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TRÉHIN Iris Les médias en Chine Année 2015 Directeur : Emmanuel LINCOT

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TRÉHIN Iris

Les médias en Chine

Année 2015 Directeur : Emmanuel LINCOT

Introduction

MÉMOIRE : LES MÉDIAS CHINOIS

Partie 1 : Les médias Chinois

1) La presse écrite

2) La télévision

3) La radio

Partie 2 : Internet en Chine

1) Caractéristiques et particularités de l’Internet Chinois

2) Ces sites et réseaux sociaux censurés par le gouvernement et leurs équivalents chinois

3) Le rôle des réseaux sociaux dans l’évolution de la liberté d’expression

Partie 3 : Limites et dérives des médias Chinois

1) La censure

2) La corruption

3) Les médias vus par les Chinois

4) L’art au service de la dénonciation

Conclusion

Bibliographie

Sommaire :

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6-12

7-9

9/10

10-12

13-18

14/15

16/17

17/18

19-28

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Le terme « média » désigne tous les moyens de diffusion - qu’ils soient directs (information dif-fusée par la parole ou l’écrit) ou qu’ils utilisent un dispositif tech-nique (information diffusée à la radio, à la télévision ou sur Inter-net) - permettant la distribution, la diffusion, la communication et l’échange d’informations, de do-cuments, d’oeuvres, de messages sonores ou audiovisuels. Au sens propre du terme, un « média » désigne donc tout aus-si bien la télévision que le télé-phone, mais le média dans le sens qui nous intéresse ici est une ins-titution ou un moyen imperson-nel de diffusion, de transmission et de communication d’une infor-mation. Les médias ont un rôle primordial au sein d’une société, notamment dans la perception et la cohésion de celle-ci. D’ailleurs les médias sont souvent considérés comme «  le quatrième pouvoir  » (en ré-férence aux trois pouvoirs consti-tutionnels : l’exécutif, le législatif et le judiciaire) dans le sens où il prennent part à la formation de l’opinion publique et influent énormément sur celle-ci. L’écrivain britannique David Lodge disait d’ailleurs «  Les mé-dias représentent la plus grande puissance de notre société contemporaine  ». Sur un ton un peu plus critique, Victor Hugo disait : «  La presse a succédé au catéchisme dans le gouvernement du monde. Après le pape, le pa-pier. »

Les médias jouent donc un rôle essentiel au sein de la société, mais aussi dans la diffusion de la culture et de la culture de masse. Ce qui est médiatisé c’est ce dont la population va entendre parler et diffuser à son tour autour d’elle, ce qui va prêter sujet à débat et faire réfléchir les citoyens (ou au contraire faire passer un message de propagande).

Le droit à l’information est une liberté essentielle à la démocra-tie et à un pays libre : «Le droit à l’information repose sur un seul fondement : l’information est un bien public qui doit être acces-sible à tous et n’excepter aucun domaine de la vie économique, sociale et politique. L’exercice de ce droit ne consiste pas seulement dans le droit d’être informé, mais aussi dans le droit d’informer que revendiquent les journalistes.» (1)

Dans l’ensemble de ce que sont les médias on peut distinguer deux choses : les médias de masse (la presse, la télévision et la radio) et les médias numériques et élec-troniques (ceux qui reposent sur l’utilisation de l’ordinateur, de l’informatique et de NTIC : Nou-velles Technologies de l’Informa-tion et de la Communication).

Les informations diffusés par ceux-ci proviennent des agences de presse (ex : l’AFP en France, Reuters au Royaume-Uni, Xinhua en Chine) ou du média émetteur lui même.

Dans le cadre des médias, le terme d’information peut dési-gner deux choses : d’une part le renseignement, la documentation (sur quelque chose ou quelqu’un) portés à la connaissance du plus grand nombre ; et d’autre part ce-lui de l’actualité diffusée par les médias.

Les supports de diffusion de l’in-formation sont très divers : les messages écrits (presse, édition, affichage), la radiodiffusion, la télédiffusion, la projection (ciné-matographique, documentaire, publicitaire), le réseau Internet et ses sites d’information, les sites de propagande ou les spams, etc….

Le développement d’Internet a été une vraie révolution dans le monde des médias car il a per-mis aux internautes d’interagir à la fois avec le contenu mais aussi avec les autres internautes, d’offrir une diffusion de l’information en temps réel et de multiplier les sources de renseignements. In-ternet ainsi que l’émergence des réseaux sociaux ont bouleversé les modèles traditionnels du jour-nalisme et apporté de nouveaux enjeux aux journalistes d’au-jourd’hui.

(1) Henri Maler et Mathias Reymond - Médias et mobilisations sociales - 2007 - page 160

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La Chine est le deuxième pays le plus riche du monde, mais aussi le plus peuplé : elle compte environ 1,317 milliards d’habitants. C’est un territoire immense (le 3e plus grand du monde) puisque sa su-perficie est de 9 596 961 km² (à titre comparatif cela représente plus de 14 fois la France). On y parle le Chinois mandarin mais il existe de très nombreux dia-lectes qui possèdent eux-mêmes leurs variantes. Les chinois sont majoritairement athées mais le bouddhisme, le taoïsme et le confucianisme sont des religions également très répandues. Il existe aussi des minorités chré-tiennes et islamiques. Le taux d’alphabétisation de la Chine est de 91%. Pour donner un ordre d’idée celui de la France et des États-Unis est de 99%. Une grosse différence donc (8%), qui représente beaucoup de gens lorsque l’on compare le nombre d’habitants en Chine et en France (66,3 millions).

La République Populaire de Chine est un État communiste, un État unitaire centralisé et to-talement administré par le Parti Communiste Chinois (PCC). Après le temps de la Révolution culturelle, du maoïsme triom-phant et du Petit Livre rouge le communisme chinois a évolué. L’empire maoïste paralysé par la bureaucratie a laissé place à une économie ultralibérale qui four-nit le monde entier en produits manufacturés.

Tout a donc changé depuis l’époque de Mao, sauf l’emprise du PCC qui demeure le parti unique et bloque toute avancée démocra-tique.

80,6 millions de personnes sont membres du PCC, parmi eux 24% ont moins de 35 ans, 23% sont des femmes et seulement 8,5% sont ouvriers. Les chinois se sont accommodés de l’emprise du PCC car le pays s’est enrichi très rapidement ces dernières décennies, mais la crédibilité du gouvernement s’est trouvée peu à peu écornée par des affaires de corruption, des inégalités sociales grandissantes, une hausse des prix alimentaires et une baisse de la croissance. Entre les ponts qui s’effondrent, les accidents de train qui se mul-tiplient, les mines qui s’écroulent, les gens qui meurent par em-poisonnement alimentaire, les femmes enceintes amenées par la police pour subir des avorte-ments, les enfants de cadre du Parti qui échappent à la justice… les scandales se multiplient en Chine et les révélations déses-pèrent l’opinion publique.

Les réseaux sociaux sont témoins de critiques de plus en plus fortes à l’égard du gouvernement et la population chinoise commence à se révolter, comme ce fut par exemple le cas en février 2011. Cette année là, le 20 février, une manifestation s’engage à Shan-ghai, s’inspirant de la Révolution du Jasmin tunisienne. La presse officielle Chinoise a tourné cet évènement en dérision expli-quant « qu’un tel soulèvement en Chine était «impossible» et que les Chinois devraient faire preuve de patience » (1)

L’article ajoute : «  Le parti com-muniste au pouvoir, qui redoute un effet de contagion après la chute des présidents Ben Ali [an-cien président de la République Tunisienne] et Moubarak [ancien président de la République arabe d’Égypte] et qui a la hantise des troubles publics, a par le biais de plusieurs journaux demandé aux Chinois irrités par les problèmes d’inflation, de corruption ou en-core d’injustices, de laisser le temps au gouvernement de pour-suivre son oeuvre. »

(1) Article de L’Express.fr - publié le 21/02/2011

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Dans le cadre de ce mémoire nous allons donc nous intéresser aux médias Chinois, quelles sont leurs caractéristiques, leur place et leur impact au sein de la société mais aussi leur limites. Car, comme nous avons déjà pu l’évoquer dans cette intro-duction, les médias ne sont pas particulièrement libres, notamment lorsqu’il s’agit du gouvernement politique. Nous verrons aussi quelles structures les encadrent, quel est le point de vue des chinois sur cette liberté des médias quelque peu limitée mais aussi leur manière de réagir, de contourner la cen-sure.

La première partie exposera les trois grandes ca-tégories de médias «  traditionnels » soit la presse écrite, la télévision et la radio. Nous verrons les caractéristiques de chaque média, leur distribu-tion et impact. Nous présenterons également les structures responsables de leur diffusion et de leur contenu, les principaux titres, les agences de presse Chinoises, les enjeux et les limites de leur distribu-tion.

La deuxième partie sera consacrée à Internet. Nous verrons quelles sont ses particularités, quels sont les sites d’information et réseaux sociaux les plus consultés par les Chinois et la manière dont ils sont utilisés. Nous verrons à quel point la censure est présente sur le net et la manière dont les réseaux sociaux et sites de micro blogging participent à l’évolution de la liberté d’expression.

La troisième partie abordera les limites imposées aux médias Chinois. Tout d’abord nous étudierons la censure qui surveille tout ce qui est publié et dif-fusé, puis nous verrons comment les médias et la liberté d’expression sont perçus par la population Chinoise. Enfin nous verrons comment l’art se met au service de la dénonciation de la censure.

Ce sont des questions majeures à se poser lorsqu’on s’intéresse à la Chine, dans la mesure où les médias aident l’opinion publique à se forger un avis sur des sujets tels que la politique ou l’économie du pays et jouent donc un rôle crucial dans n’importe quel État, qu’il soit démocratique ou contrôlé par le par-ti politique en place. De plus la Chine est un pays extrêmement peuplé, devenu une puissance mon-diale et à l’écho international. La connaissance de ce pays est donc très importante pour comprendre ses actions, ses enjeux, son idéologie, ses implica-tions et son rôle à l’international.

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Partie 1 : Les médias ChinoisPour présenter les médias Chinois nous allons commencer par pré-senter les structures qui les do-minent et les supervisent. Nous nous intéresserons ensuite aux diverses branches des médias « traditionnels » à savoir la presse écrite, la télévision et la radio.

En mars 2013, la GAPP (General Administration of Press and Pu-blication) et la SARFT (State Ad-ministration of Radio, Film, and Television) fusionnent pour créer un « méga-ministère ». Cette fu-sion, qui rentre dans le cadre d’une réforme culturelle lancée en 2013, est supposée booster le développement des industries culturelles chinoises et augmen-ter son influence mondiale, mais aussi d’installer une certaine co-hérence dans la limitation des contenus. En effet lorsque ces deux organismes de contrôle étaient indépendants il arrivait que l’un d’eux valide un contenu alors que l’autre le censurait.

Ce nouveau «  super ministère  » de diffusion et de presse s’appelle l’Administration Générale de la Presse, de l’Édition et de la Radio-diffusion, du Cinéma et de la Té-lévision (GAPPRFT en anglais). C’est un organe du pouvoir exé-cutif sous autorité du Conseil des affaires de l’Etat de la République Populaire de Chine et sous le contrôle du Département de Pro-pagande du Parti Communiste.

Son rôle est multiple : il favorise le développement des industries de la presse, de l’édition et de la TV, radio et cinéma ; supervise et régule les institutions et entités commerciales acteurs de ces in-dustries ; contrôle les entreprises publiques nationales (Télévision Centrale de Chine, Radio Natio-nale de Chine, Radio Chine In-ternationale, les studios de TV et de cinéma…) ; autorise les publications (périodiques, livres, sites Internet…) ; est responsable de la censure des contenus « qui pourraient heurter la sensibilité du gouvernement chinois ou les normes culturelles chinoises » ; et est chargé de l’administration des droits d’auteurs.

Le gouvernement Chinois reste prudent quant aux réformes qui pourraient avoir un impact sur la culture et l’idéologie, et la libérali-sation dans l’industrie des médias nécessite plus d’efforts qu’unique-ment l’émergence d’un nouveau ministère.Glenn Su, travailleur chez Fangda Partners(1) commente: « Le gou-vernement chinois veut consoli-der les secteurs des médias et de la culture pour que d’importants et solides groupes de médias émergent ».

Dans le cadre de ces réformes, l’État a imposé aux publications de s’adapter au marché. Une ré-volution en Chine, qui a par la même occasion connu l’émer-gence de grands groupes dans le secteur de la presse écrite et des médias audiovisuels. On compte aujourd’hui environ 2000 journaux, 8000 magazines, plus de 1000 chaines de télévi-sions nationales et près de 2000 autres chaines câblées. Aussi, la radio et la télévision couvrent res-pectivement 95% et 96,2% de la population nationale. Le Parti Communiste Chinois n’abandonne pas pour autant le contrôle du contenu de l’informa-tion : les autorités locales ainsi que le Département de la Propagande interdisent chaque jour la couver-ture de manifestations d’ouvriers ou de paysans, et plus générale-ment toute forme de contestation de l’autorité du Parti et de l’État… Mais nous y reviendrons dans la quatrième partie de ce mémoire consacrée aux limites et dérives des médias Chinois.

Maintenant que l’on sait quelles sont les structures chargées de superviser les médias nous allons nous intéresser plus en détails à trois médias «  traditionnels  » : la presse écrite, la télévision et la radio. Nous verrons leurs carac-téristiques, quels sont les grands titres Chinois, leur répartition, leur diffusion et leur impact.

(1) extrait de l’Article «Two powerful Chinese media regulators merge » (http://www.fangdalaw.com/images/v11i6.pdf)

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Le terme «  presse  » ou «  presse écrite  » désigne l’ensemble des journaux et plus généralement, tous les moyens de diffusion de l’information écrite. On peut classer les publications selon plu-sieurs catégories : leur rythme de parution (quotidien, hebdoma-daire, mensuel…), leur contenu (s’il est généraliste ou spécialisé), leur nature (information, diver-tissement, sportif, scientifique…), leur zone de diffusion (nationale, régionale…) et leur modèle éco-nomique (si le journal est payant ou gratuit). On distingue la presse quotidienne et hebdomadaire (journaux, quotidiens, etc…) de la presse magazine (généralement plus ciblée selon un thème ou do-maine).

La presse écrite Chinoise a connu un développement considérable depuis l’ouverture de la Chine (1). En effet si l’on comptait seulement 42 journaux (tous communistes) en 1968, il en existe aujourd’hui plus de 2000 (auxquels on ajoute environ 8000 magazines). De plus, la Chine est le plus grand marché du monde pour les quoti-diens : on estimait à 96,6 millions le nombre d’exemplaires vendus par jour en 2006.

Un des grands acteurs dans le domaine de la presse écrite est l’agence de presse.

Une agence de presse est un or-ganisme qui vend (à des médias d’information, des institutions ou des acteurs économiques) des informations, reportages, ar-ticles, photographies, graphiques, éléments sonores… voir même parfois des pages prêtes à être diffusées ! Les agences de presse n’ont donc pas pour vocation de s’adresser directement au grand public - même si l’émergence d’Internet change la donne - mais plutôt d’être une vaste source d’informations, plus ou moins diverses, que les médias peuvent réceptionner pour les transmettre à leur tour. Les agences de presse natio-nales Chinoises sont Xinhua (ou «  Agence Chine Nouvelle  ») et China News Service. Xinhua est la plus ancienne et la plus grande des deux. Elle fut en effet fondée en 1931 par le PCC sous le nom de Red China (son nom actuel lui fut donné en 1937). Rattachée au Conseil des affaires de l’État de la République populaire de Chine elle transmet le point de vue of-ficiel du gouvernement. Elle est utilisée comme source d’infor-mation par les médias locaux et lorsque ceux-ci traitent d’un sujet « sensible » ils doivent reprendre les dépêches officielles de l’agence Xinhua. Celle-ci publie également sur le Web des informations (traduites en anglais et en français notam-ment) ce qui lui donne une pré-sence internationale.

Une présence néanmoins peu cré-dible puisqu’en 2005 l’association Reporters Sans Frontières la décrit comme « la plus grande agence de propagande du monde ». Le jour-naliste français Gautier Battistella ajoute : « Xinhua permet au Parti communiste chinois de maintenir un monopole de l’Information en Chine » (2)China News Service fut quant à elle créée en 1952 et est également rattachée au PCC. Ces deux agences sont donc porte-parole de la voix officielle du gouvernement car, tout en partageant leurs informations aux médias d’information elles leur donnent un certain message à passer, un seul point de vue à transmettre, celui du Parti Com-muniste Chinois.

Les quotidiens sont, comme leur nom l’indique, des journaux qui paraissent tous les jours. On dis-tingue les quotidiens nationaux qui sont diffusés dans l’ensemble du pays des quotidiens régionaux qui sont eux diffusés uniquement dans une région précise. Les grands quotidiens nationaux Chinois sont : Le Quotidien du Peuple, Global Times, China Daily, Reference News, Le Quoti-dien de la Jeunesse de Chine, Le Quotidien des Sciences et de la Technologie, Le China Business Times…

a) La presse écrite :

(1) politique de réforme et d’ouverture qui commence en 1978 avec pour principal leader Deng Wiaoping, chef de l’ouverture de la Chine. (2) dans un article de Gaël Vaillant : « Xinhua, une certaine vision du journalisme » publié dans L’Express, le 25avril 2008.

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Nous allons nous intéresser prin-cipalement à deux titres : Le Quo-tidien du Peuple et China Daily, d’une part parce que ce sont les plus connus et d’autre part car ils ont tous deux une ligne éditoriale quelque peu différente.

Le Quotidien du Peuple est l’or-gane de presse officiel du Comi-té central du Parti Communiste Chinois, la voix officielle du gou-vernement.Créé en 1948 il n’était à l’origine publié que de manière régionale. C’est lorsque ses bureaux se sont installés à Pékin qu’il est deve-nu le quotidien officiel du PCC. D’ailleurs lors de la Révolution Culturelle il était le seul organe de presse permettant aux journa-listes étrangers de s’informer sur la politique du gouvernement.Il est publié quotidiennement et en chinois mais il existe aussi des versions anglaises, japonaises, françaises, espagnoles, russes et arabes. De plus, une édition sur internet est également disponible. Il est diffusé à environ 3 millions d’exemplaires par jour, mais prin-cipalement dans les administra-tions.

China Daily est un quotidien Chinois mais publié en anglais. Créé en 1981 il est le premier et le plus important des journaux Chinois écrit en anglais (le tirage était estimé à 200 000 exemplaires en 2005). Il est également contrô-lé par l’État mais il semble aussi beaucoup pratiquer l’autocensure, évitant de mentionner des sujets considérés comme trop sensibles (tels que le Tibet ou Taïwan par exemple).

Zuh Ling, rédacteur en chef du China Daily, a d’ailleurs déclaré que le journal devait, à travers sa ligne éditoriale, soutenir les initiatives du PCC et que les cri-tiques à l’égard du gouvernement n’étaient possibles que si celui-ci s’écartait du programme du Parti.Étant donné que les articles pu-bliés doivent être étudiés et ap-prouvés par les autorités en amont, il se passe parfois plu-sieurs jours entre un évènement et la publication de l’article qui y fait allusion.

Le Quotidien du Peuple et Chi-na Daily sont donc tous deux des quotidiens nationaux Chinois, l’un écrit en chinois et l’autre en anglais. La différence majeure est celle du contrôle des informations : les informations diffusés par le Le Quotidien du Peuple sont to-talement sous l’emprise des idées du Parti, à tel point qu’elles sont presque comme «  directement  » émises par lui, alors que China Daily possède plus de libertés (libertés qui ne sont d’ailleurs ja-mais prises) mais se retrouve pé-nalisé, en terme de diffusion, par le temps que prennent les auto-rités de la Communication pour vérifier ses articles.

Du côté des quotidiens régio-naux il y a notamment : Xinmin Wanbao, Le Quotidien de Beijing (Beijing Daily), et Nanfang Ribao (ou Southern Daily ; créé en 1949 il est le journal officiel du Par-ti Communiste du Guangdong, région du Sud Est de la Chine, il est néanmoins parfois considéré comme l’un des journaux officiels les plus critiques, montrant son ouverture sur le monde chinois).

Nous nous attarderons princi-palement sur Xinmin Wanbao, journal extrêmement populaire à Shanghai. Il s’agit d’un journal du soir, écrit en chinois et diffusé à plus d’un million d’exemplaires. Créé en 1929 il interrompt sa publication pendant la Révolu-tion Culturelle puis la reprend en 1982. Deuxième titre le plus diffusé, ce tabloïd présente des informations sociales, pratiques et divertissantes. Les articles sont courts et facile à lire. Il est publié sous la direction du Comité du parti communiste de Shanghai et appartient au groupe de presse Wenhui Xinmin Lianhe Baoye Jituan.

Passons maintenant aux maga-zines, qui sont des publications périodiques, généralistes ou spé-cialisées et très généralement il-lustrées. On les distinguent de la revue qui elle, se limite à un do-maine bien précis (la littérature, le cinéma…). On compte plus de 8000 pério-diques en Chine, dont les plus courants sont : Qiushi (le bi-men-suel du Comité Central du PCC), Yanhvang Chunqiu et Caixin (respectivement mensuel et heb-domadaire libéral), Nanfang Zhoumo (l’hebdomadaire du Nanfang Ribao et plutôt critique à l’égard du gouvernement), China Economic Review, Painkiller (sur la musique), Ray Li (sur la mode), Sports Illustrated China… On retrouve aussi ces titres in-ternationaux tels que : Chinese National Geography, Vogue Chi-na…

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Pour satisfaire un maximum de lecteurs et un lectorat diversifié, les journaux et magazines sont très différents les uns des autres, abordant un très grand nombre de thèmes.

Ces dernières années on a pu as-sister à une réorganisation des journaux et à la formation d’une quarantaine de groupes de presse. Parmi eux on peut citer le groupe Wenhui Xinmin Lianhe Baoye Ji-tuan, le groupe du Quotidien de Beijing, ainsi que le groupe du Quotidien de Guangzhou.

Ces groupes de presse émergent dans les grandes ville, sur le mo-dèle occidental. Régulièrement, certaines de leurs publications testent les limites de la censure, et dénoncent notamment les abus d’autorité. C’est par exemple le cas pour le Journal du Matin de Shanghai (Dongfang Zaobao) qui sera le premier média à désigner Sanlu comme responsable dans l’affaire du lait frelaté en 2008. Mais nous reviendrons plus en détail sur la censure dont la presse écrite est victime dans la troi-sième partie de ce mémoire.

Les journaux et magazines Chinois ne sont donc pas si diffé-rents des nôtres en terme de paru-tion, diffusion, thèmes abordés et mode de fonctionnement. La dif-férence majeure est que la presse écrite chinoise est complètement contrôlée par le gouvernement alors que la liberté d’expression est prônée en France. Mais d’après le rapport annuel de Reporters Sans Frontières, la télévision et la radio Chinoises sont encore plus contrôlées que la presse écrite…

b) La télévision :Nous nous intéressons à présent au média télévisuel. Apparue dans les années 70 en Chine, la télévision est au-jourd’hui très largement répan-due, comme l’un des principaux loisirs. Si le pays ne comptait qu’une seule chaine en 1978, on en dénombre désormais plus de 1000, sans compter les milliers d’autres câblées (80% des foyers y sont d’ailleurs abonnés). La té-lévision (et notamment celui des chaines câblées) est un secteur en pleine expansion. On compte près de 56 000 heures de programma-tion hebdomadaire, relayées par 300 millions de postes pour 1,1 milliard de téléspectateurs. Le réseau télévisuel couvre plus de 95% de la population nationale, en outre les provinces, régions autonomes et municipalités pos-sèdent leurs propres stations de télévision.

Les programmes télévisuels ont connu une forte influence étran-gère qui se retrouve notamment dans l’apparition des feuilletons, jeux télévisés et dessins animés.

Les matchs de football, baseball ainsi que les Jeux Olympiques sont également très populaires en Chine.

Néanmoins le Parti Communiste (qui contrôle tout) est le seul à pouvoir décider de ce qui sera diffusé ou non. Tout contenu qui s’apparente, de près ou de loin, au «  trouble de l’ordre public  » est sanctionné (interdiction de dif-fusion ou arrestation des respon-sables). Mais il devient de plus en plus difficile de contrôler les équipe-ments satellites installés illégale-ment et dont le nombre croit au fil des années.

Les principales sociétés de télévi-sion sont : la Télévision Centrale de Chine (CCTV) et China Tele-vision (CTV) et Shanghai Media Group (qui possède également des stations de radio).

La CCTV est le réseau principal de télévision publique, c’est le groupe audiovisuel d’État (un peu l’équivalent de France Télévisions donc). Ses 19 chaines

(chacune traitant d’un thème qui lui est propre) diffusent plus de 300 heures de programmes chaque jour, et sont présentes sur tous les créneaux. Actuellement ses signaux de programmes ont couvert le monde entier, grâce à la transmission par satellite. En revanche, China Television est une société de télédiffusion taïwanaise. Créée en 1968 par le parti nationaliste de la Répu-blique de Chine elle est donc détenue par celui-ci. Elle est la première société de diffusion de Taïwan.

Il existe une multitude de chaines, traitant de différents sujets et di-vers domaines. Parmi elles on trouve New Tang Dynasty Television, une chaine d’information indépendante, ba-sée à New York et créée en 2001. Sa mission est d’offrir une infor-mation non censurée dans et hors de la Chine (elle adopte souvent une position critique quant au PCC et notamment sur la ques-tion des Droits de l’Homme), de promouvoir la culture chinoise traditionnelle et de faciliter la

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compréhension mutuelle entre la Chine et les pays occidentaux. Les émissions sont diffusées en diffé-rentes langues et la couverture par satellite atteint quasiment tous les continents. Il s’agit donc d’une chaine inter-nationale plutôt que nationale et qui plus est américaine mais il est important de la présenter ici, du fait de son but et de ses positions.

Certaines autres chaînes interna-tionales telles que TV5 Monde et BBC peuvent être captées (no-tamment dans les hôtels chinois et dans les grandes entreprises)

mais ne sont donc pas accessibles à toute la population Chinoise. De plus, dès qu’un reportage aborde un sujet un peu sensible la censure fait son oeuvre…Aussi les chaînes de Hong Kong (telles que Phoenix TV par exemple) sont accessibles unique-ment par satellite et la Chine n’au-torise toujours pas la diffusion de chaines taïwanaises sur son terri-toire.

Les chaines de télévision sont donc certes très nombreuses, mais aussi très surveillées.

D’après Hans-Günther Herrmann (1) : «  Les autorités chinoises considèrent la télévision comme le média le plus stratégique, car il communique plus directement avec les gens, comme un outil de propagande, et répond à une plus forte demande de divertissement et d’information  », ce qui ex-plique sans doutes l’expansion de la télévision ainsi qu’un plus fort contrôle de la part du Parti. L’autre média très contrôlé par le PCC est la radio.

(1) avocat du Corporate Department chez Paul, Weiss, Rifkind, Wharton & Garrison - Extrait de l’article : « Two powerful Chinese media regulators merge ». Texte initial : « The chinese authorities see television as the more strategic medium, because it connects more directly with people as a propaganda tool and satisfies a stronger demand for entertainment and information »

c) La radio :La radio fut inventée par Édouard Branly dans les années 1890 mais la radiodiffusion moderne n’ap-parait qu’avec l’invention de la lampe radio de Lee De Forest en 1907. Dès 1920 les premières stations de radio privées (liées à des journaux quotidiens) ap-paraissent. C’est en 1922 que la première station radiophonique chinoise voit le jour à Shanghai.La radio connait son grand suc-cès lors de l’entre-deux-guerres et s’installe peu à peu dans tous les foyers. Elle fut aussi beau-coup utilisée par les régimes to-talitaires, tels que l’URSS et l’Al-lemagne, pour transmettre leur propagande.

Les stations de radio sont tout un ensemble d’équipements qui a pour but de transmettre à dis-tance une information de type audio. Chaque station de radio peut être captée sur la fréquence qui lui est dédiée.

En France on distingue les radios de services publiques des autres radios privées qui sont classées en différentes catégories (si elles sont associatives, commerciales, nationales ou régionales, etc…).

Malgré l’émergence et la popula-rité de la télévision et d’Internet la radio reste très écoutée dans l’ensemble de la Chine. En plus des stations nationales chaque province, régions autonomes et municipalités possède sa propre station de radio. L’une des deux chaines de radio d’État est Radio Chine Interna-tionale (CRI), une station natio-nale diffusant nouvelles et débats d’actualités, commentaires et di-vertissements, ainsi que des su-jets sur la politique, l’économie, la culture, les sciences, la technolo-gie… On compte neuf programmes dif-fusant 290 heures d’émissions par jour, diffusés par satellite à travers

à travers le monde et en 43 lan-gues. Créée dans les années 1940 sous le nom de Radio Pékin, elle diffu-sa une importante propagande en faveur de Mao Zedong lors de la Révolution Culturelle. Selon une étude publiée en 2004 par Global Media Journal ses directeurs étaient membres du bureau politique du PCC, très proches du pouvoir donc. La chaine se donne pour mission de promouvoir la compréhension et l’amitié entre les peuples de la Chine et du monde. Elle est au-jourd’hui devenue une station internationale (après Voice of America, BBC et Radio France Internationale).

En parlant de ces radios interna-tionales telles que la BBC et Radio France Internationale (auxquelles on peut ajouter Radio Free Asia) il faut préciser que le gouverne-ment surveille de près

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ces radios «  libres  » et se donne pour mission de brouiller leurs fréquences, afin de rétablir la « grande muraille pare-feu »  (ou « Great Firewall ») de Chine, dont nous reparlerons plus en détails dans la troisième partie de ce mé-moire. De plus les sites Internet de ces radios sont inaccessibles sur le territoire Chinois.

Dans le domaine de la radio on parle aussi de radios libres ou « radio pirates ». Ce mouvement est né dans les années 1970 en Europe, face à la concurrence de la télévision, et est caractérisé par des radios émettant des programmes de ma-nière clandestine. Il avait pour but de revendiquer la liberté d’ex-pression et la fin des monopoles de l’État dans les domaines de la radio et de la télévision.

La chaine Citizens’ Radio de Hong Kong se définit comme radio pirate, elle présente des in-formations ainsi que des débats. Elle a été fondée en 2005 par le démocrate Tsang Kin-shing, an-ciennement membre du Conseil Législatif. Mais ses programmes ne sont diffusés que dans la ré-gion d’Hong Kong et sur Internet. Le mot d’ordre de cette station est « Be open and bravely speak out » que l’on peut traduire par « Soyez ouverts et, bravement, parlez fort ». N’ayant pas encore obtenu d’autorisation de diffusion, elle est techniquement une radio illé-gale. Les autorités chargées de su-perviser les télécommunications font régulièrement des descentes dans ses locaux,

mais la chaine recommence à diffuser chaque fois… une forme de désobéissance civile.

Enfin nous devons aborder le cas du Tibet, province sous contrôle Chinois, et qui ne peut donc re-cevoir aucune information indé-pendante de la part de la presse, des radios, des télévisions ou des nouveaux médias. Mais, depuis l’extérieur de la Chine, des mé-dias libres produisent et diffusent une information de qualité, non censurée, ouverte sur le monde et aux valeurs démocratiques… une information alternative. Qui, malgré les brouillages peut être captée sur le territoire Chinois.

C’est le cas de la radio indépen-dante Voice of the Tibet, fondée par trois ONG norvégiennes. E lle est créée en 1996 (grâce à des donations) et qui émet alors en tibétain. Aujourd’hui ses pro-grammes sont également diffusés en Chinois mandarin et à desti-nation non seulement du Tibet mais aussi de la Chine, de l’Inde, du Népal et du Bhoutan. Ils sont produits par des journalistes tibé-tains et les informations diffusées sont également disponibles sur leur site Internet, les rendant ac-cessibles au reste du monde. Les programmes quotidiens se font en deux parties : la première est consacrée à un bulletin d’in-formation, suivi par une émis-sion thématique (actualités sur la situation des tibétains exilés, sur les mouvements démocratiques en Chine ou encore reportage sur la médecine traditionnelle et mo-derne ou sur la musique tibétaine par exemple).

Le but principal de cette radio est de redonner le droit de pa-role au Tibétains, dont l’identité nationale et culturelle ainsi que la liberté ont été bafouées par les autorités chinoises. Aussi d’aider à préserver cette culture tibétaine mise en péril, d’éduquer ces po-pulations, notamment sur le sujet des Droits de l’Homme et de la démocratie, ainsi que de prévenir des conflits ou discriminations en améliorant la communication entre les différentes communau-tés. De plus, selon un recensement daté des années 2000, le taux d’al-phabétisation est seulement de 50% au Tibet (2), le rôle informa-tif de la radio est donc primordial dans un pays où presque une per-sonne sur deux ne sait pas lire. La chaine n’a pas d’affiliation poli-tique et n’est donc sous l’influence d’aucun gouvernement, leur ob-jectif est simplement de créer une plate-forme pour tous et acces-sible à tous.

Mais les autorités chinoises es-sayent d’empêcher une telle diffusion et régulièrement, ils brouillent les ondes de la chaine… C’est ce qu’explique Karma Yeshi, rédacteur en chef de Voice of the Tibet : «  Lorsque nous diffusons nos programmes sur la fréquence réservée à Voice of Tibet en vertu de la loi internationale sur les té-lécommunications, dont la Chine est signataire, cette dernière n’est pas censée utiliser la même fré-quence. Mais vous savez, la Chine fait ce qu’elle veut. Ils violent la convention internationale qu’ils ont signée. Ils ne peuvent pas nous empêcher de diffuser et

(1) il s’agit d’organisations de défense des Droits de l’Homme : Norwegian Human Rights House, Norwegian Tibet Comittee et Worldview Rights(2) ce sont des chiffres difficiles à estimer, étant donné le peu d’études statistiques disponibles mais d’après l’économiste Andrew Martin Fischer et selon des études officielles, environ 41 % des résidents adultes urbains sont illettrés en 2004, ce qui indique malgré tout un taux important d’analphabètes chez les tibétains

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nous ne pouvons pas arrêter leur brouillage. Nous devons donc ruser afin de parer à ces interfé-rences. Ainsi, nous changeons souvent de fréquences, mais cela nous fait perdre de l’audience.  » (1)

Nous avons pu voir dans cette première partie les caractéris-tiques et le rôle de ces médias dits «  traditionnels  » et à quel point leur importance est indéniable.

En effet, même si la plupart sont contrôlés par le gouvernement et ne diffusent donc que du contenu « politiquement correct », l’émer-gence de nouvelles chaines libres montre que la liberté d’expression gagne du terrain et que la popula-tion commence à se soulever face à l’oppression du Parti Commu-niste. Ces changements dans les médias reflètent le changement de l’opinion publique et des exi-gences de la population.

L’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux a également joué un rôle majeur dans ce sens et nous al-lons voir dans la deuxième partie quelles sont les caractéristiques de l’Internet Chinois, comment il est utilisé et quelles sont les limites qui peuvent lui être imposées.

(1) Extrait de l’Article de Reporters Sans Frontières : « La « voix des sans voix» pour le Tibet », publié le jeudi 14 janvier 2010 sur leur site - http://fr.rsf.org/chine-la-voix-des-sans-voix-pour-le-14-01-2010,36082.html

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Partie 2 : Internet en ChineDans cette deuxième partie nous allons nous intéresser à Internet et à tous ces médias nés de l’émer-gence des nouvelles technologies : les médias sociaux, les réseaux sociaux, les blogs et microblogs, etc… Nous commencerons par définir ce que représente Internet en Chine et la manière dont il est utilisé, puis nous verrons quels sont ces sites occidentaux censu-rés par le gouvernement et quels sont leurs équivalents chinois. Enfin nous étudierons comment ces réseaux sociaux ont eut un rôle dans l’évolution de la liberté d’expression.

C’est à partir du milieu des années 1990 que l’utilisation d’Internet commence à se généraliser, que ce soit dans les foyers ou les en-treprises. Jusque dans les années 2000 on l’estimait encore comme un « hors média », certains se méfiaient de cette avancée technologique voir la rejetaient, mais Internet a finit par s’imposer et est aujourd’hui considéré comme un média à part entière. Les médias traditionnels se sont mis à coopérer avec ce nouvel ou-til technologique et Internet est devenu un passage obligé pour les entreprises publiques ou privées ainsi que pour les médias, d’une part pour assurer sa présence, sa communication, mais aussi pour offrir de nouveaux services aux internautes, leur permettre d’inte-ragir entre eux mais aussi d’obte-nir leur avis. Les nombreux titres ont ainsi investi pour créer leurs rédactions web et ont recrutés des journalistes spécialisés.

L’arrivée d’Internet a bouleversé le paysage médiatique des années 2000 et bousculé les codes tradi-

tionnels du journalisme, dans la conception des articles mais aussi dans la structure des rédactions et la façon de gérer la diffusion de l’information.

Les podcasts des émission de ra-dio et le replay des chaînes télé-visées sont également apparus, permettant à chacun de regarder ou d’écouter un reportage bien précis à n’importe quel moment, révolutionnant ainsi les sphères radiophoniques et télévisuelles. L’arrivée des médias sur le Web a aussi permis aux lecteurs inter-nautes de devenir des acteurs de l’information : ils peuvent inte-ragir sur des forums ou avec les commentaires, tenir leur propre site ou blog, mais aussi être des sources d’informations (plus ou moins crédibles)…

À partir de 2010 les réseaux so-ciaux ont fait leur apparition, et se sont peu à peu imposés comme des moyens d’information à part entière. Le rôle joué par Twitter, par exemple, dans certains évè-nements d’actualité est indéniable : que ce soit lors des révolutions dans le monde arabe ou des catas-trophes au Japon, mais aussi pour la communication politique…

Internet et les réseaux sociaux permettent également une diffu-sion de l’actualité en temps réel. La diffusion en temps réel exis-tait auparavant avec les duplex et envoyés spéciaux dans les médias audiovisuels mais n’avait pas une telle ampleur. Aujourd’hui, quelle que soit l’heure à laquelle un évè-nement se passe on en parle déjà sur les réseaux sociaux.

L’émergence d’Internet en tant que média ainsi que

le développement des nouvelles technologies (smartphones, ta-blettes…) permettent d’avoir ac-cès aux actualités en tout temps et en tout lieu ; Internet est comme un flux ininterrompu d’articles, d’informations, de données.

On utilise le terme de «  médias sociaux  » ou «  Web 2.0  » pour désigner tous les sites en rapport avec une communication sociale, une collaboration en ligne. Par exemple les blogs, les microblogs, les wikis, les réseaux sociaux, les sites de vidéo-partage (tels que Youtube)…

Voici le diagramme décrivant dif-férents types de médias sociaux : « The Conversation Prism 2.0 »

Il est important de faire la dis-tinction entre les médias sociaux et les réseaux sociaux. Les médias sociaux sont donc tous ces sites (et applications) qui ont une dimension sociale d’in-teractions entre internautes, et ce avec une réciprocité plus ou moins élevée.Alors qu’un réseau social est un site dont la vocation principale est de mettre en relation des uti-lisateurs.

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Les mêmes phénomènes se sont produits en Chine : les sites d’in-formation prennent de plus en plus d’ampleur et deviennent des plates-formes multimédias où se mêlent textes, images, sons et vi-déos.

Les organismes de presse ex-plorent différentes formes de pu-blication numérique et différents modes d’exploitation. Un exemple parmi tant d’autres : en 2005, le site China Mobile lance un ser-vice de télévision sur smartphone.

Dans cette deuxième partie nous allons étudier l’Internet Chinois, quelles sont ses caractéristiques et spécificités, comment les tenta-tives de contrôles du PCC donne naissance à un Internet bien spécifique. Nous verrons aus-si comment ces limitations sont contournées par les utilisateurs et quel est le rôle des réseaux so-ciaux dans l’évolution de la liberté d’expression.

a) Caractéristiques et particularités de l’Internet Chinois :Aujourd’hui, dans une Chine très friande de nouvelles technologies, près d’un demi-milliard de per-sonnes sont connectés à Internet. Ils sont les premiers utilisateurs mondiaux d’Internet ainsi que de communications mobiles. De plus on estime qu’Internet est la principale source d’informations pour plus de 80% des internautes. De très nombreux cybercafés voient le jour, même si ils font régulièrement l’objet d’inspec-tions de la part des autorités. Le Ministère de la Sécurité Publique et le Ministère de l’Information et de la Technologie ont d’ailleurs mis en place de nombreux dispo-sitifs de surveillance. De plus les trois grand fournisseurs d’accès nationaux sont China Telecom, China Unicom et China Mobile, sont tous sous la surveillance du Parti. Mais ce contrôle d’Internet ne semble pas rebuter les inter-nautes dont le nombre ne cesse de croître.

Le graphique suivant illustre l’évo-lution du nombre d’internautes Chinois entre 2007 et 2011. On peut ajouter qu’ils n’étaient « que » 111 millions en 2004.

L’engouement pour les réseaux sociaux est certainement plus fort encore qu’en France (92% des internautes sont actifs sur les ré-seaux sociaux), et les médias so-ciaux jouent un rôle très impor-tants dans la vie quotidienne des Chinois. Pourtant de très nombreux sites et médias sociaux ne sont pas ac-cessibles en Chine, bloqués par les autorités. C’est le cas de Face-book (0,04 % de Chinois inscrits), Twitter et Youtube par exemple. La Chine a tout simplement dé-veloppé ses propres applications, et si le monde entier utilise Face-book, les Chinois utilisent Renren ou Kaixin.

Et si les sites chinois commencent par copier les succès occidentaux, ils les adaptent très vite pour les faire correspondre aux attentes de la population locale. On peut comparer l’Internet Chinois à un réseau Internet local tant ses spé-cificités sont grandes.

Voici une réprésentation des mé-dias sociaux Chinois :

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Selon Sam Flemming, fondateur de CiC, une société spécialisée dans l’étude des réseaux sociaux Chinois, la Chine possèderait le paysage des réseaux sociaux le plus complexe, le plus fragmen-té mais aussi le plus développé du monde  et avec ses aspects typi-quement Chinois.

La société CiC publie d’ailleurs une infographie très intéres-sante quant aux réseaux sociaux Chinois. (1) On y apprend notamment que plus de 23% des internautes du monde sont Chinois. Mais elle présente aussi le développement des habitudes des internautes Chinois sur ces 15 dernières an-nées. Avec ce graphique présen-tant la répartition des activités des internautes par thème (à noter que BBS correspond aux forums) on peut voir l’émergence de l’uti-lisation des microblogs à partir de 2010. La part des vidéos et des blogs est également importante.

Les internautes semblent accor-der beaucoup d’importance aux divertissements, mais ils utilisent aussi beaucoup Internet pour se renseigner sur divers sujets. Ils jouent aussi énormément en ligne et les réseaux sociaux Chinois l’ont d’ailleurs bien compris puisqu’ils se sont mis à développer des jeux sur leur plateformes.

Le dernier graphique de l’info-graphie du CiC est également très intéressant car révélateur du com-portement des Chinois sur Inter-net. Les internautes Chinois ont tendance à créer beaucoup plus de contenus que les Américains par exemple (44% contre 24%), ils sont également plus critiques et légèrement moins inactifs. L’importance des blogs se véri-fie par ailleurs avec une étude (Digital Influence Index 2010) menée par Fleichman Hillard & Harris Interactive qui montre qu’en Chine 56% des internautes font confiance aux blogs et 63% les jugent utiles (à titre compa-ratif ces chiffres descendent à 10 et 19% en France) ; et il en est de même pour le micro-blogging.

Le réseau Internet Chinois est donc extrêmement développé et n’est pas prêt de s’arrêter là. Il faut malgré tout noter que le taux de pénétration d’Internet n’est pas le même sur l’ensemble du terri-toire : il est largement plus élevé dans les grandes villes que dans d’autres régions telles que celles du Sud-Est par exemple. Néanmoins les utilisateurs sont de plus en plus nombreux et semblent accorder plus de confiance à ce qu’ils lisent sur Internet que ce qu’ils peuvent entendre ailleurs. Il s’agit d’un Internet très différent du notre, adapté aux habitudes et mentalités chinoises. Un Internet « sur mesure » en quelque sorte.

Nous étudierons dans la partie suivante quels sont ces sites, mé-dias sociaux et réseaux sociaux censurés par le PCC et quels sont leurs équivalents dans l’Internet Chinois.

(1) http://www.seeisee.com/sam/2011/05/23/p3171

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Lorsque l’on compare les médias sociaux occidentaux aux médias sociaux Chinois on peut s’aper-cevoir que les sites et réseaux so-ciaux consultés par les internautes Chinois ne sont pas du tout les mêmes. En effet face à un Web de plus en plus édité et façonné par les internautes et d’où émergent d’importantes plateformes popu-laires à l’international (tels que Youtube, Facebook, Twitter…) les contrôles deviennent de plus en plus difficiles. De plus, les internautes s’y expri-ment, surtout quand il faut dé-noncer ce qui ne va pas, de ma-nière à alerter les citoyens. L’accès à ces médias sociaux mon-dialement connus qui était déjà bien limité (surtout lors des pé-riodes sensibles pour la Chine) est dont aujourd’hui complètement bloqué par ce que l’on appelle le «  Great Firewall  » (ou la grande muraille pare-feu de Chine), no-tamment suite aux événements ayant eut lieu au Tibet en 2008. (1) Nous reviendrons en détail sur cette notion de « Great Firewall » dans la troisième partie de ce mé-moire mais voici une caricature pour comprendre mieux l’idée :

Pas de Facebook, Twitter ou de Youtube donc : tout site UGC (User Generated Content) (site dont le contenu n’est pas uni-quement créé par le webmaster mais aussi par les utilisateurs), et qui échappe donc à tout contrôle quant à son contenu, est bloqué. Des solutions existent pour pou-voir tout de même y accéder, il suffit de télécharger un VPN (2) ou un Proxy (3) pour pallier à cette interdiction. Mais les internautes préfèrent se tourner vers les mé-dias sociaux typiquement chinois : seulement 0,04% sont inscrits sur Facebook par exemple. Un chiffre ridicule quand on sait que 500 millions de Chinois utilisent Internet !

Le moteur de recherche Baidu remplace donc notre Google, Taobao sert de site de vente aux enchères à la place d’eBay, Youku et Tudou permettent de partager des vidéos comme sur Youtube (ou presque) et les internautes communiquent comme sur Face-book grâce à Renren ou Kaixin et les célèbres applications de chat Tencent QQ et WeChat.

Mais le leader des réseaux so-ciaux Chinois est Weibo, site de micro-blogging créé en 2009 par Sina Corporation (qui dirige éga-lement le site sina.com, un site de divertissement destinés aux Chinois et sûrement l’un des sites

les plus populaires avec 3 mil-liards de pages consultées chaque jour) qui fit ses preuves dès son lancement. Pour donner une idée on pourrait le comparer à un mé-lange de Facebook et de Twitter mais on parle souvent de lui dans les médias comme «  le Twitter chinois ».Il compte 500 millions d’utilisa-teurs en 2013, la majorité sont jeunes puisqu’on compte 70% de moins de 30 ans. Les internautes l’utilisent pour s’informer sur l’actualité, suivre des débats mais aussi pour publier du contenu plus personnel puisque les utilisa-teurs peuvent créer leurs propre pages web. Ils jouent régulière-ment avec les limites de la liber-té d’expression mais Weibo est néanmoins contraint de suivre les règles de la censure imposée par le régime et les internautes s’exposent à des sanctions qui peuvent être très lourdes lors-qu’ils transgressent ces règles. Re-porter Sans Frontières rapporte d’ailleurs l’exemple d’un jeune chinois qui, pour avoir posté un tweet satirique en référence aux manifestations anti-japonaises de 2005, avait été condamné à un an de travaux forcés dans un camps de rééducation.

Des médias sociaux spécifique-ment Chinois donc, mais pas libres pour autant !

b) Ces sites et réseaux sociaux occidentaux censurés par le gouvernement et leurs équivalents Chinois :

(1) En mars 2008, le jour du 49ème anniversaire du soulèvement tibétain de 1959, des moines bouddhistes on manifestés à Lhassa (capitale de la région tibétaine autonome) de manière pacifique, réclamant la libération de moines emprisonnés depuis octobre 2007. De violentes émeutes éclatèrent dans les jours suivants, causant la mort de plus de 200 personnes et de très nom-breux dégâts matériels. La région fut interdite aux journalistes et touristes pendant quelques mois, et les médias chinois ont uniquement diffusé des vidéos montrant les émeutiers commettant agressions et destructions. À l’heure actuelle de nombreux tibétains sont encore emprisonnés, sans que l’on sache vraiment où.(2) Virtual Private Network, soit Réseau Privé Virtuel, est un système permettant de contourner les restrictions d’un réseau(3) Logiciel informatique jouant le rôle d’intermédiaire entre deux ordinateurs ou hôtes pur faciliter leur connexion, il permet donc de contourner les filtrages d’un réseau, mais uniquement si le filtrage s’effectue sur la base de l’adresse du site

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Mais un phénomène très intéres-sant est né du développement du micro-blogging : ont les appelle les «  candidats Weibo  » car ils sont candidats indépendants aux prochaines élections

des représentants locaux aux Congrès du Peuple (1) et ont fait des microblogs le support princi-pal de leur campagne. Et c’est jus-tement à la domination du PCC qu’ils s’attaquent.

Nous allons justement voir dans la partie suivante comment l’émer-gence des réseaux sociaux et no-tamment les sites de micro-blog-ging participent à l’évolution de la liberté d’expression.

(1) Sous le régime de la Constitution de la République populaire de Chine, le Congrès National du Peuple est le plus haut organe de pouvoir d’État en Chine ; il se réunit chaque année environ deux semaines et approuve les nouvelles grandes lignes politiques, les lois, le budget, et les principaux changements de personnel. - définition de la page wikipédia « Politique en Répu-blique populaire de Chine »

c) Le rôle des réseaux sociaux dans l’évolution de la liberté d’expression :En Chine comme partout dans le monde l’émergence des mé-dias sociaux et principalement des blogs, microblogs et réseaux sociaux favorise l’apparition de nouvelles formes de journalisme, un journalisme citoyen.

En effet, les nouvelles technolo-gies permettent de faire circuler des informations et ce malgré une quelconque limitation ou cen-sure. Grâce aux smartphones, et aux microblogs l’information cir-cule très vite et se reproduit en-core plus vite, si bien qu’il devient très compliqué pour les autorités de supprimer les messages qui les dérangent. Renaud de Spens, journaliste et spécialiste du web chinois, l’exprime ainsi : «  C’est un effet boule de neige très dif-ficile à interrompre. Et cela a un autre avantage : les informations circulent si bien que même des personnes qui ne s’intéressent a priori pas aux sujets sensibles les verront passer, alors qu’ailleurs, il faut faire l’effort d’aller les cher-cher. (…)

Weibo représente donc pour beaucoup d’internautes qui l’uti-lisent pour des raisons plutôt égocentriques un apprentissage, une initiation à d’autres types d’informations. » (1)

La moindre manifestation, pro-testation ou le moindre événe-ment, accident, circule en temps réel et à toute vitesse à travers le pays. Le micro-blogging fait donc petit à petit bouger les mentalités et ou-vrir les yeux sur l’importance de la liberté d’expression. Il devient un moyen d’expression citoyenne, simple et non coûteux. Les in-ternautes deviennent en quelque sorte des apprentis journalistes, pouvant diffuser des information ou exprimer leur opinion très fa-cilement. Par ces échanges d’in-formations, d’interrogations ou de critiques ils peuvent construire de vrais débats, contester le pou-voir en place et se construire un avis avec des preuves à l’appui.

Comme le dit Jean-Philippe Béja, journaliste et sinologue spécia-liste de la dissidence chinoise «  Ce ne sont plus seulement des activistes connus et réprimés par le régime qui critiquent, mais des citoyens et des victimes d’injus-tices qui savent maintenant com-ment informer l’opinion. »De grands changements dans un pays où la diffusion de l’informa-tion est surveillée de toutes parts par l’État… À tel point que les autorités et politiciens Chinois commencent quelque peu à pa-niquer face à l’ampleur du phéno-mène et sur lequel ils perdent tout contrôle. Ils se démènent donc pour développer des moyens de contrôler Internet et ses réseaux sociaux. L’avis du sociologue Gary King qui a une étude sur le sujet est très clair : il y voit « l’effort le plus important jamais mis en oeuvre pour censurer sélective-ment l’expression humaine ». (2)

(1) Article de rue 89 « Weibo, le Twitter chinois, une révolution en marche » publié le 16/08/2011 par Benjamin Gauducheau, en partenariat avec Aujourd’hui la Chine - http://rue89.nouvelobs.com/chinatown/2011/08/16/weibo-le-twitter-chinois-une-revolution-en-marche-217502(2) Article publié sur Lemonde.fr le 11/09/2012 par Sylvie Kauffmann - http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/09/11/wei-bo-versus-shibada-la-dynamique-chinoise_1758527_3232.html

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Mais Internet est également un outil d’information pour le pou-voir puisque celui-ci peut, à l’aide de la censure, orienter la critique sur les sujets de son choix, suppri-mant certains thèmes de la sphère médiatique et en laissant certains autres sujets à débats. Le gouver-nement peut aussi connaître les évolutions de l’opinion publique en temps réel et donc adapter ses actions en fonction de celle-ci. La politique Chinoise se voit ainsi bouleversée par cette forme de «  participation politique  » sou-daine.

Néanmoins, si la population peut désormais s’exprimer plus libre-ment sur Internet, les tentatives de mobilisation collective sont immédiatement censurées, blo-quées par le parti.

Le développement d’Internet a donc eut non seulement un im-pact sur l’opinion publique, la li-berté d’expression, les possibilités de censure qui se sont vues être fortement limitées, mais aussi sur la politique Chinoise.

Nous connaissons à présent les caractéristiques de l’Internet Chinois, quel sont ses différences avec l’Internet occidental que nous connaissons mais aussi le bouleversement dû aux réseaux sociaux, blogs et micro-blogging sur le plan des libertés mais aussi sur le plan politique. Dans la troisième et dernière par-tie nous allons étudier plus en détail les limites et dérives des médias Chinois, comment s’ap-pliquent la censure et la corrup-tion mais aussi la manière dont les médias sont perçus par les Chinois et comment l’art peut se mettre au service de la dénoncia-tion.

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Dans cette troisième et der-nière partie nous allons étudier les limites et dérives des médias Chinois. Nous commencerons par décrire la censure et la cor-ruption et comment elles s’ap-pliquent en Chine. Nous verrons ensuite comment la population Chinoise perçoit cette censure et cette liberté d’expression limi-tée. Enfin nous verrons comment certains artistes pointent du doigt la censure et comment l’art peut permettre de la mettre en évi-dence.

Il nous faut tout d’abord dé-finir cette fameuse notion de «  Great Firewall  of China  » ou « La grande muraille pare-feu de Chine  ». Comme son nom l’in-dique il s’agit d’un système de pare-feux qui bloque ou filtre cer-tains contenus en empêchant cer-taines adresses IP d’être routées. En soit, c’est comme un immense filtre que l’on aurait placé tout autour des frontières Chinoises pour empêcher les internautes d’accéder à des sites étrangers ju-gés trop « sensibles » par le PCC. Il s’agit du principal système de censure, considéré comme le plus évolué et performant du monde.

Mais les autorités ne font pas que filtrer les contenus, ils surveillent également l’accès à Internet de la population. Communiquer avec des groupes étrangers, signer des pétitions en ligne ou appe-ler à des réformes ou à la fin de la corruption sont autant d’actes jugés comme des délits et par conséquent, punis. En 2013 on estimait à 2 millions le nombre de personnes chargées de surveiller l’Internet Chinois.

C’est le ministère de la sécurité qui définit les réglementations quant à l’usage d’Internet. Selon les termes officiels, datant de 1997 : « Aucun groupe ou in-dividu ne peut utiliser l’internet pour créer, répliquer, récupérer ou transmettre les types d’infor-mations suivantes :1) Incitation à s’opposer ou viola-tion de la Constitution ou les lois ou l’exécution des réglementa-tions administratives2) Incitation au renversement du gouvernement ou du système so-cialiste3) Incitation à la division du pays, nuisance à l’unification nationale4) Incitation à la haine ou la dis-crimination envers les ethnies ou nuisance à l’unité des ethnies5) Fabrication de mensonges ou déformation de la vérité, pro-pagation de rumeurs, destruction de l’ordre de la société6) Promotion de superstitions féodales, de matériel sexuelle-ment suggestifs, de paris, de la violence, du meurtre7) Terrorisme ou incitation de tiers à mener des activités crimi-nelles; insultes ouvertes envers d’autres personnes ou distorsion de la vérité pour calomnier une personne8) Attaque de la réputation des organisations d’État9) Toute activité contraire à la Constitution, aux lois ou régle-mentations administratives. »

Les autorités emploient donc tous les moyens à leur disposi-tion pour que de telles utilisations n’aient pas lieu.

Il faut aussi préciser que la cen-sure ne se limite pas à Internet et qu’elle est également appliquée dans les médias «  traditionnels » que sont la presse écrite, la télévi-sion et la radio. Ces deux derniers étant d’ailleurs bien plus contrôlés que la presse.

Nous allons commencer par étu-dier comment s’applique cette censure et surveillance au sein de tous ces différents médias et quels sont les moyens cybernétiques à disposition du gouvernement.

Partie 3 : Limites et dérives des médias Chinois

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Le terme « censure » désigne un examen préalable fait par l’au-torité compétente sur les publi-cations, émissions et spectacles destinés au public et qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffu-sion totale ou partielle. (1)C’est donc, d’une certaine ma-nière, la limitation arbitraire ou doctrinale de l’expression de cha-cun, qui passe donc par un exa-men avant de pouvoir être diffu-sée au public. Celle-ci peut être employée pour suivre une doctrine imposée par un gouvernement.

Selon le professeur en journa-lisme à Pékin, Zhan Jiang, les mots d’ordre officiels imposent aux médias Chinois de «  glori-fier la loi du Parti communiste ». Et même si certains journalistes courageux décident de dénoncer certains scandales dans leurs co-lonnes, ils sont bien vite censu-rés… Il ajoute aussi que : « (…) si certains médias d’État osent émettre des critiques, c’est parce qu’ils savent qu’une faction po-litique au pouvoir va les couvrir. Nous appelons cela une diversité d’expression limitée. » En effet le Parti Communiste contrôle tout et est le seul à pou-voir décider de ce qui sera diffu-sé ou non dans les médias. Tout contenu qui s’apparente, de près ou de loin, au « trouble de l’ordre public » est sanctionné et ne sera jamais publié. De plus les jour-nalistes étrangers sont tenus à l’écart, afin de ne pas perturber la stabilité de l’État.En 2015 la Chine obtient la 176e position (sur 180 pays)

dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Re-porters Sans Frontières. Pour ce qu’il en est de la situa-tion à Hong Kong les journalistes semblent être libres mais un ré-cent sondage révèle que près de la moitié de la population pense que les médias s’autocensurent.Le rapport annuel de 2006 ,effec-tué par Reporters Sans Frontières, rapporte le témoignage d’un di-recteur de publication au sein d’une rédaction Chinoise : le gou-vernement autorise « à divertir et à inciter à consommer ».

Selon ce même rapport les rédac-teurs en chef des médias chinois reçoivent tous les jours, de la part du Département de la Pu-blicité (ancien Département de la Propagande) la liste des sujets interdits. Cela va des manifesta-tions de Tibétains, de chômeurs à celles des paysans. Tout est filtré par les censeurs auxquels rien ne semble échapper. Un exemple très pertinent a eut lieu en décembre 2006 lorsque l’armée tire sur des villageois : la presse Chinoise ne peut publier que les informa-tions rapportées par l’agence de presse Xinhua (l’agence de presse officielle du gouvernement), les journalistes étrangers n’ont pas le droit d’accès à la région et le nom du village est censuré sur Internet. Que ce soit dans le domaine de la télévision, de la radio ou de la presse, la censure fait son oeuvre. Des présentateurs de Guangdong TV ont par exemple été sanction-nés par le Département de la Pu-blicité pour avoir été

«  trop libres  » sur certains su-jets. Aussi les chaînes étrangères ne sont pas accessibles pour la grande majorité des citoyens et elles sont automatiquement cen-surées lorsqu’elles abordent d’un peu trop près la question des Droits de l’Homme, de Taïwan ou du mouvement spirituel Fa-lungong. Quant à la censure sur Internet on peut élargir la liste à tous les sites abordant des thèmes tels que l’indépendance des Tibé-tains ou des Ouïghours (2), les ac-tions du dalaï-lama, mais aussi le site de Reporters Sans Frontières et de manière générale tout site remettant en cause la légitimité du Parti, présentant des critiques contre les dirigeants ou simple-ment des opinions différentes de celles exprimées par le gouverne-ment.Lorsqu’il arrive qu’un site Internet aborde un sujet jugé trop sensible, les autorités peuvent tout simple-ment critiquer le contenu du site, leur attribuer une amende ou en-core licencier les responsables du site, voire même ordonner la fer-meture définitive du site. Les nombreux sites d’information s’autocensurent donc, pour ne pas être condamnés ou pour ne pas disparaitre.

Le PCC contrôle donc les jour-naux, la télévision, la radio et In-ternet, afin de maintenir l’ordre au sein de la population et d’éviter des débordements ou affronte-ments.

a) La censure :

(1) Définition du Larousse (2) Peuple d’origine turque et de confession musulmane, vivant dans la région autonome du Xinjiang

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Mais comment une telle censure peut-elle s’appliquer, quels sont les systèmes et organismes utili-sés par l’État pour mener de front une surveillance d’une telle am-pleur ?Les structures qui le lui per-mettent sont le Département de la Publicité (anciennement Dépar-tement de la Propagande) ainsi que tout un ensemble bureaucra-tique très organisé, mais aussi des moyens cybernétiques très puis-sants tels que le « Great Firewall » et le « Great Cannon ».

Le Bureau de l’Information et de l’Opinion publique du Dépar-tement de la Publicité est l’orga-nisme bureaucratique chargé de développer et contrôler Internet. Anciennement Département de la propagande, il intervient éga-lement dans de très nombreux secteurs de la vie administrative (tourisme, sport, santé…) et pu-blique du pays. Il s’agit de l’insti-tution Chinoise la plus redoutée et la plus méprisée par la société. Son rôle est de récolter des infor-mations sur les actualité les plus récentes pour rédiger chaque jours des rapports qui seront en-voyés au Comité Central du Parti. Le Département de la Publicité récolte également des informa-tions sur l’état de l’opinion pu-blique des internautes. Pour renforcer le contrôle des médias sur Internet il avait par exemple établit un système per-mettant de ficher les blogueurs sous leurs vrais noms. Mais il ne fut jamais mis en place car, lorsque le journal 21st Century Business Herald publia l’informa-tion, de nombreux intellectuels s’y opposèrent, de peur que cela ne tue le blogging et découragent les internautes de les utiliser.

Néanmoins une législation da-tant de 2012 oblige les nouveaux microblogueurs à s’enregistrer sous leurs vrais noms et à donner leur numéro de téléphone. Le site de micro-blogging Sina Weibo a aussi mis en place un système de points pour faire respecter l’ordre sur son réseau : chaque utilisateur démarre avec 80 points et chaque infractions aux conditions d’uti-lisation lui en fait perdre. Si l’in-ternaute atteint les zéro point son compte est bloqué. Mais il peut aussi faire augmenter son nombre de points, en participant à des ac-tions promotionnelles ou encore en n’effectuant aucune effraction pendant 2 mois… De quoi tenir ses utilisateurs en laisse !

Mais le Département de la publi-cité n’est pas le seul organe de ges-tion d’Internet, l’organigramme suivant présente les différents organismes chargés de contrôler Internet :

À ce système s’ajoutent de puis-sants systèmes cybernétiques permettant le contrôle d’Internet : c’est ce que l’on appelle le « Great Firewall ». Un système rodé, lan-cé en 2003 et qui permet de fil-trer (notamment l’accès aux sites étrangers) et de surveiller l’Inter-net Chinois. En plus de bloquer l’accès à certaines adresses IP ou certains noms de domaines il dé-tecte et bloque également certains mots clés. D’autres moyens mis en place en 2012 permettent aus-si à Chia Unicom (l’un des trois fournisseurs d’accès à Internet en Chine) de déconnecter tout utili-sateur qui enverrait ou réception-nerait un contenu chiffré. Enfin les entreprises privées possédant des médias sociaux se doivent également d’assurer une surveil-lance de leur réseau afin que des informations ou messages inter-dits ne puissent être diffusés. Des accords de surveillance entre les entreprises et l’État existent aussi.

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Par exemple les échanges entre utilisateurs sur des applications de messagerie instantanée tels QQ et WeChat sont surveillés par les autorités, effectuant leurs recherches de contenus interdits par mots clés ou expressions. La Chine est le seul pays au monde à posséder plusieurs di-zaines de milliers de cyberpoli-ciers et cybercenseurs, impliqués ces dix dernières années dans l’arrestation de centaines d’inter-nautes et cyberdissidents. Cette cyberpolice est aidée par près de 280 000 honkers, des internautes activistes chargés de défendre sur le Web la ligne officielle du PCC. Ils travaillent comme volontaires ou salariés (1) et sont également chargés d’orienter les débats sur les forums vers « le bon sens idéo-logique  » et même de dénoncer les opposants rencontrés en ligne. Ce phénomène est né en 2004 lorsque le ministère de l’Édu-cation et la Ligue de la jeunesse communiste déclarent qu’il est nécessaire de «renforcer l’éduca-tion idéologique des étudiants» et de «mieux contrôler l’utilisation de l’Internet sur les campus ». (2)

Un témoignage incroyable de la censure sur Internet apparaît dans le rapport « Chine -Voyage au coeur de la censure  » publié par Reporters Sans Frontières : « En août 2006, un site sud-coréen avait lancé une enquête en ligne sur le nationalisme. La question posée était la suivante : « Si vous pouviez renaître, voudriez-vous être à nouveau coréen ? »

La rubrique Culture et la rubrique Débat du site Netease ont repris l’idée et posé la même question aux internautes chinois. L’enquête était ouverte du 4 septembre au 11 octobre. Sur les 10 000 personnes y ayant participé, 64% ont répon-du qu’ils ne souhaitaient pas être chinois. Les raisons principales étaient : « Il n’est pas honorable d’être chinois », « En Chine on ne peut pas s’acheter de maison, le bonheur est trop lointain », « Sans raison », « En Chine on ne peut pas faire des blagues » et « En Chine on ne peut pas voir de beaux dessins animés ». Netease a dû, le 16 septembre, limoger le rédacteur en chef de la rubrique Culture, Tang Yan, et celui de la rubrique Débat, Liu Xianghui. La rubrique a même été fermée. » (3)

Ce même rapport montre que les sites d’information reçoivent régulièrement des instructions de la part des différents Bureaux chargés du contrôle sur Internet. Comme remplacer un article par un autre article officiel ou encore modifier ou supprimer certaines publications.

Mais la censure et la répression ne passent pas seulement par des sanctions telles qu’une interdic-tion de diffusion ou un licencient, les « abus » sont également répri-més par l’arrestation des respon-sables : d’après le bilan annuel de 2013 sur la liberté de la presse dans le monde, publié par Repor-ters Sans Frontières, au moins 178 journalistes sont

emprisonnés dans le monde à ce jour et la Chine fait partie des 5 principaux pays geôliers…

La Chine se lance aussi dans des cyberattaques pour faire taire les critiques mondiales. Sa cy-ber-arme se nomme le «  Great Cannon  » et elle serait utilisée par le gouvernement pour ac-croître ses capacités de cyberat-taques et de censure. En avril 2015 par exemple l’hébergeur GitHub a subi une attaque DDoS sur ses serveurs. Ce type d’attaque consiste à noyer le serveur dans un amas de données qui lui sont envoyées pour qu’il soit saturé.La cible de ces attaques étaient deux projets hébergés par GitHub : le premier est le site GreatFire.org qui permet aux internautes Chinois de contourner les limi-tations imposées par le Great-Firewall et qui donne également de nombreuses informations sur la situation de la censure (statis-tiques sur les sites et mots clés bloqués par exemple) ; le deu-xième est CN.NYTimes.com, qui permet aux internautes de consulter le site du New York Times (censuré en Chine) et donc les actualités mondiales. Ce site est ce que l’on appelle un site mi-roir, c’est à dire une copie exacte d’un site préexistant mais qui est hébergé par un serveur différent du site copié, ce qui permet de contourner la censure visant le serveur du site initial.

(1) Ils sont de manière générale recrutés parmi les membres de la Ligue de la jeunesse communiste chinoise, organisation politique ayant pour but d’éduquer des jeunes de 14 à 28 ans dans la discipline et l’idéologie communiste ; elle possède d’ailleurs son propre journal officiel : le Quotidien de la jeunesse de Chine. (2) d’après l’article « Chine : les bons petits soldats d’Internet » publié sur lemonde.fr en août 2008(3) « Chine -Voyage au coeur de la censure », rapport d’enquête daté d’octobre 2007, rédigé par le responsable chinois d’une en-treprise d’Internet et publié sous le pseudonyme de M.Tao, avec le soutien de Reporters Sans Frontières et de Chinese Human Rights Defenders, une organisation d’activistes luttant pour l’application des Droits de l’Homme en Chine et dont le siège est basé à Washington - http://www.rsf.org/IMG/pdf/Voyage_au_coeur_de_la_censure_FR.pdf

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Cet outil qu’est le Great Cannon permet de détourner le trafic In-ternet au niveau national et de diriger ensuite ce trafic vers les réseaux cibles. Celui-ci est alors submergé et donc déconnecté…

La censure telle qu’elle est appli-quée en Chine est une atteinte à la liberté d’expression et à la li-berté d’information : les journa-listes (ainsi que la population) ne peuvent pas s’exprimer librement sur tous les sujets et le public n’a pas accès à toutes les informa-tions dont il devrait pouvoir dis-poser (pour se former une opi-nion, pour avoir un avis critique sur les choses et pouvoir débattre de ses idées). De plus, le gouver-nement ne respecte pas les Droits de l’Homme (menaces, licencie-ments abusifs, emprisonnements injustifiés, torture…) et va jusqu’à s’immiscer dans les conversations privées des utilisateurs de réseaux sociaux pour traquer le moindre débordement.

Mais même si la population est très patriotique et la censure est ancrée dans les moeurs, les choses changent et les Chinois se soulèvent peu à peu face à l’op-pression du Parti et les dépenses colossales que celui-ci engage dans le contrôle des différents médias. Certains blogueurs ont par exemple déposé des plaintes contre des hébergeurs lorsque leur contenu a été bloqué. Et comme nous avons pu le voir dans la deuxième partie de ce mémoire, les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans cet éveil de l’opinion publique.

b) La corruption :

Normalement les médias se doivent de recueillir puis trans-mettre des informations véri-diques, réelles et exactes. Ils se doivent d’être objectifs, impar-tiaux et justes. Mais ce n’est pas toujours le cas et ils défendent parfois des intérêts liés à des marchandages financiers. C’est pourquoi nous nous intéressons à présent à la corruption dans les médias Chinois.

Le terme « corruption » vient du verbe « corrompre » qui vient du latin «  corrumpere  » signifiant briser, détériorer physiquement ou moralement. La corruption c’est donc une utilisation abusive d’un pouvoir ou d’une position à des fins personnelles.

Elle permet d’obtenir quelque chose de la part de quelqu’un du fait de sa fonction, en échange d’argent, d’une promesse, du si-lence ou d’avantages les plus di-vers. Plus grossièrement, c’est le fait d’acheter la parole ou les actes de quelqu’un pour un propre in-térêt personnel. On peut distinguer deux formes de corruption : la corruption active de l’auteur qui offre de l’argent ou quelconque avantage et la corruption passive de celui qui la reçoit et accepte la proposi-tion. Elle est illégale en France et la sanction peut aller jusqu’a 150 000 euros d’amande ou jusqu’à 10 d’emprisonnement si les per-sonnes corrompues exercent une fonction publique.

Les publications des médias sont en effet essentielles dans le sens où elles ont la capacité d’influen-cer l’opinion publique. À partir du moment où les médias sont cor-rompus, les informations qu’ils diffusent défendent des intérêts et ne sont donc plus crédibles,neutres et impartiales. Et lorsque les dires des médias font l’objet de transactions cela porte préjudice et nuit à la société : « si les médias ne fournissent pas au public des informations exactes, véridiques et objectives, la société est comme égarée dans les ténèbres ou dans le brouillard » (1)

(1) extrait de l’article « La corruption dans les médias chinois toujours dans l’ombre » de Liu Xiaobo, publié dans Kaifang Zahi (un journal mensuel de Hong Kong - http://perspectiveschinoises.revues.org/1412) en janvier 2004

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En Chine la corruption est née du monopole du Parti Communiste. La corruption politique est un vrai fléau mais elle ne se limite pas à la sphère politique puisqu’on la re-trouve aussi dans le journalisme. La corruption des médias passe par des échanges financiers qui n’ont pas lieu d’être mais aussi par l’augmentation de la publicité rédactionnelle ainsi que la diffu-sion de nouvelles complètement fausses, ou encore la manière dont les médias cachent la cor-ruption qui a lieu au sein de leurs rédactions. Et mises à part les in-formations abordant des thèmes politiques sensibles, toutes les publications sont susceptibles de corruption.

Le thème de la corruption des mé-dias a été abordé à partir de 2002, avec notamment les affaires des pots-de-vin perçus par les jour-nalistes de l’agence Xinhua : ceux-ci avaient dissimulé des informa-tions et minimisé un accident qui avait eu lieu dans une mine d’or de la région de Shanxi en échange de près de 75 000 yuans (versés par les propriétaires de la mine), suite à la demande des autorités.

Les journalistes ne sont pas censés recevoir de l’argent autre que leur salaire versé par leur employeur. Pourtant en Chine le publirédac-tionnel est un phénomène large-ment répandu et qui touche tous les médias, que ce soit la presse écrite, la radio, la télévision ou Internet. Il s’agit de faire passer de la publicité dans des articles ou reportages à l’apparence tout à fait banale, mais qui en réalité font la promotion d’un produit, d’une marque ou d’une personne et dont les commanditaires ont payé la publication.

Ce phénomène de publicité dé-guisée serait née du passage à l’économie de marché et à toutes les réformes qui y sont liées. Les entreprises ou politiciens ont besoin d’être médiatisés et le pu-blirédactionnel est le meilleur moyen de faire parler de soit de façon subtile. Il s’agit d’une forme de corruption à part entière puisque des intérêts financiers sont défendus et masqués par une apparence d’information parfai-tement normale.

Un autre phénomène marquant quant à la corruption des médias Chinois est ce que l’on appelle les «  frais de déplacement  ». En ef-fet, jusque dans les années 1990 les journalistes ne touchait rien de plus que leurs salaires et leurs primes potentielles. Le rembour-sement des frais de reportages (dépenses liées au déplacement, à l’hébergement si besoin et aux repas) n’existait quasiment pas ; ces dépenses restaient par consé-quent à leur charge. Petit à petit les journalistes en déplacement se sont donc mis à demander un remboursement aux interlocu-teurs qu’ils interviewaient (entre-prises, célébrités, etc…), ce qu’ils ont fait, attirés par le fait d’avoir plus de chances d’être bien mé-diatisés. Les reportages réalisés en échange de frais de déplacement sont ainsi apparus et les journa-listes se sont mis à toucher des remboursements en échange des articles parus. Ce phénomène s’est très large-ment démocratisé à tel point que le remboursement de ces «  frais de déplacement  » est devenu la norme et que si l’on veut qu’un journaliste se déplace, il faut le payer. Et plutôt bien, sinon l’ar-ticle ne sera jamais diffusé !

Le tarif varie en fonction de la re-nommée du journaliste, de sa po-sition au sein de la hiérarchie de sa rédaction mais aussi en fonc-tion de l’importance de l’entre-prise qui va les recevoir. De plus les journalistes se dé-placent généralement à plusieurs : lorsqu’ils sont invités à une confé-rence de presse bien rémunérée ils proposent à leurs collègues d’autres rédactions d’y venir, par-tageant ainsi leurs avantages avec l’ensemble de leur groupe. Enfin il est aujourd’hui très cou-rant que les entreprises chargent les organisateurs de conférences de presse de distribuer aux jour-nalistes des articles déjà écrits afin que ceux-ci n’ait plus qu’à choisir celui qui leur semblera le plus pertinent… Mais les entreprises ne sont pas les seules à vouloir s’attirer les fa-veurs des journalistes : les admi-nistrations et les fonctionnaires locaux se servent également de la publicité rédactionnelle afin de promouvoir leurs réalisations po-litiques. Tous ces phénomènes ont fait des journalistes Chinois un des castes les plus privilégiées. Quelques soient les domaines on espère leur approbation et on redoute leurs critiques. Les journalistes sont traités comme de prestigieux invités : «  quand ils partent en reportage, ils n’ont pas besoin de se donner la peine d’écrire des ar-ticles, ils logent dans des hôtels de luxe, toute la journée ils sont les invités des fonctionnaires au res-taurant et ailleurs, et à leur départ on leur offre encore de l’argent ou autres « dédommagements » (1)

(1) extrait de l’article « La corruption dans les médias chinois toujours dans l’ombre » de Liu Xiaobo, publié dans Kaifang Zahi (un journal mensuel de Hong Kong - http://perspectiveschinoises.revues.org/1412) en janvier 2004

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Alliés des hauts fonctionnaires ils sont complètement corrompus, ne faisant plus preuve d’une quel-conque éthique journalistique et couvrant les débordements des politiciens. Employés par le Par-ti ils ne sont que porte-paroles de la voix officielle et n’hésitent pas à falsifier des informations pour conserver leur travail et la posi-tion sociale qui va avec.

Les journalistes Chinois sont ex-trêmement riches et leur niveau de vie ne s’explique pas seulement par ces «  frais de déplacement  » mais aussi par leurs activités au près des plus riches (fonction-naires et entrepreneurs).

Nous allons voir dans la partie suivante quel est le point de vue de la population quant à la cen-sure et la corruption des médias. Nous étudierons aussi comment il jugent la liberté d’expression en Chine.

c) Les médias et la liberté d’expression vus par les chinois :

(1) extrait de l’article « La corruption dans les médias chinois toujours dans l’ombre » de Liu Xiaobo, publié dans Kaifang Zahi (un journal mensuel de Hong Kong - http://perspectiveschinoises.revues.org/1412) en janvier 2004

Par la corruption les médias perdent la confiance de la popu-lation qui se méfie des dires des journalistes : « La formule popu-laire « protégez vous de l’incendie, protégez vous du vol, protégez vous des journalistes » témoigne avec beaucoup d’à-propos de la gravité de la corruption des mé-dias ». (1) La construction d’une opinion politique a été délaissée, écrasée par le désir d’argent et de pou-voir. Les médias se sont alliés au Parti pour manipuler les foules et duper le public en échange d’une position sociale élevée. Mais la sphère médiatique a été extrêmement bouleversée avec la démocratisation d’Internet et l’ar-rivée des réseaux sociaux. L’opi-nion publique change et se sou-lève petit à petit contre l’emprise et le contrôle sans limite du parti unique.

Les nouvelles technologies et In-ternet ont permis à la population de prendre conscience de la cor-ruption et de la censure qui leur sont imposées et face à celle-ci, de très nombreux moyens de la contourner ont vu le jour.

L’utilisation des VPN et proxy est assez limitée et finalement assez peu populaire en Chine. En re-vanche de nombreuses applica-tions permettant de passer outre le GreatFirewall Chinois appa-raissent… Comme on a pu le voir dans la partie de ce mémoire consacrée à la censure, les Chinois reçoivent de l’aide venue de l’étranger pour parer à la censure, c’est le cas de l’hébergeur GitHub avec ses sites GreatFire.org et CN.NYTimes.com par exemple. Les membres actifs de GreatFire développent d’ailleurs des applications créées pour contourner la censure du PCC. Parmi elles on trouve Free Browser qui donne accès aux sites bloqués (ainsi qu’à Google, Twit-ter, Facebook et Youtube), Paopao qui livre des conseils et astuces pour contourner la censure ou apprendre comment fonctionne la sécurité des réseaux, et Free Weibo qui permet de faire des re-cherches sur Sina Weibo de ma-nière anonyme et sans filtres.

Si la population Chinoise com-mence peu à peu à se soulever, quel est son avis sur la liberté d’expression en Chine ? Peu après les attentats à Charlie Hebdo qui ont eut lieu le 7 janvier 2015, Le Petit Journal était à Pé-kin. Ils en ont profité pour inter-viewer des passants, leur posant la question suivante : « ici, en Chine, c’est comment la liberté d’expres-sion selon vous ? ».

(Les images de leurs réponses se trouvent à la page suivante).

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La population considère que le Parti ne fait que « encadrer » les dires et les publications, que l’on ne peut pas parler de tout libre-ment. Il savent comment s’exerce la censure, quels sont les limites imposées aux médias. Dans une autre émission datant de 2014 l’équipe du Petit Journal se poste sur la place Tian’anmen à Pékin. (1) Ils ont tout d’abord une première pancarte à la main sur laquelle est inscrit «  Coucou la Chine ! ». La population interagit avec eux, rigole, prend des pho-tos, mais très vite des représen-tants des force de l’ordre arrivent et tentent de les faire partir.

Ils reviennent avec une deuxième pancarte (prise en photo sur un portable pour éviter tout pro-blème avec les autorités) sur la-quelle il est cette fois écrit «  que s’est il passé ici le 4 juin 1989 ? » les réactions sont cette fois tout autres : « Non, non, je ne sais pas ! Désolée ! », « Je n’en sais rien ! » ou encore «  Je n’ose pas parler ».

À travers leurs réactions on peut voir la preuve que la liberté d’ex-pression est extrêmement limitée en Chine. Ne serait-ce qu’abor-der le sujet des manifestations de la place Tian’anmen parait im-possible pour la population. Se sentent-ils surveillés autant que le sont les médias ? Ont-ils peur des représailles au point de ne pas vouloir parler d’un sujet sensible ?

Quand on connait les sanctions que le gouvernement réserve aux médias qui prennent un peu trop de liberté on comprend bien pourquoi…

La censure ne se limite donc pas au domaine des médias et si cer-tains journaux s’autocensurent, c’est aussi le cas de la population qui refuse de s’exprimer sur cer-tains sujets. Les sujets tabous du PCC le sont aussi pour les Chinois et l’emprise de ce parti unique est telle que la liberté d’expression est très limitée dans le pays.

Nous allons voir maintenant le point de vue de certains artistes, leur manière de dénoncer la cen-sure et comment les revendica-tions de liberté d’expression se traduisent dans l’art.

(1) La place Tian’anmen a connue de très violentes manifestations entre le 15 avril et le 4 juin 1989, menées par des intellec-tuels, étudiants et ouvriers Chinois elles avaient pour but de dénoncer la corruption et de demander des réformes au sein du Parti. Elles se sont terminées par une intervention armée, un véritable massacre (on estime à entre quelques centaines et quelques milliers le nombre de victimes civiles) suivi de nombreuses arrestations. La couverture de l’évènement par les médias Chinois fut surveillée de très près par les autorités et les journalistes étrangers furent expulsés.

a) L’art au service de la dénonciation :

L’art engagé est une forme d’art qui vise à défendre une cause, qui permet de mettre en évidence un problème de société. On peut trouver ses premières traces dans l’Antiquité, avec des pièces de théâtre grecques qui avaient pour but de faire passer un message aux spectateurs. L’engagement de l’artiste peut s’exprimer par de très diverses formes artistiques : littérature, photographie, théâtre, cinéma, peinture, sculpture, ar-chitecture, art urbain… Parmi les très célèbres artistes engagés on peu citer Otto Dix dont les gravures et peintures dé-noncent les horreurs de la guerre, Picasso avec sa très célèbre toile

«  Guernica  »,Victor Hugo qui prend position contre la peine de mort avec son roman «  Le Der-nier Jour d’un condamné  » mais aussi dénonçant le travail des en-fants avec le poème « Melancho-lia », ou encore George Orwell qui critique le régime russe dans « La ferme des Animaux »…

De très nombreux artistes ont donc défendu des causes et fait passer des messages à travers leurs oeuvres de manière à faire réfléchir leur public. Et c’est le cas de l’artiste français Combo par exemple. Réputé pour son street-art engagé il s’expose dans les rues de Hong Kong pour

dénoncer l’ampleur de la censure en Chine. Plus précisément, il prend pour cible la censure appli-quée à Google. La version hong-kongaise de celui-ci est en effet très limitée.

Nous allons étudier certaines de ses oeuvres et voir pourquoi on peut les qualifier d’oeuvres enga-gées et comment elles servent à la dénonciation.

Un de ses affichage majeur est celui d’une capture d’écran repré-sentant un résultat de recherche introuvable sur le moteur de recherche. Par cet affichage il montre comment certaines

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recherches ne peuvent être abou-ties depuis le Google hongkon-gais, la censure chinoise bloquant certains mots-clés. Ici, le titre «  Tibet Independance Move-ment  » nous indique que la re-cherche censurée portait sur les mouvements indépendantistes tibétains, qui est un sujet quelque peu tabou pour le PCC, comme nous avons pu le voir précédem-ment.

Le cas de Google est très inté-ressant car celui-ci avait décidé de fermer son accès à la Chine en 2010, délocalisant son trafic à Hong Kong. Cela faisait suite à des attaques d’hackeurs Chinois sur ses serveurs mais aussi suite à des négociations avec le gouver-nement qui visaient à établir un service de recherches non censu-rés et qui n’avaient pas abouties… « Le gouvernement chinois a été très clair, tout au long de nos dis-cussions, sur le fait que l’autocen-sure était un préambule légal non négociable  », expliquait alors Google. (1) Cette décision n’a pas finalement changé grand chose pour les in-ternautes : les sites «  sensibles  » recensés par Google sont tou-jours désactivés par les autorités Chinoises et demeurent donc tou-jours inaccessibles à la population Chinoise. Et c’est précisément ce que dénonce Combo avec cette affiche.

Une autre, baptisée «  Dragon Burn Google » joue avec le visuel du célèbre moteur de recherche et celui du dragon Mushu du des-sin-animé Mulan de Walt Disney : ce dernier a brûlé l’intégrali-té du logo Google que l’on peut voir se consumer et se réduire en cendres. Un rappel de la manière

dont le site a fermé, une méta-phore sur la façon dont le gou-vernement a pu se débarrasser du géant du net et de ces demandes d’abolition de la censure.

Combo s’inspire souvent de l’ac-tualité, de la culture populaire, des bande dessinées, cartoons ou jeux vidéos pour réaliser ses af-fiches ou peintures. Et on peut le voir à nouveau avec cette affiche qui superpose le logo Google à un visuel tiré d’un jeu vidéo. On peut imaginer qu’elle renvoie à la «  lutte  » qui a opposé le Parti Communiste à l’entreprise améri-caine.

Il explique ce qui l’a motivé à ré-aliser ces oeuvres ainsi : « Quand l’information ne circule plus, même sur le dernier media libre qu’est internet, il ne reste plus qu’une unique manière de faire passer un message. C’est la rue. » (2)

L’artiste Combo s’attaque donc à la question de la censure en Chine avec le street-art, une ma-nière d’éveiller les consciences sur la question. Le fait d’utiliser l’art urbain n’est pas non plus anodin, non seulement car c’est un art vi-sible par un très large et très divers public mais aussi parce qu’il s’ins-crit dans un cadre illicite étant donnée que, de manière générale, dessiné sur un mur publique est interdit.

Nous avons pu voir que les mé-dias Chinois et l’ensemble de la population est soumis à la cen-sure, coordonnée par l’État et de multiples organismes qui lui sont liés et qui ne laissent rien passer. Cette censure est aussi rendue possible par de puissants moyens cybernétiques et une cyberpolice très organisée. À cela s’ajoute la corruption qui, au delà du gouvernement poli-tique, s’étend à toute la sphère médiatique. Corruption qui pro-voque la baisse de crédibilité de la voix médiatique et une popula-tion qui ne croit plus en ce que les journalistes peuvent dire. Enfin nous avons vu comment la censure, la corruption et la liber-té d’expression sont vues par les Chinois et la manière dont il se soumettent à une impitoyable loi du silence. Pour finir nous avons étudié le travail de ces artistes engagés et notamment Combo, un français dénonçant la censure dans les rues de Hong Kong. Des travaux important car ils font réfléchir la population sur la situation des médias en Chine et les aide à ou-vrir les yeux.

(1)extrait de l’article « Google quitte la Chine » publié sur parismatch.com le 23 mars 2010 et écrit par Clément Mathieu - http://www.parismatch.com/Vivre/High-Tech/Google-quitte-la-Chine-151133(2) article « “Golden Shield”, la censure chinoise en street-art » publié par RadioVL - http://www.radiovl.fr/golden-shield-la-censure-chinoise-en-street-art/

Dans ce mémoire nous nous sommes intéressés aux médias Chinois, à leurs caractéristiques et leur impact au sein de la socié-té. C’est un sujet très important dans le sens où les médias jouent un rôle essentiel, d’un point de vue de la formation de l’opinion pu-blique notamment. Le cas de la Chine est très particulier dans le sens où elle est dirigée par un par-ti unique : le Parti Communiste Chinois, et que celui-ci contrôle absolument tout. Il a donc une influence énorme sur la sphère médiatique puisqu’il décide de ce qui pourra ou non être publié.

Nous avons commencé par présenter les médias dits «  tra-ditionnels  » à savoir la presse écrite, la télévision et la radio. Ces trois médias sont très lar-gement répandus en Chine, qui est d’ailleurs le premier marché au monde pour les quotidiens avec près de 97 millions d’exem-plaires vendus par jour en 2006. Les journaux tiennent leurs in-formations de leurs journalistes mais aussi de deux agences de presse : China News Service et Xinhua (ou «  Agence Chine Nouvelle »). Cette dernière est la voix officielle du gouvernement Chinois et lorsque des actualités sensibles sont à diffusés les au-torités imposent aux journalistes de s’en tenir à ses dépêches. En plus des quotidiens nationaux et régionaux et des journaux hebdo-madaires on compte plus de 8000 magazines. Les journaux et maga-zines sont très diversifiés afin de convenir à un très large lectorat. Ces dernières années de grands groupes de presse ont également vu le jour et dont les publications testent régulièrement les limites

de la censure. Les médias osent de plus en plus défier les limitations qui leur sont imposée et cela est encore plus vrai avec les médias numériques. La télévision est l’un des princi-paux loisirs Chinois, on compte environ un millier de chaînes auxquels s’ajoute près de 2000 autres chaînes câblées. 80% de la population y est abonnée et elle est considérée par le Parti comme le média le plus straté-gique. La Télévision Centrale de Chine (CCTV) est le réseau prin-cipal de télévision publique de la Chine, c’est le groupe audiovisuel d’État. Aussi, les chaines interna-tionales telles que la BBC ou TV5 Monde peuvent être captées mais ne sont pas disponibles partout (principalement dans les hôtels et grandes entreprises privées, et quand un reportage aborde un sujet sensible, la communication est immédiatement coupée. La radio est restée très populaire en Chine malgré l’émergence de la télévision et d’Internet. Chaque province, région auto-nome et municipalité possèdent sa propre station de radio. Radio Chine Internationale est la sta-tion nationale elle est l’une des 2 chaines d’Etat de radio. On peut également observer l’existence de quelques radios pirates telles que Citizens’ Radio de Hong Kong. Nous avons donc pu voir que ces médias «  traditionnels  » restent très populaires malgré l’arrivée d’Internet et de ses médias so-ciaux…

La deuxième partie était jus-tement consacrée à l’Internet Chinois. Nous avons commen-cé par étudier ses caractéris-tiques et spécificités ainsi que la manière dont les internautes se

comportent. La Chine est le pays le plus connecté à Internet avec près d’un demi-milliard d’internautes et ce chiffre n’a cessé de croitre ces dernières années. La population Chinoise est hyper connectée, communique énormément grâce aux médias sociaux et consulte beaucoup les sites d’information pour se renseigner sur l’actualité. Nous avons aussi pu constater que l’Internet Chinois est extrême-ment différent de celui que nous connaissons. Les géants du net que nous connaissons, tels que Google, Facebook, Twitter, You-tube, sont censurés par le Parti. À la place les internautes ont Baidu, pour moteur de recherche, Tao-bao pour faire des achats, Youku et Tudou pour regarder et par-tager des vidéos, ou encore QQ, Renren et Kaixin pour remplacer Facebook et les services de mes-sageries instantanées que nous connaissons. Aussi le micro-blogging est un réseau social extrêmement répan-du, notamment grâce au site Sina Weibo, un mélange du Twitter et du Facebook que nous connais-sons. Avec ces 140 millions de membres il joue un rôle très im-portant dans l’évolution des men-talités Chinoises. En effet, comme nous avons pu le voir dans la deuxième partie les médias sociaux et réseaux so-ciaux ont eut un impact consi-dérable quant à l’évolution de la liberté d’expression. Non pas que le PCC ait soudainement re-lâché son contrôle, mais parce qu’il a soudainement vu trembler son emprise : avec les nouvelles technologies, les téléphones por-tables, les ordinateurs et Inter-net la moindre manifestation ou protestation circule en temps

Conclusion :

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réel à travers dans le pays. Tout circule très vite et se reproduit encore plus vite, si bien que le Parti a parfois du mal à garder le contrôle sur tout cela. De plus des solutions pour contourner la cen-sure se multiplient, comme nous avons pu le voir dans la troisième partie.

La dernière partie exposait les limites et dérives des médias Chinois. Nous avons commencé par présenter la notion de « Great Firewall », cet immense filtre em-pêchant les internautes Chinois de consulter des sites étrangers ou jugés trop sensibles par le gou-vernement. Nous avons décrit dans une pre-mière partie comment agit la censure, quel sont les moyens mis à la dispositions des autori-tés responsables du contrôle des informations et comment le PCC sanctionne ceux qui tentent de se rebeller contre elle. En effet lorsque les médias ne pratiquent pas l’autocensure c’est le Parti qui le fait à leur place : cela passe de la suppression ou le remplacement d’un article gênant, au licencie-ment des responsables et va par-fois même jusqu’à l’arrestation des journalistes. Pourtant, comme nous l’avons vu dans la deuxième partie, les journalistes sont considérés comme l’une des castes les plus privilégiées. Partout où ils vont les journalistes sont considérés comme des invités de marque, tant ce qu’il diront est important. Cet avantage est très intimement lié à la corruption qui, au delà de la vie politique Chinoise s’étend à toute la sphère médiatique. Nous avons aussi vu que la cor-ruption s’explique par deux phé-nomènes majeurs : la publicité rédactionnelle (soit la publicité déguisée, masquée par un article aux apparences informatives) et

les « frais de déplacement ». On «  achète  » les journalistes pour qu’il viennent faire des re-portages ou assister à des confé-rences de presse et les hauts fonc-tionnaires n’hésitent pas à faire d’eux des alliés pour recevoir leur faveurs. De ce fait la population croit de moins en moins en eux et ils perdent toute crédibilité.

Et c’est ce que nous avons vu dans la troisième partie, dédiée au point de vue des chinois quant aux médias et à la liberté d’ex-pression. L’arrivée des nouvelles technologies et d’Internet a per-mis à la population de prendre conscience de la censure et de la corruption qui leur est imposée et face à celle-ci, de très nombreux moyens de la contourner ont vu le jour : outre les VPN, proxy et autres, des applications dévelop-pées notamment par GitHub se répandent. Mais même si la po-pulation commence peu à peu à se soulever face à l’oppression du Parti Communiste, consciente qu’ils ne peuvent pas tout dire et sont très encadrés, ils reste en-core très délicat voir impossible d’aborder avec eux des sujets ta-bous tels que les évènements de la place Tian’anmen ou l’indépen-dance du Tibet par exemple… Enfin nous avons étudié com-ment certains artistes se servent de leurs oeuvres pour pointer du doigt un problème de société. C’est le cas du street-artist Combo qui dénonce la censure grâce à ses affichages dans les rues d’Hong Kong. Il est important que de tels artistes s’engagent pour que les consciences s’éveillent à la ques-tion, et le street art est une bien belle manière de le faire étant donné sa visibilité par un public très large.

Nous avons ainsi pu avoir un aperçu de l’ensemble des caracté-ristiques de la sphère médiatique chinoise, de ses limites et dérives mais aussi de sa diversité. Une des choses les plus marquante est certainement la manière dont la Chine est surveillée, et notam-ment le contrôle qui est effectué sur Internet par la recherche de mots clés.

Cela sonne doucement comme les débats qui ont eu lieu en France ces dernières semaines autour de la nouvelle loi sur le Renseignement, récemment va-lidée par l’Assemblée Nationale. Allons nous aussi vers un Internet ou chacune de nos déclarations, quelles soient publiées sur un blog public ou faites dans le cadre de conversations privées, puissent être lues par les autorités…?

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Bibliographie :

Les médias traditionnels : - présentation des médias Chinois : http://www.otchine.com/Culture_Chinoise_1_Les_medias.html- sur les structures qui s’occupent du contrôle des médias : « Two powerful Chinese media regulators merge » (http://www.fangdalaw.com/images/v11i6.pdf)- sur la radio Voice of the Tibet : http://fr.rsf.org/chine-la-voix-des-sans-voix-pour-le-14-01-2010,36082- sur l’agence de presse Xinhua : article de Gaël Vaillant : « Xinhua, une certaine vision du journalisme » pu-blié dans L’Express, 25 avril 2008

Internet :- évolution d’Internet comparée à celle de la radio : http://www.memoireonline.com/10/07/647/m_sites-in-ternet-radios-mutation-media-complementarite1.html- Google quitte la Chine : http://www.parismatch.com/Vivre/High-Tech/Google-quitte-la-Chine-151133

Les réseaux sociaux : - sur les médias sociaux chinois : http://www.pariswineclub.com/les-medias-sociaux-en-chine/- sur les réseaux sociaux chinois (infographies etc) : http://www.ciccorporate.com/ et http://www.seeisee.com/sam/2011/05/23/p3171 + http://www.ciccorporate.com/index.php?option=com_content&view=ar-ticle&id=667:social-business-whitepaper&catid=52:archives-2011&Itemid=158&lang=en- sur le système de points mis en place par Sina Weibo : http://www.chinecroissance.com/web-chine/des-points-bonne-conduite-sur-sina-weibo-twitter-chinois.html

La censure : - sur sur la censure d’Internet et les cyberattaques : http://www.undernews.fr/libertes-neutralite/chine-great-canon-une-arme-massive-de-censure-dinternet.html- rapport sur la censure en Chine de Reporters Sans Frontières : http://www.rsf.org/IMG/pdf/Voyage_au_coeur_de_la_censure_FR.pdf- le bilan annuel de 2013 sur la liberté de la presse dans le monde par Reporters Sans Frontières : http://www.rsf-ch.ch/node/6247- sur les honkers : http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2008/08/06/chine-les-bons-petits-soldats-d-internet_1080724_3216.html- le site GreatFire : https://en.greatfire.org/- sur le Great Cannon : http://www.wired.co.uk/news/archive/2015-04/10/china-great-cannon-github-hack)

La corruption : - Rapport annuel de Reporters Sans Frontières 2006 (http://www.rsf.org/IMG/pdf/rapport2006-FR.pdf)- La corruption dans les médias chinois toujours dans l’ombre de Liu Xiaobo Article paru dans le mensuel Kaifang zazhi (Open), Hong Kong, janvier 2004, pp. 45-48. (http://perspectiveschinoises.revues.org/1412)

Le point de vue des Chinois : - un début de révolte de la part de la population : Article de L’Express.fr publié le 21/02/2011 (http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/les-chinois-aspirent-aussi-a-la-revolte_964572.html)- applications pour contourner la censure : (https://fr.rsf.org/china-des-applications-dont-vous-n-avez-02-05-2015,47847.html)

L’art engagé, le street art et Combo : - article sur le travail artistique de Combo dans les rues d’Hong Kong : http://www.radiovl.fr/golden-shield-la-censure-chinoise-en-street-art/

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Ce mémoire, réalisé dans le cadre de l’option Civilisation Chinoise, a pour sujet Les Médias Chinois.

Les médias « traditionnels » de Chine y seront donc dé-cryptés, ainsi que l’Internet et les réseaux sociaux Chinois, la censure et de la corruption. Nous verrons quelles sont les caractéristiques de chaque média mais aussi quelles sont ses limites et comment le Parti Communiste veille au contrôle de tout ce qui se diffuse. Le point de vue de la population quant à la censure et la liberté d’expression

sera également exposé. Enfin nous terminerons avec une démonstration d’art en-

gagé dans les rues de Hong Kong.