javier nº1 dans la comuna de San Javier.

1 http://es.wikipedia.org/wiki/Medell%C3%ADn

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Source: image satellite issue de Google Earth

Elaboration de la stratégie urbaine

Deux phases sont à distinguer dans le projet : la ligne de téléphérique, comme un nouveau moyen de transport pour la communauté, et le développement urbain qui vient s’organiser autour. L’entreprise du Metro de Medellín Ltda, maitre d’ouvrage et exploitant de la ligne de Metrocable, a passé un contrat avec l’entreprise POMA Galski, constructeur du téléphérique. Pour la partie du développement urbain, l’Alcaldía a crée en 2004 la EDU, concepteur du projet urbain. Pour ce qui est de la première ligne de Metrocable, ligne K, la EDU a lancé un concours pour la conception d’une bibliothèque publique s’intégrant au projet urbain. L’agence Mazzanti après avoir gagné le concours, devient le concepteur de cet édifice public.Ce premier projet de Metrocable dans la capitale d’Antioquia est à l’initiative du Metro de Medellín et de l’Alcaldía de Medellín. C’est la rencontre entre le PUI (Projet Urbain Intégral) et le développement du système de transport massif de l’entreprise Metro de Medellín. Le responsable de cette entreprise, M. Luis Ramón Perez Carillo et son équipe, se sont inté-ressés à ce nouveau système de transport urbain pour répondre aux problématiques de l’extension de leur réseau de transport de certaines zones dont la topographie rend difficile l’accès1. La topographie, le manque de rues et de voieries, empêche la mise en place de transport massif tel que le métro, tramway, bus articulés... L’installation d’un téléphérique urbain est alors proposé par M. Luis Ramón perez Carillo. En parallèle, la mairie de Medellin dont le maire était M. Luis Perez, réfléchissait à une amélioration globale des conditions de vies de ces quartiers précaires, une baisse de l’insécurité et au développement urbain. Ceci passait entre autre, par l’amélioration des conditions d’accès, et l’installation d’un réseau de transport... C’est alors que sont nés les PUI, et cette notion d’urbanisme social. Le projet sera en partie financé par l’Alcaldía, le Metro de Medellín, la gouvernance d’Antioquia, (le ministère des transports) et l’AFD (Agence Française de Développement).1 Informations récoltées lors de l’entretien avec M. Luis Ramón Perez Carillo

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«Métrocables» _ Téléphérique urbain, l’exemple de l’Amérique latine

15/21Compte-rendu d’enquête pour Urbanistes Du Monde

Source: Wikipedia.es

Le choix du quartier est dû au résultat de ce partenariat Metro de Medellín, Alcaldía. Le Metro, suite à des études de faisabilités et études de marchés, incluait ce quartier dans ces différentes propositions pour le développement de son réseau de transport. Tandis que ce même quartier était aussi une zone de travail de l’Alcaldía dans le cadre des PUI (PUI Norenrientale qui se spécifiera en tant que PUI Metrocable).

Ceci a été précédé d’un long travail sur le terrain mené et de la part du métro et surtout de la ville. Ces études sociales ont permis notamment l’accès des architectes et urbanistes dans ce quartier dit difficile ou dangereux. POMA a été l’entreprise de génie civil et de construction du téléphérique urbain, une première pour cette entreprise française, mais nécessitant des mêmes qualités techniques que leurs projets plus courant (stations de skis...).

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16/21Compte-rendu d’enquête pour Urbanistes Du Monde

St Domingo 1 Integral Project MDE A. Echeverri _ En orange, le PUI Norentriotale _Source : extrait de Congreso Salta 2009- Urbanismo social Madellin 2004-2008-A. Echeverri JFA

Réseau des lignes de Metro et Metrocable de Medellin_Source : Metro de Medellin

Conception du projet

En ce qui concerne la ligne K, l’architecte du maitre d’ouvrage du Metrocable, Patri-cia Bustamante, est le concepteur des stations et de leur environnement très proche (pla-cettes...). L’entreprise a aussi proposé quelques grandes lignes pour de futurs aménage-ments urbains jouxtant ce Metrocable, afin de facilité l’accès des usagés jusqu’aux stations.La projection du développement urbain accompagnant cette infrastructure, menée par la EDU, a débuté en 2004, année de l’inauguration du téléphérique. Elle s’est basée sur « l’aire d’influence de chacune des stations de Metrocable ». Une augmentation de la fréquenta-tion sera à noter une fois ce projet urbain achevé.

Cinq axes principaux ont guidé ce projet : -les édifices publics, -les espaces publics, -le transport (téléphérique mais aussi voiries), -le logement, -le tout dans une dynamique « développement durable ».

Quant à la bibliothèque, édifice public dans l’environnement proche de la station de Santo Domingo, elle est programmée par la EDU et conçut par l’agence Mazzanti. Elle est un service aux habitants et une nouvelle attractivité pour les Medillinenses et touristes. Elle devient un symbole de cette réussite d’urbanité sociale pour le quartier comme pour la ville. Cet urbanisme social prôné par la ville dans nombre de ces projets.

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Source: extrait de Congreso Salta 2009-Urbanisme Social Medellin 2004-2008_A.Echeverri.JFA

Pour la seconde ligne, la ligne J de San Javier, le PUI a débuté par la conception du projet urbain. Ce projet urbain dans la comuna de San Javier, suit les mêmes lignes direc-trices que le projet autour de la ligne K. Cependant les objectifs n’ont pas été exactement les mêmes.

Bien qu’édifices publics et aménagements d’espaces publics sont conçues, tout un quartier de nouveaux logements est aussi crée, situé au-dessus de la favela que le Metro-cable survole. Nous ne sommes donc pas seulement dans l’amélioration de la qualité de vie des habitants, mais aussi dans la création d’un nouveau quartier. Le concepteur, la EDU, a intégré une ligne de metrocable à ce projet, répondant aux nouveaux besoins de trans-port du quartier. Le maitre d’ouvrage du Metrocable est donc intervenu sur la demande du concepteur. Une étude de faisabilité effectuée, le positionnement des stations a pu être validé par le concepteur et le maitre d’ouvrage. Le constructeur est le même que pour la ligne K. L’aménagement de la ligne et des stations s’est effectué en même temps que la construction des nouveaux logements, édifices publics et espaces publics. L’inauguration de la ligne de téléphérique urbain ayant eu lieu avant l’achèvement des logements (à ce jour, tous ces bâtiments ne sont pas terminés), on remarque actuellement que la fréquen-tation de cette ligne est moindre que celle de la ligne K. Cependant, d’après les personnes rencontrées, la fréquentation devrait augmentée dès l’arrivée des habitants dans les nou-veaux logements. Nous avons également remarqué que le quartier d’habitations précaires

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Source: extrait de Congreso Salta 2009_A.Echeverri.JFA

© Justine Barguillet

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survolé ne possède pas encore les mêmes types d’aménagement que ceux existant à Santo Domingo (voieries, espaces publics, placettes, édifices publics tel qu’un établissement sco-laire...). L’insécurité est encore très présente dans le quartier, cela freine-t-il l’avancement du projet ? N’y-a-t-il pas eu un « travail social » sur le terrain aussi important qu’à Santo Domingo ? Est-ce simplement trop tôt pour effectuer d’importants changements dans le quartier ?

L’élaboration de la mise en œuvre de ces deux lignes actuellement en fonctionne-ment à Medellín semble donc inversée. Pour la ligne K, le projet urbain découle du tracé de la ligne de Metrocable, alors que pour la ligne J, le projet urbain intègre une ligne de Metrocable. D’après nos observations, la ligne K est plus fréquentée, ses espaces publics plus utilisés. La ligne J est à ce jour peu empruntée. Est-ce seulement du fait que tous les logements ne soient pas terminés ? Ou cette faible fréquentation dépend-elle de l’ordre dans lequel le projet a été dessiné et décidé ? Certainement pour les deux raisons. L’impor-tant c’est que la EDU, la municipalité et tous les autres acteurs de ces projets ont décidé de fonctionner de la même façon que pour la seconde ligne (J) pour les prochaines lignes de Metrocable et leur développement urbain. Les futures lignes de Metrocable ne seront pas les points de départ d’un développement urbain, bien qu’il y ait un travail de collaboration entre le concepteur urbain et le maitre d’ouvrage du Metrocable. Elles seront le résultat d’une planification urbaine de ces quartiers et seront intégrées à ces projets pour répondre aux besoins de transport et aux problématiques topographiques et sociales.

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19/21Compte-rendu d’enquête pour Urbanistes Du Monde

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CONCLUSION

Que veut-on dire quand on parle d’Urbanisme Social ? Le procédé de valorisation d’un territoire et de sa population passe par l’intégration d’une architecture et d’infrastruc-tures de qualité. Les habitants reconnaissent et s’approprient des espaces quand ils sont faits pour eux et selon leurs besoins. Ainsi, une étude sociale bien menée, donne une légi-timité au projet auprès de ses principaux concernés : les habitants de la communauté. Sans celle-ci le projet prend le risque de ne pas répondre de façon optimale à leurs besoins et de s’en éloigner.

En effet, on a pu observer que pour certains projets, l’implantation d’une ligne de té-léphérique justifie celle d’équipements publics, et que pour d’autres, à contrario, l’implan-tation d’équipements publics justifierait l’introduction d’un téléphérique. Certaines critiques virulentes parlent du fait d’implanter un téléphérique dans des quartiers précaires, comme d’une « solution démagogique ». Introduire une infrastructure novatrice de technologie avancée dans ces quartiers serait une manière de se détourner des véri-tables nécessités des communautés et de donner une image forte d’une politique urbaine en faveur d’un développement par l’innovation et la modernité.

Pourtant, force est de constater, que des améliorations sociales sont indéniablement à remarquer, notamment pour la ligne de Santo Domingo. Les apports en services sociaux et en développement humain sont une réussite notable et la baisse de la violence a trans-formé la vie de tout un quartier. Peut-être est il encore un peu trop tôt pour pouvoir se prononcer sur les autres projets plus récents ou non terminés. Il est alors intéressant de comparer leur système de mise en œuvre urbaine et de s’apercevoir que chacun a obtenu des résultats différents. Suite à nos nombreuses rencontres et diverses observations, nous considérons indéniablement que ces quatre projets diffèrent essentiellement dans la fa-çon dont ils sont pilotés. La réussite d’un projet d’une telle envergure nécessite une bonne coordination afin de faciliter l’intercommunication des acteurs entre eux. Une équipe pilote doit pouvoir compter sur des moyens financiers importants, des équipes compétentes et sur une légitimité politique.

De nombreux pays d’Amérique Latine commencent à envisager le téléphérique comme une solution de transport urbain pour leurs villes. Moins coûteux et plus facile à mettre en œuvre qu’un métropolitain ou tramway, le téléphérique permet de répondre à des problèmes topographiques et a l’avantage d’être construit rapidement.Cependant, le téléphérique n’est pas une fin en soit. Il est difficilement imaginable pour une ville d’avoir un réseau de transport qui se limiterait au transport par câbles. En revanche, relié à un réseau de transport mixte, elle peut être une solution pour l’accès aux quartiers rencontrant certaines problématiques communes avec les projets exposés auparavant. Le Metrocable, on l’a vu, est tout autant une solution technique sur un territoire, qu’une

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solution aux problèmes sociaux lorsqu’il est accompagné d’un projet de développement urbain. Enfin, suite à cette enquête, on émet l’hypothèse que le téléphérique urbain obéit à un double processus. D’un côté, le téléphérique urbain répond à un souci de transport en commun, à condition qu’il soit relié à un réseau de transport mixte à l’échelle de la ville. De l’autre côté, cet « urbanisme social » et le processus établi notamment à Medellin prennent davantage en compte l’habitant, ses problèmes et ses attentes. Cet exemple pourrait servir aux personnes travaillants sur des quartiers en rénovation urbaines dans certains grands ensembles français.

Depuis quelques temps, certaines de nos villes s’appuient sur cet exemple. On peut dorénavant survoler New-York ou encore Portland, aux Etats Unis. En région parisienne, la ville d’Orsay réfléchit actuellement à un transport filaire pour relier le plateau de Saclay à la vallée. Cependant, les solutions escomptées ici dépendent plus du ressort technique que social, au sens où on l’entendait à Medellin par exemple. D’autres problèmes surviennent : notamment la question de l’intimité ; le type d’habitat survolé n’est plus le même, le niveau de vie des quartiers et leurs cultures diffèrent… On se pose alors la question de savoir ; comment la mise en œuvre des projets existants sur le continent sud américain peut-elle servir de base à celle de futurs projets européens et occidentaux? Sachant que concernant les projets exposés, le téléphérique ne répond pas à une solution de transport de masse, pourrait il être une solution ponctuelle au désengor-gement de nos villes ?

Ce travail a été rédigé suivant notre compréhension et interprétation des faits.

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