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UNIVERSITE PARIS 7 – DENIS DIDEROT FACULTE DE MEDECINE - SITE BICHAT Année 2009 MEMOIRE pour le MEMOIRE pour le MEMOIRE pour le MEMOIRE pour le DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES DE DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES DE DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES DE DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES DE PSYCHIATRIE PSYCHIATRIE PSYCHIATRIE PSYCHIATRIE Présenté par : Hélène HUYNH Née le 3 août 1979, à Paris (75014) Directrice de mémoire : Madame le Docteur Corinne TYSZLER Président de jury : Monsieur le Professeur Jean ADES A A D D O O P P T T I I O O N N E E T T F F I I L L I I A A T T I I O O N N : : Une situation particulière pour lillustration et létude dun processus général. DES de Psychiatrie

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UNIVERSITE PARIS 7 – DENIS DIDEROT

FACULTE DE MEDECINE - SITE BICHAT Année 2009

MEMOIRE pour leMEMOIRE pour leMEMOIRE pour leMEMOIRE pour le DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES DE DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES DE DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES DE DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES DE

PSYCHIATRIEPSYCHIATRIEPSYCHIATRIEPSYCHIATRIE

Présenté par :

Hélène HUYNH

Née le 3 août 1979, à Paris (75014)

Directrice de mémoire : Madame le Docteur Corinne TYSZLER

Président de jury : Monsieur le Professeur Jean ADES

AAAAAAAADDDDDDDDOOOOOOOOPPPPPPPPTTTTTTTTIIIIIIIIOOOOOOOONNNNNNNN EEEEEEEETTTTTTTT FFFFFFFFIIIIIIIILLLLLLLLIIIIIIIIAAAAAAAATTTTTTTTIIIIIIIIOOOOOOOONNNNNNNN ::::::::

UUUUUUUUnnnnnnnneeeeeeee ssssssssiiiiiiiittttttttuuuuuuuuaaaaaaaattttttttiiiiiiiioooooooonnnnnnnn ppppppppaaaaaaaarrrrrrrrttttttttiiiiiiiiccccccccuuuuuuuulllllllliiiiiiiièèèèèèèèrrrrrrrreeeeeeee ppppppppoooooooouuuuuuuurrrrrrrr llllllll’’’’’’’’iiiiiiiilllllllllllllllluuuuuuuussssssssttttttttrrrrrrrraaaaaaaattttttttiiiiiiiioooooooonnnnnnnn eeeeeeeetttttttt

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DES de Psychiatrie

2

REMERCIEMENTS

A Monsieur le Professeur Ades, pour la rigueur de son encadrement en tant que

coordinateur du DES de psychiatrie.

A Madame le Docteur Tyszler, pour sa disponibilité, la richesse de son enseignement

et son ouverture d’esprit.

Aux membres du Jury, pour l’intérêt porté à mon travail.

A toutes les équipes soignantes qui m’ont soutenue et tellement appris au cours de

mon internat, particulièrement l’équipe de l’USIP de la clinique Dupré et l’équipe du

CMP pour adolescents de Vincennes.

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ABREVIATIONS

ADN : Acide Désoxyribonucléique

ASE : Aide Sociale à l’Enfance

BTS : Brevet de Technicien Supérieur

CE1 : Cours Elémentaire 1e année

CLIS : Classe d’Intégration Scolaire

CMP : Centre Médico-Psychologique

CP : Cours Préparatoire

OR : Odds Ratio

UPI : Unités Pédagogiques d’Intégration

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PLAN

1. Introduction.......................................................................................................... 5 2. Qu’est ce que la filiation ? ................................................................................... 8

2.1.Etymologie et définition ..................................................................................... 8 2.2. La filiation juridique .......................................................................................... 9

2.2.1. Deux types d’adoption ............................................................................... 9 2.2.2. Quatre modes d’établissement de la filiation selon le code civil .............. 10 2.2.3. La loi comme support du lien de filiation.................................................. 12

2.3. La filiation biologique...................................................................................... 13 2.3.1. Définition ................................................................................................. 13 2.3.2. Survalorisation des « liens du sang » ...................................................... 13

2.4. La filiation psychique...................................................................................... 14 2.4.1. Définition ................................................................................................. 14 2.4.2. Le désir d’enfant ...................................................................................... 14 2.4.3. La dette de vie ......................................................................................... 16 2.4.4. La recherche des origines et le roman familial ........................................ 17

3. Spécificités de la filiation adoptive ..................................................................... 21 3.1. Histoire de l’adoption...................................................................................... 21 3.2. Désir d’enfant dans le cadre de la demande d’adoption ................................ 21 3.3. Questions posées par la filiation adoptive...................................................... 24

3.3.1. Absence de filiation biologique entre les enfants adoptés et leurs parents adoptifs.............................................................................................................. 24 3.3.2. Quand les enfants adoptés posent problème .......................................... 25 3.3.3. Edouard et Ivan, une fratrie d’enfants adoptés........................................ 28

3.4. « Collusion » entre fantasme et réalité........................................................... 35 3.4.1. La recherche des origines et le roman familial des enfants adoptés ....... 36 3.4.2. La dette existentielle des enfants adoptés............................................... 37 3.4.3. Le cas de Magali, une adolescente adoptée ........................................... 37

4. Questions actuelles à propos de la filiation ....................................................... 44 4.1. Le primat du biologique .............................................................................. 44 4.2. « Les nouvelles familles » .......................................................................... 46 4.3. Le nouveau statut de l’enfant ..................................................................... 47

5. Conclusion......................................................................................................... 49

5

1. Introduction

L’idée de ce travail est née de la rencontre d’une patiente lors de mon quatrième

semestre d’internat en psychiatrie, dans une unité d’hospitalisation pour adolescents.

La prise en charge de cette jeune adolescente adoptée a soulevé beaucoup de

questionnements chez moi et dans l’équipe soignante : Est-elle plus à risque de

présenter un trouble psychiatrique ? Comment l’aider au mieux dans ce dilemme qui

se joue entre ses parents adoptifs qu’elle rejette et sa mère biologique qui l’a

abandonnée ? Comment l’accompagner dans ces questionnements identitaires ?

Puis, au fil de mes stages, j’ai continué à prendre en charge des enfants et des

adolescents adoptés, me demandant s’ils étaient plus souvent atteints de troubles

psychiatriques ou si mon impression clinique était biaisée du fait de mon travail en

psychiatrie.

Cette dernière question a été le sujet de ma thèse : « Adoption et troubles

psychiatriques chez l’enfant et l’adolescent ».

Pour ce travail, j’ai choisi d’étudier l’adoption comme une situation particulière qui

permet d’interroger les processus de filiation.

En effet, le questionnement sur les origines, l’élaboration du « roman familal », la

« dette » à l’égard de nos parents, sont des problématiques existant chez chacun de

nous mais exacerbées dans la situation adoptive.

Les situations cliniques adoptives sont criantes et très illustratives, elles déploient un

processus qui est habituellement plus silencieux .

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Je commencerai par une première partie théorique qui définira ce qu’est la filiation en

délimitant trois axes :

� La filiation juridique ;

� La filiation biologique ;

� La filiation psychique.

Puis, il sera question des specificités de la filiation adoptive :

� D’une part, la filiation n’est pas sous-tendue par un lien de nature génétique.

J’illustrerai cette problématique par l’étude clinique d’une fratrie d’enfants

adoptés venus consulter dans un CMP : Edouard, le premier enfant adopté

dans cette famille, présente un trouble envahissant du développement. Il est

né au Guatemala. Après cette expérience difficile, le couple décide tout de

même d’adopter un deuxième enfant, Ivan, cette fois-ci en France. Les

parents nous font part de leurs difficultés face à l’inconnu, au mystère de

l’hérédité de leurs enfants et de son imputabilité dans les troubles

psychiatriques qu’ils présentent.

� D’autre part, pour les enfants adoptés, la réalité peut donner corps au

fantasme, notamment dans l’élaboration du « roman familal » et de la

recherche des origines. En effet, pour eux, il n’y a pas seulement le fantasme

d’autres parents imaginaires, il y a effectivement d’autres parents, souvent

inconnus ou dont ils savent peu de choses. Le cas clinique d’une adolescente

adoptée, Magali, en opposition contre ses parents adoptifs, illustrera mes

propos. Cette jeune patiente nous montre comment les problématiques

inhérentes à l’adolescence entrent en résonance avec les problématiques

d’abandon et de filiation soulevés par l’adoption.

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De la même façon que les difficultés rencontrées dans les situations adoptives nous

permettent de mieux éclairer des processus comme la filiation, ou la problématique

de l’adolescence, les questions posées par la situation adoptive nous permettent

d’observer les mutations que connaissent la famille et le statut de l’enfant dans les

pays occidentalisés. Ces questions seront abordées dans la dernière partie.

J’évoquerai alors les thèmes qui font débat autour de la filiation et qui sont tout à fait

d’actualité : la primauté accordée au lien biologique, les nouvelles familles et le

nouveau statut de l’enfant.

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2. Qu’est ce que la filiation ?

2.1. Etymologie et définition

Le mot filiation vient du mot latin : filiatio, de filius « fils ».

Il est défini dans le dictionnaire Littré comme : « la descendance de père en fils en

ligne directe ».

La filiation, au sens littéral c’est donc être « fils de » et elle peut alors se décliner

dans différents registres.

P Lévy-Soussan dans l’article travail de filiation et adoption 26 et dans abandon et

adoption : enjeux psychiques de la filiation dans une perspective historique et

clinique 24 propose ainsi de définir au moins trois axes :

� La filiation juridique : C’est celle du cadre legislatif qui définit les règles de

filiation. Elle relève de la convention (désignation du père, de la mère et de

l’enfant) et s’élabore toujours à partir des données naturelles en fonction des

données culturelles de la société 5 ;

� La filiation biologique : C’est celle de la procréation, par intervention des

« produits du corps » de l’un et de l’autre sexe aboutissant à l’engendrement

d’un enfant ;

� La filiation affective : Elle représente une construction subjective de sa propre

vérité qui permet de se considérer comme père, mère, fils ou fille.

J.Guyotat, quant à lui, décrit trois figures ou trois logiques de la filiation 17 :

� La filiation instituée : (ou symbolique) celle de la transmission du nom, du

rapport aux autres tel que la forme sociale le définit ;

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� Le lien de « corps à corps » ou représentation biomédicale de la filiation : (ou

réel) Lien qui dérive du lien métonymique entre le corps de la mère et celui de

l’enfant ;

� La filiation narcissique : (ou imaginaire) Il s’agit de la croyance en la

reproduction du même, correspondant à un fantasme d’immortalité du sujet et

le rassurant sur l’image qu’il se fait de lui-même et de son intégrité.

J’ai choisi, pour ma part de définir la filiation selon trois axes, qui reprennent ceux

définit par P. Lévy-Soussan :

� La filiation juridique ;

� La filiation biologique ;

� La filiation psychique.

2.2. La filiation juridique

2.2.1. Deux types d’adoption

Il existe deux types bien distincts d’adoption :

� L’adoption simple

Il s’agit de la régularisation légale d’un contrat de famille à famille, instituant l’enfant

de l’une comme enfant des adoptants. Les liens avec la famille d’origine ne sont pas

rompus et les deux noms s’accolent.

L’adoption simple peut être révoquée pour motif grave.

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� L’adoption plénière

Dans ce type d’adoption, la famille adoptante a des droits analogues à ceux de la

famille d’origine.

Seul un enfant dépourvu de tout lien familial peut être légitimé ainsi :

� enfant non reconnu,

� enfant né de parents inconnus,

� enfant de parents déchus de leurs droits,

� enfant abandonné et

� abandon de fait (délaissement pendant une année entière d’un

enfant confié à l’ASE) transformé par le tribunal en abandon de

droit.

Cette adoption est définitive. L’acte de naissance est refait comme si les parents

adoptifs étaient les parents d’origine.

Je parlerai uniquement de l’adoption plénière dans ce travail.

2.2.2. Quatre modes d’établissement de la filiation selon le code civil

Le code civil concernant la filiation vient d’être modifié en profondeur.

L’ancien code civil datant de Napoléon établissait quatre types de filiation :

� La filiation légitime : pour les enfants issus d’un couple marié. Il y avait alors

présomption de paternité ;

� La filiation naturelle : pour les enfants nés hors mariage ;

� La filiation par la volonté : pour les enfants adoptés ou issus d’aide à la

procréation ;

� La filiation par possession d’état.

11

La loi du 16 janvier 2009 ratifiant l'ordonnance du 4 juillet 2005, réformant la filiation,

pose le principe d'égalité entre les enfants et supprime toute distinction entre enfant

naturel et enfant légitime .

Elle prend en compte trois séries d'évolutions:

� L'évolution sociologique : le nombre de naissances hors mariage rejoint celui

des naissances dites "légitimes"; on ne peut donc plus accepter la

hiérarchisation napoléonienne des filiations ;

� La place plus importante qu’a prise la « vérité » biologique, aujourd'hui plus

facilement accessible, notamment pour ce qui est de la paternité qui reposait

jusqu'ici sur une présomption ;

� L'évolution du droit interne et du droit européen, qui rend inacceptable que le

statut de l'enfant soit dépendant de la situation matrimoniale des parents.

L'apport essentiel est la suppression des notions de filiation légitime et de filiation

naturelle et par voie de conséquence la légitimation, qui constituaient la base et

l'articulation du texte précédent.

Le nouvel article 310-1 fixe les quatre modes d'établissement de la filiation :

� Par l'effet de la loi, pour la mère et pour le père si le couple est marié ;

� Par reconnaissance ;

� Par possession d'état : 53 La possession d’état est la prise en compte de la

réalité vécue du lien de filiation, elle s'établit par une réunion suffisante de faits

qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre un enfant et la famille à

laquelle il est dit appartenir.

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Les principaux faits permettant d'établir la possession d'état sont notamment :

� que l’enfant a été traité par celui ou ceux dont on le dit issu

comme leur enfant et que lui-même les a traités comme son ou

ses parents ;

� que les parents ont pourvu à son éducation et à son entretien ;

� que la société, la famille, les administrations reconnaissent

l'enfant comme celui du ou des parents prétendus.

La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque.

� Par jugement : Il peut s'agir de création d'un lien de filiation, de recherche de

filiation ou de contestation de filiation. C’est le cas de l’adoption plénière et de

l’adoption simple.

2.2.3. La loi comme support du lien de filiation

La loi est l’ossature, le support du lien de filiation, particulièrement pour la filiation

adoptive puisqu’elle crée le lien de filiation.

Elle définit les règles de la filiation :

� Le code civil détermine les modes d’établissement de la filiation, énonçant les

principes généalogiques et les lois entre les membres d’une famille. Elle

désigne le père, la mère et l’enfant ;

� La filiation détermine les droits successoraux, le nom et l’autorité parentale.

Ce cadre permet à l’individu de trouver sa place dans une filiation où il ne peut

jamais se désigner comme sa propre origine mais en référence à celle-ci (cf. la

définition de filiation : « fils de »).

13

2.3. La filiation biologique

2.3.1. Définition Je reprendrais la définition de P. Lévy-Soussan 22,23 concernant la filiation biologique

comme étant « la procréation par intervention des parties et des produits du corps ».

Il s’agit de la transmission des gènes et des chromosomes.

2.3.2. Survalorisation des « liens du sang » Dans nos sociétés les liens de sang sont survalorisés, comme en témoignent les

débats sur les tests de paternité ou sur le « droit aux origines ». Je développerai

cette idée dans la dernière partie de mon travail : questions actuelles à propos de la

filiation.

Les liens de sang ou liens biologiques ne sont pas suffisants en soi pour produire un

sujet ou une famille. Les parents ne peuvent pas à eux seuls fonder une famille, il

faut l’instituer par le cadre juridique.

D’autre part, la filiation biologique ne peut assurer une filiation psychique : par

exemple, dans le déni de grossesse il y a filiation biologique sans filiation psychique.

Dans l’adoption, à l’inverse il existe une filiation psychique sans filiation biologique.

Contrairement à la composante juridique de la filiation, le lien biologique entre un

enfant et ses parents n’est pas obligatoire pour établir une filiation. Pourtant, les liens

de sang sont survalorisés dans nos sociétés.

14

2.4. La filiation psychique

2.4.1. Définition

La filiation psychique relie l’enfant au couple dont il est issu grâce au désir qui l’a

précédé avant sa venue au monde26.

Contrairement à la filiation juridique et à la filiation biologique, cette filiation est une

lente construction au fil du temps et des étapes de la vie psychique.

Cette dimension du temps est importante à retenir : ainsi l’introduction de la

durée confère à la filiation psychique un caractère d’insu, c'est-à-dire inconscient,

puisqu’ elle est soumise aux processus de la vie psychique.

2.4.2. Le désir d’enfant

La filiation psychique est ce qui relie l’enfant au couple parental grâce au désir qui l’a

précédé. Mais qu’est ce que le désir d’enfant ?

Il est nécessaire de différencier le désir d’enfant, du projet d’enfant, du besoin

d’enfant et du désir de grossesse 2 :

� Le désir d’enfant est inconscient ;

� Le projet d’enfant est conscient ;

� Le besoin d’enfant est un besoin dans lequel, l’enfant à venir est sensé tout

combler, tout réparer ;

� Le désir de grossesse est le désir d’être enceinte sans désir d’enfant comme

être distinct de soi.

15

Ainsi, le désir d’enfant apparaît comme l’effet du désir entre les parents.

Françoise Dolto, écrit dans « séminaire de psychanalyse » 7 que, pour que l’enfant

advienne, il faut la rencontre de trois désirs, il faut :

� Désirer un enfant d’un homme, l’homme qui est là, l’homme qu’une femme

aime ;

� Désirer un enfant d’une femme, celle qu’un homme aime ;

� La rencontre de ces deux désirs, dans le sens où cela se parle et où, grâce à

cette parole, un enfant fait déjà son nid dans le champ du langage.

Pour que le désir d’enfant aboutisse, il faut donc qu’il y ait une sexualité entre les

deux parents. Or, dans l’adoption, l’enfant n’est pas issu de la sexualité des parents.

Les parents adoptifs et leurs enfants doivent s’approprier le jugement légal comme

étant à l’origine de l’arrivée de l’enfant dans la famille.

Si l’enfant adopté n’est pas issu de la sexualité des parents, cela ne veut pas dire

pour autant que les parents adoptifs n’ont pas de sexualité. Ce qui est tout à fait

différent de certaines situations de procréation médicalement assistée avec

lesquelles il y a véritablement du « hors-sexuel », par exemple dans le cas d’une

femme célibataire stérile qui a recours à la gestation pour autrui (je développerai ces

idées dans la dernière partie de mon travail).

Le désir d’enfant est donc un processus psychique qui se construit au fil de la vie de

chaque individu depuis la petite enfance jusqu’à la rencontre sexuelle d’un

partenaire.

16

2.4.3. La dette de vie

Le désir d’enfant et le désir entre les parents ne sont pas les seules conditions pour

que la filiation psychique se construise.

Certains auteurs et notamment M. Bydlowski3 se sont intéressés plus

particulièrement à la filiation féminine avançant l’idée qu’une « dette de vie

inconsciente » liait les sujets à leurs parents et à leurs ascendants et que la

reconnaissance de cette dette d’existence serait l’une des conditions de l’aptitude à

transmettre la vie.

Pour Bozsormenyi-Nagy 8, 9, 34 : L’origine de la dette est la dette existentielle, la dette

congénitale qu’ont les jeunes générations envers les plus anciennes. Chacun

entamant sa vie à crédit.

En général, nous sommes plus redevables envers ceux avec qui nous avons des

liens de sang. Ce sont eux qui nous ont donné le plus, nous avons une dette envers

nos parents puisqu’ils nous ont donné la vie. Notre dette est plus grande envers

notre mère qui nous a porté au péril de sa santé.

Pour les enfants adoptés, il n’est pas possible d’exprimer sa gratitude et de montrer

sa loyauté de manière directe.

Il ne suffit pas d’avoir des enfants pour se montrer loyal envers ses parents adoptifs

puisque c’est la descendance des parents de sang que nous assurons. Ils sont alors

pris dans ce que l’on peut appeler un conflit de loyauté.

Cette notion est illustrée plus loin par le cas clinique de Magali, prise dans un conflit

de loyauté entre sa mère adoptive qu’elle rejette et sa mère biologique qu’elle

idéalise et qu’elle préserve.

17

La dette doit nous permettre de nous rendre responsables de nos vies et en

l’inscrivant la dette dans un lien de filiation de transmettre la vie à notre tour. C’est

ce que certains appellent la dette symbolique.

2.4.4. La recherche des origines et le roman famili al

Nous avons vu la filiation psychique du côté des parents avec le désir d’enfant et la

dette de vie, mais que se passe t’il du côté des enfants ? Comment s’inscrit-on dans

une filiation avec ses ascendants ?

Si nous reprenons la définition du Littré de la filiation, c’est « la descendance de père

en fils en ligne directe », c’est donc être « fils de ». A un moment ou à un autre de

son développement, l’enfant va se poser des questions sur son origine, pour tenter

de se raconter sa propre histoire et pour pouvoir s’inscrire lui-même dans une

filiation.

Mais qu’est ce que l’origine ? Y a-t-il une vérité de l’origine ?

Pour certains auteurs, il s’agit à la fois d’une vérité individuelle et d’une vérité

collective.

Si l’on construit chacun notre arbre généalogique et que l’on remonte toujours plus

haut dans les générations, nous finissons par arriver à « un trou », nous ne savons

pas ce qu’il y a « au-dessus », c’est en cela, que la recherche de notre origine et

d’une origine commune à l’humanité est une nécessité, pour combler ce vide. La

plupart du temps, elle ne peut s’organiser que sur le mode d’une fiction.

18

� Dans Totem et tabou 12 , par exemple, Freud imagine une fiction collective, un

mythe des commencements qu’il va appeler : la horde primitive.

Il décrit : « le grand événement par lequel la civilisation a débuté et qui depuis lors

n’a cessé de la tourmenter ».

A l’origine était « la horde paternelle » dirigée par le père, violent, tyrannique et

jaloux qui gardait toutes les femelles du clan et chassait tous les fils au fur et à

mesure qu’ils grandissaient. Les fils enviaient, aimaient, haïssaient et redoutaient le

père. Un jour, ils s’allient pour le tuer et chacun en mange un morceau : « par l’acte

d’absorption ils réalisaient leur identification avec lui, s’appropriaient chacun une

partie de sa force ».

Ils ont ensuite dû se livrer à des manifestations de tendresse et de respect

exagérées comme repentir et pour soulager leur culpabilité.

Ils ont ensuite renoncé à recueillir le fruit de leurs actes et donc renoncé aux femmes

du clan pour préserver l’équilibre du clan puisqu’ils étaient maintenant tous en

rivalité.

Le totem, substitut du père, est respecté et le sentiment de culpabilité a engendré les

deux tabous fondamentaux du totémisme qui se confond avec les deux désirs

réprimés du complexe d’Œdipe : l’inceste et le meurtre.

« La horde paternelle a été remplacée par le clan fraternel, fondé sur les liens du

sang. La société repose désormais sur une faute commune, sur un crime commis en

commun ».

Le Père primordial est précédé par rien, il n’a donc rien d’humain. Les fils décident de

le mettre à mort pour qu’il récussite de plusieurs manières. Avec le meurtre du père

ils entrent dans le monde des humains comme « fils de », ils appartiennent à une

lignée.

19

� L’origine est aussi une fiction individuelle.

Dans leur recherche des origines, les enfants vont élaborer ce que Freud appelle « le

roman familial »11 de la manière suivante : Dans les premières années de vie, les

parents sont incomparables, puis apparaissent certaines frustrations où l’enfant se

sent évincé (notamment pour l’amour qu’il doit partager avec la fratrie).Vient alors

l’idée qu’on est un enfant adopté ou l’enfant d’un autre lit.

Ultérieurement apparaît « le roman familial » où l’enfant fantasme consciemment des

parents plus prestigieux. Ce stade arrive au moment où l’enfant n’a pas

connaissance des conditions sexuelles de la venue au monde.

Chacun de nous tente de répondre à cette question : « quelle est mon histoire ? ».

Derrière cette question il y a d’autres interrogations : « quel est mon vrai destin ?,

quelle est ma vraie vie ? ». La situation adoptive donne une teinte particulière à ces

questions et la notion de « vrai » revient très souvent en consultation : « quelle est

ma vraie mère ? », « mes parents adoptifs ne sont pas mes vrais parents ».

L’important, comme nous le verrons plus loin avec les cas cliniques, est d’aider ces

enfants à se raconter leur propre histoire sans forcément rechercher une vérité sur

leur origine. Cette vérité n’existant pas plus chez les enfants adoptés que chez les

enfants non adoptés.

20

On peut donc dire que la filiation est définie par trois axes : la filiation juridique, la

filiation biologique et la filiation psychique. Il existe quatre modes d’établissement de

la filiation juridique définis par le code civil et récemment réformés : par l’effet de la

loi, par reconnaissance, par possession d’état et par jugement. Les notions d’enfant

naturel et d’enfant légitime sont désormais obsolètes. Deux axes sont indispensables

pour instituer une filiation : l’axe juridique et l’axe psychique et pourtant, dans nos

sociétés, l’accent est mis sur l’axe biologique et les liens de sang sont survalorisés.

Quant à la filiation psychique, elle se construit tout au long du développement

psychique de l’individu impliquant le désir d’enfant et la dette de vie comme

conditions nécessaires à la transmission de la vie et la recherche des origines

comme questionnement pour s’inscrire soi-même dans une filiation.

La filiation adoptive présente plusieurs spécificités qui lui sont propres et que je

développerai dans la prochaine partie :

� Le désir d’adopter un enfant est un désir d’enfant particulier, différent du désir

d’enfant dont nous avons déjà parlé ;

� La filiation adoptive n’est sous-tendue par aucun lien biologique ce qui peut

fragiliser certains parents qui se sentent moins « légitimes » et ce qui peut

induire une crainte d’une hérédité pathologique, surtout quand l’enfant

présente des troubles psychiatriques ;

� Dans la situation adoptive, la réalité de l’existence d’autres parents, les

parents biologiques, souvent inconnus, peut donner « corps » aux fantasmes

liés aux questions des origines et de la dette existentielle. Il y a alors

« collusion » entre fantasme et réalité, comme nous le verrons plus loin dans

le cas clinique de Magali.

21

3. Spécificités de la filiation adoptive

3.1. Histoire de l’adoption

L’adoption est apparue pour légaliser un héritage en l’absence d’héritiers naturels ou

en raison de son incapacité. L’exemple du droit romain est souvent cité : « la fonction

et les pouvoirs impériaux se transmettaient non par la filiation par le sang et la

légitimité familiale, mais par l’adoption d’un successeur jugé digne et convenable »43.

C’est Napoléon Bonaparte qui, à cause de la stérilité de Joséphine, a inscrit

l’adoption dans le code civil de 1804.

De nos jours, des motivations tout à fait différentes sont en jeu, on adopte dans le

désir d’être parents voire en revendiquant le « droit d’être parents ».

3.2. Désir d’enfant dans le cadre de la demande d’a doption

Le désir d’enfant dans le cadre de la demande d’adoption est questionné lors des

entretiens pour l’obtention de l’agrément avec un psychologue ou un psychiatre. Cet

entretien est souvent mal vécu par les familles, qui peuvent penser « on ne demande

pas aux autres futurs parents de justifier leur désir d’enfant alors pourquoi nous pose

t’on toutes ces questions ? ».18

Les motivations qui conduisent à l’adoption sont très nombreuses et surtout très

différentes en fonctions des situations des adoptants. Il est donc impossible d’en

faire un catalogue exhaustif.

22

Je citerai celles que l’on rencontre le plus souvent dans la pratique clinique :

� Les futurs parents se tournant vers l’adoption après des années de tentatives

infructueuses pour avoir un enfant. L’infertilité du couple est la raison la plus

fréquente des demandes d’adoption.

� On rencontre aussi, de nombreuses personnes célibataires en général des

femmes célibataires, qui ont, le plus souvent fait des études supérieures et qui

occupent des postes prenants. Leur désir d’enfant est tardif.

� Certains couples homosexuels revendiquant aussi leur « droit à avoir un

enfant » : la demande d’adoption est souvent faite en tant que personne

célibataire pour qu’elle puisse aboutir.

� L’adoption peut venir pallier une souffrance, comme un deuil ou une

expérience de maternité médicalement compliquée. Les futurs parents

pensent que l’expérience de la souffrance les rend disponibles à recevoir celle

d’un autre, celle de leur futur enfant adopté.

� Il y a parfois, des couples qui ont vécu la mort d’un enfant, dont le deuil est

impossible voire refusé : on peut alors se demander comment l’enfant adopté

pourra s’affirmer en tant que sujet ?

� On peut rencontrer des demandes d’adoption dans des cas extrêmes comme

une maladie grave de l’un des deux conjoints. Le couple souhaite tout de

même avoir un enfant, malgré la mort.

� Enfin, certains couples voient dans la situation adoptive une manière de

pouvoir choisir le sexe de leur enfant.

S. Marinopoulos dans « Moise, Œdipe, Superman…De l’abandon à l’adoption… »28,

rajoute comme motivation : « l’enfant comme norme sociale incontournable : de

23

nombreux candidats à l’adoption verbalisent un sentiment d’anormalité et le poids du

regard social devant l’absence d’enfant ».

D’autres motivations peuvent apparaître ou s’ajouter lorsque les futurs parents

choisissent d’adopter un enfant à l’étranger.

Le nombre d’adoptions internationales augmente chaque année, elles impliquent

plus de 40 000 enfants par an et une centaine de pays, les raisons sont multiples 22 :

� Les enfants adoptables par voie nationale sont de plus en plus rares. Les

futurs parents se tournent alors vers l’adoption internationale ;

� Les futurs parents désirent adopter des enfants jeunes. Les enfants

adoptables par voie nationale sont moins nombreux et plus âgés, ils

privilégient alors l’adoption à l’étranger ;

� En adoptant à l’étranger les parents adoptifs ont l’assurance que les parents

biologiques ne pourront pas reprendre l’enfant ;

� Certaines demandes d’adoptions sont motivées par des raisons humanitaires

ou religieuses, qui peuvent être très préjudiciables pour l’enfant adopté qui

doit alors porter le poids d’une reconnaissance infini envers ces parents qui

l’ont « sauvé de la misère du tiers-monde ».

Ainsi, les motivations conduisant à l’adoption sont bien évidemment le désir d’une

descendance comme n’importe quel parent mais s’y ajoutent des éléments

spécifiques à l’adoption elle-même et à la situation particulière dans laquelle pensent

se trouver les futurs parents adoptifs.

24

Il pourrait être intéressant, dans un autre travail, de se pencher sur la « parentalité

adoptive » en miroir de la filiation adoptive. Sommes nous des parents différents

lorsque l’on adopte ? La fonction parentale est-elle identique ?

Le désir d’enfant dans la situation adoptive rend donc cette filiation spécifique. La

filiation adoptive induit d’autres questions, d’autres spécificités, liées notamment à

l’absence de filiation biologique.

3.3. Questions posées par la filiation adoptive Si l’on reprend les trois axes de la filiation définis par P. Levy-Soussan, nous nous

apercevons que la filiation adoptive n’est sous-tendue que par deux axes : la filiation

juridique et la filiation psychique. La filiation adoptive a pour spécificité de n’être

fondée sur aucun lien biologique.

Cette spécificité interroge l’enfant adopté et sa famille qui ont souvent très peu

d’information sur les parents biologiques. Ces interrogations sont d’autant plus

prégnantes que les enfants présentent des troubles psychiatriques.

3.3.1. Absence de filiation biologique entre les en fants adoptés et leurs parents adoptifs

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1.3., le lien biologique entre les parents et

les enfants n’est pas obligatoire pour instituer une filiation contrairement aux liens

juridique et psychique.

25

Dans la parentalité adoptive, on devient parents par l’intermédiaire d’un tribunal, le

jugement administratif faisant état de l’adoption a alors une valeur fondatrice pour la

famille.

Il persiste le plus souvent un mystère autour de l’hérédité de l’enfant adopté. Les

parents et les enfants ont très peu d’information sur la famille d’origine et sur les

conditions de l’abandon. C’est à l’adolescence ou lorsque l’enfant adopté posera

problème que cette faille dans la filiation resurgira.

3.3.2. Quand les enfants adoptés posent problème

Lorsqu’un enfant adopté présente des troubles psychiatriques, les parents vont tout

de suite mettre en avant la situation adoptive et les conditions de vie antérieure de

leur enfant.

La crainte d’une hérédité pathologique fait alors surface et on accuse « le

biologique ».

Qu’en est-il vraiment des facteurs influençant l’apparition des troubles

psychiatriques ?

Je reprendrai les données de mon précédent travail sur l’adoption : « Adoption et

troubles psychiatriques chez l’enfant et l’adolescent ».

Une revue de la littérature m’a permis de déterminer les différents facteurs

influençant l’apparition de troubles psychiatriques chez les enfants et les adolescents

adoptés :

26

� L’âge à l’adoption :

C’est le facteur principal qui conditionne l’attachement des enfants aux parents

adoptifs et des parents aux enfants. Plus l’enfant est adopté tôt plus le taux

d’attachement secure est élevé. L’âge de 6-7 mois paraît particulièrement charnière.

Je rappellerai qu’un enfant avec un attachement secure est un enfant qui marque les

séparations et qui explore l’environnement quand le parent est là dans la situation

expérimentale créée par Mary Ainsworth et qu’elle a nommé la situation étrange 14.

� Le pays d’origine :

Les conditions de vie pour les enfants sont très variables selon les pays.

Au Venezuela ou en Corée du Sud, les enfants sont préférentiellement placés en

familles d’accueil plutôt qu’en institution.

Leur niveau de développement à l’arrivée dans leur famille adoptive est meilleur que

celui des enfants provenant des pays de l’Est.

Gunnar et al.(2007)15 retrouvent plus de risque de troubles externalisés (OR=2), de

conduites agressives (OR=2,1) chez les enfants d’Europe de l’est et de Russie que

chez les enfants du reste du monde.

Cette différence peut aussi être liée à des facteurs médicaux. La consommation

d’alcool dans les pays de l’Est est très importante et augmente le nombre de

syndrome fœto-alcoolique ou d’autres pathologies liées à la consommation d’alcool

ou de drogue pendant la grossesse.

Le pays d’origine a donc une influence capitale sur l’apparition de troubles

psychiatriques.

27

� Les conditions de vie avant l’adoption

Il est très difficile de différencier ce qui est lié aux conditions de vie avant l’adoption

et ce qui est lié à l’âge à l’adoption, tant ces deux facteurs sont intriqués.

Cette influence est testée dans de nombreuses études :

Marcovitch et al.(1997)27 concluent que les enfants restés plus de six mois en

institution ont plus de retard de développement et plus de troubles

comportementaux.

O’Connor et al. (2000)38dans le deuxième temps de l’étude ERA trouvent que les

enfants adoptés après six mois n’ont pas rattrapé le retard existant à 4 ans. Leur

développement physique et cognitif semble avoir été entravé par les mauvais

traitements précoces et l’environnement sain de la famille adoptive n’a pas permis

d’amélioration au-delà de 4 ans.

Mc Guiness (2006)33 dans sa revue de la littérature conclue que plus l’enfant reste

longtemps en orphelinat, plus les résultats sont mauvais. L’adoption est un facteur

protecteur dans l’apparition de troubles psychiatriques.

Il semble que les conditions de vie avant l’adoption soit le facteur prédictif le plus

important d’apparition de troubles psychiatriques.

� L’environnement familial :

Les familles qui adoptent sont en général d’un niveau socio-économique élevé ou

moyen et sont très éduquées. Ce sont des familles qui accèdent facilement aux

soins, ce qui peut expliquer la surreprésentation des adoptés dans les statistiques de

santé mentale.

28

Plus que les caractéristiques des familles adoptives, le temps passé dans cet

environnement stable peut permettre aux enfants adoptés de récupérer de leurs

traumatismes précoces.

On peut donc conclure comme Nickman (2005)36, que les facteurs qui ont le plus

d’influence sur le développement sont : l’âge à l’adoption, les conditions de vie avant

l’adoption, la psychodynamique de la famille adoptive et le pays d’origine.

3.3.3. Edouard et Ivan, une fratrie d’enfants adopt és

Je vais maintenant illustrer mon propos avec une partie plus clinique, ce sont les cas

d’Edouard et d’Ivan, une fratrie d’enfants adoptés venue consulter dans un CMP.

� Edouard

Edouard est suivi au CMP petite enfance depuis 5 ans pour un « trouble

envahissant du développement ». Il avait initialement été adressé par la directrice de

l’école maternelle en moyenne section suite à des troubles du comportement à

l’école.

Les parents d’Edouard ont décidé d’adopter après des années de tentatives de

procréation naturelle et plusieurs fécondations in vitro. Ce long parcours pour avoir

un enfant a été douloureux et vécu comme un échec. Madame est issue d’une

famille nombreuse et monsieur n’a qu’un seul frère, qui est prêtre et qui n’aura donc

pas d’enfant. Les familles de chacun ne les ont pas soutenus dans cette démarche.

29

Ils se sont décidés à adopter après plus de 5 ans d’essais infructueux et d’examens

médicaux qui n’aboutiront à aucun diagnostic quant à l’origine de la stérilité.

Ils ont choisi d’adopter au Guatemala, par l’intermédiaire d’une agence agréée. Des

amis du couple ont adopté un petit guatémaltèque et ont été ravis de leur

expérience, ce sont eux qui leur ont conseillé le pays.

Edouard a été placé chez une nourrice parce que sa mère était malade. Nous ne

savons rien de son père. Sa mère est décédée quelques mois après son placement.

L’adoption d’Edouard par le couple est décidée alors qu’il a 4 mois.

Malheureusement, la lourdeur des procédures administratives au Guatemala

retardera le départ d’Edouard pour la France. Il ne rejoindra le foyer familial qu’à

l’âge de 1 an.

Cette période d’attente a été très douloureuse et les parents parlent de « période qui

leur a été volée ».

Edouard est resté chez la même nourrice pendant toute cette période. Il a été très

investi, puisqu’elle était en larmes le jour de son départ. Les premiers moments entre

Edouard et ses parents sont racontés par la mère : « Lorsque je l’ai pris dans mes

bras, il ne bougeait pas, ne pleurait pas, ses yeux regardaient dans toutes les

directions ». Elle a vu là, les premiers signes d’un « enfant qui prenait déjà beaucoup

sur lui ».

L’adoption est un souvenir douloureux pour le couple. D’une part parce que cette

démarche a été vécue comme un échec et qu’ils l’ont vécue seuls, sans soutien

familial. Madame, surtout, a peur qu’Edouard « comble le vide de quelque chose

qu’ils n’ont pas réussi à faire ». Et d’autre part parce que le délai de 8 mois avant

d’aller chercher Edouard n’a fait que majorer la blessure de l’adoption en diminuant

leur sentiment de légitimité parentale.

30

Nous ne connaissons pas le niveau de développement psychomoteur d’Edouard à

l’arrivée en France.

Les acquisitions du langage, de la marche et de la propreté se font sans problème.

Les parents ne sont absolument pas inquiets pour leur fils.

Il rentre à l’école à 3 ans, sans difficulté de séparation. Edouard a toujours été

content d’aller à l’école. Mais à la fin de la première année, les parents ont eu la

surprise de constater que leur fils n’avait effectué aucune production et n’avait laissé

aucune trace.

Les parents rencontrent plusieurs fois l’institutrice, en deuxième année. Il fait

davantage de productions mais ne s’intègre pas dans le groupe classe : il a des

comportements d’opposition, refuse de participer et il est agressif avec les autres

enfants.

A la récréation, il ne joue pas avec les autres, il reste assis sur un banc près des

adultes.

C’est en moyenne section que l’école l’adresse au CMP.

Le décalage est énorme entre ce que les parents vivent à la maison et les grosses

difficultés rapportées par l’école. Les parents ne partagent pas du tout le point de vue

de l’école.

Lorsque le passage en CP semble compromis les parents se décident tout de même

à consulter.

A l’époque de la première consultation, Edouard était fils unique, une deuxième

procédure d’adoption était en cours. Il a maintenant un petit frère de 4 ½ ans, Ivan,

lui aussi adopté.

31

Le premier rendez-vous se fait avec le Dr B., Edouard vient avec sa mère.

Edouard a un comportement très régressif, il se comporte comme un tout petit : il

vient se recroqueviller en sanglotant dans les bras de sa mère parce qu’il s’est

cogné.

Le contact existe mais il faut le rechercher. Il existe des jeux de « faire semblant ».

Le Dr B. prescrit un bilan de niveau, un bilan psychomoteur et un bilan

orthophonique

Les bilans appuient sur les difficultés relationnelles d’Edouard. Le bilan de niveau

(WPPSI-R) retrouve une efficience limite homogène.

Devant les difficultés relationnelles d’Edouard, le Dr B. préconise une prise en charge

de groupe, deux fois par semaine pendant un an.

A l’arrêt du groupe thérapeutique, Edouard sera suivi en psychothérapie individuelle

et en rééducation de psychomotricité.

Il est orienté en CLIS en novembre 2003. Mais les parents ont du mal à renoncer à

une scolarité normale.

Edouard fera un CP et un CE1 en classe normale puis en classe d’adaptation. Ces

années seront difficiles, Edouard a des comportements de mise en danger ( il se

laisse tomber ou fait le pantin).

Il entre finalement en CLIS à la rentrée 2005.

Actuellement, Edouard a 10 ½ ans.

Son fonctionnement est plus souple, il ne se met plus en danger.

Ses comportements et ses jeux sont moins stéréotypés, il s’autonomise.

Tout l’enjeux a été de faire comprendre aux parents l’ampleur des difficultés de leur

fils et de les aider à renoncer à une scolarité normale.

32

Le projet est de poursuivre la scolarité en UPI.

Edouard est toujours en thérapie individuelle deux fois par semaine et la famille est

suivie une fois par mois par le Dr D.

� Ivan

Les parents d’Ivan et d’Edouard ont demandé au Dr D. une consultation pour Ivan,

4½ ans, qui présentait des troubles du comportement à la maison. Le Dr D. me les a

alors adressés.

Ivan est né sous X. Les parents d’Ivan n’ont aucun renseignement sur ses parents

biologiques. Après les conditions difficiles d’adoption d’Edouard, le couple a décidé

d’adopter en France. Trois ans après leur demande d’accréditation, Ivan naît et il est

adopté à l’âge de 3 mois. Il rejoint immédiatement le foyer familial.

Les acquisitions du langage, de la marche et de la propreté se font normalement.

La maternelle ne signale aucun problème de comportement ou de trouble des

apprentissages. Il n’y a pas, non plus, de difficulté de séparation.

Les parents demandent, de leur propre initiative, une consultation pour Ivan au Dr D.

Je reçois Ivan avec ses deux parents.

De prime abord, leur demande quant à cette consultation est floue. Ils viennent parce

que le Dr D. leur a proposé mais ils ne se voient pas dans un suivi au long cours

pour Ivan.

33

Ivan était un enfant agité et violent vers l’âge de 2-3 ans. Maintenant qu’il s’exprime,

il arrive à contenir ses colères.

Le problème principal semble être la place de chaque enfant dans la fratrie. Les

parents ont très peur qu’Ivan, plus éveillé et agité, « prenne toute la place ». Ils ne

savent pas comment intervenir entre les deux frères : les séparer sans cesse, laisser

Ivan et Edouard se disputer, etc…La rivalité fraternelle est très présente, Edouard

dira en consultation qu’il « aime écraser son frère » et Ivan s’agite tellement qu’il

occupe tout l’espace du foyer.

Je peux pressentir au moment de cette consultation une autre question : « est ce

qu’Ivan aura les mêmes problèmes que son frère ? », « s’engage t’il dans une prise

en charge psychiatrique chronique comme son grand-frère ? »

Ivan a un bon contact. Il évolue bien dans la relation. Il ne présente pas de retard de

développement. Il joue, dessine, comme n’importe quel enfant de son âge.

Je rassure les parents sur l’état de santé de leur enfant. Ils semblent heureux et

soulagés. La prise en charge d’Ivan s’arrête là.

Comme souvent dans les fratries d’enfants malades, quelques consultations ont suffi

à rassurer les parents inquiets pour le plus jeune et à conforter chacun dans sa place

au sein de la famille.

34

� Discussion

Ce cas clinique permet d’illustrer plusieurs notions que j’ai développées plus haut :

� Les motivations des parents d’Edouard et d’Ivan pour adopter :

Comme dans la majorité des cas, l’adoption d’Edouard fait suite à un long parcours

douloureux et médicalisé causé par une stérilité qui restera d’étiologie inconnue. Ceci

a été vécu comme un échec par le couple parental qui a attendu Edouard avec

d’autant plus d’espoir et d’impatience.

� La crainte de l’hérédité pathologique :

La situation adoptive a tout de suite était mise en avant par les parents pour

expliquer les troubles d’Edouard et avec elle la crainte d’une hérédité pathologique.

La mère biologique d’Edouard est en effet décédée quelques temps après l’abandon

d’Edouard. De quelle maladie ?

Le père biologique d’Edouard, quant à lui est totalement inconnu. Il y a beaucoup de

questions qui restent sans réponse.

Déçus par les conditions de l’adoption d’Edouard, ils décident d’adopter en France,

mais ils sont très anxieux de ne rien connaître de la famille d’origine d’Ivan. Ils ont

peur qu’apparaissent des troubles psychiatriques chez Ivan liés à son hérédité

inconnue et qu’ils ne pourront donc pas prévoir.

� Les facteurs de risque de troubles psychiatrique :

L’adoption d’Edouard présente de nombreux facteurs de risques de trouble

psychiatrique :

- Une adoption tardive

35

- Un long délai entre l’adoption légale de l’enfant et son placement dans la famille

adoptive. Ce délai pouvant compromettre le sentiment de légitimité des parents

adoptifs.

- L’absence de soutien de la famille étendue

Le travail en consultation a tenté d’amener les parents à accepter les troubles

importants d’Edouard et le mystère autour de son hérédité. Il a fallu les aider à

dépasser l’idée que la cause des difficultés de leur fils était soit une hérédité vécue

comme pathologique soit la situation adoptive.

Les quelques séances avec Ivan ont permis de replacer chacun des enfants dans la

fratrie et de travailler sur des problématiques présentes dans toutes les familles où

l’un des enfants est gravement malade. Ivan, âgé alors de 4ans et demi, n’avait pas

encore d’interrogations sur son adoption. Ce qui était au centre de ses

préoccupations concernait son grand frère malade et la peur de devenir malade à

son tour.

3.4. « Collusion » entre fantasme et réalité Une autre spécificité de la filiation adoptive est l’existence de parents adoptifs et de

parents biologiques, ce qui, notamment dans l’élaboration du roman familial et dans

la problématique de la dette existentielle, peut entrainer une « collusion » entre

fantasme et réalité.

36

3.4.1. La recherche des origines et le roman famili al des enfants adoptés

La nature des problématiques des enfants adoptés rencontrés en consultation

dépend de l’âge de l’enfant 10.

Le questionnement autour des origines apparaît vers 3-5 ans. : L’enfant vérifie qu’il

vient bien du ventre de sa mère. Il exprime son questionnement par différents

symptômes : troubles du sommeil, agitation, difficultés d’attention, comportements de

proximité physique avec les parents qui les dérangent par leur caractère sexualisé.

Quand l’enfant intègre qu’il n’est pas né de ses parents, il peut traverser une période

de tristesse, de désintérêt, voire de retrait, car il réalise qu’il a eu des parents

géniteurs qui l’ont abandonné.

C’est à l’adolescence que se posera la question des origines géographiques.

L’adolescent va alors projeter de faire un voyage dans le pays d’origine à la

recherche de sa famille biologique, comme Magali, cas clinique que je développerai

plus loin.

Pour les enfants adoptés, le roman familial se confond avec la vérité. Le fantasme

d’avoir d’autres parents se confond avec le fait qu’il y a d’autres parents52 dans la

réalité. Les parents imaginaires trouvent comme support les parents biologiques.

Ces derniers sont alors idéalisés et préservés par l’enfant. On pourrait dire, que les

enfants adoptés ont des difficultés à renoncer à la perte de ces parents imaginaires

et idéalisés parce que ces parents ont comme support les parents biologiques qui

existent vraiment. Ce travail de renoncement aux parents imaginaires du « roman

37

familial » que tout jeune névrosé réalise progressivement sera ainsi plus difficile pour

l’adolescent adopté.

Il s’agit donc bien d’un processus présent chez tous les enfants mais qui revêt une

teinte particulière à cause de la situation adoptive.

3.4.2. La dette existentielle des enfants adoptés

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1.4.3., l’enfant adopté se trouve dans un

conflit de loyauté entre ses parents adoptifs et ses parents biologiques.

Comment exprimer sa gratitude envers ses parents adoptifs sans trahir ses parents

d’origine ? Et inversement, il ne suffit pas d’avoir des enfants pour se montrer loyal

envers ses parents adoptifs puisque c’est la descendance des parents biologiques

qui est assurée. Ce conflit est au cœur de la problématique de Magali.

3.4.3. Le cas de Magali, une adolescente adoptée

� Magali

A l’origine de mon travail sur l’adoption il y a ma rencontre avec Magali, 21 ans,

hospitalisée dans une unité de post-urgences pour adolescent. Elle est suivie par un

psychiatre Dr L., qui l’adresse pour « malaise identitaire et conduite de type

anorexique »

38

Magali raconte l’histoire de son adoption avec beaucoup de tristesse et

d’incompréhension. Son récit est entrecoupé de départs tonitruants de la salle

d’entretien lorsque les larmes lui viennent.

Elle est née à Madagascar dans une famille très pauvre. Son père est décédé alors

qu’elle avait 1 mois. Sa mère, restée seule, devait subvenir aux besoins de la famille

en faisant des ménages. Le foyer est composé d’une fratrie de 10 enfants. Magali est

la plus jeune.

Elle garde des souvenirs très heureux de son enfance à Madagascar, souvenirs

probablement idéalisés.

L’adoption s’est déroulée dans des circonstances peu claires : Magali était alors

âgée de 4 ans. Il semble qu’elle était, en réalité, plus âgée et que sa mère ait menti

sur son âge pour qu’elle soit adoptée plus facilement.

Elle était malade, atteinte d’une parasitose digestive. Au moment de son départ, elle

pensait partir en France pour se soigner et revenir à Madagascar ensuite. Elle ne

savait donc pas qu’elle allait être adoptée.

Elle devait être adoptée avec son frère mais, au dernier moment la famille s’est

rétractée pour le fils, réclamant un dédommagement financier. Les parents adoptifs

de Magali ont refusé, son frère est resté à Madagascar. Cela augmente

l’incompréhension de Magali : pourquoi sa mère l’a t’elle abandonnée, elle, et pas

son frère ?

Une sœur de la mère, infirmière, semble être l’intermédiaire de cette adoption.

Magali a fait le trajet Madagascar-Paris, seule, sans ses parents adoptifs.

Nous savons peu de choses sur ses parents adoptifs.

39

Ils ont eu recours à l’adoption pour cause de stérilité. Ils sont tous les 2 enseignants

à Metz.

Ils ont adopté un autre enfant à Madagascar, quelques années plus tard. Il est âgé

de 16 ans et il est suivi par un pédopsychiatre pour des troubles du comportement à

l’école.

Magali est décrite comme une enfant facile par ses parents. Un changement brutal a

lieu à l’entrée dans l’adolescence. Elle fugue du domicile pendant quelques heures à

l’âge de 14 ans et présente des difficultés d’adaptation à son entrée au lycée.

A l’âge de 19 ans, elle décide de retourner seule à Madagascar. Elle est très déçue

par ce voyage : elle est choquée par la saleté et par la pauvreté ; elle voit sa mère

mais elle est incapable de lui parler, parce qu’elle ne parle plus et ne comprend plus

le malgache et parce qu’elle n’arrive pas à regarder sa mère dans les yeux. Elle

souffrira beaucoup de l’absence de retrouvaille avec sa mère.

Elle est hospitalisée en psychiatrie dès son retour, en secteur adulte, pour des

conduites anorexiques. A la sortie, elle entame un suivi en psychothérapie

individuelle.

Sur le plan scolaire, Magali est une bonne élève, elle obtient le bac L sans problème.

Elle s’oriente en faculté d’espagnol, puis en école d’infirmière et finalement elle

choisit un BTS tourisme. Elle justifie son orientation en disant qu’elle n’a pas les

moyens de voyager alors elle permet aux autres de le faire.

Pour entamer ses études de tourisme et suivre son petit ami, Magali part brutalement

de chez ses parents pour habiter à Paris. Cela se passe mal, son petit ami,

40

beaucoup plus âgé qu’elle, est violent. Elle se déprime et arrête de manger. Sa

psychiatre lui propose alors une hospitalisation dans une unité d’adolescents.

Les débuts de l’hospitalisation sont chaotiques. Magali se montre opposante et sort

de tous les entretiens en claquant la porte. La symptomatologie est dominée par les

troubles du comportement, elle est agressive et impulsive et met à mal l’institution.

Tout l’enjeu est de tenir malgré ses attaques, rester en lien et continuer à la soutenir.

La mise en place d’un traitement sédatif et anxiolytique léger lui permet de s’apaiser

et d’accepter les soins.

Les permissions dans sa famille à Metz, sont des moments très difficiles. Chaque

séparation, de l’institution ou de sa famille, est anticipée et vécue très

douloureusement.

L’hospitalisation est longue, nous craignons l’installation d’une dépendance à

l’institution.

Nous convenons alors avec elle et avec la famille d’un contrat de temps et la date de

sortie est fixée. Après cette hospitalisation, Magali reprend sa psychothérapie et

continue ses études de tourisme.

� Discussion

Ce cas clinique permet d’illustrer les notions développées plus haut :

� Facteurs de risque d’apparition de troubles psychiatriques :

Nous retrouvons, à nouveau de nombreux facteurs de risque de troubles

psychiatriques, dans l’histoire de cette adoption :

- Une adoption tardive ;

41

- Des conditions d’adoption défavorables : l’enfant n’était pas au courant de son

adoption et elle n’a pas été accompagnée pendant le voyage ;

- Des conditions de vie misérables avant l’adoption.

� La recherche des origines à l’adolescence :

Dans sa quête identitaire, Magali fait un voyage à Madagascar, à la recherche de ses

racines. Elle n’est malheureusement pas accompagnée dans cette démarche et elle

est déçue de la rencontre avec sa mère biologique tellement idéalisée. Cette mère

qui a servi de support au fantasme de roman familial de Magali. Cette rencontre avec

cette mère « réelle » a été très douloureuse pour l’adolescente.

Derrière cette quête des origines, Magali recherche la vérité : « quel est mon vrai

destin ? », « quelle est ma vraie mère ? ». Et c’est là qu’il faut aider Magali à aller au-

delà de ces questions et à faire la différence entre place et fonction. En effet, il y a

deux places : celle de ceux qui ont donné vie : les géniteurs et celle de ceux qui ont

élevé l’enfant. Mais il n’y a qu’une seule fonction celle que les parents adoptifs ont

exercée et assurée de père et de mère dans le quotidien.

On pourrait d’ailleurs faire cette même remarque pour le cas clinique précédent

d’Edouard et d’Ivan.

� La dette et les conflits de loyauté :

Magali est « tiraillée » entre sa famille adoptive et sa famille biologique. Elle est sans

cesse dans l’interrogation de savoir : « qui est ma vraie mère ? Qui est ma vraie

famille ? »

42

Le plus difficile pour les parents adoptifs de Magali a été les accusations de leur fille

de « vol d’enfant ». Elle leur dira « vous avez volé une pauvre famille malgache pour

votre petit bonheur », mettant à mal leur légitimité de parent.

Préserver l’image idéalisée de sa mère de naissance semble être à ce moment là la

manière la plus économique pour elle de résoudre ce conflit de loyauté.

Par ailleurs, en attaquant violemment ces parents de la sorte, Magali soulève un

point crucial, une question très actuelle sur le statut de l’enfant dans la famille : est-

ce que l’enfant a pour fonction de rendre ses parents heureux ?

� Problématiques liées à l’adoption et adolescence :

On voit très bien comment l’adoption rentre en résonance avec les problématiques

adolescentes de séparation-individuation. Tout l’enjeu pendant cette prise en charge

hospitalière a été d’accompagner Magali lors des différentes séparations : séparation

d’avec l’institution, d’avec ses parents adoptifs et d’avec son petit ami. Toutes ces

séparations venant raviver la douleur de la première séparation, celle de l’abandon

par sa mère biologique.

Un autre enjeu de l’adolescence est particulièrement mis en lumière par ce cas

clinique : l’adolescent cherche en effet à se situer dans son environnement, dans son

histoire, dans ses projets, on pourrait dire qu’il tente « de prendre sa vie en mains ».

C’est ce qu’a fait Magali, en retournant à Madagascar. Elle a essayé de se situer

dans son environnement, dans son pays, dans ses liens avec sa famille d’origine, de

retrouver quelque chose de familier, une langue, des odeurs, etc., pour pouvoir

s’imaginer l’enfant qu’elle a été. Malheureusement elle n’a pas été accompagnée

dans cette démarche et l’expérience restera traumatisante.

43

La filiation adoptive présente donc des spécificités qui la rendent particulière :

� Le désir d’enfant dans l’adoption est bien évidemment le désir d’une

descendance comme n’importe quel parent mais s’y adjoignent des éléments

spécifiques à l’adoption elle-même et à la situation particulière dans laquelle

pensent se trouver les futurs parents adoptifs.

� La filiation adoptive n’est sous-tendue par aucune transmission génétique de

la part des parents adoptifs. L’origine biologique de l’enfant reste le plus

souvent un mystère et peut être l’occasion de projections et de fantasmes de

la part des parents, surtout si l’enfant présente des troubles psychiatriques.

� Pour les enfants adoptés, il y a effectivement « d’autres parents » que les

parents du quotidien, il y a les parents biologiques, les géniteurs. A qui sont-

ils redevables ? A ces « autres parents » ? ou à leurs parents adoptifs ? Nous

pouvons les aider à résoudre ces conflits de loyauté en dépassant ces

questions et en différenciant la place et la fonction de chacun.

De la même façon que les difficultés rencontrées dans les situations adoptives nous

permettent de mieux éclairer les processus de filiation, les questions posées par la

situation adoptive nous permettent d’observer la mutation que connaissent la famille

et le statut de l’enfant dans les pays occidentalisés. Ces questions seront abordées

dans une dernière partie.

44

4. Questions actuelles à propos de la filiation

Dans nos pays occidentaux, la famille et le lien de filiation dans la famille changent.

Il semble aujourd’hui que la « vérité » biologique prenne le pas sur l’axe juridique et

encore plus sur l’axe psychique de la filiation. D’autre part, les fondements même de

ce qui fait famille et de la place de l’enfant dans la famille, sont en pleine mutation.

Je vais tenter de donner quelques pistes de réflexions en partant d’interrogations

soulevées par l’actualité, comme le débat autour des tests de paternité ou autour de

la révision de la loi de bioéthique de 1994, sans tout de fois répondre à toutes ces

questions, ce qui serait hors du sujet de mon travail.

4.1. Le primat du biologique

Le débat autour des tests de paternité est un exemple de ce que l’on pourrait appeler

le « primat du biologique » dans nos sociétés.

Chaque année, d’avantages d’hommes effectuent des tests de paternité à l’étranger

pour savoir s’ils sont bien les pères biologiques de leurs enfants. Cette pratique est

interdite en France.

Elle est autorisée dans d'autres pays (la Suisse, Les États-Unis, le Canada) et même

au sein de l'Union européenne (comme l'Espagne, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie).

En France, demander un test de paternité n'est autorisé que dans le cadre d'une

procédure judiciaire se rapportant aux liens de filiation, conformément à la loi de

bioéthique française de 1994. En effet, en matière civile, les tests de paternité ne

peuvent être ordonnés que dans le cadre d'une procédure judiciaire visant à établir

ou à contester un lien de filiation. En outre, le consentement de l'intéressé doit être

45

préalablement et expressément recueilli. Enfin, sauf accord de la personne de son

vivant, aucune identification par ADN ne peut être réalisée après sa mort.

Tout contrevenant risque une peine d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros

d'amende. Les tests sont réalisés uniquement dans des laboratoires agréés 53.

Nous avons tous en tête l’affaire qui a duré neuf ans et qui a abouti à l’exhumation

de la dépouille d’Yves Montand, pour démentir la paternité suspectée de la fille d’une

ex-comédienne qui aurait eu une liaison avec l’acteur. Il avait été « attaqué en

paternité » de son vivant mais avait toujours refusé de se plier au test ADN. Un

premier jugement rendu en 1994 avait attesté la paternité de l’acteur sur la base de

la ressemblance entre la fille et la vedette. Finalement, en 1996, contre la volonté du

défunt, un test ADN est pratiqué de manière tout à fait exceptionnelle et contredit

cette paternité présumée. La mère reste pourtant persuadée qu’Yves Montand est

bien le père de sa fille et que ce n’était peut-être pas le corps de l’acteur qui se

trouvait dans le cercueil…La fille, quant à elle accepte le jugement et sait enfin à quoi

s’en tenir.

Quelles ont été les conséquences de cette « vérité » sur la fille ? Sur la mère ?

Démontrer par un test ADN que l’on est bien le géniteur nous fait-il père ? Ou à

l’inverse démontrer que l’on est bien l’enfant d’untel nous inscrit-il dans une filiation ?

Quelles sont les conséquences d’une telle information sur le père ? Sur l’enfant ?

Ces questions sont d’autant plus importantes que les résultats sont délivrés

brutalement, sans aucun accompagnement.

46

Le père semble ici être réduit à la seule dimension de géniteur. Ce n’est pas le sujet

de mon travail de définir ce qu’est un père ou une mère mais ce qui est sûr, c’est que

les liens qui unissent les parents aux enfants ne peuvent se résumer à de l’ADN.

4.2. « Les nouvelles familles »

La famille est en pleine mutation. Auparavant, la famille s’organisait autour du couple

parental, autour du père et de la mère ; maintenant ce qui fonde la famille est en

plein bouleversement et les questions soulevées par la révision de la loi de

bioéthique de 1994 qui devrait intervenir courant 2010, en sont des illustrations

criantes. Les points les plus sensibles concernent :

� La légalisation ou non de la gestation pour autrui,

� Le maintien de l’anonymat des donneurs de sperme ou d’ovocytes,

� L’accès à la procréation médicalement assistée pour les célibataires ou les

couples homosexuels et

� Le remboursement par la sécurité sociale des procédures d’aide médicale à la

procréation pour les grossesses plus tardives (l’âge maximum est de 42 ans

aujourd’hui).

Il parait difficile de répondre à ces questions sans se demander comment il est

possible de s’inscrire dans une généalogie quand ce qui fonde la filiation n’est pas au

devant de la scène. En effet, cette réforme vient interroger :

� La différence des sexes dans le couple parental.

� La différence des générations : Dans les pays où la gestation pour autrui est

autorisée, il arrive que ce soit la future grand-mère qui porte l’enfant.

47

� Les limites du corps qui sont repoussées avec des grossesses de plus en plus

tardives : une femme de 66 ans, en Italie, a donné naissance à une petite fille,

suite à un traitement médical d’aide à la procréation.

� La vie, la mort : La Justice américaine vient d’autoriser une femme à recueillir

le sperme de son conjoint décédé, afin qu’elle réalise son rêve d’avoir un

second enfant de lui. Il est désormais possible d’être enceinte d’un homme

décédé.

Mais qu’est ce qui fait famille ? Ce qui fait famille n’est pas purement et simplement

réductible au simple lien biologique sinon l’adoption serait une opération vaine. Ce

qui fait famille, c’est peut-être ce qui permet à l‘enfant de s’inscrire symboliquement

dans une lignée dans laquelle chacun a une place de mère, de père, de grands-

parents, etc…Si les places et les fonctions de chacun sont confondues par exemple

dans le cas de la gestation pour autrui où la grand-mère porte l’enfant, il peut

sembler difficile pour l’enfant de s’inscrire dans cette famille.

4.3. Le nouveau statut de l’enfant

Le statut de l’enfant lui-même est entrain de se modifier.

Dans nos sociétés, les enfants ne sont plus conçus de la même manière

qu’auparavant, grâce à la généralisation de la contraception, à l’émancipation de la

femme et à toutes les avancées médicales concernant l’aide à la procréation.

L’enfant est maintenant souvent conçu dans un projet conscient et son arrivée doit

participer au bonheur de la famille, la vie familiale s’organise autour de lui et non plus

autour du couple parental et du désir qui unit ce couple. Mais la fonction de l’enfant

est-elle de donner du bonheur à ses parents ?

48

Ce qui fait famille et le statut de l’enfant sont en pleine mutation. Comment ces

enfants vont-ils s’inscrire dans une histoire et dans une filiation ?

49

5. Conclusion Mon travail précédent « Adoption et troubles psychiatriques pendant l’enfance et

l’adolescence » m’a permis de répondre à plusieurs questions soulevées par la prise

en charge d’enfants et d’adolescents adoptés. Les enfants adoptés sont

effectivement plus à risque de troubles psychiatriques que leurs pairs non adoptés.

Les facteurs de risque décrits dans les études ne sont pas consensuels mais j’ai pu

retenir que les adoptions tardives (après l’âge de 6 mois), les conditions de vie

défavorables avant l’adoption et un temps bref passé dans la famille adoptive sont

des éléments liés à une prévalence plus élevée de troubles psychiatriques.

L’évolution des troubles psychiatriques est favorable. Plus les enfants passent du

temps dans leur famille adoptive, plus ils rattrapent leur retard de développement.

Dans ce travail, je me suis penchée sur les processus psychiques pouvant être en

jeu chez les enfants et les adolescents adoptés amenés à consulter en psychiatrie.

Leur quête identitaire est elle différente de celle des autres enfants? Je ne le pense

pas.

Il est vrai que la filiation adoptive présente plusieurs spécificités : le désir d’enfant est

différent du désir d’enfant par « procréation naturelle », il n’y a pas de lien biologique

entre les parents et les enfants adoptés et enfin, la recherche des origines et la

question de la dette existentielle revêtent une teinte particulière du fait de l’existence

d’autres parents que les parents du quotidien.

Mais ces questionnements habitent chacun de nous, simplement ils se résolvent plus

aisément lorsque la réalité ne vient pas donner « corps » au fantasme.

C’est en cela que l’on peut dire que la situation adoptive n’est pas une situation

pathologique en soi.

50

Il faut aider les enfants adoptés et leurs parents à dépasser cette condition « d’enfant

adopté » et les amener à penser autrement ce qu’il leur est arrivé.

Magali a eu besoin et aura encore besoin d’un accompagnement dans sa quête

identitaire pour pouvoir se raconter et s’inscrire dans une filiation qui ne la met pas

dans un conflit de loyauté entre sa famille adoptive et sa famille biologique.

Les parents d’Edouard et d’Ivan, quant à eux, acceptent peu à peu de ne pas

connaître l’hérédité de leur enfant adopté malade et renoncent à l’enfant idéalisé,

mais n’est-ce pas un problème auquel sont confrontés tous les parents et encore

plus les parents d’enfant malade ?

Le travail thérapeutique avec ces jeunes patients adoptés sera en partie de les aider

à dépasser ces questions pour penser en termes de place et de fonction de chacun

dans son histoire.

C’est dans les unités de soins pour adolescents que nous rencontrons le plus

d’enfants adoptés. On peut penser que l’adolescence est une période

particulièrement critique pour les enfants adoptés car les problématiques liées à

l’adoption entrent en résonance avec celles de séparation-individuation liées à

l’adolescence. Pendant cette période la difficulté de se séparer de ses parents

adoptifs vient raviver la douleur de l’abandon par les parents biologiques. Ceci a été

l’un des enjeux de l’hospitalisation de Magali : l’accompagner dans ces séparations

et dans son cheminement individuel.

Enfin, les questions posées par la situation adoptive nous permettent d’observer la

mutation que connaissent la famille et le statut de l’enfant dans les pays

occidentalisés. L’actualité, les avancées médicales concernant les aides à la

51

procréation, rendent le débat autour de la filiation tout à fait nécessaire, notamment

autour de la réforme, prévue en 2010, de la loi de bioéthique de 1994.

De plus en plus, l’organisation de la famille se décentre du couple parental pour se

centrer sur l’enfant, qui s’inscrit maintenant dans un projet conscient et qui doit

participer au bonheur de la famille.

On peut se demander alors, comment ces enfants vont s’inscrire dans leur histoire et

dans leur filiation.

52

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60

RESUMERESUMERESUMERESUME

L’adoption est une situation particulière qui permet d’étudier ce qu’est la filiation et

les phénomènes psychiques qui sont en jeu comme la recherche des origines, le

fantasme de roman familial et la dette existentielle.

La filiation est définie selon trois axes : la filiation juridique, la filiation biologique et la

filiation psychique. Seuls deux axes sont indispensables à l’établissement de ce lien :

l’axe juridique et l’axe psychique. L’adoption est une situation particulière où le lien

filiatif n’est pas sous-tendu par des liens de sang et pourtant, ce lien est institué.

Ce travail me permet de conclure que l’adoption n’est pas une situation pathologique

en soi mais une situation qui exacerbe et met en relief des phénomènes psychiques

mis en jeu chez chacun de nous. Les cas clinique d’une fratrie d’enfant adopté et

d’une adolescente adoptée me permettent d’illustrer mes propos.

La filiation est un sujet dont les enjeux sont très actuels, notamment autour du débat

sur la réforme de la loi de bioéthique de 1994, concernant la gestation pour autrui,

l’anonymat des dons de gamètes et les grossesses tardives. Ce qui fait famille et le

statut de l’enfant sont en pleine mutation. Comment ces futurs enfants vont-ils

s’inscrire dans une histoire et dans une filiation ?

Mots clés :

� Adoption ;

� Filiation ;

� Recherche des origines ;

� Dette existentielle ;

� Roman familial.