MERCE CUNNINGHAM - festival-automne.com · Daniel Madoff, Marcie Munnerlyn, Krista Nelson,Silas...

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Ci-dessus : Roaratorio, notes préparatoires – Merce Cunningham

Photo couverture : Merce Cunningham (1969) © James Klosty

MERCE CUNNINGHAM

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En 2008, Emmanuel Demarcy-Motaet Alain Crombecque avaient des-siné avec Merce Cunningham unprojet de trois ans, devant s’ache-ver à l’automne 2011. Le 26 juillet2009, Merce Cunningham nousquittait. Après Nearly 902, présenté à l’au-tomne 2009, le Théâtre de la Villeet le Festival d’Automne à Paris re-viennent sur l’œuvre du choré-graphe et présentent le deuxièmevolet de ce programme. Nous re-gretterons qu’Alain Crombecque,disparu le 12 octobre 2009, ne soitpas des nôtres. Ce programme lui est dédié, ainsiqu’à Merce Cunningham.

DANCE COMPANY

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Premier programme – 3 au 6 novembrePond Way (1998)Chorégraphie, Merce CunninghamMusique, Brian Eno, New Ikebukuro (for three CDs)Décors, Roy Lichtenstein, Landscape with BoatCostumes, Suzanne GalloLumière, David Covey

Avec Brandon Collwes, Dylan Crossman, Julie Cunningham, Emma Desjardins, Jennifer Goggans, John Hinrichs, Daniel Madoff, Marcie Munnerlyn, Krista Nelson, Silas Riener, Jamie Scott, Melissa Toogood, Andrea Weber

Création à l’Opéra National de Paris / Palais Garnier le 13 janvier 1998Reprise (2010) par Robert SwinstonLa reprise de Pond Way est une commande de Cal Performances, University of California, Berkeley. Elle a en partie été rendue possible grâce au généreux soutien de American Express.

Second Hand (1970)Chorégraphie, Merce CunninghamMusique, John Cage, Cheap ImitationCostumes, Jasper JohnsLumière, Richard Nelson

AvecLes 3, 5 et 6 novembre 20h30 : Brandon Collwes, Dylan Crossman, Emma Desjardins, Jennifer Goggans, Daniel Madoff,Marcie Munnerlyn, Silas Reiner, Robert Swinston, Melissa Toogood, Andrea WeberLe 4 novembre 20h30, le 6 novembre 15h : Brandon Collwes, Dylan Crossman, Julie Cunningham, Emma Desjardins,Jennifer Goggans, John Hinrichs, Daniel Madoff, Krista Nelson, Jamie Scott, Robert Swinston

Piano, David Behrman

Création à la Brooklyn Academy of Music, Brooklyn, New York, le 8 janvier 1970 Reprise et mise en scène par Carolyn Brown, Merce Cunningham, Sandra NeelsLumière (2008) par Christine Shallenberg

Antic Meet (1958)Chorégraphie, Merce CunninghamMusique, John Cage, Concert for Piano and OrchestraDécors et costumes, Robert RauschenbergCréation lumière originale, Robert RauschenbergLumière, Christine Shallenberg

Avec Les 3 et 5 novembre 20h30, le 6 novembre 15h : Julie Cunningham, Daniel Madoff, Marcie Munnerlyn, Silas Riener,Jamie Scott, Andrea WeberLes 4 et 6 novembre 20h30 : Dylan Crossman, Emma Desjardins, Jennifer Goggans, Daniel Madoff, Krista Nelson,Melissa Toogood

David Behrman, alto - Takehisa Kosugi, violon - Carol Robinson, clarinette tenor - Jesse Stiles, direction - Christian Wolff, piano

Création dans le cadre du 11e American Dance Festival au Connecticut College, New London, le 14 août 1958Reprise et mise en scène (2010) par Sandra Neels, assistée de Robert Swinston / Conseil artistique, Carolyn BrownLa reprise de Antic Meet est une commande de the University of Notre Dame’s DeBartolo Performing Arts Center et de the Kennedy Center. Elle a en partie été rendue possible grâce au généreux soutien de American Express, de the National Endowment for the Arts et de Jeanne Donovan Fisher.Remerciements à la Robert Rauschenberg FoundationReconstitution des costumes et éléments scéniques réalisée avec la généreuse aide de Lawrence Voytek pour le Robert Rauschenberg StudioReconstitution des pulls à quatre bras généreusement réalisée par Judith R. Fishman

Photo : Merce Cunningham Dance Company – Second Hand © Anna Finke

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Deuxième programme – 9 au 13 novembreRoaratorio (1983)Chorégraphie, Merce CunninghamMusique, John Cage, Roaratorio, an Irish Circus on Finnegans WakeDécors et costumes, Mark LancasterLumière, Mark Lancaster avec Christine Shallenberg

Avec Brandon Collwes, Julie Cunningham, Dylan Crossman, Emma Desjardins, Jennifer Goggans, John Hinrichs, Daniel Madoff, Marcie Munnerlyn, Krista Nelson, Silas Riener, Jamie Scott, Robert Swinston, Melissa Toogood, Andrea Weber

Création dans le cadre du Festival de Lille au Colisée, Roubaix, le 26 octobre 1983Reprise (2010) par Patricia Lent, assistée de Robert SwinstonLa reprise de Roaratorio est une commande du Festival Montpellier Danse, de The Music-Center – Performing ArtsCenter de Los Angeles, du Théâtre de la Ville-Paris et du Festival d’Automne à Paris. Elle a été rendue possible grâceau généreux soutien de American Express et du National Endowment for the Arts, qui croit qu’une grande nationmérite un grand art.

L’enregistrement de Roaratorio: An Irish Circus On Finnegans Wake (1979) de John Cage, destiné à une émission de la radio Westdeutscher Rundfunk, a été réalisé sous les auspices de the John Cage Trust par John D. Fullerman et Klaus Schöning, utilisant l’enregistrement de Cage des 2462 lieux mentionné dans Finnegans Wake. Remerciementsparticuliers à eux deux, ainsi qu’à Michael Alcorn, pour la première installation au Belfast Festival at Queen’s, du 27 au 29 novembre 1997, où l’œuvre a été présentée dans le foyer du Waterfront Hall, conjointement avec les représentations de Ocean par la Merce Cunningham Dance Company. Aux côtés de John Cage, qui lit sa « partitionmésostique », les interprètes sont Seamús Ennis, Paddy Glackin, Joe Heaney, Matt Malloy, et Mel et Peadher Mercier. Roaratorio, An Irish Circus on Finnegans Wake est une réalisation de l’œuvre originale de John Cage __________, ____________ ____________Circus on________ © 1974 par Henmar Press Inc. Tous droits réservés. Utilisés avec permission.

Coproduction Théâtre de la Ville-Paris ; Festival d’Automne à Paris

En partenariat avec France Inter

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C omme n tpréserver « lanécessité derester ouvertdevant unesituation, etde ne pasdécider àl’avance toutce que vous

êtes susceptible de faire »1 ? Dansl’agencement de ses phrases demouvement, ou à l’occasion desEvents, Merce Cunningham s’enremettait souvent aux hexa-grammes du Yi-king ou au simplelancer de dés. Et ce consentementau hasard se sera révélé essentielpour déconnecter la danse detoute intention préexistante etrendre le mouvement à sa propreexpressivité.Il est une chose, cependant, queMerce Cunningham aura pris soinde ne pas tout à fait laisser auhasard. À l’approche de la mort, ila tenu, pudiquement et sereine-ment, à baliser une tournée mon-diale de deux ans à l’issue delaquelle sa compagnie serait dis-soute. Ce Living Legacy Planprévoitsimultanément la constitution de dossiers digitaux, les Dance Capsules, pour transmettre auxpédagogues du futur un maximumd’informations et de reconstitu-tions de pièces. La postérité d’un chorégraphe telque Merce Cunningham ne dépendcertes pas que de ces dispositifsd’archivage et de transmission. Etpour l’heure, l’archive reste vivante,incarnée par les danseurs qui ontaccompagné les dernières créa-tions du chorégraphe. Et si l’im-mensité de ce que lègue MerceCunningham, en termes d’histoirede la danse, et plus largement auregard d’une histoire de l’art, nesaurait se résumer aux seulscontours d’un répertoire, certainespièces traduisent et transportent,chacune dans leur spécificité for-melle, la vivacité d’un esprit qui futen perpétuel besoin de rechercheet de découverte. Tel est le sens dulegs (legacy) cunninghamien : pas

seulement un «ensemble de biens»transmis à qui de droit par voie tes-tamentaire, mais un héritage imma-tériel confié aux générationssuivantes. Au legs, qui pourrait avoirquelque connotation notariale,nous préférerons reprendre alorsle mot à sa source : le lais, commeil se disait en ancien français. LeLiving Legacy Plan déploie ainsiquelques-uns des éclats que nouslaisse Cunningham. Les deux pro-grammes qu’accueillent conjoin-tement le Festival d’Automne àParis et le Théâtre de la Ville, consti-tués d’œuvres phares qui témoi-gnent d’un chemin parcouru àmême la danse, ne dessinent cepen-dant pas un trajet linéaire que l’onse contenterait de suivre d’un pasmuséal. La linéarité ? Dans chacunedes chorégraphies qu’il a compo-sées, et à l’intérieur même de laconstruction du mouvement, Cun-ningham n’a cessé d’en déjouer lesroutines. « Une chose n’en amènepas forcément une autre. C’est plusun bombardement caustique qu’unsentier sur lequel se promener»,confiait ainsi le chorégraphe à pro-pos des danses de Summerspace(créé en 1958).

De l’étang à l’étant : Pond WayDialogue de matières et d’espaces,la danse de Merce Cunninghamavive, hors toute tension drama-tique, le fourmillement permanentde ce qui est. Chorégraphies del’étant, au sens philosophiquequ’en a donné Heidegger2, et oùles éléments naturels, jamais per-çus comme nature morte, fournis-sent l’influx nerveux qui éveilled’insoupçonnées motricités. À l’ins-tar de ce qu’écrit le poète RobertoJuarroz : « La vie prend sa leçon /du mouvement de ce qui ne vitpas : / des constances de l’eau, /des décisions du vent, / desrythmes muets d’une pierre. / Lavie prend sa leçon / des mouve-ments plus assurés qu’elle. »Pond Way, créé en 1998, est l’unde ces joyaux d’une contemplationactive et éminemment sensuelle.Comme un souvenir remonte à la

surface, les ricochets qu’adoraitfaire Cunningham sur un étang,lorsqu’il était enfant, ont été lapremière source matricielle de ce ballet des vies fugaces. Selonune comparaison qu’avançait lechorégraphe lui-même, les dan-seurs y sont posés comme des gre-nouilles sur un plan d’eau, avantde s’ébattre sur les échos marinsde la musique de Brian Eno. Unelumineuse fluidité irise les corpsdans une graphie de sauts légersstoppés net, de glissements, decambrures et de courbures. Unetoile de Roy Lichtenstein, Land-scape with Boat, qui tient lieu dedécor, répand ses points telle unenappe scintillante, tandis qu’avecdes caméras qui dansent littéra-lement sur scène aux côtés desinterprètes, Charles Atlas amplifieles vibrations quasi organiquesqui traversent ce mouvant pay-sage. Merce Cunningham disaitvouloir « lever tout à la fois lesquestions du mouvement, dutemps, de la musique, des artsvisuels, pour en même temps per-mettre à chaque élément d’êtreindépendant, et fort ».

Un voyage, plutôt qu’une rétrospectiveQuand bien même l’on prendraitle double programme offert cetautomne comme une « rétrospec-tive » dans l’œuvre de Cunningham,ce voyage dans le temps ne sauraitêtre lui-même indemne des dis-jonctions de temporalité qu’y opèrela danse de façon incessante. Cartoujours il s’agit de se délivrer deshabitudes, de faire dévier le coursdes événements, de s’affranchir detoute forme qui ferait pesant héri-tage. Une pièce devenue par la forcela légende historique inaugure cerapport électrique au présent dontMerce Cunningham a fait la sèvede son art. En 1958, invité à la Sum-mer School of Dance du Connecti-cut, il y crée successivement, àquelques jours d’écart, Antic Meetet Summerspace. À une époque eten un lieu où règnent alors enmaîtres de la modern’dance José

Le lais de Merce Cunningham

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Limon et Doris Humphrey, Sum-merspacepasse alors relativementinaperçu et incompris. Antic Meet,en revanche, aura davantage desuccès, même si sa présentationen France, six ans plus tard, en 1964,au Théâtre de l’Est Parisien, susci-tera surtout les quolibets des spec-tateurs. Merce Cunningham y prenddéfinitivement congé du style deMartha Graham, dont il fut l’inter-prète de 1939 à 1945. Loin du lyrismegrahamien, qu’il parodie féroce-ment en substituant à l’expressionde la douleur une certaine ironieprimesautière («Remy Charlip etmoi faisions un numéro quasi acro-batique de sauts de toutes sortes.Nous tombions et sautions l’un surl’autre ») ; Merce Cunningham laisselibre cours à « une série de situa-tions absurdes, qui se suivent sansconstruction particulière». Un sensde l’absurde que l’on retrouve dansles accessoires et costumes conçuspar Robert Rauschenberg depuisNew York où il était resté (« il avaitcouru toutes les boutiques despuces et trouvé une montagne dechoses plus étonnantes les unesque les autres »), autant que dansle mariage des crécelles, des siffletsélectriques et du piano « préparé»agencé par John Cage.On retrouve encore John Cage àl’instigation de Second Hand, crééeen janvier 1970 en résidence à laBrooklyn Academy of Music. MerceCunningham avait créé l’un de sespremiers solos sur le premier mou-vement de Socrate d’Erik Satie.Quelques années plus tard, Cagesuggère à Cunningham d’en cho-régraphier l’intégrale, à partir d’unarrangement pour deux pianos. Ausolo initial s’ajoutent un duo (avecCarolyn Brown) et une troisièmepartie avec l’ensemble de la com-pagnie. Mais à un mois de la pre-mière, l’éditeur de Satie refusel’adaptation proposée par Cage,qui décide alors de composer unenouvelle partition pour piano solo,sur la structure et le phrasé de lamusique de Satie, mais en modi-fiant l’ordre des séquences par desprocédés aléatoires. Cage décide

d’intituler sa version Cheap Imita-tion (Imitation bon marché), ce à quoi répond Cunningham en baptisant la pièce Second Hand(Seconde main) : « C’était exactpuisque j’y avais en effet travailléil y a longtemps, et je m’y étais remisune seconde fois. (…) Le rythme étaitprincipalement donné par la formede la musique. Pour le mouvement,j’ai essayé d’utiliser les jeux dehasard chaque fois que c’était pos-sible, mais les raisons pratiquesl’ont souvent emporté à cause dela musique à laquelle nous étionstant soit peu liés. […] C’est la dernièrefois que j’ai chorégraphié sur unepartition musicale».

Roaratorio, pièce maîtresseMerce Cunningham, cependant,n’a jamais totalement séparé ladanse de la musique : il les a alliéesautrement. Et sa complicité avecJohn Cage, compagnon de touteune vie, aura bien évidemment étéle noyau de ce pacte d’inter-indé-pendance. D’entre toutes leurs col-laborations, Roaratorio aura sansdoute été l’une des plus éclatantes.Le point de départ en est FinnegansWake, œuvre phare de James Joyce,à partir de laquelle John Cage avaitconçu, au début des années 80 etsur commande de la Radio d’Alle-magne de l’Ouest, une compositionoriginale. Modulée en longues mé-lopées du texte de Joyce, commepsalmodié par Cage, nourrie d’en-registrements réalisés 50 à 60 ansplus tard sur les lieux évoqués parl’écrivain, mais aussi imprégnée deballades gaéliques, d’airs et d’ins-truments traditionnels (cornemuse,tambour, flûte et violon) enracinésen terre d’Irlande, l’œuvre fut crééeà Paris, à l’IRCAM, en 1981, sous letitre de Roaraotorio, an Irish Circuson Finnegans Wake. Dans la foulée,Cage proposa à Cunningham d’enréaliser une version dansée pourle Festival de Lille, où Roaratoriofut créé (au Colisée de Roubaix) le26 octobre 1983. Exigeant un vastedispositif scénique, la pièce fut ma-gnifiquement déployée dans laCour d’Honneur du Palais des

Papes, en 1985, au Festival d’Avi-gnon, mais jamais présentée à Paris.Patricia Lent et Robert Swinston(qui en fut un des interprètes à lacréation et qui reprend pour l’oc-casion le « rôle » de Cunningham)se sont attelés au défi un peu foud’entreprendre la reconstitutionde cette œuvre exceptionnelle àplus d’un titre. L’art de Merce Cun-ningham y est au summumde sescapacités techniques et de sa vi-goureuse fantaisie. Propulsés dansle mouvement comme d’insensésprojectiles, les danseurs dessinentdes lignes qui se disloquent aussi-tôt. Des réminiscences de dansespopulaires y côtoient de folles em-bardées, irrigant d’un flux quasidionysiaque ce chaos poétique sa-vamment orchestré. FinnegansWake, confiait Merce Cunninghamau journaliste-écrivain Pierre Lar-tigue, « traduit le flux du temps etles changements qu’il opère. […]J’ai été tenté par les différents ni-veaux de complexité, la superpo-sition du simple et du multiple, lasuperposition des rythmes». Au-tant dire qu’il y a dans Roaratorio,comme dans toute l’œuvre du cho-régraphe, la trame enjouée d’unequête insatiable, qui aura consistéà surprendre le mouvement, àl’amener à se produire dans l’effu-sion d’un espace-temps à géomé-tries infiniment multiples. AvecMerce Cunnighman, la danse auratoujours été chemin d’aventurepour prendre une vibration d’avan-ce sur les calculs de la pensée.

Jean-Marc AdolpheTexte réalisé

pour le Festival d’Automne à Paris et le Théâtre de la Ville-Paris

1 Toutes les citations de Merce Cunninhgam proviennent

de Le danseur et la danse, entretiens avecJacqueline Lesschaeve, éditions Belfond, 1980.

2 L’étant, dans la philosophie heideggerienne, est un terme qui

désigne les manifestations de l’Être en tantque phénomènes.

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Pendant soixante-dix ans, MerceCunningham est demeuré à lapointe de l’avant-garde américaineet du monde. Il est généralementconsidéré comme l’un des plusgrands chorégraphes de notretemps. Pendant une grande partiede sa vie, il a aussi été l’un des plusgrands danseurs américains. Il s’estdistingué par un sens constant del’innovation en repoussant nonseulement les frontières de ladanse mais celles des arts plas-tiques et du spectacle vivant. Aufil de ses collaborations avec desartistes de toutes disciplines, il aconstitué un corpus unique endanse, en musique et dans les artsvisuels.

De toutes ces rencontres artis-tiques, c’est son compagnonnageavec John Cage, à partir des années1940 jusqu’à la mort de ce dernieren 1992, qui a le plus influé sa dan-se. On doit au tandem qu’ils for-maient un grand nombre d’inno-vations radicales. La plus célèbreet la plus controversée concernela relation entre la danse et la mu-sique : les deux formes coexistentdans le même temps et le mêmeespace tout en étant créées indé-pendamment l’une de l’autre. Tousdeux ont aussi abondamment eurecours aux procédés aléatoiresen abandonnant non seulementles formes musicales mais aussi lanarration et tous les élémentsconventionnels de la compositionchorégraphique – la relation decause à effet, l’acmé et la chute.Pour Merce Cunningham, le sujetde ses danses était la danse.

Né à Centralia, dans l’État de Wa-shington, le 16 avril 1919, MerceCunningham commence sa car-rière de danseur professionnel àl’âge de 20 ans. Il passe alors sixannées comme soliste dans lacompagnie de Martha Graham. En

1944, il présente son premier réci-tal en solo et fonde en 1953 la Mer-ce Cunningham Dance Companypour donner corps à sa vision ar-tistique. Au fil du temps, MerceCunningham a signé plus de 150chorégraphies et 800 Events. Aunombre de ses anciens danseurs,qui ont ensuite poursuivi leurpropre démarche, on compte ViolaFarber, Steve Paxton, Jeff Slayton,Douglas Dunn, Charles Moulton,Karole Armitage, Foofwa d’Immo-bilité, Jonah Bokaer…

Ayant eu toute sa vie la passiond’explorer et d’inventer, Merce Cun-ningham a aussi été un précurseuren matière d’applications artis-tiques des nouvelles technologies.Dans les années 1970, il entreprendd’étudier les possibilités offertesà la danse par le film et, à partirdes années 1990, il se sert pour cho-régraphier d’un programme infor-

matique intitulé d’abord « Life-Forms » puis « DanceForms». Il sesert de la « capture du mouve-ment » pour le décor de BIPED(1999) ; son intérêt pour les nou-veaux médias a débouché sur lacréation de Mondays with Merce.Cette série diffusée sur internetexpose sous un jour inédit le travailde la compagnie et l’enseignementde Cunningham à travers les coursde technique, des répétitions, desimages d’archives et des entretiensavec des chorégraphes, des colla-borateurs et des membres anciensou actuels de la compagnie.

Chorégraphe actif et guide spiri-tuel pour le monde de l’art jusqu’àsa mort à l’âge de 90 ans, Merce Cunningham a bénéficié des plushautes récompenses, notammentla National Medal of Arts (1990) etun MacArthur Fellowship (1985).Ainsi, il a reçu la Jacob’s Pillow Dance

Merce Cunningham (1919–2009)

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Photo double-page précédente : Merce Cunningham Dance Company – Roaratorio

© J. Barrington. Courtesy of the John Cage Trust.

Ci-dessous : Merce Cunningham – Antic Meet © Richard Rutledge

Award en 2009, un Praemium Im-periale au Japon en 2005, la LaurenceOlivier Award en Grande-Bretagneen 1985 et, en France, il a été élevéà la dignité d’officier de la Légiond’honneur en 2004. La vie et la visionartistique de Merce Cunninghamont fait l’objet de quatre ouvrageset trois expositions importantes.D’autres compagnies ont repris sescréations, notamment le Ballet del’Opéra de Paris, le New York CityBallet, l’American Ballet Theater, leWhite Oak Dance Project, la Ram-bert Dance Company de Londreset le Ballet de Lorraine à Nancy.

Merce Cunningham s’est éteintchez lui à New York le 26 juillet2009. Toujours en avance sur sontemps, il avait peu auparavant misau point un Legacy Plan inédit quiprévoit le devenir de sa compagnieet garantit la préservation de sonhéritage artistique.

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La Merce Cunningham Dance Com-pany (MCDC) exerce depuis sa créa-tion en 1953 une influenceprofonde sur les avant-gardes artis-tiques à travers le monde. Dans ledroit fil de l’approche radicale deMerce Cunningham en matièred’espace, de temps et de techno-logie, la compagnie s’est forgé unstyle unique, qui reflète la tech-nique mise au point par le choré-graphe tout en faisant ressortirles possibilités quasi illimitéesoffertes au mouvement humain.Pendant plus de cinquante ans,les collaborations de la MCDC avecdes artistes à la pointe de l’inno-vation dans toutes les disciplinesont redéfini pour le public l’expé-rience des arts plastiques et desarts vivants.

La MCDC nait au Black MountainCollege avec les danseurs CarolynBrown, Viola Farber, Paul Tayloret Remy Charlip et les musiciens

John Cage et David Tudor. Lesquelques années qui suivent sontentrées dans la légende. C’estl’époque où les tournées se fai-saient en minibus Volkswagenconduit par John Cage, un véhiculeoffrant tout juste assez d’espacepour les six danseurs, les deuxmusiciens et le régisseur, généra-lement Robert Rauschenberg. Lorsde sa première tournée interna-tionale en 1964, la MCDC se produiten Europe de l’Ouest et de l’Est, enInde, en Thaïlande et au Japon.C’est un tournant pour la compa-gnie qui se retrouve désormaisinvitée régulièrement à travers lesÉtats-Unis et le monde. Depuiscette époque, les spectacles tou-jours aussi innovateurs de la MCDCinspirent tout autant les artisteset les spectateurs.

Outre son influence sur le mondede la danse, la MCDC a fait la partbelle à la musique contemporaine

en commandant un nombreremarquable de créations à descompositeurs. Son répertoire vad’œuvres de John Cage et ChristianWolff à Gavin Bryars et Radiohead.John Cage est resté jusqu’à sa morten 1992 le conseiller musical de lacompagnie. David Tudor lui a suc-cédé dans cette fonction. Depuis1995, la direction musicale de lacompagnie est assurée par Take-hisa Kosugi.

La compagnie a également accu-mulé les collaborations avec desplasticiens et des artistes visuels.Robert Rauschenberg, dont lescélèbres Combines reflètent lamanière d’échafauder les scéno-graphies de nombreuses créationsde la MCDC des premiers temps, aété le plasticien attitré de la com-pagnie de 1954 à 1964. Jasper Johnslui a succédé en tant que conseillerartistique de 1967 à 1980, suivi parMark Lancaster de 1980 à 1984.

La Merce Cunningham Dance Company

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William Anastasi et Dove Bradshawont été en 1984 les derniers à sevoir attribuer ce titre et cette fonc-tion. D’autres plasticiens ont col-laboré avec la MCDC, notammentTacita Dean, Rei Kawakubo, RoyLichtenstein, Bruce Nauman,Ernesto Neto, Frank Stella, Bene-detta Tagliabue, Andy Warhol…

La MCDC a très souvent travaillépour l’image (film et vidéo) avecdes chorégraphies de Merce Cun-ningham filmées d’abord parCharles Atlas, puis par Elliot Caplan.Grâce au soutien de The AndrewW. Mellon Foundation, CharlesAtlas poursuit sa collaborationavec la MCDC, réalisant Views onCameraet Views on Videoen 2004-2005 et, à l’automne 2008, filmantles représentations d’une œuvreépique, Ocean (1994), donnée parla compagnie dans une carrièreenfouie à trente mètres de pro-fondeur – la Rainbow Quarry (lacarrière de l’arc-en-ciel) – près deMinneapolis, accompagnée parles 150 musiciens du St CloudOrchestra. Le film que Charles Atlasa réalisé de Split Sides, chorégra-phie présentée pour la premièrefois en 2003 à la Brooklyn Academyof Music (BAM), pour le cinquan-tième anniversaire de la compa-gnie, est sorti en DVD sous le labelARTPIX.

La MCDC a donné l’ultime créationde Merce Cunningham, NearlyNinety, à la BAM le 16 avril 2009 –le jour même de ce quatre-vingt-dixième anniversaire. En mai 2009,elle a achevé une résidence dedeux année à Dia:Beacon, où ellea donné des Events, ces «collages»chorégraphiques élaborés in situpar Merce Cunningham, dans lesgaleries de Richard Serra, Dan Fla-vin et Sol LeWitt notamment. Entreautres événements récents etmémorables, on peut citer la pre-mière en 2007 de XOVER, dernière

collaboration de Cunninghamavec Rauschenberg. La compagniea beaucoup tourné à l’étranger, seproduisant régulièrement tant auThéâtre de la Ville à Paris qu’auBarbican de Londres.

La MCDC organise actuellementune ultime tournée mondiale enl’honneur de la vie et de l’œuvrede Merce Cunningham, qui s’estéteint le 26 juillet 2009. En accord

avec le Legacy Plan de la Cunnin-gham Dance Foundation, élaborépar Merce Cunningham pour assu-rer la conservation de son héritageartistique, cette Legacy Tour dedeux années offrira au public dumonde entier non seulement lareprise d’œuvres essentielles, maisaussi l’occasion de rendre hom-mage à Merce Cunningham et à lasuccession d’innovations écla-tantes qu’a été sa vie.

Merce Cunningham Dance CompanyChorégraphe, Merce Cunningham (1919–2009)Directeur musical fondateur, John Cage (1912–1992)Directeur musical, Takehisa KosugiAssistant chorégraphie, Robert SwinstonDirecteur exécutif, Trevor CarlsonDirecteur financier, Lynn WichernDirectrice des relations institutionnelles, Tambra DillonDirecteur de la production, Davison ScandrettManager compagnie, Kevin TaylorIngénieur du son et coordinateur musique, Jesse StilesDirectrice lumière, Christine ShallenbergResponsable costumes, Anna FinkeArchiviste, David VaughanComité musique, David Behrman, John King, Takehisa Kosugi, Christian Wolff

Principaux soutiens du Legacy Tour de la Cunningham Dance Foundation, incluant la tournée :Leading for the Future Initiative, a programme of the Nonprofit Finance Fund, fondé par theDoris Duke Charitable Foundation ; The Andrew W Mellon Foundation ; un donateur anonyme. Autres soutiens : American Express ; Bloomberg ; Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP ; Sage &John Cowles ; Anthony & Mary Creame r; Molly Davies ; The Gladys Krieble Delmas Foundation ;Jeanne Donovan Fisher ; Judith R. & Alan H. Fishman ; Fund for the City of New York – Open SocietyFoundation ; Agnes Gund ; the Hayes Fund of HRK Foundation ; Pamela & Richard Kramlich ; MidAtlantic Arts Foundation ; The New York Community Trust – Wallace Special Projects Fund ; TheProspect Hill Foundation ; Liz Gerring Radke and Kirk Radke ; The Robert Rauschenberg Foundation ;Robert Sterling Clark Foundation ; Mark Rudkin ; The Fan Fox & Leslie R Samuels Foundation ;SHS Foundation ; The Shubert Foundation ; Allan G & Ferne Sperling ; Sutton & Christian Stracke ;Miralles Tagliabue EMBT ; Amis de la MCDCFonds publics : the National Endowment for the Art ; the New York City Department of CulturalAffairs ; New York State Council on the Arts ; US Department of State’s Bureau of Educationaland Cultural Affairs

L’utilisation de tout enregistreur audio ou vidéo et la prise de photographies avec ou sans flashsont strictement interdites.

Cunningham Dance Foundation – Conseil d’administrationJudith R. Fishman, présidente / Alvin Chereskin, co-vice-président / Molly Davies, co-vice-présidente /Anthony B. Creamer III, trésorier / David Vaughan, secrétaire / Jean Rigg, secrétaire associéSimon Bass / Candace Krugman Beinecke / Sallie Blumenthal / Jill F. Bonovitz / Carolyn Brown /Frank A. Cordasco, MD / Sage F. Cowles / Gary Garrels / Katherine D. R. Hayes / Rosalind G. Jacobs /Pamela Kramlich / Alan M. Kriegsman / Harriette Levine / Harvey Lichtenstein / Timothy J.McClimon / Jacqueline Matisse Monnier / Bénédicte Pesle / Barbara Pine / Judith F. Pisar / KirkA. Radke / Eileen Rosenau / Nicholas Rudenstine / Kristy Santimyer Melita / Barbara S. Schwartz /Allan G. Sperling / Sutton Stracke / Patricia Tarr / Paul L. Wattis III / Suzanne Weil

Mondays with Merce, série en ligne sur www.merce.org : images de Merce Cunningham dirigeantdes classes et des répétitions de la compagnie, avec des films d’archives et des interviews desanciens et actuels danseurs, membres, collaborateurs de la compagnie. Trevor Carlson, producteur exécutif / Nancy Dalva, productrice et auteur / Christopher Young,opérateur système, vidéaste et monteurRemerciements à Dr. Laura Kuhn, directeur exécutif de the John Cage Trust.

Administration européenne : Bénédicte Pesle, Julie George / Assistante de production, DanielaGoellerReprésentation Amérique et Asie : David Lieberman Artists Representative

Photo : Brandon Collwes – Second Hand © Anna Finke

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Festival d’Automne à ParisRéservation : 01 53 45 17 17www.festival-automne.com

Théâtre de la Ville-ParisRéservation : 01 42 74 22 77www.theatredelaville-paris.com

Partenaires média du Festival d’Automne à Pariset du Théâtre de la Ville-Paris

En 2008, le Théâtre de la Ville et le Festival d’Automne à Paris signent avec la Merce CunninghamDance Company un accord pour les saisons 2009, 2010 et 2011.

Merce Cunningham au Théâtre de la Ville-Paris juin 1984 10’s with Shoes (81), création en France au Théâtre de la Ville – Gallopade (81) –Channels / Inserts (81) – Duets (80) – Pictures (84) – Quartet (82) – Roadrunners (79)mai 1987Points in space (86) – Shards (87) – Grange Eve (86) –Fabrications (87) – Arcade (85), création en France au Théâtre de la Ville – Duets (80) – Channels/ Inserts (81) – Quartet (82) – Pictures (84) – Doubles (84) – Septet (53)

Merce Cunningham au Festival d’Automne à Parisnov. 1973Un jour ou deux, Merce Cunningham, John Cage, Jasper Johns, à l’Opéra de Parisoct. 1977 Inlets, Travelogueau Théâtre des Amandiersoct. 1982 Events au Centre Pompidou ;Soirée répertoire au Théâtre des Champs-Élyséesnov. 1992 Enter à l’Opéra de Paris

1964 Lecture démonstration dans le studio de Françoise et Dominique Dupuy des Balletsmodernes de Paris et présentation de la compagnie Merce Cunninghamau Théâtre de l’Est Parisien.1966 La compagnie danse au Théâtredes Champs-Élysées dans le cadre du Festival international de danse de Paris dirigé par Jean Robin.

Merce Cunningham au Théâtre de la Ville-Paris et au Festival d’Automne à Parisoct. 1972 Landover (72) – TV Rerun (72) –Canfield (69)oct. 1979 Roadrunners (79), création en France au Théâtre de la Ville –Fractions (78) – Tango (78) – Locale (79) –Sounddance (75) – Summerspace (58) –Exchange (78) – Rune (59) – Inlets (77) –Travelogue (77)déc. 1988 Points in space (86) – Five stone wind (88) – Doubles (84) –Eleven (88) – Pictures (84) – Rainforest (68) – Shards (87) – Septet (53) – Fabrications (87)sep. 1990 August Pace (89) – Field and figures (89) – Inventions (89),création en France au Théâtre de la Ville – Fabrications (87) – Polarity (90) – Pictures (84)sep. 1991Native Green (85) – Loose Strife (91) – Beach Birds (91) –Neighbors (91) – Trackers (91), création en France au Théâtre de la Ville – Exchange (78)nov. 1996 Rondo (96), création en France au Théâtre de la Ville –Ground Level Overlay (95) – Crwdspcr (93) – Windows (95) –Sounddance (75)nov. 1999 Biped (99), création en France au Théâtre de la Ville –Summerspace (58) – Rune (59) –Crwdspcr (93) – Pond Way (98) –Windows (95)nov. 2001Way Station (2001), création en France au Théâtre de la Ville – Interscape (2000) – Biped (1999) – Rain Forest (1968)déc. 2003 Fluid Canvas (2002), création en France au Théâtre de la Ville – Split Sides (2003), création en Europedéc. 2007 eyeSpace (2006), création en France au Théâtre de la Ville – Crises (1960) – Crwdspcr (1993)déc. 2009Nearly 902, création en France au Théâtre de la Ville

Merce Cunningham au Théâtre de la Ville-Paris et au Festival d’Automne à Paris

Roaratorio, notes préparatoires – Merce Cunningham

“If a dancer dances – whIch Is not thesame as havIng theorIes about dancIngor wIshIng to dance or tryIng todance or rememberIng In hIs bodysomeone else’s dance – but If thedancer dances, everythIng Is there…our ecstasy In dance comes from the possIble gIft of freedom, theexhIlaratIng moment that thIsexposIng of the bare energy can gIveus. what Is meant Is not lIcense, butfreedom…” “sI un danseur danse – cequI n’est pas la même chose qu’avoIrdes théorIes sur la danse ou souhaIterdanser ou tenter de danser ou sesouvenIr dans son corps de la dansed’un autre – maIs sI le danseur danse,tout est là… notre extase dans ladanse découle de l’expérIence possIblede la lIberté, de l’exaltant moment dusurgIssement de l’énergIe nue. Il nes’agIt pas de lIberté d’expressIon, maIsde lIberté absolue…”

merce cunnIngham (1952)