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«Tiers-Lieu »: Nouveau modèle de travail et d'aménagement territorial ? UBL/LaCambre/Horta_Anne-Gaelle _ELIN _2014/2015.

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Mémoire en Architecrure : "Tiers-lieux : nouveau modèle de travail et d'aménagement territorial"

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«Tiers-Lieu »: Nouveau modèle de travail

et d'aménagement territorial ?

UBL/LaCambre/Horta_Anne-Gaelle _ELIN _2014/2015.

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" Tiers-Lieu " :

Nouveau modèle de travail et d'aménagement territorial ?

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Mémoire : ELIN Anne-Gaëlle Promotrice : CASABELLA Nadia Lectrice Externe : GALLEZ Sarah Faculté d'Architecture LaCambre/Horta/ULB_2014/2015

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"Tout comme le net, ma vie est décentralisée", attirant l'attention de ces lecteurs sur son parcours de voyageuse. "Je vis sur le net" expliquait-elle, "c'est par son biais que je communique avec beaucoup de mes amis et collègues. Je dépends de lui aussi professionnellement ; il est le sujet principal de mes articles, conversations et analyses, ainsi que le cœur d'activité de la plupart des entreprises dans lesquelles j'investis, que ce soit aux États-Unis ou en Europe de l'Est" Barlow rappelait à ces lecteurs " Je vis à [email protected]. C'est là où j'habite. C'est ma maison. Si vous voulez me parler, c'est le seul endroit où vous êtes sûrs de me trouver, à moins que vous ne soyez déjà en face de moi. " 1

1 TURNER, Fred, "Aux sources de l’utopie numérique, de la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand un homme d’influence", C&F éditions, p. 51. 2 Smart City, lien : http://www.smartcity.fr/europe/ consulté le 30/06/2015. 3 BURRET, Antoine,"Tiers-Lieux : et plus si affinités", France, Fyp ed, 2015, p.19. 4 Le nom "Internet" est devenu officiel le 1 janvier 1983 mais était déjà en usage sous l'ensemble "ARPAnet" (Advanced Research Projects Agency Network) lancé en 1969 et plusieurs réseaux informatiques. Source: Wikipédia.)

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Avant Propos

La thématique de ce mémoire s'inspire directement de mon expérience vécue et anime mon propos. En effet, l'année dernière, j'ai eu l'occasion de partir en échange universitaire à l'université ULAVAL à Québec. Sortie de mon contexte habituel, il a fallu réinventer un quotidien entre les voyages et les études, les arrivées, les départs et les opportunités. Le travail s'est organisé au cours des voyages grâce aux supports informatiques. Non-adepte de tous ces outils numériques que l'on appelle les TIC (technologie de l'information et de la communication), j'y ai aussi découvert toute leur utilité. Nos trajets ont été conditionnés par les échéances, les visites, mais aussi la nécessité des connexions WiFi et de recharger les batteries d'ordinateurs, de tablettes ou des téléphones. C'est une toute nouvelle logique qui s'est progressivement mise en place.

Devant, les obligations de rendus et les objectifs personnels, il a fallu trouver des stratégies permettant de lier ces deux impératifs. Des stratégies qui ont montré leur efficacité et ont finalement créé des possibilités de travail. Ainsi, une vidéoconférence s'improvise sur Times Square à New York pour suivre les présentations d'ateliers, les e-mails et les recherches se font pendant les trajets de bus Greyhound, les rendez-vous Skype pour joindre les proches s'improvisent au Starbuck à Québec, l'organisation d'un itinéraire se fait dans un Apple Store, les e-mails s'envoient dans un Mac Donald à Toronto, un Chipotle à Montréal ou encore un Tim Horton à Ottawa. Le constat de ma propre situation m'a inspiré et m'a amené à explorer ce sujet. Une multitude de réflexions se sont façonnées lorsque j'ai constaté la quantité d'informations sur ce sujet.

Pourquoi parle-t-on autant de ces nouvelles pratiques : mobilité, usages, technologie, économie, travail collaboratif, quelles sont les caractéristiques de ces tiers-lieux ? Que sont les TIC ? Quels sont les impacts générés sur la société, l'économie, la culture ? Quelle est la portée de ces transformations ? À quoi servent-elles ? Qui les utilise ? Quelles conséquences cela peut-il avoir sur l'architecture et l'urbanisme ?

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Résumé

Aujourd'hui, les nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC) nous permettent d'externaliser certaines activités en dehors des espaces de travail et de domicile. Ces nouveaux comportements sont rendus possibles, car l'accès à Internet, via "WiFi", proposé gratuitement dans certains lieux ou via les réseaux cellulaires 4G, devient de plus en plus présent et efficace. Un phénomène qui va s'amplifier à l'échelle de la ville, avec ce que l'on appelle les " villes intelligentes" traduites de l'anglais "smart city"2 qui ambitionnent d'améliorer la qualité des services urbains en réduisant leurs coûts grâce à l'usage des TIC. Parallèlement à cela, les appareils pour se connecter se démocratisent et touchent une population de plus en plus vaste dans toutes les couches sociales. Chaque individu a alors de multiples possibilités pour trouver une connexion Internet et peut faire certaines de ses activités à distance.

Lors de mes recherches préliminaires, j'ai pu faire le constat que l'impact des TIC a fait l'objet d'études sur les transformations des milieux sociaux économiques ou géographiques, mais cela reste encore très peu abordé dans l'urbanisme et l'architecture. L'Internet et le WiFi ne sont que rarement pris en considération comme des éléments structurants dans le projet et sont trop souvent vus comme accessoires. Or, l'arrivée des technologies a profondément changé notre société, notre vie au quotidien, la nature humaine et nos rapports sociaux ; ce qui tend à changer notre usage des lieux et des territoires. J'ai donc décidé de m'intéresser aux endroits que l'on qualifie de tiers-lieux dont les qualités et les caractéristiques architecturales et urbanistiques font encore rarement l'objet d'analyses et d''études plus poussées, notamment d'un point de vue de la recherche par le projet. De ce point de vue, le projet développé dans le cadre de l'atelier "Space Speculation" fut une parfaite occasion de tester les connaissances acquises par ce travail. La question de la densification des zones périurbaines autour de Bruxelles (Neerpede), où la question du logement apparait nécessairement couplée à celle du travail, ont été le terrain d'expérimentations des tiers-lieux inspirés par cette recherche. J'espère que la lecture de ces réflexions pourra inspirer de nouveaux travaux à l'avenir.

Ce terme en lui même tend à caractériser de nouveaux lieux de travail liés à l'émergence des technologies de l'information et de la communication. Ce projet de recherche tente d'explorer comment et pourquoi certains espaces publics et semi-publics deviennent des lieux de travail informels et à identifier des profils d'utilisateurs.

2 Smart City, lien : http://www.smartcity.fr/europe/ consulté le 30/06/2015.

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En premier lieu, un questionnaire semi-directif, consultant 47 individus, m'a permis d'identifier les types d'utilisateurs et les lieux publics ou semi-publics les plus populaires. L'analyse cible quelques endroits reconnus comme étant des tiers-lieux dans l'imaginaire de ces usagers. Ce qui nous a permis d'identifier des configurations répétitives, sortes de "patterns language" dans le sens du sociologue Christophe Alexander, ainsi que certaines questions qui méritaient une analyse plus approfondie par exemple : la Gare du Midi, la Bibliothèque, ou le Café.

Une série de tendances, observables chez l'ensemble des 47 individus analysés, permet de déduire quelques modèles d'implantation caractéristiques. L'étude a révélé à quel point les conditions environnementales, relatives à l'implantation urbaine, peuvent se montrer propices ou inadaptées aux usages des TIC ainsi qu'aux différents types d'usagers identifiés. Bien que ce mémoire ne constitue qu'une phase d'exploration à la recherche, il a soulevé beaucoup de questionnements sur un phénomène qui gagnerait à faire l'objet d'études plus poussées.

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Dans le sillage d'Antoine Burret auteur du livre Tiers-Lieux "Mon intention, par cet ouvrage, est de démontrer que la multiplication de tiers-lieux est une nécessité pour les territoires et pour les générations à venir (...) Ce n'est pas magique, ce n'est pas parfait, mais cela existe. Dans le contexte actuel, c'est déjà une grande réussite". 3

3 BURRET, Antoine,"Tiers-Lieux : et plus si affinités", France, Fyp ed, 2015, p.19.

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Remerciements

Avant de commencer ce mémoire, je tiens à souligner qu'il n'aurait pas été possible sans l'aide de plusieurs personnes auxquelles je suis très reconnaissante. Ainsi, je souhaite remercier en premier lieu ma promotrice, Nadia CASSABELLA pour son enthousiasme, la liberté accordée et son accompagnement au cours de ce mémoire et Sarah GALLEZ qui a su m'orienter en tant que lectrice externe.

Je tiens également à remercier Gaspard VIVIEN et Marie-Pierre VIVIEN pour m'avoir soutenue, écoutée et corrigée tout le long de ce mémoire et de mes études. Ainsi que Camille BIBARD Aurélien VIDAL et Léa PIQUET pour leurs longues et passionnantes discussions sur le sujet.

En dernier lieu, j'aimerais remercier les personnes qui ont accepté toujours avec attention de répondre à mes questionnaires et aux serveuses du "Flamingo" qui m'ont offert les cafés pendant mes interviews. Un soutien qui a rendu possible la phase expérimentale de ce mémoire et qui m'a permis d'aller à la rencontre des gens, un exercice peu pratiqué au cours de nos études.

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Sommaire

Avant Propos 6

Résumé 7

Remerciements 10

Introduction 16

1. La description de la dialectique entre lieux de travail et domicile : Tiers-Lieux. 20

a. La définition d'un terme 20 _ vers une définition du terme tiers-lieu : le travail du sociologue Ray Oldenburg" 20 _ La "troisième place" employée par Edward Soja et Homi K Bhabha. 22

b. De la "Troisième place" au "Tiers-Lieu" : 24 _ Starbuck : le pionnier 24

c. La diffusion et évolution du concept. 25

2. L'évolution des modèles de travail. 28

a. La remise en question du modèle traditionnel. 28 _ La société industrielle : l'usine 28 _ De l'usine au bureau "Tayloriste" : du pareil au même. 32 _ Le bureau "social-démocrate" ; intègre l'arrivée de l'informatique. 38 _ Le bureau "connecté" : impact des technologies "mobiles". 42

b. Les causes et conséquences du changement 49 _ La génération Y et mentalité web 2.0 : 49 _ Organisation sociale et remise en question de la hiérarchie. 51

c. Controverse et TIC. 53 _ Les tics et la précarisation du travail 53 _ Les TIC comme "quasi objets" : 57 _ Le " cyborg surveillé" 58 _ Les inégalités 60

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3. Investigation dans la ville de Bruxelles. 65

a. Cadre de la recherche. 65

b. Définition de la méthode de recherche. 66

c. Interprétations. 68 _ Lieux d'interviews et lieux de résidence : 70 _ Les usagers. 72 _ Usage du lieu : 74 _ Usages des TIC 78 _ Transport / Flux/ Mobilité 82 _ Attractivités du lieu : 92 _ Architecture 107 _ Impacts Urbains 110 _ Les autres tiers-lieux : 111

4. Évolutions architecturales et urbanistiques. 115

a. Quel devenir architectural ? 117 _ Adaptation de lieux déjà établis : "tiers-lieux informels " 117 _ "Tiers-lieux formalisés" : des espaces pour se rencontrer et créer. 120 _ Au delà des Tiers-lieux : reconfiguration de l'existant. 124

b. Mutations urbaines 131 _ Les tiers-lieux : un nouvel espace d’équilibre au cœur d’une ville plus efficiente 131 _ La smart city : 134 _ La (ré)industrialisation de l'économie urbaine 138 _ Tiers lieux : Alléger la ville. 140 _ (Re)configuration urbaine : espace public et transports, réhabilitation. 144

Conclusion 152

Bibiographie 155

Annexe 161

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Liste des graphiques et illustrations Figure 1 : Diagrammes, Positionnement des interviews. 69 Figure 2 : Diagrammes, Profil des personnes interrogées. 71 Figure 3 : Diagrammes, Pratiques et temps de travail. 73 Figure 4 : Diagrammes, Profil des personnes interrogées 2. 75 Figure 5 : Diagrammes, Usages et Tic. 77 Figure 6 : Diagrammes, Les moyens de s'y rendre. 79 Figure 7 : Diagrammes, Les raisons de s'y rendre 2. 81 Figure 8 : Diversité selon les genres et générations. 83 Figure 9 : Cartographie, Café Belga 86 Figure 10 : Cartographie, Bibliothèque MuntPunt. 87 Figure 11 : Cartographie, Gare du Midi. 88 Figure 12 : Cartographie, Café de la Presse. 89 Figure 13 : Cartographie, Café Flamingo. 90 Figure 14 : Cartographie, Bar du Matin. 91 Figure 15 : Diagrammes, Indices de satisfaction. 93 Figure 16 : Plan Café Belga. 95 Figure 17 : Plan Bibliothèque MuntPunt. 97 Figure 18 : Plan Gare du Midi. 99 Figure 19 : Plan Café de la Presse 101 Figure 20 : Plan Café Flamingo. 103 Figure 21 : Plan Bar du Matin. 105 Figure 22 : Photos personnelles, Ambiance Intérieurs. 106 Figure 23 : Photos Street View, temporalités. 108 Figure 24 : Cartographie, Autres Tiers-Lieux sur Bruxelles 112

Liste annexe

Questionnaire interviews 157

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Introduction

Depuis les années 1960, les technologies de communication se développent et propulsent le monde, maintenant connecté, dans un nouveau paradigme informationnel, sociétal et économique. Avec l'arrivée d'Internet4 dans les années 1970 puis de l'ordinateur personnel dans les années 1980, de nombreuses hypothèses vont émerger à propos de l'impact de ces technologies sur le développement de la société et du territoire. Certains penseurs, tels que l'urbaniste et théoricien Melvin Webber, l'écrivain et futurologue Alvin Toffler, ainsi que le professeur d'architecture et d'informatique au MIT William J.Mitchell entrevoyaient que l'électronique allait bouleverser la ville5, ils évoquaient un nouveau découpage domicile-travail. D'autres prévoyaient un écosystème technologique où le travail était centré à domicile, sur le modèle des "barbiers en Italie dont le domicile est attenant l'échoppe"6.

Lié aux innovations technologiques, inconnues à l'époque, les hypothèses évoquées ci-dessus, ne prennent pas forme telles qu'ils avaient pu le prédire. Tout d'abord, dans les années 1990 Internet et l'informatique vont intégrer le monde de l'entreprise, mais ils sont encore réservés à une élite sociale de cadres supérieurs. Néanmoins, le concept et l'aménagement de l'espace de bureaux traditionnels vont en être bouleversés. Plus récemment liées au "cloud computing"7 et à l'omniprésence du réseau, les technologies ne connectent plus seulement les lieux, mais ont rendu les individus de plus en plus mobiles. L'accessibilité par un large public de toutes catégories sociales et le développement des technologies mobiles, tels que les smartphones et les tablettes numériques, montrent l'engouement des usagers. Désormais, ces technologies de communication sortent du cadre professionnel au bureau et envahissent notre quotidien amenant avec elles de nouvelles formes de travail décentralisé, flexible et mobile.

Comme nous le développerons plus tard dans ce mémoire, ces nouveaux usages sont croisés aux problématiques de crise économique, environnementale et de saturation des réseaux de transports

4 Le nom "Internet" est devenu officiel le 1 janvier 1983 mais était déjà en usage sous l'ensemble "ARPAnet" (Advanced Research Projects Agency Network) lancé en 1969 et plusieurs réseaux informatiques. Source: Wikipédia.) 5 WEBBER, M. Melvin, "The post-city age", Daedalus, New York, 1968. 6 MITCHELL,William J., doyen du laboratoire d'architecture et d'urbanisme du MIT,(Cf. MITCHELL,William J., "e-topia", The MIT press, 2000. 7 Le cloud computing traduit par "l'information dans un nuage" permet un stockage de données chez des serveurs externes, tel que Dropbox, Google drive, iCloud, SharePoint ... ; rendant possible le partage, l'échange et la mutualisation des informations à distance via internet.

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liés à l'étalement urbain. Il s'agit donc d'imaginer d'autres modes de vie pour changer la demande plutôt que l'offre. Les "tiers-lieux" sont peut-être une des réponses aux enjeux climatiques, sociaux et économiques de demain.

Néanmoins, la transition des technologies fixes vers des technologies mobiles va marquer un tournant vers une société "hyper connectée" entraînant de nombreuses dérives liées à la surveillance, aux propriétés intellectuelles ou encore à la liberté d'expression. En tout cas, ces technologies ont rendu possible une mobilité croissante des individus, des néo-nomades sans cesse connectés ainsi qu'un changement dans la façon d'envisager le travail. Déjà en 1989, Ray Oldenburg parlait de "third places" (troisième place) pour caractériser ces lieux qui n'étaient pas préalablement définis comme étant le domicile ou le travail. En effet, ces technologies ont permis d'externaliser certaines de nos activités en dehors de nos espaces de travail et de domicile. Il est devenu commun de voir des gens avec leurs ordinateurs dans un café, une bibliothèque, un parc... qui deviennent ainsi des tiers lieux. Des activités hybrides apparaissent dans des lieux inattendus, les rendant difficilement définissables. L'appellation "tiers-lieu" regroupe un ensemble d'endroits confortables et attirants pour ces nouvelles activités liées aux réseaux de communications et qui peuvent même devenir des modèles inspirant pour la transformation des lieux de travail plus traditionnels et souvent déplorés (Mitchell, 2003)."

L'usage de ces tiers-lieux sera amené à perdurer avec l'arrivée sur le marché du travail d'une génération dite "Y" ou "digitale native"8, qui n'a jamais connu le monde d'avant Internet. Ces espaces sont voués à devenir multifonctionnels et à connaitre une croissance exponentielle sur le territoire urbain et rural. L'expérience des espaces qualifiés de tiers-lieux, via la connexion, va tendre à s'accentuer et à devenir indispensable.

Désormais, il devient primordial de comprendre les nouveaux besoins, les comportements et les enjeux liés aux TIC pour penser la ville et l'architecture de demain et ne pas être dépassé. Il est intéressant de comprendre quelles caractéristiques ces lieux possèdent : est-ce qu'il y a des lieux particulièrement bien adaptés à son usage en tant que tiers-lieux ? Est-ce que ces qualités dérivent de questions purement technologiques soit vitesse ou qualité de la connexion internet/WiFi, possibilité d'accès à une prise d'électricité et gratuité du WiFi... D'autres facteurs ont-il du poids dans le choix de des usagers ou néo-nomades, comme la distance domicile/travail, l'accessibilité via véhicule privé ou transport en commun ou encore l'ambiance du lieu ?

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Bien qu'à Bruxelles le phénomène soit moins présent que dans d’autres villes, il existe néanmoins et sera amené à s'accentuer. Certaines initiatives telles que "Co-Wallonie" l'appliquent déjà, mais les réseaux WiFi sont encore dirigés par des acteurs privés tels que Proximus, Base... rendant ces services encore limités. Or, certaines villes comme Québec, Amsterdam, ou encore Copenhague ont bien compris leurs potentiels et l'utilisent comme un outil marketing et attractif pour développer certaines zones de la ville dans l'idée d'en faire "des villes sans fil ".

Pour comprendre les questionnements et les amorces de réponses, nous définirons dans une première partie ce que sont ces espaces de tiers-lieux, leurs origines, leurs évolutions et leurs diffusions. Ce sera un point de départ pour parler de la dialectique domicile-travail.

La seconde partie prend la forme d'une chronologie relatant les transformations de l'organisation du travail par rapport aux modèles socio-économiques. Ce qui nous permettra de se rendre compte de l'interrelation entre typologie de travail et contexte. Et ainsi, de comprendre comment et pourquoi une catégorie de travailleurs devenus "nomade" tend à utiliser des espaces existants pour d'autres usages. Cela constituera une clé d'entrée pour déceler les changements de paradigmes socio-économiques sous-jacents, opérés par la pratique de ces espaces.

La troisième partie est plus expérimentale et fait l'état d'une investigation sur Bruxelles. Ce, afin d'observer les comportements de travail induits par les TIC et l'usage de certains lieux définis alors comme tiers-lieux.

En quatrième et dernière partie, nous verrons les impacts de ces espaces en termes architecturaux et urbanistiques. Ainsi, à travers quelques exemples, nous pourrons adopter un regard plus spéculatif sur les impacts possibles pour réinventer la ville et l'architecture.

Puis, nous élargirons la question pour tenter de comprendre les impacts sociétaux, environnementaux à l'œuvre.

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1. La description de la dialectique entre lieux de travail et domicile : Tiers-Lieux.

a. La définition d'un terme

_ vers une définition du terme tiers-lieu : le travail du sociologue Ray Oldenburg

Comme nous l'avons souligné dans l'introduction, la première difficulté de ce mémoire tient à la définition du terme de tiers-lieu. En effet, apparu dans les années 1980, ce terme a été largement réemployé par de nombreux auteurs puis par le langage courant.

A l'origine, la dénomination "tiers-lieu" ou "la troisième place" apparait en Floride, il est inventé par Ray Oldenburg professeur de sociologie urbaine à l'université de Pensacola. Il en explique le sens dans son livre "The Great Place, Good place..."9 paru en 1989. Ce terme désigne les espaces qui ne sont ni le domicile ni le bureau. Ainsi, il définit la "première place" comme étant l'espace de la maison et ceux avec qui l'on vit, c'est la sphère du foyer. La "deuxième place" étant l'espace du travail, l'endroit où l'on passe la plupart de notre temps.10 Pour Oldenburg la "troisième place", c'est l'espace complémentaire, dédié à la vie sociale de la communauté, il se rapporte à des espaces où les individus peuvent se rencontrer, se réunir et échanger de manière plus spontanée.

À la suite, de la Seconde Guerre mondiale, autour des villes Américaines des banlieues résidentielles s'étalent sur le territoire. Ces "suburban sprawl" s'organisent autour du "tout automobile" et des infrastructures que cela engendre. L'usage de la voiture devient nécessaire pour tous les trajets, du domicile au travail ou pour faire les courses. Les commerces de proximité, et autres lieux de convivialité apparentés aux modèles de villes européennes disparaissent, car ils sont proscrits des règlements urbains imposant la séparation complète des usages industriels, résidentiels et commerciaux.11

9 OLDENBURG, Ray, "The Great Good Place : Cafes, Coffee Shops, Communauty Centers, Beauty Parlors, General Stores, Bars, Hangouts, and How They Get You Through the Day", Saint-Paul (Minnesota), Paragon House, 1989. 10 SERVET, Mathilde, "Les bibliothèques troisièmes lieu", Bulletin des bibliothèques de France 5en ligne), n° 4, 2010, p. 57-66 consulté le 04/08/2015 lien : http//bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-04-0057-001>. ISSN 1292-8399 11 FRANK, Lawrence D., O. ENGELK, Peter et SCHMID, Thomas L., "Health and community design: the impact of the built environment on physical activity", Island Press, 2003, Chapitre 2 : Public Health and Urban Form in America, pages 11-37.

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Ray Oldenburg constate que dans ce nouveau modèle de ville, l'absence de ces lieux entraîne une dégradation des liens sociaux et de la qualité de vie, liée à la perte de proximité et donc de la convivialité qui est normalement présente dans les modèles de ville Européenne. Les tiers-lieux sont des points d'ancrage de la vie communautaire et de convivialité au niveau local permettant d'établir une sociabilité urbaine. Ils sont essentiels pour la société civile, la démocratie, l'engagement civique, et créent un sentiment d'appartenance.

Dans son ouvrage, il fait la description caractéristique de la typologie de ces espaces. Ainsi, le tiers-lieu est un espace neutre et vivant où l'ambiance est joyeuse et vivante, les échanges informels sont favorisés, les plages horaires amples et sa localisation en fait un endroit facilement accessible. De plus, ce sont souvent des lieux gratuits ou peu couteux qui offrent des services tels que de la nourriture, des boissons et de la musique, qui ne sont pas essentiels mais importants pour que les usagers puissent y passer du temps. C'est un lieu d'habitués générant un sentiment d'appartenance au lieu et une ambiance proche de la maison, ce sont des "home away from home"12. Ces lieux favorisent les rencontres occasionnelles et informelles, basées sur la diversité et la confiance des usagers, cela entrainant des rapports de camaraderie voire d'amitié. Enfin, selon R. Oldenburg ces lieux ont un rôle politique important induit par ces rencontres improvisées, la confrontation d'idées encourage l'esprit démocratique, une horizontalité des échanges et d'apprentissage mutuel. Pour affirmer leur importance sociale, il se base sur le rôle historique des formes "d'agora" depuis la taverne dans la Révolution américaine, au café parisien à la Révolution française, jusqu'au forum d'Athènes dans la Grèce Antique qui en est le point de départ.

"La fonction de lieu de travail et de sociabilité jalonne l'histoire culturelle occidentale, de Homère (qui, selon Jean Giorno, rédigea son Odyssée dans une taverne) à Hemingway décrivant ses heures de travail assidu dans les cafés parisiens."13 "La microsociété du café rural est une démocratie. Le fermier y côtoie le propriétaire, l'ouvrier agricole y serre la main du maître. Il est servi au lieu de servir"14 Didier Nourrisson

"( ... ) le cabaret est la salle de conseil du peuple"15 Balzac, "Les paysans", Paris 1844.

12 Traduit en français par "la maison hors de la maison". Cf. OLDENBURG, Ray, op. cit. 13 BURRET, Antoine, op. cit., p 69. 14 NOURRISSON, Didier, in. , BURRET, Antoine, op. cit., p 69. 15 BALZAC, 1844, in, BURRET, Antoine, op. cit., p 70.

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Oldenburg nous montre que l'histoire regorge d'anecdotes qui confirment l'importance de ces lieux dans la société et dénonce le manque généré par les nouveaux urbanismes structurés sur l'unique dialectique du premier lieu au deuxième lieu. C'est le phénomène du "domicile,voiture,travail" en Europe connu sous l'expression "métro, boulot, dodo".

_ La "troisième place" employée par Edward Soja et Homi K Bhabha.

Par la suite, au travers des courants de pensées postmoderniste16 et postcolonialiste17, le terme de tiers-lieu est réemployé, de manière plus conceptuelle, par d'autres auteurs tels que le professeur et directeur du centre des sciences humaines à l'université de Harvard Homi K. Bhabha ainsi que le géographe Edward Soja, dont nous développerons davantage la pensée qui est plus en rapport avec le sujet abordé.

En 1994 dans son ouvrage "The Location of culture", Homi K.Bhabha au travers d'une perspective postcoloniale, définit le "troisième espace" développé à partir de l'œuvre de Walter Benjamin, une pensée post-coloniale et socio-culturelle cherchant à définir le tiers espace comme un lieu d'hybridité culturelle. Ce processus sans cesse en évolution explique l'émergence d'une société uniformisée synthèse des deux cultures mise en confrontation d'où apparait une nouvelle identité propre.

En 1996 dans son livre "Thirdspace: Journeys to Los Angeles and Other Real-and-Imagined Places", Edward Soja reprend le terme "Thirdplace" et en fait un concept en sciences sociales applicable en urbanisme. Il développe une pensée postmoderniste sur la "Troisième Place' s'appuyant principalement sur des travaux sociologiques du philosophe Henri Lefebvre sur les pensées marxistes et du philosophe français Michel Foucault sur le concept d'hétérotopie18. Pour lui, la "première place"

16 Définition : "En philosophie, courant de pensée qui se caractérise par la contestation des idées majeures de la modernité." (Source : Encyclopédie Larousse, Lien : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/postmodernisme/62936 consulté le 31/06/2015.) 17 Définition : "La théorie postcoloniale s'est en fait principalement axée autour du développement des théories du discours colonial. Ces dernières s'attaquent aux modes de perception et aux représentations dont les colonisés ont été l'objet. Frantz Fanon et Edward Saïd sont deux des principales figures qui ont mis à jour les mécanismes du discours colonial. On peut y ajouter Albert Memmi." (Source Wikipédia site: https://fr.wikipedia.org/wiki/Post-colonialisme consulté le 01/07/2015.) 18 Les espaces hétérotopiques sont des espaces concrets absolument autres qui hébergent l'imaginaire. "(...) Cette science étudierait, non pas les utopies - puisqu'il faut réserver ce nom à ce qui n'a vraiment aucun lieu-, mais les hétérotopies - les

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est la place du réel, c'est la forme construite urbaine des bâtiments physiques qui peuvent être cartographiés et vus. La "deuxième place" est celle de l'imaginaire, c'est l'espace de conceptualisation et de représentation imagée de la première. C'est la manière dont l'espace est perçu, vu et soutenu.

Enfin, Soja décrit la troisième place comme :

"as fully lived space, a simultaneously real-and-imagined, actual-and-virtual locus of structured individuality and collective experience and agency" 19.

La "troisième place" combine les deux premières, car nous vivons dans un espace réel (la première place) que nous conceptualisons sans cesse (la deuxième place), sans oublier que chacun de nous a son propre vécu. C'est l'espace auquel on donne du sens, en évolution constante et dans lequel nous vivons. Aujourd'hui, avec l'usage des technologies cette notion est d'autant plus perceptible. Chacun surfe ou navigue sur le WEB, sur cette réalité virtuelle qui entre, de plus en plus, en interaction et conditionne la réalité de chaque individu. Ainsi, il crée un "trialeptique spatialisé"20 s'appuyant sur la notion d'hétérotopie développée par Michel Foucault et rompt la dualité entre la première et la deuxième place.

Au-delà, d'une problématique "suburbaine" et d'une pensée postmoderniste du territoire, le terme tiers-lieu, plus synthétique, s'est popularisé, remplaçant "Troisième Place". Car comme nous le verrons par la suite, le terme tiers-lieu permet d'exprimer davantage les espaces où l'on travaille à mi- chemin entre le bureau et la maison, tout en étant moins connoté au contexte urbain de "suburban spawl". Ainsi, particulièrement en Europe, ce terme désigne un ensemble d'espaces de travail créatifs, de coworking, de fab-lab, de télétravail 21...

espaces absolument autres." Michel Foucault, France Culture, 7 décembre 1966, in., MARZLOFF, Bruno, " Sans bureau fixe. Transitions du travail, transitions des mobilités", FYP EDITIONS, 2013, p.55. 19 Traduction en Français "Un espace entièrement vécu, simultanément "réel et imaginé", lieu réel-et-virtuel d'individualité structurée et expérience collective et agencée" via reverso. cf. SOJA, Edward W., "Postmetropolis : Critical Studies of Cities and regions", Oxford : Black-well, 2000, p.11. 20 SOJA, Edward W., "Thirdspace: Journeys to Los Angeles and Other Real-and-Imagined Places Paperback", Blackwell Publishers (ed.), (1996) 2004 p71, 74. 21 Third Place, lien : http://thethird.place/ consulté le 12/03/2015.

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b. De la "Troisième place" au "Tiers-Lieu" :

_ Starbuck : le pionnier

C'est en 1987 que nait la plus grande chaine multinationale de cafés "Starburck". Suite à son acquisition par Howard Schultz, auparavant cadre chez Xerox22, la chaine va connaître une croissance fulgurante. Il va très vite comprendre les avantages apportés par le concept du " troisième lieu "23 et va en faire le principal outil de communication de la chaine. En s'inspirant des cafés à la française, des pubs anglais, des brasseries allemandes décrites par Oldenburg ; H.Schultz cherche à attirer dans ces lieux un autre public, celui "d'une population urbaine, dynamique et mobile, de cadres, d'entrepreneurs, d'activistes et de travailleurs indépendants, partie prenante d'un monde émergeant du numérique, fatigués des embouteillages propres aux grandes métropoles comme New York, San Francisco"24. Pour attirer cette clientèle de travailleurs nomades Starbuck, va être le premier à offrir une connexion WiFi gratuite. Par la suite, la chaine va s'associer à la firme Google et à la société Powermat pour proposer aux usagers une connexion ultra rapide ainsi qu'un système de rechargement sans fil de tous les terminaux numériques.

"Désormais, la troisième place va devenir l'endroit où l'on peut à la fois se donner rendez-vous entre amis, organiser des réunions professionnelles, travailler seul sur son ordinateur."25.

Ce type de concept arrive en France dans les années 2000, dans une situation de crise où les cafés passent de 200 000 établissements sur le territoire en 1960 à moins de 40 00026. Pour subsister, la plupart des cafés vont suivre cette tendance en vogue. Depuis l'ouverture de son premier établissement en 1971, la firme compte aujourd'hui plus de 16 500 établissements dans 55 pays différents27.

22 Xérox est une entreprise Américaine spécialisée dans le domaine informatique. 23 SCHULTZ, Howard, YANG, Dori Jones, "Pour Your Heart into It: How Starbucks Built A Company one Cup at A Time, Hyperion, New York", 1997, p 118. 24 BURRET, Antoine, op. cit., p 70. 25 Ibid, p 71. 26 PEYRET, Emmanuelle, "Le bistrot du coin en berne", LA LIBÉRATION, (en ligne), le 08/02/2010. Lien : http://www.liberation.fr/vous/2010/02/08/le-bistrot-du-coin-en-berne_608618 consulté le 12/03/2015. 27 VISSEYRIA, Mathilde, "Howard Schultz: Mc Cafe n'a pris aucun client à Starbucks", Le Figaro, (en ligne), le 30/06/2009. Lien : http://www.lefigaro.fr/societes/2009/06/30/04015-20090630ARTFIG00557-howard-schultz-mc-cafe-n-a-pris-aucun-client-a-strabucks-.php consulté le 30/03/2015.

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c. La diffusion et évolution du concept.

C'est ainsi, qu'en Europe dans les années 1980-90, l'expression "tiers-lieu" se diffuse et commence doucement à être utilisée pour désigner les premiers espaces de bureaux collaboratifs et de télétravail qui commencent à émerger grâce au début d'Internet et de l'ordinateur accessible au grand public. Bien qu'à cette époque, ces nouveaux espaces de travail n'aient pas connu le développement exponentiel prédit par les spécialistes ; aujourd'hui avec l'invasion des technologies mobiles et de la connexion permanente, les problématiques socio-économiques, environnementales et territoriales sont remises au goût du jour.

Actuellement, le concept de tiers-lieu est en pleine expansion. Ce terme est utilisé pour désigner un ensemble d'espaces de travail très différents, mais qui gardent l'esprit d'une volonté initiale de créer des liens entre les gens.

Pour certains, les tiers-lieux désignent des espaces de travail collaboratifs ou encore de simples "cybercafés". D'autres désignent de nouveaux types de dispositifs, plus ou moins informels, créés essentiellement par la réunion de travailleurs nomades qui n'ont besoin de rien d'autre qu'un support de travail et d'une connexion à Internet.

"Une surabondance d'interprétations où le concept de tiers-lieu accueille tous les fantasmes, les désirs et les besoins collectifs d'une génération d'individus/travailleurs en recherche de référentiels "28

Ces nouveaux usages remettent en question les organisations de travail traditionnelles trop hiérarchiques et normalisées. Ces nouveaux comportements existent depuis peu, mais ont pris beaucoup d'ampleur et tout semble indiquer que ce phénomène va s'amplifier. Certes, ces évolutions ne forment pas encore un modèle de travail clairement défini, mais elles marquent des ruptures avec des modèles antérieurs où l'espace, l'organisation du temps étaient fixés. Les mutations liées au numérique s'inscrivent dans un continuum de changements remontant à la première révolution industrielle au XVIIIe siècle. Des transformations qui sont liées aux modes de production, à l'économie d'une société, et aux moyens de communication et de contrôle. La question se pose alors de savoir comment on peut penser l'évolution du modèle de travail de demain ?

28 BURRET, Antoine, op. cit., p.72.

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"Si aujourd'hui nous baignons dans cette vision du changement, n'oublions pas que pendant bien longtemps la stabilité a été valorisée".29

29 CHARBONNIER, Olivier ; ENLART, Sandra , "A quoi ressemblera le travail demain ? ", Dunod, 6 février 2013, p.45.

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Photographie_Source : image issue du film " Moderne Time" de Charlie Chaplin, États-Unis, 1936, 87 min, noir et blanc.

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2. L'évolution des modèles de travail.

a. La remise en question du modèle traditionnel.

_ La société industrielle : l'usine

Le XIX siècle est une période historique qui fait basculer une société à dominante agraire et artisanale vers une société commerciale et industrielle fondée sur une nouvelle organisation des activités. L'usine remplace l'atelier familial et devient l'emblème et l'instrument d'un monde rationnel. C'est alors que les formes de vagabondage qui incarnent la classe laborieuse aux mouvements incontrôlables et au mode de vie dispersif vont incarner une figure néfaste et vont être rapidement assujetties au contrôle. La stabilisation de l'ouvrier sera la condition de réussite du projet taylorien30 dont les principes vont devoir s'appliquer à l'ensemble des travailleurs. Afin d'améliorer la productivité des ouvriers, Taylor va revoir complètement la philosophie et les principes du travail en atelier selon une approche méthodique qu'il décrit comme une organisation scientifique du travail qui consiste en une division en tâches simples et répétitives individuelles à la chaine avec une rémunération au rendement. C'est l'heure de la mécanisation du travail, caricaturée, en 1936, dans le film "Moderne Times" de Charlie Chaplin. (Voir image à gauche) Comme le site Matthew B. Crawford dans son livre l'Éloge du Carburateur31, pour Frederick Winslow Taylor :

"Toute forme de travail cérébral devrait être éliminée de l'atelier"

Exproprié des campagnes amputées des savoirs-faire artisanaux, l'ouvrier devient le "mode d'existence particulier du capitalisme" David Graeber, anthropologue à la London School Economics explique dans le reportage sur Arte que "la plupart de ces concepts ont été développés à l'origine dans l'armée et ensuite importés dans l'industrie, pour pouvoir s'organiser à grande échelle. Il fallait

30 "Le taylorisme est une méthode reposant sur une division du travail en tâches simples et répétitives individuellement optimisées par à une division verticale du travail (séparation entre réalisation et conception) et une division horizontale (parcellisation des tâches), et il y ajoute le paiement des employés au rendement (mesuré au nombre de pièces et avec l'aide du chronométrage). Taylor formalisa sa méthode dans un livre intitulé "The Principles of Scientific Management (1911)." site : http://teauma.perso.sfr.fr/taylorisme_fordisme_toyotisme.html consulté le 21/07/2015. 31 Frederick Taylor, in., RAWFORD, Matthews B., "Éloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail", La découverte, Paris, 2010, p.49.

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gommer le talent et la sensibilité des gens, leur enlever la possibilité de penser à ce qu'ils faisaient pour pouvoir créer ces chaines de commandements aveugles. C'est un peu ce que l'on faisait aux soldats."32

L'usine était au centre du système de production par la rationalisation et l'organisation scientifique des formes de travail déterminée par cette concentration spatiale dans un lieu unique. C'est une "boite close"33, un espace marginal. L'homogénéité maintient dans un état constant un environnement propice à l'amplification de la productivité du travail, et l'étanchéité des lieux devient un moyen de lutter contre la distraction.

"L'industrialisation du travail à instauré une rupture la sphère familiale et la sphère professionnelle, il y a 150 ans."34

32 Reportage Arte, "Le bonheur au travail", France, 18 mars 2014, 85 min, (vidéo en ligne) lien : http://www.arte.tv/guide/fr/051637-000/le-bonheur-au-travail. Consulté le 01/03/2015 33 CLAYSEN, Dominique et MICHEL, Pierre-André, "Genèse d'un prototype : la boîte close", in ZEITOUN Jean et al., Sur l'architecture des espaces industriels, Recherche exploratoire, Paris DAFU, ministère de l'Environnement et du cadre de vie, Paris, 1979, p5-67. 34 FORET, Catherine, "le cocon numérique", Interview de Stephana BROADBENT", La revue M3 N°5, le 01/01/1970, (en ligne) lien : http//www.millenaire3.com/content/view/pdf/5351.

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" En Angleterre, à la fin du XVIIIe siècle, on s'est aperçu qu'en recrutant des paysans analphabètes, ils ne comprenaient pas ce que voulait dire : venir à une heure donnée. On a alors mis des pointeuses. Comme ils buvaient du whisky quand ils étaient fatigués, on a mis des contremaîtres. Ces employés permettaient de contrôler les activités de ces paysans. Maintenant, on se retrouve avec la même méthode et avec la même philosophie alors que les populations actuelles n'ont rien à voir avec ces paysans." 35 Isaac Getz professeur, au business school ESCP

35 Reportage Arte, "Le bonheur au travail", France, 2014, le 18 mars, 85 min (vidéo en ligne) lien : http://www.arte.tv/guide/fr/051637-000/le-bonheur-au-travail. Consulté le 01/03/2015.

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Photographie_ Source :Computing Division, Veterans Bureau, Washington, DC, early 1920s. Photograph shows at least 30 workers using Burroughs electric adding machines to compute bonuses for World War I veterans. Eleven electric fans are visible. Source: Library of Congress, Prints & Photographs Div.

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_ De l'usine au bureau "Tayloriste" : du pareil au même.

C'est à la fin du XIXe siècle, dans les villes industrielles aux États-Unis, que vont apparaitre les premiers bureaux. Au départ, ils vont s'installer dans les rez-de-chaussée d'immeubles d'habitation ou dans d'anciens ateliers d'usine, dont la production est déplacée plus loin. Les activités administratives sont délocalisées par rapport au lieu de production grâce aux inventions telles que le télégraphe, le téléphone, et le chemin de fer. À cette époque, ces activités de bureaux étaient encore très minoritaires et seulement consacrées aux emplois de banque et de ministère.

La première période correspond aux bureaux "tayloristes", car ils appliquent les principes tayloristes et fordistes36, associés à certaines innovations, tels que l'éclairage électrique, la machine à écrire et le téléphone. De la même manière qu'à l'usine, cela se traduit par une discipline rigoureuse, basée sur la division du travail, la spatialisation hiérarchique des espaces, la fermeture du bâtiment sur lui-même et un emboitement des surveillances pour répondre à un impératif de contrôle constant de l'activité de l'employé.

En 1868, avec l'invention de la machine à écrire, c'est l'introduction de la standardisation. La configuration spatiale, les accessoires et les mobiliers vont être réfléchis en fonction de la dimension de la machine, du papier à lettres et la rationalisation des circuits de papiers pour permettre d'intensifier les activités des nouveaux "ouvriers de l'information".

"Les bureaux se ressemblent tous, et les individus eux-mêmes sont considérés comme des unités de production"37

C'est le temps de la normalisation et du contrôle de la production, le souci d'uniformisation est poussé à l'extrême. Comme l'illustre la photographie de gauche, les employés étaient rassemblés dans de grandes salles communes, souvent peu éclairées, sales et mal aérées, aménagées selon une disposition classique.

36 "Le fordisme s'inspire des méthodes taylorisme, auxquelles il intègre l'apparition de la ligne de montage (et donc du travail à la chaîne) ; Ainsi que la standardisation et l'augmentation du pouvoir d'achat pour limiter le turn-over.. Ce qui aura pour conséquence une standardisation de la production pour favoriser une consommation de masse." site : http://teauma.perso.sfr.fr/taylorisme_fordisme_toyotisme.html consulté le 21/07/2015. 37 Retranscription de la présentation de Jeremy Myerson à la scène Lift France. par SUSSAN, Rémi, "L'avenir du bureau", Internet Actu, 30/10/14, ( en ligne) lien : http//www.internetactu.net/2014/lavenir-du-bureau

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Photographie_ Source : Historical Photograph of the work area in Franck Lloyd Wright's_ Larkin Building source Stylpark, lien : http://www.stylepark.com/it/news/how-the-office-became-what-it-is-today/335695?mobnohead=true consulté le 20/07/2015

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Chaque travailleur était assigné à son bureau derrière sa machine à écrire, en rangée linéaire selon un ordre strict, rationnel et fonctionnel. La préoccupation première reste la surveillance, chacun doit être visible, transparent et attentif à son travail d'écriture. L'employé fait 6 jours sur 7 le même travail répétitif et manuel. La surface et le mobilier de chaque espace sont déterminés en fonction d'une position hiérarchique. La structure spatiale du bureau reprend les schémas d'organisation de l'usine et de l'école. Le mobilier ressemble à celui d'une salle de classe pour les employés et à celui d'un appartement individuel bourgeois pour les chefs.

C'est seulement à la fin du XIXe siècle, afin d'optimiser les coûts du travail bureaucratique, que l'on va construire des bâtiments plus hauts et plus spacieux ; notamment grâce à la commercialisation de l'ascenseur. En 1904, l'architecte et concepteur américain Franck Lloyd Wright38 dessine le "Larking Building" à Buffalo, c'est l'un des premiers immeubles de bureau avec une typologie spécifique autour du concept d'efficacité. Ce bâtiment va alors accueillir plus de 18000 travailleurs. Les employés sont réunis dans de grandes salle de travail, c'est le "bureau ouvert". Le bâtiment étant lui-même considéré comme un outil de production, rendant fiers les employés qui étaient plus productifs. Des ajustements, tels que l'air conditionné, des murs et des mobiliers avec de l'isolant sonore et des lumières suspendues... vont être mis en place afin d'avoir de meilleurs résultats.

"Ce bâtiment est conçu pour donner au travail un élan que la cathédrale apporte au culte." 39 explique Franck Lloyd Wright

Un modèle moderniste qui va inspirer les architectes et urbanistes européens, tels que Le Corbusier, lors des reconstructions d'après-guerre. Le purisme et l'ordre de la hiérarchie, véhiculés par ce mouvement vont inspirer la ville fonctionnelle.

« Là où naît l'ordre naît le bien-être »40, déclarera Le Corbusier. Le début du XXe siècle sera marqué par deux grands types spatiaux : les bureaux collectifs occupés par les employés ou les contremaitres disposés en rangs, et les bureaux individuels cloisonnés, réservés à l'encadrement. L'attribution d'une place et d'une activité, en fonction des caractéristiques sociales et techniques du salarié est a son paroxysme. Il faudra attendre 1960 pour voir des "bureaux paysagés". 38 Franck lord Wright (1867_1959) architecte et concepteur américain. 39 PÉLEGRIN-GENEL, Elisabeth, "L'art de vivre au bureau ", Flammarion ed., 1995, p.8 40 Le Corbusier, "Vers une architecture", France, G.Crès (ed.), 1924, 243p.

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Photographie_ Source : Film "Play Time", réalisé par Jaques Tati, 1967, 124 min, couleurs.

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Photographie_ Source : German planning office “Quickborner Team” created the office interior of the Stadtwerke Karlsruhe, 1975-1977, photo © Quickborner Team

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_ Le bureau "social-démocrate" ; intègre l'arrivée de l'informatique.

La seconde période est marquée par le bureau "social-démocrate", qui est une tendance scandinave survenue à une période où l'économie de service explose, c'est la tertiarisation de l'économie. Les entreprises commencent à s'équiper d'ordinateurs ce qui va transformer l'idée traditionnelle que l'on a du bureau. L'intention est alors d'améliorer le cadre de travail afin d'attirer les salariés dans ce secteur sans pour autant en augmenter leur salaire. Le concept n'est pas éloigné d'une forme de paternalisme visant à ce que les employés restent naturellement plus longtemps sur le site de travail.

« L’image de l’ordinateur impose désormais à l’espace d’être recomposable selon les exigences variables de la circulation des informations : l’espace ne doit dépendre d’aucune contrainte architecturale dure en particulier, pas de séparation des bureaux, au profit d’un véritable maillage de réseaux électriques, téléphoniques et informatiques, véritable corps virtuel du bâtiment », explique Pillon 41

La plus grande innovation arrive, dans les années 1960 à Manheim en Allemagne, avec la naissance des "bureaux paysagers", précurseurs de "l'open space". Inventé par les frères Eberhard et Wolfgang Schnelle, le "bureau paysager" s'organise suivant la circulation de l'information et des documents. L'idée est de partir de la tâche à réaliser, en mettant de côté tout l'aspect symbolique de la hiérarchie, le contrôle et l'uniformisation qui sont très peu motivants pour les employés. La disposition des salariés et des machines, les couleurs et la lumière sont agencées en fonction de la rationalisation des flux en milieu ouvert, créant une organisation beaucoup plus conviviale.

"L'immeuble est l'outil principal du travail administratif et du processus de décision. (...) Les méthodes cybernétiques que nous pouvons utiliser pour analyser une organisation identifient les circuits d'information comme étant des flux de papiers et des circuits de communication orale."42

41 PILLON, Thierry, "Discontinuité et continuité des espaces de travail ", Futur antérieur, n° 30, 199, (en ligne) lien : http://www.multitudes.net/De-la-discontinuité-a-la/. 42.JAEGER, David, "Improving office environment, "Business equipement manufacturers association (BEMA)", Edition Business press, Elmhurst, Illinois, USA 1969 : Cité et traduit par B.Giraud pour une psychosociologie des espaces de travail. Le cas des bureaux. Thèse Université Paris IX, paris 1988, in. PILLON, Thierry, "Discontinuité et continuité des espaces de travail ", Futur antérieur, n° 30, 199, (en ligne), lien: http://www.multitudes.net/De-la-discontinuité-a-la/.

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À l'intérieur, de vrais massifs de verdure et de mobilier moderne, tel que "Action Office Series 1 "43, viennent organiser l'espace. Des cloisons mobiles ouvrent l'espace pour favoriser les communications et les interactions entre les employés. Le bureau adopte un tout autre concept que l'on peut définir ainsi :

" Le bureau doit être le symbole de relations entre les gens et non plus de la puissance de l'entreprise ".44

En 1968, Robert Probst va inventer un bureau modulaire l'"Action Bureau II", avec des parois conçues pour conserver la vie privée, la flexibilité et la possibilité de consulter ses collègues. Mais les entreprises, par souci de rentabilité, l'ont reconfiguré en de petites cabines, que l'on appelle le bureau "cubical" qui va être représentatif de "l'open space". Avec la mise au point, à la fin des années 1970, de la micro-informatique personnelle et de la bureautique, les entreprises vont s'équiper d'ordinateurs personnels fixes et de téléphones fixes pour chaque poste. Ce modèle qui permet d'augmenter significativement l'espace de travail avec de très faibles investissements, va donc se développer rapidement. Cette association du bureau ouvert et de l'informatique va établir, un nouveau schéma dans lequel le pouvoir et la hiérarchie sont dissous. Mais il a pour effet négatif d'entrainer des nuisances sonores et un état de stress important lié à une sorte d'autocontrôle par la surveillance permanente entre les employés eux-mêmes, une surveillance de tous envers tous qui n'a plus besoin d'être centralisé.

« L’espace flexible, la mobilité des postes s’appliquent en principe à tous les travailleurs considérés comme éléments du système général de traitement de l’information. »45

43 "Action Office a été le premier système de bureau décloisonné du monde et résulte de plus de trois années de recherche par Herman Miller Research Corporation (...) Des études approfondies sur le comportement humain dans le bureau, les influences environnementales sur la productivité, la santé, et l'enthousiasme au travail, conduit Propst à proposer un système de meubles de bureau, qui a transformé l'organisation hiérarchique traditionnelle, avec un processus ouvert, moins rigide structuré" site George Nelson Fondation, lien : http://www.georgenelsonfoundation.org/george-nelson/works/action-office-1-a01-132.html. 44 PÉLEGRIN-GENEL, Elisabeth, op. cit. 45 PILLON, Thierry, "Discontinuité et continuité des espaces de travail ", Futur antérieur, n° 30, 199, (en ligne), lien: http://www.multitudes.net/De-la-discontinuité-a-la/.

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" L'échec du "bureau paysager" est venu de son appauvrissement et de la difficulté des utilisateurs français à s'adapter au mode de vie qu'il suppose. Des Français qui chuchotent, ça n'existe pas. En Allemagne par exemple, la préoccupation d'un bon fonctionnement et le souci de favoriser les communications informelles conduisent naturellement aux "bureaux paysagers". En Angleterre, c'est la nature de l'activité qui influence le choix entre espace ouvert et fermé"46

46 PÉLEGRIN-GENEL, Elisabeth, op. cit., p.86.

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Photographie_ Source : "Le bureau club" chez IBM, source : PÉLEGRIN-GENEL, Elisabeth, op. cit.

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_ Le bureau "connecté" : impact des technologies "mobiles".

La troisième étape débute dans les années 1980, avec l'essor de l'informatique et la prégnance de plus en plus forte des idées de mise en réseaux et de partage, qui vont continuer à transformer les relations des employés à l'espace de travail. Ces mutations dépassent l'enceinte du bureau, et rendent possible l'externalisation du travail grâce aux outils numériques. Si ces technologies ont des aspects positifs sur les travailleurs, elles sont aussi la source de nouvelles problématiques. Pour comprendre les transformations à venir, il est important de revenir sur l'évolution des technologies que nous connaissons aujourd'hui. D'autant plus que ce sont les grands noms du numérique et de la communication : Google, IBM, Microsoft... qui vont être les annonciateurs des nouvelles transformations dans nos manières de travailler.

Le début d'Internet, c'est Aparnet47 en 1969, c'est la première mise en réseau entre deux ordinateurs distants. A l'époque l'installation occupe deux salles entières dans les universités de Stanford et UCLA. L'équipe va réussir à envoyer les deux premières lettres "LO" du message "LOGIN" (connexion) avant que le système ne plante. Mais l'exploit est là, c'est le début d'Internet, Il faudra attendre les années 1990 pour qu'Internet soit rendu visible auprès d'un large public grâce au fameux "World Wide Web"48, traduit littéralement par "la toile d'araignée". C'est le premier protocole d'échange de données qui facilite l'accès au réseau Internet. Celui-ci a permis de rendre le réseau49 accessible aux particuliers, par la suite on voit apparaitre le système "hypertexte" qui relie les informations entre elles et crée de la cohérence et de la valeur. Tim Berners Lee, son inventeur, souhaitait créer un "web collaboratif" où chacun peut créer et consulter des informations, mais Internet s'orientera plutôt comme un diffuseur d'informations, dans un premier temps, à cause de la difficulté de la mise en place du service. Quelques communautés en lignes apparaissent toutefois autour des premiers forums de discussions. Nous pouvons citer le WELL (World Lectronic Link) créé par Stewart Brand et Larry Brillant, en 1985. Cette plateforme d'échange prolonge les idéaux contre-culturels du "Whole

47 "Aparnet ou APARNET (acronyme anglais de « Advanced Research Projects Agency Network », souvent typographié « ARPAnet »1) est le premier réseau à transfert de paquets développé aux États-Unis par la DARPA. Le projet fut lancé en 1969 et la première démonstration officielle date d'octobre 1972. Le concept de transfert de paquets (packet switching), qui deviendra la base du transfert de données sur Internet (source Wikipédia) 48 "En 1989, Tim Berners-Lee, (...) propose de développer un éditeur d'hypertexte organisé en WEB, pour améliorer la circulation des information en interne. C'est le 6 août 1991 qu'il rend le projet WorldWideWeb public dans un message sur (le forum) Usenet. (Source Wikipédia : site https://fr.wikipedia.org/wiki/World_Wide_Web consulté le 09/07/2015.) 49 Source Encyclodie Larousse (en ligne) : "En informatique le réseau est un ensemble d'ordinateurs ou de terminaux interconnectés par des télécommunications généralement permanentes".

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Earth Catalog", une publication culte du monde hippie alternatif des années 1970 aux États-Unis, qui participa à sa manière à l'établissement culturel et intellectuel du monde numérique. Cette histoire croisée, de la contre-culture à Internet, est racontée par Fred Turner dans son livre "Aux sources de l'utopie numérique"50. Les héritiers de la contre-culture américaine sont adeptes de nouvelles technologies qui étaient perçues à l'époque comme un moyen de constituer de nouvelles sociétés égalitaires, horizontales et décentralisées. Comme le décrit Fred Turner :

"L'Internet entraînerait l'avènement d'une génération numérique nouvelle (enjouée, auto-suffisante, dotée d'une psyché propre) qui s'organiserait, à l'image du réseau lui-même, en réseaux collaboratifs de pairs indépendants."51 Les entreprises vont accueillir la technologie très rapidement, car elle redéfinit la nature même du travail en offrant un gain de productivité sans précédent. La diffusion de ces outils (téléphone, ordinateur, Internet) se fait plus rapidement que pour le grand public grâce à d'importants investissements dans un secteur concurrentiel où il n'est pas pensable de rester dans l'Ancien Monde analogique et mécanique. On peut distinguer deux phases : 1970-2000 où l'ordinateur personnel et Internet envahissent l'ensemble des bureaux, mais en restant accrochés par un fil. Ce n'est qu'au tournant du millénaire que les technologies mobiles entrent en scène et bouleversent de nouveau les habitudes en place. En dix ans seulement, ordinateur portable, téléphone et Internet sans fil prennent le dessus.

Comme l'exprime François Bellanger52, désormais, "mobilité" et "connectivité" sont les maîtres mots du management et des nouvelles configurations de bureaux. Les entreprises IBM et Digital Équipement mettent en place des bureaux "non-attribués", le premier arrivé s'installe où il le souhaite. Un même espace peut être utilisé par plusieurs travailleurs et avoir des fonctions différentes. Chez Bossart Consulting, on va plus loin, l'aménagement se limite à de simples chaises, tables, et prises électriques pour des micro-ordinateurs. "Il n'est pas question de rester toute la journée, un bon consultant est un consultant en clientèle."53

50 TURNER, Fred, op. cit.. 51 Ibid, p.35. 52 BELLANGER, François, "Work in process: c'est quoi un bureau demain ?", Transit City, 03/12/2012, (en ligne) lien : http://transit-city.blogspot.fr/search?q=coworking consulté le 07/07/2015 53 PÉLEGRIN-GENEL, Elisabeth, op. cit, p.207.

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Affiches publicitaires, digital PC (image Internet_ Source : Transit City, , lien : http://transit-city.blogspot.fr/search?q=work+in+process

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Cet aménagement créait des espaces banalisés et in-appropriables encourageant la mobilité des employés. C'est aussi un moyen de diminuer les surfaces de bureaux face à une augmentation du foncier dans les villes influentes.

"your office is where you are"54,

En 1996 la campagne publicitaire de Sony récupère ce slogan et présente un travailleur muni de son nouvel outil, un ordinateur portable, qui le rend "nomade". Dans l'entreprise apparait, le "télétravailleur"55 qui fait la navette entre le bureau et les rendez-vous extérieurs. Pour lui, travailler dès que possible devient une nécessité pour effectuer sa tâche. C'est la conception du "Multitasking"56 et l'émergence du tiers-lieu qui en est la résultante.

Dans la seconde moitié des années 1990, Internet devient populaire, les entreprises, les écoles et les institutions comprennent vite son potentiel et créent leurs sites Internet pour diffuser du contenu. Avec le perfectionnement des moyens de communication électroniques tels que de l'ADSL, la 3G ou le WiFi, le réseau se développe plus rapidement que n'importe quels autres outils auparavant dans l'histoire de l'humanité. Dans les années 2000, le web 2.0 offre une interface plus interactive qui permet aux internautes d'agir plus simplement créant du contenu, comme Tim Berner Lee l'avait imaginé initialement. C'est le web social qui marque le début des blogs et des sites de réseaux sociaux... Le web devient un espace de sociabilité à grande échelle.

À l'image de cette nouvelle idéologie véhiculée par le web 2.0 va naitre l'idée d'un travail créatif, flexible, même collaboratif que l'on retrouve particulièrement dans les bureaux des secteurs créatifs et numériques, architectes, designers, informaticiens.... Cela s'explique par le fait que ce sont des métiers qui ont une grande habitude du travail de groupe, du partage des idées et passe leur temps à dialoguer les uns avec les autres.

54 LUCHETTI, R et Stone, P. ,"YOUR OFFICE IS WHERE YOU ARE", havard Busness review, New-York, 1985 in. PILLON, Thierry, , "Discontinuité et continuité des espaces de travail ", Futur antérieur, n° 30, 199, (en ligne) lien: http://www.multitudes.net/De-la-discontinuité-a-la/. 55 "Le télétravail est une forme d'organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l'information du travail, utilisant les technologies de l'information, dans le cadre d'un contrat ou d'une relation d'emploi, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière. " source easy droit.fr, e droit pour tous, lien : www.avis-droit-social.net/teletrail.php. Consulté le 04/03/2015. 56 "Le Multitasking, est un terme anglophone qui prend sa source dans l’ingénierie informatique, désignant un type de système d’exploitation capable de traiter en même temps plusieurs programmes informatiques. Il a ensuite été décliné pour s’appliquer à l’humain, il désigne désormais le fait de pratiquer plusieurs activités en même temps et plus précisément d’utiliser plusieurs moyens de communication de manière simultanée." (source : wikipédia consulté le 23/07/2015).

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"L'architecture actuelle, c'est du somnifère ! Moi, je veux stimuler les gens, leur donner des états d'âme optimistes, une vitalité pour faire, agir, travailler...",57 dit GAETANO PESCE pour agence publicitaire Chiat Day à New York. En 2001, Google construit son campus, le Googleplex. L'idée est de recréer des espaces de convivialité, il instaure des relations de travail décomplexées. Ce concept va rencontrer un énorme succès et attirer les plus grands programmeurs et informaticiens du moment. Les espaces de travail sont aménagés à la manière d'un grand terrain de jeux et s'inspire de l'imaginaire des tiers-lieux (véhiculé par Starbuck dans les années 1980). On peut travailler dans une caravane ou un téléphérique, faire du ping-pong, de la balançoire, du toboggan... De plus un ensemble de services type cafétéria, salle de sport, crèche... au sein du complexe, est accessible en permanence. Cette disposition est propice aux rencontres informelles et cherche à accroitre un effet de sérendipité58. Cette tendance à la "gamification" 59 bien que critiquable est une résultante du paternalisme. L'employé trouvant les services sur son lieu de travail s'en échappe moins souvent.

Par la suite le "Cloud" (nuage), qui conserve les informations à distance, dans un réseau de data-center mondialisé, tout en restant en libre accès sur l'ordinateur de l'usager, offre ainsi la possibilité d'accéder en permanence et rapidement aux informations (textes, images, musique). Ce nouvel usage a des conséquences psychiques, morales et sociologiques sur toute une société. Nous sommes entrés dans un monde informatisé. On assiste à une sorte de retour au "vagabondage" éradiqué au XIXe siècle, car incontrôlable à l'époque. Les entreprises profitent des possibilités offertes par Internet et "contractent leurs sièges, délocalisent leurs bureaux, satellisent certaines de leurs unités et permettent à leurs salariés ou à leurs fournisseurs, le télétravail ponctuel ou le travail dans des lieux alternatifs en train d’éclore"60. Dans ce contexte, les entreprises font de plus en plus appel à des services extérieurs pour gérer cette transition numérique. Désormais, l'employé à la possibilité de rester connecté en

57 PÉLEGRIN-GENEL, Elisabeth, op. cit, p. 214. 58 "La "sérendipité " : Capacité, art de faire une découverte, scientifique notamment, par hasard ; la découverte ainsi faite." Source encyclopédie LAROUSSE. 59 La "Gamification" est un terme de l'anglais, traduit par la "ludification". C'est le transfert des mécanismes du jeu dans d’autres domaines, en particulier des sites web, des situations d'apprentissage, des situations de travail ou des réseaux sociaux. Son objet est d’augmenter l’acceptabilité et l’usage de ces applications en s’appuyant sur la prédisposition humaine au jeu. Cette technique de conception permet d’obtenir des personnes des comportements que l’on pourrait considérer sans intérêt ou que l’on ne voudrait ordinairement pas faire : remplir un questionnaire, acheter un produit, regarder des publicités ou assimiler des informations." Source Wikipédia lien: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludification, consulté le 23/07/2015. 60 BELLANGER, François, "Work in process: c'est quoi un bureau demain ?", Transit City, 03/12/2012, (en ligne) lien : http://transit-city.blogspot.fr/search?q=coworking consulté le 07/07/2015

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tous temps et en tous lieux, au reste de l'entreprise que ce soit pour échanger des informations de travail ou pour instaurer de nouvelles formes de surveillance. Il n'est plus nécessaire que l'employé soit physiquement présent, d'autant plus que "le présentéisme" serait une source de dégradation de la productivité d'une équipe, car "l'employé va finir par pêcher par manque de concentration, piètre communication, travail à refaire".61 Ainsi, il est plus productif de contrôler le résultat réalisé que de surveiller le temps de travail, ce qui est fatigant et stressant pour l'employé. Cette façon de concevoir le travail est en lien avec une tendance économique néolibérale, basée sur un modèle anglo-saxon. Il donne priorité à l'individu, son esprit entrepreneur et créatif... Ceci a pour conséquences, une montée des télétravailleurs, les "solopreneurs" 62 et une restructuration de l'entreprise. Ce processus définit un nouveau type de travailleurs urbains, connectés, qualifiés et créatifs que Richard Florida désigne comme la "classe créative"63.

Dans ce contexte, il s'agit de penser à la mise en collaboration des intérêts particuliers ; là où Adam Smith proposait une mise en compétition des égoïsmes dans une guerre du tous contre tous,64 principe fondateur de l'économie capitaliste de XIXe siècle. Face au constat actuel que les principales pertes de productivité de l'entreprise sont liées aux actions autodestructrices des employés dans leur travail65.

Avec l'appropriation des TIC, c'est la réinvention de tout un quotidien et en même temps, c'est un moyen de contribuer à la base d'une nouvelle économie. C'est la thèse de "l'économie collaborative", ou "la troisième économie", c’est une économie basée sur les technologies collaboratives et sociales où la maitrise de l'information devient capitale. De nouvelles logiques entrepreneuriales apparaissent, les campagnes de financement en "crowdfunding" (financement participatif) facilitent le développement de nouvelles idées tout en créant un lien solidaire entre les créateurs et les consommateurs. Un effet de masse se met en place, la communication sur Internet fait maintenant partie intégrante du quotidien, et ce, à toutes les échelles, petites annonces de particuliers (le Bon Coin, Ebay, Air BnB, Blablacar...) création d'entreprises (Kickastarter, coworking...) communication (Twitter, Youtube...) emploi (Linkedin...), etc.

61 KAHN, Annie, "Au bureau le présentéisme fait des ravages", le monde, 01.10.2012 (en ligne) site : htmlhttp://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/01/present_1768224_3234.html consulté le 07/07/2015. 62 Solopreneur : terme anglais qui signifie un entrepreneur travaillant seul, créant et gérant son propre travail. 63 FLORIDA, Richard, "The Rise of the Creative Class: And How It's Transforming Work, Leisure, Community and Everyday Life", ed.Basic BOOK, 2002. 64 SMITH, Adam, "Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations", Ed. W. Strahan and T. Cadell, Londres, 1776. 65 Reportage Arte, "Le bonheur au travail", France, 18 mars 2014, 85 min, (vidéo en ligne) lien : http://www.arte.tv/guide/fr/051637-000/le-bonheur-au-travail. Consulté le 01/03/2015

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C'est dans un contexte de délocalisation et de la montée de cette "économie partagée" qu'émergent des notions qui reflètent de nouveaux comportements dans le travail et se concrétisent tout d'abord dans les tiers-lieux. Si en 1998, on envisageait déjà de mettre en place un réseau de "bureaux de voisinage",66 sur la région Parisienne. Ce concept n'a pas rencontré le succès escompté, mais il avait 15 ans d'avance. 67 Actuellement, l'essor rencontré par ce phénomène est lié à la combinaison de plusieurs facteurs attenants à l'évolution des capacités des technologies devenues mobiles. L'arrivée sur le marché d'une nouvelle génération "Y" qui a adopté d'autres codes sociaux, couplée à une crise de l'économique capitaliste dématérialisée basée sur la maitrise de la matière68, et à une crise des transports, génère un nouvel ordre mondial à l'origine des déséquilibres actuels.

"L'explosion des ces outils qui ne sont qu'a leur début en terme de possibilités techniques, pourraient bien signer la fin de l'entreprise telle qu'elle s'est constituée au fil des cent cinquante dernières années"69

66 GROS, Marie-Joêlle, "On propose un remède à l'isolement». L'agence Catral est chargée de créer des «bureaux de voisinage» en région parisienne", Libération économie, le 12 Janvier 1998, (en ligne) lien : http://www.liberation.fr/economie/1998/01/12/on-propose-un-remede-a-l-isolement-l-agence-catral-est-chargee-de-creer-des-bureaux-de-voisinage-en-_544805 consulté le 23/07/2015. 67 BELLANGER, François, "Work in process: c'est quoi un bureau demain ?", Transit City, 03/12/2012, (en ligne) lien : http://transit-city.blogspot.fr/search?q=coworking consulté le 07/07/2015. 68 Jusqu'en 1996, l'économie capitaliste était basée sur l'étalon d'or. L'économie occidentale est basée sur la possession de biens matériels, l'achat et la vente de matières continuent la base de l'économie. Depuis que Nixon a désindexé l'or sur le dollar, ce qui a peu à peu éloigné l'activité économique des préoccupations matérielles, la valeur et l'information ont pris le dessus. Les sociétés de la Sillicon Valley, comme Google, Facebook, Linkedin..., l'ont bien compris et constituent leurs valeurs sur l'accumulation et le croisement des informations qu'elles obtiennent gratuitement de leurs usagers. source : wikipédia. 69 CHARBONNIER, Olivier ; ENLART, Sandra, op. cit., p.77.

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b. Les causes et conséquences du changement

_ La génération Y et mentalité web 2.0 :

La génération Y entre dans la vie active et occupe de plus en plus d'emplois. Suscitant beaucoup d'intérêt dans la recherche, on lui a attribué de nombreuses dénominations, telle que génération "why", car elle est perpétuellement dans l'interrogation et la remise en question, ou encore "génération 2.0" en rapport au "Web 2.0", ou "native digital" signifiant qu'ils sont nés dans un environnement de technologies.

En effet, cette génération Y, née entre 1980 et 1996, n'a pas connu le monde sans Internet ni les TIC. Des études, notamment sociologiques, ont montré que liée à ces technologies et à des changements d'éducation, cette génération adopte de nouveaux comportements sociaux qui impactent leurs adaptations au travail. Une tendance qui va, semble-t-il, s'accentuer avec la génération suivante "Z" qui semble adopter des comportements similaires voire encore plus exigeants en terme d'aspiration et de revendication. Cela marque un virage culturel pouvant mettre fin au modèle de travail hérité de l'ère industrielle qui n'est plus adapté à cette société en devenir.

"Élevées au numérique et à la connexion permanente, celles-ci ne comprennent pas qu’elles ne puissent pas « tout faire quand elles veulent et où elles veulent ».70

Ce nouvel écosystème numérique offre des possibilités d'interaction et d'organisation inédites dans l'histoire de l'Humanité. Cela bouleverse profondément les schémas sociaux des jeunes générations pour qui la propriété matérielle est vouée à diminuer. Comme le dit Jérémy Rifkin, économiste américain à la mode dans les sphères politiques européennes et porteur de la troisième révolution industrielle : " Il semble qu'un nouvel état d'esprit émerge chez les responsables politiques des jeunes générations qui ont été socialisées sur Internet. Leur politique se structure moins en termes de droite et de gauche qu'autour d'un nouveau clivage : centralisé autoritaire contre distribué coopératif et c'est logique." 71 Rifkin a bien compris qu'il fallait parler aux jeunes générations, car ce sont eux qui

70 BELLANGER, François, "Work in process: c'est quoi un bureau demain ?", Transit City, 03/12/2012, (en ligne) lien : http://transit-city.blogspot.fr/search?q=coworking consulté le 07/07/2015. 71 RIFKIN, Jeremy, "La nouvelle société du coût marginal zéro, l’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme", Ed. Les Liens qui Libèrent, 2014. p. 199.

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seront acteurs du monde de demain. Pour cela, il s'agit de penser un nouveau modèle économique, intégrant les idéaux de la génération Y, les tiers-lieux semblent en faire partie intégrante.

Daniel Ollivier et Catherine Tanguy dans leur ouvrage "Génération Y, mode d'emploi, intégrez les jeunes dans l'entreprise"72, dégagent sept éléments de différenciation tels que :

"_Une tendance au "zapping comportemental". Cette génération zappe, efface les frontières du réel et de l'imaginaire, atténue les frontières du public et du privé et désarçonne les plus anciens. _Des droits plutôt que des devoirs. Nul besoin de prouver quoi que ce soit pour mériter (...) Cette génération fonctionne davantage en terme d'identité individuelle. _La dictature de l'instant. Cette jeune génération a une impatience permanente et une soif inextinguible d'immédiateté. _ L'absence empirique. Être là sans être là qui entraine un fort taux d'absentéisme au profit d'une prise de conscience de l'importance du bien-être personnel. _L'exemplarité du chef. Cette génération qui n'a pas peur de traiter d'égal à égal. Lié au développement des réseaux sociaux en ligne entretint, elle n'entretient pas le même rapport à la hiérarchie, au public / privée. Et elle n'a pas forcément l'ambition d'une évolution de carrière. _Des exigences aux infidélités. Nos juniors ont compris et intégré qu'il allait leur falloir se préparer à vivre plusieurs carrières. Et on perçoit en eux une forte adaptabilité. _Leur goût d'apprendre. Leur envie d'apprendre est importante. Cette génération est curieuse, créative plus mobile, plus autonome,."

" Le tout de suite" semble être un adage de cette génération".73

En relation téléphonique et télématique74 les uns avec les autres et avec le siège central de l'entreprise, ils font de tous les espaces rencontrés un potentiel lieu de travail ou de divertissement au travers de leurs écrans. Les agences ou les services dans lesquels ils interviennent, mais aussi les hôtels dans lesquels ils séjournent, le train ou l'avion, les cafés où ils se retrouvent pour prolonger leurs réunions de travail... sont devenus des lieux hybrides. La sollicitation permanente et la continuité,

72 OLLIVIER, Daniel ; TANGUY, Catherine, Génération y, mode d'emploi, intégrez les jeunes dans l'entreprise!", DeBroeck (ed.), coll."le management en pratique" ,20 juin 2011, p.25. 73 Ibid., p.36. 74 "La télématique est un terme qui recouvre les applications associant les télécommunications et l'informatique, apparu en France à l'occasion de la filière technologique qui allait donner vie au Minitel." (Source : Wikipédia).

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sont à présent une exigence permanente faisant du travail une pratique diffuse non temporalisée et non localisée, car omniprésente. Ces transformations, associées à la continuité des processus de production, ont modifié l'organisation et le contrôle du travail en le projetant dans un espace abstrait. Ainsi, l'espace de travail ne traduit plus des rapports de pouvoir qui traversent l'institution. C'est une démultiplication des espaces de travail.

Tout laisse penser que ces comportements vont s'accentuer et que les entreprises centralisées viendront à disparaitre. Si les TIC ont un aspect positif, elles sont néanmoins la source d'autres pratiques plus contestables. Paradoxalement Internet qui encourage la mobilité entraine également des comportements d'isolement, de voyeurisme, de narcissisme et de troubles au numérique. La "e-réputation" à travers la gestion de son avatar, sur des réseaux tels que : Facebook, Linkedin, Instagram, Foursquare... est devenue une forme socialisante à part entière. Ce phénomène a tellement d'ampleur que des agences de "e-rating" (notation électronique) ont créé des classements d'individus en fonction de leur influence sociale sur le net75. D'autre part, le phénomène de "burn-out" est également de plus en plus courant, lorsque la pression professionnelle augmente l'individu ne peut plus gérer le flux omniprésent d'informations, de nombreuses questions délicates sur la vie privée et la liberté d'expression se posent.

_ Organisation sociale et remise en question de la hiérarchie.

Comme nous l'avons souligné dans l'introduction, les innovations technologiques remettent en question la séparation stricte entre la sphère du domicile, "le premier lieu" et la sphère professionnelle "le deuxième lieu", héritée du modèle tayloriste.

En effet, ce clivage a commencé à s'estomper, tout d'abord dans l'insertion de la sphère professionnelle puis dans la sphère personnelle. Cela a commencé, lorsque certaines entreprises ont offert à certains de leurs employés des d'ordinateurs et des téléphones mobiles personnels. Plus récemment, avec le développement des technologies de type tablettes et smarphones, la tendance s'inverse, la sphère personnelle investit la sphère professionnelle. Ces outils permettent aux salariés connectés de consulter leurs boites e-mail, de répondre à leurs employeurs autant qu'à un ami, de gérer leurs avatars sur les réseaux sociaux, ou encore de skyper, de chatter ou d'envoyer des messages instantanés. Ce sont des pratiques qui font partie intégrante des nouveaux modes de vie et particulièrement pour les plus jeunes. Ces nouveaux comportements ont pour effet d'estomper les 75 !Soyez net sur net! " notez votre e reputation en 2 minute ", Lien : http://ereputation.paris.fr/le-test/, consulté le 05/08/2015.

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limites entre domicile-travail, public-privée et réel-imaginaire. (cf Edouard Soja) Ce qui a inévitablement un impact sur la perception de notre environnement et de notre territoire.

Pour certains emplois, les notions d'horaire et de travail sont totalement revues, induisant une dissipation des frontières du bâtiment. La démultiplication de l'espace de travail ne s'opère pas seulement entre une réalité physique et son complément virtuel, elle se prolonge au-delà du bâtiment lui-même dont les limites physiques qu'il impose aux travailleurs ne figurent plus comme condition d'exercice de l'activité.

Des entreprises ont décidé de s'adapter aux changements, et de montrer qu'il est possible de maitriser les mouvements de chaque employé au sein de l'entreprise. Ainsi, le Ministère de la sécurité sociale Belge, a fait le choix d'adopter le modèle de l'entreprise "libérée". Leurs principes tiennent en la suppression de toute hiérarchie intermédiaire doublée d'une autonomie totale aux salariés. Cela montre qu'aujourd'hui, il y a un conflit réel entre les structures de l'entreprise et les besoins des employés. Cette fracture sera de plus en visible avec l'arrivée des nouvelles générations sur le marché de l'emploi. Les salariés étant autonomes, ils sont libres dans leurs horaires et les consultations sur les réseaux sociaux sont encouragées. Les bureaux ont été réaménagés, avec moins d'espace attribué à chacun et aucune hiérarchie spatiale n'est mise en place. Les directeurs sont au même étage que les employés, une augmentation de surface et un aménagement des espaces secondaires de type cafétéria, zone de repos ou espace de "salon" permettant des rencontres professionnelles. Par ailleurs, ce sont les employés qui notent et choisissent leurs leaders. Une démarche qui semble porter ses fruits.

Les structures n'ont pas changé alors que nous passons d'une ère industrielle à une ère numérique. La valeur et l'innovation vont devenir essentielles. Chaque employé comptera et devra créer de la valeur. Et pour cela il faut que les structures pyramidales changent, car elles ne sont pas pertinentes. Alors, comment les changer en des structures ouvertes, créatives et décentralisées dans laquelle chaque employé pourra innover ? Des parcours de travail parsemés de lieux potentiels, où les activités professionnelles comme personnelles peuvent cohabiter, vont se mettre en place sur le territoire.

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c. Controverse et TIC.

_ Les tics et la précarisation du travail

Les TIC sont la source de nouvelles possibilités, mais sont aussi génératrices d'autres problématiques. Cette économie dématérialisée accroit la productivité et crée certes de nouveaux secteurs d'activités, mais globalement fait disparaitre des emplois76. En parallèle de cette économie collaborative naissante se dessine une nouvelle forme de précarisation du travail. Le statut d'auto-entrepreneur est en train de devenir une nouvelle norme pour cette organisation décentralisée et volatile du travail. Comme le signale l'INSEE, "le regain récent des indépendants est un signe d'adaptation à la crise "77. Il s'agit d'une nouvelle forme de précarisation des emplois qui sont moins durables et qui mettent sous pression les individus sans cesse mis en concurrence.

"Les auto-entreprises sont encore en progression au premier trimestre 2013 pour atteindre 893 000 unités. Les 3400 000 TPE (très petites entreprises) représentaient 94% des entreprises françaises et plus de 35% de la population active. Si la volonté de liberté conduite à revendiquer et à confronter des formes originales de vivre et travailler ensemble "ensemble dispersé"(...) Il s'agit tout autant d'une réaction à la faiblesse de l'offre."78

De plus, les entreprises sous-traitant les emplois à la tâche, créent des contrats de petite durée et cherchent à diminuer les embauches à plein temps. On assiste à une dégradation de la qualité de l'emploi. En juin 2013, les deux tiers des embauches des jeunes entrants se font en contrat à durée déterminée79. Les revenus sont donc aléatoires et sans sécurité financière ; le travailleur doit s'adapter sans cesse à l'offre du marché et être en recherche permanente sans avoir toujours le choix.

Toujours connecté, flexible, qualifié et autonome, le travailleur immatériel n'a plus de limites de temps ni d'espace, le travail coïncide avec sa vie. L'entreprise et les clients peuvent le joindre en tout temps et il doit répondre aux objectifs de performance qu'ils établissent. Les impératifs clients, et la disponibilité permanente sont les nouveaux indicateurs d'évaluation du travailleur.

76 TURCQ, Dominique, "le modèle "collaboratif" va détruire des emplois", les échos.fr, juin 2012, (en ligne), lien : http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2012/06/19/cercle_48108.htm consulté le 30/07/2013. 77 "50ans de mutations de l'emploi", 2010, Insee.fr site : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&id=3071%C2 78 MARZLOFF, Bruno " Sans bureau fixe. Transitions du travail, transitions des mobilités", FYP EDITIONS, 2013. p24 79 Source : les Centres d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ). 2013. in. Ibid., p.22.

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Planche Lauréat concours de l'agence Njiric + arhitekt Source Microcities Architecure, lien : http://microcities.net/porfolio/grundrisse-housing-solutions-for-the-immaterial-worker/référence

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Au lieu d'être évalué par son patron, le travailleur est aujourd'hui évalué par son client. En surface, on peut croire que l'auto-entrepreneur est plus "libre" qu'avait, mais en réalité se n'est pas le cas, il doit répondre à d'autres impératifs.

"Un travail plus libre, en apparence, de ces mouvements et de son temps, mais dont la sollicitation s'est désormais affranchie des limites spatio-temporelles au profit d'une continuité sans fin."80

Or, comme l'évoque Bruno Marzloff, "cette flexibilité du travail s'exerce aux dépens des jeunes, les amenant à considérer que la précarité n'est plus un accident, mais un état." Et sous le nom "angélique" de "classe créative" se masque aussi une précarité attachée à l'auto-entreprise. Selon Lotringere, toute la vie du travailleur est maintenant une main-d'œuvre, une «marchandise invisible et indivisible".

Poussé à son paroxysme, ce processus pourrait bien ressembler à la proposition intitulée "Grundrisse solutions de logements pour le travailleur IMMATÉRIEL"81 de l'agence Microcities Architecture Lauréate au concours proposé par Njiric + arhitekt,. Il s'agit d'une dystopie, dans laquelle "Grundrisse est une société de services qui fournit à chaque travailleur une maison où vivre et travailler... Chaque cellule est équipée d'un système technologique de contrôle qui maintient le travailleur en contact avec ses clients." Une multitude d'autres services sont proposés pour que le travailleur reste en continu dans l'enceinte dans laquelle il se trouve.

"For the post-Fordist multitude every qualitative difference between labor time and non-labor time falls short."82 (P.Virno)

80 PILLON, Thierry, "Discontinuité et continuité des espaces de travail ", Futur antérieur, n° 30, 199, (en ligne), lien : http://www.multitudes.net/De-la-discontinuité-a-la/, consulté le 20/5/2015. 81 MICROCITIES OFFICE, "Grundisse, housing solutions for the immaterial worker", lien : http://microcities.net/porfolio/grundrisse-housing-solutions-for-the-immaterial-worker/référence, consulté le 13/07/2015. 82 VIRNO, Paul, in., MICROCITIES OFFICE, "Grundisse, housing solutions for the immaterial worker", lien : http://microcities.net/porfolio/grundrisse-housing-solutions-for-the-immaterial-worker/référence, consulté le 13/07/2015.

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Affiche de Pub pour Motorola_ Source : Transit City, site ; http://transit-city.blogspot.fr/search?q=work+in+proces

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_ Les TIC comme "quasi objets"83 :

Jacques Attali parle d'objets nomades84 pour qualifier l'ensemble des technologies de l'information et de la communication. Ces objets véhiculent et entretiennent l'idée de liberté, de flexibilité et de mobilité ; c'est d'ailleurs, un des arguments de leur attractivité. Il suffit de regarder les publicités d'Apple, Samsung, Nokia... (Slogan de Nokia "connecting people"). Or, cette réalité n'est que partiellement vraie.

Bien que ces objets en soient à leurs débuts en terme technique, à l'heure actuelle, nos activités ou nos déplacements sont, déterminés et influencés, par les limites techniques. Ainsi, on peut évoquer le fait que les batteries ne tiennent que quelques heures, que se connecter à un réseau WiFi n'est pas toujours évident et que la présence de la 3G ou 4G de haut débit n'est pas toujours garantie

D'autre part, ces usages dépendent aussi d'abonnements payants qui reposent sur des infrastructures indépendantes, un smartphone aussi intelligent soit-il ne sert à rien sans une connexion réseau. C'est en ce sens qu'Antoine Picon, professeur d'histoire de l'architecture et de la technologie à la Harvard Graduate School of Design, qualifie ces technologies de la communication et de l'information de "quasi-objets". Là où un objet se suffit à lui même pour fonctionner, un "quasi objet" repose sur le fonctionnement d'un service extérieur, un fournisseur d'accès à Internet est nécessaire pour utiliser ces objets. Aujourd'hui, nous sommes entourés d'artefacts qui ne possèdent qu'une partie de l'autonomie des machines de l'ère industrielle.

83 PICON, Antoine, "Culture numérique et architecture : une introduction", Birkhäuser(ed.), 2010. p 118 84 ATTALI, Jacques, "L’homme Nomade", Fayard, Paris, 2003.

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_ Le " cyborg surveillé"

Dans les années 1990, Esther Dyson était persuadée que les règles tyranniques qu'imposent les hiérarchies organisationnelles disparaîtraient grâce au support numérique.85 En effet, l'informatique a permis une dissolution des formes traditionnelles, physiques, de contrôle, mais les relègue sous d'autres formes par l'intermédiaire des technologies. Car les TIC sont les outils qui permettent un contrôle par la surveillance de nos données et la traçabilité de nos actes... Aujourd'hui, un patron peut connaitre le temps que son employé passe sur les réseaux sociaux, les sites visités, ses appels téléphoniques...

Les données transitent et sont stockées sur d’autres ordinateurs que celui possédé par l'usager, c’est là que la notion de liberté et de vie privée s’en retrouve menacée. Certaines conditions d’utilisations sont même assez claires sur ce point, les informations envoyées sur les serveurs sont susceptibles d’être lues, copiées et transférées librement par l’entreprise. Ainsi Google scanne les pièces jointes des e-mails envoyés via son service, Facebook devient propriétaire des photos que vous postez sur son réseau et il en est ainsi pour de nombreux services en ligne. Ce sont toutes ces informations qui font la valeur de ces entreprises. L’usage de ces quasi-objets n’est donc pas à prendre à la légère, cela entraine de nombreuses conséquences surtout lorsqu’il s’agit d’activités professionnelles. James Cameron, actuel premier ministre anglais, a récemment indiqué qu’il s'opposerait aux services de messagerie instantanée qui chiffrent les messages de leurs utilisateurs (iMessage, whats app) c’est-à-dire que les autorités de surveillance ne peuvent pas lire le contenu des messages qui transitent. En sortant l’argument de la sécurité nationale, de nombreux gouvernements désirent passer au-dessus de ces protections de la vie privée. Malheureusement ces conflits politiques et économiques se situant au niveau des infrastructures, l’utilisateur final et son quasi-objet ont difficilement les moyens de se faire entendre. Le travailleur immatériel devient un "cyborg surveillé".

En 1987, Deleuze prévoit déjà une société de contrôle, gouvernée par l'informatique. C'est l'établissement d'un contrôle numérique de la population, une vision dystopique déjà envisagée par George Orwell dans son roman "1984"86 où le personnage Big Brother surveille l'ensemble de la

85 MITCHELL, William J., "City of bits: space, place and the infabahn", The MIT Press (ed.), 25 Juillet 1996. 86 ORWELL, George, "Nineteen Eighty-Four", Gallimard (ed.), Du monde entier (coll.), 8 juin 1949, 439p.

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population. Le dispositif architectural du panoptique87 de Jeremy Bentham imaginé en 1780 est en quelque sorte le prémice "mécanique" du besoin de surveillance des individus.

"Big Brother is watching you"

Comme l'explique Jaron Lanier, philosophe des sociétés numériques et chercheur en informatique, les gens se libèrent d'une hiérarchie organisationnelle, héritée de l'ère industrielle, pour se jeter dans une hiérarchie du XIXe siècle qui est contrôlée par des entreprises globalisantes telles que : Google, Facebook, Amazon, Apple, IBM... qui sont dirigées par une poignée d'individus qui défendent des intérêts privés. Et malheureusement les applications cloud que les travailleurs nomades utilisent appartiennent à ces grands groupes. Des communautés techniques se mettent en place et avec elles des pratiques, des valeurs et une culture commune. Dans cette économie numérique, l'individu devient un identifiant auquel on assigne une multitude d'informations sur ses habitudes, ses goûts, ses pratiques de consommation, etc. C'est la collecte et le croisement de toutes ces données qui donnent la pertinence de ce que l'on appelle le "Bid Data", son nom n'est pas sans rappeler "Big Brother" avec lequel il a malheureusement des points communs.

87 "Le panoptique est un type d'architecture carcérale imaginée par le philosophe utilitariste Jeremy Bentham et son frère, Samuel Bentham, à la fin du XVIIIe siècle. L'objectif de la structure panoptique est de permettre à un gardien, logé dans une tour centrale, d'observer tous les prisonniers, enfermés dans des cellules individuelles autour de la tour, sans que ceux-ci puissent savoir s'ils sont observés. Ce dispositif devait ainsi créer un « sentiment d'omniscience invisible » chez les détenus. Le philosophe et historien Michel Foucault, dans Surveiller et punir (1975), en fait le modèle abstrait d'une société disciplinaire, axée sur le contrôle social." (source Wikipédia).

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_ Les inégalités

Il reste cependant quelques facteurs discriminants qui limitent la réelle démocratisation de ces technologies. Bien que leurs coûts aient diminué, ces appareils restent chers et demandent un apprentissage et une attention permanente. Devant l'augmentation des sollicitations informationnelles, personnelles, publiques ou professionnelles voire commerciales, l'usager peut rapidement être dépassé.

L'usage de l'informatique bouleverse l'organisation du travail traditionnel en faisant évoluer les hiérarchies et les aménagements, amorçant un semblant d'uniformisation au sein des espaces de travail tertiaire moderne. Il ne s'agit pourtant que d'un transfert de cet ordre traditionnel dans le monde numérique dématérialisé qui reste donc bien actif. C'est l'accès et la maitrise de l'information qui vont devenir le principal facteur des inégalités sociales et économiques encore plus fortes. Si les générations apprivoisent de mieux en mieux ces technologies ; elles demandent des compétences à acquérir et à entretenir pour gérer les données. Avec l'informatique et Internet, les évolutions sont rapides et continuelles. Le fait d'être au courant de ce qui va apparaitre sur le marché et de pouvoir y accéder n'est pas donné à tout le monde. Cette connaissance sera de plus en plus un critère de sélection professionnelle que d'avoir ou non accès à ces informations.

Pour lutter contre cette fracture du numérique, d'un côté, l'école a un grand rôle à jouer à ce niveau, car le risque est de créer des "illettrés numériques"88, le problème étant identique à celui de l'alphabet. De l'autre coté, les initiatives d'aides et d'accompagnements individuels doivent assurer la formation des citoyens. Par exemple la Belgique a financé et lancé des initiatives publiques mettant en place des EPN89 (Espace public numérique), des PAPI (Point d'Accès Public à Internet) et des hotspots installés sur son territoire ainsi que des aides de financement de matériels informatiques afin de combattre la fracture numérique. Également dans le cadre de co-Wallonie 8 espaces de coworking ont fait l'objet d'appels à projet en Belgique.90

88 CHARBONNIER, Olivier ; ENLART, Sandra , op. cit.. 89 CIRB (Centre d'information pour la Region Bruxelloise), "Lutte contre la fracture numérique : un premier bilan positif pour les espaces publics numériques bruxellois", 2010, (en ligne) lien : http://cirb.brussels/fr/pressroom/communiques-de-presse/2010/dossier-de-presse-bilan-epn-region-bruxelles.pdf consulté le 08/07/2015. 90AWT(Agence Wallonne des Télécommunications), "Les lauréats de l'appel à projet coworking", 13/01/2012, lien : http://www.awt.be/web/wor/index.aspx?page=wor,fr,app,200,020 consulté le 13/07/2013.

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Il reste cependant une fracture numérique très importante entre les pays riches et les pays pauvres, mais aussi entre zones rurales et zones urbaines. En effet, la puissance et l'accessibilité aux réseaux n'est peu, voire pas, accessible dans les zones les plus reculées. Pour pallier à ce phénomène, les géants du web tels que Google et Facebook projettent de créer un "Internet global"91. Des drones et des ballons stratosphériques permettront un accès Internet aux pays qui ne peuvent pas s'offrir des infrastructures terrestres. Mais, aujourd'hui nous en sommes encore loin.

* * *

Au cours des deux premières parties, nous avons défini le terme tiers-lieu et dégagé l'ensemble des enjeux qui définissent un nouveau concept du travail. Aujourd'hui, lié à l'essor d'une économie dite "informationnelle" et ses outils, se développe une nouvelle forme de travail décentralisée plus flexible, nomade et dématérialisée voire collaborative et partagée, qui se matérialise dans les tiers-lieux. Ce qui a pour effet, de créer de nouveaux comportements que doivent comprendre les architectes et urbanistes pour s'y adapter et adapter avec elle la ville de demain.

Maintenant, nous pouvons nous demander si les rigidités spatiales et temporelles ont réellement explosé et s'il est possible de travailler partout et en tout temps ? Il nous reste à comprendre ces mutations à travers l'étude de cas concrets, couplés à une approche chiffrée nous permettant d'envisager l'évolution des usages de ces lieux mais aussi des transports, des technologies et du temps.

C'est au travers d'une investigation au cœur de la capitale européenne que nous tenterons de mettre certains comportements en lien avec une possible réorganisation du travail grâce aux TIC.

91 COLOMBAIN, Jérome, "Des drônes et des ballons pour un internet global", France info, 2014, consulté le : http://www.franceinfo.fr/emission/nouveau-monde/2013-2014/des-drones-et-des-ballons-pour-un-internet-global-03-10-2014-09-00 consulté le 21/07/2015.

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"Tiers-Lieu " : Investigation dans Bruxelles

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"Mémoire écrit dans un tiers-lieu :

Quand ma table au Café s'est transformée en Bureau."

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3. Investigation dans la ville de Bruxelles.

a. Cadre de la recherche.

Cette étude s'inspire de certaines recherches réalisées dans de grandes villes comme Montréal, Québec et New York et plus particulièrement du travail d'un étudiant en architecture à Université de Laval, à Québec. (Mickael Robert Doyle, "DESIGNING FOR MOBILE ACTIVITIES, Wi-Fi Hotspots and Users in Quebec City", 201192)

L'objet de cette enquête implique des acteurs humains dont l'affordance93 des TIC et l'environnement bâti permettent de nouveaux comportements. Plus précisément, le projet se penche sur la façon dont les utilisateurs de TIC vont profiter des espaces générés par la ville, pour y entreprendre des activités professionnelles de travail ou plus personnelles. Il s'agit de comprendre quelles pratiques se développent et quels lieux sont privilégiés pour tenter de trouver de nouvelles manières d'organiser et de construire ces espaces. Une série de questions accompagne cette étude :

Quels sont les points les plus populaires ? Quels sont ces lieux et pour quelles raisons sont-ils utilisés ? Où sont-ils situés dans la ville ? Qui sont ces travailleurs nomades ? Quels sont les différents profils d'utilisateurs de ces lieux ? Quels flux génèrent ces nouveaux travailleurs nomades ? Existe-t-il un réseau de travail informel dans la ville de Bruxelles ? Dans quels types d'environnement ? Quelles proximités génèrent-ils (gare, shopping, aéroports, travail, maison...) ? Quels outils permettent ces nouveaux usages ? Quels types de temporalité ? Quelles mobilités sont privilégiées ? Cette liste n'est pas exhaustive, mais elle constitue un point de départ à la fois cadré et ouvert pour envisager ces mutations.

92 Travail réalisé par Mikael Doyle dans le cadre d'un mémoire de master à L'université LAVAL à Québec au sein du laboratoire GIRBA (Groupe Interdisciplinaire de la Recherche sur les Banlieues) supervisé par Carole Després. 93"Capacité d’un objet à suggérer son utilisation. L’enjeu est en effet de remettre l’utilisateur au centre du système d’information, d’interagir avec lui de manière intuitive, mettant en harmonie les affordances des objets." (Source Wikitionnaire)

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b. Définition de la méthode de recherche. Pour répondre à ces interrogations, j'ai privilégié une méthode qualitative,94 car elle m'a semblée plus adaptée dans le cadre d'une recherche en architecture où l'expérience in situ alimente le projet. Dans un premier temps, cette approche plus subjective repose sur l'immersion et l'observation des lieux d'études afin de dégager des pistes de réflexion testables. Ensuite, ce travail est complété par un sondage qui vise à comprendre les raisons de ces types de comportements humains. J'ai donc réalisé un questionnaire, consultable dans l'annexe. Celui-ci, est organisé selon les thématiques suivantes : les usagers, type de mobilité et de fréquentation du lieu, type d'usage des TIC et du lieu. Ce qui nous nous permet d'aboutir à une partie descriptive du lieu et du quartier. Des rencontres en face-à-face m'ont permis de cibler précisément le groupe de personnes étudiées et de m'assurer de la bonne compréhension des questions. Mais aussi de recueillir des informations en dehors des questions posées tels que des anecdotes ou commentaires imprévus. L'ensemble de ces données a été retranscrit sous forme de cartographies, de statistiques et d'extraits d'interviews. Pour effectuer cette recherche, il a fallu déterminer parallèlement des critères pour sélectionner les lieux d'études ainsi que le type d'usager à cibler. Dans un premier temps, trois lieux d'observation ont été choisis, car ils disposent de certaines caractéristiques essentielles correspondant au groupe d'individus observés, selon l'analyse théorique réalisée précédemment. Il s'agit de la bibliothèque Munt Punt, de la Gare du Midi et du Café Belga. En effet, ce sont des lieux publics ou semi-publics ayant un fort potentiel de brassage social et générationnel. Un autre élément déterminant est qu'ils offrent un accès WiFi gratuit. Par la suite, il s'agira de faire des recoupements et de continuer cette exploration dans les lieux fréquentés par les sujets interrogés, ce qui nous amènera à étudier d'autres lieux. Après à mes premières interviews, ce sont finalement six lieux qui ont été étudiés, c'est ainsi que le Bar Flamingo, le Café de la Presse et Le Bar du Matin sont venus compléter mon panel d'étude. Le but étant de comprendre les comportements humains générés par l'usage des TIC, l'évaluation a été réalisée grâce à la participation des individus présents. Après quelques minutes d'observation permettant de cibler les profils des usagers, je les ai spontanément abordés en leur expliquant brièvement mon travail. Certains ont préféré y répondre seuls et d'autres l'ont rempli avec moi. Pour le choix des utilisateurs plusieurs possibilités ont été évoquées. Initialement, il avait été envisagé de diriger les recherches en ciblant les sujets par types et de limiter le nombre d'interviews à +/- 15

94 ESRC ( Economic & Social Research Council ), "Méthodologies: Social reseach : How does it work ? What is researchfor ? ", social science for schools, (pdf).

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individus. Initialement l'étude devait se porter sur les pratiques majoritairement féminines ou des individus de la génération Y car potentiellement plus concernés. Or, ces hypothèses de départ, ont été éliminées lorsque je me suis rendue sur place ; devant la diversité des individus présents, il m'a paru plus intéressant, d'augmenter le nombre d'interviews. Afin de retranscrire la diversité de ces usagers et plutôt d'en faire un objet d'analyse en rapport aux lieux plutôt qu'aux individus. Par ailleurs, dans le but de réduire "l'adhocisme95" qu'engendre une recherche de ce type, j'ai décidé de visiter chaque site dans une même tranche horaire en essayant de rester le même temps imparti et ce afin de créer des points de repère réguliers me permettant de centrer le facteur variable sur les lieux et individus. Sur place, j'ai décidé d'interroger les gens qui étaient en train de faire l'usage de TIC, en m'assurant que cela était dans un but de "travail".

Malgré mes craintes de départ sur la méthodologie et mes capacités à aller aborder des individus, j'ai été très agréablement surprise de leur intérêt pour le sujet et mon questionnaire, et de sentir chez certains une satisfaction de l'intérêt porté à leur situation. Cette expérience s'est montrée enrichissante aussi bien sur le plan personnel qu'à propos des connaissances qu'elle apporte sur le plan professionnel.

95 Principe d'organisation qui prône la réaction spontanée plutôt que la planification. Ce modèle laisse ainsi plus de place à l'adaptation en situation.

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c. Interprétations. Le nombre restreint de personnes interrogées ne permet pas d'obtenir des résultats généralisés, néanmoins cela donne un aperçu des tendances permettant d'envisager certaines hypothèses sur leurs pratiques. Il m'a pourtant semblé important d'expérimenter dès à présent cette méthode qui pourrait très bien être élargie et prolongée. Pour la compréhension des données il est important de signaler que la notion de travail n'est pas seulement définie par " l'ensemble des opérations que l'on doit accomplir pour élaborer quelque chose" 96 ni "les activités professionnelles régulières et rémunérées ". Ainsi, les chômeurs à la recherche d'emplois, les étudiants dans la rédaction de travaux, les indépendants en contact avec des clients potentiels et les salariés en congés répondant aux derniers e-mails de leur entreprise, sont considérés comme du travail. Ces hommes et ces femmes avec leurs ordinateurs sur la table, leur smartphone à la main et leur tablette tactile à disposition, font désormais partie de notre paysage quotidien et constituent ici l'ensemble des sujets de cette étude.

96 Définition du travail, Encyclopédie LAROUSSE, lien : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/travail/79284?q=le+travail+#78326 consulté le 22/03/2015.

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Source : Infographies réalisées à partie des résultats récupérés lors des interviews, "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015. Figure 1 : Diagrammes, Positionnement des interviews.

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_ Lieux d'interviews et lieux de résidence :

Les personnes interrogées habitent principalement dans la métropole bruxelloise et plus précisément dans les communes de St Gilles, de Bruxelles et d'Ixelles, qui sont les communes dans lesquelles se situent les lieux étudiés. Ceci démontre une relative dominance des critères de proximité dans le choix de certains lieux. Malgré cela, nous pouvons également signaler que certains lieux comme la Gare du Midi ou la bibliothèque MuntPunt attirent des usagers plus éloignés à cause de leurs caractères plus spécifiques (mobilité, contenu à disposition)

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Source : Infographies réalisées à partie des résultats récupérés lors des interviews, "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015.

Figure 2 : Diagrammes, Profil des personnes interrogées.

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_ Les usagers.

_ Catégories socioprofessionnelles :

Aujourd'hui, lié à la démocratisation des TIC et à l'évolution de l'accès à l'information, l'usage des tiers-lieux n’est plus seulement réservé à une classe socioprofessionnelle de cadres supérieurs. Dans chacun des lieux étudiés se côtoient des salariés, des indépendants, des étudiants et des chômeurs. La grande majorité des utilisateurs de ces tiers-lieux sont les étudiants (15 individus) et les indépendants (14 individus) là où il y a 15 ans Starbuck ciblait une clientèle de cadres supérieurs. La classe la moins présente dans ces lieux est celle des salariés, cela est lié au fait que ce type d'emplois est déjà moins répandu et concerne davantage les femmes97 qui pratiquent d'autres lieux.

_ Type de générations :

La présence des individus de la génération Y et de la génération X est équivalente. En effet, nous aurions pu nous attendre à rencontrer davantage d'individus de la génération Y, car initialement plus adeptes de TIC. Cet équilibre de génération témoigne de l'adaptation de la génération X aux nouveaux outils et pratiques qui en découlent. Il faut noter que les lieux choisis ont un fort pouvoir de brassage social ce qui augmente la diversité du public interrogé. Ma propre expérience m'a fait constater que certains lieux étaient beaucoup plus investis par cette plus jeune génération, par exemple les bibliothèques universitaires de l'ULB et de la VUB. Une autre constatation montre que les femmes de la génération X sont beaucoup moins nombreuses que les hommes de la même génération. Les hommes X interrogés sont majoritairement des indépendants ou des salariés dont le métier nécessite des déplacements importants (commerciaux dans le vin, représentant dans l'industrie...) tandis que les femmes X sont étudiantes ou salariés. Il est vrai que dans la génération X, les hommes ont un apprentissage des TIC plus important que les femmes, ce qui peut être lié à des intérêts ou des secteurs d'emplois différents. De plus, les femmes x ont aussi plus de contraintes domestiques (Il y a moins d'égalité dans les couples de la génération x), elles ont moins de temps et elles travaillent à la maison. Néanmoins, cette analyse est à nuancer car ce résultat peut être lié aux lieux d'études. Par exemple, plusieurs femmes m'ont soumis qu'elles aimaient travailler dans la chaine de restauration rapide ESKI qui est un lieu qui ne fait pas partie de mon terrain d'étude.

97 Étude de INSEE pour direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques : PAK, Mathilde, " Le travail à temps partiel ? ", Synthèse, Stout', numéro 4, 2013; (en ligne), lien : http://travailemploi.gouv.fr/IMG/pdf/Synth_Statn4_internet.pdf consulté le 27/07/2015.

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Source : Infographies réalisées à partie des résultats récupérés lors des interviews, "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015.

Figure 3 : Diagrammes, Pratiques et temps de travail.

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_ Usage du lieu :

_ Temps d'occupation :

La plus grande majorité des individus reste "travailler" en moyenne de 1h à 3h, bien que les usages très diversifiés des TIC encouragent des plages horaires relativement diffuses. Par exemple : on rencontre à la bibliothèque, d'avantage de personnes restant plus de 6h, car le travail à effectuer sera plus fastidieux et les conditions de travail sont conçues pour ce type d'usage. Et revanche à la Gare, le travail se fera sur le temps d'attente du train, c'est à dire plus ou moins 20 min.

Une majorité d'individus occupent ces lieux plutôt le matin, parce qu'ils sont moins fréquentés et donc plus calmes et propices à la concentration, il s'agit là de choix volontaires dans une optique de travail. En revanche, dans l'après-midi, particulièrement dans les cafés, le temps de pratique est plus volatile et irrégulier et correspond aux tâches annexes relatives à l'organisation quotidienne : récupérer les enfants à l'école, passer faire les courses ou encore attendre un rendez-vous. Dans ces cas de figure, le choix du tiers-lieu se fait par rapport à sa proximité avec l'autre tâche à réaliser, là ou le matin l'attractivité du lieu prime. De plus, une partie des personnes interrogées n'ont pas d'habitudes ou de réelles motivations à se rendre régulièrement dans ces endroits, cela dépendra davantage des occupations extérieures, de l'humeur du jour ou de l'activité professionnelle variable.

Par ailleurs, il existe aussi une contrainte liée aux heures d'ouvertures de chaque lieu, ainsi la bibliothèque ferme le dimanche et en fin de journée les cafés se remplissent d'une autre clientèle venue boire un verre et discuter librement ce qui a tendance à remplacer les travailleurs mobiles dérangés par le bruit et l'activité intense. De ce fait, le travailleur doit s'adapter aux horaires du lieu, les week-ends et le soir le travail se fera plutôt au domicile. Or, enquête WITE 2.098, montre qu'il y aurait "63 % des individus travaillant la nuit au moins une fois par semaine", et que cela va sans doute augmenter. Il serait intéressant de pouvoir répondre à cette demande nocturne.

98 Enquête WITE 2.0 une étude sur le travail mobile, Groupe Chronos, " Prospective du travail mobile", étude quantitative menée en 2012 dans le cadre du projet WHITE 2.0", 2012, (en ligne) lien : http://www.groupechronos.org/les-activites-de-chronos/etudes-pluridisciplinaires/wite-2.0-plateforme-unifiee-de-travail-a-distance.

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Source : Infographies réalisées à partie des résultats récupérés lors des interviews, "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015.

Figure 4 : Diagrammes, Profil des personnes interrogées 2.

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_ Type de pratiques et rôle social :

Même si l'activité concernée est souvent solitaire et aurait pu être faite à la maison, le besoin de sociabilité et de visibilité reste un facteur majeur de déplacement de ces lieux. "L'homme est un animal social" qui a besoin de voir ou de parler à d'autres individus, les pratiques numériques individualisantes ne semblent pas altérer ce tempérament ancestral. Ainsi, les lieux privilégiés sont ceux qui attirent du monde à condition que le public concerné corresponde au profil de l'individu et à son besoin de tranquillité. Les usagers y viennent soit pour être en co-présence d'autres individus inconnus soit pour rencontrer certains collègues ou pour organiser un rendez-vous avec un client. Ces lieux sont volontairement choisis car pour certains ils représentent un moyen de combattre l'isolement, tandis que pour d'autres ils constituent un point de ressource pour se connecter ou un arrêt pour profiter des services proposés. Pour 38% des usagers interrogés le lieu est "subi". Cette appréciation concerne principalement la gare du Midi. Ceci est lié au fait, que le lieu ne présente aucune qualité d'aménagement, qu'il est inadapté aux nouvelles pratiques des travailleurs. Mais c'est une étape obligatoire dans leur parcours.

Gare du Midi : "Je n'ai plus de batterie sur mon ordinateur et il n'y a pas de quoi le recharger. Je vais bientôt m'arrêter de travailler mai je reprendrais dans le train." Gare du Midi : "J'ai dû aller au café, il n'y a pas de WiFi dans la gare." Des différences apparaissent avec les tiers-lieux décrit par R. Olberburg, à l'époque, il avait fait référence au fait que ces lieux étaient associés à l'univers de la maison. Aujourd'hui nous constatons une évolution de cette perception, ces lieux sont aussi associés à l'univers du bureau. Une autre différence apparait, les gens ne viennent pas pour être en groupe ou rencontrer du monde, mais recherchent davantage une co-présence, un état similaire à la situation rencontrée sur Internet que nous pouvons qualifier ainsi "être seul parmi tout le monde"99. Ceci soulève la question de la perte du rôle politique et éducatif des formes de tiers-lieux actuels qui était plus présent dans l'idée de R.Oldenburg. Ces formes de tiers-lieux sont dépolitisées car ces échanges sont relégués sur le réseau Internet ou dans des tiers-lieux "formalisés" de type coworking, hackerspace et fablab.... Les usagers reviendront dans ces endroits, car ils sont sûrs d'y trouver une communauté, une ambiance, un réseau performant leur permettent d'être plus productifs.

99 Entretien avec Camille BIBART, Coworker à la Matrice

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Source : Infographies réalisées à partie des résultats récupérés lors des interviews, "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015.

Figure 5 : Diagrammes, Usages et Tic.

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_ Usages des TIC

_ Types d'outils :

Que ce soit un point de passage spontané ou une destination déterminée à l'avance, ces tiers-lieux mélangent des individus aux aspirations et occupations différentes : travailler, rencontrer des ami(e)s, ou y faire un rendez-vous client, faire une visioconférence ou s'occuper de ses e-mails... La plupart des usagers, hommes et femmes, sont équipés principalement d'ordinateur et de Smartphone. J'ai pu constater que la majorité des usagers utilisaient des ordinateurs portables "standard" de type 13 ou 15 pouces car l'interface homme/machine et les performances sont plus adaptés, là où les ultra-portables de 9 et 11 pouces sont moins fiables et endurants pour travailler malgré leur poids et leurs prix avantageux. Le Smartphone vient souvent en complément pour les appels et pour certaines applications de géo-localisation, de moyen de paiement ou de connexion 3G/4G. L'usage de la tablette étant encore trop proche des deux autres, celle-ci est moins répandue, car elle ne semble pas offrir d'usages plus performants. Mais il est important de souligner que cela est aussi lié aux lieux étudiés. En effet, comme Mickael Doyle et certaines de mes interviews ont pu me le faire remarquer, que les TIC sont différentes suivant les lieux et du temps à disposition, par exemple le Smartphone est utilisé dans la voiture ou les transports tandis que les ordinateurs et tablettes le sont au bureau ou à la maison, etc. De plus, cette démultiplication du nombre d'outils donne la possibilité de faire plusieurs activités en même temps dans un même endroit.

_ Gare du Midi : "Je ne sors jamais mon ordinateur ici, j'ai trop peur de me le faire voler" _ Café Flamingo : "Je me suis arrêtée ici, j'ai eu deux rendez-vous dans le coin, je vais les retranscrire avant d'aller chercher ma fille à l'école Ici, Je suis sûre qu'il y a la WIFI "

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Source : Infographies réalisées à partie des résultats récupérés lors des interviews, "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015.

Figure 6 : Diagrammes, Les moyens de s'y rendre.

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Source : Infographies réalisées à partie des résultats récupérés lors des interviews, "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015.

Figure 7 : Diagrammes, Les raisons de s'y rendre 2.

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_ Transport / Flux/ Mobilité

_ Mobilités utilisées :

Pour se rendre dans ces lieux, 80% des personnes interrogées utilisent les mobilités douces de type, vélo, métro, marche et tram... Cela peut s'expliquer par le fait que ces lieux sont proches de pôles de mobilité urbaine, que l'on appelle des "hub" offrant un large choix de services de transports. Le fait d'être en centre ville, n'encourage par l'usage de l'automobile à cause des embouteillages et du manque de place de stationnement et surtout de l'impossibilité de travailler en conduisant. De plus, la voiture est proscrite par certains car elle représente un coût trop important, pour d'autre plus mobiles, elle est inadaptée à leurs déplacements, ou encore certain plus consciencieux du développement durable, préfère l'éviter, et les autres préfèreront vivre une expérience urbaines. Les transports publics peuvent être également un moyen de mettre à profit le temps de trajet ; comme l'évoque Jacques Attali100, l'économie collaborative nous permet d'économiser du temps pour le rendre plus "utile". Néanmoins, les usagers venant de l'extérieur de la ville de Bruxelles sont encore 20% à utiliser la voiture car les transports en commun y sont moins performants.

_ Types de déplacements :

Que ce soit des déplacements en tram, en vélo ou à pied ces nouvelles pratiques de travail sont génératrices de flux qui n'existaient pas auparavant. Ces flux seront différents pour chaque individu mais ils seront influencés par l'environnement urbain du lieu. Ainsi, nous constatons que le Bar du Matin, situé dans un quartier assez dense de logements, génère davantage de déplacements de courtes distances et crée des proximités avec le domicile. D'autres lieux, comme le Café de la Presse sur l'avenue Louise et le Flamingo vers Rogier, sont situés dans des zones de bureaux, ils génèrent ainsi plus de proximités avec le lieu de travail et seront généralement plus éloignés du domicile. En revanche, des flux plus importants et de longue distance seront générés, principalement, par des lieux ayant un usage spécifique comme la Gare et la bibliothèque mais aussi, ponctuellement, par des lieux plus communs situés dans des zones de logements comme le Café Belga. Cette situation témoigne d'un manque d'espaces de ce type à proximité du domicile ou du bureau des individus concernés. Ainsi, plusieurs habitants des communes de Scharbeek, de Jette, de Forest... font des déplacements plus importants pour se rendre dans ces lieux. 100 Vidéo conférence, "Internet vat-il tuer le capitalisme"- Keynote Jacques Attali, 33min49s, 25/11/2014 vidéo : dailymotion lien : http://www.dailymotion.com/video/x2b9qbd_internet-va-t-il-tuer-le-capitalisme-keynote-jacques-attali_tech

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Source : Infographies réalisées à partie des résultats récupérés lors des interviews, "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015.

Figure 8 : Diversité selon les genres et générations.

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_ Types d'agilité :

Cette analyse a permis de détecter, l'existence de différentes formes d'agilité, en fonction du nombre plus ou moins important de tiers-lieux individuellement utilisés. Cette agilité est en rapport à la pratique numérique et des mobilités physiques et cognitives individuelles. Comme l'enquête WITE 2.0101 réalisée par le groupe Chronos, on peut distinguer trois profils d'individus : le "mobile occasionnel"102, "l'hyper-mobile indépendant"103 et "l'hyper-agiles"104. En grande majorité, les femmes et les hommes de toutes générations confondues, sont des "mobiles occasionnels". Ils utilisent 1 à 2 lieux en dehors du travail et du domicile (université ou bureau). Néanmoins, les individus de la génération Y semblent être quotidiennement plus mobiles et se rendent dans 1 à 4 lieux différents pour faire des activités de travail, ils sont représentatifs de la figure de "l'hyper-mobile indépendant". Ensuite, lorsque les individus pratiquent 6 lieux et plus, ce sont des "hyper-agiles". "C'est la figure la plus aboutie du travailleur mobile"105, pour eux tout lieu devient un potentiel espace de travail. Cela est généralement lié à des activités professionnelles plus dynamiques telles que des indépendants ou des cadres supérieurs. Ce qui peut expliquer le fait, qu'aujourd'hui, il y ait deux fois plus d'individus de la génération X que Y dans cette catégorie.

_ Au Belga : "Moi, je suis une hyper-nomade. Maintenant, je suis au chômage mais je travaillais dans la communication et je faisais mes rendez-vous clients, mes appels pros et entre deux, je donnais rendez-vous à mes amies aux mêmes endroits. C'est pratique." _ Au Belga : "Je travaille à la maison et je viens ici principalement quand mon fils doit rester à la maison par ce qu'il est malade. Sinon, je ne peux plus me concentrer." _ Au Bar du matin : "Je travaille partout où il y a une connexion, dans les bars, les cafés, chez mes amies, et, de temps en temps, je vais dans l'espace de coworking pas loin. il arrive que je change de lieu, car certains ne peuvent ouvrir les réseaux dont j'ai besoin" 101 Enquête WITE 2.0 une étude sur le travail mobile, Groupe Chronos, " Prospective du travail mobile", étude quantitative menée en 2012 dans le cadre du projet WITE 2.0", 2012, (en ligne) lien : http://www.groupechronos.org/les-activites-de-chronos/etudes-pluridisciplinaires/wite-2.0-plateforme-unifiee-de-travail-a-distance. " Les tendances du travail mobile : _ Le "travailleur sédentaire" représente la figure traditionnelle du travail normé, dans le temps et dans sa localisation au lieu principal du travail, est battu en brèche par trois autres grands types : 102 Le "mobile occasionnel" reste proche de ces normes, mais s’approprie déjà le numérique 103 _ L’"hyper-mobile indépendant" traduit l’émergence d’un statut d’indépendant, très «numérisé», nomade mais fortement centré sur le domicile. 104 L’"hyper-agile", «agile» à tous égards (temps, espace, relationnel) La figure la plus pionnière. 105 MARZLOFF, Bruno, op. cit., p63.

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Carte de base source : Observatoire des bureaux (Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale) avec des données issues de la recherche personnelle Figure 9 : Cartographie, Café Belga

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– Carte de base source : Observatoire des bureaux (ministère de la Région de Bruxelles-Capitale) avec des données issues de la recherche personnelle

Figure 10 : Cartographie, Bibliothèque MuntPunt.

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Carte de base source : Observatoire des bureaux (ministère de la Région de Bruxelles-Capitale) avec des données issues de la recherche personnelle Figure 11 : Cartographie, Gare du Midi.

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Carte de base source : Observatoire des bureaux (ministère de la Région de Bruxelles-Capitale) avec des données issues de la recherche personnelle

Figure 12 : Cartographie, Café de la Presse.

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Carte de base source : Observatoire des bureaux (ministère de la Région de Bruxelles-Capitale) avec des données issues de la recherche personnelle Figure 13 : Cartographie, Café Flamingo.

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Carte de base source : Observatoire des bureaux (ministère de la Région de Bruxelles-Capitale) avec des données issues de la recherche personnelle Figure 14 : Cartographie, Bar du Matin.

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_ Attractivités du lieu :

Au cours, de mon enquête, des questions plus qualitatives ont permis d'évaluer l'adaptation du lieu aux nouvelles activités de travail suivant 7 critères : la qualité de la connexion Wifi, la capacité d'isolement et de concentration, la productivité ainsi que, la visibilité (l'apparence, la signalétique, la façade sur rue), l'accessibilité et la satisfaction du lieu. En effet, ces critères d'évaluation sont déterminants pour la qualité des activités de travail. Il s'en dégage que l'ensemble des lieux étudiés, et ceux indiqués par les usagers sont relativement similaires. Seule, la Gare du midi, sans accès wifi gratuit, ni prise électrique à proximité, ni espace adapté et sans zone plus calme, est un lieu dépourvu des qualités indispensables aux travailleurs. C'est un réel manque, car le brassage important d'individus associés au temps de latence, font des gares de formidables tiers-lieux en devenir. La SNCF l'a bien compris et a décidé106 d'équiper l'ensemble de son réseau de l'accès à internet d'ici 2016.

_ Belga : " Ils ont récemment ouvert une nouvelle connexion WiFi plus rapide et en accès libre. Il y a encore plus de monde maintenant." D'autre part, la présence de services ajoutés mettant à disposition de la nourriture et des boissons, des livres, ou encore d'autres appareils numériques, ne sont pas primordiales mais contribuent à la qualité de ces lieux. De même que la garantie de trouver des serveurs qui ne poussent pas à la consommation, un wifi qui ne demande pas de données personnelles type e-mail ou des prises électriques en nombre suffisant sont aussi des critères de sélection.

_ Belga : " Pour tout vous dire, on vient ici par ce qu'il n'y a pas de télévisions qui sont dérangeante. La musique est agréable et on peut boire un verre en discutant travail " _ Belga : " Je viens ici pour travailler car j'aime bien l'ambiance, le Wifi est fiable et les serveurs sont compréhensifs. Ils n'insistent pas pour que l'on consomme." _ Gare du Midi " Je n'aime pas les endroits où lorsque je me connecte on me demande de donner mon adresse e-mail ou si je dois me reconnecter toutes les trente minutes. Du coup, je n'y retourne pas" E14

106 AFP, "Une connexion internet sera disponible dans les trains en 2016", LIBÉRATION, 10 février 2015 à 14 : 43, (en ligne), "lien : http://www.liberation.fr/economie/2015/02/10/la-sncf-va-equiper-ses-trains-d-internet-d-ici-2016_1199506 consulté le 05/07/2015.

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Source : Infographies réalisées à partie des résultats récupérés lors des interviews, "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015. Figure 15 : Diagrammes, Indices de satisfaction.

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Source Google Map

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Source : Plans "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015. Figure 16 : Plan Café Belga.

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Source Google Map

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Source : Plans "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015 Figure 17 : Plan Bibliothèque MuntPunt.

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Source Google Map

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–– Source : Plans "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015 Figure 18 : Plan Gare du Midi.

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Source Google Map

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Source : Plans "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015

Figure 19 : Plan Café de la Presse

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Source Google Map

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Source : Plans "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015. Figure 20 : Plan Café Flamingo.

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Source Google Map

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Source : Plans "Tiers-Lieu", Elin Anne-Gaelle, Master 2, 2014/2015. Figure 21 : Plan Bar du Matin.

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Source : Photos prise par Elin Anne Gaelle dans le cadre du mémoire "Tiers-Lieux : nouveau modèle de travail et d'aménagement territoriale

Figure 22 : Photos personnelles, Ambiance Intérieurs.

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_ Architecture

L'analyse des lieux a permis de dégager des caractéristiques architecturales communes aux lieux définis comme des espaces potentiels de travail : les vues et l'aménagement intérieur et extérieur.

Ces endroits offrent une vue qualitative sur la ville, sur une place, sur une rue passante ou sur un espace animé. Ainsi, l'usager peut être à la fois acteur du lieu et spectateur des autres.

L'aménagement intérieur est diversifié en mobilier afin d'offrir aux utilisateurs des emplacements qui conviennent à son type d'activité ou à ses préférences. Dans ces lieux on trouve des sofas, des banquettes, de grandes tables communes ou de tables individuelles qui doivent être suffisamment larges pour pouvoir y poser son ordinateur, sa souris et son verre. Ainsi, certains choisiront de s'adosser contre les banquettes, car elles sont confortables, d'autres préfèreront se mettre sur une chaise plus proche de la fenêtre pour la luminosité ou pour pouvoir observer les passants, ou encore d'autres plus pressés choisiront de s'adosser au bar... Néanmoins la proximité d'une prise électrique pour pouvoir recharger l'ordinateur, le Smartphone... reste primordiale. Afin de ne pas perturber "la bulle intime"107 et d'assurer une sensation d'isolement à chaque individu, l'attention est portée sur le respect d'une distance adaptée entre les tables, sur la possibilité de choisir son type d'assise et sur le type de musique. L'ambiance agréable et conviviale de ces lieux est souvent évoquée comme une caractéristique de choix. Nous pouvons aussi remarquer que ces espaces sont ouverts et correspondent à l'état d'esprit que véhicule Internet, "c'est comme sur le Web, il n'y a pas de portes".108 Nous pouvons également noter que ces lieux disposent tous d'un espace extérieur prolongeant l'activité et l'ambiance du lieu sur la ville, créant ainsi une distance supplémentaire avec les possibles nuisances urbaines (voiture stationnée, livraisons, bruit, altercation...)

_ Café Belga : "C'est vrai que c'est assez étrange, mais je me sens plus isolé ici alors qu'il y a beaucoup de monde " _ Café de la Presse : "Il y a une grande table commune quand il y a des employés de bureau, ils s'installent là. Ca devient en espace de réunion de travail " _ Gare du Midi : "On vient ici pour prendre le train. Mais c'est toujours la même chose, il n'y a pas de WiFi, les tables sont trop petites pour y poser un ordinateur avec une souris ou une bière."

107 HALL, Edward T. (trad. Amélie Petita, postface Françoise Choay), La Dimension cachée [« The hidden dimension »], Paris, Points, 1978 (1re éd. 1971 en français, 1966 en anglais), 254 p. 108 Entretien avec Camille BIBART, Coworker à la Matrice.

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Source : Google Street View

Figure 23 : Photos Street View, temporalités.

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Source : Google Street View

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_ Impacts Urbains

Aujourd'hui, l'usage des technologies de la communication et de l'information pourrait permettre un regain de ces espaces, dont R.Oldenburg déplore la disparition dans le modèle urbain de "suburban sprawl" et qui ont connu une forte crise en Europe dans les années 2000.

Grace aux images capturées à partir de Google Street view, nous pouvons faire le constat que l'ouverture d'un espace type "tiers-lieux", adapté à l'usage des TIC, peut être un lieu suffisamment attractif pour "réactiver" certains endroits dans la ville. C'est e cas notamment du Café de le Presse qui a investi entre 2009 et 2014 un rez-de-chaussée d'immeuble de bureaux, réactivant ainsi l'espace public et la façade de cet immeuble. Ce type de développement ne nécessite pas de lourdes modifications, de simple tables et transats permettent de changer l'apparence et l'usage d'un simple trottoir.

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_ Les autres tiers-lieux :

Au cours, de cette recherche j'ai pu identifier 20 autres tiers-lieux potentiels dans la ville de Bruxelles. Ce sont d'autres cafés, le Walvis, le Potenkine, L'épaulé Jeté... ou des restaurations rapides, Le Pain quotidien, ESKI ou l'aéroport Zaventem et d'autres bibliothèques.

Par ailleurs, nous pouvons mettre en évidence qu'un seul des usagers interrogé, durant mon enquête, est adapte du coworking de st Gilles. Deux explications semblent plausibles, Camille, coworker à La Matrice de St Brieuc, ajoute qu'à Bruxelles les espaces de coworking sont chers et profitent d'un phénomène de mode qui ne reflète pas l'esprit originel de collaboration. On pourrait aussi supposer que les gens présents dans les lieux étudiés n'ont pas des pratiques ou des situations socioprofessionnelles nécessitant l'usage d'espaces de coworking.

Il est particulièrement intéressant de voir que des typologies inattendues comme la restauration rapide, boulangerie et snack, se sont adaptées à ces nouveaux usages pour devenir des tiers-lieux potentiels. Il serait aussi intéressant de faire l'observation de l'aménagement de l'aéroport Zaventem qui est apparemment beaucoup plus propice à l'usage de TIC. Finalement, la diversité des espaces propices aux tiers-lieux à proximité du domicile ou du travail est actuellement limitée essentiellement aux cafés qui sont les seuls à répondre aux exigences que nous avons citées précédemment. L'hybridation de programmes (laverie-café, boulangerie-restauration, vélo-café...) pourrait, à l'avenir, augmenter la diversité des offres de potentiels tiers-lieux.

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Carte de base source : Observatoire des bureaux (ministère de la Région de Bruxelles-Capitale) avec des données issues de la recherche personnelle Figure 24 : Cartographie, Autres Tiers-Lieux sur Bruxelles

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4. Évolutions architecturales et urbanistiques.

Nous avons vu comment les TIC ont progressivement modifié nos pratiques sociales, professionnelles et personnelles. La technique qui a impulsé ces mutations évolue plus vite que les lieux qu’elle impacte, ne laissant pas toujours le temps de les adapter. Les " quasi-objets " et les infrastructures complémentaires bouleversent l’usage historique de certains lieux qui doivent donc se montrer suffisamment flexibles pour s’adapter aux nouvelles pratiques. Les tiers-lieux incarnent la parfaite transition entre le modèle traditionnel issu du XXe siècle et le monde ultra-connecté qui s’annonce. Il faut toutefois relativiser ces propos, il ne s’agira pas de travailler n’importe où et n’importe quand ; la nature des taches à accomplir, le besoin de concentration ou d’intimité, les travaux d’équipes ou individuels et les envies des usagers maintiendront toujours un usage des espaces " classiques " de travail. Les tiers-lieux sont une nouvelle réponse qui émerge en parallèle du modèle dominant actuel des bureaux conventionnels. Ces nouvelles pratiques encore jeunes donnent lieu à de nouveaux espaces qu’il s’agit de comprendre en tant qu’architecte afin de répondre au mieux à ces questions. Dans cette optique la notion " d’écotone " de Yasmine Abbas, Architecte DPLG, titulaire d'un master complémentaire au MIT, et d’un doctorat à la Harvard University Graduate School of Design, constitue un outil conceptuel particulièrement intéressant aussi bien à l’échelle architecturale qu’urbaine pour appréhender ce devenir hydrique des lieux concernés. En écologie, il sert à désigner une "zone de transition et de contact entre deux écosystèmes voisins"109. La faune et la flore qui se développent à cette interface est plus riche que chacun de ces deux milieux. Ce processus de synergie (re)dynamise chacun des deux écosystèmes voisins. Par définition, l'écotone est une interface, c'est un milieu hybride créé par la rencontre d'espèces et de choses différentes.

« Nous sommes ici et ailleurs, connectés et en réseaux, paradoxalement mobiles et Immobiles en même temps » 110 Yasmine Abbas

109 ABBAS, Yasmine, " Les écotones, ces espaces de travail néo-nomade ", le monde, 06 Mai 2012, (en ligne), lien : http:// lesclesdedemain.lemonde.fr/organisations/les-ecotones-ces-espaces-de-travail-neo-nomades_a-12-1314.html consulté le 29/03/2015. 110 ABBAS, Yasmine, " Les écotones, ces espaces de travail néo-nomade ", le monde, 06 Mai 2012, (en ligne), lien : http:// lesclesdedemain.lemonde.fr/organisations/les-ecotones-ces-espaces-de-travail-neo-nomades_a-12-1314.html consulté le 29/03/2015.

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Avec les TIC le travail devient potentiellement omniprésent, on parle de travail ubiquitaire. Cependant, à chaque espace de travail correspond un écosystème particulier avec une "faune et une flore" distinctes. Dans cette logique les tiers-lieux sont des écotones urbains, des espaces hybrides entre domicile et travail entre vie privée et sphère professionnelle, entre concentration et convivialité... Les programmes s’hybrident et modifient notre appréhension de la ville, moins de déplacement car plus de mixité, plus de rencontre car plus de cohérence… Ainsi, le café se couple, au bureau, à la laverie comme le Whash&CO111 à Lille, au vélo comme le CaféVélo112

à Grenoble ou encore à l'imprimante 3D. Cette tendance tend à se généraliser alliant les avantages de l’un et de l'autre. Cependant, nous pouvons nous demander si cela ne mène pas à une perte du concept même de "tiers-lieu" ; s'il est partout, il n’existe plus localement. Et surtout pourquoi il y a autant de tendances qui émergent ? Et pourquoi tout semble devenir hybridité ? Cela signifie t-il la fin des typologies telles qu'on les connait ? Dans ce contexte technique, fini les bistros du coin, place aux cafés/laverie ou cafés/vélo, les combinaisons semblent infinies ! Mais tous les lieux n'ont pas le potentiel à être des tiers-lieux. De même, qu'un café lyonnais prône clairement ses intentions en quatre mots clés : “Food Wifi Musik Liquors”. À travers cette idée d’hybridation amplificatrice, ce sont de nouvelles typologies architecturales et urbaines qui apparaissent, il s’agit maintenant de les parcourir avec un regard plus prospectif car c’est bien le rôle de l’architecte, d'analyser et d'apprendre à repérer si un lieu est un potentiel tiers-lieu.

111 Les cachoteries de Lille, lien : http://lescachotteriesdelille.com/insolite/un-cafe-un-cookie-et-une-lessive-bienvenuechez- wash-co/_ consulté le 30/03/2015 112 CAFE VELO, lien : http://www.cafe-velo.fr/_ consulté le 30/03/2015.

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a. Quel devenir architectural ? Il s’agit de distinguer différentes typologies de lieux dans cette mouvance numérique lancée par les TIC. Nous pouvons aborder les tiers-lieux « informels » c’est à dire les lieux déjà existants où s’immiscent de nouvelles pratiques portées par les nouvelles technologies ; les tiers-lieux « formels » qui sont de véritables nouveaux espaces aux caractéristiques et communautés bien définies et pour finir les espaces de bureaux classiques qui se recomposent selon cette tendance.

_ Adaptation de lieux déjà établis : "tiers-lieux informels "

Au travers de notre investigation au cœur de la Capitale Européenne, nous avons mis en évidence certains comportements en lien avec une possible ré-organisation du travail grâce aux TIC, nous avons effectivement constaté que le travail explose et que l'accessibilité numérique permet cet élargissement des horaires traditionnels dans des lieux moins traditionnels et hors de l'espace du bureau. La notion de travail se diffuse car les possibilités techniques ont rendu possible cette diffusion. Ceci exerce une influence non négligeable et très variée sur nos comportements, allant depuis l'organisation de notre journée jusqu'au choix de tâches à compléter selon les conditions environnementales... Ces travailleurs mobiles prolifèrent dans ces espaces de tiers-lieux informels. Ils offrent aujourd'hui, une réponse à un public large et hétérogène, allant des chômeurs aux cadres et salariés, en passant par les étudiants et les professionnels indépendants. Ceci est lié au fait qu'ils sont adaptables à chaque type d'utilisateurs. Pour beaucoup, ces lieux représentent un bureau pas cher, pour d'autres c'est aussi un moyen de combattre l'isolement lié à leur situation professionnelle, pour d'autres ces lieux permettent d'être plus productifs grâce à la présence d'autres travailleurs et d'éviter les distractions et nuisances du domicile. Le changement de lieux permet de diversifier les contextes de travail et d'être plus dynamique, productif. Pour d'autres ces lieux, grâce à l'offre de services variés et l'assurance d'une connexion Wifi gratuite, sont de véritables "Oasis urbaines"113.

_ Le Café Flamingo : "Ça me permet d'avancer mon travail, avant de rentrer".

En quittant l'espace plus traditionnel du bureau, il y aussi une recherche de l'expérience urbaine (les opportunités qu'elle offre en termes d'expériences, de rencontres, de l'inattendu...) et un contact plus proche avec les autres qui sont semblables à lui même, la recherche d'une communauté, le face-à-face, pour collaborer et pour mutualiser les coûts.

113 Auteur inconnu, " The new oases : Nomadism changes buildings, cities and trafic rapport special mobilité ", The Economist, 10 avril 2008, lien : http://www.economist.com/node/10950463_ consulté le 24/03/2015.

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_ Le Bar du Matin : " Je viens ici aujourd'hui mais je change souvent de cafés, pour être plus efficace." L'individu de plus en plus autonome, doit être en mesure de répondre à plusieurs tâches et d'utiliser plusieurs supports numériques. L'usage des TIC est encouragé pour être plus productif bien qu'ils génèrent aussi des nuisances, des sollicitations par e-mail, par téléphone, par le fil de l'actualité des réseaux sociaux... Cela a pour effet de nous déconcentrer et nous rendre moins actifs. Ainsi, les tiers-lieux permettent de trouver un cadre plus structuré pour retrouver une dynamique et des horaires plus stables. Bien qu'on subit un éclatement des horaires grâce aux TIC et aux tiers-lieux, ceux-ci nous permettent aussi de conserver une activité plus organisée et structurée dans le temps.

Pour le moment, les tiers-lieux dits « informels » sont encore des espaces définis et nous les avons parcourus ensemble : café, gare, bibliothèque, aéroport… Leurs fonctions initiales se trouvent modifiées par les usagers qui attendent maintenant d’autres services. La nature relativement flexible de ces programmes et la situation stationnaire, d’attente ou de détente, qu’elle entraine est propice aux activités connectées. Ces lieux "destinés à être des espaces physiques ou virtuels de rencontres entres personnes et compétences variées qui n’ont pas forcément vocation à se croiser"‑114 constituent de nouveaux espaces de sociabilité où de nouvelles communautés se forment.

Avec l'évolution des technologies, on envisage un digital qui ne soit plus tributaire d'un lieu mais qui soit omniprésent partout et il est lié à l'individu même. Tous les lieux de parcours deviennent de potentiels tiers-lieux. Un imaginaire retranscrit dans la campagne de communication de Microsoft sur sa vision du travail dans le futur "Productivity futur vision"115. Les interfaces présentées, aussi bien en hardware (matériel) qu’en software (logiciel) rattachant l’utilisateur au monde numérique de façon omniprésente, sont toutes synchronisées, ce qui rend possible toutes les tâches, quelque soit l’endroit. Dans ce sens, faire usage de technologies mobiles connectées suffit à définir l’établissement spontané et temporaire d’un tiers-lieux.

Cette pratique des tiers-lieux inspirent toutes les prospectives du travail de main, quand à Sandra ENLART et Olivier CHARBONNIER116

, dans le livre « À qui ressemblera le travail demain », imaginent 114 Source : Wikipédia. 115 Microsoft, " Productivity future vision ", 6:88 min, lien : https://www.youtube.com/watch?v=w-tFdreZB94#t=109_consulté le 30/03/2015. 116 Sandra ENLART, est directrice de recherche en sciences de l’éducation à l’université de Paris Ouest Nanterre et co fondatrice de « DStide » et Olivier CHARBONNIER est directeur général de « Interface » et intervenant à Sciences Po

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en première partie "une Poule fiction" ces deux co-auteurs tentent de projeter les formes futures de l'espace de travail qui va se développer tels que des Label RLP "real life production" qui consistent à identifier les lieux décalés propices au travail et aux espaces « e-cool ». Ainsi, ils imaginent déjà un travail nomade toujours à la recherche de nouveaux lieux décalés pour travailler. Pour être plus productif le changement semble impératif et se fait via une mise en réseau de ces espaces géo-localisés dans la ville. Ce schéma relie modernité et tradition pour former un futur développement économique collaboratif et décentralisé, un retour du vagabondage. L'expression de Lisa Belkin devient plus vraie que jamais.

« You won't find me in my office, i'm working ».117 Lisa Belkin

De nouvelles temporalités et de nouvelles cohabitations sont envisageables pour répondre aux aspirations des générations "Y et Z" qui arrivent. Le mono-programme n’existe plus, le temps est à l’hybridation, temporaire, spontanée ou revendiquée, les usages indéfinis sont une norme à intégrer dans l’établissement des programmes.

À l’heure actuelle le réseau Internet sans fil n’est pas omniprésent, mais devrait beaucoup évoluer d’ici 10 ans grâce notamment aux projets de Google et Facebook qui visent à couvrir les zones les plus reculées avec des drones ou des mini-satellites118. Néanmoins, cela reste un effet d'annonce qui ne garantit pas de résultats. Mais ce type de technologies pourrait par la suite représenter une solution pour les zones plus isolées et actuellement moins bien connectées par le réseau filaire. Pour le moment le projet de la mise en place de la fibre continue d'équiper les zones déjà urbanisées c'est la "cumulativ' causalité", c'est à dire que les lieux qui étaient bien connectés auparavant restent bien connectés. L’accomplissement du tiers-lieu à travers sa généralisation massive pour tous et partout fera de chaque endroit un potentiel espace connecté. Dans ce domaine, Google a annoncé début août 2015 que le premier pays connecté intégralement sera le Sri Lanka et ce dès mars 2016 grâce à des ballons stratosphériques autonomes. Facebook quant à lui n’a pas tardé à réagir en présentant son drone ultra-léger de l’envergure d’un Boeing 747 devant lui aussi fournir une connexion performante aux zones les plus reculées de la planète. Si ces deux initiatives privées aboutissent, la notion de tiers-lieu sera plus informelle que jamais. Une actualité qui laisse présager un élargissement et une extension des tiers-lieux.

Paris, à l’Escp et dans plusieurs universités. CHARBONNIER, Olivier ; ENLART, Sandra, op. cit. 117 BELKIN, Lisa, " Life's Work : You Won't Find Me in My Office, I'm Working ", The New York Times, 13 Décembre 2007. 118" Loon for all " projet de google de couvrir en connection Internet l’ensemble du globe.

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_ "Tiers-lieux formalisés" : des espaces pour se rencontrer et créer.

Devant le développement de ces pratiques hydriques, de nouveaux lieux se développent et assument pleinement leurs statuts de tiers-lieux établis. Bien qu’il s’agisse encore d’initiatives alternatives et expérimentales, ces nouvelles typologies de programmes répondent à l’émergence de cette demande de confort de souplesse et de collaboration. L’emploi du terme "tiers-lieux" ne leur convient qu’à moitié car il ne s’agit pas de l’hybridation d’un programme existant passé à la moulinette 2.0, comme les lieux étudiés, mais de véritables nouvelles typologies de programmes avec leurs caractères propres. Ce sont par exemple les espaces de coworking, les makerspaces, les hackerspaces et les fablabs, qui tout comme les tiers-lieux, visent à associer le confort du travail à domicile et la richesse sociale du travail en entreprise en faisant cohabiter des travailleurs issus de milieux différents. "119. Il est d’ailleurs délicat de parler de " travail " dans ce type de lieux incompatibles avec le monde professionnel, comme le montre Michel Lallement dans son livre, c'est "L’âge du faire. La multitude de pratiques et d’intérêts présents dans ces lieux questionne la notion de travail. D’après ce professeur en sociologie au conservatoire des Arts et Métiers à Paris, les protagonistes de ces lieux sont en première ligne d’un mouvement global qui va reformuler une nouvelle idée du travail à travers une autre éthique plus collaborative plus spontanée parfois même désintéressée. L’étude approfondie, réalisée au cœur de la Silicon Valley, qu’il nous présente, nous montre comment ces nouveaux tempéraments ne sont pas incompatibles avec l'économie capitaliste, ils sont d’ailleurs souvent le tremplin de nombreuses start-up. Les espaces sont ouverts et sans place attribuée pour encourager les déplacements et les échanges, ce qui amplifie la puissance de ces lieux. Ils ont la particularité d’être accessibles à tous contre une cotisation annelle ou mensuelle pour subvenir aux frais de fonctionnement. Ce sont des espaces utilisés et gérés par des passionnés ayant des valeurs communes tournées vers la culture, le développement durable, l’éducation, le partage… Il faut noter que tous ces lieux ne sont pas de même nature et répondent à l’émergence de communauté bien différente. Ainsi les coworking s’adressent plus aux travailleurs nomades. Toutefois, lors de mes interviews j'ai constaté que peu de personnes pratiquaient ce type d’espace. Il convient donc de marquer une distinction entre tiers-lieu et coworking. Là où les cafés, bibliothèques et gares abritent temporairement les travailleurs en transit issus d’entreprises plus importantes, les coworking sont le parfait point de chute pour les start-up et micro-entreprises qui peuvent y louer des bureaux à l’unité au sein d’un espace de travail plus grand.

119 LALLEMENT, Michel, "L’âge du faire, Hacking, travail, anarchie," Ed. du Seuil, 2015,

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121 Photographie_L'espace de coworking HUB Bruxelles

Photographie_ HackerSpace de Noisebridge, principa sujet d'études du ivre de Pierre Lallement

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Ces travailleurs semi-nomades disposent ainsi de tous les services d’un bureau « traditionnel » photocopieur, ligne de téléphone fixe, rangement, cuisine… qui sont absents des tiers-lieux. Dans un autre registre les fablabs, makerspaces et hackerspaces sont plus alternatifs et s’adressent plus aux créateurs, designers, bricoleurs, architectes, ... car ils disposent de machines bien spécifiques permettant de réaliser des objets. Ces lieux plus associatifs sont de véritables micro-usines de prototypage où se rencontrent autour d’une même table : conception, fabrication, marketing, hacking… Il n’est pas rare de voir un de ces espaces de fabrication au sein d’un espace de coworking et vice-versa, ce qui atteste de la grande porosité des pratiques dans cette nouvelle économie. Le mode d’organisation sociale de ces lieux est hérité en partie des mouvements contestataires des années 1960-70 aux USA, l’organisation de la communauté se fait sous la forme du « consensus » sur un modèle de « doocratie» (néologisme issue de « do » = faire et démocratie). C’est à dire que, celui qui fait, a forcément son mot à dire quelque soit son âge, ses origines et sa formation. Sa légitimité est issue de son action pour la communauté. Les échanges et conversations jusque là relégués dans les zones secondaires type cafétéria, cantine... sont au cœur de la démarche. Ils sont organisés en réseaux polycentriques interconnectés, à l'image d'un développement social qui est apparu avec le Web 2.0 et la matérialisation de son mode de partage et d'échange de communautés en lignes. Ces espaces d’un nouveau genre ont la volonté de véhiculer la culture de l'open source120, qui est apparue aux origines de l'informatique. Chacun est invité à venir avec ses idées pour les mettre en pratique. En cas de problème, il est possible à chaque instant de demander de l’aide à une personne plus compétente sur la question.

"Un tiers-lieu ne se définit pas par ce qu'il est mais par ce que l'on en fait."121 Ainsi, pour renforcer et conserver cet esprit communautaire, certains concepts sont mis en place tels que : la présence de concierges qui gèrent l'organisation du lieu, des activités, des monnaies partagées, des conférences organisées par les coworkers eux-mêmes ou des intervenants extérieurs, etc. En effet, pour augmenter le capital social et parce que ces lieux portent en eux l’ADN d’une société plus apaisée en opposition au capitalisme consumériste, certains espaces utilisent des monnaies alternatives : bitcoin, banque de temps ou monnaie locale. Par exemple, Camille m'a expliqué que dans l'espace de coworking de la Matrice de St Brieuc en France, a été développé le "Pokoù" traduit par "un bisou" en Breton. Ces "Pokoù" peuvent être gagnés en échange de services,

120 La culture de l'open source : c'est l'idée que la connaissance et l'information doivent être en accès libre. Il s'agit de donner et de diffuser les clefs de compréhension d'un système. 121 Wikipédia8consulté le 30/07/2015.

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d’anniversaires ou pour toute action contribuant au bienfait communautaire. Le concept de coworking space est un "tiers-lieu" formalisé dans le sens où ces espaces de bureaux partagés ont pour ambition de garder l'état d'esprit du "tiers-lieu" mais avec des limites spatiales clairement définies et une structure formalisée à travers la mise à disposition d'un lieu, d'une salle, de bureaux et l'adhésion des coworkers à une organisation interne déjà installée.

"In fine, les espaces de coworking comme les tiers-lieux, de manière générale, se caractérisent comme des communautés denses : partage, échanges, collaboration, capitalisation des connaissances, autonomie, place centrale de la "subjectivité humaine" "122

Ces lieux sont des endroits propices à l'innovation et attirent de nouveaux publics. Suivant leur localisation, ces espaces auront des fonctions différentes et participeront pleinement à l'attractivité économique des territoires qui peuvent ainsi être redynamisés à l’échelle urbaine. Incubateurs, pépinières, ruches et autres accélérateurs sont entrés dans le champ lexical des planificateurs urbains comme une nouvelle approche à la mode, mutualisante et citoyenne.

La porosité entre la sphère professionnelle et la sphère privée, crée un élargissement de la notion de travail qui devient de ce fait plus relative. Se rendre dans ce type de lieux devient un acte social où il s’agit de voir et d’être vu en pleine activité. Le rôle de vitrine publique de ces lieux est ici conservé et amplifié et le besoin d’être ensemble, même lors d’action individuelle, en fait des lieux recherchés.

_Bibliothèque MuntPunt : " À Amsterdam, il y a plein d'espaces de coworking, mais je trouve que ce sont des endroits pleins de Hipster qui ne travaillent pas vraiment et viennent seulement pour se montrer".

122 CHAPIGNAC, Pierre, "Le tiers-lieu, moteur de la créativité", Zones Mutantes, 2012, (en ligne), lien : http://www.zonesmutantes.com/2012/02/08/le-tiers-lieu-moteur-de-la-creativite-economique-sociale-et-culturelle/_ consulté le 05/08/2015.

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_ Au delà des Tiers-lieux : reconfiguration de l'existant.

Les espaces de bureaux « conventionnels » ne sont pas en reste et évoluent eux aussi vers de nouvelles tendances. C’est une autre page de l’histoire de l’évolution du bureau, que nous avons parcourue ensemble, qui est en train de s’écrire. William J. Mitchell enseigne l'architecture et l'informatique au MIT et fait des recherches sur la théorie de la conception et sur l'application de l'informatique à l'architecture et au design urbain. Il s'est fortement intéressé aux transformations de la société à l'ère de l'information numérique sans fil. Il a assisté Frank Gehry pour la conception du "Stata Center" à Cambridge, conçu comme un "espace hybride" d'un nouveau type. Il explique que les technologies mobiles ont eu comme impact de ne plus attacher les gens à un l'espace spécifique aux fonctions d'apprentissage, de travail, de recherche. En effet, les ressources disponibles en ligne entrainent une énorme baisse de la demande d'espaces privés et fermés tel que des bureaux, salle de classe et bibliothèques et parallèlement à cela, une augmentation de la demande d’espaces semi-publics qui peuvent être affectés à des espaces de travail informels123. Cette évolution bouleverse profondément la manière dont nous devrons établir les programmes architecturaux dans les années à venir car au XXe siècle, les espaces étaient conçus de manière monofonctionnelle : les bureaux pour travailler, la cafétéria pour manger, les couloirs pour circuler, ainsi de suite… Cela est notamment dû au fait que l'aménagement des bureaux devait répondre à la nécessité d'être à proximité d'un ordinateur fixe, d’un téléphone fixe, du télécopieur, du photocopieur, des classeurs... De plus, lié à une économie des matériaux de construction, la structure des bureaux a favorisé une conception suivant une trame répétitive et simple. Or, avec l'avènement des technologies mobiles, l'architecture devra répondre à ces programmes "multifonctionnels". Là où au XXe siècle, l’esthétique des bâtiments de bureaux inspirait le pouvoir et la hiérarchie, les projets à venir devraient évoquer les nouveaux rapports humains liés à ces évolutions. L'agence de design Néerlandaise RAAAF en association avec les chercheurs de l'université de Groningen a imaginé "le bureau le plus futuriste au monde"124. Il est pensé en termes d'activités et de positionnements du corps plutôt que par des éléments mobiliers. Désormais, les futures

123 Traduction personnelle via Version originale " a huge drop in demand for traditional, private" ... " a huge rise in demand for semi-public spaces that can be informally appropriated to ad-hoc workspaces", enclosed spaces : Auteur inconnu, " The new oases : Nomadism changes buildings, cities and traffic rapport special mobilité ", The Economist, 10 avril 2008, lien : http://www.economist.com/node/10950463_ consulté le 24/03/2015. 124 LAMOUREUX, Mélodie, "Le bureau le plus futurisme au monde est à Amsterdam", Le journal de Montréal, 13/01/2015, lien : http://www.journaldemontreal.com/2015/01/13/le-bureau-le-plus-futuriste-du-monde-est-aamsterdam_ consulté le 13/01/2015.

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Photographie_ Agence RAAF, Le bureau le plus futuriste du monde, lien : http://www.journaldemontreal.com/2015/01/13/le-bureau-le-plus-futuriste-du-monde-est-aamsterdam consulté le 13/01/2015.

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transformations du bureau, des tiers-lieux et de l'espace urbain liées aux nouveaux usages semblent découler davantage du design que de l'architecture.

Actuellement les grandes entreprises de la Silicon Valley principales actrices du monde numérique : Google, Apple et Facebook, déjà novatrices dans ce domaine dans le début des années 2000, sont en train de construire leurs nouveaux Campus pour les années à venir. Facebook a récemment terminé son campus avec Frank Gehry. Le projet présente une seule immense salle de travail entièrement ouverte conçue pour 10 000 travailleurs sans bureau fixe. Un parc sur le toit complète l’aspect communautaire et ouvert que veut instaurer l’entreprise.

Google de son coté a choisi les agences d’architecture Big et Hetherwick en collaboration pour son Campus. Le projet envisage de grands plateaux ouverts et multifonctionnels, modifiables automatiquement grâce à des robots. Le tout sera sous un grand dôme reconstituant une atmosphère confortable de travail avec des arbres et des places tournées vers la ville. Les perspectives du projet montrent une multitude d’activités annexes encouragées par l’architecture des lieux, des pistes cyclables, des jardins, des cafés et des commerces locaux, à tel point qu’ils ont bien fait d’annoncer qu’il s’agissait bien de " bureaux " car l’impression que personne ne travaille est bien présente.

Le projet d’Apple se concentre sur lui-même pour laisser le plus de place possible à un immense parc public évidemment disposant du Wifi public gratuit « made by Apple » comme dans tous ces magasins qui sont devenus des tiers-lieux par la force des choses. Les bureaux sont organisés dans un anneau sans partitionnement, ce qui permettra de recomposer les espaces en fonction des équipes de travail qui évoluent pour chaque projet.

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Photographie_ Futur Campus de Google

Photographie_ Futur Campus d'Apple à Cupertino, San Franscisco

Photographie_ Intérieur du futur Campus de Facebook

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Ces projets sont tous de véritables manifestes architecturaux véhiculant les valeurs et la vision de ces trois entreprises pour le bureau de demain. Ces trois géants du numérique nous livrent ainsi d’excellents exemples de bureaux ouverts et connectés.

"Les imaginaires associés à ces tiers lieux irriguent peu à peu l’aménagement des bureaux traditionnels."125

Nos nouveaux usages de la ville transforment le paysage du bureau. On amène de la vie, de la ville dans les espaces de travail. Ainsi, pour leur nouveau projet de bureaux Google et Facebook vont imaginer toute une ville dans laquelle les bureaux semblent devenir de véritables centres de loisirs.

"Le bureau a pris une apparence intérieure car nous avons besoin d'une vie, il simule la ville. Junkspace est disposé comme la maison urbaine, un lieu où les bureaux deviennent des sculptures"126 Si ces évolutions ne constituent pas encore un modèle à part entière, elles sont révélatrices d'une rupture et de nouveaux besoins. Bien que nous soyons de plus en plus mobiles et flexibles, cela ne signifie pas pour autant que le bureau va entièrement disparaitre mais il devra prendre différentes formes. Ainsi, Jérémy Myerson, dans son texte “Power of the network", projette une nouvelle organisation du travail différencié en quatre grandes catégories : "« L’Académie », qui est un regroupement collégial d’employés se formant à une discipline ou cherchant à acquérir des connaissances communes tel que le « learning lab », à l’image de celui, emblématique, imaginé par le Centre d’innovation pour l’apprentissage de Stanford. « La Guilde », qui s’inspire du Moyen âge, est un site où un groupe de gens s’adonnent à une même tâche. Dans les villes médiévales, il y avait ainsi un quartier des horlogers, des joailliers, etc. Par exemple, « L’Hospital Club » de Londres est un lieu dédié aux “professions créatives” (musique, art, film...) et doté des équipements et studios adéquats pour enregistrer images et son. « L’Agora » est un lieu ouvert sur le monde ; c’est typiquement le tiers-lieu. Enfin, la « Loge » abolit la distance entre vie privée et professionnelle, c’est l’aire de travail intégrée à la maison, chez soi : le bureau distant. "127

125 BELLANGER, François, "Work in process: c'est quoi un bureau demain ?", Transit City, 03/12/2012, (en ligne) lien : http://transit-city.blogspot.fr/search?q=coworking_ consulté le 07/07/2015. 126 KOOLHAAS, Rem, Junkspace, éd. Payot, 2011, p.186 127 SUSSAN, Rémi, "L'avenir du bureau", Internet Actu, 30/10/14, (en ligne) lien : http://www.internetactu.net/2014/lavenir-du-bureau_ consulté le 04/08/2015.

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De la même manière, dans une interview128 pour AASTRA France, Olivier CHARBONNIER énumère quatre caractéristiques pour les entreprises de demain : "l'espace de travail doit devenir un espace de ressource, pour le moment il reste un lieu de contrainte. 1- un lieu de travail qui soit ouvert sur son quartier, qui soit accessible à des associations de quartier, qui soit valorisant et stimulant, 2- un espace de travail qui soit agréable pour permettre des collectifs de travail par petits groupes de trois ou quatre personnes pour se retrouver et produire ensemble. Bien que l'on parle de plus en plus de collaboration, ce n'est pas le cas aujourd'hui. 3- des espaces qui permettent de s’isoler totalement du bruit et des autres. 4- des espaces qui permettent de faire un travail de plus en plus cognitif."

« Il n'y aura pas d'espace de travail type, tout simplement parce qu'il n'y aura pas un modèle type de création de valeur. » 129 Sandra Enlart et Olivier Charbonnier

128 Aastra France, " Interview de Olivier Charbonnier : A quoi ressemblera le travail demain ? ", lien : https://www.youtube.com/watch?v=CNtbR3R33Gg_ consulté le 08/03/2015. 129 CHARBONNIER, Olivier ; ENLART, Sandra, "A quoi ressemblera le travail demain ? ", Dunod, (6 février 2013).

.

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"Accompagner la transformation du travail, c'est accélérer la transformation de la ville"130

130 MARZLOFF, Bruno, op. cit., p.59.

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b. Mutations urbaines

Comme nous avons pu le mettre en évidence les technologies numériques, et en particulier les objets mobiles, ont un impact non négligeable sur les dispositifs construits à l’échelle architecturale et urbaine (forme des bâtiments, aménagements, transports, logements, programmes multifonctionnels et collaboratifs). Il s'agit de comprendre les mutations du travail et de la mobilité pour penser la ville de demain.

_ Les tiers-lieux : un nouvel espace d’équilibre au cœur d’une ville plus efficiente

Les villes telles que nous les connaissons aujourd’hui sont issues du "modèle moderniste" et centralisé où le purisme et l'ordre de la hiérarchie inspirent une vision fonctionnelle de la ville. Ainsi, les villes d'après guerre vont se reconstruire en mettant en place des principes de planification et de conception à l'image des usines et des bureaux avec une manière stricte et hiérarchique de penser l’espace urbain. Le dessin de la ville est orienté par la concentration fonctionnelle en délimitant des zones indépendantes aux fonctions bien définies : la vie, le travail, les loisirs, l'habitation. Elles étaient déterminées par les infrastructures de transports, principalement basées sur l'usage de la voiture. Par la suite, le développement massif de l’économie et l’explosion de la consommation entrainent l'apparition périphérique des banlieues dortoirs, des zones commerciales, des quartiers d’affaires, des zones d’activités et des parcs de loisirs. Tous ces équipements urbains se développent parallèlement sans préoccupation environnementale, liés à l’étalement urbain (embouteillages, terrains imperméables, consommation d'énergie, pollution, gestion des déchets...). Aujourd’hui, après ces années d’insouciance énergétique et consumériste, les préoccupations environnementales demandent de nouvelles logiques de développement pour réduire leurs impacts et les rendre plus agréables à vivre. Cela est d'autant plus indispensable lorsque nous savons que le nombre de citadins croitra de 75% dans le monde d'ici 2050. En 2025, la planète comptera 37 mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants131. Ces niveaux de densité vont entrainer des situations complexes de gestion des ressources, des transports et du cadre bâti. Dans les années 1970, Alvin Toffler énonçait déjà : « L'une des choses les plus improductives de notre économie est de déplacer chaque matin des millions de personnes vers des zones de travail puis chaque soir vers leur domicile ».132 Actuellement "les transports représentent 49% des énergies utilisées à travers la planète133. L’optimisation des

131 DODDS, Richard et al., "Urban world : Mapping the economic power of cities", Mars 2011. lien : http://www.mckinsey.com/_ consulté le 05/08/2015. 132 TOFFLER, Alvin," Le Choc du futur, Denoël", 1971, in., MARZLOFF, Bruno, op. cit., p.17. 133 Cf. le rapport "Bilan énergétique de la France pour 2012", commissariat général au développement durable.

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infrastructures de transports couplée à une nouvelle organisation des activités constitue un enjeu essentiel dans une logique de développement durable.

La forme de la ville est profondément affectée par l’usage de l’automobile lors des déplacements quotidiens et polarisés (domicile, travail, activité, loisir, consommation). L’extension inexorable de l’automobile et la rigidité des modèles de travail ont contribué à son développement hégémonique. La consolidation massive de ce schéma durant ces cinquante dernières années a produit des métropoles complexes qui deviennent ingérables aussi bien écologiquement qu'humainement. La mise à niveau des infrastructures ne suffit plus, il faut repenser les raisons qui poussent les usagers à se déplacer. Pour sortir du modèle des déplacements pendulaires, la formation de métapôles134 polycentriques basées sur des services équitablement répartis semble être une solution viable - une direction que les tiers-lieux semblent annoncer. De même, l'évolution des banlieues américaines en nouveaux centres urbains, liés à l'apport de nouveaux services de proximité, décrits par l'urbaniste Joel Garreau dans sa théorie des "edges cities" ; la présence de tiers-lieux de proximité pourraient devenir de nouvelles formes de centralités dans des villes dortoirs, participant au polycentricisme des métropoles. Cependant il ne s’agit pas seulement de repenser la grille d’infrastructures ; les usages et les temporalités sont également à penser dans un nouvel équilibre plus diffus. "La localisation du travail a de tout temps affecté l'aménagement territorial." 135 Bruno Marzloff

Dans de nombreuses villes, les transports en commun se retrouvent saturés aux heures de pointe et les coûts de mises à niveau des réseaux sont trop importants. Dans l’optique d’un modèle de travail plus diffus, le concept même « d’heure de pointe » pourrait être dépassé. Bien que les déplacements pendulaires existent encore, il s'agit de les complexifier pour permettre d'autres temporalités et

134 "La métapole est un terme de François Ascher qui introduit une nuance au terme métropole qui la vie héritée de a révolution industrielle). Les métropoles ont été transformées et sont en voie de transformations sous l'essor de l'automobile, de la mobilité, des nouvelles technologies de l'informatique et de la communication. La métapole englobe et dépasse la métropole dans la mesure où elle recouvre "l'ensemble des espaces dont tous ou partie des habitants, des activités, économique ou des territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien d'une métropole. Une métapole constitue généralement un seul bassin d'empoi, d'habitat et d'activités. Les espaces qui constituent une métapole sont profondément hétérogènes et pas nécessairement contigus. Une métapole comprend au moins quelques centaines de milliers d'habitants. C'est d'autre part une ville qui ne s'inscrit plus seulement dans un système national mais de pus en plus dans un réseau international." source : François Tomas, "François Ascher, Métapolis ou l'avenir des villes", revue de géographie de Lyon, 1997, volume 72, numéro 75-2 p. 126. Source Persée.fr lien : www.persee.fr/web/revues/home/prescript/artice/geoca_0035-113x_1997_num_72_2_6254 consulté le 03/08/2015. 135 MARZLOFF, Bruno, op. cit., p81.

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d'autres spatialités. Si tout le monde ne se rend pas au travail aux mêmes heures et dans une plus grande diversité d’endroits, les phénomènes de congestion liés à la centralisation des activités s’estompe naturellement. Selon l'INRIX, Bruxelles est la première ville du monde la plus embouteillée. Les conducteurs y perdent 55h par an dans la circulation.136 Les enjeux d’optimisation du temps de transport lié au travail sont essentiels. Dans une série de reportages diffusés sur Arte, intitulée "Les villes du futur"137 on découvre une série d’innovations en terme de "Smart-city" liées aux énergies et aux transports. Ainsi le système "Oyster card", a permis à Michael Batty architecte-urbaniste et géographe britannique de modéliser les flux de voyageurs Londoniens. On y voit les pics d'affluences sur le réseau. C'est le "pouls de la ville" qui représente les "migrations pendulaires". Les données collectées permettent ensuite aux services d’améliorer l’offre de transport en modulant le nombre et la vitesse des rames de métro sur le réseau allant parfois jusqu'à rediriger le flux de passagers dans les stations. Ces questions croisées montrent l’enjeu territorial des tiers-lieux qui pourraient avoir de nombreux impacts et ce bien au delà de la terrasse des cafés.

"Conjuguez deux mots : "distance" et "autonomie" et un troisième arrive : " mobile ". Comme il n'y a pas de mobilité sans halte, ajoutez "tiers lieu" : ni le siège du travail, ni le chez-soi."138 Bruno Marzloff

Paradoxalement, en offrant une connexion virtuelle depuis n’importe quel point connecté, les TIC permettent aussi la mise en place d’un système moins mobile. La nécessité du déplacement se fait moins sentir lorsqu’il est possible de contacter des collaborateurs, clients ou supérieurs par Internet ou en donnant des rendez-vous dans des lieux plus proches et hors de l’entreprise. Cette nouvelle donne, faite de travailleurs " sans bureau fixe " permet de repenser les usages urbains et ce qui a un impact important sur ces infrastructures existantes.

136 INRIX, lien : http://www.inrix.com/press/2706/_ consulté le 06/07/2014. 137 CASTAIGNÈDE, Frédéric, "Les nouvelles villes", France, 2014, 52 min, publié sur Arte, "Les villes du futur", mise à jour le 06 Mai 2015, lien : www.future.arte.tv/fr/les-villes-du-futur consulté le 02/08/2015 138 MARZLOFF, Bruno, op. cit., p81.

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_ La smart city :

Dans cette optique le développement des " Smart-city " constitue une réponse aux enjeux énergétiques, humains et économiques au cœur des villes. À travers une logistique numérique faite de capteurs, de caméras et de réseaux, il est possible de coordonner des actions urbaines autrefois indépendantes afin d’optimiser une situation. Il en est ainsi pour les feux rouges qui régulent les embouteillages, les éclairages publics qui s’allument seulement lorsque quelqu’un passe en dessous, la récupération des déchets, la prévention des crimes, etc. Derrière cette réponse high-tech se cache cependant une réalité de surveillance et de fichage de masse des citoyens d’une ville qui sont suivis dans tous les faits et gestes. Il ne reste qu’a chacun d’être dans la norme pour ne pas se faire remarquer par " Big Brother ". Cette mode des Smart-city, Smart-grid, Smart-phone, Smart-building, etc… reste une couche numérique supplémentaire que l’on applique à la ville. Ce n’est pas une refonte profonde de nos habitudes de consommation ni de déplacement, d’autant que ces data-centers et salles de contrôles consomment énormément d’énergie tout en restant vulnérables aux possibles piratages… L’expression " Green-washing " qui pointe le manque d’innovation de certains projets "verts" agrémentés excessivement d'arbres et de pelouses, peut aujourd’hui être remplacée par " Smart-washing " où chaque élément urbain exempt de puces RFID ou de caméras de surveillance n’est pas dans " l’ère du temps ". Nous pouvons également rajouter que ces projets sont déployés par le haut (sphère politique, entreprises, institutions..) et ne prennent pas suffisamment en considération les initiatives locales et culturelles et la démocratie territoriale qui se retrouvent exclues.

Dans une conférence à Brussels en septembre 2014 lors du meeting " High Level Group on Smart Cities "139, Rem Koolhaas pose la question suivante comme une sorte de provocation : " Are Smart Cities condamne to be stupid ? (Les Smart city sont-elles condamnées à être stupide ?). Il développe ainsi quelques points concernant la surveillance, l’économie et les valeurs de ce mouvement qui est en train de parcourir le monde. Toujours sur fond de second degré teinté de vérité, Koolhaas poursuit à propos des villes qui sont passées du champ architectural au champ technologique, les valeurs ancestrales de l’Europe " liberté, égalité, fraternité " sont aujourd’hui remplacées par " confort, sécurité, écologie ".

139 Rem Koolhass, "Rem Koolhass asks : Are smart cities condemned to be stupid? ", Archidaily, 10 décembre 2014_ lien : www.archidaily.com/576480/rem-koolhaas-asks-are-smart-citie-condemned-to-be-stupid_ consulté le 06/08/2015

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" Les "smart city" sont une réponse séduisante mais insuffisante"140

140 "Les premières pistes d'innovation d'alléger la ville", la FING, (en ligne), lien : http://fing.org/?Les-premieres-pistes-d-innovation_ consulté le 08/08/2015.

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Bernardo SECCHI et Paula VIGANO (2011), La vile poreuse : Un projet pour le Grand Paris, France : Metispresses

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_ La (ré)industrialisation de l'économie urbaine Les rassemblements de fonctions que déclenchent ces intérêts communs peuvent être vu comme une solution d’évitement à la crise car ils réinstaurent des logiques économiques locales ancestrales. Un autre article de François Belanger sur transit-city évoque cette transition localisée "Et si le post-fordisme annonçait un certain néo-médiévalisme ? "141. La réflexion part du constat que la période industrielle qui a conduit à l’externalisation des fonctions productives de la maison (artisanat, bricolage, édition, services...) vers d’autres espaces, à l’usine puis au bureau. L’hypothèse qui est ensuite analysée décrit le processus de (ré)appropriation des activités productives à l’échelle locale (ville, quartier, habitation) à travers de nouveaux outils. Le développement récent des TIC, tiers-lieux, fablab et coworking s’apparente à un modèle de production et de consommation local en pratique au Moyen-âge, d’où le terme de médiévalisme employé par François Belanger. Par ailleurs, les tiers-lieux sont des zones partagées et des centres d'innovations dynamisants pour les territoires. Ces espaces peuvent représenter des leviers économiques, sociaux et culturels afin de permettre un basculement vers un nouveau modèle de société basé sur une relocalisation d’une nouvelle forme d’industrie. Le fait de mettre à disposition des outils, des logiciels et des connaissances, auprès d’un large public marque l’avènement de la culture du "faire soit même" ou "Do it Yourself"

142 qui est porté par le mouvement des Makers143, apparu dans les années 1970 avec la contre-culture américaine. Cette mouvance créative est aujourd’hui portée par les idéaux de la génération web et la culture numérique, notamment celle des hackers qui partagent de nombreuses valeurs en commun. Ainsi, pour Chris Anderson, rédacteur en chef de WIRED144, cette industrialisation de la "bidouille" pourrait être un vecteur de la troisième révolution industrielle ventée par Jeremy Rifkin qui voit dans la rencontre du web avec les énergies renouvelables un nouvel élan économique.

"Ce qui était à ses débuts un "mouvement culturel" une fascination envers les nouveaux outils de prototypage numérique et un désir d'élargir au monde réel le phénomène en ligne - commence à devenir un mouvement économique".145 141 BELLANGER, François, "Et si le post-fordisme annonçait un certain néo-médiévalisme ? ", Transit-city, lien : http://transit-city.blogspot.fr/search?q=+n%C3%A9o-m%C3%A9di%C3%A9valisme+_consulté 06/08/2015. 142 "Do it Yourself" traduition littérale en "faire le par vous-même". 143 Maker traduction littérale "faiseur". Le maker c'est celui qui construit, bricole, bidouille, cuisine... L'idée commune de toutes ces initiatives est le désir de compréhension de la situation pour ne pas se laisser faire, mais être capable de maîtriser sa consommation et ses actions. 144 Wired est le magazine emblématique de la Sillicon Valley crée en 1991. 145 ANDERSON, Chris, Maker, "La révolution Industrielle", Ed. Les temps changent, 2012, p.24.

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Ce modèle de relocalisation économique est susceptible d'avoir un impact sur la ville et le développement territorial à travers la diminution des échanges internationaux. Un modèle qui pourrait participer à la mise en place d'un réseau isotopique146 en cohérence avec la "ville diffuse"147 ; valorisée entre autres, par Bernardo Secchi et Paula Vigano - contribuant au maillage du territoire.

De nouveaux cycles de conception, fabrication, distribution et recyclages, sont envisageables à plus petite échelle. Cette tendance a aussi pour effet, d'accroître la demande des lieux éparpillés dans les zones métropolitaines ainsi que dans les villages qui sont ainsi susceptibles d’accueillir ces nouvelles activités économiques.

"Les métropoles de demain seront altermodernes, c'est-à-dire à la fois durables et attractives plus soucieuses de l'environnement, de l'humain et du " vivre ensemble ". Une Métropole durable n'est pas seulement une métropole verte, elle se définit par de multiples facettes : économiques, sociales, politiques, culturelles et écologiques. Les nouvelles technologies y dessinent un nouvel avenir." 148 Ce modèle du "faire soi-même" permettrait un tournant économique. Là où le modèle industriel s'est construit sur une économie capitaliste basée sur une consommation de masse et une valeur d'échange monétaire, le modèle "faire soi-même" se base sur une forme d'économie "collaborative" et "circulaire"149associé à une valeur d’usage et génère des circuits courts et fermés.

146 " Qui présente les mêmes caractéristiques physiques dans toutes les directions." (Source : CNRLT) 147 "Elle est caractéristique des territoires contemporains "d'entre-deux ni urbains ni ruraux" et sans densité. Issue de grandes structures médiévales jusqu'aux formes contemporaines de l'habitat, (...) elle fait apparaître des caractéristiques communes de polycentralité, de subsidiarité, de maillage, de pouvoir local, de villes en réseau par-delà les territoires, qui ne sont pas sans évoquer des modes de gouvernance en débat aujourd'hui.. Source : préface (Bernardo Secchi,) in., GROSJEAN, Bénédicte, "Urbanisation sans urbanisme : Une histoire de la "ville diffuse"", Broche, 2010. "L’exemple type est celui de la région autour de Bruxelles, au sens large. Fortement dispersée, cette vaste zone urbaine englobe plusieurs villes importantes comme Amsterdam, Anvers ou La Haye. Un autre exemple est celui de la Vénétie italienne, la région de Venise, sorte de vaste espace habité sans centre dominant. La ville diffuse va de pair avec un mode de vie, celui de la maison unifamiliale avec petit jardin. Je pense que c’est un trait culturel du XXIe siècle" (TOGNI, Mario, "La "ville diffuse" icone du XXIé siècle ? ", LECOURRIER, (26 sep 2011), (en ligne), lien : http://www.lecourrier.ch/la_ville_diffuse_icone_du_xxie_siecle_ consulté le 07/08/2015. 148 ATTALI, Jacques, " Les (hyper) métropoles vont supplanter les nations", 24/01/2014, 10:46, LaTribune, lien : http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140123trib000811459/les-hyper-metropoles-vont-supplanter-les-nations-jacques-attali.html_ consulté le 05/08/2015. 149 "Aux États-Unis vers la fin des années 1970 John T. Lyle, paysagiste, a développé une théorie autour de la notion de «conception régénérative» (« Regenerative design »). Le terme de « régénération » décrit des processus qui visent à restaurer, renouveler ou revitaliser l’énergie et les matières nécessaires à la production – créant les conditions pour l’établissement de systèmes pérennes qui répondent aux besoins de la société, dans le respect de l’intégrité de la nature." (source : Hellen Marc Arthur Fondation).

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_ Tiers lieux : Alléger la ville.

Il faut penser à des "lieux-partagés"150 qui répondent aux besoins spécifiques de chaque type de territoire (du plus urbanisé au plus diffus). Cela permettrait d'apporter des services dans des zones désertifiées et d'éviter des déplacements longs liés à l'éloignement de ces services, tout en participant à la "ville frugale". Ainsi, des espaces de médiation et d'accès seront privilégiés dans des zones qui en sont dépourvues telles que les zones difficiles (ZAC, ZUP), les zones rurales et périurbaines. Des lieux de travail et entrepreneurial seront particulièrement adaptés dans les zones denses et les zones périphériques où "la voiture reste le mode de transport dominant pour les déplacements de navettes jusqu'à 30km" 151 , pour se rendre à Bruxelles. Enfin, les espaces dédiés à la création et aux projets sont importants dans les zones urbaines et périurbaines pour accompagner une masse critique émergente. Il s'agit de pouvoir mutualiser les espaces en fonction des périodes d'occupations, des niveaux de formations et des activités de chaque lieu. Cela pourrait être la salle informatique d'une école qui ouvre les week-ends, un café-épicerie qui propose de faire un Hot spot Free wifi et un point relais ou encore les bureaux d'une entreprise mis à disposition pour d'autres travailleurs. Il s'agit de mettre en place et de consolider des pratiques de consommation collaboratives. On y partage des m², des équipements, des ressources, des outils, des documents, des fichiers ou des compétences. Les principales clefs de la pérennité de ces lieux tiennent dans la signalisation (physique et numérique) et la médiation de ces espaces ainsi que l'accompagnement des usagers. Ce sont des initiatives qui améliorent la qualité de vie des quartiers et participent à la revitalisation de certains villages. L'apport de services est envisagé comme solution pour éviter que certains territoires ne se vident de leur population.

Pour y répondre la FING (la Fondation Innovation Nouvelle Génération), identifie quatre territoires d'interventions : "1- Plug-in city : la ville à continuer, 2- la ville agile, 3- le micro-local-partiel : la ville des microcoordinations légères et 4- une frugalité souhaitable"152. Elles sont différentiées par leurs besoins et leurs possibilités d'actions.

150 ALBARED, Marine, "Alléger les villes : des lieux partagés", InternetActu, 11/10/2013, (en ligne) lien : http://www.internetactu.net/2013/10/11/alleger-la-ville-des-strategies-de-lieux-partages/_ consulté le 08/08/2015 151 MACHARIS, Cathy DE WITTE, Astrid et VAN LIER, Tom, "Etude de l'impact du télétravail sur la mobilité et l'environnement : une étude de cas en région de Bruxelles capitale", in., MACHARIS, Cathy et al., "Mobilité et logistique à Bruxelles", Brussels, VUB Press Brussels Université press, Cahier Urbain, 2014, p.60. 152 Les premières pistes d'innovation d'alléger la ville", la FING, (en ligne), lien : http://fing.org/?Les-premieres-pistes-d-innovation_ consulté le 08/08/2015.

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Photographie_"Disco Soupe", lien : http://blog.kisskissbankbank.com/histoires/%E2%98%85-success-stories-%E2%98%85-par-ici-la-bonne-disco-soupe/_consulté le 08/08/2015

Photographie _ "Parking day",à Sydney en australie, lien : http://weburbanist.com/2014/09/24/parking-day-2014-citizens-reclaim-the-streets-for-fun// consulté le 08/08/2015.

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Il propose des projets innovants grâce à la mise en place d'une "plateforme de Crowdfunding Urbain" et d'un "Kit d'intervention urbaine"153. Les "plateformes de crowdfunding urbain" donnent des pistes de projets et contribuent à développer des dynamiques économiques et sociales des territoires. De plus, elles permettent de porter des projets innovants qui seront financés par de multiples acteurs publics ou privés. Les "kits urbains" visent à outiller les citadins pour qu’ils transforment, améliorent l’espace urbain physique et numérique. "Le kit permet des transformations autour de quatre axes : les espaces et dispositifs physiques "le dur", l’usage des espaces et des dispositifs, le “soft” de la ville (les aspects serviciels) et l’infrastructure urbaine."154 Il permet des interventions individuelles comme collectives. La mise en place de ces outils vise à ouvrir la participation aux habitants devenus très consommateurs d'espace, de permettre la création d'une ville agile, frugale et innovante de meilleure qualité.

Nous pourrions citer quelques projets issus de ce type d'actions tels que des aménagements urbains : les "STAIR SQUARE" de Mark A. Reigelman que nous verrons dans la partie suivante, les "phone box" qui sont des dispositifs de rechargement de téléphone installés dans des cabines téléphones155, le réseau anonyme "deaddrops" qui permet l’échange de fichiers hors ligne via des clefs USB dissimulées dans la ville ; des événements : le "Parking Day" qui est un événement annuel permettant la réappropriation de l’espace de stationnements par les habitants, le "disco-soupe" qui est un mouvement visant à réduire le gaspillage alimentaire en distribuant gratuitement des soupes ou des compotes issues de la récupération de fruits et légumes provenant des chaines de distributions alimentaires, ou encore des applications : "Waze" qui grâce au système de géo-localisation permet de générer une cartographie du traffic collaborative en temps réel, ou "Path to Park" pour trouver des places de parking, et sans oublier "OFFICE RIDER" permettant de louer un espace de travail à un particulier... 156

"Au croisement du territoire réel et du virtuel, de nouveaux lieux émergent ou d'anciens lieux sont réinvestis, des lieux tiers qui assurent le lien entre le local et le cyberespace, l'innovation et la fertilisation croisée, facilitent la rencontre et la médiation avec les différents publics et le lien social."157 153 "Les premières pistes d'innovation d'alléger la ville", la FING, (en ligne), lien : http://fing.org/?Les-premieres-pistes-d-innovation_ consulté le 08/08/2015. 154 ALBAREDE, Marine, "Alléger la ville : Intervention Urbaine en Kit", InternetActu, (04/10/2013), (en ligne), lien : http://www.internetactu.net/2013/10/04/alleger-la-ville-lintervention-urbaine-en-kit 155 Fabrique Hackation, lien : http://www.fabrique-hacktion.com/n7.php_ consulté le 08/08/2015. 156 Office Rider, lien : https://www.officeriders.com/_ consulté le 08/08/2015. 157 DELBAERE, Denis, "La fabrique des espaces publics", Ellipses, 2010.

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Ce type d'outils permet d'impulser des dynamiques entre les acteurs privés et publics, pour créer des événements, des installations urbaines ou de possibles espaces des Tiers-Lieux.

Certaines initiatives publiques, lancées par le programme Co-Wallonie, ont permis l'élaboration de projets tels que la création de huit espaces de Coworking158 en Belgique. Néanmoins, aujourd'hui à Bruxelles, on constate un manque d’espaces alternatifs, collaboratifs, plus spontanés ou planifiés. Cela est lié au fait que leur développement est également soumis au marché immobilier, "pour le moment ce type d'espace a du mal à émerger à Bruxelles car le marché immobilier reste accessible et qu'il y a beaucoup d'espaces de bureaux qui restent vacants. Des espaces de coworking commencent à se développer mais au sein des entreprises"159. De plus Camille, coworker à La Matrice de St Brieuc, ajoute qu'a Bruxelles les espaces de coworking sont chers et profitent d'un phénomène de mode qui ne reflètent pas l'esprit originel de collaboration, d'entraide et de mutualisation de l'esprit web que l’on retrouve originellement dans l’éthique hacker"160.

"Cette pauvreté montre que ça devrait être les pouvoirs publics (avec éventuellement des privés) qui devraient investir et financer des chantiers architecturaux innovants, et d’envergure."161 Or, dans des villes comme Tokyo, Londres, Paris où le marché immobilier est très cher, il y a peu d'espaces de bureaux. L'externalisation des fonctions en dehors de l'espace de travail ou du domicile devient une nécessité surtout du fait que les espaces individuels sont trop petits pour permettre ces activités. Il s’agit cependant d’une composante appréciable pour la ville durable, car elle entraine une mutualisation des ressources et régule les déplacements pendulaires liés au trajet domicile/travail. Face à cette mutation de nos pratiques, en tant que capitale européenne, la transformation et l’adaptation de la ville de Bruxelles sont inélucables.

158 AWT (Agence Wallonne des Télécommunications), "Les lauréats de l'appel à projet coworking", 13/01/2012, lien : http://www.awt.be/web/wor/index.aspx?page=wor,fr,app,200,020 consulté le 13/07/2013. 159 Interviews au café de la Presse. 160 HIMANEN, Pekka, " L’Éthique hacker et l’Esprit de l’ère de l’information ", Ed. Exils, 2001. 161 Citation de GALLEZ, Sarah, chercheuse à UTS_ Crids, lors de nos correspondances par e-mail.

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_ (Re)configuration urbaine : espace public et transports, réhabilitation. Si les technologies ont été, et sont encore très critiquées car elles étaient vues comme responsables d'une perte de l'usage du "troisième Lieu" (cf.R.Oldenburg), aujourd'hui, elles pourraient permettre une (ré)appropriation et une (ré)invention de l'imaginaire des espaces urbains. Comme l'évoque Edouard Hall162, nous devons passer d'un modèle monochrome à un modèle polychrome dispersif et multitâche. C'est une opportunité pour créer des services, des aménagements insolites créant des temporalités individuelles et collectives163. Il s'agit de mettre en place une nouvelle manière de vivre ces espaces pour créer et consolider de nouvelles formes d'urbanités. C'est aussi une remise en question des "non-lieux", décrit par Marc Augé, qui sont les espaces non appropriables pas les individus. Du fait, qu'aujourd'hui le digital est davantage lié à l'individu qu'à un lieu, on peut supposer que " les lieux de flux non seulement ne sont plus des "non lieux" (...) , mais au contraire les "hyper lieux" de notre modernité, là où nous construisons nos nouvelles identités urbaines et mobilité."164

Dans son article "Escales, escalades et poudre d'escampette"165, Julie Rieg fait le constat que certains espaces publics qui ne sont plus adaptés à nos usages contemporains perdent de leur attractivité. Et que d'innovants projets d'aménagements urbains ludiques et multifonctionnels rendent ces espaces plus attrayants et socialisants. Ainsi, l'installation "STAIR SQUARE", imaginée par le designer Mark A. Reigelman 107 permet une nouvelle occupation des escaliers publics grâce à l'installation de petit mobilier design qui se pose sur des marches publiques. Initialement, imaginé pour que les étudiants à proximité évitent de travailler le cahier sur les genoux et cela a spontanément généré des appropriations plus diversifiées.

" (...) la "portativité " me semble la clé du succès. J’ai en effet bien du mal à concevoir que l’appropriation d’un tel objet soit limitée à un espace prédéfini ; ce sont justement les détournements de fonction qui donnent corps à des usages inédits ou inattendus."166 162 HALL, Edward, "La Danse de la vie : Temps culturel, temps vécu", Seuil ( 1re éd. 1984), coll."Point essais", 1992. 163 MARZLOFF, Bruno, op. cit., p.64. 164 BELANGER, François, "Et si la notion de "non lieux" n'avait plus aucun sens ? ", TRANSIT CITY, 16/03/2015, (en ligne), lien : http://transit-city.blogspot.fr/2015/03/quand-la-notion-de-non-lieux-na-plus.html. 165 RIEG, Julie," Escales, escalades et poudre d'escampette ", Groupe Chronos, 03/2010 (en ligne) lien : http://www.groupechronos.org/publications/blog/escales-escalades-et-poudre-d-escampette consulté le 12/03/2015. via le blog Pop up urbain. 166 RIEG, Julie," Escales, escalades et poudre d'escampette ", Groupe Chronos, 03/2010 (en ligne) lien : http://www.groupechronos.org/publications/blog/escales-escalades-et-poudre-d-escampette consulté le 12/03/2015. via le blog Pop up urbain.

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Photographie _Installation "STAIR SQUARE", réalisé par Mark A. Reigelman, lien : http://www.groupechronos.org/publications/blog/escales-escalades-et-poudre-d-escampette consulté le 12/03/2015. via le blog Pop up urbain.

Photographie_Bus Leap à San Franscico lien : http://chasseursdecool.fr/leap-bus-cafe-wifi-sf

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Dit autrement, selon Julie Rieg : " le tiers lieu ne se décrète pas, c’est l’usage qui le fabrique " ". 167 De même, il est intéressant de regarder comment des étudiants de Hong-Kong se sont attribués les espaces publics, à l'occasion de l'événement "Umbrella Movement"168 contre le régime politique de Beijing. Pendant plusieurs semaines, ils ont investi une autoroute avec un campement alternatif. Comme le montrent les images réalisées par Map Office, les étudiants ont aussi créé des espaces de travail et d'échanges performants. La réussite de ces installations pousse à y voir une alternative, une possibilité future de la reconfiguration des espaces publics.

Par ailleurs, aujourd’hui, il n’est pas rare de voir quelqu’un consulter son smartphone pour s’occuper dans le tramway. Mais la configuration des transports en commun n'est pas réellement propice à une activité professionnelle qui demande de la concentration. Il est plus envisageable de lire ses mails rapidement en écoutant de la musique pour tenter de s'isoler du bruit. Or, les transports en commun représentent une formidable occasion de pouvoir mettre à profit son temps de déplacement.

"L'économie collaborative est une économie du temps, c'est un meilleur usage du temps, les transports ne doivent plus faire perdre du temps. Il faut donner du sens au temps pour créer, lire, dormir, dialoguer, faire quelque chose qui a du sens. Une vraie vie qui a du sens est une vie dans laquelle le temps est plein et créatif. "169 Jacques Attali.

Développé à San-Francisco, le Bus "Leap"170 ou bus 2.0 est une expérience de transport public qui

annonce une révolution au même titre que le train Starbuck. Ce bus est muni du WIFI et de prises électriques, l’espace intérieur est aménagé pour s’adapter aussi aux nouveaux usages. Ce type d'amélioration permet de vivre différemment les déplacements, ce qui est alors générateur d'une "mobilité choisie" et non plus une "mobilité subie"171. 167 RIEG, Julie," Escales, escalades et poudre d'escampette ", Groupe Chronos, 03/2010 (en ligne) lien : http://www.groupechronos.org/publications/blog/escales-escalades-et-poudre-d-escampette consulté le 12/03/2015. via le blog Pop up urbain. 168 Umbrella Movement via le blog transit city 169 Keynote Jacques Attali, " Internet va-t-il tuer le capitalisme ? ", Institut G9, 25/11/2014, 33min49s, vidéo : dailymotion lien : http://www.dailymotion.com/video/x2b9qbd_internet-va-t-il-tuer-le-capitalisme-keynote-jacques-attali_tech 170 FATIHA, " LEAP : un café mobile avec wifi pour naviguer dans la ville ", Les chasseur du cool, 27/03/3014, lien : http://chasseursdecool.fr/leap-bus-cafe-wifi-sf/_consulté le 28/03/2015. 171 Interview de George Amar, "Homo mobilis", par innovcity, 10min 50, lien : www.dailymotion.com/video/xflmfr_georges-amar-directeur-de-la-ratp_webcam consulté le 04/08/2015.

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Projet de concours "Pop up Hôtel", lien : http://pinkcloud.dk/work/05/pop-up-hotel consulté le 01/08/2015.

Photographie_ Exposition au Pavillon de l'arsenal, Métamorphose : Bureaux > Logements, du 22/4/2015 > 24/5/2015

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Par ailleurs, l'institut Corenet, estime qu'il y aura une réduction considérable du temps d'occupation des espaces de bureaux rendant "obsolète plus de 40% de la surface totale actuellement utilisée par les entreprises (environ 18 milliards de mètres carrés".172 Dans un contexte économique où les plateaux d’activités coûtent chers dans les centres urbains, ces derniers sont souvent vidés et attendent d’être réaffectés. La reconfiguration de ces immeubles de bureaux pourrait offrir l'opportunité de diversifier les activités dans certaines zones, tel qu'imaginé dans le projet "Pop UP Hôtel",173 1er prix: des innovations radicales dans l'hospitalité, propose en plein cœur d'un quartier d'affaires de Manhattan, la réhabilitation d'une Tour de bureau en hôtel offrant diverses activités (piscine, podium de mode, boite de nuit...). À Paris, comme dans les grandes villes liées à la récente annonce d'un plan de restructuration en lien avec la loi Duflot174 en 2015, la reconversion d’espace de bureau en logement a commencé. Cette pratique permet de réactiver les centres urbains en amenant de nouveaux habitants, d’autant plus que la valeur immobilière des logements augmente plus que celle des bureaux. Une démarche qui s'inscrit aussi dans l'optique du développement durable.

172 FAROUZ, Johnatan, "Quand l'employé devient lui-même le lieu de travail", l'Atelier Accelerating Business, (2011), lien : http://www.atelier.net/trends/articles/lemploye-devient-lui-meme-lieu-de-travail consulté le 29/07/2015 depuis le blog Transit city_ consulté le 05/08/2015. 173 "Pop UP Hôtel" réalisée par Fabian Busse, Leon Lai, Nico Schlapps et Eric Tan en 2013 174 Loi duflot donne des avantages fiscaux aux propriétaires sur les logements et le gel des loyers pour les locataires.

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* * *

Bien que le cyberespace soit vécu comme un monde réel, il n'est pas un espace géographique, mais un espace imaginaire dans lequel l'information véhicule une culture du partage, de la liberté d'expression et de la transparence. Certes, c'est un espace moins hiérarchique qui ignore les frontières "étatiques", mais celui-ci nous plonge dans un monde "Orwellien" et relègue la fracture sociale et économique à l'échelle du numérique.

Entre utopie et dystopie, il s'agit de comprendre comment les technologies peuvent transformer la configuration géographique. Il est indéniable que l'évolution des technologies et les nouvelles possibilités qu'elles offrent ont déjà eu un impact physique sur notre façon d'utiliser le territoire. Comme Julie Rieg l'a évoqué ce sont aussi les usages et les détournements qui font un lieu et pas seulement les bâtiments ; tout comme nos manières de nous déplacer grâce aux applications permettant de connaître le trafic en temps réel, de travailler grâce aux tiers-lieux "formels et informels"... Elles initient de nouveaux services d'usages (partage d'une place de parking, d'une voiture, d'un hébergement...), de construction (chantiers participatifs, échange de matériaux sur OPALIS...). Cette culture du numérique est aussi véhiculée à travers la création d'événements urbains par exemple le festival DIY DAY qui s'est déroulé à St Catherine à Bruxelles ou le pique-nique the Street qui a abouti à la piétonisation des Boulevards centraux de Bruxelles. Le "software" de nos villes se transforme vertigineusement, mais le "hardware" aura besoin de plus de temps.

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Photographie_Festival DIY DAY à Bruxelles le 06/06/15 lien : www.diyday.be_ Source : ELIN, Anne-Gaelle,"Tiers-Lieux : Nouveau modèle de travail et d'aménagement territorial", 2014/2015.

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Conclusion

Au cours de cette étude mêlant analyse historique, concept, étude de terrain et prospective, nous avons progressivement esquissé la physionomie des tiers-lieux. Nous avons vu comment ce terme couvre une multitude de situations d’usages et d’usagers et comment il constitue un élément déterminant dans le développement des villes à l’avenir. Perçu comme des "nouvelles oasis"175 pour une population rendue nomade par les TIC, ces points de repère peuvent se montrer vecteurs d’une nouvelle urbanité inscrite dans une autre économie. C’est tout un monde qu’il s’agit de (ré)inventer : consommation énergétique, transports, mobilité, croissance, travail, emploi, habitat… tous ces points sont de près ou de loin concernés par cette question des tiers-lieux.

Il faut toutefois relativiser que derrière cet Eldorado programmatique à la mode se cache une réalité économique difficile qui pousse les entreprises à plus de sous-traitance et à faire usage de travailleurs mobiles et autonomes amenant une certaine forme de précarisation. Sur le plan social, ces nouveaux pôles d’attractivité encouragent les brassages culturels, générationnels, professionnels et idéologiques, facilitant ainsi la collaboration et l’échange entre des secteurs et des individus qui ne se seraient peut-être pas " mélangés " auparavant. Cependant, ce melting-pot ne se produit pas partout, il est plus présent dans les tiers-lieux " formels " qui attirent des communautés plus spécifiques. Mais comme le souligne James Katz, il y a risque que ces espaces deviennent des " creusets " 176, sortes de niches entrainant des écarts sociaux dus à l’affirmation trop importante d’une communauté dans un espace qui la conforte en même temps qu’il l’éloigne du reste. Ils perdraient ainsi leurs fonctions sociales évoquées par Ray Oldenburg.

L’étude que j’ai menée dans les tiers-lieux informels de Bruxelles m’a permis de rencontrer les usagers de ce type d’espace. Le questionnaire que j’ai établi a ainsi servi de prétexte pour enclencher la conversation afin de mieux comprendre ce phénomène informel et donc difficile à cerner. Une investigation plus poussée serait évidemment nécessaire pour en tirer des éléments applicables en projection architecturale ou urbaine. Cependant il s’agit d’une première tentative stimulante visant à faire émerger de nouveaux programmes et de nouvelles manières de faire. 175 Auteur inconnu, " The new oases : Nomadism changes buildings, cities and traffic rapport special mobilité ", The Economist, 10 avril 2008, lien : http://www.economist.com/node/10950463_ consulté le 24/03/2015. 176 Auteur inconnu, " The new oases : Nomadism changes buildings, cities and traffic rapport special mobilité ", The Economist, 10 avril 2008, lien : http://www.economist.com/node/10950463_ consulté le 24/03/2015.

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Nous sommes entrés dans une phase de transition déclenchée par le développement des technologies mobiles et d’Internet. Ces outils appartenant au monde virtuel ont nécessairement des impacts sur la matière - aux architectes et urbanistes de les comprendre pour composer avec. Les modèles de planifications urbaines et architecturales issues du XXe siècle sont maintenant obsolètes, le " nomadisme " demande plus de multifonctions, plus de porosité, plus de souplesse et plus d’autonomie. Les quartiers spécialisés se diversifient progressivement et recréent des pôles de mixité urbaine, là où auparavant se dressaient des quartiers d’affaires vidés de leurs travailleurs le soir venu, des banlieues-dortoirs inanimées en pleine journée ou des zones commerciales désertes le dimanche. La diversification des offres dans un même espace nous ramène à une échelle locale plus humaine, celle des " villages " préindustriels où l’habitat, le travail, les loisirs et les services se trouvaient dans un rayon d’action propice aux mobilités douces. L’indice de " marchabilité " des villes, exprimant cette possibilité de relier à pied ces points d’intérêts quotidiens, devient un critère décisif dans les nouvelles méthodes de planifications urbaines. La proposition pour le Grand Paris de Paula Vigano et Bernardo Secchi tente justement d’accompagner cette transition vers une métropole polycentrique plus durable.

Les transports accompagnent nécessairement cette nouvelle répartition des services et des activités au sein des villes. L’objectif n’est plus de conduire chaque matin le plus de monde depuis la périphérie vers le centre mais d’offrir le maillage le plus équitablement réparti sur le territoire. Les réseaux aux infrastructures lourdes (métro et automobile) basés sur ce schéma centralisé sont en train d’être complétés par des connexions périphériques, c’est le cas du nouveau Tramway de Paris qui relie les villes de la première couronne sans passer par le centre. Ainsi de nouveaux pôles peuvent se développer ce qui demande de nouvelles constructions et de nombreuses opérations de (re)qualifications urbaines qu’il s’agit de penser en adéquation avec ces nouvelles tendances, nomades, collaboratrices, mutualisantes… Cette révolution n'est pas le fruit d'une seule mouvance technologique et sociale, et devra toujours composer avec le modèle dominant actuel, qui ne disparaitra pas pour autant et qui ne s'est jamais aussi bien porté. Les acteurs de ces mutations sont aussi les entreprises du secteur privé, les promoteurs et les économistes auxquels il faudra du temps pour intégrer ces évolutions, tout comme il a déjà fallu plusieurs décennies pour intégrer des principes de développement durable. Le bureau de demain ne sera pas radicalement différent, il s'agit plutôt d'une hybridation entre différentes tendances actuelle et à venir avec les typologies héritées de 150 ans de travail de bureau.

Comme le soulignent de nombreux observateurs, l’ère du numérique nous propulse dans un nouveau modèle de société qui coïncide avec la nécessité d’inventer un monde plus respectueux de l’environnement et moins dépendant des énergies fossiles. Entre autres, Alvin Toffler parle de " Third

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Wave "177 et Jeremy Rifkin annonce la " troisième révolution industrielle "178, toutes ces analyses et

annonces prophétiques se recoupent sur le même constat technique et environnemental. Ces visions positivistes en faveur de la technique sont à questionner localement et les tiers-lieux semblent y jouer un rôle non négligeable.

L’arrivée sur le marché du travail d’une nouvelle génération dite " Y " va encourager et accélérer ce processus de mutations. Leur modèle de fonctionnement social est guidé par le développement d’Internet et l’omniprésence de l’information qu’il génère. On peut en faire le constat dans l'organisation du travail qui tend à basculer d'une hiérarchie verticale vers une hiérarchie horizontale plus diffuse. Même si ces technologies sont porteuses d’une sociabilité plus décomplexée par l’abondance d’informations à travers les médias et les réseaux sociaux, il ne faut pas oublier qu’elles amènent avec elles plus de contrôle et de surveillance de masse entrainant un nivellement des individualités.

Ces nouveaux programmes plus ou moins formels, que les architectes et urbanistes doivent comprendre, offrent des possibilités d'évolutions qui dépassent les limites physiques du tiers-lieu. En répondant aux besoins spontanés des usagers et aux configurations urbaines, les tiers-lieux regroupent une multitude de possibilités d'implantation et de gestion en cohérence avec chaque situation. Il est important de comprendre les réseaux et le territoire dans lequel doit s'implanter un tiers-lieu. Celui-ci se présente comme une réponse aux contextes environnementaux, économiques et sociétaux car tout ne peut pas être un tiers-lieu.

La question sous-jacente de cette recherche évoque comment les architectes et urbanistes peuvent aller chercher ailleurs des indices, des informations et des arguments pour élaborer des projets plus participatifs, plus évolutifs et plus proches de ces nouveaux usages…

177 « The Third Wave » est le titre du livre d’Alvin Toffler publié en 1980 dans lequel il décrit 3 vagues de développement au cours de l’histoire. Il indique que nous sommes entrés dans la 3éme, une phase post-industrielle, caractérisée par l’information, les technologies et la grande diversité des sous-cultures. 178 Jeremy Rifkin est un économiste américain convaincu que la 3eme grande révolution industrielle est en marche, il se base sur une analyse des précédentes. Selon lui lorsqu’un moyen de communication rencontre une nouvelle source d’énergie cela entraine un processus d’innovation entrainant une révolution industrielle. Aujourd’hui nous sommes entrés dans l’ère informationnelle avec Internet en même temps que nous développons les énergies renouvelables.

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Annexes

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Ce questionnaire a été proposé aux personnes, présentes dans les lieux étudiés, ayant le profil recherché (toute personne faisant l'usage de TIC) pour comprendre l'impact du lieu étudié sur les usagers, les activités, les déplacements et vice-versa.

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Dans cette première partie, il s'agissait de pouvoir établir le profil des personnes qui ont une pratique du travail dans ces lieux.

Identification du lieu et du type de lieu

n

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Identifier les pratiques, le type d'agilité des usagers et comprendre si certaines proximités ou type de déplacements sont privilégiés.

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Constater si certaines mobilités sont privilégiées par les utilisateurs de TIC.

Étudier si les habitudes de travail se sont transformées.

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Comprendre les types d'agilités et pouvoir dégager certains profils allant du sédentaire à l'hypernomade.

Identifier quels types de TIC sont privilégiés et quels types d'activités sont favorisés.

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Comprendre si le lieu a un impact sur ces activités et pourquoi le lieu a été privilégié par rapport à d'autres.

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Ce type de questions vise plutôt à obtenir un indice de satisfaction personnelle des utilisateurs sur le lieu et leurs activités.

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Cette partie du questionnaire, souvent remplie par mes soins, est une analyse plus architecturale de chaque lieu étudié. On cherche ici à identifier les caractéristiques de chaque lieu par rapport à son contexte urbain, ses aménagements et ses services proposés.

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Avant Propos

La thématique de ce mémoire s'inspire directement de mon expérience vécue et anime mon propos. En effet, l'année dernière, j'ai eu l'occasion de partir en échange universitaire à l'université ULAVAL à Québec. Sortie de mon contexte habituel, il a fallu réinventer un quotidien entre les voyages et les études, les arrivées, les départs et les opportunités. Le travail s'est organisé au cours des voyages grâce aux supports informatiques. Non-adepte de tous ces outils numériques que l'on appelle les TIC (technologie de l'information et de la communication), j'y ai aussi découvert toute leur utilité. Nos trajets ont été conditionnés par les échéances, les visites, mais aussi la nécessité des connexions WiFi et de recharger les batteries d'ordinateurs, de tablettes ou des téléphones. C'est une toute nouvelle logique qui s'est progressivement mise en place. Devant, les obligations de rendus et les objectifs personnels, il a fallu trouver des stratégies permettant de lier ces deux impératifs. Des stratégies qui ont montré leur efficacité et ont finalement créé des possibilités de travail. Ainsi, une vidéoconférence s'improvise sur Times Square à New York pour suivre les présentations d'ateliers, les e-mails et les recherches se font pendant les trajets de bus Greyhound, les rendez-vous Skype pour joindre les proches s'improvisent au Starbuck à Québec, l'organisation d'un itinéraire se fait dans un Apple Store, les e-mails s'envoient dans un Mac Donald à Toronto, un Chipotle à Montréal ou encore un Tim Horton à Ottawa. Le constat de ma propre situation m'a inspiré et m'a amené à explorer ce sujet. Une multitude de réflexions se sont façonnées lorsque j'ai constaté la quantité d'informations sur ce sujet.Pourquoi parle-t-on autant de ces nouvelles pratiques : mobilité, usages, technologie, économie, travail collaboratif, quelles sont les caractéristiques de ces tiers-lieux ? Que sont les TIC ? Quels sont les impacts générés sur la société, l'économie, la culture ? Quelle est la portée de ces transformations ? À quoi servent-elles ? Qui les utilise ? Quelles conséquences cela peut-il avoir sur l'architecture et l'urbanisme ?