Mémoire photographique champenoise n° 13

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bulletin bisannuel de l'association gérant le fonds photographique Poyet

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Mémoire photographique Champenoise « Centre Régional de la Photographie de Champagne Ardenne »

Rue de Clamecy (ancienne caserne des pompiers)51160 Ay

Bulletin bisannuel Prix de vente au numéro : 2 €

N° 131° semestre 2012

Plaque n° 44 896a Mr Wall, photographié par Jean Poyet le 25 novembre 1939.

So British !

« Du 22 septembre 1939 au 27 avril 1940, près de 400 militaires anglais vont passer devant l’objectif de Monsieur Poyet. Alors, l’archéologue de l’image essaie

de comprendre quelle histoire ces clichés racontent. Il devient fureteur, internaute, découvre le Musée du Terrain d’aviation de Condé-Vraux, et il

apprend, et il s’étonne, et il s’émeut. »

http://memoirephotographiquechampenoise.org

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Mémoire photographique champenoiseBulletin de l'association loi de 1901

Centre Régional de la Photographie de Champagne-ArdenneRue de Clamecy (ancienne caserne des pompiers) 51160 Ay

http://memoirephotographiquechampenoise.org

Editorial

« Tout ne va pas toujours bien dans le monde associatif, et nous avons connu ces derniers mois quelques soubresauts qui vont entraîner une restructuration de notre association. »

C'est ainsi que je commençais l'éditorial du dernier numéro. Rien n'est arrangé, mais les péripéties associatives n'ont aucune importance par rapport à l'objet de ce bulletin.Depuis le N°1, paru le 1° septembre 2005, c'est une somme d'articles dont la finalité est d'intéresser nos lecteurs au fonds photographique Poyet, bien sûr, sur lequel chaque mois de travail nous enrichit de découvertes surprenantes, émouvantes, d'un intérêt local historique incontestable, le local laissant la place à l'universel de temps en temps, comme vous le découvrirez dans ce numéro à propos de la présence de la Royal Air Force dans notre région en 1939-1940.

Mais ce n'est pas que cela.L'actualité photographique est difficile à évoquer dans un bulletin qui ne paraît que deux fois par an, aussi nous sommes-nous attachés à évoquer l'histoire de cette magnifique découverte, à évoquer les techniques anciennes, à vous faire découvrir des photographes contemporains ou presque dont le travail nous a ému, à tisser des liens nombreux avec les conservateurs des différentes institutions liées à l'image, avec des universitaires curieux d'analyser le travail fait sur ce fonds exceptionnel.Devant les critiques acerbes concernant mon travail, exprimées au sein du bureau de l'association, essentiellement par son président, je prends du recul, et laisse donc pour les trois années qui viennent, le relai à sans doute plus qualifiés que moi pour continuer cette tâche, continuer la valorisation du fonds Poyet, sa numérisation, répondre aux nombreuses demandes, demandes de tirages, mais aussi de renseignements très variés venant de l'extérieur grâce à notre site internet qui est la première vitrine de l'association, réaliser ce que nos statuts prévoient en dehors de la valorisation de cette inestimable collection, réaliser le bulletin, etc ...En deux pages, je me permets de faire le bilan des 7 dernières années de mon travail, qui ont été précédées par 19 ans consacrés au tri, au nettoyage, au stockage de ce fonds, avant qu'il ne soit confié à cette association. C'était sans doute une erreur de ma part, pensant trouver dans cette structure une aide en travail, en heures consacrées aux multiples tâches qu'une telle valorisation demanderait. Le dépôt aux archives d'Epernay aurait sans doute été plus adroit de ma part, et m'aurait certainement permis de faire le même travail, mais au chaud, plutôt que dans un local certes précieux, mais pas ou peu chauffé, faute de moyens...Tout l'aspect d'actions contemporaines que vous retrouverez dans les buts exprimés de l'association n'a été mis en œuvre que par quelques actions villages en panne depuis plusieurs années, faute de bénévoles actifs et tout simplement de désir d'action ...La vie associative n'est pas que convivialité. Elle est convivialité sur la base d'une tâche partagée, conduite, stimulée en permanence pour atteindre les buts fixés par les statuts... et le bénévolat ne peut jamais être une excuse à l'inaction... Francis Dumelié, inventeur du fonds Poyet.

Quelques cartes de photographes régionaux

Sommaire :Sauvetage ou disparition : Chéri Rousseau, premier maître de Jean Poyet p.2

Histoire de la photographie : chapitre 11 : la photographie en couleur p.4

Le monde d'Albert Kahn p.8Les conscrits dans le fonds Poyet p.10Nouvelles brèves p.13État des lieux : 7 ans de travail de Francis Dumelié sur le fonds Poyet p.18La photographie d'identité dans l'histoire du portrait p.20Le fonds Poyet au jour le jour : les invasions de l'Histoire p.24Le Musée du terrain d'Aviation de Vraux Condé p.32Photographe d'aujourd'hui : Massimo Vitali p.37Encore une surprise dans le fonds Poyet : l' anamorphose p.39Le festival de Montier en Der p.42Humour animal en photographie p.51

Ont participé à la rédaction de ce numéro : Bertrand Lavédrine, Jean Paul Gondolfo, Victorien Maubry, Judith Benhamou-Huet, Philippe De Jonkheere, Francis Dumelié, Michel Frizot et Françoise Ducros, Pascal Pécriaux, Jean Eric Billet. Coordination : Francis Dumelié.

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cartes postales et textes reproduits avec l'aimable autorisation des Archives départementales de la Loire

Sauvetage ou disparition ? Le fabuleux destin du travail des Hommes...

Il n’est pas inutile de rappeler à quel point le sauvetage du fonds photographique Poyet a tenu du miracle, ni qu’il s’agit de l’un des fonds les plus importants et les plus complets sur une si longue période du XX° siècle en France...Mes recherches entreprises depuis 1988 sur l’histoire de ce photographe m’ont fait découvrir qu’il avait commencé sa carrière comme apprenti chez un Maître extrêmement réputé de Saint Etienne, sa ville natale, où son père était coiffeur. Il s’agissait de Chéri Rousseau, primé dans de nombreuses expositions nationales et internationales.Une fouille minutieuse des Archives départementales de la Loire m’a permis de retrouver les seuls témoignages de son activité : trois articles de presse parus l’un dans « le mémorial de la Loire » le 21 décembre 1900, « la Tribune » du même jour, et dans « l’écho du Velay » du 15 mai 1901.Sont conservées également 66 cartes postales dont il était l’auteur, référencées dans la base de données Gaia. Et c’est tout...Ainsi que me le faisait remarquer Monsieur Rivaton, conservateur du Musée des Amis du Vieux Saint Etienne, le sort des archives privées, entreprises, commerces, artisans, est entre les mains d’héritiers qui très souvent s’en désintéressent totalement. Ainsi, pas une plaque, pas un appareil, pas un souvenir de ce studio réputé n’a franchi les 140 ans qui nous séparent de sa création... Pas un portrait non plus, pas une seule de ces images tellement admirées par la presse de l’époque.

La « TRIBUNE » 21 décembre 1900

C'est avec le plus grand empressement que les fervents de l'art, les amateurs du beau, se rendent à l'exposition d'art photographique, organisée par M. Chéri-Rousseau, dans son coquet hôtel de la rue de la Paix. Et, hâtons-nous de le dire, tous sont émerveillés de ces œuvres d'un délicat artiste, dont le succès va, comme la renommée, sans cesse grandissant.

Qu'il y a loin de l'exposition de M. Chéri-Rousseau à la trop fréquente banalité de l'étalage de clichés qui n'ont en vue que l' intérêt. Ce fut là, d'ailleurs, le grand succès de l'artiste à l'exposition de Paris, où tant de chefs-d'œuvre se trouvaient réunis.

Il avait fait « nouveau » et le résultat de ses intelligentes recherches s'était imposé à l'attention des vrais artistes qui avaient su les distinguer parmi tant d'autres.

Grâce à des développements rationnés, qui nécessitent la plus délicate minutie, M. Chéri-Rousseau obtient des effets vraiment extraordinaires: l'Extase, le Ciseleur, les portraits de Berthon, le pastelliste renommé, et de M. Mariotte, le musicien si apprécie, sont des œuvres remarquables d'expression. Plus de ces fonds de convention et « flou », le visage se détache vivant sur les teintes vigoureuses et rappelle les toiles des grands maîtres.

En regardant le Coucher du soleil sur la Loire, on recherche la signature d'un artiste que ses fusains ont rendu célèbre à jamais et, au bas d'un Effet du matin sur l'étang de Magneux, on s'attend à trouver, comme à celui d'une admirable eau-forte, le nom du grand peintre Beauverie.

Crépuscule, Feuilles mortes, Chrysanthèmes sont de fins tableaux de genre, véritable régal d'artistes.

Et partout le même souci de vérité, la parfaite ordonnance, l'étude approfondie des lumières, la connaissance absolue des teintes. En parcourant l'exposition de M. Chéri-Rousseau, on est vite convaincu que les éloges qui lui ont été si souvent adressés, à si justes titres, ne sont que la faible expression de ce qui est et de ce que l'on éprouve en face des chefs-d'œuvre de l'excellent artiste qui professe par-dessus tout le vrai culte du Beau.

Ci-dessus, Jean Poyet en 1884 ou 1885 quand il entra chez Chéri Rousseau en apprentissage. Est-ce le Maître qui a pris ce cliché ? Nous n’avons aucune certitude à ce sujet...

Vue emblématique de la ville noire : mines et usines ! Carte postale coloriée après impression

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Le « MÉMORIAL- DE LA LOIRE»21 décembre 1900

21 décembre igoo.

Ces jours-ci, on voit de nombreux amateurs se diriger vers le coquet hôtel de M. Chéri-Rousseau,3 rue de la Paix. A l'intérieur est organisée uneexposition photographique.

Nous disons exposition photographique, parce que c'en est une, mais il faut avouer que rien n'y ressemble moins.

Aux murs, en effet, sont appendus des — comment dire des tableaux,des toiles, des eaux-fortes .' — On ne sait, c'est autre et mieux que cela, ce sont des Œuvres !

Un étonnement vous prend, puis vous êtes envahi d'admiration, et on se demande : « Se peut-il qu'avec la Photographie on arrive à être si loin de la Photographie ? ».

Que diraient les peintres qui professent parfois du dédain pour la reproduction exacte et automatique des lignes et des contours.

Ils seraient obligés d'avouer que, cette fois, la concurrence est venue, redoutable, et qu'un homme a réussi, comme eux, à donner de l'expression, de la couleur, de la vie ; qu'il a su distribuer la lumière, faire fuir les plans et idéaliser les choses qu'il reproduit !

Mais que les peintres se tranquillisent ; cet homme est seul au monde en son genre, et, hors M. Chéri-Rousseau, les autres continuent à mériter l 'appellation de « photographes ».

Quelques détails ?Là, dans ces cadres dorés qui

tueraient et rendraient plus mornes encore les grises épreuves habituelles, sont des œuvres qu'a conçues et exécutées un véritable artiste; et cet artiste s'est même fait un jeu, quand il a voulu, de prendre le meilleur de la manière des maîtres. Ce Don César de Bazan qui contemple la coquille

Ce curieusement ouvragée de son épée a l'allure d’un reitre de Royber ; cet Etang de Magneux a la douceur tranquille, la vaporeuse limpidité des paysages de Loire de notre Beauverie la femme en Extase ne sort-elle pas de la main d'Henner, le grand broyeur de noir et de blanc ':

Mais M. Chéri-Rousseau est lui-même lorsqu'il lui plaît : à quelle intensité d'expression n'est-il pas arrivé dans ce Liseur, ce vieillard qui penche sa tête sur le livre de science.

Et notre Dalila de la dernière saison, combien idéalisée et magnifiée, encore que si vraie, si naturelle et si reconnaissable ! Notre peintre Berthon a été pris à son tour par l'objectif et traité étrangement. Les Feuilles mortes sont un paysage où une jeune femme rêve dans la mélancolie de l'automne, et l'auteur a rendu la tristesse ardente du crépuscule de l'année. Et enfin quelque chose d'inouï, Un Coucher de Soleil sur la Loire, qui est morceau d'un effet étonnant et qui paraît d'autant plus intense qu'il est obtenu avec peu de moyens.

Car M. Chéri-Rousseau nous déclare qu'il ne retouche pas les épreuves, que pas un trait n'est modifié, qu'il se contente de prendre épreuve sur épreuve jusqu'à ce qu'une d'elles réalise le type qu'il entrevoit, jusqu'à ce qu'une d'elles présente ce côté heureux, cette surprise de la nature ou des êtres dans leur beau geste, leur éclairage favorable, leur vie la plus intense. Et alors seulement le manipulateur habile intervient, variant les tons, harmonisant les nuances, là est le secret, là est le faire incomparable, dont nul hors lui n'a le secret.

Et les visiteurs de l'atelier de M. Chéri-Rousseau le quittent à regret et sont unanimes à déclarer en toute sincérité que le résultat dépasse les espérances les plus optimistes et qu'il n'y a qu'un mot pour désigner cet effort qui a produit des résultats si surprenants : c'est de l'Art, un art particulier, mais dans lequel M. Chéri-Rousseau s'est élevé jusqu'à la Maîtrise ».

N’est il pas bien dommage de n’avoir aucune image d’un Maître aussi incontesté... Peut être en existe-t-il dans quelque grenier stéphanois, oubliées, qui réapparaîtront un jour ?

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Histoire de la photographie. Chapître 11.

Assez peu de gens savent que la photographie en couleur est très ancienne et encore moins qu’un richissime banquier, Albert Kahn, constitua une fabuleuse collection de plaques autochromes, inventées et commercialisées par les frères Lumière, en tentant de faire une sorte d’inventaire photographique du monde, au début du XX° siècle.

Lorsque Arago présenta en 1839, devant les Académies des sciences et des beaux arts, le procédé de Daguerre, il évoqua le problème de la couleur : « ...arrivera-t-on à reproduire les couleurs ? M. Daguerre ne le pense pas. Cependant, dire que la chose est impossible, ce serait trop se hâter de conclure... »

Les recherches seront actives, mais à cette époque, le socle des connaissances en physique et en chimie a besoin de s’enrichir de nouveaux savoirs.. Il était en effet impossible de concevoir un dispositif photographique d’enregistrement des couleurs sans connaître la nature de la lumière ni disposer des premiers éléments de compréhension concernant le mélange et la restitution des couleurs, qu’il s’agisse du rayonnement lumineux ou des matières colorées.C’est en 1891 que Gabriel Lipmann, responsable de la chaire de Physique à la Sorbonne met en place un procédé de reproduction directe des couleurs très complexe à mettre en œuvre. L’effet coloré apparaît en regardant la plaque sous une incidence particulière. Il s’agit d ’un procédé dit « direct » exploitant les ondes stationnaires émises par la lumière à travers la plaque.En 1802, le physiologiste anglais Thomas Young met en évidence le dispositif trichrome de la vision, par l’analyse des cellules qui tapissent la rétine et dont la sensibilité chromatique se situe dans les régions bleues, vertes et rouges du spectre lumineux.Les imprimeurs avaient déjà tenté des reconstitutions de couleurs en utilisant des encres de ces trois nuances.C’était le RVB avant l’heure ! « Jeune homme » de G. Lipmann, vers 1910

C’est en 1861 que le physicien anglais Maxwell réalise la première projection de photographie trichrome devant la Royal Society d’Angleterre. Il révèle que si le nombre des couleurs nous semble illimité, elles peuvent toutes se ramener à trois couleurs fondamentales dont les combinaisons infiniment variées sont susceptibles de produire toutes les nuances possibles. Il prend ainsi trois images à travers les trois filtres Rouge, Vert et Bleu, images en noir et blanc qui seront projetées à travers ces mêmes trois filtres sur un écran.

A droite, l’appareil mis au point pour cette technique : le mélanochromoscope

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Séparation trichrome positive obtenue avec un appareil similaire au mélanochromoscope de la page précédente. Les trois diapositives étaient projetées à l’aide de trois projecteurs munis de filtres bleu, rouge et vert qui restituaient ainsi sur un écran l’image en couleurs, récrée ici par traitement numérique.Deux inventeurs, Charles Cros et Louis Ducos de Hauron vont pratiquement en même temps inventer des procédés de superposition de films trichromes positifs restituant une impression colorée très imparfaite, et bien sûr, ces techniques restent très difficiles à mettre en œuvre, sans aucun avenir à caractère populaire !

En 1917, Henri Bouasse, professeur à l’Université de Toulouse dénonce ainsi les déficiences de la méthode trichrome en ces termes :

« Ce procédé et des procédés analogues sont utilisables parce que l'œil est extraordinairement facile à contenter. Pourvu qu’on lui montre le la couleur, il s’inquiète peu de savoir le degré de concordance entre le modèle et l’original. C’est chatoyant, c’est amusant : que veux-t-on de plus ? Les roses sont violettes, les citrons orangés, les oranges sont couleur de citron : nous en sommes quittes pour croire que les oranges n’étaient pas mûres, que les citrons sont d’une espèce à ce jour inconnue et que les roses méritent pour leurs couleurs un grand prix à l’exposition. Mais reproduisez un tableau dont l’original soit facilement accessible ; on s’apercevra alors de l’inexactitude du procédé »

Composition, trichromie sur papier obtenue par transfert de colorants : Charles Cros, fin du XIX°s

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Et voilà les frères Lumière...

Plusieurs procédés vont essayer de se développer de manière concurrentielle, et les frères Lumière, déjà producteurs industriels de plaques de verres négatives vont commercialiser des produits issus des travaux des inventeurs déjà nommés précédemment, sans atteindre un réel succès commercial.Dans le secret de leur laboratoire, ils vont mettre au point un procédé totalement révolutionnaire, alliant la qualité à la facilité d’emploi, et surtout la possibilité pour ces produits d’atteindre une production industrielle. Ce sont les « Autochromes »

Auto portrait d' Edouard Blanc, vers 1907. C’est l’ingénieur chimiste qui, avec les frères Lumière, mettra au point la technique de l’autochrome

L’image négative obtenue sur l’émulsion argentique est rendue positive par un traitement adéquat et la vision en transparence à travers la plaque de verre donne l’aspect de l’exemple présenté ci-dessus

L’idée géniale des frères Lumière tient dans l’utilisation de grains de fécule de pomme de terre d’une taille précise, autour de 15 microns, ce qui suppose une sélection car la taille des grains varie de 5 à 100 microns. Ce sont ces grains qui deviendront le support des trois colorants utilisés. Là encore, des années de travail leur permettront d’arriver à une qualité optimum.

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Première manifestation de ton sale caractère : je te propose une solution efficace pour couper ton rhume, et tu viens me raconter des histoires de goût...T'es bien une fille, va...Si tu veux manger des trucs sans goût, je te suggèrerais bien de manger l'un de tes proches...Mais je t'aime quand même... Bisoux

Sur le marché de la photographie en couleur, l’autochrome tient une position dominante pendant plus de 25 ans. Inchangée jusqu’en 1931, elle passera au support souple (Filmcolor) puis en bobine. Les films chromogéniques soustractifs (procédés couleurs argentiques actuels), comme les Kodachrome (1935) et les Agfacolor (1936), remplacent progressivement après guerre les réseaux additifs. La production des autochromes cessera vers 1955. Il n’en reste pas moins que leur longévité reste exceptionnelle dans l’histoire des techniques photographiques.

Cahier de laboratoire des frères Lumière décrivant la fabrication des autochromes, datant de 1929

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Le monde d’Albert Kahn

Plus de 72.000 photographies couleur prises sur autochromes Lumière et quelques 180.000 mètresde film, des centaines de lettres, carnets de notes et témoignages décrivant des voyagesextraordinaires à travers des pays exotiques aux quatre coins du globe.

Un inestimable trésor conservé dans les archives du musée Albert - Kahn à Boulogne-Billancourt, qui constitue la plus importante collection au monde d’autochromes, le premier procédé de photographies couleur. Entre 1908 et 1931, le banquier Albert Kahn, millionnaire et philanthrope, envoie à travers le monde des photographes et des opérateurs cinéma chargés de constituer les « Archives de la Planète ». Ces photographes qui parcourent plus de 50 pays, de l’Europe à l’Asie en passant par le Moyen-Orient et l’Amérique du nord sont les témoins des événements marquants de l’époque, mais aussi des détails infimes qui font le quotidien des gens ordinaires. Ils fixent sur la pellicule les paysages et les modes de vie d’un monde qui va disparaître.Arte a consacré en 2010 neuf émissions de 43 minutes à cette fabuleuse collection, qu’il est possible de télécharger pour un prix très modique ! http://www.artevod.com/monde_albert_kahn_collection

Un siècle plus tard, « Le monde d’Albert Kahn » permet aux téléspectateurs de découvrir ce fabuleux fonds d’archives, véritable mémoire de l’humanité. "Des images d’une beauté exceptionnelle aux couleurs remarquablement préservées" selon Arte. (réalisation BBC)

1 - Une vision du monde.Ce premier volet revient sur le parcours d’Albert Kahn, les origines du projet et les procédés photographiques de l’époque. Puis nous suivons les voyages en Angleterre et en Irlande de 1913.2 - Hommes du monde.En 1908, Albert Kahn et son chauffeur photographe Alfred Dutertre s’embarquent pour le plus ambitieux des premiers voyages : un périple qui les conduit aux Etats-Unis, au Japon et en Chine.3 - La fin d'une Europe.En 1910, le photographe Auguste Léon visite la Scandinavie, puis l’Italie et les Balkans, qui seront quelques mois plus tard le théâtre de guerres ayant contribué au déclenchement de la Première guerre mondiale.4 - Les soldats. Entre 1914 et 1918, Kahn dépêche sur les champs de bataille de Verdun plusieurs photographes qui rendent compte de la violence des combats et des méthodes chirurgicales expéditives et expérimentales en vigueur.

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5 - Les civils. Ce film témoigne de l’endurance et de l’héroïsme dont font preuve pendant le conflit les 39 millions de Françaises et Français habitant les villes et les villages bordant la ligne de front.

6 - L'Europe après-guerre. Après la signature de l’armistice en 1918, les caméras saisissent sur le vif les scènes de liesse parisienne, puis le retour progressif à la vie normale.

7 - Moyen-Orient, la naissance des nations. A la fin de la guerre, l’Empire ottoman est démantelé et dépouillé de sa puissance. De nouvelles nations voient le jour. Les caméras de Kahn sont présentes et assistent aux violences qui accompagnent ces grands bouleversements.

8 - Extrême Orient, à la découverte des Empires.Entre 1914 et 1928, Kahn envoie ses plus talentueux photographes dans plusieurs pays d’Extrême-Orient : Cambodge, Vietnam, Japon et Inde.

9 -La fin d'un mondeLa série s’achève sur la fin tragique d’Albert Khan : après avoir été l’un des hommes les plus riches d’Europe, il meurt ruiné en 1940.

Le Musée et les jardins Albert Kahn.

10-14, rue du Port, 92100 Boulogne-Billancourt - Tel : 01 55 19 28 00Présentation des collections, des archives, expositions temporaires.

A voir absolument. Pour préparer votre visite, suivez ce lien : http://albert-kahn.hauts-de-seine.net/musee/preparer-sa-visite/

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Les conscrits dans le fonds photographique Poyet

Conscrit et classe

Le mot conscrit signifie, dans le langage courant, l'ensemble des personnes nées la même année. Exemple : « mon mari et moi sommes conscrits ». Le terme est également utilisé par extension, pour toutes les personnes dont l'âge se termine par le même chiffre. Exemple : « je suis conscrit avec mon père ». De même, les personnes nées la même année étaient appelées sous les drapeaux en même temps et faisaient donc leurs classes en même temps. Ainsi une classe représente l'ensemble des personnes nées la même année. L'année des 20 ans est le moyen d'identification d'un ensemble de conscrits : ainsi la classe 2006 (parfois appelée la 06) désigne l'ensemble des conscrits fêtant leurs 20 ans en 2006 (donc nés en 1986).

Les interclasses désignent le regroupement de toutes les classes se terminant par le même chiffre. Par exemple l'interclasse en 6 concerne les classes 2006, 1996, 1986, ...

Il y a aussi les interclasses des années qui se suivent par exemple 2005, 2006 ou 2006, 2007...

Les fêtes de conscrits

Avec la création de la conscription est apparue un peu partout en France une tradition durant laquelle les jeunes gens de chaque commune, se réunissaient et faisaient la fête, avant de partir à l’armée. Cette tradition marquait en quelque sorte l'entrée dans le monde adulte. À l'origine cette tradition était réservée aux hommes, et la professionnalisation des armée mit fin à beaucoup de fêtes de conscrits. Dans les endroits où cette tradition perdure, les filles sont en général admises.

Les fêtes de conscrits sont fortement liées avec les fêtes des classes et sont même parfois assimilées à ces dernières, mais les fêtes des conscrits désignent plutôt les fêtes organisées avant de partir à l'armée (aujourd'hui ce sont les jeunes de 18 ou 20 ans qui les organisent) alors que les fêtes de classe désignent les fêtes regroupant toutes les personnes nées la même année.

Les fêtes de conscrits varient d'une région à une autre, et même à quelques kilomètres de distance les différences peuvent être flagrantes. Cependant, dans beaucoup de villages des bals sont organisés par les conscrits et ceux-ci portent généralement un canotier, une cocarde tricolore, annoncent leur venue en « jouant » du clairon et chaque classe possède son drapeau (de plus en plus rare ).

La fin du service national aurait logiquement dû marquer la fin de cette tradition, mais beaucoup y sont encore attachés. Certains la considèrent comme une beuverie, d'autres estiment que c'est une tradition très forte, surtout dans le milieu rural. Et, à l'instar du service militaire, une période riche d'anecdotes dont les acteurs se souviendront le restant de leurs jours.

Cet évènement joue parfois le rôle de catalyseur et permet un rapprochement ponctuel de personnes de milieux culturels ou sociaux différents.

C’est seulement en 1922 qu’apparaissent dans le fonds Poyet les premiers conscrits pour disparaître avant la deuxième guerre mondiale.Ces deux là sont venus se faire photographier le 18 juin 1928 . Le cliché porte le n° 31757 au nom de M. Monjeard

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Ci-dessus, les jeunes conscrits de trois classes photographiés chez Poyet le 18 juin 1928En dessous, la classe 1939 à La Villa dont le sourire de mars 39 va se figer dans bien peu de temps...

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5 septembre 1798: création du service militaire. Chaque français de sexe masculin est soldat de 20 à 25 ans.

10 mars 1818: le recrutement se fait par engagement et tirage au sort.Service de 6 ans.

27 juillet 1872: Service national obligatoire de 5 ans pour tous les hommes.

1913: le service est porté de deux à trois ans.

1939: il est ramené à deux ans.....

1970: service national de douze mois

1993: celui-ci est ramené à dix mois

1997: nouveau service national et début de la professionnalisation de l'armée.

Pourquoi les photos de conscrits n’apparaissent-elles pas dans le fonds Poyet avant 1922 ? L ‘hypothèse actuellement la plus plausible tient au fait que Jean Poyet, en 1927, pour une raison que nous ignorons totalement, a détruit une grande quantité de ses premières prises de vue, ne gardant que 971 négatifs entre 1902 et octobre 1917 sur les 17 530 prises de vues réellement réalisées pendant cette période.. Son choix s’est porté sur ce que nous appellerions aujourd’hui « les peoples » : bourgeoisie du Champagne, commerçants sparnaciens, militaires, etc. ... La probabilité pour que les groupes de conscrits commandent de nouveaux tirages lui a semblé sans doute très faible...

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Page 14: Mémoire photographique champenoise n° 13

Jacques Damiens nous a quittés

Son fils, Bruno, retrouvant la trace de son travail pour notre association, sous la forme de plusieurs articles écrits dans notre bulletin, a eu la gentillesse de m’informer de ce décès et de me faire parvenir cette photo de notre ami, ainsi que le mot d'adieu écrit par ses deux petits fils.

C’est lui qui avait pris contact avec moi, venant régulièrement visiter des parents à Dizy, et il me disait en riant que bientôt, plus grand monde dans son entourage n'étant encore vivant, il n’aurait plus l’occasion de venir en Champagne... Il a très vite adhéré à notre association très heureux du travail effectué sur le studio de son ancien patron et maître d’apprentissage...Il ne cachait pas que Jean Poyet (c’était déjà un vieux Monsieur de 72 ans en 1943) ne transmettait son savoir-faire qu’au compte- gouttes, plus préoccupé de rentabiliser ses apprentis que d’en faire de potentiels concurrents...

C’était un homme joyeux, passionné, qui nous a fait profiter de son érudition à travers un article sur Ste Véronique, la patronne des photographes, un autre sur la silhouette, pratique fréquente des photographes du 19° siècle, un autre sur l’oncle de Jean Poyet, Louis, grand dessinateur et graveur du XIX° siècle, au service entre autres de Gustave Eiffel.

Il était entré en apprentissage chez Jean Poyet en 1943, et était rapidement devenu ami avec Fernand, le fils de Jean Poyet. Tous deux étaient pilotes amateurs chevronnés...

Quand Fernand a quitté son père pour s’installer à Cannes, puis à St Raphaël, il a bien essayé d’entraîner Jacques Damiens avec lui, mais Jean Poyet s’y est opposé...

En 1960, après le décès de ce dernier en 1956, sa femme et sa fille Marguerite auraient bien aimé que Jacques prenne la suite, mais il y a renoncé...Il me racontait que de 57 à 60, Marguerite l’appelait au secours à la période des communions qui restait un moment important pour un studio de photographe...

Il a travaillé pour différents photographes n’osant jamais se mettre à son compte...

Il est resté en relations assez étroites avec Fernand Poyet, jusqu’au décès de celui-ci en 1998 à plus de 95 ans.Nous garderons de Jacques Damiens un souvenir ensoleillé...

Le mot d'adieu des petits-fils à leur grand-père :

« Papi, tu es né le 30 avril 1929 à Epernay dans la Marne. A partir de 14 ans , tu as appris le métier qui te tiendra à cœur toute ta vie, photographe portraitiste. Cette passion qui a débuté dans le grenier du café de ta Maman, à Dizy, guidera ta vie tout comme la rencontre avec Mammie. Tu l’épouseras le 28 août 1950 à Epernay et seul son décès il y a sept ans maintenant vous aura séparés.D’ Epernay, vous êtes partis à Douai dans le nord, où Papa est né en 1959.Puis ton travail vous a conduits à Grenoble et à Valence. En 1972, vous êtes venus à Rotisson, c’est dans cette maison que tu as rénovée que nous habitons. Après le mariage de Papa et Maman en 1993, vous avez eu la joie de nous voir arriver et grandir près de vous.Nos maisons voisines nous ont permis de vous voir tous les jours. La longue maladie de Mammie nous avait préparés à son départ, contrairement à toi qui a été malade 48 heures et qui es parti si brusquement.Aujourd’hui, on t’accompagne pour que tu ailles rejoindre Mammie et pour que vous nous regardiez finir de grandir. »

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Notre ami, Jean Jacques Charpy, Conservateur du Musée d’Epernay a présenté le contenu des 650 clichés acquis le 11 mars 1989 par l'association des Amis du Musée et10 tirages photographiques acquis avant 1934 par Edmond Henry, Conservateur.En 2010, il a entrepris la numérisation et la cotation de ces images, et nous en a fait un tirage papier grâce auquel, quand c’était possible, autrement dit que le document comportait un n° de classement dans les registres du fonds, j’ai pu identifier et dater ces clichés, apportant ainsi une précision majeure.Il s’agissait essentiellement d’images sur le et la Champagne mais aussi sur les autres aspects de ce fonds : vie locale, portraits, reportages, qu’il a présentées avec le talent qu’on lui connait au cours de cette conférence...

Nous sommes dans une période où le « coaching » est roi... Il y a peu, on appelait cela de la formation, ou des stages...En quelques années, le monde de la photographie a suivi cette tendance avec bonheur et on trouve sur la toile une offre considérable de séjours à thèmes, dont la photographie va être le moyen d’expression...L’exemple présenté ci-contre est simple et modeste.Nous avons découvert une agence, Aguila, qui organise des séjours dans le monde entier. Ne manquez pas de visiter son site :http://www.aguila-voyages.comLes cinq jeunes créateurs de cette entreprise vont très loin dans le professionnalisme, puisqu’ils proposent à partir de cette année des stages de post production qui vous permettront de mettre en forme votre récolte d’images au cours d’un des nombreux séjours offerts...

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La valeur d’une photographie

Nous avons déjà évoqué l’aspect commercial, la valeur de la photographie, sur le marché de l’art, ainsi dans le n°4 de notre bulletin, nous évoquions le tirage le plus cher du monde, évalué à 500 000 € en 2007. De même, dans notre n° 10, nous évoquions la découverte de plaques négatives attribuées au célèbre photographe américain Ansel Adam, qui achetées sur une brocante 45$ étaient estimées dix ans après 200 millions de dollars

Évidemment, il est fascinant, ce petit garçon. Yeux baissés, teint laiteux, boucles rousses et culottes courtes.On a envie d’excuser son air renfrogné. Et puis sa tête disproportionnée par rapport à son corps donne une atmosphère irréelle à l’image. La photo est signée Loretta Lux. L'allemande, née en 1969 est exclusivement connue pour ses portraits de bambins qui jouent avec le glamour des couleurs et une certaine monstruosité dans leur attitude.Une recette qui a marché de manière spectaculaire pendant plusieurs années. A tel point que les clichés acidulés de Loretta sont aujourd’hui dans les collections de certains grands musées comme le Guggenheim de New York ou le Reina Sofia de Madrid.Oui, mais...La recette ne marche qu’un temps si l’artiste ne sait pas se renouveler.En 2005, un tirage d’elle produit à vingt exemplaires a été adjugé 32 000 euros. Aujourd’hui, les tarifs pratiqués pour le même type d’images sont inférieurs de moitié. Le « Boy in Yellow Pullover » est estimé 5 800 euros. C’est ce qu’on appelle un effet de mode.Ça vient, ça part... Judith Benhamou-Huet

Voici la photographie la plus chère du monde : Rhein II, la photo monumentale du photographe Andreas Gursky a été adjugée 4,3 millions de dollars (3,1 millions d'euros). Il en existe six exemplaires de 3 m de long... L’un est dans le bureau de l’ambassadeur d’Allemagne en France...

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De qui s’agit-il ?

Francis Leroy, Conservateur des Archives de la Ville d’Epernay nous a communiqué cette carte-portrait, et dans les recherches faites sur les photographes de la Marne, nous n’avons jamais vu apparaître ce nom de Raoul Duguet.Le style fait bien sûr penser à un contemporain de Jean Poyet.Qui possède de telles photos ou des informations sur ce photographe ? Toute piste sera bienvenue...

Une Vente extraordinaire

Le 12 décembre a eu lieu à Drouot Montaigne une vente considérable qui donne une idée de la diversité des objets proposés à la vente aux enchères dans le domaine de la photographie.Le catalogue de 242 pages, couvrant toute l’histoire de la photographie est accessible à cette adresse : http://www.patrimoinephotographique.fr/pdf/SINCE-PHOTO-flash.pdfC’est l’agence de commissaires-priseurs Binoche et Giquello qui propose ces objets parfois d’une rareté totale.

Remontant au-delà des premiers daguerréotypes, un « physionotrace » de Edmé Quenedey (1756-1830) considéré comme un « précurseur idéologique » de la photographie.

Ci-contre : Ce profil a été relevé pour ainsi dire mécaniquement, grâce au physionotrace inventé par Chrétien, puis réduit et gravé sur fer-blanc.

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Les photographes sont des singes habillés

par Philippe De Jonckheere ⋅

numérique permettant, vous lui montrez la photographie qu’il a prise de vous, vous échangez un sourire ou une poignée de main, sachez que cette personne détient logiquement les droits de cette image.

Que fait cette agence de presse en s’appropriant indûment les droits de cette image ? Est-ce qu’elle ne dit pas in fine que les photographes qu’elle représente sont apparentables à des singes habillés ? Et est-ce que ce n’est pas là le dernier avatar de cette merveilleuse course dans le mur des tenants des droits d’auteur, du copyright et autres vieilles lunes d’un autre siècle désormais, et que les usages numériques et la mise en réseau invalident tous les jours ?

Je reviens à l’exposition en Arles cette année, « From Here now », et du tollé qu’elle a suscité. Il fallait voir la pathétique manifestation de ces photographes inquiets pour leur sacro saint copyright...Ils sont mignons, les photographes, dans leurs grandes tuniques noires, leurs pancartes de pacotille avec leurs slogans écrits dans des encadrés noirs pour imiter les publicités anti-tabagie — ce qui commence à être une sérieuse stéréotypie en matière de communication visuelle —, mon slogan préféré, Utiliser des images libres de droit nuit gravement à la créativité, ne commencez pas, on aimerait tellement entendre la démonstration théorique qui sous-tend ce slogan, et toutes les images de cette très grosse manifestation dûment copyrightées, pas une d’ailleurs de ces photographies qui s'élèverait au dessus du lot de ces images généralement prises par des amateurs à l’aide de leur téléphone de poche, ce qui, à mon sens, est la pire démonstration qui soit de l’inaptitude des professionnels de la profession de se démarquer justement de l’imagerie amateur.

Finalement je la trouve vraiment remarquable, emblématique, cette photographie autoportrait de singe, « singeant » justement cette habitude de mes contemporains de se servir de leur téléphone de poche pour se prendre en photo — je ne sais plus où j’ai lu que la focale des téléphones de poche était justement prévue pour cet usage principal — à la première occasion, généralement avec des poses d’hystériques en pleine crise, la bouche généralement grande ouverte — ce que finalement ils sont sans doute au delà de ce que ces autoportraits montrent.

Nous sommes tous des singes photographes. Et les photographes sont une espèce en voie de disparition, c’est triste, mais pas dramatique.

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Un photographe animalier, du nom de David Slater, lors d’un reportage dans une réserve, se fait dérober son appareil-photo par de grands singes qui poussent la facétie jusqu’à prendre quelques images avec l’appareil dérobé. L’histoire ne précise pas comment le photographe a récupéré son appareil, ou juste la carte-mémoire, toujours est-il qu’il récupère l’un ou l’autre, ou les deux, et rentre à son agence en racontant avec plaisir cette histoire, et de publier les photographies prises par les singes. Ces photographies sont alors frappées du signe de copyright de l’agence de presse dont dépend le photographe, l’agence Caters News Agency. Et apparemment l’agence en question n’a pas trop l’air de plaisanter quant à ce copyright. Or, le droit américain, en la matière, est apparemment formel, seule la personne qui a effectivement pris la photo détient les droits de cette image. Donc le singe. Imaginez que vous êtes à Barcelone, vous aimeriez avoir une photographie de vous avec votre compagne ou votre compagnon devant la Sagrada Familia,un quidam sentant votre embarras à être des deux côtés de l’appareil photo se propose gentiment de vous obliger, vous photographie donc et vous rend, enfin c’est ce qu’on espère dans ce genre de cas, votre appareil photo, par politesse,

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Etat des lieux : travail effectué par Francis Dumelié depuis 2004 sur le fonds Poyet18 avril 2005 : constitution du bureau de l’association CRPCA.Ce n’est qu’en septembre 2007 que nous pouvons disposer d’un local mis à la disposition de l’association par la commune d’Ay.Pendant ces deux années, les plaques des portraits sont stockées dans des bacs à vendanges dans un local provisoire.Les négatifs concernant le Champagne et l’histoire locale sont stockés chez Hubert Ballu.Je les récupère pour en commencer la numérisation qui sera terminée en 2008 : 2939 images disponibles.Par ailleurs, je poursuis la saisie des registres, créant une fiche pour chaque prise de vue. Entre 2004 et 2011 ce sont 43 615 fiches qui sont rédigées. A 2 minutes par fiche, cela représente 1450 h de travail A ce travail il faut ajouter les 3 203 fiches réalisées par Marie France Bannette (saisie du livre 19) soit 106 h de travail.

De 2004 à 2006, je construis le site internet de l'association qui sera enrichi régulièrement jusqu’à atteindre à ce jour 1289 pages, 12357 fichiers pour un espace de 5 Go. Ce sont des centaines d’heures de travail...Les statistiques de visites ont été régulièrement fournies à chaque assemblée générale et figurent dans les différents bulletins.Le moteur de recherche figurant sur le site permet à quiconque de trouver les fiches correspondant au nom recherché : il a été utilisé 9 269 fois ( au 31 décembre 2011).

Grâce au site qui est parfaitement référencé dans les différents moteurs de recherche (145 résultats en 7 pages dans Google), j’ai traité entre décembre 2007 et aujourd’hui 219 courriels : commandes de tirages, demandes de renseignements, apports d’informations, etc...

Les demandes de tirage : Ce n’est qu’à partir de décembre 2007 que j’ai pu commencer à répondre aux demandes de tiragesJ’ai ouvert depuis cette date 113 dossiers pour 1053 fichiersJ’ai établi 71 factures pour un montant total de 5 781 € . Chacune de ces facturations correspond à un travail de recherche, de numérisation, de facturation et d’expédition des données n’ayant entraîné que des dépenses très modiques pour l’association, mais représentant des heures de travail ...

Rangement du fonds Poyet Aidé de l’un des membres de l’association, Jean Eric Billet qui collabore également à la rédaction du bulletin, j’ai carrelé le local construit par la commune dans l’ancienne caserne des pompiers, puis repeint les classeurs et enfin commencé le rangement des 5 tonnes de boites de négatifs, qui, à ce jour est terminé jusqu’en 1942.Il reste la totalité des films souples et tout le travail des successeurs de Jean Poyet à ranger.

Communication J'ai préparé une exposition qui a donné lieu à la création et à l’impression d’un catalogue dont j’ai rédigé les textes, les ai mis en page, ai sollicité pour les préfaces Gérard Rondeau et Francis Leroy.J’ai assuré la mise en page de la cinquantaine de cadres que comprenait l’exposition de présentation du fonds Poyet.

Le bulletin est sorti régulièrement deux fois par an jusqu’à ce numéro. Seule exception, le numéro 10 a été groupé au 11. J’ai été retenu plusieurs mois en région parisienne l’an dernier. Participent à sa rédaction que je coordonne, malheureusement plus de personnes étrangères à l’association que de membres de celle-ci. Rachel Payan, qui a été notre première secrétaire a collaboré régulièrement à sa rédaction, ainsi que Jean Eric Billet, déjà cité. Chaque bulletin représente une vingtaine de journées de travail...Jusqu’au n° 8, j’en assurais la polycopie à la Marie d’Ay. Le N° 9 a été imprimé à 5000 exemplaires par le journal L’ Union, en remerciement des articles que j’avais fournis sur le fonds Poyet. Le n°10 a été imprimé à 100 exemplaires,et les deux derniers numéros ne sont qu’en support électronique sur le site.

Entre Juillet 2009 et janvier 2010, j’ai rédigé 18 articles pour un total de 123 pages présentant les différentes facettes du fonds Poyet dans le magazine du Dimanche du journal local l’Union dont les colonnes m' avaient été obligeamment ouvertes par le rédacteur en chef du mag.

En février 2010, j’ai participé au tournage d’un reportage sur le fonds Poyet par FR3 (visible sur le site)

J’ai régulièrement transmis au correspondant local de l’Union les communiqués annonçant nos permanences ouvertes au public du deuxième samedi de chaque mois, permanences décidées en conseil d'administrations, et abandonnées sans la moindre concertation depuis novembre. J'ai assuré seul (ou avec M. Pécriaux) celles de mai à octobre.

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tirage encours attendent toujours leur traitement, alors que jamais je n'ai dépassé une semaine pour traiter la

Collaborations extérieures :J’ai régulièrement travaillé avec Francis Leroy, directeur des archives municipales d’Epernay, éminent spécialiste de la vie locale. Il a en particulier collaboré au commentaire des personnalités photographiées par Jean Poyet avant la première guerre mondiale, ses remarques et notes figurant sur le fichier nommé « global » sur le site.Toute cette année, une étroite collaboration avec Jean Jacques Charpy, conservateur du Musée d’Epernay a permis d’identifier et dater une grosse partie des 660 plaques issues du fonds Poyet détenues par le Musée.J’ai fourni à l’association d’histoire régional de Oiry, la Merlette, des images extraordinaires du champ de course de Oiry en 1909, et établi avec son président, Monsieur Thiébault, une sympathique collaboration

L’association APIC qui assure l’inventaire et la mise en valeur du patrimoine industriel de Champagne Ardenne a sollicité notre association pour participer à un colloque qui a eu lieu à l’Ecole des Arts et Métiers de Châlons en Champagne en septembre 2009.J’ai préparé une exposition d’une dizaine de cadres présentant les plus belles images « industrielles » du fonds Poyet.A la demande de la présidente de l’Apic, Madame Gracia Dorel Ferré, j’ai rédigé un article de 25 pages sur les différents aspects du fonds Poyet qui sera publié dans les actes du colloque début 2012.J’ai rédigé un article sur le fonds Poyet dans Wikipedia qui donne une visibilité supplémentaire à cette collection exceptionnelle.Je suis en relation régulière avec l’association Epernay Patrimoine, nouvellement créée, qui va mettre en valeur nos images locales issues du fonds Poyet.Pour nos participations régulières à la bourse d’Amicarte 51, j’ai préparé des documents extraits du fonds Poyet afin de coller avec la thématique de chacune des manifestations : publicité, illustrateurs, etc...

Projet : J’ai émis l’idée de la création d’un festival de la photo de famille et du portrait dont la teneur rédigée et publiée sur le site a été ramenée par les membres du bureau à celle d’une journée de la Photo à Ay, sans la moindre mise en œuvre, et tombée depuis dans les oubliettes...

Numérisation des portraits :

J’avais déjà numérisé les images les plus anciennes (fichier « global ») et entrepris celle du fonds dans sa totalité quand en ce début 2011, j’ai été rejoint dans ce travail par Pascal Pécriaux dont vous avez pu lire les impressions de « serial numérisateur » dans le bulletin précédent.A ce jour, ce sont 12 624 portraits qui sont numérisés dont près de 3000 l’ont été par Pascal Pécriaux.J’ai numérisé un total de 15 563 images qui représentent à 4 minutes par image un peu plus de 1000 h de travail ...La stratégie adoptée dès le début des numérisations des portraits permettait à quiconque de participer à ce travail : Pascal Pécriaux continue la numérisation exhaustive commencée en 1902. Il en est à 1920.Une autre tranche a été commencée en 1927, et une dernière en 1939 permettant ainsi de balayer assez vite (si l'on peut dire...) des périodes très différentes sur le plan historique.

La totalité de ce travail apparaît dans les divers rapports d’activité émis lors des assemblées générales comme ayant été le travail de l’association. Je tiens à en affirmer la paternité.J’estime avoir passé entre 4000 et 6000 h de travail pour valoriser ce fonds photographique exceptionnel, mon unique but étant de rendre les images accessibles aux études futures qui pourront être faites sur ce témoignage exceptionnel de plus d’un demi-siècle de notre région (j’entends par région les 30 km de rayon autour d’Epernay, correspondant plus à la notion de « pays » que de « région »)A ce sujet, l’association s’appelait à l’origine « mémoire photographique champenoise ». Quand Hubert Ballu a proposé d’en changer le nom en Centre régional de la photographie de Champagne Ardenne, j’ai été très admiratif de cette ambition pluri départementale, ne m’étant pas encore rendu compte de l’incurie de l’action présidentielle, appellation qui nous a beaucoup desservis, de nombreuses personnes prenant ce centre comme l’émanation du Conseil régional, donc comme un organisme officiel au même titre que l’ORCCA, ce qui n’est pas du tout le cas, puisque nous ne recevons aucune subvention de la région, et grande est la déception de ceux qui croient à une aide massive des pouvoirs publics quand ils découvrent à l’occasion des permanences, les locaux dans lesquels nous sommes hébergés....

Je rappelle qu’actuellement, tous les conflits semblent se focaliser autour du fonds Poyet. Or, il n’est que l’un des buts de l’association. Les autres, actions villages ( 4 en 7 ans...), constitution d’un fonds contemporain, récolement d’images sur les communes couvertes par le fonds Poyet, organisation de manifestations autour de la photo, contact avec d’autres organismes assurant la gestion de fonds photographiques, inventaire et mise en valeur des autres dons, etc... (voir sur le site les buts de l’association) n’ont été entreprises par personne au sein de l’association. Dès le début, j’avais pris la responsabilité du travail sur le fonds Poyet sans que personne ne s’y oppose, et j’ai travaillé, ce qui semble m’être reproché avec une rare sévérité...

Je laisse les clés, si j'ose dire à mes critiques, ne doutant pas qu'ils feront beaucoup mieux... Rendez vous pour le bilan dans 3 ans ! D'ores et déjà, les deux dernières permanences n'ont pas eu lieu, et les quelques demandes de

moindre demande...

Francis Dumelié

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La photographie d’identité dans l’histoire du portrait

La photographie d'identité et son ancêtre : le portrait. Entre identification et identité donc. Entre comment te nommer et qui suis-je ? Entre comment te surveiller et paraître être qui ? Entre réalité sociale et réalité intime.

Il faut rappeler que peu à peu le portrait se voit doté d’une fonction d’outil de contrôle social, avec l’anthropométrie signalétique de Bertillon d’abord, puis avec la photo d’identité. Aussi, lorsque le portrait-carte commence à décliner au début du XXe siècle, ceci ne correspond-il nullement à une perte d’attrait du genre. Simplement, du fait des développements techniques et économiques, c’est la photographie d’amateur pratiquée en famille qui va peu à peu prendre le relais du portraitiste professionnel – à l’exception des portraits à usage public (presse, relations publiques, etc.), du portrait de cérémonie (baptême, mariage...) ou encore du portrait d’identification juridique (la photo d’identité, dans le cas de laquelle la machine, c’est-à-dire le photomaton©, finira d’ailleurs par remplacer le portraitiste humain (source BNF)C’est par millions qu’on les compte jusqu’à la première guerre

mondiale

Jean Poyet, à la suite de Delzor, produira quantité de portraits-cartes dont le dos était décoré avec soin, carte de visite du photographe.

Alphonse Bertillon (1853-1914)

D'abord simple employé chargé de classer les dossiers que la préfecture établissait sur des criminels notoires, puis nommé chef du service photographique de la préfecture de police de Paris, en 1882, il découvre qu'en prenant 14 mensurations (taille, pieds, main, nez, oreilles, etc.) sur n'importe quel individu, il y a seulement 1 chance sur 286 millions pour qu'on retrouve les mêmes chez une autre personne. Ce système a été utilisé en France jusqu'en 1970. Un matériel spécialisé est dès lors utilisé dans tous les établissements pénitentiaires : table, tabouret, toise, compas de proportions, tablette et encreur pour prise d' empreintes. Bien que Bertillon n'ait pas été l'inventeur des empreintes digitales, il utilisa le premier cette technique le 24 octobre 1902 pour confondre Henri-Léon Scheffer. Deux ans après sa disparition, naissait le laboratoire de l’identité judiciaire.

C’est en 1889 à l’occasion de l’exposition universelle que fut présentée la première machine à prise de vue automatique pour les portraits (voir n°9 de notre bulletin), ancêtre du photomaton ©.

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Pourquoi je n’aime pas les photos d’identité ? Parce qu’elles sont traîtresses ! Oui oui mes amis ! Parce qu’on a beau se faire beau, se préparer depuis une semaine, avoir pris toutes les précautions possibles pour ne pas avoir de boutons ou une mine fatiguée, on a essayé de dompter nos cheveux avec toutes les lotions et crèmes possibles (pour éviter le “Hahha ! On dirait que t’as un poulpe sur la tête !’’) , on s’est brossé les dents avec 3 dentifrices différents 3 fois par jours pendant 3 semaines pour avoir le sourire de la mort qui tue, on a même fait attention au nombres d’heures qu’il fallait dormir par nuit histoire de ne plus avoir l’air d’un zombie. Et tout ça pour être parfait le temps d’une seconde, même moins ! Un demi-millième de seconde : Quand le photographe (Qui est généralement antipathique !) clique sur le bouton “L’instant fatidique’’ : Plaf, On ressemble à rien. Alors à ce moment là, y’a toujours une mèche qui à réussi à se faufiler entre la grille de laque Franck Provost (Alors qu’on a quand même fini tout le flacon !), y’a toujours une dent qui paraît moins blanche que les autres (Je n’ai aucune explication à ça), y’a toujours ce gros bouton qu’on avait pourtant pas remarqué lors de notre séance d’analyse de peau pour voir s’il n’y avait pas de TOBSDSNPDPDI (Tâche ou bouton susceptibles de souiller notre p**** de photo d’identité) devant le miroir (Qui a duré plus de 2 heures). Ah et notre teint n’en parlons pas : Mmm bizarre le blush Bourgeois garanti tenue 12h semble s’être caché ailleurs mais en tout cas, ce n’était pas sur nos joues, résultat : On à l’air d’un mort-vivant.

Extrait du blog d’une jeune fille maigre : c’est un avis tout à fait contemporain...

En France, le terme « Photomaton ©» est utilisé couramment pour désigner une cabine automatique de photographie, qui est l'un des produits phares de Photomaton S.A.S., mais, en vertu des dispositions de l'article 714-6 du code de la propriété intellectuelle français, la société s'oppose formellement à cet usage. Et cependant, le nom est souvent devenu commun...Bien sûr, même sans changer de forme, la cabine a beaucoup évolué, devenant numérique à partir de 1993 après être passée du noir et blanc à la couleur.Dès l’origine, l’absence d’opérateur a fait tomber bien des timidités, et c’est vite devenu un jeu, entre copains et copines, de se serrer dans la cabine pour toutes les fantaisies plus ou moins grimaçantes...Incontestablement, il ne s’agit plus là de photos d’identité...

Les règles de prises de vues établies pour les papiers d’identité sont particulièrement strictes et ne permettent plus ces poses agréables que nous présentons en couverture, images de 1938 dont le plus jeune sujet doit avoir à ce jour dépassé les 80 ans...

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«... Dans ces jours déplorables, une industrie nouvelle se produisit, qui ne contribua pas peu à confirmer la sottise dans sa foi et à ruiner ce qui pouvait rester de divin dans l'esprit français. Cette foule idolâtre postulait un idéal digne d'elle et approprié à sa nature, cela est bien entendu. En matière de peinture et de statuaire, le Credo actuel des gens du monde, surtout en France (et je ne crois pas que qui que ce soit ose affirmer le contraire), est celui-ci : «Je crois à la nature et je ne crois qu'à la nature (il y a de bonnes raisons pour cela). Je crois que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature (une secte timide et dissidente veut que les objets de nature répugnante soient écartés, ainsi un pot de chambre ou un squelette). Ainsi l'industrie qui nous donnerait un résultat identique à la nature serait l'art absolu. » Un Dieu vengeur a exaucé les vœux de cette multitude. Daguerre fut son Messie. Et alors elle se dit : « Puisque la photographie nous donne toutes les garanties désirables d'exactitude (ils croient cela, les insensés !), l'art, c'est la photographie. » A partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. Une folie, un fanatisme extraordinaire s'empara de tous ces nouveaux adorateurs du soleil. D'étranges abominations se produisirent. En associant et en groupant des drôles et des drôlesses, attifés comme les bouchers et les blanchisseuses dans le carnaval, en priant ces héros de vouloir biencontinuer, pour le temps nécessaire à l'opération, leur grimace de circonstance, on se flatta de rendre les scènes, tragiques ou gracieuses, de l'histoire ancienne. Quelque écrivain démocrate a dû voir là le moyen, à bon marché, de répandre dans le peuple le goût de l'histoire et de la peinture, commettant ainsi un double sacrilège et insultant à la fois la divine peinture et l'art sublime du comédien. Peu de temps après, des milliers d'yeux avides se penchaient sur les trous du stéréoscope comme sur les lucarnes de l'infini. L'amour de l'obscénité, qui est aussi vivace dans le cœur naturel de l'homme que l'amour de soi-même, ne laissa pas échapper une si belle occasion de se satisfaire. Et qu'on ne dise pas que les enfants qui reviennent de l'école prenaient seuls plaisir à ces sottises ; elles furent l'engouement du monde. J'ai entendu une belle dame, une dame du beau monde, non pas du mien, répondre à ceux qui lui cachaient discrètement de pareilles images, se chargeant ainsi d'avoir de la pudeur pour elle : « Donnez toujours ; il n'y a rien de trop fort pour moi. » Je jure que j'ai entendu cela ; mais qui me croira? «Vous voyez bien que ce sont de grandes dames ! » dit Alexandre Dumas. « II y en a de plus grandes encore ! » dit Cazotte.Comme l'industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études, cet universel engouement portait non seulement le caractère de l'aveuglement et de l'imbécillité, mais avait aussi la couleur d'une vengeance. Qu'une si stupide conspiration, dans laquelle on trouve, comme dans toutes les autres, les méchants et les dupes, puisse réussir d'une manière absolue, je ne le crois pas, ou du moins je ne veux pas le croire ; mais je suis convaincu que les progrès mal appliqués de la photographie ont beaucoup contribué, comme d'ailleurs tous les progrès purement

Charles Baudelaire (1821-1867) ne fut pas seulement le poète du spleen et de la solitude, il fut également l'un des principaux critiques d'art de son temps, soutenant, entre autres, l'art «moderne» d'un Delacroix. Les Curiosités esthétiques (1868) rassemblent des notes sur l'art et des comptes rendus détaillés des Salons de 1846, 1848 et 1859. C'est précisément à propos de ce dernier Salon qu'il s'exprime au sujet de la photographie, dans une diatribe célèbre mais souvent citée à contre-courant de son argu-mentation réelle. Il convient donc de connaître le contexte de cet écrit, dont la première partie s'attaque au ridicule des titres des peintures, au goût pour le clinquant, à l'aguichage du client et la satisfaction de son étonnement béat. C'est dans cette optique qu'il s'en prend à une certaine catégorie de photographie : le portrait bon marché et plus particulièrement la « carte de visite photographique » qui devient à la mode, la scène de genre et l'imitation de la peinture par des « tableaux vivants ». Baudelaire critique la tendance populaire à créditer de qualités artistiques la copie exacte de la nature et voit dans la photographie, qui pourrait être la « très humble servante de l'art», une tentation possible, pour le peintre, de représenter «non ce qu'il rêve, mais ce qu'il voit». Le ton acerbe de ce texte ne peut faire oublier la justesse du point de vue et la reconnaissance des aspects positifs de la photographie: albums de voyages, naturalisme, astronomie, mémoire du patrimoine. Baudelaire fut par ailleurs l'ami de Nadar, qui a laissé de lui des caricatures, plusieurs portraits photographiques et un recueil de notes, Charles Baudelaire intime (1911).

Michel Frizot et Françoise Ducros

Dessin de Nadar pour son Panthéon

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matériels, à l'appauvrissement du génie artistique français, déjà si rare. La fatuité moderne aura beau rugir, éructer tous les borborygmes de sa ronde personnalité, vomir tous les sophismes indigestes dont une philosophie récente l'a bourrée à gueule-que-veux-tu, cela tombe sous le sens que l'industrie, faisant irruption dans l'art, en devient la plus mortelle ennemie, et que la confusion des fonctions empêche qu'aucune soit bien remplie. La poésie et le progrès sont deux ambitieux qui se haïssent d'une haine instinctive, et rencontrent dans le même chemin, il faut que l'un des deux serve l'autre. S'il est permis à la photographie de suppléer l'art dans quelques-unes de ses fonctions, elle l'aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait, grâce à l'alliance naturelle qu'elle trouvera dans la sottise de la multitude. Il faut donc qu'elle rentre dans son véritable devoir, qui est d'être la servante des sciences et des arts, mais la très humble servante, comme l'imprimerie et la sténographie, qui n'ont ni créé ni suppléé la littérature.Qu'elle enrichisse rapidement l'album du voyageur et rende à ses yeux la précision qui manquerait à sa mémoire, qu'elle orne la bibliothèque du naturaliste, exagère les animaux microscopiques, fortifie même de quelques renseignements les hypothèses de l'astronome ; qu'elle soit enfin le secrétaire et le garde note de quiconque a besoin dans sa profession d'une absolue exactitude matérielle, jusque-là rien de mieux. Qu'elle sauve de l'oubli les ruines pendantes, les livres, les estampes et les manuscrits que le temps dévore, les choses précieuses dont la forme va disparaître et qui demandent une place dans les archives de notre mémoire, elle sera remerciée et applaudie. Mais s'il lui est permis d'empiéter sur le domaine de l'impalpable et de l'imaginaire, sur tout ce qui ne vaut que parce que l'homme y ajoute de son âme, alors malheur à nous !Je sais bien que plusieurs me diront : « La maladie que vous venez d'expliquer est celle des imbéciles. Quel homme, digne du nom d'artiste, et quel amateur véritable a jamais confondu l'art avec l'industrie ? » Je le sais, et cependant je leur demanderai à mon tour s'ils croient à la contagion du bien et du mal, à l'action des foules sur les individus et à l'obéissance involontaire, forcée, de l'individu à la foule. Que l'artiste agisse sur le public, et que le public réagisse sur l'artiste, c'est une loi incontestable et irrésistible; d'ailleurs, les faits, terribles témoins, sont faciles à étudier; on peut constater le désastre. De jour en jour, l'art diminue le respect de lui-même, se prosterne devant la réalité extérieure, et le peintre devient de plus en plus enclin à peindre, non pas ce qu'il rêve, mais ce qu'il voit. Cependant c'est un bonheur de rêver, et c'était une gloire d'exprimer ce qu'on rêvait ; mais que dis-je ! Connaît-il encore ce bonheur?

Qu'elle enricL'observateur de bonne foi affirmera-t-il que l'invasion de la photographie et la grande folie industrielle sont tout à fait étrangères à ce résultat déplorable? Est-il permis de supposer qu'un peuple dont les yeux s'accoutument à considérer les résultats d'une science matérielle comme les produits du beau n'a pas singulièrement, au bout d'un certain temps, diminué la faculté de juger et de sentir ce qu'il y a de plus éthéré et de plus immatériel ? »

quand ils se Lettre publiée dans la Revue Française («Salon de 1859»), le 20 juin 1959 puis dans les Curiosités esthétiques, Paris, 1868.

Charles Baudelaire photographié par Etienne Carjat vers 1862

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LE FONDS POYET AU JOUR LE JOUR : LES INVASIONS DE L’HISTOIRE

Explorer les clichés du fonds Poyet en suivant strictement l’ordre chronologique des clichés finit par donner l’impression de prendre ses quartiers dans la boutique de la rue Gambetta : la sonnette de la porte d’entrée tinte, et, visiteur après visiteur, c’est toute la vie de la ville et de la campagne qui entre avec eux, le rythme de l’existence, les joies et les fêtes. Bébés plus ou moins dodus tout nus sur un coussin, communiantes en robe blanche, collégiens en uniforme, jeunes filles rêveuses ou mutines, mariés solennels, et même parfois défunts sur leur lit de mort, toutes les étapes de la vie s’impriment sur les plaques de Monsieur Poyet. Tout autant s’y fixe la diversité du quotidien et le long fleuve tranquille des travaux et des jours, employés du chemin de fer ou de la banque, les premiers en casquette règlementaire, les seconds de face et de profil comme pour un fichier anthropométrique, négociants de champagne prenant la pose qui sied à leur statut, commerçants parfois saisis sur la porte de leur commerce, campagnards de passage un jour de marché, c’est la vie de tous les jours d’Epernay et de ses environs qui se déroule sous nos yeux. Rien ne semble pouvoir en détourner le cours. Mais l’Histoire, la Grande Histoire s’invite parfois dans ce microcosme. Ce n’est parfois qu’une intrusion furtive, comme au début des années 20 ces soldats italiens qui ne sont pas encore rentrés au pays, ou les nombreuses reproductions de portraits de militaires, disparus dont les familles veulent conserver et partager le souvenir.

Mais quand les orages grondent, quand le ciel s’obscurcit et que le décor de la tragédie se met en place, l’histoire entre en force dans les clichés du studio. Un signe avant-coureur pour qui sait les déchiffrer annonce les jours sombres : la multiplication des photos d’identité en 1939. Pour quelles pièces d’identité ? Passeports, cartes d’identité, permis de circulation, cartes professionnelles ? Une chose est sûre : chacun sait qu’il ne suffit plus d’être reconnu dans son village ou son quartier, qu’il va falloir justifier de son identité, de son domicile, de son statut auprès de tout ce qui dispose de quelque autorité.

Et puis, tout d’un coup, à l’automne 1939, la guerre est là, mais elle prend un visage surprenant, celui de l’armée britannique. Du 22 septembre 1939 au 27 avril 1940, près de 400 militaires vont passer devant l’objectif de Monsieur Poyet. Alors, l’archéologue de l’image essaie de comprendre quelle histoire ces clichés racontent. Il devient fureteur, internaute, découvre le Musée du Terrain d’aviation de Condé-Vraux, et il apprend, et il s’étonne, et il s’émeut.

Il apprend qu’au début de la guerre, des escadrilles de bombardement de la RAF ont été stationnées dans notre région, à Reims, Vraux, Bétheniville et Plivot. Ce dernier a reçu le Squadron 103 de novembre 1939 à février 1940, date à laquelle il est parti pour Bétheniville, permutant avec le Squadron 139.

Guerre de Cent ans ou WW2 ?

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Bleinheim

Fairey Battle

Donc, très normalement, beaucoup de photos d’aviateurs, mais il faut examiner les badges et les insignes pour différencier pilotes, observateurs, mécaniciens, radios, mitrailleurs. On apprend au passage que le Squadron 103 vole sur Fairey Battle (bombardier léger) et le 139 sur Bristol Blenheim (bombardier moyen), tous deux emportant un équipage de trois personnes. Outre les aviateurs, figurent des militaires portant sur l’épaule des initiales qu’il faut apprendre à lire : RE pour Royal Engineers (les sapeurs du Génie qui construisent les pistes), RASC (Royal Army Service Corps, qui assure logistique et intendance), RAMC (Royal Army Medical Corps : service de santé. Il y a d’ailleurs plusieurs photos d’infirmières), RA (Royal Artillery, qui assure la DCA de protection de l’aérodrome), sans compter le Chaplain (l’aumônier, reconnaissable à son col droit). Dans la série de photos se faufilent des militaires français, fantassins pour l’essentiel, et un aviateur.

45439 Mr Cerak

29 novembre 1939

44914 Mr Powias RAMC

17 octobre 1939

44896a Mr Wall 25 novembre 1939

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Mr le Révérend Caens en tenue ecclésiastique le 1° avril 1940

Miss Hufmann le 9 décembre 1939 Mr le Révérend Caens en tenue militaire le 1° avril 1940

C’est l’époque de la Drôle de Guerre : les poses sont joyeuses, les portraits aussi artistement composés qu’en temps de paix. Les moustaches sont 100% british, certains se font photographier à la seule lumière du feu qui allume leur pipe, l’artilleur pose de profil avec un regard dans le vague et coiffé de son casque plat qui le fait ressembler à ses ancêtres de la Guerre de Cent Ans, plusieurs sont en groupes de trois, sans doute des équipages, et le 21 octobre, une quinzaine d’aviateurs pose comme pour une photo de club autour d’un magnum de Mercier Cuvée M33.

A regarder tous ces visages, ce qui étonne dans ces photos de guerre, c’est justement son absence. Les visages sont lisses, innocents, insouciants, fiers mais sans arrogance. Et surtout, pour beaucoup,

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incroyablement juvéniles. Cette guerre est si loin maintenant, nous nous souvenons de ses acteurs comme de vieux messieurs. C’est une redécouverte toujours autant poignante que de voir sur ces visages que ce sont pour l’essentiel des équipages de garçons de 20 à 23 ans qui volaient dans ces appareils. Rien dans leurs regards, dans leurs attitudes ne laisse deviner que dans quelques semaines certains ne seront plus qu’un nom sur un mémorial et une douleur inexprimable pour leurs proches. 70 ans après, un témoignage émouvant se trouve encore sur internet, celui du jeune cousin d’un de ces aviateurs morts au début de la guerre. Il avait pris l’habitude d’aider son oncle fleuriste dans ses livraisons. Jamais ce dernier, pas plus que son épouse, murés dans leur deuil, ne lui dit un seul mot sur le disparu et ce n’est que des décennies plus tard qu’il dût s’en remettre à internet pour essayer de savoir et de comprendre comment, pourquoi, où…

Avant même le début de la bataille, les entraînements prennent leur part de vie : dans la nuit du 26 au 27 avril 1940, le Fairey Battle du sous-lieutenant Hinton, accompagné du sergent Findley et de l’aviateur Sharpe, percute un rideau d’arbres en vol de bombardement à basse altitude sur le terrain militaire de Moronvilliers (accident relaté par Hervé Chabaud dans l’Union du 19 octobre 2011). Ian Percival Hinton s’était fait photographier par Monsieur Poyet la veille de Noël 1939.

Le sous lieutenant Hinton pose le 23 décembre 1939 chez Jean Poyet. Il disparaît quatre mois plus tard !

Au Musée de Vraux se trouve un objet aussi simple qu’émouvant : la porte du dortoir qui a hébergé des mitrailleurs du Groupe B du Squadron 103 puis du 139, ces derniers y ayant gravé leurs neuf noms. Cinq ont été tués pendant les quelques semaines où leurs appareils ont été engagés pour tenter d’enrayer la ruée allemande sur la Meuse et les Ardennes. Ceci rappelle que lorsque la Drôle de Guerre est devenue en quelques heures le Blitzkrieg, le tribut payé par les Alliés a été énorme. Pour la RAF, ceci provient surtout d’une raison technique : les Fairey Battle, mis en service en 1937, étaient le dernier cri de l’aéronautique britannique. Malheureusement, des modifications en cours de conception (dont l’ajout d’un troisième membre d’équipage) le rendirent beaucoup trop lent pour échapper à la Flak (DCA) et aux chasseurs allemands et de plus armé de mitrailleuses d’une portée insuffisante. Le Bristol Blenheim, conçu comme avion de transport, puis modifié en bombardier moyen était plus rapide, mais armé des mêmes mitrailleuses que le Battle, et déjà proche de l’obsolescence. C’est l’appareil britannique qui a perdu le plus d’équipages. La RAF perdra 200 bombardiers légers dont 99 en une semaine de mai 1940.

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En même temps que le Sous Lieutenant Hinton, et de et de profil par Jean Poyet

James Chilton, Francis Hayter est pris de face

Au fil des recherches, d’autres destins surgissent. Un des plus étonnants est celui de James Chilton Francis Hayter, du Squadron 103, photographié par Monsieur Poyet le même jour que le sous-lieutenant Hinton. Néo-Zélandais, né le 18 octobre 1917, il est breveté le 19 avril 1939, s’embarque pour l’Angleterre le 14 juillet et est immédiatement affecté à une escadrille de bombardement. Il passera à la chasse en septembre 1940. Au cours de sa carrière aéronautique, il aura la particularité d’avoir enregistré huit victoires aériennes et d’avoir eu autant de crashes ! Ses états de service précisent que le 26 octobre 1940, alors qu’il venait de toucher un Messerschmidt 109, il fut touché à son tour et dut sauter en parachute de son Hurricane à 8000 mètres d’altitude. Sa biographie ajoute : Il se posa dans les jardins de Great Swifts, résidence du Major Victor Cazalet, alors que s’y tenait une cocktail-party. Il y fut invité. Après la France et l’Angleterre, il fut affecté en 1942 en Afrique du Nord puis en Turquie, en 1943 en Iran, puis en Crète et sur l’île de Cos que les Allemands envahirent le 29 juillet. Avec quatre autres aviateurs, il put se réfugier dans la montagne, fut évacué clandestinement par bateau sur Chypre et reprit son service en Egypte. En 1944, son escadrille revint en Angleterre puis fut envoyée en France

le 19 août : la boucle était bouclée… le 1er janvier 1945, il devenait instructeur en Angleterre et à la mi-août retournait en Nouvelle-Zélande. Fin de l’histoire. James retourne à sa ferme, il continuera à piloter comme garde-côtes. Il est décédé le 3 octobre 2006.

Que nous reste t-il de ces jeunes gens qui ont foulé l’herbe du terrain d’aviation de Plivot et poussé la porte de Monsieur Poyet ? Des négatifs oubliés, qui ont failli disparaître à jamais. En mai 1940, la poussée allemande chasse les survivants de la RAF vers l’ouest : ceux qui n’ont plus d’avions s’entassent dans des camions, vers la Bretagne ; dans certaines escadrilles, il n’y a plus de pilotes mais il reste des appareils. Des mécaniciens, des observateurs, des radios, des mitrailleurs s’improvisent pilotes et arrivent à ramener tant bien que mal les Battle et les Blenheim en Angleterre. Le 24 mai, les Anglais retraitaient vers Dunkerque, laissant les Français à un contre deux face aux Allemands. Le 9 juin, malgré une résistance acharnée, ceux-ci étaient à Rouen et à Vernon. Le même jour, dimanche 9 juin 1940, Monsieur Poyet écrivait dans son agenda " évacuation forcée, départ St Martin à 20 h 1/2 avec les amis Pithois."

Jusqu’au 1er septembre, le studio va rester, comme toutes les maisons évacuées, inoccupé, portes non verrouillées, sans surveillance. Quels pillages, quelles déprédations va-t-il constater ? Dieu merci, les plaques de verre n’intéressent pas les pillards et les négatifs vont traverser la guerre sans dommage.

Et dans le registre, où Monsieur Poyet a noté le 27 avril 1940 le nom de l’aviateur Baker et l’adresse « RAF, 74, Hungerford Road, Lower Weston, Somerset », on lit « envoyé le 22 janvier 1949 »

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Les portraits de l’aviateur Baker et de ses frères d’armes sont sortis de l’ombre l’instant d’une numérisation. Le Musée de Vraux entretient la mémoire de la page d’histoire qu’ils ont écrite. Plivot est toujours un aérodrome, héritier et débiteur de ces jeunes gens. En Angleterre et en France, des particuliers, des associations et des institutions entretiennent leur mémoire et collectent informations et documents. Laisserons-nous retourner dans l’oubli les visages de ceux qui ont vécu ici, chez nous, des heures dramatiques et héroïques ?

Pascal Pécriaux

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En complément: deux articles paru dans l'Union, de Hervé Chabaud :

http://www.lunion.presse.fr/article/faits-divers/des-fairey-battle-dans-le-ciel-de-la-region : 21/02/2010

http://www.lunion.presse.fr/article/culture-et-loisirs/ou-est-tombe-le-fairey-battle-p-2256 : 19/10/2011

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Afin de nous faire une idée de la vie au combat vécue par nos pilotes anglais, une référence s'impose : les témoignages recueillis par Pierre Clostermann, et présentés dans son livre « Feux du ciel »

« La tempête venue de l'est étire sur les Flandres et sur le Nord le grand incendie de Mai 1940.

Le cheminement des réfugiés heurte à contre flot nos convois militaires enchevêtrés et déjà désorganisés qui montent pour contenir le flux de l'ennemi.

Et déjà, s'infiltrant par les fissures de nos montagnes, s'étalant dans les plaines, contournant les villes, poussant le fer et le feu dans le roulement des chenilles et la puanteur des diesels, rompant les écluses, les divisions blindées vont s'écouler sur la France.

Poussés vers l'ouest par l'irrésistible vent d'est, les longues traînées blanches de condensation zèbrent le ciel bleu du printemps, et sur la campagne verte s'allonge l'ombre des longues traînées de fumée noire de l'invasion.

Les hommes recroquevillés dans les fossés tendent leurs poings vers le ciel :

« Les salauds !

Les salauds, ce sont les Stukas qui dégringolent en avalanches. D'abord quelques points noirs là-haut, en désordre, dans un grondement lointain, puis la longue file indienne spiralant, et enfin le crescendo des moteurs soulignant la sirène des bombes...

Et alors, pour retarder l'inévitable, nos avions d'assaut, de bombardement et de chasse sont cruellement lancés dans la fournaise par petits paquets dérisoires. Qui donc les aura vus, dilués dans le ciel immense ?

Pauvres avions français partis dans les matins clairs de mai 1940 et jamais revenus, cueillis au vol par les Messerschmitts ou happés au passage par la flak.

Oui, la flak. Car c'est déjà pour les pilotes le cauchemar de la D.C.A automatique – petits canons aux longs tubes venimeux, crachant des jets de perles d'acier qui fauchent les ailes et aveuglent – semée partout par les Allemands sur leur chemin...

Les Fairey Battles belges de l'escadrille Hepcée, renforcée par l'escadrille Pierre décollent d'Aeltre, entre Gand et Bruges.

Les trois sections de trois appareils plongent au travers d'un effroyable barrage de flak et sont accrochés par les Messerschmitts de garde. Six avions sur les neuf sont abattus. Avec un courage sublime, deux pilotes, le capitaine Glorie et l'adjudant Delvigne, dont les bombes ne se sont pas décrochées au premier passage reviennent une deuxième fois dans cette fournaise et s'écroulent en feu.

Les ponts sont encore intacts. Quelques heures plus tard, c'est la R.A.F qui essaie. Les huit Hurricanes du Squadron n°1 de la RAF vont tenter de déblayer le ciel des patrouilles de Messerschmitts pendant que six Fairey Battles du Bomber Command essayeront de détruire au moins le pont de Weldwezelt.

Ils se heurtent aux Messerschmitts 109 d'Aix la Chapelle, d'Hehn, d'Hohenbudberg et de Vogelsand – plus de cent vingt avions de chasse de la Lufwaffe.

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Le rendez-vous avec les bombardiers est à 9 h 15.

Il est 9 h 12. Restent rois minutes pour ouvrir le chemin aux bombardiers. Les Hurricanes foncent avec une folle témérité. Coiffés par une meute furieuse de Messerschmitts, les Hurricanes se débattent héroïquement . Halahan, dont l'avion explose en l'air ouvre son parachute au ras du canal, suivi par le Flying Officer Lewis. Trois avions ennemis sont détruits, mais les chasseurs de la RAF succombent sous le nombre. Quatre autres sont descendus.

La diversion a cependant produit son effet, les six Fairey Battles piquent droit dans la gueule de la flak, redressant à quelques mètres du pont. Trois bombes touchent – trois avions abattus. Le quatrième, piloté par le Lieutenant Garland, chef de la formation, s'écrase en plein milieu du tablier qui s'effondre dans une gerbe d'écume. Le cinquième tombe en vrille, une aile arrachée. Le sixième Fairey Battle rentrera quand même, escorté par les deux Hurricanes survivants... »

Pierre Clostermann, né en 1921 est décédé en 2006. Pilote de la France libre aux 33 victoires homologuées. Ce fut le premier chasseur de France. Il est l’auteur du Grand Cirque qui connut un succès mondial, publié à trois millions d’exemplaires, traduit dans plus de trente langues. Selon l'auteur américain William Faulkner « Le grand cirque est le meilleur livre qui soit sorti de la guerre. ». Dans « Feux du ciel » dont nous venons de présenter un extrait, il retrace l’épopée et les métamorphoses de l’aviation à travers toute la deuxième guerre mondiale. Revenu à la vie civile, il devient en 1962 directeur commercial de la société des Avions Max Holste qui devient plus tard Reims Aviation, société qui à Reims produit sous sa direction près de 5000 avions de tourisme. Il est également vice-président de la Cessna Aircraft Company, administrateur du groupe Marcel Dassault pour la sous traitance du Transall et de l’Airbus A300 et administrateur de Renault.

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Le Musée du terrain d’aviation de Vraux Condé

Il réunit une quantité impressionnante de souvenirs de ces très jeunes pilotes de la Royal Air Force dont près de 400 sont venus se faire tirer le portrait chez Jean Poyet, pilotes et tous les accompagnateurs de leurs exploits logés chez l’habitant entre septembre 1939 et mai 1940.Les terrains d’aviation de la région :Reims, Bétheniville, Vraux Condé, Plivot, passèrent aux mains des Allemands puis enfin dans celles des Américains jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale.

– Après l'inauguration en 1986 du Mémorial rappelant l'activité du terrain d'aviation de Vraux au lieu dit "la Maison Rouge", une association reprenant ce nom est créée en 1993. (Association Loi 1901)

– Afin de perpétuer le souvenir de ce terrain d'aviation et faire œuvre de mémoire, un des buts de l'association Maison Rouge est la création d'un musée d'aviation retraçant l'histoire du terrain et les opérations aériennes dans notre région en 1939 / 1945.

- L'inauguration officielle du musée a lieu le 16 juillet 1994 en présence du Colonel Commandant la Base Aérienne 112 et de nombreux vétérans de la Royal Air Force basés à VRAUX en 1939/1940. C'est particulièrement cette période, trop peu connue de la bataille de France, qui est présentée au public avec 3 salles que viennent visiter 950 personnes pour cette première saison d'ouverture.

- En 1995, ce sont 1000 visiteurs qui se déplacent au musée dont une quatrième salle de 90 m² est en cours d'aménagement.

- En 1996, les 1300 visiteurs peuvent découvrir cette nouvelle salle qui traite de la vie du terrain d'aviation et de la guerre aérienne dans notre région de 1940 à la libération.

-Pour 1997, 1500 visiteurs sont accueillis au musée. Celui-ci est complété par la reconstitution d'un atelier de l'aviation populaire.

- En 2010, ce ne sont plus que 850 visiteurs et un peu moins encore en 2011 : 830. Les derniers vétérans ne sont plus là, le souvenir s’estompe !

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- Sur 250 m² d'exposition sont présentés des documents, pièces d'avions, mannequins d'aviateurs, moteurs d'avions, un avion, la reconstitution d'une pièce d'habitation et d'un logement d'aviateurs anglais ainsi qu'un atelier de l'aviation populaire 1936. Toute l'histoire du terrain d'aviation de VRAUX est présentée dans le contexte des opérations aériennes 1939/1945 en privilégiant la petite histoire régionale avec ses anecdotes, aventures vécues, recherches et retrouvailles.

- En 1939 , l'Advanced Air Striking Force de la R.A.F s'installait sur le terrain de VRAUX . 1999 fut l'occasion de se souvenir de ces évènements. Plusieurs cérémonies et fêtes ont marqué cet anniversaire en compagnie de nos amis Anglais.

Le Short Stirling fut le premier bombardier lourd anglais, quadrimoteur avec un fuselage de 27 mètres de long

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. Egalement exposé au musée, le Max Holste MH 1521 Broussard, avion conçu et construit en série à Reims. Il rappelle l'activité de l'industrie aéronautique dans notre région.

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C’est en 2000 que fut retrouvé ce morceau de fuselage d’un Short Stirling, abattu à Réchicourt dans la Meuse en 1944. C’est un morceau de 9 mètres de longueur qui depuis la dernière guerre, a fait fonction d’abri à fourrage pour une partie, et de cabane à jardin pour l’autre, totalement inoxydable puisqu’en alliage d’aluminium. Il en a été fait don à l’association « La Maison Rouge »

Le Musée de l’aviation, installé dans uneLe Musée de l’aviation, installé dans une ancienne ferme dans la partie basse duancienne ferme dans la partie basse du village comporte comme la plus part desvillage comporte comme la plus part des fermes de ce village, une niche contenantfermes de ce village, une niche contenant une statue de la vierge...Ce serait sur l’initiative du curé du village que tout de suite après la dernièreque tout de suite après la dernière guerre, ait été lancée cette idéeguerre, ait été lancée cette idée d’implantation en remerciement à lad’implantation en remerciement à la vierge du fait que Vraux n’a connuvierge du fait que Vraux n’a connu aucune victime dans ce conflit...

Reconstitution d’un logement des pilotes anglaisReconstitution d’un logement des pilotes anglais : aucun: aucun confort, dans un grenier, sous les toits...A gauche, une porte d’un tel grenier donnée au musée parA gauche, une porte d’un tel grenier donnée au musée par Mme Vautrelle, de Plivot, porte gravée les noms des hommesMme Vautrelle, de Plivot, porte gravée les noms des hommes cantonnés ici...

Une des nombreuses curiosités de ce Musée : une bombe d’entraînement allemande, de 50 kg, dont seules les ailettes sont en métal, le reste est en béton, et l’engin portait une cavité abritant un tube de verre qui au contact du sol se brisait et répandait de la peinture permettant au pilote de visualiser le point d’impact et éventuellement faire les corrections nécessaires

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Le tracteur à pétrole qui tractait lesLe tracteur à pétrole qui tractait les avions sur le terrain, prêt à redémarreravions sur le terrain, prêt à redémarrer au premier tour de manivelle...

De nombreux moteurs provenant desDe nombreux moteurs provenant des avions abattus pendant les combats ontavions abattus pendant les combats ont été récupérés un peu partout en France.

Le 11 mai 1940, uneLe 11 mai 1940, une escadrille allemande deescadrille allemande de Dornier 17 bombarda etDornier 17 bombarda et détruisit les 16 Bristoldétruisit les 16 Bristol Bleinheim ( deux escadrillesBleinheim ( deux escadrilles de 8 appareils) stationnés surde 8 appareils) stationnés sur le terrain. On voit ci-contrele terrain. On voit ci-contre et au-dessus une bombe deet au-dessus une bombe de 50kg, non explosée, qui fut50kg, non explosée, qui fut retrouvée longtemps après laretrouvée longtemps après la fin de la guerre. Cettefin de la guerre. Cette opération ne fit aucuneopération ne fit aucune victime ...

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A gauche, l’hélice d’un Stuka, impressionnante par sa taille...A gauche, l’hélice d’un Stuka, impressionnante par sa taille... Cet avion de combat pouvait porter une bombe de 500 kgCet avion de combat pouvait porter une bombe de 500 kg telle que figurée ci-dessus, larguée en plongée presquetelle que figurée ci-dessus, larguée en plongée presque verticale qui lui donnait une précision redoutable. Il portaitverticale qui lui donnait une précision redoutable. Il portait en même temps quatre bombes de 50 kg. Ce furent cesen même temps quatre bombes de 50 kg. Ce furent ces terribles Stukas qui mitraillèrent sur les routes de l’exode lesterribles Stukas qui mitraillèrent sur les routes de l’exode les colonnes de réfugiés.

Des objets du quotidien rappellent la dure vie de ces soldats anglais pendant leurs combats...

Le Musée de Vraux est ouvert au public de Juillet à Octobre, les samedis et dimanches, de 14 h à 18 h 30.Son adresse : 28, rue Basse 51150 VrauxGérard Faux vous y accueille chaleureusement et vous fera partager sa passion pour cette épopée si bien illustrée dans ce Musée unique. L’entrée est gratuite.http://www.amrvraux.com

R O Y A L

A I R

F O R C E

E T

F O N D S

P O Y E T

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Encore une surprise dans le fonds Poyet !

Ce 22 mars 1940, Jean Poyet utilise plaques de verre et films souples. Ce cliché n° 45 624 est pris sur support souple. L’image du personnage situé en haut à droite est particulièrement déformée, et bien sûr, je me suis demandé comment avait pu se former cette image, très allongée dans sa hauteur.La seule hypothèse plausible serait que le film a été fortement déformé par une courbure mettant le nez du personnage très en avant, et le cou tout comme le sommet du crâne très en arrière, autour de l’axe matérialisé par les deux flèches. L’envie était forte d’essayer de reconstituer le visage « normal » de notre sujet, par un changement d’échelle verticale dans Photshop ou autre logiciel de traitement d’images...

Nous passons ainsi de 12 à 5 dans l’échelle des hauteurs, donnant à notre jeune homme un aspect nettement plus normal...Comment Jean Poyet s’en est-il sorti ? dans les clichés voisins, nous n’avons pas trouvé de seconde prise de vue de ce même visage, et le négatif sur film, stocké depuis 71 ans est parfaitement plan...Ce jeune homme doit avoir autour de 90 ans à ce jour.Un de nos lecteur le reconnaîtra-t-il ?

Ce phénomène de déformation d’image est bien connu, et n’a pas attendu l’arrivée de la photographie pour se manifester.C’est une anamorphose, autrement dit une image déformée qui, vue selon un certain angle semble reprendre des proportions correctes.On peut y mettre entre autres les trompe-l'œil que l’on peut voir sur des façades, mais aussi les signalisations routières peintes au sol , déformées pour être visibles depuis un véhicule en mouvement.Les peintres ont, bien sûr, devancé les photographes : le célèbre peintre Allemand, Dürer, compare l’anamorphose à un « art de la perspective secrète ».

Les Ambassadeurs de Hans Holbein le Jeune (XV°s) contient près de la base de la toile l’anamorphose d’un crâne qui ne peut être vu qu’en regardant le tableau en vue rasante depuis le coude du personnage de droite.

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Anamorphose

Les exemples d’anamorphoses sont innombrables, mais j’ai choisi deux dessinateurs et deux photographes pour illustrer le procédé. http://www.julianbeever.net

Julian Beever est un dessinateur de rue dont les œuvres éphémères montrent cette maîtrise de la perspective étonnante, et sur ces deux vues de chaque scène sous un angle différent, on perçoit bien le travail « à plat » et l’effet obtenu.

Maurits Cornélius Escher, l’un des plus grands dessinateurs du XX°siècle a énormément « joué » avec les perspectives...

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Georges Rousse, né en 1947 est d’abord peintre avant d’être photographe.Il investit souvent des paysages industriels abandonnés, et dans l’exemple ci-contre, crée une anamorphose d’un disque visible dans sa perfection circulaire d’un seul point précis de l’espace.On imagine facilement que l’observateur se positionnant à quelques centimètres au-dessus du coin droit de l’image, ne verrait plus la partie gauche du disque, peinte perpendiculairement à la façade contenant l’escalier...Ses tirages sont en général de grand format, 160 x 125 cm et il tire rarement ses créations à plus de cinq exemplaires.

Ces deux vues du même ensemble prises sous des angles différents montrant bien l’extrême complexité de la mise en place par le photographe anglais Dan Tobin Smith pour réaliser l’image anamorphique ci-dessus.Il aime les lettres et a produit quantité d’images reposant sur ce même principe.

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La revue Chasseur d'images a édité pour l'occasion un supplément événementiel remarquable, et exhaustif... Tout y est, c'est parfait et en 52 pages, ce sera le souvenir le plus objectif de ce superbe festival...

Nous y consacrerons moins de pages, et comme nous l'avons fait depuis les deux années précédentes, ce seront surtout nos coups de cœur que nous souhaiterons faire partager en quelques mots et surtout en quelques images...

Cette session s'étale sur 14 sites, dont quatre distants de plusieurs kilomètres de Montier en Der. Autant dire que sans participer à la moindre conférence, c'est au minimum une journée de visite pour en faire un rapide tour...

Comme chaque année, un concours aux multiples facettes est organisé. La participation y a battu un record absolu : 11 511 photos reçues pour 1191 participants venus du monde entier. Quatre vingt clichés ont été primés, et là encore la revue Nat'images a édité un supplément gratuit à son n°11 pour nous permettre de garder mémoire de ce concours qui flirte par la quantité et la qualité avec celui organisé par la BBC.

Notre coup de cœur : un dessinateur animalier de très grand talent, Marcello Pettineo, rivalisant avec les meilleurs spécialistes du XIX° siècle !

Présentation des 15 affiches des 15 sessions du Festival

Le premier prix du concours : une prise de vue de Marc Steichen

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Humour et technique

Nous avions déjà à plusieurs reprises tenté d’aborder ce thème de l’humour dans la photographie. Le terme d'«humour» a une histoire bien connue. Déformation du français «humeur», il ne prend le sens que nous lui donnons aujourd'hui qu'aux XVIIe et XVIIIe siècles en Angleterre et qu'au tournant du XIXe siècle dans le reste de l’Europe.

Revenons-y cette fois…

L'histoire de l'humour et du rire est intimement liée à celle de l'humanité.

On retrouve l’humour sous des formes bien différentes dans le théâtre d'Aristophane, la farce médiévale ou la commedia dell'arte. Plus récemment, dans le burlesque, le théâtre de boulevard, le vaudeville, la chanson de rue, la BD. Les modes de diffusion ont toujours évolué, influencé par les nombreux changements sociaux, économiques, idéologiques et culturels de chaque époque.

Dès les débuts de la photographie, l’humour est présent :

Aujourd’hui, plus encore ! Quelques jours après le réveillon, en voici un bel exemple :

… à mi-chemin entre la photo « animalière » et la photo « gastronomique »

Mais chacun peut tester son talent avec un peu d’imagination, en saisissant sur le vif des situations amusantes, ou en les créant à l’aide de logiciels de retouche d’images comme par exemple Photofiltre dont nous avions déjà parlé.

Les petits appareils actuels possèdent parfois des fonctions que l’on peut alors détourner de leur but initial, comme « Sweep Panorama » que l’on retrouve sur le Sony DSC-W510 par exemple. Avec Sweep Panorama, le mode Panorama par balayage, vous prenez des photos en rafale, tandis que vous décrivez un cercle de gauche à droite ou du haut vers le bas. Le processeur d'image BIONZ assemble alors automatiquement les images : elles sont automatiquement superposées pour obtenir une seule image panoramique. Cela permet donc de saisir continuellement les grands paysages ou grands édifices en un seul mouvement facile « appuyer et balayer ».

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Place de la Bourse à Bordeaux

Plage de l’Atlantique (on aperçoit grâce à la découpe des vagues, le travail d’assemblage des différentes prises de vue)

Fête de la mer à Yport

Si un personnage se déplace dans le sens de votre rotation, il va apparaitre plusieurs fois sur la photo finale, créant un effet assez drôle ! Et en tournant simplement la tête, les effets sont surprenants…

Regardez le personnage de gauche :

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Regardez le personnage de droite cette fois :

A vous de jouer !!!

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