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175 REVISTA PORTUGUESA DE Arqueologia. volume 6. número 1. 2003, p. 175-210 R E S U M É Les fouilles menées durant le mois de décembre 2000 sur le Cerro do Benfica, dans la partie nord de la ville de Mértola (Beja), ont permis de confirmer l’existence d’une impor- tante muraille datant de l’Âge du Fer. Repérée désormais sur près de 2 km, elle devait cou- vrir à l’origine une superficie de plus de 65 ha. Il s’agit d’un des exemplaires les plus vastes connus dans la Péninsule et il prouve la puissance et la richesse de la cité de Myrtilis à cette époque. Construite en petits blocs et plaques de schiste, l’enceinte mesure entre 4 et 5 m de largeur et est flanquée de tours semi-circulaires de grande taille. Contre son parement intérieur, de nombreux contreforts permettaient, sur une largeur de 5 à 6 m supplémen- taires, de consolider l’édifice. Le matériel mis au jour permet d’attester l’occupation du Cerro do Benfica dès le VII/VI e s. a.C. et la stratigraphie suggère que la construction de la muraille a eu lieu entre le VI e et le tout début du II e s. a.C. R E S U M O Escavações arqueológicas levadas a cabo na parte norte da vila de Mértola (Beja) em Dezem- bro de 2000 permitiram a confirmação da existência de uma importante muralha da Idade do Ferro. Esta construção estende-se pelo cume dos cerros por cerca de 2 km, o que deverá originalmente envolver uma superfície de cerca de 65 ha. Tratando-se de um dos exemplares mais extensos da Península Ibérica. Atestando a importância e a riqueza de Myrtilis naquele período. Foi construída com pequenos blocos e lajes de xisto local, apresenta uma largura que ronda os 4 e os 5 metros e contem adoçadas torres semi-circulares com uma largura, suplementar, de 5 e 6 metros, que lhe conferem funções de reforço da estrutura. O material arqueológico posto a descoberto com a intervenção arqueológica permite atestar a ocupação do Cerro do Benfica nos séculos VII/VI a.C. A análise da estratigrafia aponta para que a cons- trução da muralha se tenha realizado entre o século VI e o princípio do século II a.C. Introduction 1 Durant les trois premières semaines du mois de décembre 2000, la grande muraille préro- maine de Mértola (Beja) a fait l’objet d’une intervention archéologique programmée. L’opéra- tion était menée conjointement par le Campo Arqueológico de Mértola et la Casa de Velázquez (Madrid), avec la collaboration de l’Institut de Recherches en Architecture Antique (Pau) 2 . Cette Mértola: la muraille de l’Âge du Fer DAVID HOURCADE* VIRGÍLIO LOPES** JEAN-MICHEL LABARTHE***

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175REVISTA PORTUGUESA DE Arqueologia. volume 6. número 1. 2003, p. 175-210

R E S U M É Les fouilles menées durant le mois de décembre 2000 sur le Cerro do Benfica, dans la

partie nord de la ville de Mértola (Beja), ont permis de confirmer l’existence d’une impor-

tante muraille datant de l’Âge du Fer. Repérée désormais sur près de 2 km, elle devait cou-

vrir à l’origine une superficie de plus de 65 ha. Il s’agit d’un des exemplaires les plus vastes

connus dans la Péninsule et il prouve la puissance et la richesse de la cité de Myrtilis à cette

époque. Construite en petits blocs et plaques de schiste, l’enceinte mesure entre 4 et 5 m

de largeur et est flanquée de tours semi-circulaires de grande taille. Contre son parement

intérieur, de nombreux contreforts permettaient, sur une largeur de 5 à 6 m supplémen-

taires, de consolider l’édifice. Le matériel mis au jour permet d’attester l’occupation du

Cerro do Benfica dès le VII/VIe s. a.C. et la stratigraphie suggère que la construction de la

muraille a eu lieu entre le VIe et le tout début du IIe s. a.C.

R E S U M O Escavações arqueológicas levadas a cabo na parte norte da vila de Mértola (Beja) em Dezem-

bro de 2000 permitiram a confirmação da existência de uma importante muralha da Idade

do Ferro. Esta construção estende-se pelo cume dos cerros por cerca de 2 km, o que deverá

originalmente envolver uma superfície de cerca de 65 ha. Tratando-se de um dos exemplares

mais extensos da Península Ibérica. Atestando a importância e a riqueza de Myrtilis naquele

período. Foi construída com pequenos blocos e lajes de xisto local, apresenta uma largura

que ronda os 4 e os 5 metros e contem adoçadas torres semi-circulares com uma largura,

suplementar, de 5 e 6 metros, que lhe conferem funções de reforço da estrutura. O material

arqueológico posto a descoberto com a intervenção arqueológica permite atestar a ocupação

do Cerro do Benfica nos séculos VII/VI a.C. A análise da estratigrafia aponta para que a cons-

trução da muralha se tenha realizado entre o século VI e o princípio do século II a.C.

Introduction1

Durant les trois premières semaines du mois de décembre 2000, la grande muraille préro-maine de Mértola (Beja) a fait l’objet d’une intervention archéologique programmée. L’opéra-tion était menée conjointement par le Campo Arqueológico de Mértola et la Casa de Velázquez(Madrid), avec la collaboration de l’Institut de Recherches en Architecture Antique (Pau)2. Cette

Mértola: la muraille de l’Âge du FerDAVID HOURCADE*VIRGÍLIO LOPES**JEAN-MICHEL LABARTHE***

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intervention était motivée par le fait que cet édifice, quoique vraisemblablement très important,n’était que très partiellement connu et que l’on ne disposait également, de manière générale, quede très peu d’éléments concernant la cité protohistorique et antique de Myrtilis3. Ce peu de connais-sance de la cité pré-médiévale a déjà maintes fois été constaté (Arruda et al., 1998, p. 121; Beirãoet Correia, 1995, sans référence à Mértola; Almagro-Gorbea et Dávila, 1995, p. 212 utilisent desinformations erronées), mais il n’est pourtant pas propre à Mértola. C’est en réalité tout l’en-semble du sud du Portugal qui, pour les fortifications de l’Âge du Fer, demeure encore en par-tie une terra incognita (Beirão et Correia, 1995, p. 915; Moret, 1996, p. 22).

Le site de Mértola (Fig. 1) est celui d’un port fluvial et maritime de fond d’estuaire, acces-sible depuis l’Océan atlantique et subissant encore les effets de la marée. Situé à moins d’unecentaine de kilomètres des côtes, il se trouve, de plus, à peu de distance, en aval, de la limite denavigabilité du rio Guadiana, matérialisée par les gorges et les chutes du Pulo do Lobo. La vieilleville, installée sur un éperon rocheux dominant le fleuve (Fig. 2), constitue donc le point de rup-ture de charge le plus avancé à l’intérieur des terres du sud du Portugal. Le site est égalementmarqué par la confluence de la Ribeira de Oeiras, venant de l’Ouest, et du Guadiana. Enfin, Mér-tola apparaît aussi être une ville-pont relativement importante, située au cœur d’une vaste régionminière, au croisement des axes nord/sud (en provenance de Beja) et est/ouest (en direction desmines de São Domingos et de l’Andalousie).

C’est à l’extrême fin des années 1980 que les prospections archéologiques entreprises par leCampo Arqueológico de Mértola sur le territoire municipal de la ville ont permis de mettre en évi-

David Hourcade,Virgílio Lopes e Jean-Michel Labarthe

176 REVISTA PORTUGUESA DE Arqueologia. volume 6. número 1. 2003, p. 175-210

Mértola: la muraille de l’Âge du Fer

0 50 100 kmD.H.

N

Mértola

Sites a priori antérieurs au IV/IIIe s. a.C.

Sites datés du IIIe s. ou début du IIe s. a.C.

Fig. 1 Carte de répartition des sites fortifiés de plus de 50 hectares dans la péninsule Ibérique préromaine.

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dence une très vaste muraille implantée sur l’amphithéâtre naturel formé par les collines quientourent, à l’ouest, la vieille ville médiévale et moderne (Fig. 2). Cet édifice, aujourd’hui conservéen majeure partie dans les champs, se situe dans un rayon de quelque 300 à 600 m autour du rem-part médiéval, implanté, lui, sur le Cerro do Castelo (Figs. 2 et 3). Bien que la mention de cet édi-fice apparaisse dans de nombreuses publications, essentiellement locales ou régionales, sa connais-sance restait encore très lacunaire comme le rappelle, par exemple, S. Macias (1996, note 38 p. 26).Malgré l’importance avérée de l’aménagement, les données techniques connues et publiées étaienten effet peu nombreuses (Rego et al., 1996, p. 123; Macias, 1996, p. 26). Le tracé lui-même n’étaitpas encore établi avec précision et la position de certains tronçons de courtine, portes et toursn’était pas assurée. L’évolution des plans publiés, souvent à titre purement indicatif, est en celarévélatrice (Torres et Silva, 1990, p. 100; Macias, 1993, p. 33; Alarcão, 1993, p. 220; Lopes, 1999,p. 82). Enfin, concernant la datation de l’édifice, faute de fouilles archéologiques, le trouble leplus grand régnait. C’est avec prudence que M. Rego et ses collaborateurs (1996, p. 123) propo-saient une date de construction qu’il convenait de situer au plus tard au Ier siècle a.C., mais quipouvait également être plus ancienne et certainement préromaine. Ils étaient suivis en cela parA.M. Arruda, P. Barros et V. Lopes (1998, p. 121). Pourtant, la majorité des autres auteurs a sou-vent considéré, bien qu’avec beaucoup de réserves, que cette muraille datait de l’époque romaineet tardorépublicaine, voire augustéenne (Alarcão, 1993, p. 220; Macias, 1994, p. 366; Macias, 1996,p. 26; Mantas, 1998, p. 38 et n. 22 p. 56; Torres, 2000). Cette datation était dictée par la nécessité,selon eux, de lier l’érection de la muraille à un contexte d’insécurité militaire, qui trouvait toutnaturellement son apogée lors de la conquête romaine, au Ier siècle a.C.

David Hourcade,Virgílio Lopes e Jean-Michel LabartheMértola: la muraille de l’Âge du Fer

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26.1

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Fig. 2 Enceinte préromaine de Mértola. Tronçons visibles, restitutions et zone de fouilles (fond de plan fourni pour la CMM).

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La fouille de décembre 2000 devait donc servir, d’une part, à caractériser et mieux déter-miner l’édifice lui-même (techniques de constructions, dimensions, tracé) et, d’autre part, à ledater de façon plus précise. Dans cette optique, nous avons décomposé notre intervention endeux grandes opérations.

La première s’apparentait plus à une opération topographique, puisqu’il s’agissait de réa-liser le relevé précis des portions de muraille déjà repérées, mais également de tenter de complé-ter ce plan par de nouvelles prospections au sol. Il convenait surtout, enfin, de comprendre larelation qui existait entre la grande enceinte et le “fortin” établi au sud du Couvent de São Fran-cisco, sur le Cerro do Convento Velho (Fig. 6).

Parallèlement, afin de mieux connaître la nature, les techniques de construction et la data-tion de la muraille, nous avons décidé de procéder à des sondages archéologiques. Le choix dulieu de l’intervention s’est porté sur le Cerro do Benfica, situé à l’entrée nord-est de la ville actuelle(Fig. 2 et 4). Cette colline offrait l’avantage d’être un terrain municipal non bâti, sauvegardé desentreprises d’urbanisation par les soins du CAM. Sur ce cerro, très escarpé au nord, la murailleavait déjà été repérée et la présence de deux gros talus nous laissait supposer l’existence de deuxtours. L’intérêt de ce lieu était aussi lié au fait que nous nous trouvions, depuis l’Antiquité, àl’entrée de la ville, sur une colline que bordait, au nord, un petit cours d’eau se jetant dans leGuadiana et qui jouait ainsi le rôle de fossé naturel. Plus à l’ouest, sur l’escarpement le plus élevédu cerro, mais aussi de la ville (86 m), les vestiges d’une grande construction suggéraient la pré-sence d’un possible bastion. Il pouvait servir de point de contrôle d’un des principaux accès dela ville ancienne, connu de longue date, quelque 100 m plus à l’ouest (Figs. 2 et 5). De plus, l’exis-tence d’une nécropole protohistorique et romaine, puis paléochrétienne et islamique, avait étérepérée sur le versant sud de la colline.

Malgré l’intervention effectuée sur le cerro, on ne devra pas s’étonner, dans les pages quisuivent, de constater la nature parfois encore limitée de notre connaissance de ce rempart. Nousn’avons, en aucun cas, tenté d’en avoir une vision exhaustive, et le fait que nous ayons décidé den’ouvrir que quelques sondages “diagnostiques” le montre. Il s’agissait davantage de réaliser unepremière approche destinée à inciter d’autres chercheurs à se pencher, par la suite, sur ce monu-ment et à relancer l’étude des étapes pré-médiévales de l’histoire de la ville de Mértola. Parallè-lement, il avait été décidé avec le directeur du CAM, Cláudio Torres, que la fouille se ferait aussidans l’optique de la mise en valeur et de la conservation de ce monument. Dans ces conditionsnous avons donc parfois préféré la simple mise au jour des structures plutôt que leur fouilletotale qui aurait entraîné, bien évidemment, leur destruction.

1. La grande enceinte: tracé, composantes et caractéristiques

Afin d’avoir une vision relativement globale de l’édifice, nous avons tenu à réaliser, paral-lèlement aux fouilles entreprises sur le Cerro do Benfica, un relevé exact des tronçons de l’en-ceinte déjà connus par les prospections anciennes. Nous l’avons également complété par un tra-vail de terrain où nous nous sommes efforcés de mieux identifier et interpréter les éléments quila composaient. Les plans ont été réalisés par J.-M. Labarthe, membre de l’IRAA (CNRS, Antennede Pau). Il a pu bénéficier de la collaboration et des fonds de plan (Fig. 2) du service de topo-graphie de la Câmara Municipal de Mértola.

David Hourcade,Virgílio Lopes e Jean-Michel Labarthe

178 REVISTA PORTUGUESA DE Arqueologia. volume 6. número 1. 2003, p. 175-210

Mértola: la muraille de l’Âge du Fer

Page 5: Mértola: la muraille de l’Âge du Fer - DGPC · intervention était motivée par le fait que cet édifice, quoique vraisemblablement très important, n’était que très partiellement

1.1. Le tracé de la muraille

Ce travail de relevé a tout d’abord permis de confirmer en partie et de compléter le tracéproposé antérieurement (Figs. 2 et 3).La muraille forme ainsi une sorte de grand rectangle irré-gulier, orienté sud-ouest/nord-est, qui entoure, en reliant entre elles les principales collines desrives occidentales du Guadiana, le Cerro do Castelo et la vieille ville de Mértola. Partout, c’est laligne de crête des collines (depuis le Cerro do Convento Velho, au sud, jusqu’au Cerro do Ben-fica, au nord) qui a été choisie pour implanter les courtines. Celles-ci s’adaptent au mieux, eneffet, aux variations du terrain et aux courbes de niveaux, expliquant ainsi, par exemple, la formeinhabituelle du tronçon curviligne situé au sud du Cerro do Convento (Fig. 3).

Quelques précisions ou nouveautés ont surtout pu être apportées. Concernant les cour-tines, trois nouveaux tronçons ont été ajoutés à ceux que l’on connaissait déjà. Le premier, ausud-ouest, part de l’angle nord-ouest du fortin pour rejoindre les ruines du Convento Velho, plusde 100 m au nord. Dans cette partie, la courtine est presque en totalité arasée, mais on peutencore lire dans le relief un léger talus et repérer de nombreux blocs ayant appartenu à la muraille.Le deuxième nouveau tronçon se situe sur le versant nord du Cerro do Convento, dans la penterelativement abrupte qui conduit aux berges de la Ribeira de Oeiras. Sur plus d’une centaine demètres, la courtine forme un crochet qui lui permet d’utiliser un affleurement rocheux et de des-

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179REVISTA PORTUGUESA DE Arqueologia. volume 6. número 1. 2003, p. 175-210

0 100 500m

IRAA-CNRS PAU 2000D. H. et J.-M. L.

Cerrodo Castelo

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Tracé de l'enceinte déjà connue

Nouveaux tronçons repérés

Nouvelle proposition de tracé

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Voies antiques et sentiers traditionnels

+ + ++ + + Nécropoles antérieures à la muraille

Portes et accès repérés ou restitués

Tours repérées ou probables

Fig. 3 Enceinte de Mértola et organisation du territoire intra-muros.

Page 6: Mértola: la muraille de l’Âge du Fer - DGPC · intervention était motivée par le fait que cet édifice, quoique vraisemblablement très important, n’était que très partiellement

cendre ainsi la pente sur une partie un peu moins escarpée. On verra plus loin que les caracté-ristiques techniques de ce tronçon sont différentes de celles du reste de l’édifice. La dernière par-tie inédite se situe au nord, sur le Cerro do Benfica, dans le prolongement, en direction du fleuve,de la muraille qui a fait l’objet de nos sondages. Elle est bordée au nord par un vieux chemin d’ac-cès taillé dans la roche.

Les prospections et le relevé nous ont également poussé à proposer de nouvelles hypothèsesde tracé pour les parties détruites de l’enceinte. Sur la colline de Nossa Senhora das Neves, c’est-à-dire dans l’angle nord-ouest du périmètre emmuré, nous ne pensons pas qu’il faille imaginer,contrairement à ce qui a été récemment proposé (Lopes, 1999, p. 82) un cheminement très aunord. Le relief actuel permet d’envisager, de façon convaincante, un tracé rejoignant vers l’est leCerro do Benfica, tout en restant sur la ligne de crête. La nouveauté majeure réside dans le faitqu’au vu, par exemple, du nouveau tronçon mis au jour près du Convento Velho, et en compa-raison avec les autres grands sites connus pour la même époque, nous pensons qu’il faut resti-tuer, sur le côté oriental, une ligne de muraille bordant le Río Guadiana. L’enceinte aurait doncété totalement construite et aurait entièrement enfermé un territoire intra muros. Le fleuve et lesescarpements de ses berges ne constituent pas, en effet, selon nous, une barrière, un rempart oudu moins une limite suffisante.

Le caractère différentiel de la conservation de la muraille sur tout son parcours ne doit pasétonner. Deux facteurs ont, en effet, pu se combiner pour expliquer la disparition totale de cer-tains tronçons. Le premier est naturel et le second, bien évidemment, anthropique. Ce sont trèscertainement les crues extrêmement violentes et dévastatrices du Río Guadiana (Rombouts deBarros, 1999) qu’il convient d’invoquer pour expliquer la disparition des vestiges du rempart lelong du fleuve. Les techniques de construction de la muraille, comme on le verra plus tard, nepermettent pas à un tel édifice d’affronter la violence des eaux en crue. Mais, il convient très cer-tainement aussi de penser que l’action humaine, par le biais des constructions, des récupéra-tions de matériaux ou du phénomène d’urbanisation, a accompagné, sinon amplifié, cette pre-mière cause de destruction. Comment ne pas imaginer, en effet, que la construction du ConventoVelho et du Convento de São Francisco ne s’est pas faite au détriment de la muraille préexistante,déjà ruinée et offrant une importante et accessible source de matériaux de construction? De plus,l’urbanisation récente de la partie nord-est de l’enceinte, au pied du Cerro do Benfica en direc-tion du fleuve, a très certainement détruit les possibles vestiges de la muraille. Cela avait déjà étéle cas, dans les années 1980, lorsqu’on avait procédé à l’arasement, au bulldozer, de la partie occi-dentale de la porte qui traversait, à l’ouest, le Cerro do Benfica (Fig. 5). Enfin, sur la colline deNossa Senhora das Neves, zone où les vestiges ont complètement disparu, il faut très certaine-ment incriminer les grands travaux de déforestation qui ont eu lieu au milieu du XXe siècle etqui ont entraîné l’extrême érosion de cette colline, relativement escarpée au sud, et de ses affleu-rements de schiste, friables.

Au sujet des portes, des tours et des espaces de circulation à l’intérieur de l’enceinte, quelquesremarques complémentaires peuvent être faites. Concernant les tours, tout d’abord, il convientde rappeler que le nombre de celles que l’on a pu repérer est, pour l’instant, peu élevé (Fig. 3). Unedizaine d’ouvrages seulement sont connus sur l’ensemble du périmètre prospecté. Les tours sem-blent être de deux types: l’un, semi-circulaire, est attesté, l’autre, plus hypothétique, serait rec-tangulaire. Leur espacement semble, de plus, aléatoire. Ainsi, au nord, sur le Cerro do Benfica, lesfouilles de décembre 2000 ont permis de confirmer l’existence de trois édifices semi-circulaires.Plus à l’est, un talus prononcé indique la présence d’une autre de ces tours. Sur cette colline, cesouvrages de grande taille ne sont distants les uns des autres que de 15 à 20 m. C’est à titre d’hy-

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180 REVISTA PORTUGUESA DE Arqueologia. volume 6. número 1. 2003, p. 175-210

Mértola: la muraille de l’Âge du Fer

Page 7: Mértola: la muraille de l’Âge du Fer - DGPC · intervention était motivée par le fait que cet édifice, quoique vraisemblablement très important, n’était que très partiellement

pothèse que deux tours rectangulaires ont été restituées (Torres et Silva, 1990, p. 100) de part etd’autre et en surplomb de la porte qui s’ouvrait sur le versant occidental du Cerro do Benfica (Figs.3 et 5). L’ensemble des éléments mentionnés sur les plans antérieurs n’a cependant pas pu êtreconfirmé. Ainsi, la première autre tour que nous avons pu repérer, sur le côté occidental du péri-mètre, est implantée sur le sommet et au milieu du Cerro do Convento. Elle est distante d’envi-ron 200 m de la suivante, elle aussi semi-circulaire, située à l’extrémité nord du grand tronçon decourtine curviligne. Elle mesure environ 6,50 m de profondeur. Une centaine de mètres plus ausud, à l’autre extrémité de la courtine en U, une tour identique a pu être repérée. La suivante setrouve, quant à elle, 150 m plus loin, sur la colline de Dois Irmãos. Elle précède d’une cinquan-taine de mètres un autre ouvrage de flanquement situé sur le sommet du cerro, à l’endroit où lacourtine prend une direction est/ouest. Il s’agit vraisemblablement d’une tour rectangulaire quipourrait être associée à une porte. Enfin, le long du fleuve, deux nouveaux édifices rectangulairesont peut-être été repérés. Le premier se situe derrière les ruines du “Convento Velho”, mais rienne permet de certifier qu’il ne s’agit pas, en réalité, des vestiges de la courtine et non de ceux d’unetour. En revanche, les traces d’encastrement des blocs, repérées plus au nord, près du montantsud de la porte qui permet d’accéder au rio, attestent la présence d’une tour de flanquement rec-tangulaire et creuse. Ses murs délimitaient un espace intérieur de 3 x 3 m.

Concernant les portes et les systèmes d’accès, les hypothèses sont encore plus fragiles. Onne connaît pas, en effet, avec certitude l’emplacement des accès primitifs permettant d’entrer oude sortir de l’enceinte. Les accès proposés dans les publications antérieures sont tous des élé-ments datant au plus tard de l’époque romaine ou médiévale (Torres et Silva, 1990, p. 100; Macias,

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181REVISTA PORTUGUESA DE Arqueologia. volume 6. número 1. 2003, p. 175-210

Fig. 4 Vue générale du Cerro de Benfica, Mértola (Cliché V. Lopes).

Page 8: Mértola: la muraille de l’Âge du Fer - DGPC · intervention était motivée par le fait que cet édifice, quoique vraisemblablement très important, n’était que très partiellement

1993, p. 33), mais rien ne permet de certifier qu’il ne s’agit pas d’aménagements postérieurs à laconstruction de l’enceinte. Quoi qu’il en soit, et si l’on se base sur le tracé des chemins et sen-tiers traditionnels de Mértola, on ne peut qu’être troublé par le fait, qu’à intervalle relativementrégulier, soit tous les 200 à 250 m, il est possible de restituer un passage (Fig. 3). Il faut cepen-dant désormais écarter l’hypothèse d’un accès situé au centre de la courtine curviligne du Cerrodo Convento (Lopes, 1999, p. 82). L’état de conservation de la muraille permet de voir qu’aucunaffaissement ou qu’aucune interruption ne permet d’y supposer une porte. Celle-ci est plutôt àrestituer à l’emplacement du passage actuel de la route moderne.

En partant de l’angle Nord-est de l’enceinte, la première porte que l’on rencontre est celle duversant oriental du Cerro do Benfica. Elle est attestée par l’existence d’un chemin d’accès taillédans la roche, venant de l’ouest. Cette ouverturepourrait également avoir été utilisée par une variantede la voie romaine menant à Beja, qui longeait lefleuve en passant devant la nécropole de São Sebas-tião (Lopes, 1999). Sur le cerro lui-même, nous rap-pelons que les fouilles, dans la Zone 1 Secteur 4, ontpermis de mettre en évidence un puissant bastion.Il était peut-être flanqué d’une poterne. En revanche,la présence d’une des principales portes de l’enceinte,à l’ouest du cerro, ne fait aucun doute. Elle permet-tait, grâce à une tranchée de plus de 8 m de hauteuret de plusieurs mètres de largeur, d’accéder à la villedepuis la voie antique provenant de Beja (Fig. 5). Sonexistence était encore attestée à la fin du XXe siècle,avant qu’elle n’ait été arasée, dans les années 1980,pour permettre l’extension des quartiers résidentielsde la ville.

Plus à l’est, autour du Cerro de Nossa Senhoradas Neves, trois accès peuvent être restitués. Les deuxpremiers permettent de rejoindre la voie antique deBeja. Le troisième se situe à mi-pente, en descendantvers la Ribeira de Oeiras. Le sentier encore visibleactuellement, et utilisé au moins jusque dans laseconde moitié du XXe siècle, permettait de longerla rivière et d’accéder à une source bordée d’importantes zones maraîchères. Parallèlement à cesentier, mais sur l’autre rive de la Ribeira, au sud, il existe encore les traces d’un autre chemind’accès qui traverse la courtine, à quelques mètres du gué. Les traces d’une poterne sont, là,visibles.

Sur le sommet du Cerro do Convento, aucune porte ne peut être restituée avec certitude. Onpeut néanmoins remarquer que chaque vallon correspond encore actuellement à un chemin d’ac-cès. La principale porte sud-ouest se trouvait très certainement à l’emplacement du passage actuelde la route moderne provenant d’Algarve, et non au centre de la courtine curviligne (Lopes, 1999,p. 82). Cette route reprend sans doute, en partie, le tracé de la voie antique (Torres et Silva, 1990).

Plus au sud, sur le sommet du Cerro de Dois Irmãos, en relation avec une tour rectangu-laire que nous avons déjà mentionnée, il est possible de restituer une nouvelle porte ou poterne,inédite. Il s’agissait peut-être d’une entrée en coude, comme le laisse supposer le décrochement

David Hourcade,Virgílio Lopes e Jean-Michel Labarthe

182 REVISTA PORTUGUESA DE Arqueologia. volume 6. número 1. 2003, p. 175-210

Mértola: la muraille de l’Âge du Fer

Fig. 5 Porte nord de l’enceinte de Mértola avant sadestruction à la fin du XXe siècle. (Archives CMM).

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de la courtine, repéré au sol, mais il se pourrait également que l’on soit plutôt en présence d’unsystème d’accès plus simple, flanqué de deux tours. Quelque 200 m plus loin, à l’est, se trouveune nouvelle porte percée dans la muraille. Cette ouverture, située à une cinquantaine de mètresdu fortin, mesure 3 à 3,50 m de large. Elle donne sur une sorte de couloir ou de rue excavée, larged’environ 3 m et longue d’au moins 13 m, bordée de murets de 1,20 m d’épaisseur environ. Rienne permet de certifier qu’il ne s’agit pas d’une simple brèche percée dans la courtine au MoyenÂge ou à l’époque moderne pour permettre d’accéder aux couvents. Cependant, les dimensionsde la structure et la qualité, toute relative, des aménagements repérés, associé au fait que le che-min qui l’emprunte permet également de rejoindre la porte qui mène aux rives du fleuve, nousconduisent à penser qu’il s’agit vraisemblablement d’un accès ancien et important.

Enfin, en remontant vers le nord, le long du Guadiana, nos prospections ont confirmé l’exis-tence d’une porte, taillée dans la roche, large de 2,60 m à la base. Elle était très vraisemblable-ment flanquée d’une tour carrée, au sud. Plus au nord encore, au niveau de la vieille ville, aucuneentrée n’est connue avec certitude, mais il est sans doute logique de penser qu’un accès pouvaitexister depuis les berges du fleuve, non loin de l’actuelle porte du port. Les mêmes remarquespeuvent être faites pour le reste du tracé restitué de la muraille, non loin du Club Náutico et duvieux théâtre de la ville.

1.2. Caractéristiques techniques

Au vu de ces découvertes et de ces nouvelles propositions de tracé, il semble désormais quel’enceinte de Mértola devait mesurer environ 3,7 km de long. Près de la moitié de ce périmètre,soit 1,8 km, est désormais repérée (Fig. 3). On peut donc légitimement penser que la superficieemmurée devait couvrir entre 65 et 70 hectares, si l’on tient compte des dénivelés. Ces dimen-sions, comme on le verra plus loin, font de la cité de Mértola une des plus grandes aggloméra-tions fortifiées connues de la péninsule Ibérique (Fig. 1).

Insistons tout d’abord sur le fait que la fortification mise au jour appartient à un seul etmême ensemble. Comme on le verra plus loin, les similitudes repérées sur la majorité des tron-çons, aussi bien du point de vue des techniques de construction que des matériaux ou des dimen-sions, prouvent que l’on a affaire à une enceinte unique. Il est tout à fait exclu qu’il puisse s’agirde plusieurs murailles, contemporaines ou non, juxtaposées. Le tracé emprunté par les cour-tines, sur les lignes de crêtes, interdit, de plus, d’imaginer des ensembles autonomes et limités àchaque colline.

D’un point de vue technique, l’enceinte est formée de courtines élevées en blocs pseudoquadrangulaires, de petit à moyen module (0,30/0,40 m de côté) et liés à l’argile ou à la terre. Lapierre employée est un schiste d’extraction locale, caractérisé par la présence de fortes inclusionsde sable le faisant parfois ressembler à un grés, que l’on appelle grauvaque. Il s’agit de murssimples, parfois consolidés par des contreforts intérieurs, comme l’ont montré les travaux sur leCerro do Benfica et les prospections sur le Cerro do Convento, ou plus hypothétiquement exté-rieurs (Cerro de Dois Irmãos). De plus, un sondage inédit réalisé par Claudio Torres dans lesannées 1990 sur le versant sud du Cerro do Convento, non loin de la tranchée aménagée pour lepassage de la route nationale moderne, montre que les courtines reposent sur un lit de prépa-ration formé d’un remblai de plaques de schiste. Cette technique de construction a été confir-mée lors des fouilles de décembre 2000, pourtant réalisées sur une autre partie de l’enceinte.L’épaisseur des murs varie, quant à elle, entre 4 et 5 m. Ainsi, sur le Cerro do Convento, elle atteint

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4,60 à 5 m; sur le Cerro de Dois Irmãos, 4,80 m et, lors des fouilles du Cerro do Benfica, on a purelever une largeur de 4 m à 4,20 m. Toutes ces informations confirment les rares données publiées(Macias, 1996, p. 26; Rego et al., 1996, p. 123) ainsi que les résultats de nos sondages.

Seule la nouvelle courtine repérée sur le versant occidental du site, dans la pente du Cerro doConvento conduisant à la Ribeira de Oeiras, présente des caractéristiques différentes. Elle est toutd’abord plus étroite puisque sa largeur ne dépasse pas 0,90 m, mais elle est, de plus, implantée surdes affleurements rocheux et est élevée en blocs ou plaques de module moyen (0,40 x 0,20 x 0,10 mou 0,40 x 0,20 x 0,10 m). Ces différences prouvent, d’une part, que l’enceinte n’est pas partout d’uneabsolue homogénéité, mais nous conduisent, également, à douter de la contemporanéité de ce tron-çon avec le reste de l’édifice. Il s’agit pourtant bel et bien des vestiges d’une courtine puisque lesmurets de parcelles, qui ont réutilisé les soubassements de la muraille sur la ligne de crête du Cerrodu Convento, ne dépassent nulle part les 0,45 m de largeur et sont souvent élevés en pisé. Peut-êtres’agit-il là d’un réaménagement postérieur de la courtine primitive, fragilisée dans cette zone deforte pente.

La question de l’homogénéité de la construction se pose également au sujet des tours et desportes. Nous avons vu que la majorité des tours sont semi-circulaires. Comme l’a prouvé la fouilledu Cerro do Benfica, il s’agit là des tours primitives. Elles sont vraisemblablement élevées à inter-valle irrégulier et à une grande distance les unes des autres. Les tours rectangulaires repérées,mises à part celles du fortin étudié plus loin, pourraient donc être soit des ajouts plus tardifs,soit, plus vraisemblablement, des édifices destinés à flanquer les portes de la muraille. Toutesles tours rectangulaires connues ou restituées (Fig. 3) semblent, en effet, fonctionner avec lessystèmes d’accès. De plus, rien ne permet d’assurer que ces accès connus, même si certains datenttrès vraisemblablement de l’Antiquité, sont tous contemporains et ne sont pas des ouverturesplus tardives pratiquées dans la muraille.

Le problème de la longue utilisation de la muraille et des modifications qu’elle a dû subirse pose de façon plus forte encore au sujet du fortin du Cerro do Convento Velho.

1.3. Le fortin du Cerro do Convento Velho

Le travail de relevé de l’enceinte a également permis de compléter notre connaissance dufortin situé à l’angle sud-ouest de la muraille, sur le sommet du Cerro do Convento Velho (Fig.3 et 6). On ne connaissait, en effet, avant l’intervention de décembre 2000, presque rien de sonrôle et de sa relation avec l’enceinte. Il convient tout d’abord de lui assigner une très probablefonction “stratégique” de contrôle du fleuve. Sa position, à 500 m au sud du château de la vieilleville, sur une hauteur, devait très certainement lui permettre de guetter l’arrivée des bateaux surle fleuve, à l’endroit exact où le lit du Guadiana forme un coude. La visibilité de cette partie méri-dionale du rio est, en effet, extrêmement mauvaise depuis le Cerro do Castelo. Ce fortin fonc-tionne donc très probablement en étroite relation avec le site de la vieille ville.

Les relevés ont tout d’abord permis de localiser l’édifice avec une meilleure précision. Deplus, à la suite de la prospection des vestiges de la forteresse, nous avons pu en proposer un nou-veau plan (Fig. 6). Il s’agit d’une construction grossièrement rectangulaire, ou plutôt trapézoï-dale, flanquée de quatre tours d’angle. Ses côtés sont, en effet, de dimensions irrégulières. Le côténord mesure 42,40 m, le mur sud 38,60 m, et les côtés ouest et est, respectivement 18,30 m etseulement 13,60 m. La courtine du fortin, large de 1,70 m à l’ouest, de 1,80 m à l’est et au nordet de 1,90 m au sud, est construite en petits blocs de schiste liés à la terre. Les tours d’angle, qua-

David Hourcade,Virgílio Lopes e Jean-Michel Labarthe

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Mértola: la muraille de l’Âge du Fer

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drangulaires, sont toutes de formes différentes. Seule la tour nord-ouest offre un aspect soigné.Il s’agit d’une construction carrée de 4 m de côté et de 2 m de saillie, possédant, au nord, unesemelle de fondation débordante, ou un ressaut, de 0,50 m. Les autres tours sont beaucoup plusirrégulières et l’on a parfois de la peine à en définir les limites. Leur saillant varie entre 3,10 m et4,10 m et leur largeur est comprise entre 6,10 m et 8,80 m.

L’intérêt de cette étude a surtout été de montrer que ce fortin, contrairement à ce que l’onpensait jusqu’à présent, n’était pas contemporain de la muraille. Au-delà des importantes dif-férences techniques (tours carrées ou rectangulaires, courtine de moindre épaisseur), qui sontautant d’indices, il est apparu de façon très claire que cette petite forteresse avait été aména-gée sur la courtine du premier rempart. Des vestiges du parement extérieur de la premièreconstruction subsistent, en effet, par endroits, plus de 4 m en avant du parement extérieur dela courtine du fortin (Fig. 6). On a également pu mettre en évidence le fait que les trois tours,du sud et de l’est, n’étaient que des réfections ou des consolidations de la première courtine,beaucoup plus épaisse que la suivante. Seule la tour nord-ouest a, de toute évidence, étéconstruite ex nihilo.

Il convient donc d’abandonner l’idée d’un fortin ayant fonctionné avec la muraille pri-mitive et qui aurait servi à militariser cet espace. L’édifice du Cerro do Convento Velho estnécessairement postérieur à l’enceinte. La date de sa construction demeure bien évidemmentpour l’instant inconnue, faute de fouilles, mais les techniques de construction ainsi que l’étatd’arasement de la première muraille, qui contraste avec la très bonne conservation du fortinlui-même, nous poussent à y voir un monument d’époque médiévale, vraisemblablement isla-mique.

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Fig. 6 Plan schématique du fortin superposé à l’enceinte préromaine. (Cerro do Convento Velho, Mértola).

N

0 2 5 m

D. Hourcade

Enceinte de l'Âge du Fer

Fortin implanté sur la courtine préromaine

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2. Les enseignements de la fouille du Cerro do Benfica

Afin de compléter ces premiers éléments et surtout pour permettre de dater la muraille,nous avons implanté une série de sondages sur le Cerro do Benfica. Celui-ci domine la ville deMértola au nord-est (Figs. 2 et 4).

2.1. Les différents sondages

Le Cerro do Benfica se présente sous la forme d’un promontoire relativement allongé dontla ligne de crête devient, dans la zone des fouilles, grossièrement perpendiculaire au cours duGuadiana. Sur cette colline (Fig. 4), un talus relativement important, orienté est/ouest, permet-tait de supposer le passage de la courtine et plusieurs anomalies topographiques vaguementarrondies, plus importantes, nous laissait supposer l’existence de tours. Ne disposant ni du tempsni des moyens nécessaires pour entreprendre une fouille en aire ouverte extensive sur l’ensembledu cerro, nous avons préféré nous limiter à n’ouvrir que sept sondages de tailles et aux objectifsdifférents. Chaque sondage correspond à un secteur. Tous les sondages ont fait l’objet de rele-vés en plan ou coupe. Seul le Secteur 4, celui du “bastion”, parce qu’il s’est limité à un nettoyagesuperficiel des structures, n’a, pour l’instant, fait l’objet que de relevés photographiques. Il estinutile d’insister ici sur les difficultés de la fouille et les problèmes d’interprétation auxquelsnous avons parfois été confrontés: le plan général (Fig. 7) permet à lui seul de prendre consciencede la complexité des structures mises au jour.

2.1.1. Zone 1 Secteur 1: la tour 1

Premier sondage ouvert, Z1 S1 est aussi le plus important et le plus complexe. Il forme unrectangle large de 4 m et long de 12 m auquel a été ajoutée, dans l’angle sud-ouest, une bande de2 m de large et 4 m de long (Fig. 7). Implanté sur le sommet de l’important talus qui nous lais-

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Mértola: la muraille de l’Âge du Fer

Fig. 7 Plan et relevé des sondages sur le Cerro do Benfica, Mértola.

Zone 1Secteur 3

Zone 1Secteur 1

Zone 1Secteur 2

Zone 1Secteur 5

Zone 1Secteur 6

Zone 1Secteur 7

A

A'

B

B'

5 m0 1

Pau 2001rchitecture

ntique

Enceinte de MÉRTOLA (Alentejo, Portugal) plan des sondages sur le Cerro do Benfica

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sait supposer la présence d’une tour, il le traverse aussi de part en part. On a ainsi pu étudier, àla fois, le parement intérieur de la courtine et le parement extérieur de la tour (Figs. 7 et 8 coupeAA’). Comme on le verra, la fouille a surtout permis de mettre au jour un enchevêtrement com-plexe de murs et de couches de construction ou de démolition (Figs. 7, 9 et 10). Pour des raisonsde clarté de l’exposé, nous décrirons d’abord les structures mises au jour dans la partie nord dusecteur, puis celles du versant sud.

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Fig. 8 Coupes transversales d’une tour (AA’ en Z1 S1) et de la courtine (BB’ en Z1 S2) de la muraille du Cerro do Benfica,Mértola (J.-M. Labarthe, IRAA, 2001).

Fig. 9 Murs et tirant du massifinterne de la tour de Z1 S1 surle Cerro do Benfica, Mértola(Cliché D. Hourcade).

2 m0 1

Enceinte de MÉRTOLA (Alentejo, Portugal)coupe BB' dans le sondage Zone 1-Secteur 2

B B'78 m78 m

Contreforts intérieurs

Courtine

Parement intérieur Parements extérieurs

Soubassementintérieur

Contrefortsintérieurs

Courtine

Remplissage primitif

Parementsextérieurs

Murs de contentionet réfections

80 m80 m

2 m0 1

Enceinte de MÉRTOLA (Alentejo, Portugal)coupe AA' dans le sondage Zone 1-Secteur 1

A A'

Pau 2001rchitecture

ntique

Pau 2001rchitecture

ntique

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Dans la zone nord du sondage, c’est-à-dire depuis sa partie centrale et jusqu’au parementextérieur, une multitude de couches et de murs a été mise au jour (Figs. 7 à 10). Sur la partiehaute du talus, le parement M.1031, construit par des assises régulières de grandes plaques deschiste liées à l’argile, sépare les deux espaces. Perpendiculairement à la ligne de crête du cerro etcontre la paroi de ce mur rectiligne, on a pu dégager, au nord, une série de trois murs parallèles(M.1027, M.1028 et M. 1029), larges chacun d’environ 1,60 m (Fig. 9). Ils sont construits engrandes plaques de schiste empilées les unes sur les autres et parfois posées de chant. Les blocssont parfois liés à l’argile, mais le plus souvent posés à sec. Sur le côté occidental du sondage, unautre mur (M.1030), construit en blocs et plaques de schiste liés à l’argile, recouvre en partie cettestructure et se poursuit sur le versant sud où il coupe, perpendiculairement les contreforts de lacourtine. Plus au nord, en revanche, les trois murs semblent s’interrompre brutalement aprèsenviron 4 m. Ils sont retenus par un autre mur, perpendiculaire (Fig. 8 coupe AA’), mais on a éga-lement pu remarquer qu’une partie d’entre eux portait les traces évidentes d’un effondrement(Fig. 10). Plus au nord encore, on a pu mettre au jour les vestiges d’autres petits murs qui sem-blent avoir joué le rôle de murs intermédiaires de contention, ou de terrasse. Ils permettent deretenir l’effondrement des murs précités et d’aménager des sols de travail. Entre ceux-ci ont étéinstallés les remblais de construction du remplissage interne de la tour. Il s’agit de couches for-mées de plaques de schiste de différentes dimensions, ainsi que d’évidents déchets de taille. Ona pu ainsi identifier une couche composée de fragments de fines plaquettes de schiste (U.S.1015=1021), comparable à celle rencontrée dans le sondage voisin (U.S. 1007-1004). Cette couchede remblai porte les traces d’un creusement qui a permis l’installation d’un des deux parementsextérieurs de la tour (Fig. 10). Ce mur (M.1026) est construit en blocs irréguliers de petit module,liés à la terre. Il s’agit, en fait, du second parement de la structure semi-circulaire. La stratigra-phie prouve, en effet, qu’il n’a été aménagé qu’à la suite de l’effondrement d’une partie des mursdécrits plus haut, à 0,60 m en retrait du parement primitif (Fig. 8). Ce premier parement (M.1025),large de 0,40 m, est formé de grandes plaques de schiste régulières, posées en lits horizontaux etliées à la terre. Quelques petits éclats servent de calage (Fig. 10). Conservé sur moins de 0,50 mde hauteur, il repose sur un lit de plaques de schiste semblable à un remblai de construction.

Dans la partie sud du sondage, on a, en revanche, pu mettre au jour une série de six parementsparallèles (Figs. 7 et 8 coupe AA’). Le premier, M. 1032, ne se trouve qu’à 1,25 m du parement nord

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Mértola: la muraille de l’Âge du Fer

Fig. 10 Parements extérieurs etremplissage effondré de la tourde Z1 S1 sur le Cerro doBenfica, Mértola (Cliché D. Hourcade).

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de M.1030, évoqué plus haut. Il s’agit également du mur le plus tardif puisqu’il repose sur le contre-fort inférieur M.1033. Construit en petits blocs de schiste liés à la terre, il se pourrait qu’il s’agisse,en fait, du parement intérieur de la courtine repéré dans le sondage voisin. Les quatre murs sui-vants, distants les uns des autres de 0,50 à 0,70 m, sont tous construits selon la même technique.Élevés en assises régulières de plaques de schiste de moyen module, liées à l’argile, ces parementssont à la fois adossés et empilés les uns sur les autres (Fig. 8 coupe AA’), à la manière de gradins. Ils’agit bien évidemment des contreforts intérieurs de la tour et de la courtine. Cet ensemble de struc-tures repose sur une base maçonnée de plaques de schiste posées à sec, dont le parement légère-ment taluté (M.1037) se situe à 1,40 m en avant du dernier contrefort. Il s’agit très certainementde la partie visible du soubassement intérieur qui a permis l’élévation des contreforts et l’aména-gement, contre son parement nord, du massif des murs perpendiculaires. Large d’environ 5 m, cesoubassement est délimité au sud par le parement M.1037 et, au nord, par le mur M.1030.

Il convient certainement d’interpréter de la manière suivante les structures décrites plushaut (Fig. 11). Afin d’ériger la tour, les ouvriers antiques ont sans doute commencé par aména-ger, sur le versant sud de la crête, un soubassement rectangulaire de 5 m de largeur (M.1037-M.1030). Contre sa face nord et après avoir installé sur la roche divers niveaux de remblai deplaques de schiste, ils ont élevé un puissant massif d’environ 4 m de largeur. Il était vraisembla-blement rectangulaire, comme l’indiquent les vestiges du mur de contention primitif4. Retenupar ce mur, au nord, le massif était constitué d’une série de murs parallèles, perpendiculaires ausoubassement précédent et construits en plaques de schiste empilées (M.1027 à M.1029). Dansle même temps, les ouvriers ont dû installer plusieurs contreforts sur le soubassement méridio-nal, afin de permettre le passage de la courtine. Un tirant (M.1031) permettait de donner unecertaine cohésion à l’ensemble de ces deux structures adossées. Des couches de remplissage faitesde débris de taille et de petits fragments de schiste (U.S. 1015=1021) devaient permettre de com-bler la zone qui séparait le massif interne quadrangulaire du parement extérieur de la tour semi-circulaire (M.1025). Malgré la complexité de l’édifice, ou peut-être à cause de celle-ci, les mursdu massif interne ne semblent pas avoir supporté la pression de la masse de pierres accumulées.Ils se sont vraisemblablement en partie effondrés et il a alors fallu reconsolider la structure etériger un nouveau parement extérieur (M.1026), moins soigné que le précédent (Figs. 11 et 13).

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Fig. 11 Schéma d’interprétation des phases de construction de la tour et de la muraille du Cerro do Benfica (Mértola).

5 m0 1rchitecture

ntique

Pau 2000

Z1 S1 Z1 S2

Murs du massif interne de la tour

Soubassement intérieur de la tour

Tirant et contreforts intérieurs

Courtine et remplissage de la tour

D.H.

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2.1.2. Zone 1 Secteur 2: courtine et contreforts

Situé à 7,50 m à l’est du précédent sondage, Z1 S2 se présente sous la forme d’un grandrectangle de 2 m de large et 14 m de long. Il a été élargi au nord, en direction de Z1 S1, sur unebande de 3 x 1 m, qui rejoint, en longeant le parement extérieur de la courtine, le sondage pré-cédent (Fig. 7).

Ce sondage a été implanté sur les deux versants du talus formant la ligne de crête du cerro,de façon à traverser de part en part la courtine. Comme nous le verrons plus loin, la muraille seprésente sous l’aspect d’un mur simple de 4,20 m de large, renforcé sur sa face intérieure par unesérie de contreforts puissants (Fig. 8, coupe BB’). Afin de faciliter la compréhension du lecteur,nous préférons séparer la description des structures de ce sondage en deux zones, l’une nord,l’autre sud.

Au nord (Fig. 12), la fouille a permis de mettre au jour le parement extérieur de la courtineet ses phases de réfection. Sous une couche de destruction (U.S. 1002), nous avons ainsi pu repé-rer une couche d’occupation (U.S. 1003) liée au parement extérieur, M.1024, de la muraille. Cemur est construit en petits blocs de schiste (ou grauvaque), très irréguliers et liés à la terre. Dansla partie occidentale du sondage, ce mur repose sur une couche de petites plaquettes de schiste(U.S. 1004) interprétée comme un remblai de construction, lui-même creusé dans la couche dedestruction inférieure (U.S. 1017). Cette dernière provient probablement de l’effondrement duremplissage intérieur de la courtine, puisque ses similitudes avec un des niveaux mis au jour enZ1 S1 (U.S. 1021=1015) sont troublantes. Ces deux couches de plaquettes de schiste reposentsur un sol relativement plat. Il est formé par le sommet d’une couche de remblai argileux trèscompacte (U.S. 1018) et le remplissage pierreux d’un creusement ayant la forme d’un petit fosséen U. Ce dernier aménagement, profond d’environ 0,40 m, doit certainement être interprétécomme un fossé/drain, comblé de pierres, qui permettait une meilleure évacuation des eaux deruissellement lors de la construction de l’enceinte. Dans la partie orientale du sondage, en contre-bas, le parement M.1024 repose sur un autre mur d’aspect plus soigné (M.1023). Il est construiten blocs de schiste de moyen module, plus réguliers que dans le parement précédent et com-

David Hourcade,Virgílio Lopes e Jean-Michel Labarthe

190 REVISTA PORTUGUESA DE Arqueologia. volume 6. número 1. 2003, p. 175-210

Mértola: la muraille de l’Âge du Fer

D. Hourcade 0 10 25 cmD. Hourcade

NGP

77 m

76 m

76,50 m

S N

1002M. 1024

1003

1004

1012

10051006

Parement extérieur (Sud) et Coupe Ouest

1017

1018 1019

US 1004

M.1024

M.1023

US 1019US 1005

US 1024US 1018

US 1006

US 1017

US 1012

Coupe Ouest

Fig. 12 Interprétation photographique et coupe stratifgraphique du parement extérieur de la muraille du Cerro do Benfica,Mértola (Z1 S2).

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portant moins de petites pierres de calage. Ce parement repose d’un côté sur une couche de rem-blai de fragments de schiste (U.S. 1012) et de l’autre sur le comblement d’une tranchée de fon-dation (U.S. 1024) creusée à partir du sommet du remblai d’argile déjà évoqué (U.S. 1018). Cettecouche de pierres, épaisse de 0,40 m, repose à son tour sur une plus fine couche de plaques deschiste (U.S. 1005). C’est ce remblai qui a permis de créer un niveau de travail horizontal. Il rat-trape ainsi le pendage de la couche d’occupation antérieure (U.S. 1006), reposant elle-même surla roche.

La séquence stratigraphique de cette partie du sondage (Fig. 12) peut donc être inter-prétée de la manière suivante. Le premier parement extérieur de la courtine (M.1023) reposesur une succession de couches de remblai de plaquettes de schiste ou d’argile (U.S. 1005, 1012et 1018), qui servent à créer un lit de fondation. Celui-ci est installé sur un niveau d’occupa-tion antérieure (U.S. 1006) qui suit le pendage naturel de la colline. Le fort pendage du reliefà cet endroit précis explique sans doute le dénivelé important qui existe entre les parties estet ouest du sondage. Dans la partie orientale, plus profonde, le parement M.1023 repose direc-tement sur le remblai de plaques de schiste, alors que dans la partie occidentale, il devait, àl’origine, reposer plus haut sur la couche d’argile (U.S. 1018). Sa tranchée de fondation, U.S.1024, le prouve de façon claire. Ces aménagements n’ont cependant pas été suffisammentpuissants et solides puisqu’ils n’ont vraisemblablement pas empêché l’effondrement du pre-mier parement. Il convient très certainement d’incriminer, à la fois, le dénivelé évoqué plushaut et l’instabilité des remblais de soubassement. Le parement n’aura donc pas supporté lapression du remplissage interne de la courtine et de la tour de Z1 S1, toute proche, et celui-ci se sera déversé (U.S. 1017) sur les remblais de construction. On peut raisonnablement pen-ser que, après le creusement et l’aménagement d’un nouveau remblai de soubassement (U.S.1004), un autre parement extérieur a été élevé (M.1024). Il fonctionnait alors avec le niveaude construction et d’occupation U.S. 1003 d’où provient le fond d’amphore punique évoquéplus loin.

Dans la partie sud du sondage (Figs. 7 et 8 coupe BB’), une série de onze murs ou pare-ments a été mise au jour. Mentionnons, tout d’abord, la structure la plus récente qui se situeen contrebas (Fig. 7). Il s’agit d’un mur, large de 1,30 m, qui fonctionne en relation avec unniveau d’occupation tardif (U.S. 1007), vraisemblablement médiéval. Ce mur appartient sansdoute à une habitation qui s’est superposée, ou du moins adossée, aux derniers contrefortsde la muraille. Le parement le plus ancien, quant à lui, est aussi le plus élevé. Il s’agit en faitdu parement intérieur de la courtine (Fig. 8 coupe BB’). Construit en blocs et plaques deschiste de moyen module, relativement réguliers et liés à la terre, ce mur est légèrement talutéà la base. C’est contre lui que viennent s’adosser tous les autres parements repérés. Ils appar-tiennent à une série de contreforts intérieurs construits sur une bande de près de 6 m de large(Figs. 8 et 13). Tous ces murs, espacés de 1,30 m à 0,40 m et construits en petits blocs irré-guliers, prennent, en fait, appui les uns sur les autres, à la manière d’une construction en gra-dins ou en escaliers. Les murs les plus méridionaux ont ainsi servi à créer une base de 6 m delarge, relativement plane, sur laquelle se sont empilés, puis adossés, les différents contreforts.L’apparent désordre et enchevêtrement des murs est en fait lié à la relative fragilité de cesstructures de consolidation. On a ainsi pu remarquer, en quelques points du sondage, quecertains de ces contreforts avaient été réaménagés à la suite d’un effondrement partiel (Fig. 14).

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2.1.3. Zone 1 Secteur 3: la tour 1

Situé à 1,50 m à l’ouest de Z1 S1, ce sondage, large de 1,5 m au nord et long de 6 m, estimplanté sur le remplissage de la première tour semi-circulaire, fouillée de façon plus appro-fondie dans le sondage voisin. On a ainsi pu y mettre en évidence le même type de structures etcompléter le plan de cet édifice (Figs. 7, 11 et 14).

Toute la partie sud du sondage, c’est-à-dire le talus, est formée d’un entassement de grandesplaques de schiste à demi effondrées. Il s’agit des vestiges des murs du massif interne de la tour,perpendiculaires aux contreforts. Au nord, au contraire, on a très nettement pu mettre en évi-dence le creusement qui avait permis d’installer le second parement extérieur de la tour, lors dela réfection de celle-ci. Construit en petits blocs et plaques de schiste très irréguliers et joints àla terre, ce parement repose sur les couches d’effondrement de la phase précédente.

2.1.4. Zone 1 Secteur 4: le “bastion”

Ce secteur ne figure pas sur les plans publiés (Figs. 7 et 14). Il a été ouvert plusieurs dizainesde mètres plus à l’ouest, contre l’escarpement oriental de la partie la plus élevée du cerro. L’in-tervention archéologique s’est ici limitée à un nettoyage de surface, bien qu’important, des pare-ments en partie visibles et repérés depuis de nombreuses années.

Les structures mises au jour permettent de conclure à la présence d’une construction com-plexe et fortifiée, vraisemblablement identifiable à un “bastion”, ou forteresse, qui aurait profitéau mieux du relief particulier de ce promontoire. On a ainsi pu mettre en évidence l’existence d’unetour et d’un tronçon de courtine, a priori indépendante de celle connue jusqu’à présent (Fig. 13).

Dans la partie nord du secteur, on a ainsi dégagé le parement extérieur d’une tour arron-die. À sa base, haute d’environ 0,50 m, le mur est en effet curviligne. Il est construit en blocs deschiste de moyen ou grand module. Au-dessus, son élévation, plus irrégulière, est grossièrementrectiligne et réalisée en petits blocs de schiste (0,20 à 0,30 x 0,10 à 0,15 m de côté en moyenne).Ce parement se situe en effet 0,40 m en retrait par rapport à celui de la base arrondie. Plus au

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Fig. 13 Tour et “passage” dubastion de Z1 S4 sur le Cerrodo Benfica, Mértola (Cliché D. Hourcade).

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sud, les nettoyages ont permis de montrer que cette tour était sans doute, à l’origine, ouverted’une porte haute de 1,80 m et large d’environ 0,85 m (Fig. 13). Elle semble avoir été combléedans un second temps, en même temps que le possible passage qui la borde à l’est.

À l’est de cette structure se trouve un mur d’environ 0,90 m de largeur. Il est élevé en assisesrelativement régulières de grandes plaques de schiste liées à l’argile avec quelques petites pierresde calage. Il repose a priori sur une semelle débordante (à moins qu’il ne s’agisse d’un contrefort)dont le ressaut mesure 0,20 à 0,40 m.

Le parement occidental de ce mur est distant de la tour d’environ 1,80/1,90 m et les couchesarchéologiques qui les séparent offrent l’aspect de surfaces relativement planes (Fig. 13). Il sepourrait que l’espace, ainsi délimité, soit celui d’un couloir d’accès ou d’une ruelle. Si tel était lecas, il pourrait s’agir soit d’une poterne de la muraille, soit plus vraisemblablement d’un accèspermettant de monter au sommet du promontoire et du bastion, par l’est.

Bien qu’aucun des tessons mis au jour ne permette de dater l’édifice et ses transformations,sa contemporanéité avec le reste des structures voisines ne fait aucun doute. Un fragment detegula, mis au jour dans les couches supérieures d’effondrement et d’abandon du bastion, attesteparallèlement une occupation d’époque impériale du sommet du cerro.

2.1.5. Zone 1 Secteur 5: la tour 2

Implanté à 7,5 m à l’est de Z1 S2 (Fig. 7), le sondage Z1 S5 a été ouvert sur la partie occi-dentale du second talus repéré sur la ligne de crête du cerro. Large de 2 m et long de 5 à 6 m, cesecteur a permis de mettre en évidence, comme nous nous y attendions, la présence du départde la saillie extérieure d’une autre tour semi-circulaire.

La fouille n’a été ici que très limitée, puisqu’il ne s’agissait que de compléter le plan de lafortification. Le parement extérieur de cette seconde tour n’est conservé que sur 0,50 m de hau-teur. Vertical, il est formé de blocs de schiste peu irréguliers, de moyen à grand module. Ceux-cisont liés à la terre et l’on observe également la présence de petites pierres de calage. Ce mur,comme dans le sondage voisin Z1 S2 (U.S. 1005/1012), ne repose pas directement sur la roche,mais sur un remblai de plaquettes de schiste qui lui sert très certainement d’assise de fondation.

2.1.6. Zone 1 Secteur 6: la courtine

Ouvert sur le versant sud de la ligne de crête, ce sondage est le prolongement, légèrementdécalé vers l’est, du secteur précédent (Fig. 7). Large de 2 m et long de 7,5 m, il devait permettrede vérifier le passage de la courtine et mettre en évidence ses contreforts intérieurs. La fouille n’apas été complète vers le sud, faute de temps et de main-d’œuvre, mais elle a tout de même per-mis de mettre au jour une série de cinq parements et contreforts adossés et superposés les unsaux autres.

Le parement intérieur de la courtine est construit en petit appareil de schiste irrégulier, liéà la terre avec quelques petites pierres de calage. Il se pourrait qu’il s’agisse, en partie, d’une réfec-tion. Les contreforts sont, quant à eux, construits en blocs beaucoup plus réguliers de moyen etgros module, liés à la terre avec peu de cailloux de calage. Ils semblent, à chaque fois, n’être largesque de 0,80 à 1 m, mais la fouille a permis de montrer que, comme dans le cas des sondages Z1S1 et S2, ce ne sont pas des structures simplement adossées. Il s’agit en réalité d’une série de murs

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construits en degrés ou gradins, reposant sur la base formée par le mur antérieur. L’état de conser-vation des contreforts inférieurs est relativement mauvais et l’on a pu voir qu’ils avaient subi uneforte poussée sans doute au moment de la destruction de la muraille. De plus, la présence d’unmur postérieur et perpendiculaire (Fig. 7) prouve que cet espace a très certainement été réamé-nagé. La datation de l’adjonction de cette construction adossée à la courtine est cependant impos-sible à connaître, faute de mobilier, mais elle n’a pu se faire que lorsqu’une partie au moins dela muraille était encore en élévation. Celle-ci est peut-être à mettre en relation avec la structured’habitat repérée au sud de Z1 S2.

2.1.7. Zone 1 Secteur 7: la tour 2

Ce sondage, situé dans la partie la plus orientale de la fouille, est implanté à environ 9 mde Z1 S5 (Fig. 7). Il a été ouvert sur le versant nord du cerro, à l’endroit où le talus, interprétécomme la muraille, formait un angle en direction du sud-est. Dans ce sondage, large de 3,5 à 4 met long de 4 m, il s’agissait de compléter le plan de l’enceinte et de mettre au jour l’autre extré-mité de la seconde tour semi-circulaire déjà repérée en Z1 S5.

L’hétérogénéité des murs a surtout permis de mettre en lumière une succession d’aména-gements et de réfection des parements extérieurs (Fig. 14). Conservés sur une hauteur de 1,20 à1,30 m environ, les parements primitifs sont formés d’assises horizontales de blocs de schisterelativement réguliers. Ceux-ci sont liés à la terre avec la présence de petites pierres de calage. Cesmurs ont été par la suite réparés ou renforcés. Le nouveau parement de la tour est ainsi construiten blocs de schiste irréguliers, de petit et moyen module. Le contrefort adossé au parement exté-rieur de la courtine est, quant à lui, un mur taluté, à fruit, élevé en plaques et petits blocs deschiste irréguliers. À 2 m en avant de ces aménagements, un autre petit mur, construit en plaquesde schiste très irrégulières, a été élevé dans les déblais de destruction de la muraille. Il s’agit sansdoute d’un mur de terrasse ou de soutènement, moderne, servant à contenir l’effondrement pro-gressif des ruines, et non d’un avant-mur ou d’une barbacane.

Là encore, aucun mobilier n’a permis de proposer de datation.

2.2. Tentative de synthèse

La description des structures mises au jour dans chaque sondage permet de prendre consciencede la complexité du monument et des difficultés que nous avons rencontrées pour le fouiller. Ilest cependant possible de tenter de faire une synthèse de l’évolution générale des constructionsdécouvertes sur le Cerro do Benfica. La stratigraphie permet de restituer au moins quatre grandsmoments dans l’aménagement du cerro (Fig. 14).

La première étape correspond à l’aménagement du terrain et à la mise en place de la basede l’enceinte. Les fouilles n’ont nulle part permis de mettre au jour des témoignages de prépa-ration de la roche. On a, en revanche, parfaitement pu remarquer, en Z1 S1, S2 et S5 (Figs. 10 et12), que l’ensemble des constructions reposait sur une ou plusieurs couches de plaques ou pla-quettes de schiste. Il ne s’agit pas là des vestiges effondrés de constructions antérieures, maisbien de remblais de nivellement, installés pour créer un niveau de construction relativement platet stable. Cette technique, a priori ancienne, est attestée sur d’autres sites de la région ou du sudde la Péninsule. On la connaît ainsi à Mesas do Castelinho (Ferreira, 1992) ou, plus au nord-est,

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sur les sites de Los Castillejos 2 et Capote (Berrocal, 1992, p. 168). Elle est aussi fréquente parmiles édifices ibériques d’Andalousie, mais, comme le rappelle P. Moret (1996, p. 77), cet aména-gement, souvent trop simple, ne suffit pas à éviter les effondrements. Il est alors parfois com-plété par quelques contreforts. On verra plus loin combien ces remarques se révèlent justifiéesdans le cas de la muraille du Cerro do Benfica. Le sondage du Secteur 2 (Fig. 12) a également per-mis de voir que ce sont, en réalité, plusieurs couches (U.S. 1005, 1012, 1018) qui ont servi à créerce remblai. Les niveaux de pierres mesurent environ 0,50 m d’épaisseur et ils sont même com-plétés, à l’ouest, par un remblai supplémentaire d’argile, de 0,40 m, dans lequel a été creusé unpetit fossé de drainage (U.S. 1019). C’est sur ces niveaux que s’est faite la construction de l’en-ceinte.

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5 m0 1rchitecture

ntique

Pau 2000

D. Hourcade d'après les relevés de J.-M. Labarthe

Restitution idéale de l'enceinte (courtines, tours et contreforts)

Restitution de l'enceinte après réfection de quelques parements

Courtine et élévation des tours

Contreforts intérieurs de la courtine et des tours

Zone de réfection des parements

Fig. 14 Schéma d’interprétation et d´évolution des structures du Cerro do Benfica, Mértola.

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Le second moment, le plus caractéristique, est donc celui de l’érection de la muraille et deses tours. Les sondages réalisés sur le cerro (Fig. 7) ont permis de restituer une image relative-ment complexe, mais claire, de l’édifice (Figs. 11 et 14). Les éléments mis au jour prouvent quela fortification, dans la zone fouillée, se présente sous la forme d’une courtine large de 4,20 à4,80 m, renforcée sur sa face intérieure par une série de contreforts, large de 4 à 6 m, et flanquéede deux tours semi-circulaires, espacées de seulement 14 m. Nous avons déjà rappelé que la pré-sence de contreforts intérieurs n’est pas un phénomène inconnu, ni inhabituel, dans les muraillesibériques (Moret, 1996, p. 77). Il convient pourtant d’expliquer que dans notre cas, il s’agit d’unsystème complexe de murs en gradins, ou escaliers, et non de simples murs adossés les uns auxautres. On ne peut, non plus, pas confondre ces contreforts avec des parements multiples. Ceux-ci ne sont, d’une part, pas noyés dans la maçonnerie de la courtine, ni, d’autre part, élevés commede simples parements appuyés les uns contre les autres. Chaque contrefort constitue à la fois lesoubassement et le parement du suivant. La fouille permet, de plus, de certifier que ceux-ci sontcontemporains, au moins pour la majeure partie d’entre eux, de la construction de la courtineet des tours. Il ne s’agit donc pas d’aménagements ponctuels postérieurs, liés à la volonté deconsolider un édifice en cours d’effondrement. D’un point de vue technique, la courtine estconstruite selon la formule du “mur simple”, c’est-à-dire à deux parements et remplissage interne.Cette technique est bien sûr la plus fréquente pour les fortifications protohistoriques du sud dela péninsule et l’épaisseur des murs, quoique supérieure à la moyenne, n’a non plus rien de for-tement original (Moret, 1996, p. 80; Berrocal, 1992, p. 169, 213). Les parements, verticaux (saufà la base de la façade intérieure), sont montés en blocs irréguliers, mais relativement rectangu-laires, de taille moyenne et en plaques de schiste ou grauvaque. Ils forment des assises grossiè-rement horizontales. Les blocs sont liés à la terre, ou plus souvent à l’argile, avec la présence dequelques rares petites pierres de calage. Il s’agit là des méthodes de construction les plus fré-quemment rencontrées dans la région (Berrocal, 1992, p. 169, 189; Ferreira, 1992; Moret, 1996,p. 89-90). Concernant les tours, les caractéristiques techniques ne nous permettent pas d’établirdes comparaisons aussi nettes. Nous n’avons ainsi, pour l’instant, trouvé aucun parallèle convain-cant pour l’aménagement interne de la première tour (Fig. 11). De plus, bien que la présence degrosses tours semi-circulaires relativement rapprochées soit attestée dans le monde ibérique(Moret, 1996, p. 105, 119 et 185), on se rend compte, d’une part, qu’il s’agit essentiellementd’exemples relativement anciens et que, d’autre part, ils sont caractéristiques de l’Andalousie.De tels ouvrages de flanquement semblent, en effet, absents du reste du sud du Portugal pourles périodes concernées. Plus au nord, on ne connaît également, pour les fortifications de Bétu-rie, que des tours rectangulaires (Berrocal, 1992, p. 213). La première tour dégagée mesure envi-ron 15 m de diamètre et forme une saillie de près de 5 à 6 m. La seconde est plus petite. Elle nemesure que 10 m de large, pour une saillie de 3,5 à 4 m.

La troisième phase est marquée par la réfection du parement extérieur de la première touret d’une partie de la courtine. Cette étape est parfaitement visible dans la stratigraphie (Fig. 10,12 et 14). Comme nous l’avons déjà expliqué, le parement M.1024 du Secteur 2, tout commecelui, M.1026 du Secteur 1, sont construits sur des niveaux de destruction et au-dessus ou endeçà des parements primitifs (M.1023 et M.1025) (Fig. 8). D’un point de vue technique, ces murssont légèrement différents des précédents (Figs. 10 et 12). Ils sont en effet beaucoup moins soi-gnés et sont élevés en blocs plus irréguliers et plus petits. Ils sont également liés avec des jointsde terre plus épais et des petites pierres de calage plus nombreuses. Peut-être avons-nous affaireà une réparation relativement précipitée. Concernant l’ampleur de ces transformations, il estpossible, enfin, que ces aménagements ne soient limités qu’aux structures occidentales de la zone

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de fouille (Fig. 14). Rien ne prouve, en effet, que les réfections ponctuelles repérées sur le pare-ment de la seconde tour, en Z1 S7, ou sur quelques contreforts intérieurs, en Z1 S2 (Fig. 14),soient contemporaines de cette étape. Ils pourraient être plus tardifs.

Par la suite, lors d’une quatrième phase qui a pu durer plusieurs siècles, quelques aména-gements ponctuels ont été entrepris. Ils montrent la dégradation progressive de l’enceinte et satransformation. Au nord-est, en Z1 S7, c’est un petit mur de terrasse qui a été aménagé dans lescouches de démolitions de la tour, au-devant de la courtine (Fig. 7). Il servait sans doute à évi-ter l’effondrement de ces structures situées à proximité du chemin d’accès. Au sud, en Z1 S2 etS6, c’est la présence de murs de possibles habitats qui a été repérée. Ceux-ci sont en partie venuss’adosser contre, ou recouvrir, quelques contreforts du parement intérieur de la muraille. Cettedernière devait alors être, sans doute, bien dégradée. Ils sont peut-être les témoins d’une série demaisons implantées sur cette légère pente bien ensoleillé qui fait face au Rio Guadiana.

2.3. Les problèmes de la datation

La synthèse que nous venons de réaliser a permis de mettre en évidence la chronologie rela-tive des structures mises au jour. Deux grandes étapes de construction peuvent donc être repé-rées (Fig. 14) avant que l’on ne puisse déceler une longue phase d’abandon et de restructurationde l’espace. Il convient pourtant d’essayer d’établir, à présent, la datation absolue de ces diffé-rentes étapes de la vie de la muraille. Pour cela, seuls le matériel céramique mis au jour et lescaractéristiques techniques de l’édifice peuvent nous fournir des indications.

Comme nous l’avions déjà évoqué (Hourcade et Lopes, 2001), le mobilier céramique s’estmalheureusement avéré relativement peu abondant. Peu nombreuses sont, en effet, les couchesqui ont livré du matériel suffisamment caractéristique pour être identifiable ou datable. La majo-rité des tessons rencontrés provient, de plus, des couches de démolition récentes et des derniersétats de l’enceinte. Cette situation est malheureusement fréquente lors des fouilles de structuresdéfensives anciennes.

2.3.1. L’occupation du Cerro do Benfica, une vision diachronique

La fouille de décembre 2000, parce qu’elle s’est effectuée sur un sol vierge de toute interven-tion archéologique, a néanmoins permis d’apporter de nombreuses informations inédites concer-nant l’occupation du Cerro do Benfica. Si l’on accepte comme vraisemblable que, du fait de l’extra-ction locale des matériaux, l’ensemble du mobilier mis au jour provient de l’environnement immédiatdes sondages, on peut alors avoir une vision diachronique du site relativement intéressante.

Les horizons chronologiques attestés sur le cerro couvrent, très certainement, une périodecomprise entre le VIIe-VIe siècle a.C. et l’époque médiévale, au moins. Dans le Secteur 2, l’U.S.1012 a ainsi livré deux tessons de panse de type “engobe vermelho”, relativement fréquent dansles niveaux des VIIe-Ve siècle a.C. De même, un fragment de col d’amphore punique (Fig. 15), pro-venant des niveaux superficiels (U.S. 1001) du sondage Z1 S1 et appartenant vraisemblablementau type T-10.1.2.1, ou T-10.2.1.2 (Ramón Torres, 1995, p. 230 et 232)5, confirme définitivementl’occupation du site dans le courant du VIIe ou du VIe siècle. Toutes ces données rendent plusintelligible la découverte, faite en 1993 et sur le versant sud du cerro, d’une inscription funérairedatée du Ier Âge du Fer (Faria, 1994).

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Grâce aux tessons de céramique commune mis au jour en Z1 S2, dans des niveaux d’occu-pation et de destruction (U.S. 1008 et 1002), on sait désormais non seulement que le cerro étaitoccupé durant l’époque romaine, mais que la muraille devait encore, au moins en partie, être enélévation. Le fragment de tegula provenant des niveaux superficiels de la fouille du Secteur 4,confirme également cette présence.

Enfin, lors de la description des sondages et des structures, nous avons pu mentionner l’exis-tence de murs appartenant vraisemblablement à des habitats qui, à une époque indéterminée,mais certainement tardive, se sont installés sur le versant sud de la ligne de crête. Ils ont réutiliséen partie les contreforts internes de la muraille. Les quelques très rares tessons mis au jour dansces niveaux, dont un fragment de céramique commune blanche, nous permettent d’avancer, avecbeaucoup de prudence, l’hypothèse de constructions datant du début de l’époque médiévale.

2.3.2. La datation de l’enceinte

Mais l’enjeu principal de la fouille était de résoudre le problème de la datation de la construc-tion de l’édifice. Comme on le verra, la réponse est loin d’être évidente. Il semble cependant désor-mais clair que la muraille n’est pas romaine, mais antérieure, et qu’il faille abandonner les pro-positions de datation tardorépublicaine ou augustéenne évoquées en introduction. Tout indique,en effet, que l’édifice date de l’Âge du Fer. Le problème réside en fait dans la datation de la réfec-tion des parements extérieurs de l’enceinte. Les deux moments repérés sont-ils deux étapes deconstruction d’un même chantier, ou s’agit-il de deux phases de restructuration complète? Ilconvient donc d’essayer de dater avec précision les deux états identifiés par la fouille.

Les seules données utilisables proviennent du sondage du Secteur 2 (Fig. 12). La couched’occupation antérieure à l’aménagement du premier parement (U.S. 1006) a bien livré quelquestessons, mais il ne s’agit malheureusement que de trois fragments de céramique commune nontournée, à gros dégraissant. Ce type de céramique se rencontre à presque toutes les époques del’Âge du Fer et il ne nous fournit donc qu’un terminus post quem relativement vague. De même,les fragments de panse “d’engobe vermelho”, mis au jour dans les couches de remblai de prépa-ration (U.S. 1012) du premier parement, ne nous sont pas d’une plus grande utilité. Leur utili-

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Mértola: la muraille de l’Âge du Fer

0 5cm

U.S. 1001 - Z1 S1

U.S. 1003 - Z1 S2

Fig. 15 Fragments d’amphores puniques mis au jour sur le Cerro do Benfica, Mértola (Dessins CAM).

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sation est en effet attestée, au moins jusqu’au IIe siècle a.C. et rien ne prouve, de plus, qu’ils neproviennent pas simplement de niveaux d’occupation antérieurs et ne sont là qu’en positionsecondaire.

Il est possible, en revanche, de dater la réfection des parements avec une précision plusgrande. On peut en effet s’appuyer sur la mise au jour, dans le niveau d’occupation du secondparement — qui a sans doute également servi de sol de construction — (U.S. 1003, Fig. 12), d’unfragment de fond d’amphore punique (Fig. 15). Ce type d’amphores fuselées est typique de lapériode comprise entre le IVe et le IIe siècle a.C. Bien que l’on ne dispose malheureusement pasd’un fragment suffisamment important pour identifier avec certitude la typologie du conteneur,l’angle de 30º formé par le fond conique de l’exemplaire, la nature de la pâte et l’épaisseur desparois semblent indiquer qu’il s’agit de la forme T-8.1.3.1 (Ramón Torres, 1995, p. 223 et 258)6.Elle est aussi connue sous le nom de Maña E et date de la fin du IIIe siècle ou du tout début duIIe siècle a.C. (Rodero, 1995, p. 168; Ribera, 1982, p. 63 et 115). Ce fragment était associé à quelquestessons d’un pied annulaire provenant très certainement d’une imitation de céramique campa-nienne. Ces éléments nous permettent donc de dater la réfection du parement de la seconde moi-tié du IIIe siècle ou de l’extrême début du IIe siècle a.C., mais ne nous apportent pas plus de cer-titudes au sujet du début de la construction. Y a-t-il eu une première construction au VIe-Ve siècle,complétée à la fin du IIIe siècle par une réfection des parements extérieurs, ou ne doit-on y voirque les deux étapes d’une seule est même phase datant du IIIe siècle a.C.?

Pour résoudre ce problème, il nous faut croiser ces résultats avec d’autres données, d’ordretechnique et architectural, glanées sur quelques sites d’Hispanie. On sait, en effet, que la majo-rité des très grandes enceintes du sud de la Péninsule (Fig. 1) date a priori de l’Ibérique ancienou moyen (Moret, 1996, p. 139-142; Escacena et Fernández, 2001). L’existence de grosses tourssemi-circulaires associées à des courtines de grande épaisseur est, de plus, un phénomène carac-téristique de ces époques de la fin du Ier Âge du Fer (Moret, 1996, p. 101 et 102). La présence deces grosses tours très rapprochées sur le Cerro do Benfica n’est, pour finir, pas sans rappelerd’autres exemples andalous (Moret, 1996, p. 119). On sait ainsi, par exemple, que la murailled’Osuna, traditionnellement associée à l’époque des Guerres Civiles, doit très certainement, enréalité, être datée entre le VIe et le IIIe siècle a.C. (Hourcade, à paraître). Là aussi, le tronçon del’enceinte, situé à proximité d’un des principaux accès à la ville, est flanqué de tours espacéesd’une quinzaine de mètres seulement. Mais les parallèles s’arrêtent là. Tous les exemples tar-tesso-turdétans mentionnés plus haut offrent, en effet, des différences architecturales notables.On y utilise ainsi beaucoup la technique des parements internes multiples, inconnue à Mértola.De plus, tous les parements extérieurs des murailles de ces sites possèdent un fruit relativementprononcé. Or, on a vu, qu’au contraire, les façades de la muraille du Cerro do Benfica sont toutesplutôt verticales. Il s’agit là d’une pratique que l’on ne rencontre, a priori, que tardivement dansle monde ibérique (Moret, 1996, p. 85-86). De plus, on sait désormais (Gomes, 1992, p. 141-142;Correia, 1996, p. 82; Alarcão, 1996, p. 19) que les habitats du Ier Âge du Fer dans le sud du Por-tugal, sont majoritairement ouverts. Mértola, si sa muraille datait du VIe siècle, apparaîtraitdans ces conditions comme un exemple relativement unique et isolé dans le Sud-Ouest. On sait,en revanche, que les IIIe et IIe siècle a.C. sont une période de grande construction de muraillesdans toute l’Hispanie, y compris le sud du Portugal, mais plus encore dans la zone celtique. Tousles exemples de cités celtiques fortifiées, de plus de 50 ha (Fig. 1), datent ainsi de la fin du IIIe

ou du début du IIe siècle a.C. (Almagro-Gorbea, 1994, p. 37; Almagro-Gorbea et Dávila, 1995,p. 215). Même si les différences techniques sont là aussi importantes, le cas de Mértola nousparaîtrait alors déjà moins isolé.

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L’examen du contexte local du Cerro do Benfica, ainsi que l’étude attentive de la stratigra-phie du Secteur 2, permettent peut-être, au vu de ces dernières remarques, de résoudre pour l’ins-tant le problème. Il convient de rappeler, tout d’abord, la découverte sur le versant sud du cerrode l’inscription funéraire datée des VIIe/Ve siècle a.C. (Faria, 1994). Cette plaque, à cause de sataille (0,80 x 0,40 x 0,20 m), n’a certainement pas été beaucoup déplacée. De plus, un tesson decéramique attique a été découvert à proximité (Arruda et al., 1998, p. 125) et une tombe de l’Âgedu Fer aurait été mise au jour dans ce secteur à la fin du XIXe siècle (Veiga, 1983, p. 27). Ces élé-ments suggèrent très certainement, sur ce côté de la colline, l’existence d’une nécropole de la findu Ier ou du début du IIe Âge du Fer. Si on accepte l’idée que, pour cette époque, les enterre-ments se font en dehors des limites de l’enceinte, alors la construction de la muraille, parce qu’elleintègre intra muros cet espace, ne peut pas lui être légèrement antérieure, et encore moins contem-poraine. S’il existe bien une nécropole datant au plus tard du Ve siècle sur ce versant, alors la for-tification ne peut lui être que largement postérieure et doit dater d’une époque à laquelle cetespace aura perdu une grande partie de sa valeur sacrée.

De plus, au vu de la stratigraphie du Secteur 2 (Fig. 12), il convient de faire une remarqueimportante. Le sol de circulation, ou de travail, matérialisé par le sommet des couches de rem-blai de préparation (U.S. 1018 et 1019), qui a servi de lit de pose au premier parement M.1023,ne porte aucune trace d’occupation longue. La couche d’épandage du remplissage interne de lacourtine ou de la tour (U.S. 1017) s’est en effet directement effondrée sur ce niveau. Cela sembleindiquer une action rapide, survenue entre deux étapes de construction rapprochées dans letemps. Il est cependant impossible de savoir, en l’état actuel des choses, si cette démolition/réfec-tion a eu lieu lors de la mise en place du chantier de construction de l’enceinte, ou si elle est inter-venue quelques mois ou années plus tard. Il semble donc que, à quelques décennies près, laconstruction du parement, puis sa réfection, datent d’une seule et même phase. Cette hypothèsereste cependant à vérifier par de nouvelles fouilles.

Dans ces conditions, nous pensons qu’il est relativement sage de penser que l’érection del’enceinte de Mértola a eu lieu durant l’Âge du Fer, à une date comprise entre le VIe siècle et l’ex-trême début du IIe siècle a.C. Bien que les arguments avancés jusqu’ici ne permettent pas d’écar-ter définitivement l’hypothèse d’un édifice construit au VIe ou Ve siècle a.C., puis en partie recons-truit au IIIe siècle, il nous semble probable qu’il ne s’agit en réalité qu’une d’une seule et mêmephase de construction. À titre d’hypothèse nous pensons que celle-ci est intervenue à un momentindéterminé compris entre le milieu du IIIe siècle et le tout début du IIe siècle a.C. Il conviendraitainsi de “rajeunir” quelque peu la date que nous avions proposée jusqu’à présent (Hourcade etLopes, 2001).

3. La muraille et la cité préromaine de Mértola, quelques remarques

Malgré l’importance que revêtent la description et la datation de la muraille, cette étude etles travaux que nous avons menés en décembre 2000 n’ont de sens que parce qu’ils permettentde mieux appréhender l’histoire de la ville de Mértola. Se pencher sur l’enceinte de l’Âge du Fer,c’est avant tout étudier la cité alentejane préromaine, à la fois dans sa place dans la péninsuleIbérique à cette époque, mais également dans son organisation interne. En d’autres termes, ilconvient à présent d’évoquer les implications politiques et économiques de l’existence d’une tellemuraille.

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3.1. Mértola, une cité puissante de l’Âge du Fer

La présence d’une enceinte, longue de presque 4 km et qui couvre une superficie de 65 à70 h, atteste, ou du moins confirme, le fait que Mértola était à cette époque une cité puissante,riche et organisée. Dans l’hypothèse d’un édifice datant du IIIe siècle a.C., on ne peut pourtantque constater le peu de choses que nous savons de la ville à cette époque. Tout au plus dispo-sons-nous de quelques informations plus générales concernant l’ensemble de l’Âge du Fer. Lafouille de ces niveaux se révèle donc, désormais et plus que jamais, fondamentale. A.M. Arrudaet ses collaborateurs l’ont déjà souligné (1998, p. 147).

Toutes les études réalisées mettent l’accent sur le fait que Mértola se situe à la frontière, ouau contact, entre plusieurs mondes et plusieurs espaces: celte et turdétan, indigène et colon,continental et méditerranéen (Rego et al., 1996, p. 127; Moret, 1996, p. 20-22). La cité est ainsiparfois classée parmi les peuples celtes et parfois chez les Ibères. Selon Ptolémée, il s’agit d’unecité turdétane (2, 5, 4), mais Mela (3, 7) la place dans le Cuneus Ager, et l’on en fait parfois unecité turdule, appartenant à la Béturie celtique (Berrocal, 1998, p. 23, Fig. 1.1). La ville actuelle setrouve, en effet, au cœur de la voie nord/sud qui relie, d’une part, le Bas Alentejo à l’Estrémadureespagnole et, d’autre part, les ports atlantiques à la Méditerranée (Rego et al., 1996, p. 121; Arrudaet al., 1998, p. 146). Zone de contact, Mértola l’est, avant tout, en tant que port fluvial et mari-time. Elle est un site d’échanges et de confrontations, “porte d’entrée” des influences méditer-ranéennes C’est là la source de son enrichissement. Le matériel et les quelques structures mis aujour lors des fouilles antérieures le confirment clairement.

3.1.1. Les témoignages du Ier et du IIe Âge du Fer

Les interventions archéologiques menées sur l’Alcáçova confirment une occupation humainedu Cerro do Castelo depuis, au moins, le IIe millénaire a.C. (Rego et al., 1996, p. 124). On auraitmême, a priori, mis au jour les vestiges d’une fortification de l’Âge du Bronze sur cette colline7.Mais c’est surtout de l’Âge du Fer que les témoignages sont les plus nombreux. Concernant leIer Âge du Fer, on a déjà mentionné l’inscription funéraire (Faria, 1994), datant des VIIe/Ve siècle,mise au jour au Rossio do Carmo, sur le versant sud du Cerro do Benfica. Elle atteste, sur le siteet à cette époque, l’existence d’une certaine élite sociale. De même, un larnax de type “phénicienoccidental”, daté des VIe-Ve siècle, a été mis au jour dans les environs immédiats de Mértola(Alarcão, 1996, p. 20). Il devait appartenir à un tumulus à chambre et témoigne vraisemblable-ment de la même organisation sociale.

Contrairement à de nombreux autres sites de la région, le IVe siècle ne semble pas être, àMértola, une véritable période de rupture ou de déclin (Gomes, 1992, p. 167). Les vestiges dudébut du IIe Âge du Fer sont en effet présents et paraissent au contraire témoigner d’une cer-taine vitalité de la cité. Ainsi, c’est dans la zone du Castelo qu’a été découvert un important lotde céramique attique à “figures rouges” et à “vernis noir”, datant du dernier quart du Ve ou dumilieu du IVe siècle a.C. (Arruda et al., 1998, p. 126). De même, c’est d’une époque indéterminée,comprise entre le Ve et le IIIe siècle, que date une série de fours, vraisemblablement de poterie,mis au jour sous l’actuel Edificio de Correos, au pied du versant nord de la vieille ville. Enfin,lors de la fouille, en 1995, de la muraille chrétienne, nombreux sont les tessons du IIe Âge du Ferqui ont été découverts (Rego et al., 1996, p. 124-126). Ainsi, la présence de céramique grecque età engobe rouge, ou d’amphores punico-ibériques, prouve que Mértola possédait, dès le Ier Âge

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du Fer, un pouvoir économique important et que, dans la zone du Cerro do Castelo, existait uneélite politique et sociale. Elle contrôlait certainement l’extraction minière et la production agri-cole et était capable de maintenir, directement, ou par le biais du littoral algarve, des contactsavec le monde méditerranéen oriental (Alarcão, 1996, p. 20; Arruda et al., 1998, p. 147).

3.1.2. L’enceinte de Mértola dans le panorama des murailles de la péninsule Ibérique

Que Mértola soit, durant le IIe Âge du Fer, une cité puissante et riche ne semble donc niimprobable, ni étonnant. Mais il convient encore de voir en quoi sa muraille, si elle date de cetteépoque, en fait un cas exceptionnel. La présence d’une enceinte urbaine, à cette époque, n’a eneffet rien de surprenant. Il s’agit même d’une certaine norme pour la région. On sait ainsi que lefait le plus caractéristique du IIe Âge du Fer, dans le sud du Portugal, est la prolifération des sitesfortifiés, alors que durant la période précédente, les petits sites ouverts étaient les plus fréquents(Alarcão, 1996, p. 24; Correia, 1996, p. 82; Beirão et Correia, 1995, p. 921; Gomes, 1992, p. 141--143, 250 et 264). C’est en effet, par exemple, l’époque de la construction des murailles de Miró-briga, Mesas do Castelinho, Cerro Furado, Azenha da Misericórdia (Serpa) ou Nossa Senhora daCola. De ce point de vue, l’érection de la muraille de Mértola ne semble en rien extraordinaire.

L’originalité de ce cas tient plus, en fait, aux dimensions de son enceinte. Tous les sites de larégion sont en effet loin d’atteindre une telle taille. De ce point de vue, Mértola forme un cas bienà part dans ce sud-ouest péninsulaire. On sait, par exemple, qu’à l’époque où la muraille du Cerrodo Benfica a été érigée, la superficie moyenne des sites de la “Béturie celtique”, c’est-à-dire unerégion située un peu plus au nord, est d’environ 2,5 ha (Berrocal, 1998, p. 136). L’extrême majoritédes sites n’y dépasse pas, en effet, 3 ha et seuls 15% des cas connus atteignent 6 ou 8 ha (Berrocal,1992, p. 216)8. Les oppida des Turdules, auxquels l’auteur semble rattacher Mértola, couvriraienten moyenne une superficie nettement plus grande, de l’ordre de 10 ha. Ces dimensions seraientplus proches, selon lui, des données connues chez les Turdétans de Bétique (Berrocal, 1998, p. 316).De manière plus générale, dans les bassins du Sado et du Guadiana, c’est-à-dire dans les plaines del’Alentejo, on rencontre, durant le IIe Âge du Fer, tout un éventail de sites habités d’une superficiecomprise entre moins d’un hectare et plus de 10 ha (Correia, 1995, p. 248-250). L’extrême majo-rité d’entre eux occupent moins de 5 ha. Seuls onze sites dépassent cette superficie et quatre d’entreeux, seulement, sont considérés comme “grands” (Beirão et Correia, 1995, p. 918-919).

Si l’on élargit géographiquement notre champ d’étude, le manque de comparaison n’endemeure pas moins troublant. Dans le monde ibérique, par exemple, il convient de remarquertout d’abord que prédominent très massivement les petits habitats. Près de la moitié des sitesétudiés par P. Moret (1996, p. 134) n’atteignent pas 0,5 ha. Seuls 16% des cas dépassent, aucontraire, 10 ha. La majorité de ceux-ci se situent d’ailleurs en Andalousie, dans un contexte tar-tesso-turdétan (Moret, 1996, p. 139-144; Escacena et Fernández, 2002). Les courtines y sont degrande épaisseur, flanquées de nombreuses et puissantes tours. Au contraire, dans l’Hispanieceltique, les comparaisons semblent déjà plus appropriées: 20% des sites dépassent, en effet, 25 ha.La taille moyenne des oppida oscille ainsi vraisemblablement entre 10 et 25 ha avec un pic autourde 18/20 ha (Almagro-Gorbea et Dávila, 1995, p. 209 et 223). Ces “grands” sites seraient cepen-dant, selon les auteurs, absents du nord et du sud-ouest de la péninsule (1994, p. 34). Le sud duPortugal appartiendrait, en fait, à une première zone, celle d’une urbanisation précoce, concen-trée et dense, marquée par des sites de superficie moyenne (Almagro-Gorbea et Dávila, 1995, p. 215). Tel n’est pourtant pas le cas de Mértola.

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Mais si l’on ne se préoccupe, à présent, que des sites qui s’étendent sur plus de 50 ha, lasituation devient légèrement plus claire (Fig. 1). Cette carte montre parfaitement qu’il existedeux ensembles géographique et chronologique distincts: l’un ibérique, l’autre celte. Les exemplesles plus nombreux proviennent a priori du monde ibérique andalou. Il s’agit de Corduba (Colinade los Quemados), Hispalis, Carmo, Castulo, Asta, Iliberri et Gades (Moret, 1996, p. 142) ou encoreOsuna (Hourcade, à paraître), La Hoya de Archidona (Acién Almansa, 1989) et Coimbra del Bar-ranco Ancho (Moret, 1996, p. 540). Encore convient-il de remarquer que la majorité de ceux-cin’est connue que par restitution. On peut leur associer le cas de Cartago Nova, fondée entre 230et 211 (Appien, Iberike, 24), mais contrairement aux précédents, ce site est tardif. Les grands sitesibériques mentionnés plus haut dateraient a priori, en effet, d’une période comprise entre le VIe

et le IVe siècle a.C. La situation est totalement différente dans l’Hispanie celtique. Tous les sitesconnus de plus de 50 ha sont en effet contemporains de la muraille de Mértola. Ils datent vrai-semblablement du IIIe ou du début du IIe siècle a.C. (Almagro-Gorbea, 1994, p. 34 et 37), commec’est le cas des autres exemples du monde celtique d’Europe Centrale. Seuls cinq sites en Hispa-nie atteignent ou dépassent une telle superficie. Il s’agit de Pallantia (Palenzuela, Palencia), Com-plutum (San Juan del Viso, Madrid), Ulaca (Solosancho, Ávila), Intercatia (Montealegre de Cam-pos, Valladolid) et La Peña (Tordesillas, Valladolid) (Almagro-Gorbea et Dávila, 1995, p. 212 et223-224). Ils appartiennent à ce que l’auteur définit comme la Seconde Zone, celle des grandesplaines sédimentaires de la Meseta (Almagro-Gorbea, 1994, p. 37). Parmi ces 16 sites qui attei-gnent ou dépassent les 50 ha, une dizaine, à peine, sont connus archéologiquement. Seuls deuxexemples, Pallantia et Osuna, dépassent largement la superficie connue pour la cité alentejane.

Selon les chiffres proposés, Mértola fait donc partie des cinq plus grandes fortificationsconnues dans l’ensemble de la péninsule Ibérique à l’époque préromaine. Ce constat suffit àmontrer l’importance du site et atteste la puissance qui devait être la sienne au moins durant leIIe Âge du Fer. Au sein du sud-ouest de la péninsule, la muraille de Mértola apparaît donc commeun cas isolé et exceptionnel. Si le fait que la ville soit fortifiée ne doit pas étonner, c’est bien plu-tôt les dimensions de l’édifice qui peuvent surprendre. Encore faut-il désormais chercher à savoirqu’elles sont les raisons qui ont pu conduire à l’érection d’une telle structure.

3.2. Le développement et l’organisation de la cité de Myrtilis au IIe Âge du Fer

Se poser la question des raisons qui précèdent la construction d’une muraille, c’est ouvrirles portes d’un vaste débat dont il est impossible de rendre compte dans cet article. Les causessont évidemment multiples et complexes. Elles sont à la fois liées à des facteurs exogènes etinternes, politiques et militaires ou encore économiques, sociaux et culturels.

3.2.1. Entre Celtes, Turdétans, Puniques et Romains

Attardons-nous, tout d’abord, sur les possibles facteurs exogènes. On a souvent tendanceà expliquer la rupture repérée, dans le sud du Portugal, entre le Ier et le IIe Âge du Fer par uneperte de contacts avec le monde andalou et par des vagues d’immigration celte venues du nordde l’Alentejo (Gomes, 1992, p. 167-168; Alarcão, 1996, p. 23). Cette époque, et surtout le IIIe

siècle, serait donc caractérisée par une certaine insécurité générale, due aux poussées celtes et àl’expansion barcide (Moret, 1996, p. 29). Mais ces mouvements, parce qu’ils impliquent aussi des

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contacts, ont également d’autres conséquences urbanistiques et architecturales. Certains cher-cheurs ont ainsi tenu à mettre en relation le phénomène de fortification des sites du Bas Alen-tejo, tels que Mesas do Castelinho, Garvão ou Castelo da Moura, avec de probables influencesvenues de la Meseta (Gomes, 1992, p. 168 et 171; Berrocal, 1998). Mais les apports puniques etibères ne sont pas pour autant écartés de telles études (Moret, 1996, p. 315). Il convient donc devoir, même si cela se révèle très délicat, en quoi la muraille de Mértola pourrait être le fruit deces contacts continentaux et méditerranéens.

Les parallèles les plus immédiats concernent le monde celte. On remarque ainsi que la majo-rité des sites les plus étendus du sud-ouest se situe dans la partie “celtique” de l’Alentejo, c’est-à-dire au nord. L’existence fréquente de grandes enceintes (de plus de 20 ha), ainsi que les donnéesd’ordre chronologique favorisent sans nul doute cette piste (Almagro, 1994). Mais on ne doitpourtant pas oublier que c’est dans l’aire tartesso-turdétane que l’on rencontre les parallèles tech-niques et formels les plus proches (Moret, 1996, p. 103, 139-144). Ils seraient cependant anté-rieurs à l’exemple du Cerro do Benfica, puisqu’ils dateraient a priori des VIe/IVe siècle a.C. Si lamuraille de Mértola ne date que du IIIe siècle, pourrait-on alors évoquer l’idée d’un modèle urbainfortifié tartesso-turdétan que les habitants de Mértola auraient cherché à copier ou du moins àadapter à leur propre réalité? Les comparaisons typologiques sont trop nombreuses pour que l’onpuisse définitivement écarter une aussi séduisante hypothèse. Cela n’enlève rien au fait que c’estprobablement dans un contexte celte, ou en voie de “celtisation”, que s’est faite cette transfor-mation majeure de l’urbanisme de Mértola. Nous pensons donc qu’il est possible d’envisager cettemuraille alentejane comme le fruit d’un mélange complexe entre un héritage tartesso-turdétan,d’une part, et une influence celtique, d’autre part. S’il s’avérait, à la suite de nouvelles fouilles, quela grande muraille de Mértola date, en réalité, du VIe ou du Ve siècle a.C., alors c’est clairement ducôté andalou qu’il faudrait chercher des parallèles et des “modèles”.

Mais, en revanche, il semble erroné de prendre prétexte des luttes de la Seconde Guerre Punique,ou des troubles causés, ensuite, par la conquête romaine. Si la datation proposée pour l’enceinte estcorrecte, ces événements militaires sont, en effet, soit trop éloignés géographiquement de notre zoned’étude, soit postérieurs à l’érection de la muraille. On ne peut donc pas évoquer un péril militaireprécis pour justifier la construction de l’édifice. Il s’agit là d’une évidence, même pour les périodespostérieures (Hourcade, à paraître). Cela n’enlève rien à la volonté, de la part de la communautéurbaine, de se prémunir contre un danger diffus ou fantasmé. La muraille donne bien évidemmentun réel et fort sentiment de sécurité à la population qu’elle entoure et le choix du site peut paraître,par bien des aspects, “stratégique” (Macias, 1994, p. 366). Encore faut-il se demander, d’une part, s’ils’agit bien d’une “stratégie militaire” et rappeler, d’autre part, que les caractéristiques techniques dela muraille de Mértola sont loin d’en faire un puissant ouvrage militarisé. On sait en effet parfaite-ment que de tels édifices ne peuvent jamais jouer le rôle d’éléments de défense actifs. Les tours, misesà part celles de la zone de l’entrée, sur le Cerro do Benfica, sont trop distantes les unes des autrespour n’être autre chose que des postes de guet. De même, afin que la courtine soit pleinement effi-cace, il faudrait qu’elle soit garnie de soldats sur tout son tracé. Il est, bien entendu, matériellementimpossible que la cité de Mértola ait disposé de fantassins en nombre suffisant pour occuper l’en-semble du périmètre fortifié. De plus, les véritables défenses naturelles de l’agglomération ne sesituent pas sur la ligne de crête des collines où passe l’enceinte de l’Âge du Fer, mais bien plutôt auniveau du Cerro do Castelo. Là se trouve le site le mieux protégé, au sommet d’un escarpementrocheux, bordé à l’est et au sud/sud-est, par deux cours d’eau (Arruda et al., 1998, p. 121). Il n’est pasétonnant, dans ces conditions, de voir que c’est précisément cette colline qui a été occupée sans dis-continuité jusqu’à nos jours et que c’est sur ses versants que se sont élevées les murailles postérieures.

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3.2.2. La muraille de la cité-État de Myrtilis

Quels sont, alors, les facteurs internes qui ont pu impliquer la construction d’un tel édi-fice? Selon nous, ces causes sont très certainement à la fois d’ordre politique, social et écono-mique. C’est à la notion politique de cité qu’il convient, sans nul doute, de rattacher la gigan-tesque structure mise au jour. Comme nous allons le voir, cette muraille “territoriale” témoignetrès vraisemblablement de la naissance ou de la refondation de la cité de Mértola. P. Moret (1996,p. 13) rappelle ainsi qu’une enceinte n’est pas seulement un moyen de défense: “Son projet, saréalisation et jusqu’à son aspect extérieur sont conditionnés par un écheveau de facteurs où s’en-tremêlent contraintes techniques, modes architecturales, projets politiques, besoins sociaux etprescription religieuses”. À cause des implications sociales et économiques qu’elle induit, neserait-ce qu’en coût, organisation et temps de travail, la très grande muraille de Mértola impliquel’existence d’un pouvoir centralisé, ordonné et fort.

Les chercheurs s’accordent désormais pour dire que le passage du Ier au IIe Âge du Fer, dansle sud du Portugal, a été celui de la transformation de petits sites ouverts en zones d’habitats, detype urbains, plus importants et fortifiés (Correia, 1996, p. 84). Les plus grands sites, souventtardifs, centralisaient alors les fonctions économiques et sociales. C’est donc la muraille qui joueprincipalement le rôle de témoin de l’apparition des conceptions urbaines et poliades dans lemonde protohistorique lusitanien (Gomes, 1992, p. 141; Correia, 1995, p. 245; Beirão et Cor-reia, 1995, p. 917). Le IIIe siècle, dans le monde celte, correspondrait même au pic de la phased’éclosion des oppida (Almagro-Gorbea, 1994, p. 26-28). L’auteur les décrit comme des sites proto-urbains organisés comme de véritables civitates, qui jouent le rôle de centres juridiques, admi-nistratifs et économiques d’un territoire. Dans cette optique, il convient d’accepter l’idée que lamuraille protohistorique, comme dans le monde grec et romain, est liée à une délimitation rituelleet possède une fonction idéologique qui délimite un espace politico-sacral.

La présence de la très grande muraille de Mértola serait donc indubitablement à mettre enrelation avec le développement ou l’éclosion d’une civitas. Le problème reste donc de savoir dequelle cité il s’agit. La réponse paraît a priori extrêmement simple, puisque le toponyme de Mér-tola dérive directement du nom antique de la ville, Myrtilis. On ne sait pourtant, par les textes,que très peu de choses sur cette cité avant l’époque impériale. Toutes les sources littéraires quila mentionnent (Ptolémée, Mela, Pline) sont, en effet, relativement tardives et Myrtilis ne sembleavoir aucune réalité historique avant le courant du IIe siècle a.C., moment où elle frappe mon-naie (García-Bellido et Blázquez, 2001, p. 281-282). Devant ce silence des sources, a priori anor-mal, certains chercheurs ont donc voulu voir, en Mértola, la grande cité préromaine de Conis-torgis, connue par les auteurs anciens (Appien, Iberike, 56-57; Strabon, 3, 2, 2), mais non encorelocalisée avec certitude. Celle-ci aurait peut-être été refondée en Myrtilis, après sa destructiondans la seconde moitié du IIe siècle (Berrocal, 1992, p. 63-64)9. Cette hypothèse s’accorderait ainsiparfaitement au silence des sources, mais également à des considérations toponymiques et lin-guistiques précises. On pense ainsi que le nom même de Myrtilis, vraisemblablement d’originepréromaine et orientale, est très certainement tardif (Tovar, 1976, p. 210-211; Berrocal, 1992, p.64). Mais ces arguments ne nous semblent pas totalement convaincants. Rien ne prouve en effetque le monnayage de la cité de Myrtilis soit véritablement postérieur au milieu du IIe siècle. Si teln’est pas le cas, le site de Mértola ne pourrait définitivement pas être celui de Conistorgis. De plus,il convient de s’attarder quelques instants sur l’aspect “méditerranéen” ou “oriental” du topo-nyme et du monnayage. Myrtilis emploie ainsi une métrologie punico-turdétane, adaptée à cellede Rome (la sextantale réduite). Le type de décors utilisé (étoiles, épis, alose) est, de plus, simi-

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laire à celui des ateliers, de tradition punique, du Guadalquivir (García-Bellido et Blázquez, 2001,p. 282). Or, nous avons déjà montré combien sont nombreux les parallèles techniques que l’onpeut faire entre la muraille de Mértola et les grandes enceintes de l’aire tartesso-turdétane. Auregard de ces informations, il ne nous semble donc pas impossible de penser que la muraillefouillée soit à mettre en relation avec la fondation, “tardive”, entre le Ve et le IIIe siècle a.C., de laMyrtilis turdétane.

3.2.3. L’“enceinte territoriale” de Mértola: évolution et organisation de l’espace

La présence de l’enceinte attesterait donc le bouleversement politique qu’a connu Mértolaau IIe Âge du Fer. Mais quels sont les changements, intervenus à cette époque, qui peuvent jus-tifier d’une telle transformation par rapport au site du Ier Âge du Fer où l’on avait pourtant pucertifier la présence d’une élite sociale?

C’est avec prudence que nous avançons l’hypothèse d’un synœcisme qui se serait produitau moment de l’érection de la muraille. Quelques éléments semblent permettre de penser quel’on a pu passer d’un groupe de petits établissements dispersés à un noyau urbain concentré ausein d’une vaste “enceinte territoriale”.

Les fouilles antérieures ont déjà prouvé l’occupation du Cerro do Castelo au Ier Âge du Fer(Arruda et al., 1998, p. 124) et l’on peut désormais légitimement penser qu’il en était de mêmepour le Cerro do Benfica. Il se pourrait que, dans cette première phase, le territoire, qui sera parla suite emmuré, était composé de petits noyaux d’habitats isolés et ouverts, implantés sur lesprincipales collines essaimées le long des rives du Guadiana. Ce schéma serait relativement clas-sique pour l’époque concernée (Gomes, 1992, p. 142-145) et il n’aurait rien de déplacé dans lecas de Mértola. V. Correia (1996, p. 84, 1995, p. 245) a en effet déjà rappelé que la présence detombes prestigieuses, à inscription funéraire ou à larnax, était souvent associée à de petits sitesouverts et non à de véritables centres urbains. On aurait donc peut-être tort d’imaginer, à Mér-tola, pour le Ier Âge du Fer, un site déjà quasi exclusivement organisé autour du Cerro do Ben-fica. Nous avons également déjà mentionné les deux nécropoles (Fig. 3), datant peut-être de l’Âgedu Bronze et plus certainement du Ier Âge du Fer, qui ont été repérées sur les versants méridio-naux des collines de Bella Vista et de Benfica, au nord (Veiga, 1983, p. 27; Faria, 1994; Arruda etal., 1998, p. 125). Leur intégration, par la suite, dans le périmètre de la très grande muraille montrelà encore une très probable restructuration complète de l’espace.

Cette enceinte, en raison de sa position géographique, semble avant tout destinée à déli-miter un territoire et à montrer l’existence d’un établissement puissant. Si l’on se rend encoreactuellement à Mértola, depuis le fleuve ou depuis la route, on ne pourra qu’être frappé par lefait qu’au moins une des collines sur lesquelles passe la muraille est toujours visible. Le cas estencore plus étonnant depuis la rive orientale du Guadiana. Au-delà de ses fonctions sécuritaires,le rempart de Mértola sert avant tout à attirer l’attention et à être vu. Il permet incontestable-ment à la cité de se mettre en scène dans le paysage. Mais il délimite aussi un terroir immédiat,directement placé sous le contrôle du centre urbain.

La première remarque qu’il convient vraisemblablement de faire, au sujet de l’organisationde ce territoire intra muros, c’est qu’il n’est pas homogène. Il n’est bien sûr ni entièrement habité,ni totalement peuplé. Il est, à la fois, composé de zones vides, sans doute agropastorales, et dezones occupées par des habitats ou des activités artisanales et commerciales. Habitats et fortifi-cations sont conçus de façon indépendante. Il s’agit là d’une des caractéristiques principales des

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sites de très grandes dimensions (Almagro-Gorbea, 1994, p. 34; Almagro-Gorbea et Dávila, 1995,p. 215; Moret, 1996, p. 103, 144). L’habitat peut y être soit dispersé sur l’ensemble de la superfi-cie emmuré, soit au contraire concentré au centre du périmètre. Dans l’exemple qui nous pré-occupe, tout indique que l’agglomération du IIe Âge du Fer se trouvait sur le Cerro do Castelo.Elle devait plus ou moins occuper les 6 ha de la colline, soit seulement à peine 10% de la super-ficie emmurée. Cette constatation n’implique pourtant pas que ce cerro soit le seul espace habi-table du périmètre. On sait ainsi que, quel que soit l’endroit où passe le rempart, on se situe,même le long du Guadiana, dans une zone non-inondable (Rombouts de Barros, 1999). Peut-être, de plus, faut-il imaginer l’existence d’un petit établissement sous le Convento de São Fran-cisco. Cette répartition différentielle de l’habitat est certainement liée à une certaine conceptionet organisation du territoire délimité par la muraille. C’est en cela que l’on peut parler d’“enceinteterritoriale”.

Les études menées dans l’espace ibérique (Moret, 1996, p. 63-65) montrent que le contrôledu territoire immédiat est une préoccupation essentielle du monde protohistorique. L’habitatest ainsi situé, dans près de 75% des cas, à moins d’1 km des terres cultivables ou directementutilisables. Le cas est identique à Mértola avec la particularité que ces terres sont incluses à l’in-térieur même du périmètre délimité par la muraille. En revanche, dans l’extrême majorité descas, on remarque que, bien que les sources et cours d’eau ne soient jamais très éloignés, le sitechoisit permet rarement un contrôle immédiat et efficace des points d’eau. Mértola paraît, de cepoint de vue, totalement hors normes.

Nous avons, ainsi, déjà remarqué combien le substrat local, constitué de schiste, est trèsvulnérable à l’érosion, mais il est aussi peu propice à l’exploitation agricole. Tout indique en effetque l’activité principale devait être l’élevage et l’on imagine facilement que de nombreux trou-peaux pouvaient être gardés à l’intérieur de l’enceinte. Il est, dans cette optique, relativementtroublant de voir que la muraille englobe les deux seuls espaces relativement plats et fertiles desalentours du Cerro do Castelo (Fig. 3). Il s’agit, peut-être, de la zone située au nord du cerro, endirection du Benfica, mais surtout du petit espace dépendant actuellement du Convento SãoFrancisco. Celui-ci constitue, encore de nos jours, le seul terrain relativement riche du territoirecommunal. De même, on ne peut être que surpris par le fait que la Ribeira de Oeiras soit, en par-tie, intra muros. La confluence de cette rivière avec le Guadiana se trouve, de fait, au centre dupérimètre défini par la muraille (Fig. 3). Cet acte délibéré s’explique peut-être parce que la zonede confluence a pu jouer le rôle de port fluvial de la cité. On imagine en effet aisément les naviresvenir se mettre à l’abri des mouvements de la marée dans le coude formé par l’Oeiras. À cet endroitse situe, de plus, une bande de terre relativement plane qui pourrait avoir servi de zone de débar-quement. La concentration de tant d’éléments favorables (possible port et débarcadère, zoneplane et fertile, proximité des voies de communication et des portes) rend une fois de plus pro-bable l’existence, sous le Couvent Saint-François, d’un noyau d’habitat. Il ne s’agit là, bien sûr,que d’hypothèses et cet éventuel port n’aurait, de toute façon, pas pu fonctionner tout au longde l’année puisque les crues de la rivière se révèlent particulièrement violentes et dangereuses.Enfin, on sait également que jusqu’à l’époque moderne, la zone portuaire de la ville se situait surles berges du Guadiana, de part et d’autre de la “Tour du Fleuve”. C’est d’ailleurs par là que l’onpouvait, sans doute à l’aide d’un bac, traverser le rio (Fig. 3). Cette question de la circulation àl’intérieur du périmètre emmuré, déjà évoquée, se révèle particulièrement intéressante. On serend en effet compte que, quelle que soit la direction que l’on prend, nord/sud ou est/ouest, etsurtout si l’on cherche à atteindre le Cerro do Castelo depuis le sud-ouest, la rivière Oeiras appa-raît comme un obstacle quasi incontournable. L’étude des sentiers traditionnels (Fig. 3) permet

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de voir qu’il existe en réalité trois zones de franchissement. La première se situe à la confluencedes deux cours d’eau et devait se faire à l’aide de barques. La seconde, plus à l’ouest, se trouve àproximité de l’espace sableux identifié comme le possible port. Là encore, on ne pouvait proba-blement pas passer sans barque. Mais l’élément le plus intéressant réside sans doute dans le faitque l’unique gué de la rivière se trouve à l’extrémité occidentale de la muraille, au pied du Cerroda Nossa Senhora das Neves. Tous les sentiers terrestres nord/sud doivent en effet se croiser ence point précis.

On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi le tracé de l’enceinte passe aussi loinsur ces collines et inclut un si vaste espace au sud-ouest. Il a été conçu pour permettre de par-faitement contrôler tous les moyens d’accès à la ville et d’englober les zones les plus facilementexploitables parce que planes et fertiles (Fig. 3). Malgré ce panorama relativement complet, ilnous faut admettre que beaucoup d’éléments manquent encore. On ne sait ainsi rien des nécro-poles du IIe Âge du Fer et tardorépublicaines. Les deux zones funéraires du Rossio do Carmo etde São Sebastião, situées intra et extra-muros, semblent, en effet, n’être (ré)utilisées qu’à partirde la fin du Ier siècle d.C. (Lopes, 1999, p. 95; Macias, 1993, p. 54 et 83).

Conclusions

Les fouilles menées en décembre 2000 sur le Cerro do Benfica, ainsi que les prospections etles relevés effectués sur l’ensemble de l’enceinte, nous ont donc permis d’apporter un regard nou-veau sur cet édifice. Ils nous ont ainsi conduit à renouveler considérablement, tant d’un pointde vue technique que d’un point de vue chronologique, notre connaissance de cette gigantesquefortification. Mais ces travaux nous ont également amené à confirmer, sinon à prendre conscience,de l’extraordinaire importance de la cité de Mértola durant le IIe Âge du Fer. Au moins dès le IIIe

siècle a.C., Mértola nous apparaît être un site essentiel, voire structurant, dans la compréhen-sion et la connaissance du sud-ouest de la péninsule. Nous espérons que la mise au jour de lamuraille incite donc les chercheurs à poursuivre l’étude des niveaux pré-médiévaux de la ville.

Que la muraille mise au jour soit celle de Conistorgis ou, plus vraisemblablement et plus sim-plement, celle de Myrtilis n’a, à vrai dire, que peu d’importance. La présence de cette enceinte d’aumoins 65 ha, une des plus grandes de toute l’Hispanie, suffit à prouver la puissance et la richessede la cité. De plus, cette structure, ne serait-ce que par ses caractéristiques techniques, atteste lefait que Mértola est une cité de contact et d’ouverture. Elle joue parfaitement son rôle de pointde liaison économique, politique et culturelle entre influences méditerranéennes (coloniales outartesso-turdétanes) et continentales (celtiques). Cette idée a déjà été avancée sur la base destémoignages linguistiques ou matériels, mais elle est ici vraisemblablement confirmée d’un pointde vue architectural et certainement politique. La muraille de Mértola, par bien des aspects, seprésente en effet comme un héritage des grandes enceintes andalouses du VIe siècle a.C. Maisson érection ne semble pourtant se faire que plus tardivement, dans le contexte, et peut-être sousl’influence, de la formidable éclosion urbaine et poliade que connaît l’ensemble de l’Hispanieceltique, depuis les grandes plaines de la Meseta jusqu’au Sud-Ouest, durant le IIIe siècle.

En rendant à la Mértola du IIe Âge du Fer son importance économique et politique, la for-tification que nous avons étudiée permet aussi de mieux comprendre le rôle majeur joué par laville dans le processus de romanisation du sud et du centre du Portugal. C’est certainement parce port que les premières troupes romaines, dans la première moitié du IIe siècle a.C., ont péné-tré dans cette partie de la Péninsule (Alarcão, 1996, p. 28). On s’explique également alors mieux

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le statut privilégié, et relativement précoce, d’oppidum de droit latin dont jouissait la cité au Ier

siècle a.C. (Pline, NH, IV, 116-118). Que s’est-il passé par la suite, à l’époque impériale? Myrtilis,comme la plupart de ses voisines, s’est-elle parée d’une nouvelle enceinte? Si tel était le cas, celle-ci serait certainement à chercher autour de la vieille ville. Mais cela n’est pas certain. Les fouillesdu Cerro do Benfica ont montré que l’enceinte primitive semblait encore en partie en élévationdurant cette période. Peut-être l’absence d’une nouvelle construction, plus “romaine”, est-il lesigne de la fierté que la cité de Myrtilis portait à son ancienne muraille, symbole de sa puissanceet de son passé.

Vraisemblablement en élévation jusqu’au Moyen Âge, où ils ont pu servir de quartiers d’hi-ver à des troupes armées (Macias, 1996, p. 26), les vestiges de la très grande enceinte de l’Âge duFer ont certainement contribué, avec la nouvelle muraille construite alors autour du Cerro doCastelo, à faire de Mértola “le plus fort “château” de l’occident de la Péninsule”. Ainsi parlait dela ville le géographe arabe Yâqût (Macias, 1994, p. 366), bien des siècles pourtant après la construc-tion de la grande enceinte.

NOTES

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* ATER, Université de Nantes, Ancien membre de la Casa de Velázquez.

** Campo Arqueológico de Mértola.*** Dessinateur, IRAA, Antenne de Pau.1 Merci à Pierre Moret et à Patrice Cressier pour leur relecture

attentive et les remarques qu’ils ont pu faire.2 La fouille a été menée par une équipe luso-française. Les

membres du CAM, assistés de trois employés municipaux,dirigeaient la partie portugaise de l’équipe. Ils ont pu comptersur la participation des élèves du cours de Techniques deMuséographie Archéologique de l’École Professionnelle Bento deJesus Caraça. La partie française de l’équipe se composait, quantà elle, de membres et de personnels de la Casa de Velázquez,assistés d’un dessinateur de l’IRAA (Antenne de Pau), ainsi quede chercheurs et étudiants des universités de Bordeaux 3,Montpellier 2 et Toulouse Le Mirail.

3 On trouvera un premier résumé des résultats des fouilles dansHourcade et Lopes, 2001. Le rapport de fouilles a également étédéposé auprès de l’IPA.

4 Il est possible que ce massif ne soit pas aussi régulier que nousl’avons représenté sur le schéma de synthèse (Fig. 11). Les fouilles

montrent, en revanche, qu’il n’était sans doute pas arrondi, bienque cela soit plus habituel.

5 La faible dimension du fragment recueilli ne permet pas detrancher entre ces deux hypothèses. Il se pourrait même qu’ils’agisse en fait d’un autre type, bien qu’extrêmement rare, datantégalement du VIe s: T-13.2.1.1. (Ramón Torres, 1995, p. 242).

6 Plusieurs formes sont en fait connues pour ce genre de fondsconiques ou fuselés. Il s’agit en réalité des différentes variantesd’un même type qui apparaît à la fin du IVe s. (T-8.1.2.1). Ce typeprécoce ne nous semble pas convenir puisque l’angle formé par lapanse est alors plus fermé. La variante la plus récente, datée du Ier s., peut aussi définitivement être écartée, puisqu’elle possèdeun bouton à l’extrémité de la base.

7 Information inédite fournie par Cláudio Torres, directeur duCAM.

8 L’auteur propose dans cet ouvrage une superficie de 6 ha pour lacité de Mértola. Il s’agit sans doute d’une donnée erronée,extrapolée à partir de la superficie connue pour l’occupation duCerro do Castelo. Ces 6 ha concernent donc l’agglomérationproprement dite, non la muraille.

9 C’est également l’avis de C. Torres, directeur du CAM.

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