MethodRechEco V4 BAT - IFGU -...

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  • MTHODOLOGIEDE LA RECHERCHEDOCTORALEEN CONOMIE

    Sous la direction de :

    Mohamed HADDAR

    ISBN: 978-2-8130-0038-5

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    Prix public : 19,50 euros TTC ( Prix prfrentiel AUF - pays en dveloppement : 12 euros HT )

    ditions des archives contemporaines

    Cet ouvrage est diffrent de ceux qui lont prcd. Il ne recense pas les problmes quun thsard est susceptible de rencontrer et avance des conseils ou des solutions. De fait, plusieurs ouvrages ont t crits dans ce sens mais les leons tires des suc-cs et dceptions ns au cours de la prparation et mme lors de la soutenance des thses imposent une certaine humilit.

    Cet ouvrage est le fruit dune grande exprience en matire dencadrement de douze professeurs des universits. Chacun deux, en se rfrant son exprience personnel-le en matire de direction de thses et en dfinissant un thme de son choix, a tent de rpondre, principalement, aux quatre questions suivantes : 1) Comment passer dune ide un projet de recherche ? 2) Comment conduire la recherche ? 3) Quest quune thse russie ? 4) Quelles sont les erreurs viter ?

    Louvrage couvre trois thmes : 1) lconomie du dveloppement avec le cas dune thse en microconomie applique au dveloppement, 2) lconomie internationale en se rfrant aux thses en commerce international, aux thses en macrocono-mie financire internationale ainsi qu celles qui traitent de linvestissement direct tranger et 3) lconomie institutionnelle. Lobjectif est dindiquer aux thsards les diffrentes tapes de la dmarche organise qui va de lintention de faire une thse la soutenance ainsi que les erreurs viter. Tous sattardent, partir de cas concrets, sur un certain nombre de questions telles que : Comment passer dune ide un projet de recherche ? Comment conduire la recherche ? Quelles sont les pratiques et attitudes viter ? Quelles sont les bonnes pratiques ? Chacun deux, dans son domaine et en se rfrant des exemples vcus, sarrte sur les obstacles les plus frquents et indique des moyens de les surmonter en illustrant leur propos par des exemples tirs de thses encadres. Cest l une dmarche qui est trs peu aborde dans les ouvrages et dans les cursus acadmiques.

    MTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE DOCTORALE EN CONOMIE

  • MTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE DOCTORALE EN CONOMIE

  • MTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE DOCTORALE EN CONOMIE

    Sous la direction de

    Mohamed HADDAR

  • Copyright 2010 ditions des archives contemporaines en partenariat avec lAgence universitaire de la Francophonie

    Tous droits de traduction, de reproduction et dadaptation rservs pour tous pays. Toute reproduction ou reprsentation intgrale ou partielle, par quelque procd que ce soit (lectronique, mcanique, photocopie, enregistrement, quelque systme de stockage et de rcupration dinformation) des pages publies dans le prsent ouvrage faite sans autorisation crite de lditeur, est interdite.

    ditions des archives contemporaines 41, rue Barrault 75013 Paris France www.archivescontemporaines.com ISBN : 978-2-8130-0038-5 Avertissement : Les textes publis dans ce volume nengagent que la responsabilit de leurs au-teurs. Pour faciliter la lecture, la mise en pages a t harmonise, mais la spcifici-t de chacun, dans le systme des titres, le choix de transcriptions et des abrvia-tions, lemploi de majuscules, la prsentation des rfrences bibliographiques, etc. a t le plus souvent conserve.

  • Sommaire

    Prface ..................................................................................................................... 1Mohamed HADDAR

    Introduction : Rflexions mthodologiques pour russir une thse ............... 3Mohamed HADDAR

    1. La prsentation des thses ............................................................................. 42. Les ateliers mthodologiques ......................................................................... 5

    Premre partie

    Lconomie du dveloppementLa recherche en conomie du dveloppement ................................................. 15Christian MORRISSON

    1. Lunification ................................................................................................... 152. Les progrs en matire de donnes statistiques .......................................... 163. Les progrs thoriques ................................................................................. 174. Les progrs lis la conjoncture .................................................................. 18

    Croissance et dveloppement les thses en prsence .................................... 21Abdeljabar BSAS

    1. Les thses ralises ..................................................................................... 232. Des thses entreprendre ........................................................................... 26

    Les thses en microconomie applique au dveloppement ......................... 29Jean-Louis ARCAND

    1. Thorie ou donnes ? Popper est mort, vive Popper ! .................................. 292. Trois options pour les donnes : en conserve, tout(e) seul(e), en quipe ..... 293. Laissez parler les donnes ........................................................................... 304. La stratgie d'identification ............................................................................ 305. Estimation et infrence ................................................................................. 306. Marketing ...................................................................................................... 317. Rsultats des courses ................................................................................... 31

    Deuxime partie

    Lconomie internationaleLes thses en commerce international .............................................................. 35Jean-Marc SIRON

    1. Le sujet de thse ........................................................................................... 362. Les dterminants du commerce international ............................................... 373. Les effets du commerce ................................................................................ 384. La dmarche empirique ................................................................................ 395. Quelques erreurs (courantes) viter dans les thses de commerce

    international .................................................................................................. 43

    Russir une thse en macroconomie financire internationale .................... 47Andr CARTAPANIS

    1. Prambule .................................................................................................... 47

  • 2. Bien comprendre, dabord, ce quest une thse de doctorat en sciences conomiques ............................................................................. 48

    3. Choisir un champ de recherche couvrant les questions vives de la macroconomie financire internationale .................................... 49

    4. Dlimiter un sujet de faon originale en posant des questions liminaires et en retenant explicitement des hypothses ................................ 50

    5. Matriser la littrature la plus rcente ............................................................ 516. Adopter un cadre de rfrence thorique ..................................................... 527. Dfinir une mthodologie empirique ............................................................. 538. Construire larchitecture dune thse tout en visant la publication

    dune srie darticles dans les revues professionnelles ................................ 539. Soumettre la critique ses travaux intermdiaires et prsenter des

    communications dans les sminaires, les colloques nationaux ou internationaux, avant de soumettre publication ses travaux sans attendre la soutenance ................................................................................. 54

    10. Connatre les critres dvaluation des jurys de thse .................................. 5511. Envisager, trs tt, tout un ensemble de dbouchs professionnels,

    sans se limiter la carrire universitaire ....................................................... 56

    Les conditions de russite dune thse : lexemple des investissements directs trangers (IDE) ......................................................................................... 57Ridha GOUIA

    1. Les conditions pralables ............................................................................. 572. Forme et contenu du projet de recherche ..................................................... 603. Des conseils gnraux et pratiques .............................................................. 63

    Troisime partie

    Lconomie institutionnellePostures pistmologiques dans des recherches doctorales en sciences de lconomie et de la gestion : un tour dhorizon de quelques notions fondamentales et des pratiques .......................................................................... 67Ahmed SILEM

    1. La thse comme recherche dintention scientifique ...................................... 672. La rupture pistmologique .......................................................................... 683. La connaissance scientifique et la ralit ...................................................... 684. la posture pistmologique ........................................................................... 71

    Une thse en conomie et en gestion : Les voies ouvertes la cration de connaissance ........................................................................................................ 77Pierre DUPRIEZ et Blandine VANDERLINDEN

    1. Des thmes voisins ....................................................................................... 772. Des fondements pistmologiques proches ................................................. 783. La dmarche ................................................................................................. 814. Parcours de la littrature et construction du cadre thorique ........................ 825. Mthodologie ................................................................................................ 846. Laide la dcision ....................................................................................... 887. Les risques du mtier .................................................................................... 898. Clarifier les choix (tableau de synthse) ....................................................... 89

  • ConclusionsRussir une thse en conomie de la transition ............................................... 95Xavier RICHET

    1. Une exprience dencadrement de thse ..................................................... 952. conomie de la transition : un sujet qui a fait son temps ? ........................... 963. Russir pour qui ? Pour quoi ?...................................................................... 974. Le sujet de thse ........................................................................................... 975. Comment structurer une thse ?................................................................... 986. Quest quune thse russie ? ...................................................................... 98

    la lumire de lexprience ................................................................................ 99Alain REDSLOB

    1. propos de la forme ..................................................................................... 992. propos du fond......................................................................................... 1013. Remarques conclusives .............................................................................. 103

  • PRFACE Mohamed HADDAR1

    La thse est un investissement. Pour la prparer, le thsard doit sacrifier une p-riode plus ou moins longue, en moyenne, quatre cinq ans de travail continu. Ce travail ncessite, entre autres, une motivation, une capacit intellectuelle et de limagination. La mener bien est un processus qui exige professionnalisme, m-thode et rigueur. Lobjectif de cet ouvrage, sur la mthodologie de la recherche doctorale en conomie, est daider le thsard dans laccomplissement de cette tche en lui montrant comment russir sa thse.

    Cet ouvrage est diffrent de ceux qui lont prcd. Il ne recense pas les pro-blmes quun thsard est susceptible de rencontrer et avance des conseils ou des solutions. De fait, plusieurs ouvrages ont t crits dans ce sens mais les leons tires des succs et dceptions ns au cours de la prparation et mme lors de la soutenance des thses imposent une certaine humilit. Il nexiste pas une mtho-dologie standard pour tous les sujets de thse. Toute recherche prsente son lot de difficults et rien nest acquis davance. Par ailleurs, le format peut tre diffrent. En conomie, le thsard peut soutenir une thse classique la franaise ou une thse la nord-amricaine constitue de trois papiers indpendants o, thoriquement, lapproche est tout indique : un modle thorique rfutable est postul, et puis test empiriquement.

    Cet ouvrage passe en revue ces deux cas et prend comme point de dpart les exemples de thses diriges dans diffrents domaines des sciences conomiques. Il est le fruit dune grande exprience en matire dencadrement de douze profes-seurs des universits. Ces derniers, dhorizons divers, ont anim des ateliers de formation aux thsards, lors dun sminaire organis conjointement par le labora-toire de recherche Prospective, stratgie et dveloppement durable (PS2D)2 de luniversit Tunis El Manar et le rseau des chercheurs Analyse conomique et dveloppement3 de lAgence universitaire de la Francophonie (AUF), pour la troisime anne conscutive. Tous ont une grande exprience en matire dencadrement. Chacun deux, en se rfrant son exprience personnelle en matire de direction de thses et en dfinissant un thme de son choix, a tent de rpondre, principalement, aux quatre questions suivantes :

    1. Comment passer dune ide un projet de recherche ?

    1 Professeur, universit Tunis El Manar, directeur du PS2D. 2 PS2D : . 3 AED : .

  • 2 | Prface

    2. Comment conduire la recherche ?

    3. Quest quune thse russie ?

    4. Quelles sont les erreurs viter ?

    Louvrage couvre trois thmes :

    1. Lconomie du dveloppement avec le cas dune thse en microconomie applique au dveloppement ;

    2. Lconomie internationale en se rfrant aux thses en commerce interna-tional, aux thses en macroconomie financire internationale ainsi qu celles qui traitent de linvestissement direct tranger et

    3. Lconomie institutionnelle.

    Lobjectif est dindiquer aux thsards les diffrentes tapes de la dmarche organi-se qui va de lintention de faire une thse la soutenance ainsi que les erreurs viter. Tous sattardent, partir de cas concrets, sur un certain nombre de ques-tions telles que :

    Comment passer dune ide un projet de recherche ?

    Comment conduire la recherche ?

    Quelles sont les pratiques et attitudes viter ? Quelles sont les bonnes pratiques ?

    Chacun deux, dans son domaine et en se rfrant des exemples vcus, sarrte sur les obstacles les plus frquents et indique des moyens de les surmonter en illustrant leur propos par des exemples tirs de thses encadres. Cest l une dmarche qui est trs peu aborde dans les ouvrages et dans les cursus acad-miques.

  • INTRODUCTION :

    RFLEXIONS MTHODOLOGIQUES POUR RUSSIR UNE THSE

    Mohamed HADDAR1

    Le laboratoire de recherche Prospective, stratgie et dveloppement durable (PS2D) organise, en partenariat avec le rseau des chercheurs Analyse cono-mique et dveloppement de lAgence universitaire de la Francophonie (AUF), pour la troisime anne conscutive, un sminaire pour les doctorants intitul cole doctorale (ED). Cette manifestation est organise, paralllement au col-loque annuel du PS2D.

    LES OBJECTIFS DE LCOLE DOCTORALE LED vise au moins quatre objectifs : 1. Dpasser lisolement, encore trop frquent, des doctorants durant llaboration

    de leur thse. Sa vocation premire est de prparer au doctorat et daider linsertion professionnelle des docteurs ;

    2. Apporter aux doctorants :

    un regard extrieur sur ltat davancement de leur thse,

    des rflexions mthodologiques pour conduire et approfondir leur travail (ateliers mthodologiques),

    des techniques quantitatives sur un point particulier ;

    3. Favoriser :

    lchange scientifique et intellectuel entre doctorants et professeurs de pays divers,

    louverture sur des cultures diffrentes,

    la promotion des cotutelles de thses ;

    1 Universit Tunis El Manar

  • 4 | Introduction

    4. Runir dans un seul ouvrage les contributions de certains professeurs. Chacun deux, en se rfrant son exprience personnelle, a t invit rpondre la question : Comment russir une thse en sciences conomiques ?

    LED se droule sous la forme de prsentations de thses et dateliers mthodolo-giques.

    1. La prsentation des thses Les doctorants inscrits en thse depuis deux ans, au moins, prsentent, publique-ment et devant cinq professeurs, ltat davancement de leurs travaux en respec-tant le modle suivant :

    A. Rfrencement de la thse 1. Prcisez le titre de la thse.

    2. Prcisez le nom de lauteur.

    3. Indiquez le nom du directeur de recherche. Les noms des encadreurs, etc.

    4. Indiquez, en cas dune thse en cotutelle, les deux institutions concernes ainsi que les noms des codirecteurs.

    5. Prcisez la date de la premire inscription en thse.

    6. Citez la spcialit dans laquelle sinscrit la thse. Utilisez pour cela le systme de classification du Journal of Economic Literature2 :

    7. Donnez une liste de mots cls (une demi-douzaine maximum).

    B. Prsentation de ltat davancement 8. Le thme central de la thse : 3 5 lignes.

    9. La ou les questions que vous soulevez et que vous traitez dans la thse : 2 3 paragraphes (avec la fin de chaque paragraphe une question prcise). Allez directement lessentiel.

    10. Ltat de la littrature sur ces questions. Quelles sont les ides avances sur ces questions ? Quels sont les rsultats dj tablis par la littrature ? (5 7 paragraphes).

    11. Quelle est votre dmarche ? Comment avez-vous effectu ou allez-vous effec-tuer le travail ? : 3 5 paragraphes. Quelles sont les tapes du travail que vous avez ou que vous comptez raliser ? Y a-t-il un travail empirique, un tra-vail de modlisation, des techniques particulires, des notions, des concepts, des outils danalyse, etc. ?

    12. Quels sont les nouveaux rsultats que vous avez ou que vous comptez ta-blir ? : 3 5 paragraphes. Les rsultats peuvent tre thoriques ou empiriques. Slectionner et insrer ici un tableau, un graphique, une quation, la dfinition

    2 .

  • Introduction | 5

    dune notion, ou une srie de phrases ou de points qui reproduisent lessentiel de vos rsultats. Un petit commentaire ou quelques explications suffisent.

    13. Quelle est la rponse que vous avez apporte la question ou aux questions que vous vous tes poses, si votre travail est suffisamment avanc ? : 2 3 paragraphes. Il sagit ici dindiquer en quoi les rsultats tablis constituent une rponse aux questions poses.

    14. En quoi votre contribution donne un clairage nouveau sur le thme central de la thse la lumire des rsultats tablis ou en cours, si la thse est suffi-samment avance ? : 3 5 paragraphes. Il sagit ici de montrer en quoi vos rponses sont diffrentes des rponses dj donnes dans la littrature.

    15. Y a-t-il un aspect que vous avez voulu traiter et que vous ntes pas parvenu le faire ? : 1 2 paragraphes.

    16. Donnez le plan de votre thse. Arrtez-vous au niveau du sommaire mais le niveau de chapitres (si vous avez des parties) peut suffire.

    17. Prsentez lagenda de votre travail : Quelles sont les tapes franchies ? Quest-ce qui vous reste faire ? Indiquer tout cela en termes de planning.

    18. Fournissez votre bibliographie. Soignez la (dix rfrences au maximum : ordre alphabtique des noms, indiquez lanne, etc.).

    En se conformant strictement ce modle, les doctorants prennent conscience du chemin parcourir. Une discussion est engage aprs la prsentation avec les professeurs et les chercheurs participants. Dans ce cadre, les doctorants bnfi-cient de conseils utiles pour la suite de leurs travaux de recherche.

    2. Les ateliers mthodologiques Les doctorants nouvellement inscrits suivent des ateliers de formation mthodolo-giques anims par des professeurs maghrbins, europens et canadiens. Ces professeurs ont t invits au pralable rpondre certaines interrogations. Chacun, sa faon et en se rfrant son exprience personnelle en matire dencadrement et de recherche, a tent de donner un contenu concret aux r-flexions mthodologiques suivantes :

    1. Comment passer dune ide un projet de recherche ?

    2. Comment conduire la recherche ?

    3. Quest quune thse russie ?

    4. Quelles sont les erreurs viter ?

    A. Comment dfinir un sujet de thse ? Un projet a trois dimensions : formuler une question, y apporter des rponses (ob-tenir des rsultats), dans un temps limit (trois quatre ans). Il nexiste pas une mthodologie standard pour tous les sujets de thse. Toute recherche prsente son lot de difficults et rien nest acquis davance. Ces difficults commencent avec

  • 6 | Introduction

    le choix dun sujet. La difficult est de passer dun thme gnral un sujet prcis de thse donnant naissance une problmatique et un projet.

    La premire condition de russite dune thse est le choix dun bon sujet. La rus-site finale dpend pour moiti de ce choix. Cependant le thsard y consacre sou-vent peu de temps par rapport lenjeu. Ce choix comporte deux phases, dabord choisir un domaine, puis choisir un point prcis.

    Le choix dun bon sujet La littrature tant trs riche, il est difficile de trouver un sujet inexplor. Certains sont forcment en dclin parce que les conditions qui les justifiaient ont disparu : en Europe, le suremploi est un sujet qui na plus aucun intrt depuis longtemps alors quil tait tudi il y a quarante ans. Les politiques dajustement concernent beaucoup moins lactualit que dans les annes quatre-vingt. Par contre, il est clair quun domaine un peu nouveau est beaucoup plus porteur. Par exemple il tait judicieux de choisir les problmes de la transition au dbut des annes quatre-vingt-dix, juste aprs la chute du mur de Berlin. Il se posait beaucoup de nouveaux problmes sur lesquels la littrature tait trs pauvre.

    Le thsard doit donc consacrer du temps recenser certains champs de recherche un peu inexplors ou en cours dextension. Il est utile, pour cela, de parcourir les derniers numros des revues internationales et les documents de travail des grands centres de recherche comme le NBER, publis sur Internet.

    Il faut aussi que le thsard ait un minimum dintrt pour le domaine car on ne peut consacrer quatre voire cinq ans un sujet qui ennuie. Dautre part, il faut tre ima-ginatif ; certaines personnes, y compris souvent des tudiants qui ont pass bril-lamment tous leurs examens, manquent dimagination. La recherche nest pas faite pour les bons tudiants mais pour les gens qui ont des ides. En ce sens le bon tudiant doit plutt choisir la premire solution, c'est--dire tout simplement amliorer. Mais ce qui compte, cest la faisabilit du projet : existe-t-il une littrature thorique sur la question et des donnes suffisamment fiables pour parvenir des rsultats ?

    Une fois le domaine choisi, il faut trouver une question prcise. Deux voies sont possibles :

    1. Amliorer la littrature disponible. Le thsard pense quil peut amliorer lanalyse disponible en introduisant, par exemple, des nouvelles variables qui nont pas t prises en compte.

    2. Prendre une nouvelle direction. Cette voie est plus rentable car on part de rien et on propose une nouvelle approche qui permet son auteur de bnficier dune rente dinnovation la condition dtre certain que la nouvelle approche rsistera aux critiques.

    B. Comment conduire la recherche ? Il faut consacrer un temps donn pour ce travail et dlimiter le champ rsu-

    mer sous la forme dune revue de la littrature dans le premier chapitre de la thse. En fait la vraie thse commence aprs cette revue de la littrature.

  • Introduction | 7

    La partie thorique rdige, il est souhaitable de la faire lire et critiquer par plusieurs personnes car la suite repose sur cette partie.

    La partie empirique comporte dhabitude une prsentation des donnes puis les tests conomtriques. Il ne faut pas hsiter rcrire des pages de la par-tie thorique et reformuler votre modle aprs les premiers tests.

    Le dernier chapitre peut comprendre une rflexion courte ou longue sur les consquences de vos rsultats pour les politiques conomiques sil y a lieu. Dautre part il est souhaitable dans ce chapitre de mettre en vidence la valeur ajoute qui correspond votre thse. Il est mme souhaitable ds le dbut de votre recherche que vous pensiez la rdaction de ce passage en vous po-sant la question : quest ce que ma thse va apporter.

    Concrtement, une fois la principale question pose, comment la rsoudre ?

    Une fois le sujet prcis dfini, le thsard doit se demander sil est capable de le traiter. Il faut, dune part quil puisse formaliser son ide nouvelle (par rapport la littrature), dautre part quil existe des donnes pour vrifier son modle (ou le rejeter). Cependant, lon doit remarquer quon peut aussi faire une thse sans tests qui soit purement thorique. Mais dans ce cas le thsard doit avoir des capacits de modlisation plus grandes.

    La revue de la littrature : quelle mthode de documentation ? Le thsard doit ds le dbut de sa recherche sastreindre respecter des rgles qui lui feront gagner beaucoup de temps par la suite. Dans ce sens, il faut :

    noter trs prcisment les rfrences bibliographiques ;

    indiquer o ces rfrences ont t trouves ;

    classer et ordonner la documentation collecte ;

    aller la source des documents ;

    distinguer les articles fondateurs et essentiels, des articles secondaires ou mineurs ;

    savoir sarrter dans sa recherche documentaire.

    Quelle dmarche empirique ? Ltudiant doit chercher vrifier empiriquement lhypothse thorique quil a for-mule. Cette phase de recherche est cruciale. Il faut veiller :

    utiliser les sources de donnes pertinentes ;

    conduire la procdure statistique ou conomtrique adapte lobjet dtude ;

    analyser les rsultats ;

    souligner les forces et les faiblesses de la dmonstration empirique ;

    la construction dun modle (hypothses et modle ambitionn) ;

  • 8 | Introduction

    la collecte des donnes (quantitatives et qualitatives) ;

    le traitement statistique/conomtrique.

    Comment obtenir les donnes ? Quelles sont les informations dont le chercheur a besoin pour rpondre

    la question ?

    Comment peut-il les collecter ?

    Peut-il utiliser ce type de donnes avec le type danalyse retenu ?

    Qui a produit ces donnes et dans quel but ?

    Ces donnes ont-elles fait lobjet dune analyse critique ?

    Pourquoi ces donnes et pas dautres ?

    Quels sont les biais ou les limites de ces donnes ?

    La disponibilit des donnes Le problme des donnes est essentiel. Il peut sagir de donnes dont disposent les instituts de statistiques mais non publies. Dans ce cas il faut sassurer que cet institut lui communiquera les donnes. Ce nest nullement garanti. En fait pour toutes les donnes non publies, il peut y avoir des difficults insurmontables. Lautre solution est de construire sa propre base de donnes en faisant soit mme des enqutes auprs des mnages, des salaris, des entreprises Ce travail peut prendre six mois ou plus.

    Comment interprter les rsultats et les propositions ? La validation des hypothses.

    Linterprtation par rapport au modle ambitionn : lexplication des carts, les lments ngligs par lanalyse, les limites du travail.

    Les propositions normatives : en termes de politiques macroconomiques, de stratgies dentreprise, de politiques sectorielles, etc.

    Les prolongements possibles.

    Comment structurer une thse ?

    Quel plan adopter ? Pour certains, la thse se compose en trois ou quatre chapitres. Chaque chapitre peut se prsenter en un article publiable dans une revue internationale avec un comit de lecture. La problmatique gnrale de la thse sera traite sous formes thorique et empirique. Il est souhaitable dtablir les faits styliss :

  • Introduction | 9

    Quelle rdaction ? Ltudiant est arriv la phase de rdaction de la thse. Cette phase prend du temps et doit tre soigne. Cest la vitrine de son travail. Des principes doivent tre connus :

    tre clair, concis, prcis.

    Aller lessentiel. liminer tout ce qui ne se rapporte par au cur du sujet de la thse.

    viter les paraphrases, les rptitions, les phrases trop longues.

    Rdiger lintroduction et la conclusion en veillant la cohrence entre ces deux temps forts de la thse.

    Prciser ds lintroduction le sujet, la problmatique, la ou les hypothses, la mthodologie, les moyens mis en uvre dans la recherche empirique, le plan de la thse.

    Veiller au respect des normes de prsentation acadmique des thses.

    C. Quest quune thse russie ?

    Quel est lapport du candidat ? Un approfondissement des connaissances ?

    Une clarification des concepts, des lois, des lments de thorie, etc. ?

    Un exercice sur les outils danalyse ?

    Quelle est la perception par le jury et par le public spcialis ? Clart et matrise du sujet.

    Ancrage dans la littrature spcialise.

    Bonne exploitation des outils de la discipline.

    De nouveaux rsultats.

    Conscience de la porte et des limites des rsultats.

    Quelle est la perception par lenvironnement ? Clarification de problmes cls, souvent multidisciplinaires.

    Rponse des problmes cls.

    Des moyens daction.

    Quel apport la carrire (recherche, enseignement, autre profession) ? Une plus grande connaissance dans un domaine donn.

    Une capacit dvoluer plus vite.

    Une aptitude dtecter les voies fructueuses dvolution.

  • 10 | Introduction

    D. Que doit contenir une thse russie ?

    Une ou plusieurs questions (problmatique) bien poses. Identification de la bonne question.

    La question informe sur les vraies priorits.

    La question claire lordre des causes et effets.

    Un positionnement par rapport la littrature. Une revue de la littrature.

    Se situer par rapport la littrature.

    Consulter la littrature anglo-saxonne (les mots cls pour une recherche Internet).

    Un cadre analytique thorique (une abstraction). Une garantie de cohrence.

    Porte et limites de la construction.

    Un instrument danalyse (un outil de production de nouveaux rsultats). Un modle conomtrique, modle danalyse de donnes.

    Un modle de simulation.

    Une loi.

    Des concepts.

    Un ou plusieurs rsultats (rponse aux questions poses). Une interprtation thorique.

    Un rsultat chiffr.

    Une interprtation des rsultats. Toute limportance des rsultats.

    Les limites des rsultats.

    Pdagogie (de la communication). La prsentation (le plan) est distinguer du processus du raisonnement.

    La conclusion rdiger avant lintroduction.

    La prsentation pour la soutenance, le rsum, etc.

    Soin du texte.

    Des informations : rfrences, bibliographie, donnes, etc. Utiliser les normes de citation.

  • Introduction | 11

    Les bases de donnes.

    Analyse descriptive.

    Connaissance du terrain.

    E. Quelles sont les pratiques et attitudes viter ?

    Les sujets la mode . Les sujets littrature abondante.

    Les sujets mdiatiss.

    Les sujets du moment.

    La primaut au Plan au dtriment de la contribution. La prcipitation pour avoir un plan.

    Le non-respect des tapes de la conception : problmatique, analyse, r-sultats

    Le plan en partie thorique et partie empirique Une partie thorique limite un rsum des crits prcdents.

    Une partie empirique par avance.

    La partie empirique sous forme dune conomtrique. Lempirique au sens de mise en relation cause effet.

    La manipulation des spcifications pour avoir des rsultats.

    Les tests conomtriques par changement dchantillon. Ltablissement de rsultats par rajouts de pays.

    Ltablissement de rsultats par changements de rgions.

    Non-exploration de la ralit. Analyser un secteur dactivit sans connaissance approfondie de ce sec-

    teur.

    Ignorer les analyses par dautres spcialits (management, sociologie, etc.).

    F. Quelles sont les bonnes pratiques ? Viser une contribution : problme, tat des connaissances et nouveaux r-

    sultats.

    Utiliser des outils danalyse : concepts, modlisation, traitement de don-nes.

    Connatre ce qui se fait dans dautres disciplines.

  • 12 | Introduction

    Connatre la ralit.

    Se mfier des rsultats autosatisfaisants.

    Respect de la production intellectuelle des autres.

  • Premire partie

    LCONOMIE DU DVELOPPEMENT

  • Chapitre I

    LA RECHERCHE EN CONOMIE DU DVELOPPEMENT

    Christian MORRISSON1

    Cette note ne prtend pas dresser un tat de la science dans un domaine particu-lier de lconomie. Elle constitue seulement une invitation la discussion, la r-flexion, partir dune assez longue exprience, puisque jai choisi mon sujet de thse il y a quarante-sept ans dans un contexte scientifique qui navait aucun rap-port avec celui daujourdhui. On peut seulement esprer quayant suivi beaucoup de changements, en conomie, et plus prcisment en dveloppement, javance ici quelques remarques qui seront peut-tre utiles pour de jeunes chercheurs.

    1. Lunification Il y a cinquante ans, les enseignements, les ouvrages dconomie du dveloppe-ment avaient parfois un caractre exotique dans la communaut scientifique. On avait limpression quil sagissait dun domaine o les mthodes de recherche et les thories la mode dans les pays dvelopps ne pouvaient pas sappliquer. Il cons-tituait un domaine scientifique part qui avait ses propres lois. De plus, une partie des enseignants, des chercheurs dans ce domaine lavait choisi un peu par en-thousiasme plus que par proccupation scientifique. Il sest pass la mme chose, il y a une vingtaine dannes, dans le domaine de lenvironnement. Cette vision dun monde part se comprenait en un sens : les donnes statistiques taient trs rares, peu fiables, les analyses srieuses encore ltat embryonnaire, la majorit de ces pays avaient peu de relations scientifiques avec les pays dvelopps, le nombre dconomistes ns dans ces pays tait faible. Enfin, il y avait un foss en termes de niveau de PIB par habitant avec les pays dvelopps.

    Aujourdhui, la situation a compltement chang. Seules lAsie du Sud et lAfrique subsaharienne sont encore des rgions o la majorit de la population vit dans une grande pauvret et o se posent des problmes conomiques vraiment spci-fiques par rapport ceux des pays dvelopps. Dans les autres rgions, on peut parler le plus souvent dconomies mergentes. Il nexiste pas de foss entre ces conomies et celles des pays dvelopps (mme sil y a un cart de 1 5 ou 10 en termes de PIB par habitant, au taux de change nominal, mais non en parit de pouvoir dachat), et les problmes rencontrs dans ces pays nont pas un caractre spcifique prononc. 1 Universit Paris-I.

  • 16 | Premire partie : Lconomie du dveloppement

    Dautre part, il existe des changes scientifiques intenses entre ces pays mer-gents et les pays dvelopps : des milliers dconomistes dans ces pays ont un doctorat et publient. De plus la mondialisation qui sest dveloppe depuis les an-nes quatre-vingt a acclr cette intgration scientifique.

    Par suite, lconomie du dveloppement est devenue un lment de la pense conomique parmi dautres. Elle se rfre aux mmes mthodes, aux mmes thories, tout en gardant sa spcificit sur certains points particuliers, en rapport avec lobjet tudi, notamment sil sagit de lAfrique subsaharienne et de lAsie du Sud. Par exemple, on ne peut pas appliquer directement la thorie microcono-mique standard avec ses hypothses habituelles au comportement des mnages dans des pays o les structures familiales nont rien de commun avec celles dans les pays dvelopps parce que la famille nuclaire nexiste pas et parce quil y partage des biens entre tous les membres dune famille largie. De plus, chaque individu est membre dun large groupe de parent et envers chacun il a des obliga-tions et des droits. Ces rseaux sociaux changent les conditions standards de lpargne et de linvestissement. Par exemple, un commerant clibataire qui rus-sit ne peut rien pargner ni investir parce quil doit hberger de nombreux membres de son groupe venus de la campagne. loppos, lappartenance un groupe dans dautres socits peut faire accder au crdit et linvestissement les plus pauvres parce quils peuvent emprunter sans caution un membre de leur groupe. Ces liens sociaux traditionnels ne relvent pas dune analyse microco-nomique standard.

    Malgr ces comportements spcifiques dans certains pays, on ne conoit plus lconomie du dveloppement comme une discipline part, de telle sorte que la thorie standard ne sy appliquerait pas, mais comme une spcialit intgre un corpus international (les thories qui font lobjet dun certain consensus), tant entendu que dans certains cas il faut adapter ce corpus des situations spci-fiques, ce qui justifie lexistence dune spcialit.

    2. Les progrs en matire de donnes statistiques En cinquante ans, notre information statistique sur les pays non-OCDE (pour sim-plifier) a fait des progrs considrables. Dans tous les domaines, les donnes de comptabilit nationale, les enqutes sur lemploi et la population active, les en-qutes sur les budgets des mnages, sur laccs lducation, aux soins de sant, les enqutes spcifiques sur des chantillons restreints, mais trs riches en raison de longs questionnaires conus pour analyser un problme prcis permettent de trs nombreux travaux empiriques pour tester chaque thorie. On a accumul de-puis les annes soixante-dix un capital de donnes statistiques important dans de nombreux pays, mme sil reste des dizaines de pays pauvres o linformation statistique est encore trs insuffisante. Cette production de donnes est due tous les agents concerns : services statistiques nationaux, organisations internatio-nales, travaux universitaires lorsque le chercheur construit sa propre base de don-nes laide dune nouvelle enqute. Les travaux de Ravallion ou de Milanovic la Banque mondiale concernant la pauvret et les ingalits reposent sur des en-qutes rcentes dans plus de 100 pays sur les budgets des mnages. Il tait im-possible de faire de tels travaux il y a quarante ans en labsence dun tel capital

  • La recherche en conomie du dveloppement | 17

    statistique. On a publi aussi des sries longues qui permettent de mieux com-prendre la croissance dans une perspective sculaire (comme les sries de Mad-dison sur population et PIB depuis 1820 dans une soixantaine de pays, disponibles dans plusieurs ouvrages de lOCDE ou celles sur lducation depuis 1870 dans 74 pays, que jai publies avec F. Murtin en 2009).

    Ces progrs permettent dune part de faire des travaux descriptifs trs complets sur la plupart des sujets, dautre part de tester des thories macro ou micro, de construire des modles et de faire des simulations. Par exemple la base de don-nes sur lducation cite ci-dessus a dj permis de montrer limpact ngatif d-terminant de lducation sur les taux de fcondit dans les pays en dveloppe-ment. Ces progrs ont donc compltement chang les conditions dans lesquelles se fait la recherche conomique dans des dizaines de pays en dehors de lOCDE.

    3. Les progrs thoriques Je donnerai seulement quelques exemples de ces progrs qui offrent aux cher-cheurs des instruments qui nexistaient pas il y a cinquante ans. Les modles dquilibre gnral calculable ont t mis au point la fin des annes soixante-dix, dbut des annes quatre-vingt. Ds lors que lon dispose dune matrice de comp-tabilit sociale, on peut reprsenter le fonctionnement de lconomie et estimer par simulation limpact de diverses mesures (comme une dvaluation, une coupure des dpenses publiques, une rduction autoritaire des importations) sur le ni-veau dactivit, sur lemploi, sur les revenus des divers groupes sociaux, sur la pauvret.

    Dans un autre domaine, lanalyse microconomique du comportement des m-nages et des entreprises a fait aussi de grands progrs, qui permettent de mieux analyser les choix en matire de migration, demploi des femmes maries, darbitrage entre nombre denfants et ducation. La nouvelle microconomie a complt la microconomie standard en prenant mieux en compte les institutions informelles et formelles (y compris la qualit de la gouvernance publique), les im-perfections de march, mme si les mcanismes de march restent la rfrence. La nouvelle microconomie a jou un rle capital en conomie du dveloppement parce que le poids des institutions, les consquences des imperfections de march y sont encore plus importants que dans les pays les plus dvelopps. Dans cette perspective, les questions dinformations et dincitations jouent un rle important. Par exemple, on analyse le partage du risque dans une agriculture o les asym-tries dinformations prvalent. Tous ces progrs de la microconomie se sont con-jugus avec lexistence pour la premire fois de nombreuses enqutes sur les mnages et les entreprises et ont t amplifis par les capacits de traitement informatique qui nexistaient pas avant, ce qui a permis de tester toutes les hypo-thses de la microconomie.

    Par ailleurs, les facilits denqute ont permis de tester les consquences dun programme en comparant lvolution dans le temps de deux chantillons de per-sonnes ayant les mmes caractristiques en dehors du programme appliqu dans lun et non dans lautre (la slection tant faite de manire alatoire). Plusieurs chercheurs, notamment E. Duflo, ont fait des tudes de ce genre au Mexique, au Kenya et dans dautres pays africains.

  • 18 | Premire partie : Lconomie du dveloppement

    Enfin, on peut voquer un domaine trs diffrent, celui des institutions, o des analyses, depuis les annes quatre-vingt, ont renouvel nos connaissances et permis dintgrer les institutions lanalyse conomique de ces pays. Louvrage de M. Nabli et J. Nugent, publi en 1989, est lune des contributions marquantes ce nouveau courant de pense. Certes, on parlait avant des institutions, mais sous une forme littraire, sans les intgrer un cadre thorique ni les quantifier pour faire des tests conomtriques. Par exemple, les discriminations aux dpens des femmes ont fait lobjet rcemment danalyses quantitatives avec la construction dindicateurs de discrimination (J. Jutting et al., 2008). laide de ces indicateurs disponibles pour plus de 100 pays, on a pu montrer que ce facteur institutionnel avait un effet dterminant sur de nombreuses variables. Plus la discrimination est importante, plus le taux de fcondit est lev, comme les taux de mortalit des enfants, moins les femmes sont scolarises dans le secondaire, plus la gouver-nance dans le pays est mdiocre, plus les femmes sont cantonnes dans les em-plois prcaires, mal pays et sans aucun transfert en cas de maladie, chmage, vieillesse. Cet exemple montre que la quantification des variables joue un rle essentiel pour faire progresser notre analyse du dveloppement.

    4. Les progrs lis la conjoncture Lactualit conomique a induit des perces successives dans divers domaines parce que les gouvernements, les organisations internationales, les universitaires se rendaient compte de lurgence dune meilleure connaissance des problmes.

    Par exemple, au dbut des annes quatre-vingt, les programmes dajustement (de stabilisation et dajustement structurel pour tre plus exact) ont soulev beaucoup de questions, en raison de leurs consquences sur lemploi, sur la pauvret. Il en a rsult de nombreux travaux qui ont un intrt scientifique certain et qui ont guid lamlioration des programmes dajustement. On a t conduit ainsi approfondir lanalyse des relations entre cadre macroconomique et facteurs microcono-miques, en combinant les donnes de comptabilit nationale avec les donnes denqutes sur les mnages, ce qui ne stait jamais fait auparavant. Il nexistait alors quune bibliographie trs courte sur les modles dquilibre gnral et les simulations concernant limpact de chocs ou de mesures de politique conomique sur les revenus (cf. travaux dI. Adelman et de S. Robinson). Mais depuis la fin des annes quatre-vingt, les publications partir de modles dquilibre gnral se sont multiplies cause des circonstances. Dans un premier temps, on a utilis seulement des donnes macroconomiques, puis on les a combines avec des donnes microconomiques fournies par des enqutes mnages. Pour appliquer ces modles, on a construit des matrices de comptabilit sociale dans de nom-breux pays qui nen avaient jamais eu. Ceci montre comment, sous la pression de la demande, les travaux de modlisation et les travaux statistiques se sont conju-gus, les uns entranant les autres et rciproquement.

    Lanalyse des consquences de louverture extrieure dans beaucoup de pays, depuis les annes quatre-vingt, a galement induit des progrs dans lanalyse de la croissance et des consquences de louverture : effets sur lemploi de la concur-rence extrieure, effets des investissements trangers sur lacquisition des techno-logies de pointe.

  • La recherche en conomie du dveloppement | 19

    Au dbut des annes quatre-vingt-dix, la chute du mur de Berlin et des rgimes communistes en Europe de lEst et en URSS a suscit de nombreux travaux sur le passage dune conomie planifie une conomie de march. Il existait une litt-rature importante sur le chemin inverse, mais peu de travaux sur ce problme comme si le communisme tait une destination irrversible. En fait, la libralisation des ex-pays communistes posait des problmes difficiles aux gouvernements et il y avait urgence dvelopper des recherches qui puissent les guider. Des cono-mistes de haut niveau et rputs qui navaient pas travaill sur ces pays aupara-vant, se sont engags dans ces recherches parce que la libralisation posait la fois des questions thoriques trs intressantes et des questions pratiques.

    Aujourdhui, lurgence des problmes denvironnement qui paraissaient dans le pass un problme des pays dvelopps, induit de mme des recherches nom-breuses dans les pays mergents qui sont encore plus concerns par ces dangers que les pays dvelopps.

    La crise mondiale de 2007-2008 va augmenter lintrt des travaux empiriques. Le prsident de la FED, B. Bernanke a fait sa thse sur la crise de 1929. Dans le nou-veau contexte destin durer qua cr la crise actuelle, on va assister un re-nouveau des travaux dhistoire conomique quantitative par des conomistes qui matrisent la thorie et privilgient ltude ainsi que lexplication des faits. Il est frappant de voir comment, soudainement, les conomistes se rfrent souvent la crise de 1929, tandis que lon critique les instruments financiers sophistiqus con-us par des mathmaticiens conomistes ; instruments que les banquiers eux-mmes ne matrisaient pas. Cela signifie quon se mfie des travaux purement mathmatiques et quon va accorder beaucoup plus dattention aux faits. Cela ne signifie pas quon va ngliger les recherches thoriques, mais je crois quon se souciera plus de vrifier la correspondance entre faits et thorie ainsi que la perti-nence des concepts et des modles par rapport la ralit en considrant quil est impratif de reformuler tout concept ou modle qui nest pas valid par les faits.

    Ces nombreux exemples montrent quun jeune chercheur qui choisit son domaine de recherche ne doit pas se limiter lire les publications du pass, mais il doit aussi sinterroger sur les problmes de lheure qui sont les plus graves, voire sur ceux qui vont apparatre demain. En effet, les nouveaux champs de recherche que la conjoncture impose ainsi, sont beaucoup plus prometteurs pour un jeune cher-cheur que les sujets qui ont t traits et retraits dans des centaines darticles et des dizaines douvrages. Ds lors quun jeune matrise les instruments statistiques, conomtriques, comme la thorie standard, sa contribution peut reprsenter une valeur ajoute beaucoup plus importante sil choisit les sujets de demain au lieu de ceux dhier.

    Rfrences ADELMAN, I. et ROBINSON, S. (1978), Income Distribution Policy in Developing Countries : a

    case study of Korea, Standford University Press. JUTTING, J. ; MORRISSON, C. ; DRECHSLER, D. et DAYTON-JOHNSON, J. (2008), Measuring

    Gender (In)Equality , Journal of Human Development, pp. 65-86. MADDISON, A. (2003), Lconomie mondiale : statistiques historiques, Centre de dveloppe-

    ment/OCDE.

  • 20 | Premire partie : Lconomie du dveloppement

    MILANOVIC, B. (2005), Measuring International and Global Inequality, Princeton University Press.

    MORRISSON, C. et MURTIN, F. (2009), The Century of Education , Journal of Human Capi-tal, pp. 1-42.

    NABLI, M. et NUGENT, J. (1989), The New Institutional Economics and Development, North-Holland.

    RAVALLION, M. et CHEN, S. (2009), The Developing World is Poorer than we Thought. Mimeo/World Bank.

  • Chapitre II

    CROISSANCE ET DVELOPPEMENT

    LES THSES EN PRSENCE Abdeljabar BSAS1

    Assez souvent, il sest fait peu de distinction entre croissance et dveloppement, et un grand nombre de travaux font du dveloppement une dpendance de la crois-sance, en admettant que ce dernier se raliserait ds lors que celle-l serait soute-nue.

    Cest sur cette base quont t labores des stratgies de dveloppement soit par les pays concerns ou proposes par les institutions internationales. Dans les deux cas, les rsultats obtenus ntaient pas la hauteur de ce quon attendait de ces stratgies. Et, sil en est ainsi, cest que laspect croissance est considr comme condition du dveloppement et, par suite, une attention particulire est accorde une solution par la croissance, sans que soit pris en considration laspect spci-fique de chaque pays.

    Ces travaux pionniers en matire de dveloppement (R. Rodan, Nurkse, Lebeins-tein, etc.) nchappaient pas cette vision des choses. Ils analysaient les causes du sous-dveloppement (insuffisance de lpargne, faible accumulation, le tout se traduisant par le cercle vicieux de pauvret) et proposaient des stratgies de dve-loppement sur cette base. De sorte que rares sont les travaux qui ont cherch aller au-del des caractristiques du sous-dveloppement et aborder ce qui est lorigine de ce dernier. Les travaux de F. Perroux font presque exception en ce sens que lauteur franais sen tait pris laspect structure et de mettre partout en relief des diffrences structurelles entre pays qui conditionnent leurs trajectoires de dveloppement.

    Ce nest que rcemment que certains travaux sur le dveloppement se sont orien-ts vers une recherche des origines profondes du sous-dveloppement en prenant en compte les spcificits propres aux pays en retard. Cest une tentative qui cherche autonomiser lconomie de dveloppement jusquici intgre davantage ltude de la croissance. Car si un lien entre croissance et dveloppement est vident, le fait de navoir pas reconnu assez tt la spcificit du dveloppement sest traduit par des analyses peu conformes aux ralits des PSD et plus tard des PVD. Le cas le plus illustratif dans ce domaine est trouver dans les travaux de Rostow o lauteur soutient quen suivant le chemin en cinq tapes parcourues 1 Universit Tunis El Manar.

  • 22 | Premire partie : Lconomie du dveloppement

    aujourdhui par les pays dvelopps, les PSD finiraient par se dvelopper. Une telle proposition est lvidence rductrice, car elle fait fi des structures propres chaque pays qui fait quon ne peut appliquer un schma uniforme tous les pays.

    Dun autre ct, certaines approches partent dun a priori doctrinal et prsentent le cas de pays ayant russi leur dveloppement comme confirmant cet a priori. Le cas le plus souvent cit tant celui de la Core du Sud. Cest ce qui ressort de louvrage coordonn par lconomiste de la Banque mondiale, John Page, intitul Le Miracle asiatique. Louvrage tente daccrditer lide que le succs de ce pays sexplique par la mise en uvre de lconomie de march. En fait, la Banque mon-diale voulait prsenter ce cas comme un exemple imiter par les pays en retard. En vrit, sans nier les succs conomiques de ce pays, un examen attentif montre que lintervention multiforme de ltat a t dcisive aux premiers temps de lexprience corenne rendant ainsi possible le fonctionnement dune conomie de march. Dautre part, et surtout si certains fondamentaux en tant que pralables tout processus de dveloppement doivent tre mis en uvre par nimporte quel pays (ducation, et formation, systme bancaire pour permettre aux entreprises daccder au crdit, etc.), il est aussi ncessaire dadmettre que les situations diff-rent dun pays lautre et que les conditions de mise en uvre de lexprience corenne peuvent ne pas tre gnralises tous les pays.

    loppos, le courant nomarxiste propose un dveloppement en rupture avec le march mondial en dveloppant les thses de lchange ingal et de la DIT qui conduiraient un non-dveloppement et, sur cette base, ont t labores les thories de la Dpendance (Cardoso) et celle du Centre/Priphrie (S. Amin).

    Les approches librales et nomarxistes donnrent naissance diffrentes strat-gies de dveloppement et, pour la plupart, connurent des rsultats mitigs ce qui a amen lconomie du dveloppement sorienter vers dautres voies telles que la voie nolibrale et la voie institutionnelle. La premire sinscrit dans le cadre du courant thorique qui sest impos comme courant dominant dans les annes soixante-dix et dont les principes servent de fondement la mondialisation et ont inspir llaboration des PAS proposs aux PVD endetts pour promouvoir leur croissance telle quun excdent puisse tre export pour rembourser les dettes. La seconde valorise le poids des institutions pour expliquer les performances cono-miques diffrentes dun pays un autre. Cest une voie qui se renforce de plus en plus (deux conomistes animateurs de ce courant ont obtenu le prix Nobel en co-nomie : Coase et North, et plus rcemment Williamson) ds lors quil et devenu vident quune explication strictement conomique ne rendait pas suffisamment compte du fonctionnement conomique dun pays. Ce quil faut, en plus de laspect conomique, cest remonter aux diffrentes structures propres chaque pays : structures historico-sociales, politico-institutionnelles, etc. et en prenant en consi-dration ces structures, il devient possible dentrevoir des stratgies de dvelop-pement plus conformes au vcu des pays en retard et, par consquent, plus effi-caces.

    Cette brve prsentation avait pour objectif de situer le choix des thses qui ont t labores par un certain nombre de chercheurs au cours des dernires an-nes, de mme que les approches retenues pour les mener terme.

  • Croissance et dveloppement | 23

    1. Les thses ralises La plupart de ces thses sont, en fait, dinspiration tiers-mondiste et, pour cer-taines, la dmarche retenue est emprunte la vision marxiste de lvolution des socits, soit une volution en termes de lutte de classes.

    Quant aux problmatiques les plus frquemment retenues, elles se dduisent des thmes couramment dvelopps par le courant tiers-mondiste et/ou nomarxiste savoir la domination du Sud par le Nord travers les diffrentes DIT, le non-dveloppement et la dpendance technologique et conomique. Plus prcisment, il sagit de valider la thse de lchange ingal et de la dtrioration des termes de lchange et quen tat de dpendance il est peu probable quun pays dans cette situation puisse rellement se dvelopper.

    Pour tayer ces problmatiques, autrement dit pour montrer comment ces pays subissent la domination, les thses essaient de saisir les rapports qui stablissent entre la classe dominante et les intrts trangers. Celle-ci, en gnral, merge aux lendemains des indpendances politiques de ces pays et essaie dasseoir sa domination en nouant une alliance de classes pour exercer un pouvoir cono-mique. Cette alliance se fait le plus souvent avec la bureaucratie, nouvelle classe qui a pris naissance au lendemain des indpendances politiques acquises par ces pays et qui aspire dabord se faire reconnatre en tant quacteur dans le nouveau champ social et avoir ensuite un rle conomique pour lgitimer son statut de classe sociale. Son mergence sexplique par le rle qua tenu ltat aux premires phases du dveloppement de ces pays o il devait mettre sur pied les bases du fonctionnement conomique : infrastructures, ducation et formation, cration dentreprises publiques de production, des banques, des offices, etc. Toutes ces activits ont nourri la bureaucratie et lui ont permis de jouer un rle en alliance avec la classe dominante elle-mme, et en rapport avec les milieux daffaires trangers.

    Cette faon dapprhender le problme du dveloppement permet de mieux com-prendre les mcanismes de fonctionnement dune formation sociale (notion forge par le courant nomarxiste tiers-mondiste) dans son volution avec ses compo-santes internes et en relation avec lextrieur. Pour rendre compte de cette volu-tion, la plupart de ces thses ont adopt une dmarche historico-analytique en distinguant des phases daccumulation avec la mme approche, savoir le rapport des classes et les relations avec lextrieur. Cet aspect se confirme lorsque plu-sieurs pays endetts ont d accepter la mise en uvre de Programmes dajustements structurels (PAS) proposs par les institutions internationales. De nouveau, une alliance de classes se noue avec une recomposition du champ co-nomico-social et une modalit daccumulation diffrente. Ces thses rendent compte et expliquent ces situations en montrant les effets des mesures prises dans le cadre des PAS (dvaluation, libralisation, flexibilit des marchs du travail, etc.) et la rorientation des activits vers lexportation et consquemment la monte de la classe des exportateurs.

    lvidence, lapproche suivie par ces thses a assez bien dcrit le vcu conomi-co-social de ces pays dans leur souci dassurer leur dveloppement. Le mrite de cette approche est davoir associ le cours de laccumulation au rapport de classes et leurs liens avec ltat, en prsence de contraintes extrieures. Cest une d-

  • 24 | Premire partie : Lconomie du dveloppement

    marche qui se dmarque de celles habituellement retenues en ce sens quelle met au centre du processus de dveloppement les acteurs de celui-ci. Ces derniers, forms en classes, dfendent leurs intrts, ce qui inflchit le cours de laccumulation. De mme, en adoptant cette dmarche, il est possible de rendre compte du poids de ltat et de son rle dans ce processus. Tout en tenant compte de la ncessit de promouvoir le dveloppement, ltat apparat en symbiose avec la classe dominante et agit en fonction des intrts de cette dernire. On peut sen convaincre en rappelant quau temps o les ISI taient retenues comme stratgie de dveloppement, ltat a maintenu une unit montaire survalue pour favori-ser les importations des biens dquipements et des intrants ncessaires lactivit de production des entrepreneurs locaux qui produisaient pour le march local. Avec la priode douverture, o la stratgie par les exportations est retenue, lunit montaire est dvalue pour favoriser cette fois les exportateurs.

    Au total il est ais de reconnatre que lapproche et la dmarche adoptes par ces thses ont permis de cerner en grande partie le modus vivendi du processus de dveloppement suivi par ces pays. Cependant, tout en mettant en relief lapport de ces thses, il convient de relever les risques que comportait lapproche retenue et que certaines thses nont pu viter. Le principal risque tait le systmatisme. Cela consistait appliquer tel quel un schma danalyse qui ntait pas ncessairement adapt au contexte faisant lobjet de ltude. Cest le cas de certaines thses qui ont voulu reproduire et appliquer lanalyse marxiste de laccumulation capitaliste aux espaces sous-dvelopps en distinguant, comme le fait Marx, laccumulation primitive puis la conversion du capital en capital industriel avec bourgeoisie versus proltariat. lvidence, le contexte nest pas le mme et mettre en uvre un cor-pus analytique refltant une situation propre un espace dtermin, savoir lEurope occidentale, une priode dtermine pour rendre compte du fonction-nement dun espace aux structures diffrentes nest pas appropri.

    Dans un cas extrme et dans la mme veine, un chercheur a t jusqu expliquer le blocage de croissance dans un PVD par une diffrence de rythmes de crois-sance de la section I (celle des biens dquipement) et de la section II (celle des biens de consommation) au sens marxiste du terme, comme cest avanc par Marx, pour expliquer les crises du capitalisme. Or, le PVD en question tait aux premiers stades de son dveloppement et cest peine sil avait un embryon de petites industries sans commune mesure avec une industrie de biens dquipement dveloppe. L aussi, le choix dune telle thorie dexplication des crises pour lappliquer un espace sous dvelopp est un non-sens.

    Une autre faiblesse caractrise certaines de ces thses. Elle a trait un a priori retenu par un chercheur et le dfendre travers la thse. Certes, lobjet dune thse est de soutenir une proposition et de vrifier une ou plusieurs hypothses cela est dans lordre des choses et constitue les proccupations de tout chercheur condition, toutefois, que la dmarche adopte soit scientifique en reposant sur une analyse rigoureuse. Mais, partir dun prsuppos et chercher le justifier en retenant des faits qui vont dans le sens souhait tout en cartant ceux qui nappuient pas le prsuppos, nest pas recevable. Cest le cas dune thse qui fut conue en reprenant un des thmes dvelopps par le courant nomarxiste/tiers-mondiste, savoir limpossibilit dun dveloppement en rapport avec le march mondial. Dans ce sens, la thse sest attache montrer, faits lappui, que

  • Croissance et dveloppement | 25

    louverture sur le march mondial na t quune source de dpendance de tout ordre en omettant de relever que, dans le mme temps, la croissance du pays en question a t soutenue. Ce sont l des remarques de fond mais, dans certains cas, la forme laisse dsirer. Cela se constate au niveau de certaines thses o la forme adopte sapparente davantage un plaidoyer qu une dmarche dmons-trative avec parfois des dveloppements proches du style journalistique. cela sajoute le fait, inhrent la mthode utilise, quune partie de la bibliographie mise contribution relve du genre grand public , parfois de nature polmique et propagandiste, ne pouvant servir dappui une argumentation scientifique. Plus rcemment, certaines thses ont t labores en sinspirant des apports des nou-velles thories de la croissance ou encore la croissance endogne. En gnral, ces thses retiennent un des aspects dvelopps par ces nouvelles thories : capi-tal humain, infrastructure et dpenses publiques, transfert technologique, etc. et essaient de voir si un de ces moteurs de la croissance (engine of growth) a pu impulser un processus de croissance et quelles sont les conditions qui rendent ce processus possible. La dmarche adopte par ces thses embote le pas celle qui caractrise les travaux de la croissance endogne. Elle est analytique et fait appel la formalisation et la validation conomtrique. Cest une tendance qui se raffermit et a la faveur de beaucoup de chercheurs.La principale difficult que ren-contrent ces derniers est trouver dans leur insuffisante formation dans le do-maine de lconomtrie. En effet, la plupart dentre eux matrisent, plus ou moins convenablement, lapproche par les MCO mais, vu la complexit des problmes abords, il est souvent ncessaire de recourir lconomtrie de panel, en particu-lier lorsque ltude procde des comparaisons entre pays. Dans ces situations, il arrive souvent que le chercheur se fasse assister par des conomtres confirms qui, le plus souvent, ne sont pas disponibles. Pour contourner cette difficult, il est souhaitable quau cours de leur formation, les jeunes chercheurs puissent bnfi-cier de plusieurs semestres denseignement en conomtrie et assister de smi-naires de formation dans ce domaine.

    Un autre aspect, plus actuel, retient lattention de certains chercheurs et concerne le rle des institutions dans le dveloppement. Cest une voie assez rcente et qui a pris de limportance avec lapport des institutionnalistes qui montrent que les bonnes institutions sont de nature soutenir la croissance. Le thme a dabord donn naissance un dbat initi par les travaux de Lipsey dans son ouvrage intitul Political Man o lauteur fait dpendre les institutions de la croissance. Dautres inversent le sens de la causalit et cest le point de vue de North et dautres auteurs. Cest aussi le point de vue de la BM qui a largi la notion de gou-vernance pour analyser la situation des PVD en mal de croissance. Pour la BM, les difficults conomico-sociales que connaissent certains pays sexpliquent en grande partie par la mauvaise qualit de leurs institutions et plus particulirement le comportement de ltat et des gouvernants. Comme remde, la BM propose la pratique de la bonne gouvernance (Better Governance) et, pour cela, elle a tabli travers les travaux de Kaufman et al. les critres de la bonne gouvernance. Parmi ces derniers, on relve le respect de la rgle de droit, celle de lexcution des con-trats et une bureaucratie efficace et non corrompue. Sur la base de ces aspects, certains chercheurs ont choisi de traiter des thmes relatifs ce sujet.

    Comme pour les autres sujets de thse, cits plus haut, les problmatiques rete-nues se dduisent des propositions tablies suite au dbat sur le rle des institu-

  • 26 | Premire partie : Lconomie du dveloppement

    tions dans le dveloppement. En clair, il sagissait de vrifier si les institutions avaient favoris ou, au contraire, avaient t un frein la croissance. Pour cela, la dmarche consistait dabord de montrer les mcanismes travers lesquels les institutions interviennent, puis dlaborer un modle empirique pour procder des tests de validation de nature conomtrique. Comme le rle des institutions se manifeste de faon indirecte sous la forme deffets sur des variables de perfor-mances (linvestissement et le produit), la procdure empirique se droule en deux temps. Dabord, on dtermine la PGF puis, en un second temps, on essaie dtablir les dterminants de celle-ci et, parmi ces derniers, les institutions. Pour saisir celles-ci de faon quantifie, on a recours aux travaux de la BM et/ou aux travaux des agences de notation comme, par exemple, Freedom House. Les rsultats des recherches menes montrent quen gnral, de mauvaises institutions nont pas permis aux pays concerns de raliser des performances quils auraient pu at-teindre sils taient dots de bonnes institutions. Dans le cas o les indicateurs dinstitutions sont agrgs en un indicateur unique, certains travaux ont abouti une influence positive des institutions, considres alors comme externalits, sur la croissance. Ces travaux ont une porte importante car travers la prise en consi-dration des institutions, cest une faon indirecte de faire intervenir les structures propres chaque pays. Mais, au-del de loriginalit de cette approche et de son utilit, ce quon peut lui reprocher, cest quelle na considr que laspect apparent des structures, dans la mesure o les institutions sont, en fait, le reflet de ces der-nires. De sorte que si lon cherche laborer des stratgies de dveloppement en procdant, entre autres, des modifications institutionnelles, cette dmarche risque de se heurter des rsistances tant donn les structures prvalentes. Aussi, si chercher rendre compte du dveloppement en se rfrant aux institu-tions est une voie dun grand intrt pour comprendre des situations de retard de dveloppement, Il faudrait aller au-del pour expliquer les origines des institutions et les causes de leur nature. Des thses venir pourraient sy consacrer.

    2. Des thses entreprendre Si, jusquici, la plupart des thses labores ont pu aborder la question du sous-dveloppement sous un certain angle, celui du rapport interne des classes en rela-tion avec lextrieur, elles lont t, le plus souvent, travers le rejet de lapproche librale et du modle occidental qui en est la manifestation. Mais, procder ainsi cest confondre deux situations. En effet, un examen objectif montre que ce dernier a permis, plus que tout autre schma de dveloppement, plusieurs socits (es-sentiellement occidentales), de connatre un progrs conomique et social sans prcdent. Ainsi, des centaines de millions de personnes ont pu bnficier dun niveau de vie rarement gal. Au plan de lpanouissement des individus, le mo-dle rend possible le respect des liberts, tant fondamentales quindividuelles, et au plan politique, la dmocratie apparat comme le rgime le plus appropri au fonctionnement du modle. Avec de tels attributs, on ne peut nier que le modle reprsente un tat de progrs et, par suite, il ne peut tre rejet pour lui-mme. Ce qui est en cause, cest la manire de mettre en uvre un modle qui a t conu pour un espace propre, suite un long processus de maturation. Lappliquer tel quel des espaces foncirement diffrents est inappropri. Ainsi, on a confondu le modle son application et il y a lieu de poser le problme du dveloppement

  • Croissance et dveloppement | 27

    autrement, en remontant aux origines du sous-dveloppement, ce qui suppose une autre approche.

    Celle-ci nhsitera pas faire appel lhistoire pour reconstituer les dynamiques propres chaque pays et cela passe par lanalyse des structures et des institutions qui en drivent et ce, pour retrouver les modes de fonctionnement des diffrentes socits. Une telle dmarche permet de dtecter les blocages et les ruptures et de chercher leurs causes pour pouvoir prcisment dpasser ces blocages. Il est alors possible denvisager les conditions de transformations et, par suite, de rali-ser celles-ci. Des stratgies sont alors possibles. Elles sont conues sur une base locale avec prise en considration des normes et valeurs propres chaque espace social et au regard des besoins du plus grand nombre.

    Procder ainsi, cest sassurer que leffort de dveloppement est le fait des popula-tions concernes qui sont appeles participer cet effort. De sorte que cest partir de projets locaux quun schma gnral de production peut tre labor ; ltat se donnant le pouvoir darbitrer entre diffrents projets en fonction des res-sources disponibles et de lopportunit relative des projets.

    Prsenter une perspective de dveloppement dans cette voie peut paratre a priori comme une vue de lesprit dautant que presque tous les pays sont peu ou prou engags dans la mondialisation, obligeant ces pays sadapter au mode de fonctionnement de cette dernire, rduisant sensiblement leurs marges de ma-nuvre. Mais, y regarder de prs, et, la lumire de certaines expriences en-treprises au Maroc et au Bangladesh, on peut envisager un tel schma de dve-loppement comme alternative dautres schmas mis, jusqu ce jour, en uvre dans plusieurs pays, sans rsultats probants.

    Cette prsentation a pour objectif de poser un nouveau cadre de rflexion partir duquel des approfondissements sont possibles donnant lieu llaboration de thmes de recherches pouvant faire lobjet de projets de thses.

    titre suggestif, on peut penser des sujets dduits de cette prsentation comme, par exemple, Structures, institutions, causes de blocage et dpassement ou bien Projets locaux et cohrence globale pour un dveloppement endogne ou bien Dveloppement propre et ouverture et bien dautres sujets.

    De tels sujets rhabilitent lconomie du dveloppement, ds lors qu travers ces sujets on aborde la question du dveloppement, en le considrant comme un pro-cessus de transformation/volution partir dun rel propre avec ses structures et les spcificits qui le caractrisent. Cest ainsi loccasion de mettre en uvre une approche qui diffre de celles qui sont retenues partir de schmas prconus censs sappliquer nimporte quel espace, tel le schma linaire de Rostow ou les mesures prconises par les organismes internationaux, dans le cadre des PAS.

  • Chapitre III

    LES THSES EN MICROCONOMIE APPLIQUE AU DVELOPPEMENT

    Jean-Louis ARCAND1

    1. Thorie ou donnes ? Popper est mort, vive Popper ! Je vais me limiter au cas d'une thse la nord-amricaine constitue de trois pa-piers indpendants. En thorie, nous adoptons une approche popprienne. Un modle thorique rfutable est postul, et on le teste empiriquement. Dans la rali-t, vous pouvez avoir toute une srie de belles ides. Mais si les donnes pour tester les ides en question n'existent pas, vous n'avancerez certainement pas, et vous vous retrouverez terme votre point de dpart, sans rien. La morale de l'histoire c'est qu'en microconomie empirique, il vaut mieux tre raliste : com-mencer avec une vague ide de la thorie que vous voulez tester, et immdiate-ment concentrer vos efforts sur la recherche des donnes qui vous permettront de le faire. Ensuite, itrez entre la thorie et les donnes.

    2. Trois options pour les donnes : en conserve, tout(e) seul(e), en quipe

    Vous avez essentiellement trois options pour une thse en micro empirique. Pre-mirement, vous pouvez utiliser des donnes collectes par autrui, telles que les bases LSMS, DHS, MICS, etc. Ces donnes sont propres et souvent relativement faciles obtenir. En contrepartie, vous manquerez souvent d'originalit (les don-nes ayant t utilises maintes reprises par d'autres chercheurs), et vous n'avez souvent aucune ide de la manire dont elles ont t collectes et saisies. Deuximement, vous pouvez collecter vos propres donnes. C'est une entreprise passionnante, qui vous donne une excellente exprience de terrain, et qui vous permet de matriser parfaitement le contrle de qualit de vos donnes. Par contre, votre budget sera ncessairement limit, et votre chantillon risque bien videm-ment d'tre relativement petit. Troisimement, vous pouvez obtenir vos donnes en participant un projet qui comporte la collecte de donnes. Cela vous assure un financement, ainsi qu'un chantillon important coupl d'une belle exprience de terrain. En contrepartie, comme vous n'tes pas le boss, cette option comporte

    1 Professeur, conomie internationale, professeur et directeur, tudes de dveloppement. The Graduate institute, Geneva.

  • 30 | Premire partie : Lconomie du dveloppement

    souvent des compromis en termes de thmatique. En fait, combiner les trois op-tions (pourquoi pas, pour chacun des trois papiers dans votre thse) peut souvent donner quelque chose d'original.

    3. Laissez parler les donnes L'exprience dmontre que si vous cherchez un rsultat empirique particulier, vous russirez toujours d'une faon ou une autre le trouver. Mais, ce rsultat est-il robuste ? Si votre rsultat mme tant dsir n'apparat que dans une configura-tion trs particulire de vos variables de contrle, de votre mthode d'estimation ou de votre choix d'chantillon, n'y croyez pas ! Les donnes sont comme les per-sonnes : si vous les torturez suffisamment elles finiront toujours par dire ce que vous voulez leur faire dire. Mme si vous y croyez, aucun referee srieux n'y croi-ra. Un bel exemple de la dmarche adopter est donn par n'importe quel papier de Chris Udry, l'une des meilleures personnes au monde dans le domaine. Son rsultat de base apparat la page n 3 du papier ; dans les trente-quatre pages qui suivent, il essaie, par tous les moyens, de dtruire le rsultat. Comme le rsul-tat rsiste toutes les attaques possibles et imaginables, on finit par y croire !

    4. La stratgie d'identification La question scientifique la plus importante, dans les papiers qui constitueront votre thse, est celle de l'infrence causale. En bref : sans stratgie d'identification, vous n'avez pas de papier. Une autre faon de dire cela est que tout est endogne, et surtout votre variable d'intrt. Vous avez besoin tout d'abord d'une histoire qui soit sexy du point de vue intuitif ; ensuite, vous aurez besoin d'une technique. D-pendant du sujet que vous traitez, votre stratgie d'identification pourra prendre diffrentes formes :

    slection sur observables/appariement (matching) ;

    randomisation ;

    regression discontinuity design (RDD) ;

    htrognit inobservable invariante dans le temps (pour les donnes en panel) ;

    variables instrumentales.

    Si vous trouvez environ la mme chose avec plusieurs mthodes, c'est un plus, qui renforce votre crdibilit.

    5. Estimation et infrence Il faut pouvoir prsenter le rsultat de base sous une forme empirique lmentaire, comme une comparaison de moyennes ou une MCO. Le papier doit, ensuite, d-ployer toute l'artillerie conomtrique ncessaire. Proccupez-vous d'abord de la convergence de vos estimateurs mais ensuite penchez-vous sur l'infrence : un coefficient estim de faon convergente mais avec un cart-type compltement

  • Les thses en microconomie applique au dveloppement | 31

    biais ne vous servira rien. Un exemple concret de ceci est le clustering dans les rgressions en coupe transversale ou en panel. Finalement, soyez modeste mais rigoureux. Souvent un mois de travail se traduira par une petite phrase cache dans une note de bas de page.

    6. Marketing Prsentez votre travail devant autant de sminaires/colloques que possible, comme les Journes de microconomie applique (JMA) ou le European econo-mics association (EEA). Prenez toujours en note les commentaires, par crit, et intgrez-les au papier. Si un lecteur ne comprend pas quelque chose dans votre papier, il est inutile d'insister : c'est vous qui avez tort ; comme dans le commerce : le client a toujours raison. En fait, un sminaire ou une prsentation o les partici-pants ne vous critiquent pas est par dfinition un chec. Deux conseils pour toute prsentation de votre travail : (i) laissez votre amour-propre au placard, (ii) si lon vous massacre durant un sminaire, c'est gnralement une bonne chose parce que cela veut dire que le public trouve votre papier intressant et est prt partici-per son amlioration. Une rgle gnrale est qu'un papier micro doit tre compl-tement rcrit/restim au moins quatre cinq fois avant d'tre potable.

    7. Rsultats des courses Pour faire une thse en microconomie empirique, vous avez besoin d'une ide et des donnes qui y correspondent. Vous avez, ensuite, besoin d'une stratgie d'identification et d'une matrise totale des questions d'estimation et d'infrence statistique. La squence est toujours la mme : rcrire/restimer, r-crire/restimer, rcrire/restimer

    Et ensuite ? Ensuite vous devez soumettre votre premier papier une revue inter-nationale, et vous confronter aux pros du domaine. Combien de temps cela peut-il prendre ? Pour un premier papier micro empirique il faut compter sur au moins deux ans d'itrations avec le rdacteur associ et les referees de la revue, et a, c'est si vous avez la chance de ne pas tre refus, ds la soumission initiale. Comptez de quatre cinq ans pour qu'un seul papier soit (peut-tre) publi. Cou-rage !

  • Deuxime partie

    LCONOMIE INTERNATIONALE

  • Chapitre IV

    LES THSES EN COMMERCE INTERNATIONAL

    Jean-Marc SIRON1

    Cest un des thmes les plus anciens de lanalyse conomique et, depuis les pre-miers auteurs mercantilistes, la plupart des grands traits dconomie ou de philo-sophie politique lont approfondi sous lun de ses aspects au moins : lexcdent de la balance commerciale (Hume, Montesquieu, Smith), la spcialisation (Smith, Ricardo, Stuart-Mill), le protectionnisme (List, Stuart-Mill). Depuis la Seconde Guerre mondiale, lvolution du thme se rsume un cycle o les innovations thoriques se heurtent la ralit des faits pour, finalement, faire merger de nou-velles approches et de nouvelles mthodes. Le commerce international est en constante volution dans le monde rel. Les conomistes se doivent de la suivre.

    Les annes daprs-guerre sont ainsi marques par les prolongements des tho-ries en termes de dotations factorielles (modle Heckscher Ohlin Samuelson ou HOS) parfois opposes au modle ricardien. Les deux raisonnent pourtant en termes davantages comparatifs mme si le premier en prcise les dterminants. Le paradoxe de Leontief (1953) qui montre un avantage inattendu des tats-Unis dans les biens intensifs en travail a pour second paradoxe de centrer la recherche sur la thorie dominante malgr le dmenti quil semble lui opposer. Une des rai-sons est que lchange est encore peru en termes de spcialisations trs tran-ches : produits industriels contre matires premires, Nord avec le Sud. Il est vrai que la dcolonisation est peine amorce et que les conomistes des pays en dveloppement, comme Prebisch, tentent de dmontrer que le commerce interna-tional maintient ou renforce lexploitation du Sud par le Nord. Il faut attendre les annes soixante pour que la nouvelle ralit des changes soit perue : les pro-duits intensifs en capital schangent contre dautres produits intensifs en capital. Pire encore : des automobiles schangent contre des automobiles et les pays commercent de plus en plus avec des partenaires aux dotations factorielles voi-sines. Ce dfi empirique branle le modle HOS qui se voit opposer dautres sources davantages comparatifs comme la demande et linnovation (Linder) ou la maturit des produits (Vernon). La thorie est donc somme de donner des r-ponses aux nouveaux indicateurs de spcialisation qui rvlent le dveloppement dun change intrabranche (automobiles contre automobile) l o la thorie tait cense prvoir du commerce interbranche (automobiles contre coton). Malgr la rsistance du modle noclassique arguant, par exemple, des biais de lagrgation

    1 Universit Paris Dauphine, LEDa, et IRD, LEDa, UMR 225 DIAL.

  • 36 | Deuxime partie : Lconomie internationale

    pour contester ladquation de ces innovations empiriques la question pose, il faut attendre la nouvelle conomie internationale et les premiers articles de Krugman (1979 et 1980) pour disposer dun modle thorique relativement simple et gnral2 qui dmontre la possibilit de commerce sans avantage comparatif et donc sans diffrence de dotations relatives en facteurs de production. Nanmoins, il ne sagit pas dun changement de paradigme : la nouvelle thorie sapplique, certes, aux secteurs bnficiant de rendements croissants et produisant des biens diffrencis, comme lautomobile. Il ne sapplique pas aux secteurs tradition-nels qui produisent rendements constants des biens homognes. Si lon admet que ces derniers secteurs existent dans le monde rel3, une logique nouvelle peut donc coexister avec une logique traditionnelle pour finalement dterminer les spcialisations qui seront intra- et interbranche (modle intgr de Helpman et Krugman, 1985). Si dans les annes quatre-vingt, ce modle a donn lieu des dbats assez confus, par exemple sur lopportunit de politiques commerciales stratgiques, il a aussi aliment de nombreux dveloppements thoriques et empi-riques. Ils ont ainsi t repris par la nouvelle conomie gographique des an-nes quatre-vingt-dix (Krugman, 1991) et, plus rcemment par les approches en termes de firmes htrognes (Melitz, 2003). Ils ont galement t progressi-vement introduits dans les modles dquilibre gnral calculable et ont contribu arrimer les modles de gravit la thorie (Feenstra, 2004).

    Ce bref historique visait, seulement, montrer le dialogue constant quentretiennent des faits mouvants avec une thorie ncessairement volutive. Cest partir de ce constat que doivent se fonder les thses traitant du commerce international.

    1. Le sujet de thse Peut-tre conviendrait-il de parler de sujets de thse dans la mesure o la norme volue vers des thses modernes de quelques articles autonomes (trois en gnral) mais dont il est nanmoins conseill quils conservent une certaine coh-rence autour dun thme ou dun concept fdrateur.

    Du fait mme du caractre trs volutif de la spcialit, il est envisageable dtre soi-mme innovateur. Mais plus frquemment, la thse optera plus prudemment pour se situer dans la ligne dun courant novateur et contribuer ainsi, mme mo-destement, lvolution de la discipline.

    Il convient de distinguer deux grands types de thses dans le domaine du com-merce international : les premiers traitent des dterminants du commerce et les seconds des effets du commerce. Cette distinction nest pas simple ; elle est la cause dune des difficults empiriques souvent difficile surmonter : la causalit.

    2 Fond sur la nouvelle fonction de production propose par Dixit et Stiglitz (1977) et qui permet de tenir compte de la diffrenciation des produits. 3 Les auteurs utilisent souvent lagriculture comme le secteur gnrique dont on peut pourtant con-tester quil produise un bien homogne rendement constant !

  • Les thses en commerce international | 37

    2. Les dterminants du commerce international Il sagit de rpondre une question du type : pourquoi tel ou tel pays ? telle ou telle zone (voire le monde) ? tel ou tel change ? tel ou tel volume et tel ou tel type de biens ?

    Ces travaux peuvent avoir une porte trs pratique et conclure, par exemple, sur les politiques qui permettraient damplifier lchange ou den inflchir son contenu.

    Peuvent tre ranges dans cette catgorie les thses qui traiteront des dtermi-nants de la spcialisation, des politiques commerciales au sens large (tarifs et barrires non tarifaires, appartenance une zone de libre-change), des dtermi-nants non traditionnels du commerce (institutions, proximit culturelle, etc.).

    Les modles de gravit (voir ci-dessous) ont permis de rvaluer certains dtermi-nants du commerce. Citons quelques rsultats suffisamment surprenants pour mriter dtre dvelopps et approfondis dans de nouvelles thses (voir p. ex., Anderson et van Wincoop, 2004) :

    linstabilit montaire a plus deffets ngatifs sur le commerce quon ne le pen-sait dans les annes quatre-vingt et quatre-vingt-dix ;

    les politiques commerciales en ont moins ;

    leffet des zones de libre-change est assez peu robuste aux estimations ;

    la distance et les cots de transport ou le simple passage des frontires, mme sans obstacles douaniers, restent un frein important aux changes ;

    la proximit culturelle est un facteur favorable au commerce bilatral ;

    les institutions, la gouvernance, la dmocratie, les structures politiques, le res-pect des normes (travail, environnement, exercent une influence mais qui d-pend largement de la problmatique (effet de similarit ou, au contraire, effet avantage comparatif d une diffrence).

    Depuis larticle de Melitz (2003), on assiste une explosion des travaux sur les firmes htrognes en partant du constat que seules les firmes les plus effi-caces (souvent en termes de productivit) sont susceptibles dexporter, ce qui conduit dsagrger le concept davantages comparatifs. Ces travaux, souvent raliss par pays, exigent nanmoins la disponibilit de donnes fines sur les en-treprises. Les approfondissements actuels portent sur les indicateurs de perfor-mance, la complmentarit exportations/IDE (investissements directs trangers) voire licences. Les modles thoriques la Melitz nenvisagent pourtant pas la causalit inverse dune influence de linternationalisation des firmes sur leurs per-formances (il est vrai, pour linstant peu corrobore par les tudes empiriques), ce qui ouvre un champ dinvestigation. Par ailleurs, ces modles ignorent encore les capacits darbitrage que permet linternationalisation et, notamment, la possibilit de discriminer les prix sur diffrents marchs.

    Une autre manire daborder ce type de question est d endogniser certains dterminants du commerce. Cest le cas, par exemple, des travaux dconomie politique dun protectionnisme qui ne serait donc plus une donne tombe du ciel mais qui rpondrait une confrontation dune offre de la part des respon-

  • 38 | Deuxime partie : Lconomie internationale

    sables politiques et dune demande des bnficiaires de cette politique (Grossman et Helpman, 1994).

    3. Les effets du commerce Les effets de louverture au commerce sur le bien-tre sont un thme ancien et rcurrent, mais aux mth