Mémoire : l'extrême-droite française face à la question israélienne
-
Upload
michael-bloch -
Category
Documents
-
view
393 -
download
1
description
Transcript of Mémoire : l'extrême-droite française face à la question israélienne
UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III
INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES
MEMOIRE
pour l’obtention du Diplôme
L’extrême-droite française face à la question israélienne
(1967-2011)
Par Michaël Bloch
Mémoire réalisé sous la direction de
François Dumasy
2010-2011
L’IEP n’entend donner aucune approbation ou improbation aux
opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur.
Remerciements
A mon directeur de mémoire François Dumasy qui m’a guidé de ses conseils toujours
pertinents tout au long de la réalisation de ce travail.
A Jeff Bellaiche, Sophian Aubin, Daniel Bar-David, Sylvie, Francis, Golda et Jessica
Bloch qui ont pris le temps de relire ce mémoire pour m’aider à l’améliorer de leur regard
extérieur.
A Thomas, Eliel, Mathias, Mélanie, Laurine et Tom qui m’ont soutenu pendant toute
l’écriture de ce mémoire.
Mots clés
o Antisémitisme
o Antisionisme
o Extrême-droite
o France
o Israël
o Négationnisme
o Proche-Orient
o Sionisme
Résumé
Objets de débats, la question israélienne a été, depuis la naissance du sionisme, un facteur
de divisions à l’extrême-droite. La réalisation du rêve de Théodore Herzl avec la création
d’Israël en 1948 ainsi que les différentes guerres israélo-arabes ne feront qu’accentuer les
controverses sur cet Etat dans ce courant politique. La guerre des Six Jours marqua
d’ailleurs l’apogée du soutien de l’extrême-droite à Israël. L’Etat hébreu est alors vu
comme un moyen de défense contre l’hégémonie bolchevique au Proche-Orient. Israël
est aussi perçu, par certains, à l’extrême-droite, comme la solution au problème des juifs
« inassimilables ». A partir de 1967, l’idéologie antisioniste, souvent associée au
négationnisme et à l’anti-impérialisme se développe dans les milieux d’extrême-droite.
Elle fut particulièrement efficace au moment de la guerre du Liban en 1982. L’avènement
de Jean-Marie Le Pen comme leader d’une extrême-droite unifiée, ainsi que certaines des
circonstances internationales et politiques expliquent les positions contradictoires du chef
du FN sur la question israélienne. Les attentats du 11 septembre modifièrent, une
nouvelle fois, les positions de l’extrême-droite sur la thématique israélienne. Le
mouvement se divise en deux entre les occidentalistes, partisans du choc des civilisations
et soutenant généralement Israël et les antimondialistes, adepte d’un discours anti-
américain et antisioniste.
Sigles :
-AFPS = Association France Palestine Solidarité
-BDS= Boycott Désinvestissement Sanctions
-CRIF= Conseil Représentatif des Institutions Juives de France
-FLN= Front de Libération Nationale
-FN= Front National
-GRECE= Groupement de Recherche et d'Etudes pour la Civilisation Européenne
-GUD= Groupe Union Défense
-LDJ= Ligue de Défense Juive
-LICRA = Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme
-MNR= Mouvement National Républicain
-MPF= Mouvement Pour la France
-MRAP= Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples
-MRP= Mouvement Républicain Populaire
-OAS= Organisation Armée Secrète
-OPEP= Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole
-PCF= Parti Communiste Français
-PPF= Parti Populaire Français
-RFA= République Fédérale d’Allemagne
-RNP= Rassemblement National Populaire
-RPF= Rassemblement du Peuple Français
-SALT= Strategic Arms Limitation Talks. Négociations sur la limitation des armements
stratégiques
-SFIO= Section Française de l'Internationale Ouvrière
SOMMAIRE
Introduction……………………………………………………………….…8
Première partie Un soutien majoritaire de l’extrême droite
à Israël (1967-1982)……………………………….…………….…….20
Section I- Une conversion de l’extrême-droite au « sionisme » en
1967 ?................................................................................................................21
Section II- Le lent reflux de la sympathie pro-israélienne à l’extrême-
droite de la fin des années 1960 jusqu’en 1982………………..…........42
Deuxième Partie Les contradictions de l’extrême-droite sur
la question israélienne : (1982-2011)....................................53
Section I- Extrême droite : entre soutien à la cause palestinienne et
volonté de rapprochement avec Israël (1982-2001)................................54
Section II- Les tergiversations de l’extrême-droite depuis le 11
septembre…………………………………………...………..………….........75
CONCLUSION………………………………………………………...98
Page 8
Introduction
1) Tentative de définition de l’extrême-droite
La fin de la seconde guerre mondiale consacre l’avènement de trois grands partis
sur le spectre politique français. La SFIO (gauche non communiste), le PCF (gauche
communiste), et le MRP (démocratie chrétienne) reçoivent les dividendes de leur
participation à la résistance. Aux élections du 2 juin 1946, le MRP obtient 28% des voix,
le PCF 26% et la SFIO 21%1. Ces partis sont les grands gagnants politiques de la période
post-occupation. La droite traditionnelle et la droite légitimiste2, ancêtre de l’extrême-
droite, sortent laminées du conflit, accusées d’avoir collaboré avec l’occupant nazi.
Les légitimistes, nostalgiques d’une société d’ordre, sont favorables à une sorte de
contre révolution. Ils s’insurgent contre l’égalité juridique, la souveraineté de la Nation,
la laïcité de l’état et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Un mouvement comme
l’ « Action Française » s’inscrit dans cette tradition légitimiste. Les légitimistes peuvent
être considérés les précurseurs du phénomène de l’extrême-droite en France.
La version moderne de ce courant politique nait avec l’Action française en 1898
en pleine affaire Dreyfus. L’Action Française, fondé par C.Maurras, est d’abord un
journal avant de devenir, en 1908, une ligue violemment antisémite3.
Les ligues d’extrême droite connaissent leur heure de gloire durant les années
1930 et en particulier le jour du 6 février 19344. Mais leur véritable apogée a lieu en
juillet 1940 avec l’établissement du régime de Vichy5.
1 CHAPSAL (Jacques) : La vie politique en France de 1940 à 1958, Paris, PUF, 1996, p. 159.
2 Au sens de René Rémond dans son fameux ouvrage Les droites en France, Paris, Aubier-Montaigne, 1982. Le
légitimisme fait référence à ceux qui défendaient la légitimité des Bourbons face aux Orléanistes (partisans de la dynastie des Orléans) pour l’accession au royaume de France durant le XIXe siècle.
3 Maurras écrit dans L'Action française du 15 mai 1936 ces mots contre Léon Blum, nouveau Président du Conseil: «C'est en tant que juif qu'il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum. Ce dernier verbe paraîtra un peu fort de café : je me hâte d'ajouter qu'il ne faudra abattre physiquement Blum que le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie qu'il rêve contre nos compagnons d'armes italiens. Ce jour-là, il est vrai, il ne faudra pas le manquer. »
Page 9
Ainsi, l’après-guerre est une période de vaches maigres pour la droite extrême.
Une partie des partisans d’un régime fort contre une république corrompue (thème
traditionnel de l’extrême-droite) se retrouve néanmoins dans la création du parti du
général de Gaulle (le RPF). D’autres se reconnaîtront dans la « tonalité patriotique des
thèmes6 » de la campagne de Pierre Poujade de 1956 auquel se rallient un certain nombre
de « bourgeois7 » d’extrême droite.
Les Poujadistes triomphent aux élections législatives de 1956 avec près de 2.5
millions de voix, 12% des votants et 52 élus, bientôt réduits à 41 par le mécanisme des
invalidations8. Après les élections de 1956, un certain Jean-Marie Le Pen fait ses
premiers pas à l’Assemblée Nationale en tant que député poujadiste. Mais, le mouvement
populiste, véritable représentant de l’extrême de la droite, semble bien plus républicain
que certains partis des années 1930 que l’historien à Zeev Sternhell assimilait à une
droite française fasciste9.
Pour appuyer son analyse, il affirmait que la droite qui apparaît au moment de
l’affaire Dreyfus était révolutionnaire contrairement à la droite issue du XIXe siècle
foncièrement conservatrice. Cette nouvelle droite se présente comme ouvertement
anticapitaliste, antidémocratique et nationaliste. Elle se donne pour objectif de fonder un
ordre nouveau anticapitaliste et anti collectiviste. Certains mouvements comme le
Francisme ont bien tenté d’adapter le fascisme en France10. Mais cela a largement
échoué.
4 Le jour du 6 février 1934, des anciens combattants et des partisans des ligues d’extrême droite se réunissent devant le Palais-Bourbon pour protester contre le régime républicain et la corruption du personnel politique. La manifestation dégénérera en émeute. La police riposte. Le bilan fut de 15 morts et plus de 300 blessés (Selon BRUNET (Jean-Paul) in Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle, p. 1122). Le lendemain de ces émeutes, le président du Conseil Edouard Daladier démissionne, remplacé par une coalition des droites, présidée par Gaston Doumerge. 5 Même si Vichy ne peut se résumer à une coalition des droites. Cf EPSTEIN (Simon) : Un paradoxe français : antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la résistance, Paris Albin Michel, 2008 6 BORGNE (Dominique), Article sur Pierre Poujade dans Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle, Paris, PUF, 2003, p. 984. 7 Idem. 8 Idem. 9 Sur la question du fascisme en France, voir STERNELL (Zeev), La droite révolutionnaire (1885-1914). Les
origines françaises du fascisme, Paris, Gallimard, « Folio Histoire », 1998. 10 Sous la direction de WINOCK (Michel), Histoire de l’extrême-droite en France, Paris, Seuil, 1994, p. 10.
Page 10
Comme le montre ce très bref aperçu de l’histoire de l’extrême-droite française
depuis le XIXe siècle, il est difficile de livrer une définition précise et complète de ce
mouvement politique puisque celui-ci a évolué au fil des changements de l’histoire et de
ses enjeux. Ainsi, pour les droites, « l’ennemi cessera à la fin du 19ème siècle d’être le
républicain(…) pour devenir le rouge11 » dans un contexte de guerre froide. Lors de la
guerre d’Algérie, l’extrême droite se reconstruit en apportant son soutien à l’Algérie
Française et aux pieds-noirs algériens.
Aujourd’hui l’extrême droite est incarnée par le Front National (FN), qui a opéré
un rassemblement des « patriotes », selon l’expression de Jean Marie Le Pen, mais
surtout des nationalistes, des nostalgiques du régime de Vichy, des souverainistes, des
militants restants de l’anti 1789, des anciens fervents de l’Algérie Française12, ainsi que
des monarchistes. Le FN est le fruit d’un rassemblement très hétéroclite et nous montre la
difficulté d’une définition de ce qu’est l’extrême-droite.
Ce terme est d’ailleurs récusé par le leader du FN Jean Marie Le Pen :
« L’extrême-droite, le mot est équivoque dans la mesure où il comporte le mot extrême.
Nos adversaires confondent volontairement, et dans l’intention de tromper, une position
géographique sur l’échiquier politique avec une position d’extrémisme politique. Or,
notre philosophie, notre principe d’action et notre programme ne sont pas extrémistes et
par conséquent nous occupons la place qui est libre13. »
Pour Jean Marie Le Pen, ce sont donc les autres forces politiques qui ont créé ce
concept d’extrême droite. D’une certaine manière, le chercheur Pierre-André Tagguief
va dans le sens du leader frontiste en affirmant que « l’extrême-droite n’est pas une
expression catégorisante, elle a le sens qui lui donne, en chaque occurrence , son
utilisateur, en relation avec une intention polémique (…) L’étiquette d’extrême droite
s’applique à la quasi-totalité des phénomènes politiques et idéologiques qu’il est
11 SIRINELLI (Jean-François), article sur la « Droite » in Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle, op.cit., p.382. 12 WINOCK (Michel), Histoire de l’extrême-droite en France, op.cit., p. 12. 13 LE PEN (Jean-Marie) cité in APPARU (Jean-Pierre), La droite aujourd’hui, Paris, Albin Michel, 1978, p. 176.
Page 11
convenable, selon le système des valeurs partagé par les libéraux, les sociaux-
démocrates et les communistes, de stigmatiser et de condamner14. ».
Pour autant, la définition de l’extrême droite ne peut se définir uniquement par la
négative. Il y a des traits communs au phénomène de l’extrême droite. On peut relever la
« demande d’autorité15 », le « goût de l’ordre16 », la dénonciation de complots, ou
encore le « refus de l’autre 17», qui se traduit dans les faits par des paroles ou des
attitudes racistes, xénophobes ou antisémites.
Durant la période que nous allons étudier et qui court de 1967 à nos jours, le FN a
phagocyté le phénomène de l’extrême-droite, même si d’autres mouvements ont pu
cohabiter avec ce parti, crée en 1972 et qui accumule les victoires électorales depuis le
bon score aux municipales de Dreux en 198318 jusqu’à l’apogée du parti en 2002 avec la
qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour des élections présidentielles.
2) Bref historique de l’antisémitisme
Le leader du Front National Jean Marie Le Pen a toujours eu une attitude assez
ambiguë sur la question de l’antisémitisme. Ainsi, en 1984 à l’émission l’Heure de vérité
face au journaliste Jean-Louis Servan Schreiber, Jean Marie Le Pen se dit « non
xénophobe19 » et déclare qu’il « considère les juifs20 comme des citoyens comme les
autres21. »Néanmoins, sans mentionner la polémique sur le « point de détail » sur lequel
14 TAGUIEFF (Pierre-André), Sur la nouvelle droite, Paris, Descartes et Cie, 1994, p314. 15 WINOCK (Michel), Histoire de l’extrême-droite en France, op.cit., p. 16. 16 Idem. 17 Idem. 18 Le 11 septembre 1983, le Parti socialiste perd la mairie de Dreux au profit d'une liste RPR-Front national. Jean-Pierre Stirbois, secrétaire général du Front national, devient maire adjoint. Au premier tour de cette élection partielle, la liste FN avait récolté 16,72 % des suffrages exprimés. 19 LE PEN (Jean-Marie), L’Heure de vérité (Antenne 2), 13 février 1984. Vidéo consulté sur www.ina.fr le 8 janvier 2011. URL : http://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-sociale/video/I07015083/jean-louis-servan-schreiber-questionne-le-pen-sur-l-antisemitisme-et-l-accusation-de-torture-en-algerie.fr.html. 20 Selon le Larousse, un « juif » est membre de la communauté religieuse; un « Juif » est membre du peuple juif. 21 LE PEN (Jean-Marie), vidéo cité.
Page 12
nous reviendrons, force est de constater que Jean-Marie Le Pen a toujours laissé cours à
une libre parole antisémite dans son parti22.
D’ailleurs, l’antisémitisme a toujours été un des facteurs de rassemblement des
mouvements d’extrême droite. Michel Winock notait que « l’antisémitisme qui se fait
entendre dans le mouvement [FN] nous rappelle sa fonction de ciment idéologique. Le
Juif y est désigné comme l’Autre par excellence, l’étranger, le conquérant, le spoliateur,
le capitalisme insatiable, le révolutionnaire au couteau entre les dents, le maître des
médias, le manipulateur occulte de la classe politique, le nomade, l’aspirant au pouvoir
mondial23. » Ces préjugés, qui ont cours au FN, s’appuient sur un antisémitisme qui
prend naissance au XIXème siècle. Ce nouvel antisémitisme vient se superposer à un
antijudaïsme chrétien qui tend à disparaitre. L’antijudaïsme chrétien était fondé sur le
présupposé que les Juifs avaient une responsabilité collective dans l’assassinat du Christ
(accusation de déicide) ainsi que sur des critères sociaux (les Juifs étaient perçus comme
des usuriers). Or, ce nouvel antisémitisme repose lui sur une vision raciale présentant «
les Juifs comme une race inférieure appelée à disparaitre selon les lois de la sélection
naturelle24. » En France, c’est Edouard Drumont qui s’est fait le porte-parole de cette
nouvelle idéologie de l’antisémitisme avec La France Juive « qui atteint vite la 150ème
édition25. »
Dans cet ouvrage, Drumont professe un antisémitisme racial (il distingue aryen
et sémite) mais également économique et social assimilant le juif à un exploiteur du
peuple. C’est un antisémitisme révolutionnaire contre ces juifs supposés dominer le
monde et le capitalisme.
22 A titre d’exemple, on pourrait citer la phrase d’André Figueiras dans le bulletin RLP hebdo du 30 juin 1983. « Au cours de l’histoire, deux peuples ont prétendu appartenir à une race supérieure : les Juifs et les Allemands. Pour les uns et les autres, l’affaire s’est mal terminée. » Jean-Marie Le Pen avait été questionné sur le caractère antisémite de cette phrase dans l’émission L’Heure de vérité de 1984. Il avait botté en touche en déclarant que c’était à M.Figueiras de répondre de ses écrits. 23 WINOCK (Michel), Histoire de l’extrême-droite en France, op.cit., p. 13. 24 HOCQ (Christian), article sur l’antisémitisme in Dictionnaire d’histoire politique du XXème siècle, Paris, Ellipses, 2005, p. 45. 25Document fourni par Akadem , le campus numérique juif en annexe de la conférence L’antisémitisme d’extrême droite réalisé par Jean-Yves Camus. Voir en annexe.
Page 13
« Le Sémite est mercantile, cupide, intrigant, subtil, rusé; l'Aryen est
enthousiaste, héroïque, chevaleresque, désintéressé, franc, confiant jusqu'à la naïveté26,»
écrit Edouard Drumont dans la France Juive.
Cet antisémitisme littéraire « explose » d’une certaine manière avec l’Affaire
Dreyfus. Cette affaire est l’occasion d’un déchainement antisémite comme le montre le
récit du Petit Journal (journal antidreyfusard tiré à 800 000 exemplaires27) le 6 janvier
1895, jour de la dégradation du Capitaine Dreyfus dans la cour de l’Ecole Militaire à
Paris. « Dans un coin de la cour sont groupés des officiers. Dreyfus en passant devant
(…) s’écrie : "Allez dire à la France entière que je suis innocent ". Les cris de "
Misérable ! Traitre ! Judas" lui répondent et les clameurs de la foule se font
entendre28. »
Après la guerre, ces formes classiques d’antisémitisme tendent à s’effriter dans le
discours politique ainsi que dans l’imaginaire collectif. L’écrivain Georges Bernanos
constatait en 1944 dans une formule restée célèbre qu’« Hitler a déshonoré à jamais
l’antisémitisme29. » Il est vrai que le préjugé antisémite est en forte baisse en France
depuis la fin de la guerre.
En 1946, 37% des Français estimaient qu’ « un Français juif [était] aussi français
qu'un autre Français.» Ils sont 92% en mai 2005 selon un sondage réalisé par la Sofres
pour le compte de l'Association française des amis de l'université de Tel-Aviv30. En
1966, 50% des Français voudraient « éviter » d’avoir un président de la république juif.
En mai 2005, ils étaient dorénavant 81% à ne pas s’en préoccuper31.
26 Texte issue de La France Juive. Ibid., p. 2. 27 WINOCK (Michel), Histoire de l’extrême-droite en France, op.cit., p. 114. 28 « Le défilé du condamné », Le Petit Journal, 6 janvier 1895 (consulté sur gallica.bnf.fr le 8 janvier 2011). 29 LANGELLIER (Jean-Pierre), « La réussite au péril de l'identité », Le Monde, 06 juillet 1989. 30 THIOLAY (Boris), « Juif, et alors? », L’Express, 6 juin 2005. 31 Sondage TNS Sofres de mai 2005 lu sur desinfos.com. Dernière consultation le 10 janvier 2011. URL : http://www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=3372.
Page 14
3) L’antisionisme, une nouvelle forme d’antisémitisme ?
Il faut, néanmoins, noter qu’une nouvelle forme d’antisémitisme a fait son
apparition au XXème siècle. « A la fin du XXè siècle, l’antisionisme y atteint parfois un
tel degré de haine qu’il dérive dans l’antisémitisme32 » note Christian Hocq dans son
Dictionnaire d’histoire politique du XXème siècle. Pour un des grands historiens français
de l’antisémitisme Léon Poliakov, « cette agitation [antisémite] qui dure depuis trois
millénaires (…) devint "antisioniste" au vingtième siècle33. »
L’antisionisme naît presque concomitamment avec l’apparition du sionisme. Ce
mouvement politique apparu à la fin du XIXème siècle préconise l’établissement d’un
foyer juif en Palestine pour y établir un Etat indépendant. Le mouvement sioniste, à ses
débuts, suscite l’hostilité de nombreux juifs qui ne se reconnaissent pas dans un tel
projet34. Après 1948, la majorité des juifs acceptèrent le fait sioniste.
La création d’Israël obligea à une réinterprétation du terme sionisme puisque
celui-ci perd alors de sons sens originel. Les antisionistes prennent, ainsi, appui sur
l’absence de définition claire du sionisme35 pour imposer leur propre définition. Le mot
« sionisme » est devenu, pour certains, le synonyme d’un phénomène « colonial », voire
« raciste ». Littéralement, être contre le sionisme, c’est donc s’opposer à ce mouvement
perçu comme colonialiste. L’antisionisme peut aussi signifier une désapprobation
idéologique au principe d’un Etat Juif au Proche-Orient, en particulier sur un plan
géopolitique. Il peut également s’agir d’une hostilité claire à l’existence d’Israël en tant
qu’Etat, quitte à agir pour assurer sa destruction.
Pour autant, si l’antisionisme provoque autant de controverses, c’est qu’il
comporte également en son sein de nombreuses ambiguïtés. Les pro-israéliens ne
comprennent pas qu’il soit nié à un seul peuple (le peuple juif) le droit de « disposer de 32 HOCQ (Christian), article sur l’antisémitisme in Dictionnaire d’histoire politique du XXème siècle, op.cit., p. 46. 33 POLIAKOV (Léon) dans un entretien avec Roger Pol-Droit, Le Monde, 15 mars 1994. 34
Cf Rabkin (Yakov) « L'opposition juive au sionisme », Revue internationale et stratégique 4/2004 (N°56), p. 17-23. Dernière consultation le 15 janvier 2011. URL : www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2004-4-page-17.htm. 35
En réalité, l’idéologie sioniste est plus large que la recherche d’une terre pour un peuple. Cf CHARBIT (Denis), Qu’est-ce que le sionisme, Paris, Albin Michel, 2007, p. 20
Page 15
lui-même » et de former un Etat. C’est pourquoi, les pro-israéliens voient dans
l’antisionisme une forme d’antisémitisme. Les antisionistes affirment, pour leur part,
critiquer uniquement la politique sioniste de l’Etat et ne comprennent pas les accusations
d’antisémitisme.
En définitive, pour bien distinguer ces notions le chercheur Pierre-André Taguieff
préfère parler d’antisionisme radical, c’est-à-dire le refus total de reconnaitre aux Juifs le
droit à une nation, et de se constituer une patrie36. Il faut noter que l’antisionisme n’est
pas une opinion interdite dans le pays. Une parole antisioniste ne peut être attaquée
devant les tribunaux que si elle contribue à la haine raciale. C’est là toute l’ambivalence
de cette notion d’antisionisme qui est une idée acceptable juridiquement mais qui n’est
pas parfois dénuée de préjugés antisémites.
Ainsi, l’écrivain et ancien vice-président de Médecins sans frontières, Jean-
Christophe Rufin, notait dans un rapport sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme
rendu au ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin en 2004 que « l'antisionisme
radical » faisait partie des formes subtiles d’antisémitisme. « Cet antisémitisme moderne
est né au confluent des luttes anticoloniales, antimondialisation, antiracistes, tiers-
mondistes et écologistes (…) En légitimant la lutte armée des Palestiniens quelle qu'en
soit la forme37», l'antisionisme radical, tend à « légitimer les actions commises en France
même38 ».
L’antisionisme ne doit pas non plus être confondu avec une mise en accusation de
la politique menée par gouvernement israélien. Les années 2000 ont été marquées par de
nombreux procès pour antisémitisme contre des personnalités ayant tenu des propos très
sévères contre cette politique. C’est le cas de « l’affaire Morin » du nom de ce philosophe
qui avait coécrit une tribune dans Le Monde où il attaquait violemment « ce peuple élu
[qui] agit comme la race supérieure.39 ». D’abord condamné en première instance en mai
36 Cf, TAGUIEFF (Pierre-André), la Judéophobie des modernes, Paris, Odile Jacob, 2008, p. 10. 37
ZAPPI (Sylvia), « L'écrivain Jean-Christophe Rufin classe l' "antisionisme radical " dans l'antisémitisme », Le Monde, 20 octobre 2004.
38 Idem. 39Dans ce même article Edgar Morin et ses co-auteurs affirmaient que « les juifs d'Israël, descendants des victimes d'un apartheid nommé ghetto, ghettoïsent les Palestiniens. Les juifs qui furent humiliés, méprisés, persécutés,
Page 16
2005 par la cour d'appel de Versailles, l'éditeur du journal, les auteurs de l'article et le
directeur de la publication ont été relaxés en juillet 2006 par la Cour de Cassation du chef
d’accusation de diffamation raciale40.
La Cour de Cassation a estimé que les « propos poursuivis, isolés au sein d'un
article critiquant la politique menée par le gouvernement d'Israël à l'égard des
palestiniens, n'imputent aucun fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la
considération de la communauté juive dans son ensemble en raison de son appartenance
à une nation ou à une religion, mais sont l'expression d'une opinion qui relève du seul
débat d'idées41 »
Autrement dit, la Cour de Cassation a ainsi estimé que l’antisionisme perceptible
dans cet article ne pouvait être assimilé à de l’antisémitisme à la différence de la Cour
d’Appel de Versailles qui avait conclu que « contrairement à ce que soutiennent les
intimés, ces passages ne contiennent pas la critique virulente de la politique israélienne,
ne trouvent pas de justification dans le paradoxe invoqué de la mise en comparaison des
comportements subis par les juifs et des comportements qui leur sont imputés42. »
Le débat entre antisémitisme, antisionisme et critique radicale de la politique
d’Israël n’est pas réglée. Parfois cette critique légitime de la politique israélienne franchit
les limites du raisonnable et du débat démocratique pour tomber dans la haine de l’autre.
L’antisionisme est, en effet, parfois utilisé comme un paravent de l’antisémitisme. La
haine des Juifs étant criminalisé en France, la meilleure manière de faire passer un
message antisémite est de s’abriter derrière l’antisionisme. Le Parti Anti-sioniste de
Yahia Ghouasmi, sur lequel nous reviendrons, soutenu par Dieudonné en offre un
exemple caricatural43.
humilient, méprisent, persécutent les Palestiniens. Les juifs qui furent victimes d'un ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux Palestiniens. Les juifs victimes de l'inhumanité montrent une terrible inhumanité. Les juifs, boucs émissaires de tous les maux, " bouc-émissarisent " Arafat et l'Autorité palestinienne, rendus responsables d'attentats qu'on les empêche d'empêcher. » in Le Monde du 4 juin 2002. 40 Crim. 12 juillet 2006, n° 05-17704 .Consulté sur legifrance.gouv.fr le 10 janvier 2011. 41 Idem. 42 Idem. 43 « Le sionisme, il divise le foyer, il divorce le foyer. A chaque divorce, moi je vous le dis, il y a un sioniste derrière. A chaque chose qui divise une nature humaine il y a derrière un sionisme» a déclaré Yahia Gouasmi, président du centre Zahra et de la Fédération des chiites de France le 24 avril 2009, cité sur partiantisioniste.com.
Page 17
4) L’extrême-droite en recherche d’une position face à la question israélienne
Ce mémoire s’attachera à analyser les positions de l’extrême-droite face à la
question israélienne. Le terme de « question israélienne » n’est pas anodin. Il englobe la
problématique du sionisme et de l’approbation ou non de la politique israélienne depuis
1967 par l’extrême-droite. Il ne s’agira pas ici de juger le bien-fondé ou non des actions
de l’Etat d’Israël mais plutôt d’analyser les positions de l’extrême droite qui bascule entre
soutien à Israël, dénonciation de la politique israélienne, voire parfois de l’antisionisme
confinant à de l’antisémitisme.
De prime abord, le camp dans lequel se situerait l’extrême droite concernant la
politique israélienne et le sionisme semble connu. Les intellectuels et les hommes
politiques d’extrême-droite ne nourrissent pas une sympathie particulière envers les Juifs
et partagent parfois même une hostilité claire. Israël serait pour eux l’occasion d’assouvir
leur ressentiment à l’égard des Juifs. En réalité, les positions de l’extrême-droite
concernant la question israélienne ont été bien plus complexes et montrent qu’il ne faut
pas confondre les concepts de l’antisémitisme et d’antisionisme. Toutes les combinaisons
sont possibles à l’extrême-droite. Il y a eu des « sionistes-antisémites », des
« antisionistes-antisémites », des « sionistes non antisémites ». Ainsi, aussi paradoxal que
cela puisse paraitre, un individu pourra se montrer à la fois antisémite et pro-israélien.
Nous tacherons d’expliquer cette contradiction apparente.
Pour analyser tous ces concepts, nous avons utilisé plusieurs sources tout au long
de notre travail. Le rapport de l’extrême-droite française face à la question israélienne
n’est pas un sujet qui fut particulièrement traité par la recherche universitaire. Par
conséquent, la lecture des journaux d’extrême-droite (Minute, Rivarol, Présent, Défense
de l’Occident, Lectures Françaises, Aspects de la France) aux moments clés du conflit
israélo-arabe, nous a permis de mettre à jour les nuances idéologiques entre ces
différentes publications et leurs différences de point de vue sur la question israélienne.
Dernière consultation le 11 janvier 2011. URL : «http://www.partiantisioniste.com/actualites/derriere-chaque-divorce-il-y-a-un-sionisme.html.
Page 18
D’autre part, la lecture ou l’écoute des chercheurs sur l’extrême-droite nous ont permis
d’étoffer notre propos sur le plan analytique. Enfin, les discours des dirigeants d’extrême-
droite trouvés dans des livres ou des articles de journaux furent également disséqués.
Il faut noter qu’il n’y a pas eu une position linéaire de l’extrême-droite sur la
question israélienne depuis 1967. Il s’agira, tout le long de ce mémoire, de comprendre
les différents basculements idéologiques de l’extrême droite concernant la question
israélienne. En essayant de répondre à cette question, nous nous pencherons sur les
développements géopolitiques depuis le début des années 1960 : la décolonisation, la
question pétrolière, la guerre froide, les attentats du 11 septembre, les guerres israélo-
arabes sont autant de facteurs explicatifs des positions de l’extrême droite.
Nous nous demanderons également si la question israélienne ne cache pas des
problématiques sous-jacentes que l’extrême-droite tente de résoudre par un soutien ou
une opposition à la politique israélienne : l’immigration, l’anticommunisme, le
terrorisme, la question nationale-identitaire, l’intégration des musulmans aux sociétés
occidentales, le colonialisme sont autant de thèmes qui se rattachent à Israël mais qui ont
aussi eu un impact en France.
En outre, nous nous demanderons si les positions de l’extrême droite n’ont pas été
en adéquation avec la manière dont fut perçue Israël en France. Depuis 1967, l’Etat Juif
est peu à peu devenu une ligne de partage dans le débat intellectuel français. « Il y a en
France une exception israélienne. Sur Israël, tout le monde a un avis. Pas seulement les
experts mais même des intellectuels et des journalistes qui ne sont pas spécialistes de
cette question44» estime la journaliste Elisabeth Lévy.
L’extrême droite n’échappe pas à ces questionnements concernant la nature et la
politique de l’Etat d’Israël depuis 1967. Ces débats se poursuivent jusqu’à une époque
très récente. Ainsi, en janvier 2011, Marine Le Pen déclare au journal de la gauche
israélienne Haaretz qu’elle a « le droit de critiquer la politique de l'Etat d'Israël, comme 44
LEVY (Elisabeth), conférence sur Les intellectuels français et Israël : De la discorde à la concorde. Université de Tel-Aviv, Israël, mai 2008 in akadem.org. Dernière consultation le 14 janvier 2011. URL : http://www.akadem.org/sommaire/themes/politique/10/2/module_4289.php.
Page 19
celle de tout Etat souverain, sans être taxé d'antisémitisme. Après tout, le Front national
a toujours été pro-sioniste et a toujours défendu le droit à l'existence d'Israël45. »
Marine Le Pen l’affirme avec force. Le Front National a toujours été pro-sioniste.
En vérité, la position du FN et à plus forte raison de l’extrême-droite concernant la
question israélienne a été extrêmement ambivalente. Est-ce une question majeure ou une
question sous-jacente de l’idéologie de l’extrême-droite? Israël est-il un facteur de
cohésion ou de division à l’extrême droite ? Existe-t-il une cohérence dans les positions
de l’extrême-droite depuis 1967 concernant Israël? Ce seront les problématiques
auxquelles nous essayerons de répondre tout au long de ce mémoire.
Nous débuterons notre analyse en 196746 pour plusieurs raisons. D’une part, 1967
marque l’apogée dans l’opinion française et à l’extrême-droite du soutien à la politique
israélienne au moment de la guerre des Six Jours. En 1967, a lieu aussi la fameuse
conférence du général de Gaulle47 qui est le symbole du retournement de la politique
diplomatique française au Proche-Orient. Le milieu des années 1960 est une période de
renouveau de l’extrême-droite avec la création du mouvement Occident en 1964. Bref,
1967 est une date charnière. La guerre d’Algérie a pris fin il y a cinq ans. L’extrême-
droite est en recomposition. En cette année 1967, la question israélienne passionne les
leaders et éditorialistes de l’extrême-droite comme elle ne le cessera de le faire jusqu’à
nos jours. Entre 1967 et 1982, l’extrême-droite fut majoritairement favorable à Israël.
Depuis 1982, ce courant politique hésite sur l’attitude à adopter vis-à-vis de ce pays.
45 Dépêche AFP, « Pour Marine Le Pen, Israël n'a pas à lui donner de leçon sur le racisme », 07 janvier 2011. 46 Après de nombreuses provocations du général Nasser et la fermeture du détroit de Tiran qui reliait Israël à la mer Rouge durant le courant du mois de mai 1967, l’Etat hébreu lance une attaque préventive le 5 juin 1967 contre l’Egypte et la Syrie, rejoint par la Jordanie et l’Irak. En 6 jours, l’armée israélienne s’empare du plateau du Golan, du Sinaï, de la Cisjordanie et de Gaza. 47 Document Akadem : La conférence de presse de novembre 1967 du général de Gaulle. Voir en annexe. De Gaulle se lance dans un long réquisitoire sur l’intervention israélienne de juin et y déclare dans une envolée restée célèbre : « Et certain même redoutait que les juifs, jusqu'alors dispersés, et qui étaient restés ce qu'ils avaient été de tout temps, c'est-à-dire un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur. »
Page 20
Première partie Un soutien majoritaire de l’extrême droite à
Israël (1967-1982)
Page 21
Section I- Une conversion de l’extrême-droite au « sionisme » en
1967 ?
Pour bien appréhender les enjeux du soutien de l’extrême-droite à l’Etat d’Israël
en 1967, il nous faudra revenir sur les racines de l’antisémitisme de l’extrême-droite ainsi
que sur les relations entre sionisme et extrême-droite depuis le début du XXème siècle.
Nous nous demanderons si le soutien majoritaire de l’extrême droite à Israël en 1967 est
dans la continuité de la pensée d’extrême-droite qui préexistait à l’existence d’Israël.
A) Les positions de l’extrême droite concernant le « problème juif » avant la
création d’Israël
1) Les racines de l’antisémitisme d’extrême-droite
D’une certaine manière l’extrême-droite française nait avec la Révolution
Française de 1789. Face aux valeurs portées par la Révolution Française, un mouvement
contre-révolutionnaire se crée dès les débuts de l’assemblée constituante en 179148. La
contre révolution c’est « l’ensemble des idées et des agissements qui rejettent
globalement les changements politiques et sociaux intervenus depuis le printemps 1789 et
qui proposent une Restauration49. » C’est l’ancêtre de la droite légitimiste définie par
René Rémond dans son fameux ouvrage Les droites en France.
Pour le chercheur spécialiste des extrêmes Jean-Yves Camus, cette droite contre-
révolutionnaire n’est que très modérément antijuive. « Les grands théoriciens de cette
contre-révolution : De Maistre, de Bonald, Rivarol sont des gens qui ont des préjugés de
leur temps mais ils sont très peu antisémites50. » Ces doctrinaires sont, en particulier,
sujets à des réflexes traditionnels liés à l’antijudaïsme chrétien c’est à dire l’accusation
48 Cf WINOCK (Michel), Histoire de l’extrême-droite en France, op.cit., p. 29. 49 DUPUY (René), article sur la « Contre-Révolution » in Dictionnaire historique de la Révolution Française, Paris, PUF, 1989, p. 287. 50 CAMUS (Jean-Yves), conférence sur l’antisémitisme d’extrême droite, Centre communautaire, Paris, novembre 2005 in akadem.org. Dernière consultation le 15 janvier 2011. URL : http://www.akadem.org/sommaire/themes/politique/1/2/module_965.php.
Page 22
traditionnelle de déicide faisant des Juifs les responsables collectifs de la mort de Jésus
Christ, considéré comme le messie.
Par ailleurs, un des grands facteurs de l’antijudaïsme chrétien est l’accusation de
crime rituel. Le crime rituel est l’accusation selon laquelle les juifs assassineraient les
enfants chrétiens pour l’accomplissement de leurs traditions, en particulier le soir de
Pessah51.Il y a eu des centaines d’accusations de crimes rituels qui ont provoqué des
pogroms contre les populations juives en France au cours des siècles. Cette accusation de
crime rituel n’a pas complètement disparu puisqu’on retrouve dans les attaques
antisionistes de certains auteurs d’extrême-droite des références sibyllines à ces
accusations de crime rituel.
Le XIXème siècle voit, en revanche, apparaitre un phénomène nouveau qui est
« l’antisémitisme. » En premier lieu, l’émancipation des Juifs de France décidé en 1791
par la Constituante permet aux juifs Français de sortir de leur « ghetto » où ils vivaient
depuis des siècles (Alsace, Moselle, Bordeaux, Comtat Vénaissin) et permet leur
intégration à la vie économique et intellectuelle de la France. Cette intégration ne se fait
pas sans méfiance de la part des milieux traditionnalistes.
Mais, l’antisémitisme moderne arrive véritablement à maturité avec la révolution
industrielle. « A ce moment-là, l’antisémitisme d’extrême droite apparait dans une
nouvelle variantes conjuguant deux logiques. D’une part les vieux préjugés d’origine
religieuse que véhicule l’église d’alors (le déicide attribué aux Juifs). D’autre part
l’anticapitalisme52 » note le chercheur associé à l’IRIS Jean-Yves Camus.
L’essence du capitalisme est attribué aux Juifs parce que nombre de ces acteurs
sont juifs et la pensée juive semble responsable de son avènement. « Il y a
intrinsèquement dans le christianisme une méfiance vis-à-vis de l’argent. Par conséquent
ceux qui le manipulaient était considérés comme mauvais. Cela a donné un stéréotype
51 Pessah est une fête juive qui célèbre la sortie du peuple d’Israël d’Egypte. L’accusation de crime rituel était particulièrement dirigée sur la fabrication des « matzot » (pain azyme) que les chrétiens accusaient d’être faites avec du sang chrétien. 52 CAMUS (Jean-Yves), conférence sur l’antisémitisme d’extrême droite. Conférence citée.
Page 23
assez classique (…) expliquant que chaque malheur du peuple serait la faute du
capitaliste, du juif53. » En accusant les Juifs du malheur des classes les plus défavorisés,
l’extrême-droite parvient à recruter au-delà des classes les plus avantagés et à attirer de
nouveaux adeptes. Cette accusation économique trouve un écho très important dans le
« best-seller » d’Edouard Drumont la France Juive où il vitupère contre « le Sémite »,
« mercantile et cupide54.» Drumont accuse également les Juifs de volonté de
domination55.
Le grand déferlement antisémite en France a lieu durant l’Affaire Dreyfus. La
haine antisémite s’exprime à Alger56 en 1898 provoquant la mort d’hommes et dans les
campagnes françaises entrainant la destruction de « magasins, maisons et synagogues57. »
Le capitaine Dreyfus, d’origine juive accusée d’avoir vendu les secrets militaires français
à l’Allemagne est considéré comme un Judas58. C’est le symbole parfait de cette
population juive considéré comme inassimilable. Les adversaires de Dreyfus se rangent
du côté du nationalisme. Un nouveau slogan nationaliste fleurit durant ces années 1890,
c’est « La France aux Français59 ! »
2) Le sionisme et l’extrême-droite avant la création d’Israël
C’est dans ce contexte que nait le sionisme en 1897. Le grand théoricien du
sionisme, Théodore Herzl correspondant d’un journal autrichien à Paris assiste à la
dégradation du Capitaine Dreyfus en 1895 et aux cris haineux de la foule contre ce
« Judas. »
53 Idem. 54
Document fourni par Akadem, le campus numérique juif en annexe de la conférence L’antisémitisme d’extrême droite réalisée par Jean-Yves Camus. 55 « On retrouve ce qui caractérise la conquête, tout un peuple travaillant pour un autre qui s'approprie, par un vaste système d'exploitation financière, le bénéfice du travail d'autrui. » in DRUMOND (Edouard), La France Juive, Paris, MARPON & FLAMMARION, 1886, p. 3 consulté sur uuurgh.net/DRUMfranjui/Drumont1.pdf.
Dernière consultation le 17 janvier 2011. 56 Edouard Drumont est élu député à Alger en 1898 sur une liste antisémite. 57 BIRNBAUM (Pierre), Affaire Dreyfus, culture catholique et antisémitisme in Histoire de l’extrême-droite en France, op.cit., p. 110. 58 « Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race » disait Maurice Barrès cité par RIOUX (Jean-Pierre) in Maurice Barrès : « ma soumission à mon innéité ». In: Mil neuf cent, N°11, 1993. Comment sont-ils devenus dreyfusards ou anti-dreyfusards?. pp. 101-106. Consulté le 12 janvier 2011 59 BIRNBAUM (Pierre), Affaire Dreyfus, culture catholique et antisémitisme in Histoire de l’extrême-droite en France, op.cit., p. 115.
Page 24
T.Herzl, choqué par ce déferlement haineux contre le juif Dreyfus dans la patrie des
Droits de l’homme estime qu’il n’y a pas d’avenir pour les Juifs en Occident et préconise
la création d’un Etat pour les Juifs. « Nous sommes un peuple, Un peuple-un. Partout
nous avons loyalement tenté de nous fondre dans les communautés nationales(…). On ne
nous le permet pas. C’est en vain que nous sommes des bons patriotes, voire même dans
certains pays des patriotes exacerbés60 » analysait T.Herzl en 1897 dans l’Etat des Juifs.
Cet argument était plutôt destiné à convaincre les Juifs d’adhérer au sionisme.
Pour convaincre les autres nations de soutenir le mouvement sioniste, T.Herzl utilisa un
argument géopolitique particulièrement intéressant qui a une consonance dans les
arguments utilisés durant l’année 1967 par l’extrême-droite. T. Herzl affirme en effet que
pour l’Europe, « nous formerions là-bas un élément du mur contre l’Asie ainsi que
l’avant-poste de la civilisation contre la barbarie61. »
Le débat sur le sionisme commence à avoir quelques répercussions sur les
penseurs d’extrême-droite au début du XXème siècle. Dans un premier temps, le
sionisme est avant tout analysé à l’extrême-droite comme une nouvelle idéologie crée par
les Juifs dans le but de dominer le monde. « Le projet de l’Etat juif est perçu comme un
échelon supplémentaire franchi par les Juifs dans leur volonté de domination mondiale »
avance le chercheur Jean Yves Camus.
Cette idée de domination du monde s’inscrit dans la droite ligne des Protocoles des
Sages de Sion62.Cette accusation de domination du monde à l’appui du sionisme est donc
théorisée par certains auteurs antisémites. C’est le cas de Louis Ferdinand Céline qui
s’écrie dans un le pamphlet antisémite Bagatelles pour un massacre publié en 1937 que
« La Palestine n’est pas autre chose qu’un camp d’entrainement de commissaires juifs à
l’Agriculture pour la prochaine révolution mondiale63. »
60 HERZL (Théodore), L'Etat des Juifs, Paris, La Découverte, 2008, p. 20. 61 Ibid., p. 44. 62 Les Protocoles des Sages de Sion est un faux document écrit par un antisémite russe pour le compte du Tsar à la fin du XIXème siècle. L’objectif de ce livre est de révéler les réunions secrètes d’un lobby juif dont le but serait de dominer le monde en utilisant les guerres, les révolutions, la modernisation industrielle et le capitalisme. 63 CELINE (Louis-Ferdinand), Bagatelles pour un massacre, Denoël, Paris, 1937, p 178 consulté sur quellehistoire.com. Dernière consultation le 13 janvier 2011. URL : http://www.quellehistoire.com/docu/bagatelles.pdf.
Page 25
On pourrait également citer d’autres auteurs issus de l’extrême droite de l’entre-
deux guerre qui se sont intéressés au sionisme tel Jacques Bainville. Jacques Bainville est
un cas particulier. C’est un historien élu à l’académie française en 1935, proche de
Maurras mais qui n’est pas antisémite64 . On retrouve, cependant, certains préjugés
classiques issus de l’antijudaïsme chrétien dans son article intitulé « Les effets du
sionisme » publié dans le journal d’extrême-droite l’Action Française du 20 décembre
1920.
Dans cet article J.Bainville tonne contre le sionisme accusé de « traiter en intrus
les représentants des communautés chrétiennes65 .» Il s’attaque à Sir Herbert Samuel, le
haut-commissaire britannique pour la Palestine qui est d’origine juive qui se comporterait
comme un « chef plus religieux que politique66 », priant « le jour du sabbat, à la grande
synagogue, acclamé par la population juive de Jérusalem67. »
Jacques Bainville s’oppose également à la politique britannique en Palestine
regrettant l’abandon de la langue française et se demandant si le gouvernement
britannique ne serait pas en train de « perdre la tête » en encourageant « des expériences
[comme le sionisme] aussi dangereuses68. »
Un ensemble d’auteurs antisémites dont le plus fameux est Edouard Drumont
soutiendront, néanmoins, par leurs écrits la volonté juive de se créer un Etat. Au nom
d’un nationalisme intégral, ils préconisent la création d’un Etat Juif comme solution à la
question juive. Pour ces auteurs, il s’agit de combattre le caractère « inassimilable » des
Juifs en leur offrant un Etat, les empêchant ainsi de participer à l’entreprise
d’affaiblissement de la France.
64 GUENIFFEY (Patrice), « Jacques Bainville historien », préface à Jacques Bainville, Napoléon, Paris, Gallimard, collection « Tel », 2005, p. 21. 65 BAINVILLE (Jacques), Les effets du sionisme in L.’Action Française , 20 décembre 1920. Article consulté sur gallica.bnf.fr le 13 janvier 2011. 66 Idem. 67 Idem. 68 Idem.
Page 26
Le « pape de l’antisémitisme69 »Edouard Drumont est l’ « intellectuel70 » le plus
connu ayant tenu cette position à une époque où le sionisme politique n’était d’ailleurs
que balbutiant. En 1891, il rêve de « renvoyer (tous les Juifs) en Palestine71. » Après la
parution du livre de Théodore Herzl en 1897, Edouard Drumont continue à porter
beaucoup d’intérêt au projet sioniste. « A ce peuple qui est un peuple, le docteur Herzl
veut redonner une Patrie ; et je ne vois pas d’inconvénient pourvu que cette patrie ne soit
pas la mienne72» affirme Edouard Drumont.
Certains antisémites d’extrême-droite partagent, en fait, avec les sionistes cette
idée que le peuple juif est un peuple et qu’il n’a pas sa place en diaspora. C’est cet
argument principal qu’on retrouve dans les écrits d’Edouard Drumont et qui aura un large
écho chez les penseurs d’extrême-droite dans les années 1960.
B) Le renouveau de l’extrême-droite dans les années 1960 et ses positions
concernant la question israélienne
1) La réapparition du mouvement de l’extrême-droite dans les années 1960
Pour analyser les positions de l’extrême-droite en 1967, il s’agit de faire un léger
détour historique sur le poids politique de ce mouvement en 1967.
La fin de la guerre laisse l’extrême-droite au rang des vaincus. Elle se réorganise
avec extrêmement de difficultés puisque l’épuration frappe en particulier une frange de
l’extrême droite d’avant-guerre. De nombreuses organisations sont dissoutes (PPF, RNP,
le Parti franciste) La presse extrême-droite ne parait plus. Le premier journal à reparaitre
est le journal monarchiste l’Action Française en 1947, rebaptisé Aspects de la France. Le
journal d’extrême-droite Rivarol lui emboite le pas et est fondé en 1951.
69 WIEDER (Thomas), « Vie et mort du « pape » de l'antisémitisme », Le Monde, 9 mai 2008. 70 Ce terme est volontairement anachronique puisque le terme intellectuel naît au moment de l’affaire Dreyfus et est utilisé par les Anti-Dreyfusards pour ridiculiser les Dreyfusards. 71 DRUMONT (Edouard), Le testament d’un antisémite, Paris, E Dentu, 1891 p. 45 cité dans CHARBIT (Denis), Les intellectuels français et Israël, Editions de l’éclat, Paris, 2009, p. 36. 72 DRUMONT (Edouard) , Le peuple juif, Paris, librairie antisémite, 1900 p. 37 et 43, in CHARBIT (Denis), Les intellectuels français et Israël, op.cit., p. 36.
Page 27
Petit à petit, l’extrême-droite se réorganise. L’extrême droite obtient des succès
électoraux grâce au score très honorable de Pierre Poujade aux élections législatives de
195673. Mais, ce mouvement poujadiste qui s’apparentait plus à un national-populisme ne
parvient pas à fédérer durablement l’extrême-droite et meurt avec l’apparition de la
Vème république en 1958.
Le conflit algérien, qui perdure depuis la Toussaint rouge de 1954 est un terreau
favorable pour l’extrême-droite. Ce mouvement souhaite le maintien d’une Algérie
Française mais l’unité est difficile à réaliser entre les traditionalistes et les néo-fascistes.
En 1958, l’élection du général De Gaulle à la présidence de la République suscite l’espoir
de l’extrême-droite qu’il parviendra à préserver une Algérie Française.
En réalité, le général De Gaulle s’oriente à partir de l’année 1959 vers la solution
de l’autonomie puis de l’auto-détermination. L’extrême-droite se sent trahie et une partie
de ses membres se regroupent dans l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS) qui lutte
pour le maintien d’une Algérie Française par des moyens terroristes74.
A la suite de l’attentat manqué du Petit Clamart contre le général de Gaulle,
l’opinion métropolitaine se détourne d’eux et « les éléments les plus activistes de
l’extrême droite et de la droite nationaliste connaissent à nouveau la répression, l’exil
ou la clandestinité75. »
La guerre d’Algérie se termine le 19 mars 1962 par la signature des Accords
d’Evian entre le FLN et le gouvernement français. L’extrême-droite se réintègre
lentement dans le paysage politique français. Elle présente un candidat (Jean-Louis
Tixier-Vignancour) aux élections présidentielles de 1965 au suffrage universel direct. M
73 Le parti de Pierre Poujade obtient 11.6% des voix. 74 Par exemple, les membres de l’OAS tenteront d’assassiner le président Charles de Gaulle, le 22 août 1962 à Clamart. Il s’en tirera miraculeusement. 75 LEVEQUE (Pierre), Histoire des forces politiques en France de 1940 à nos jours, Paris, Armand Collin, 1977, p. 450.
Page 28
Tixier-Vignancour, qui avait Jean Marie Le Pen pour directeur de campagne, obtient un
peu plus de 5% des voix. C’est un relatif échec pour l’extrême-droite76.
2) Les positions de l’extrême-droite concernant Israël en 1967
a) Une extrême-droite largement favorable à Israël
Ainsi, l’extrême droite, toujours en pleine recomposition en cette année 1967,
défend, tout de même, des positions très affirmées. La principale préoccupation de
l’extrême-droite en 1967 est la guerre froide. Une grande partie de l’extrême-droite se
veut foncièrement anticommuniste et partisan de l’ordre américain dans un contexte
d’affrontement au Vietnam entre le nord soutenu par les Soviétiques et le sud appuyé par
les Américains. Le mouvement Occident crée en 1964, dont le nom fait à lui tout seul
office de slogan, était le mouvement d’extrême-droite symbole qui défendait l’Ouest
contre l’Est marxiste.
C’est dans ce contexte qu’éclate le 5 juin 1967 la guerre des 6 Jours. Depuis le
mois de mai 1967, le leader de l’Egypte Gamel Abdel Nasser s’était lancé dans une partie
de poker menteur avec l’Etat hébreu. Nasser multipliait les provocations à l’encontre de
son voisin israélien.
Le 16 mai, Nasser demande au secrétaire général de l’ONU, U Thant de retirer les
Casques Bleus présent en Egypte depuis 1957 au titre de la mission d’interposition pour
la paix77. Le 22 mai 1967, l’Égypte ferme le détroit de Tiran à toute la navigation
israélienne et à tous les navires à destination d’Eilat. Israël est coupé de son unique voie
d’approvisionnement avec l’Asie. Nasser multiplie également les déclarations
belliqueuses78 à l’intention de l’Etat Juif.
76 « 60 % des Français qui se disaient d’extrême-droite ont finalement voté dès le premier tour pour de Gaulle et près de 15% d’entre eux pour Jean Lecanuet, l’ancien patron du MRP » in CHARPIER (Frédéric), Génération Occident, Paris, Seuil, 2005, p. 105. 77 Cf VAISSE (Maurice), Les relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Collin, 2008, p. 115. 78 « Si nous sommes capable de rétablir la situation telle qu’elle existait avant 1956, Dieu nous aidera surement à rétablir la situation qui prévalait avant 1948 » déclare Nasser le 29 mai 1967 cité in BAR-ZVI (Michaël), FRANCK (Claude), Le Sionisme, Paris, L’inventaire, 2002, p. 121.
Page 29
Les raisons de cette attitude du Raïs égyptien sont controversées. Pour les
chercheurs Henry Laurens et Vincent Cloarec, « Nasser opte pour une politique de
pression afin d’amener Israël à la table des négociations79. »
L’historien israélien Elie Barnavi présente une tout autre explication à la posture
de Nasser : « Le Rais voulait, par une série de coups de force politiques, mettre Israël à
genoux, l’isoler, prouver à la face du monde qu’il était le vrai maitre dans la région,
retrancher surtout l’Etat juif dans une position intolérable d’usure morale et
économique80. »
Ces journées de mai provoquent, en tout cas, un mouvement de sympathie dans
l’opinion publique occidentale et française en faveur d’Israël. L’Etat Juif semble81, en
effet, menacé de destruction intégrale82. Dans la matinée du 5 juin 1967, Israël lance une
attaque préventive contre ses ennemis Egyptiens et Syriens, bientôt rejoints par la
Jordanie et par l’Irak. En six jours, l’Etat d’Israël s’empare de la Cisjordanie, de Gaza, du
Sinaï, et du Golan.
Comment ces journées de mai-juin seront-elles analysées par la presse et les
hommes politiques d’extrême-droite ?
Incontestablement, la presse d’extrême-droite est largement favorable à Israël.
C’est la constatation que fait Le Monde dans sa revue de presse le 4 juin 196783.
L’historien Frédéric Charpier confirme à postériori cette observation du Monde : « Une
grande partie de la presse nationale apporte son soutien à Israël : Aspects de la France,
Rivarol, mais aussi l’hebdomadaire Minute, ou encore Valeurs actuelles». Nous
79 CLOAREC (Vincent), LAURENS (Henry), Le Moyen-Orient au 20è siècle, Paris, Armand Collin, 2007, p. 134. 80 BARNAVI (Elie), Une histoire moderne d’Israël, Paris, Flammarion, 1991, p. 227. 81
« Cette menace d’extermination de l’Etat Israël-même si elle est depuis une quinzaine d’années remise en cause par les historiens- est vécue comme telle en 1967 » explique l’historienne Laurence Coulon in L'opinion française face au conflit israélo-arabe (1947-1987) "Je t'aime, moi non plus", Centre de recherche français de Jérusalem, Israël, février 2007 in Akadem.org. Dernière consultation le 21 janvier 2011. URL : http://www.akadem.org/sommaire/themes/politique/8/2/module_2446.php. 82 « L’existence d’Israel est une erreur qu’il faut rectifier. Voici enfin l’occasion d’effacer la honte qui s’est abattue sur nous depuis 1948. Notre objectif est clair : rayer Israël de la carte » déclare par exemple le président irakien Aref le 28 mai 1967 in BAR-ZVI (Michaël), FRANCK (Claude), Le Sionisme, op.cit., p. 121. 83 « L’attitude de la presse de droite et d’extrême-droite est largement favorable à Israël » peut-on lire dans Le Monde du 4 juin 1967.
Page 30
analyserons les différents types d’arguments utilisés par la majorité des dirigeants et des
penseurs d’extrême-droite pour justifier leur soutien à l’Etat d’Israël.
C’est l’hebdomadaire Minute84, tiré à plus de 200 000 exemplaires, qui sonne la
charge par un soutien marqué à Israël fortement imprégné d’un racisme anti-arabe. « De
toutes manières, avec les Arabes, une seule politique est possible, c’est celle de la trique
et du coup de pied au cul. Car ils ne comprennent et ne respectent que la force85. » Cet
article de Minute est fortement marqué par le souvenir encore cuisant de la guerre
d’Algérie. D’une certaine manière, une partie de l’extrême-droite soutient Israël en
souvenir du FLN et d’une lutte pas si lointaine contre ces « terroristes » arabes.
Le chercheur Yvan Gastaud estime, pour sa part qu’« un racisme de type colonial
incite les partisans de l’Algérie française à soutenir l’Etat hébreu. Comme le note Alfred
Grosser dans un éditorial du Monde, la sympathie pour Israël est teintée d’hostilité
envers les Arabes, forme détournée de vengeance de la décolonisation86. »C’est
également le point de vue du fondateur d’Occident Pierre Sidos qui se considère comme
« antisioniste », et explique le ralliement de l’extrême-droite à Israël par ce désir de
vengeance : « Les Arabes nous ont mis dehors en Algérie, les juifs nous vengent87. »
Ce n’est pas la seule raison qui pousse les partisans de l’Algérie Française à
soutenir Israël. Des liens plus personnels s’étaient liés en Algérie entre les Pieds-noirs et
le mouvement « Algérie Française » qui a contribué à la bonne image d’Israël dans les
milieux d’extrême-droite.
Ainsi, le spécialiste de l’extrême-droite Jean Yves Camus note qu’ « il y a à
l’époque une image plutôt positive d’Israël dans tout une fraction de l’extrême droite qui
sera encore plus forte après la guerre d’Algérie en raison des contacts qui se sont noués
84Minute se définit comme favorable à l'Algérie française et « anti-gaulliste », lors de sa création en 1962. Le journal d’extrême droite tirait à plus de 200 000 exemplaires dans les années 1960 (cf LABBE (Yves-Marie), « Plus de 300 journaux expriment la pensée de l'extrême droite », Le Monde, 02 avril 1998). 85 Minute, 22 juin 1967, cité in « La Guerre des Six jours et la question du racisme en France », Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 71 | 2005, mis en ligne le 13 mai 2006, Consulté le 01 novembre 2010. URL : http://cdlm.revues.org/index930.html. 86 Idem. 87 CHARPIER (Frédéric), Génération Occident, op.cit., p.145.
Page 31
entre une fraction de la droite qui refuse de céder l’Algérie et la population pied-noire
juive de l’Algérie. Une partie de la communauté juive en Algérie soutenait le projet
"Algérie française"88. »
Le meilleur exemple de ce lien très fort entre les pieds noirs et l’extrême droite
favorable à Israël est Jacques Soustelle. Jacques Soustelle est une figure politique
particulière puisque c’est un gaulliste de la première heure. Il rallie Londres dès 1940 et
se met à la disposition des Forces Françaises Libres. En 1955, il est envoyé en Algérie en
tant que gouverneur général. D’abord honni par les ultras de l’Algérie Française, il
deviendra un porte-parole très influent de ce mouvement durant la 4ème république.
Jacques Soustelle devient ministre de De Gaulle en 1958 mais déçu des
orientations du Général concernant l’Algérie Française, il ralliera l’OAS. Ce qui lui
vaudra d’être poursuivi pour atteinte à la sécurité de l’Etat et de partir en exil.
Ce personnage atypique sera un très grand soutien d’Israël en France. Il n’hésite
pas à revendiquer le qualificatif de sioniste en 1964: « Il est parfaitement exact que,
depuis des années, j’ai exprimé sans équivoque mon admiration et mon soutien à l’État
d'Israël et mon adhésion de non-Juif à la cause du sionisme89. ». Il est même l’un des
fondateurs de l'Alliance France-Israël, organisation dont il prendra la présidence.
Dans son soutien à Israël, Jacques Soustelle ne se contente pas uniquement de
paroles. A la tête du département de l’énergie atomique au gouvernement durant l’année
1959-1960, il accroit la coopération nucléaire avec Israël malgré l’hostilité de certains
membres du gouvernement. « Lorsque j’étais ministre de l’énergie atomique, (…) j’ai
entrepris tout ce qui était en mon pouvoir pour aider Israël90 » déclara-t-il plus tard.
Par ailleurs, si l’extrême-droite soutient Israël, c’est parce que ce pays est vu
comme la tête de pont de l’occident en Orient dans un contexte de guerre froide. C’est
par anticommunisme que beaucoup de leaders d’extrême-droite vont se s’opposer aux
Arabes et se rapprocher d’Israël. Ces arguments sont, par exemple repris par Pierre Pujo,
88 CAMUS (Jean-Yves), conférence sur l’antisémitisme d’extrême droite. Conférence citée. 89 SOUSTELLE (Jacques), Sur une route nouvelle Éditions du Fuseau, Paris, éditeur, 1964, p13 90 BAR-ZOHAR (Michael), Shimon Peres et l'histoire secrète d'Israël, Paris, Odile Jacob, 2008, p182
Page 32
éditorialiste à Aspect de la France l’ « hebdomadaire d’Action Française » qui
revendique un tirage de 25 000 exemplaires.
Le 8 juin 1967 Pierre Pujo91 écrit un article intitulé « Les responsabilités de
l’occident au Moyen-Orient » où il expose ses vues sur la crise dans la région. P.Pujo
affirme que la France ne peut être « indifférente92 » à la crise puisque « Israël est attaqué
par le monde arabe coalisé avec l’appui de l’URSS93. » L’éditorialiste contredit
« l’affirmation de De Gaulle selon laquelle la France au Moyen-Orient, n’est pas engagé
avec aucun pays, elle a garanti à Israël la liberté de navigation dans le golfe
d’Akaba94. » Une victoire des Etats Arabes inquiète le journaliste qui estime qu’ « une
défaite d’Israël se traduirait par une agressivité arabe accrue et une poussée de l’URSS
en Méditerranée orientale95. »
Pour autant Pierre Pujo se veut un soutien rationnel d’Israël. Il ironise contre le
journaliste Jean-Jacques Servan Schreiber qui voudrait « que la France s’engageât pour
Israël "sans réfléchir". » P.Pujo ne renie pas ses engagements antisémites, bien au
contraire. Il affirme qu’il n’a aucune haine envers les Israéliens parce que « notre
antisémitisme n’a jamais visé que l’influence des juifs installés dans notre pays et non
assimilés ; il (l’antisémitisme) a dénoncé les agissements d’une communauté allogène,
aux ramifications internationales, qui, sous nos républiques, a joué un rôle funeste96. »
Ainsi, pour mieux appuyer son plaidoyer, Pujo n’hésite pas à utiliser des préjugés
antisémites classiques selon laquelle bon nombre de Juifs ne seraient pas français et
seraient, en réalité, inféodés au capitalisme mondial ou à la révolution bolchevique.
C’est presque qu’à regret que Pierre Pujo soutient l’Etat d’Israël en ce mois de juin
1967. Il le fait nettement pour des raisons stratégiques : « les intérêts des puissances
occidentales sont défendus par les Etats-Unis. Ils seraient inconcevable que, d’une façon
91 Pierre Pujo (1929-2007) est un journaliste monarchiste, fils de Maurice Pujo (cofondateur de la Revue d'Action française aux côtés de Charles Maurras en 1899). 92 PUJO (Pierre), « Les responsabilités de l’occident au Moyen-Orient », Aspects de la France, 8 juin 1967. 93 Idem. 94 Idem. 95 Idem. 96 Idem.
Page 33
ou d’une autre, nous servions les visées de l’URSS97» conclut le journaliste monarchiste.
L’ancien collaborateur et journaliste François Brignaud tient la même position dans
Minute décrivant Israël « comme le dernier bastion de l’Occident au Moyen-Orient98. »
Ils sont nombreux, les anciens collaborateurs de 1940 à soutenir l’Etat d’Israël en
1967 principalement par anticommunisme. Le collaborationniste Lucien Rebatet, ancien
journaliste à Je suis Partout prône un antisémite sans nuances entre les années 1930 et
1940 avant de se découvrir une fibre pro-israélienne en 1967. Editorialiste à Je suis
Partout, L.Rebatet se félicite en 1938 que « l’antisémitisme constitue une second nature
chez les Germains99. » La même année, il « salue les lois de Nuremberg et se félicite, à
l’occasion d’un voyage en Europe Centrale où il assiste à un pogrom, que les anti-Juifs
puissent opérer à leur guise à Vienne depuis son rattachement au Reich100. »
Lucien Rebatet n’hésite pas le 28 juillet 1944 alors que la France est sur le point
d’être libérée à assurer le national-socialisme de sa fidélité dans un de ses derniers
articles paru dans Je Suis Partout. Dans ce « testament journalistique », Rebatet défend
le nazisme d’une manière très poussée : « J’admire Hitler. Nous admirons Hitler, et nous
avons pour cela de très sérieuses raisons101 » écrit-il dans un plaidoyer long de 12
feuillets. A la libération, Lucien Rebatet sera condamné à mort puis gracié en 1947 par le
président Auriol102.
En 1967, L. Rebatet soutient la guerre israélienne contre les Etats Arabes
s’étonnant lui-même de son tout nouveau soutien à la cause sioniste : « La cause d’Israël
est là-bas celle de tous les occidentaux. On m’eut bien étonné si l’on m’eut prophétisé en
1939 que je ferais un jour des vœux pour la victoire d’une armée sioniste. Mais, c’est la
solution que je trouve raisonnable aujourd’hui103. »
97 Idem. 98 CHARPIER (Frédéric), Génération Occident, op.cit., p. 144. 99 REBATET (Lucien), « Les Juifs et l’Allemagne » in « Les Juifs », Je Suis Partout, 15 avril 1938. 100 BELOT (Robert). Critique fasciste de la raison réactionnaire : Lucien Rebatet contre Charles Maurras. In: Mil neuf cent, N°9, 1991. Les pensées réactionnaires. pp. 49-67. 101 REBATET (Lucien), « Fidélité au national-socialisme », Je Suis Partout, 28 juillet 1944. 102 IFRI (Pascal-Alain), Les deux étendards de Lucien Rebatet: dossier d'un chef-d'œuvre maudit, Paris, L'Age d'Homme, 2001, p. 26. 103 REBATET (Lucien), Rivarol, 8 juin 1967, cité in Denis Charbit, Les intellectuels français et Israël, op.cit., p 38.
Page 34
Citons également le cas de Pierre Drieu La Rochelle. Cet écrivain français est un
fervent partisan de la collaboration avec l’Allemagne. Drieu La Rochelle critiquera
même Vichy parce qu’à ses yeux ce régime ne collaborerait pas assez avec l’Allemagne,
regrettant que la collaboration d’Etat ne débouche pas sur le collaborationnisme104. C’est
le même Drieu qui la Rochelle qui affirmera dans son dernier ouvrage paru en 1945: « Je
meurs antisémite (respectueux des juifs sionistes)…J’aime les races d’ailleurs chez elles ;
j’aurais aimé sincèrement les Juifs chez eux. Cela ferait un beau peuple105 .»
Jean-Louis Tixier-Vignancourt est lui aussi un ancien collaborateur. Il a tenu le
poste clé de responsable des services de la radiodiffusion et du cinéma, puis après le 13
décembre 1940 de Secrétaire général à l’information106. A partir de mai 1941, Tixier-
Vignancour s’éloigne de Vichy. Après la seconde guerre mondiale, Jean-Louis Tixier-
Vignancour sera l’avocat de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline accusé de collaboration107.
Grand pourfendeur de la politique gaulliste en Algérie, M.Tixier-Vignancour est aussi un
partisan de la cause sioniste à Paris revendiquant le droit pour les Israéliens à un Etat et à
des frontières sûres. « La création d’Israël est véritablement le retour d’un peuple
dispersé…Rien de plus normal108 » affirme en 1969 l’ancien candidat à la présidentielle
de 1965.
Jean-Louis Tixier-Vignancour est également convaincu du caractère pacifiste de
l’Etat d’Israël uniquement perturbé par les agressions des Etats Arabes: « jamais l’Etat
juif n’aurait manifesté le moindre acte, le moindre sentiment d’impérialisme si, entre
1948 et 1968, aucun coup de feu n’avait été tiré sur ses frontières109. » M. Tixier-
Vignancour en est convaincu. Israël est dans une situation de « légitime défense110 » en
104 DAMBRE (Marc), Dieu la Rochelle: écrivain et intellectuel , Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1995, p. 45. 105 (LA ROCHELLE) Pierre Drieu, Journal 1939-1945, Paris, Gallimard, 1992, p 84 et 385. 106« Biographies des députés de la IVe République » in assemblee-nationale.fr. 107 Céline sera condamnée, pour collaboration, à une année d'emprisonnement et à l'indignité nationale avant d’être amnistié en 1951. 108 WAJSMAN P ; TEISSEDRE R. F, Nos politiciens face au conflit israélo-arabe, Paris, Fayard, 1969, p. 63. 109 Ibid., pp 63-64. 110 Ibid., p. 64.
Page 35
raison de sa position géographique111. Cette idée d’un déséquilibre stratégique de l’Etat
Juif par rapport à ses voisins arabes est relativement répandue en 1967 à l’extrême-
droite.
Le journaliste André Nicolas adopte le même point de vue dans l’hebdomadaire
monarchiste Aspects de la France du 8 juin 1967 considérant que la « maitrise de l’air
est capitale pour un pays, qui étendu sur plus de 800 km de longueur, n’a que 20
kilomètres de largeur à la latitude de Tel-Aviv, entre la Méditerranée et la frontière
jordanienne112. »
Ce large rassemblement de l’extrême-droite autour d’Israël entraine des
rapprochements parfois étonnants sur le spectre politique français. Ainsi, le 31 mai 1967,
30 000 personnes113, juives et non-juives, défilent à proximité de l’ambassade d’Israël à
Paris en signe de soutien à l’Etat Juif. Jean-Louis Tixier-Vignancour est présent à cette
manifestation tenant à montrer sa solidarité avec l’Etat hébreu. Alexandre Sanguinetti un
des dirigeants du parti gaulliste de l’époque et grand héros de la résistance a également
fait le déplacement. Ces deux personnages s’étaient affrontés deux ans plus tôt à
l’élection présidentielle de 1965. Pour expliquer ce rapprochement étonnant, le chercheur
Jean-Yves Camus avance que « beaucoup se retrouvent dans le soutien à Israël contre un
monde arabe considéré comme tête de pont de l’union soviétique114. »
Cet argument a beaucoup joué dans le rapprochement de l’extrême-droite vers
Israël mais une autre raison moins avancée serait qu’un certain nombre de personnalités
d’extrême-droite serait devenu « sioniste » par antisémitisme. Le cas de Xavier Vallat est
dans l’espèce assez symptomatique. C’est par antisémitisme qu’il tombe d’accord avec
l’idéologie sioniste des origines qui estime que les juifs sont inassimilables et doivent
vivre dans un Etat qui leur est propre.
111 « La situation géographique de ses frontières lui donne la plaine alors que ses ennemis tiennent les hauteurs » affirme M. Tixier-Vignancour in WAJSMAN P ; TEISSEDRE R. F, Nos politiciens face au conflit israélo-arabe, op.cit, p64 112 NICOLAS (André), « Les palabres n’ont pu arrêter la guerre », Aspects de la France, 8 juin 1967 113 COULON (Laurence), « Comment être juif et français ? », Archives Juives 2/2006 (Vol. 39), p. 110-121. URL : www.cairn.info/revue-archives-juives-2006-2-page-110.htm. 114 CAMUS (Jean-Yves), conférence sur l’antisémitisme d’extrême droite. Conférence citée.
Page 36
C’est le paradoxe que note l’historien Maxime Rodinson à propos d’un des
fondateurs du sionisme politique Théodore Herzl : « Converti au nationalisme, il tombait
d’accord avec les antisémites sur le diagnostic : les juifs européens formaient un élément
étranger, en partie inassimilé et à la longue inassimilable. (…)Le remède était de quitter
l’Europe, de posséder un territoire propre comme il était de règle pour les nations
ordinaires115. »
Xavier Vallat est un personnage très particulier. L’homme politique a beaucoup
étudié la « question juive » et en a tiré des conclusions antisémites. Il se fait connaitre en
1936 en lançant à la Chambre l’anathème resté célèbre contre le président du Conseil
Léon Blum : « pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un
juif. » Ce coup d’éclat lui permet d’obtenir la reconnaissance du « petit peuple
antisémite116. »
Le 9 juillet 1940, Xavier Vallat vote le projet de résolution permettant la révision
des lois constitutionnelles puis le 10, les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Il est dans la
foulée nommée secrétaire général aux anciens combattants par le gouvernement dirigé
par le Maréchal Pétain avant d’être nommé commissaire général aux questions juives en
mars 1941.
A la tête du commissariat, il alourdit la législation anti-juive, interdisant des
nouvelles professions aux juifs et promulguant une loi qui autorise l'appropriation et la
liquidation des biens juifs par le régime de Vichy. Ces actions de Xavier Vallat
s’inscrivent dans la continuité de la pensée classique d’un certain antisémitisme à la
française qui estime que les Juifs sont pour leur majorité non assimilés et inassimilables
et qu’ils exercent une influence néfaste sur la France. Xavier Vallat espère par ses
mesures purger la France du problème juif sans pour autant emprunter la voie allemande
de l’extermination. En 1942, Xavier Vallat est remplacé par un antisémite plus fanatique
115 RODINSON (Maxime), Israël et le refus arabe 75 ans d’histoire, Paris, Seuil, 1968, p.13. 116 JOLY (Laurent), Xavier Vallat : du nationalisme chrétien à l’antisémitisme d’Etat (1891-1972), Paris, Grasset, 2001, p. 158.
Page 37
Louis Darquier de Pellepoix qui poursuit la politique de collaboration avec le régime
nazi.
Pour résoudre définitivement la question juive, Xavier Vallat préconisera lors de
son procès pour collaboration en 1947 d’attribuer la nationalité juive à l’ensemble des
juifs de la diaspora. « Je crois qu’il faut (…) un lieu qui soit une espèce de cité vaticane
(…) qui permette d’attribuer la citoyenneté juive aux 9 ou 10 millions de juifs dispersés à
travers le monde et qui ait son siège à Tel-Aviv ou à Haîffa [sic], peu importe, sans pour
cela qu’on soit obligé de faire émigrer tous les juifs en Palestine117. »
Xavier Vallat se trouva ainsi paradoxalement en harmonie de pensée avec les
sionistes alors que l’Etat d’Israël n’existe pas encore. Au sortir de la guerre des 6 Jours,
Xavier Vallat poursuit ses réflexions sur le problème juif et publie dans Aspects de la
France un point de vue sur la situation au Proche-Orient le 15 juin 1967 intitulé « Mes
raisons d’être sioniste ». Xavier Vallat se lance dans cet article dans une longue
réflexion sur la question juive qui n’a cessé de l’obséder depuis la fin des années 1930.
Il s’appuie pour soutenir son propos sur un ouvrage de Bernard Lazare
L’antisémitisme, son histoire et ses causes, publié en 1894 avant la période dreyfusarde
de ce dernier. Dans ce livre, Bernard Lazare constate le caractère inassimilable des juifs
orientaux qui se tiennent pour le « peuple choisi 118» et des juifs occidentaux qui ont
gardé leur « orgueil national 119» et qui se pensent comme « une individualité supérieure,
un être différent de ceux qui l’entourent120. » X.Vallat préconise pour lutter contre cet
« Etat dans l’Etat121 » de restituer aux « membres de cette ethnie leur appartenance
juridique à leur nation, la nation juive122. Dans le contexte de la guerre des 6 Jours,
Xavier Vallat poussera son « sionisme » jusqu’à soutenir la « garantie internationale de
ses frontières historiques, du Sinaï à l’Hermon, de Méditerranée au Jourdain123. »
117 Ibid., p. 42. 118 LAZARE (Bernard), L’antisémitisme son histoire et ses causes cité par VALLAT (Xavier) in « Mes raisons d’être sioniste », Aspects de la France, 15 Juin 1967. 119 VALLAT (Xavier), « Mes raisons d’être sioniste », Aspects de la France, 15 Juin 1967. 120 Idem. 121 Idem. 122 Idem. 123 Idem.
Page 38
Autrement dit, X.Vallat souhaite qu’Israël obtienne le droit de conserver les
territoires issus de la guerre « courageusement menée124 » de 1967 qui ne seront,
pourtant, pas reconnus par les Nations Unis en vertu de la résolution 242 adopté le 22
novembre 1967 qui prévoit le retrait « israélien de(s)125 territoires occupés lors du récent
conflit. »
Ce texte de Xavier Vallat eut un certain écho. L’hebdomadaire juif La presse
nouvelle affirme que Vallat donne « le ton à une certaine presse126. » Il est vrai que les
propos de Xavier Vallat révèlent les tendances d’une certaine presse antisémitisme à
soutenir Israël sans se départir d’un antisémitisme à la française127. On pourrait ainsi se
demander avec Pierre Birnbaum si l’antisémitisme ne mènerait-il pas inéluctablement au
sionisme, « justifiant par la passion nationaliste l’honneur d’être juif …en Israël, preuve
s’il en faut de la nécessité d’une vision culturaliste qui lie étroitement chaque nation à
son propre code culturel unique128. »
b) De rares voix contre la politique menée par Israël en 1967
Le mouvement Occident est un des rares mouvements d’extrême-droite à prendre
une position neutraliste en 1967. Certes, l’hebdomadaire du mouvement affirme, dans le
même ordre de pensée que Xavier Vallat , que le sionisme est une bonne chose parce que
résolvant la solution insoluble des juifs « inassimilables ». « Nous affirmons qu’Israël se
doit d’exister et de vivre, car le sionisme est la seule issue du brulant problème des juifs
antinationaux129. »
124 Idem. 125 La version anglaise de la résolution a été sujette à contradiction en raison de sa formulation (« withdrawal of Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict ») laissant supposer à la partie israélienne et américaine que les forces armées israélienne ne devaient pas forcément se retirer de l’ensemble des territoires occupés en 1967. La version française parle de « retrait des territoires occupés. » 126 JOLY (Laurent), Xavier Vallat : du nationalisme chrétien à l’antisémitisme d’Etat (1891-1972), op.cit., p. 357. 127 On a cité les cas de Pierre Pujo, de François Brigneau, Lucien Rebatet. 128 BIRNBAUM (Pierre), « D’Un Etat l’autre » in Les intellectuels français et Israël, op.cit., p. 38 129 Occident-Université hebdo, 2 juin 1967.
Page 39
Dans le même tract, Occident s’attaque aux « juifs qui condamnent l’intervention
américaine au Vietnam et supplient ces mêmes "criminels" de les aider130 .» Les
personnalités visées ici sont les français juifs de gauche qui ont exprimé en 1967 un
soutien clair à l’Etat d’Israël. Ils sont ainsi accusés de ne pas avoir une vision cohérente
de la situation internationale aveuglée par leur soutien à l’Etat d’Israël. Occident
reproche à ces juifs de s’être déclaré favorables à l’intervention israélienne contre les
Etats Arabes mais opposés à la politique française en Algérie ou à l’intervention
américaine au Vietnam.
L’une des principales cibles d’Occident est l’ancien député socialiste Daniel
Mayer, président de la Ligue des Droits de l’homme qui aurait déclaré en 1967 « j’ai
honte d’être français mais je n’ai pas honte d’être juif131 ». Cette phrase fut mise en
exergue en haut d’un tract distribué par Occident lors du déclenchement de la guerre
israélo-arabe de 1967. Daniel Mayer fut un des principaux pourfendeurs de la politique
française répressive menée en Algérie par le premier ministre socialiste Guy Mollet132 en
1956-1957. C’est pourquoi cette phrase sur sa « honte d’être français » lui est d’autant
plus reprochée par Occident qui sous-entend que Daniel Mayer n’est pas un patriote
parce que n’ayant pas soutenu la cause de l’Algérie française.
Occident va même plus loin en soutenant que Daniel Mayer n’est pas un français
comme les autres133. « Pourquoi ces gens dont la patrie est apparemment Israël se
proclament-ils français et ne bénéficient-ils pas du statut d’étranger en France134 » se
demande Occident citant nommément Daniel Mayer, Pierre Mendès-France, l’homme
politique socialiste Pierre Fuzier, le philosophe Jankélévitch, Debré et Kapplan(sic)135. La
majorité des hommes cités sont plutôt proches de la gauche à l’exception de Michel
Debré et de Jacob Kaplan qui ne s’occupe pas véritablement de politique.
130 Idem. 131 La citation exacte de Daniel Mayer est « J’ai honte d’être français, puisque la politique officielle de la France, pour la seconde fois en moins de trente ans, signifie l’abandon, à l’heure du danger, d’un pays ami et allié. J’ai honte d’être homme puisque rien n’est fait par l’humanité contre la répétition du génocide. Pour répondre à l’avance à certains, j’ajoute que je n’ai pas honte d’être juif. » 132 Cf « Biographie de Daniel Mayer » in http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/mayer-daniel-29041909.asp. 133 Rappelons que Daniel Mayer s’engage dans la résistance dès 1940. 134 Tract d’Occident, juin 1967. 135 Faisant sans doute référence au grand rabbin de France Jacob Kaplan.
Page 40
Pour résoudre le problème de ces juifs accusés, à mots couverts de double
allégeance, Occident préconise la survie de l’Etat d’Israël après cette guerre de 1967:
« Israël doit vivre mais Israël doit aussi rapatrier cette intelligentzia sémite (et ses
séïdes136) qui vient de montrer, une fois de plus, son inféodation à des intérêts contraires
à ceux de l’Occident137. » Occident fait ici allusion au vieux préjugé antisémite de
l’inféodation du judaïsme au bolchevisme.
Dans un autre tract, Occident renvoie les deux protagonistes dos à dos affirmant
que les deux parties ne lui procurent aucune sympathie et qu’elles les laisseraient bien
s’exterminer entre elles138.
Les positions du mouvement Occident, bien moins favorable à Israël que la
majorité de l’extrême-droite, mécontenteront fortement certains militants d’Occident, qui
comme Serge Volyner responsable du service d’ordre de l’organisation, opère un virage
identitaire à la suite de la guerre des 6 Jours. En 1969, Serge Volyner sera l’un des
membres refondateurs du Betar en France, une organisation anticommuniste, sioniste
proche du Likoud et dont l’idéologue est Zeev Jabotinsky auteur du Mur d’Acier qui a
créé ce mouvement en 1923 à Riga en Lettonie.
D’autres auteurs ne se départiront pas de leur antisionisme. Il s’agit de Maurice
Bardèche qui anime la revue Défense de l'Occident139 ou encore de François Duprat qui
vitupère dans Défense de l’Occident en juillet 1967 contre « l'exploitation des pseudo
"Six millions de morts du national-socialisme » qui « a arraché à l'Allemagne fédérale
un milliard de dollars depuis 1952140, » faisant référence aux réparations payés par la
RFA à l’Etat d’Israël depuis 1952 pour les victimes juives du nazisme.
136 Séide signifie partisan. 137 Occident-Université hebdo, 2 juin 1967. 138 Occident-Université n°3 cité in CHARPIER (Frédéric), Génération Occident, op.cit., p. 147. 139
Défense de l’Occident, animée par Maurice Bardèche, est « la plus importante revue de l’extrême-droite française de l’après-guerre » mais également « la plus efficace propagandiste de la négation du génocide nazi » (cf CAMUS (Jean-Yves) et MONZAT (René), Les droites nationales et radicales en France, Paris, PUF, 1992, pp41-43). Cette revue nait en 1952, paraitra jusqu’en 1982. 140 L'agression Israëlienne-Revue Défense de l'Occident - juillet 1967- cité par IGOUNET (Valérie), Une histoire du négationnisme en France, Paris, Seuil, 2000, p. 130.
Page 41
François Duprat ne reconnait pas la réalité du génocide nazi contre les Juifs. Sa
logique de pensée est typique d’un courant d’extrême-droite qui allie négationnisme,
antisémitisme à peine dissimulé derrière un antisionisme d’une rare virulence. Nous y
reviendrons.
L’extrême-droite française s’est ainsi ralliée massivement à Israël durant cette
année 1967, soutenant l’armée israélienne dans son combat contre les Etats-Arabes. En
effet l’hypothèse d’une destruction de l’Etat d’Israël était une hantise pour ces
personnalités d’extrême-droite qui craignaient que l’URSS ne puisse étendre son
influence en Méditerranée. La victoire israélienne est, par ailleurs vu, comme un moyen
de prendre sa revanche sur le FLN soutenu par de nombreux Etats arabes. Enfin, c’est par
antisémitisme que certains militants d’extrême droite vont se rallier à la cause israélienne.
Il s’agit de soutenir l’existence d’un Etat juif durable pour ne plus avoir à gérer le
problème des « juifs anti-nationaux ». Cette réflexion irrigue déjà la pensée de l’extrême-
droite dès le début du XXe siècle comme le montre les écrits de E.Drumont.
Notons que le soutien majoritaire à l’extrême-droite à Israël durant l’année 1967
est largement partagé par la population française. Un sondage de l’IFOP du 8-13 juin
1967 indique que pour 58% des français, leur sympathie vont à Israël contre seulement 2
% aux Etats arabes (27% à ni à l’un ni à l’autre, 13% sans opinion141). Ce soutien massif
à Israël se retrouve à l’extrême-droite qui est ainsi parfaitement en phase avec l’opinion.
Les positions majoritairement favorables à Israël à l’extrême-droite évolueront également
avec l’opinion française.
141 IFOP : sondage du 8-13 juin 1967 sur le conflit israélo-arabe. Voir document en annexe.
Page 42
Section II- Le lent reflux de la sympathie pro-israélienne à l’extrême
droite de la fin des années 1960 jusqu’à 1982
La guerre des Six Jours fut un moment de soutien très marqué à Israël par
l’extrême-droite française. En 1967, les antisionistes et les « anti-israéliens » sont
minoritaires à l’extrême-droite. Ils vont prendre une place de plus en plus importante
dans le mouvement en faveur d’un changement de circonstances au niveau international
ainsi qu’en raison de l’apparition d’un mouvement négationniste à l’extrême-droite.
A) Le développement du phénomène de l’antisionisme à l’extrême-droite
L’antisionisme de l’extrême-droite se développe en parallèle au développement du
mouvement négationniste. Le négationnisme est un mouvement « pseudo-scientifique »
tendant à nier l’extermination de 6 millions de juifs durant la seconde guerre mondiale.
Ce mouvement nait à l’extrême-droite en 1948 avec la parution de Nuremberg ou la
terre promise de Maurice Bardèche. Ce livre fut tiré à 25.000 exemplaires avant d’être
interdit à la vente en 1952142.
Comme l’explique l’historienne Valérie Igounet « La guerre des Six jours initie ce
changement fondamental dans la rhétorique négationniste : la cause palestinienne
devient la nouvelle cause à défendre. L'Etat d'Israël est paré des stigmates d'un État
raciste. À ce moment, l'utilisation du discours négationniste revêt une autre ampleur, et
par là même se dote d'une nouvelle signification : détruire l'État “impérialiste”
sioniste143. »
L’historienne Valérie Igounet lie ainsi ce phénomène négationniste à cette volonté
de lutter contre un Etat Juif au Proche-Orient. L’objectif des négationnistes antisionistes
est de prouver qu’il n’y a pas eu de génocide juif afin de délégitimer l’existence de l’Etat
d’Israël qui aurait été créé à titre de compensation après la Shoah. On retrouve cet
argument particulièrement chez le journaliste d’extrême-droite François Duprat qui
142 IGOUNET (Valérie), Histoire du négationnisme en France, op.cit., p. 130. 143 Ibid., p. 131.
Page 43
soutient le mouvement national arabe tout en pratiquant un antisionisme assez violent :
« en droit comme en fait, Israël, oiseau de proie au Moyen-Orient, est une construction
artificielle, vaine et mensongère, qui disparaîtra tôt ou tard144 » écrit François Duprat en
juillet 1967 dans Défense de l’occident.
Un des arguments classiques de l’extrême-droite antisioniste pour combattre Israël
est de le nazifier. Ce ne sont pas les nazis qui auraient commis un génocide mais bien
l’Etat d’Israël envers les Palestiniens. « Bâti [L’Etat Israélien] sur une injustice et sur
un véritable génocide (car l'expulsion de tout un peuple de sa patrie est un génocide, au
même titre que son extermination), Israël poursuit, grâce au soutien inconditionnel de la
juiverie internationale, sa "Solution Finale" du problème arabe. Et, à la différence de la
solution finale des SS du IIIe Reich, il est bien question là d'une liquidation globale du
fait arabe au sein de l'Etat juif145. »
Il est paradoxal de noter que ce sont ces personnalités d’extrême-droite tels
François Duprat qui nient l’existence d’un génocide envers le peuple juif mais qui
réutilise cette notion de « génocide » sans arrêt, la plupart du temps sans raison objective.
Le terme de génocide fut défini en 1948 par la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide. « Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-
après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux146. »
F.Duprat réinvente la notion de génocide en affirmant que « l'expulsion de tout un
peuple de sa patrie est un génocide147. » Ce qui inexact au titre de la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide. Dans le même temps F.Duprat emploie
le terme de « solution finale » dans une allusion à la politique nazie envers les Juifs
durant la seconde guerre mondiale. Or, le renversement est total puisque ce sont ici les
Juifs qui recherchent une « solution finale » au problème arabe. Les « supposés » 144 DUPRAT (François), « Les violations des accords d'armistice par Israël », Défense de l'Occident, numéro spécial « L'agression israélienne » juillet 1967, p. 28. 145 Idem. 146 « Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide » approuvée par l'Assemblée générale des Nations-Unis dans sa résolution 260 du 9 décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951 in www2.ohchr.org/french/law/genocide.htm. Dernière consultation le 1 février 2011. 147 DUPRAT (François), « Les violations des accords d'armistice par Israël », art.cit., p. 28
Page 44
victimes seraient alors devenus les bourreaux dans un retournement de l’histoire assez
ironique. François Duprat ne se contente pas uniquement de paroles anti-israéliennes
dans les journaux d’extrême-droite. Il crée également une organisation appelée
Rassemblement pour la libération de la Palestine (RLP) situé sur la ligne violemment
anti-israélienne du Fatah des années 1970. Néanmoins, le but de François Duprat est
avant tout de limiter l’influence du sionisme à l’extrême-droite: « en fait, le RLP était
uniquement destiné à lutter contre les tendances pro-sionistes délirantes de l’extrême
droite. (…) Avec Maurice Bardèche, nous avons été les seuls à prendre une position
nettement anti-Israël. Ce n’était pas courant à l’époque. Je suis heureux de voir que nous
avons été suivis sur cette voie-là148 .»
A l’extrême-droite, le combat pro-arabe attire de nombreux militants au milieu des
années 1970 (même si un soutien à la cause arabe ne signifie pas un soutien à la cause
palestinienne). Dans leur ouvrage Les rats Maudits, publié en 1995, les auteurs
antisionistes Frédéric Chatillon, Thomas Lagane et Jack Marchal affirment qu’un certain
nombre de militants nationaliste français partiront pour Beyrouth pour soutenir par les
armes la population maronite du Liban. Fin 1976 il y a à peu près une centaine de
volontaires français qui étaient partis se battre au Liban149.
L’extrême-droite antisioniste se veut également le pourfendeur intransigeant de la
politique israélienne tombant très suivant dans le cliché antisémite. Israël est ainsi vu par
ces antisionistes d’extrême-droite, comme au début du XXe siècle, comme un moyen de
domination internationale. François Duprat note l’existence d’une « juiverie
internationale150 » au service de l’Etat d’Israël.
Ce préjugé irrigue les arguments des militants d’extrême-droite qui comme Mme
A. V du Val-d'Oise dans Rivarol du 13 juillet 1967 se lamente de la victoire israélienne
au Proche-Orient. Cette sympathisante d’extrême-droite récuse l’argument développé par
148 LEBOURG (Nicolas), « L'invention d'une doxa néo-fasciste : le rôle de l'avant-garde nationaliste-révolutionnaire. Idéologie négationniste, propagandes anti-américaine, anti-immigration, anti-juive », Domitia, Presses Universitaires de Perpignan, Perpignan, n°1, octobre 2001, pp.99-132. 149 CHATILLON (Frédéric), LAGANE (Thomas) et MARCHAL (Jack), Les Rats maudits. Histoire des étudiants nationalistes 1965-1995, Édition des Monts d'Arrée, 1995, pp 86-87. 150 DUPRAT (François), « Les violations des accords d'armistice par Israël », art.cit., p. 28.
Page 45
Rivarol durant le mois de mai-juin 1967 selon lequel Israël défendrait « la civilisation
occidentale contre l'infiltration communiste dans le Proche et Moyen-Orient151. » Il
parait inconcevable à cette dame que les Israéliens qui « sont avant tout, des Juifs152 » ne
puisse défendre d’autre cause que « la juiverie internationale153 », c’est-à-dire le
communisme et le capitalisme dans la phraséologie de l’extrême-droite.
En 1972, le FN est créé. Jean-Marie Le Pen est nommé président de ce nouveau
parti mais il est contesté en interne en particulier par le journaliste de Minute François
Brigneau et l’homme politique Alain Robert qui quitteront le parti après des désaccords
en 1973154. François Duprat sera un des proches de Jean-Marie Le Pen. Il contribuera à
accroitre l’influence de la mouvance antisioniste au FN jusqu’à sa mort dans des
circonstances obscures155 en 1978. François Duprat influencera un auteur négationniste
comme Robert Faurisson qui mêlera aussi son négationnisme à une dénonciation du
sionisme.
Robert Faurisson est un maitre de conférences à l’université Lyon III. En 1979, il
se fait connaitre en écrivant une lettre au Monde intitulée Le problème des chambres à
gaz ou « La rumeur d'Auschwitz » où il nie la réalité des chambres à gaz156. Ces
déclarations provoquent un tollé. Il est interdit de cours à l’université de Lyon. Pour
expliquer l’invention de cette « mythologie » des chambres à gaz puis plus globalement
du génocide, il affirme que cette « invention (de la Shoah) est d'origine essentiellement
sioniste. Elle a eu des retombées politico-financières dont l'Etat d'Israël est le principal
bénéficiaire. Jamais Hitler n'a donné l'ordre de tuer ne serait-ce qu'un seul homme en
raison de sa race ou de sa religion157. »
On retrouve ainsi l’un des principaux thèmes des négationnistes selon lequel la
Shoah aurait été inventé pour satisfaire la cupidité des Juifs ici symbolisée par l’Etat
151 Rivarol, « Nos lecteurs nous écrivent », 13 juillet 1967, p. 4. 152 Idem. 153 Idem. 154 LEVEQUE (Pierre), Histoire des forces politiques en France de 1940 à nos jours, op.cit., pp 454-455. 155 WINOCK (Michel), « Les sources historiques du Front national », article repris dans La France politique : XIXe-XXe siècle, Paris, Éditions du Seuil, 1999, p. 282. 156 GREILSAMER (Laurent), « L'obstiné négateur du génocide », Le Monde, 19 septembre 1989. 157 Idem.
Page 46
d’Israël. Valérie Igounet parle, pour sa part, d’un triptyque : « antisionisme,
antisémitisme et négationnisme 158» qui s'installe « durablement dans le discours
extrémiste159 » après la guerre des 6 Jours.
B) Le positionnement de la presse d’extrême-droite durant la guerre de
Kippour
La presse d’extrême-droite s’affirme comme bien moins israélophile à partir de
1967. Ce mouvement se poursuit au cours de la guerre de Kippour. Une des raisons
principales que l’on pourrait évoquer pour expliquer le ralliement d’une partie de
l’extrême-droite à la cause arabe est la peur de voir le monde arabe se retourner contre
l’occident et couper ses approvisionnements en pétrole.
Cette crainte se retrouve dès 1967 dans la revue Défense de l’Occident de Maurice
Bardèche. L’essayiste français Pierre Fontaine qui s’était spécialisé dans la géopolitique
du pétrole160 perçoit dans Défense de l’Occident la création de l'Etat Juif comme « un
véritable subterfuge en vue de la maîtrise du pétrole arabe161 .» Un avis que partagea
l’un des précurseurs du négationnisme en France Paul Rassinier dans son dernier article
« Une Troisième Guerre mondiale pour le pétrole ? », diffusé en 1967 dans Le Soleil162,
une feuille antisioniste dirigée par Pierre Sidos.
En 1973, la question pétrolière a pris une ampleur bien plus grande pour les
occidentaux et en particulier pour la France. Le gouvernement français a accru de
manière notable ses importations de pétrole en raison de l’accélération de la croissance
française portée par la consommation des ménages. En 1968, la France importait 77
millions de tonnes163 de pétrole. Cinq ans plus tard en 1973, c’est 136.5 millions de
158 IGOUNET (Valérie), Histoire du négationnisme en France, op.cit., p131. 159 Idem. 160 Citons FONTAINE (Pierre), Les Secrets Du Pétrole, Paris, Les Sept couleurs, 1963 ou FONTAINE (Pierre) La guerre froide du pétrole, Paris, Je sers, 1955. 161 IGOUNET (Valérie), « ‘Révisionnisme’ et négationnisme au sein de l'extrême droite française » in Négationnistes : les chiffonniers de l'histoire (ouvrage collectif), Paris, éd Syllepse/Golias, 1997. Consulté in phdn.org/negation/igounet97.html le 31 janvier 2010. 162 Idem. 163 Direction des Douanes ; Insee cité in DEBONNEUIL (Michèle). Quelques données sur le coût énergétique. In: Economie et statistique, N°115, Octobre 1979. Dossier horizon 1985. pp. 27-31. Consulté le 31 janvier 2011
Page 47
tonnes164 que la France achetait à l’extérieur de ses frontières. Sans compter que 72% de
ces importations165 provenaient du Moyen-Orient en 1973, aggravant l’importance
stratégique de cette région pour la France à la veille de ce nouveau conflit israélo-arabe.
L’enjeu pétrolier fut bien compris par les pays arabes qui décidèrent les 16 et 17 octobre
par le biais de l’OPEP d’entamer un embargo de pétrole vers certains pays occidentaux
mais également le passage du prix du baril de pétrole de 2$ à 10$ le baril.
Cette question pétrolière irrigue la réflexion de l’extrême-droite au moment de la
guerre de Kippour. « Est-ce bien malin pour la France d’avoir une politique étrangère
qui ne prend pas résolument, définitivement, frontalement le parti des pays arabes ?166 »
se demande une partie de la presse d’extrême-droite selon le chercheur Jean-Yves
Camus.
C’est le cas du mensuel Lectures Françaises dirigé par le très antisioniste Henry
Coston qui tire à 20 000 exemplaires167 durant les années 1970168. L’une des grandes
inquiétudes exprimées par le mensuel est le risque d’une guerre pour le pétrole, et ce
même avant le début des hostilités d’octobre 1973. Ainsi, en septembre 1973, Henry
Coston écrit un article sur cette «guerre du pétrole (qui) entre dans une phase
décisive 169» exprimant ses craintes d’un risque de pénurie de pétrole. Henry Coston
attaque également ce « lobby sioniste170 » qui pousserait à la guerre contre les Etats
arabes.
Le début des hostilités entre les Etats Arabes et l’Etat Juif donne l’occasion à
Lectures Françaises de remettre en question la pertinence d’un Etat Juif au Proche-
Orient. Dans un article non signé titré : « Le 4ème épisode d’une guerre de cent ans171 »,
164 Idem. 165 Idem. 166 CAMUS (Jean-Yves), conférence sur l’antisémitisme d’extrême droite. Conférence citée. 167 Ce tirage ne suffit pas à garantir la stabilité du magazine qui connait de graves difficultés financières comme le prouve cet entrefilet paru dans le numéro de mai 1973 de Lectures Françaises : « La vie de la revue est assurée, grâce (…) à ceux qui ont répondu présent à notre appel. (…) Les épreuves ont un avantage : elle permettent de voir qui sont vos amis.» 168 IGOUNET (Valérie), Histoire du négationnisme en France, op.cit., p29 169 COSTON (Henry), « La guerre du pétrole entre dans une phase décisive », Lectures Françaises, septembre 1973, pp13-15. 170 Idem. 171 Lectures Françaises, « Le 4ème épisode d’une guerre de centre ans », novembre 1973, pp1-3.
Page 48
Lectures Françaises s’oppose à l’idée de la création d’un Etat pour le peuple Juif
estimant que la création de cet Etat a permis de favoriser la domination d’un lobby juif.
C’est un argument qu’on retrouve souvent chez les penseurs d’extrême-droite
antisionistes172 . Vingt-cinq ans après la création d’Israël, le débat n’est toujours pas clos
et Lectures Françaises affirme que « L’Etat hébreu est le bastion d’un vaste empire
économique et financier qui tend à dominer notre planète173 ». Lectures Françaises
insiste sur cet aspect en notant que « l’établissement d’un Etat(…) qui deviendrait le
centre le centre d’un vaste empire invisible dont les ramifications s’étendraient de New
York à Londres en passant par les centre nerveux de l’occident, serait un grave danger
pour l’indépendance des nations174. »
Plus étonnant, le journaliste monarchiste Pierre Pujo qui fut un des soutiens à la
politique israélienne en 1967 au nom de la lutte contre le bolchevisme se transforme en
contempteur de cette même politique en 1973. Dans un éditorial de l’hebdomadaire
monarchiste Aspects de la France175 du 11 octobre 1973, P.Pujo écrit qu’ « Israël reste
une création artificielle au Proche-Orient.(…) L’exclusivisme religieux qui le guide, sa
volonté de s’approprier la ville sainte entre toutes de Jérusalem, les ramifications qu’ils
entretient dans les communautés juives du monde entier, ses prétentions excessives et
« dominatrices », en font un Etat (…) qui ne parvient pas à s’intégrer dans le concert des
nations176 .»
Pour comprendre la nouvelle position de Pierre Pujo, il s’agit de ne pas faire
abstraction du contexte international. Nous sommes dans une logique de détente entre les
Etats-Unis et l’URSS dont le meilleur exemple est le traité de limitation des armements
(SALT) signé à Moscou en 1972. Ainsi, Israël n’est plus un pion aussi important dans la
lutte contre le bolchevisme puisque les tensions se sont apaisées entre les deux blocs.
172 En 1967 François Duprat notait par exemple l’existence d’une « juiverie internationale » au service de l’Etat d’Israël. Infra p. 40. 173 Lectures Françaises, « Le 4ème épisode d’une guerre de centre ans », novembre 1973, pp1-3. 174 Idem. 175 L’hebdomadaire revendique un tirage de 25 000 exemplaires. 176 Aspects de la France, 11 octobre 1973 cité Lectures Françaises, novembre 1973, p 27.
Page 49
Depuis 1967, Israël contrôle les lieux saints à Jérusalem. Cet état de fait donne lieu
à l’opposition du journaliste traditionnaliste Pierre Pujo qui y voit une manière de priver
les chrétiens de leur droit sur la vieille ville de Jérusalem. Cette attaque fait écho à
l’éditorial de Jacques Bainville de 1920 qui s’inquiétait de l’action du mouvement
sioniste accusé de « traiter en intrus les représentants des communautés chrétiennes177 .»
Enfin Pierre Pujo reprend les arguments de l’extrême-droite antisioniste qui voit
en l’Etat d’Israël un moyen crée par les Juifs pour assurer leur domination sur le monde.
Il est également symptomatique de voir que les propos du général de Gaulle sur ce peuple
juif « dominateur » a littéralement délié les langues à l’extrême-droite puisque le
journaliste Pierre Pujo y fait allusion dans son exposé ainsi que le mensuel Lectures
Françaises qui objecte que « la situation serait probablement différente s’il ne s’agissait
pas d’un ‘peuple dominateur et sur de lui-même’ (…), ni d’une contrée stratégique en
pétrole178 .»
Le mensuel Défense de l’Occident, qui s’est spécialisé depuis les années 1950
dans le « révisionnisme » du génocide juif179, est également un des grands contempteurs
de la politique israélienne. Le fondateur du négationnisme Maurice Bardèche y écrit
régulièrement. Dans le numéro de décembre 1973, Maurice Bardèche livre ses
conclusions sur le récent conflit israélo-arabe attaquant la politique proche-orientale des
Etats–Unis qu’il estime mauvaise parce que trop éloignée des positions arabes. Pour
expliquer, ce positionnement stratégique Maurice Bardèche voit la main du « lobby
juif 180» qui contrôlerait et dirigerait l’Amérique.
Dans un deuxième article, publié dans le même numéro, le négationniste181 Pierre
Hofstetter, traite lui aussi de la question du « lobby sioniste aux Etats-Unis182 ». La
177 BAINVILLE (Jacques), Les effets du sionisme, L.’Action Française, 20 décembre 1920 178 Lectures Françaises, « Le 4ème épisode d’une guerre de centre ans », art.cit. 179 Par exemple, le numéro d’octobre-novembre 1973 de Défense de l’Occident titre, dans un article non signé sur le « mensonge d’Auschwitz » affirmant qu’un témoin « a pu constater que les conditions de vie étaient normales [à Auschwitz], notamment quant à l’ordre et à la propreté. Les détenus étaient bien vêtus et faisaient bonne
impression. » 180 BARDECHE (Maurice) « L’Amérique Juive », Défense de l’Occident, décembre 1973, pp3-6. 181 Pierre Hofstetter a écrit l’introduction du livre négationniste de Paul Rassinier traduit en anglais Debunking the genocide myth: a study of the Nazi concentration camps and the alleged extermination of European Jewry, Los Angeles, Noontide Press, 1978.
Page 50
nomination du nouveau secrétaire d’Etat Henry Kissinger lui inspire des commentaires
sur son origine juive supposée et sur ses prétendues accointances avec le Kremlin183.
Kissinger est aussi présenté comme « sioniste zélé184 ». Enfin, Israël est analysé comme
un Etat ne vivant que grâce à l’appui du « lobby juif mondial » et dont la survie au
Proche-Orient est une faute. Ainsi, pour Pierre Hofstetter, Israël est un « Etat artificiel,
dépourvu de toute consistance historique,(…) ne vivant que du soutien de la juiverie
mondiale(…), belliciste et d’un racisme primaire, [Israël] n’est (…), nullement un " foyer
de civilisation occidentale " au Proche-Orient (…) mais un énorme furoncle pestilentiel
qui empoisonne déjà tout le bassin méditerranéen185 ».
Pour comprendre ces admonestations contre Israël, au-delà de la dimension
antisémite sous-jacente des accusations contre la « juiverie mondiale », il s’agit de
comprendre qu’Israël est vu par Défense de l’Occident comme la face renversée du
communisme au Proche-Orient. Autrement dit, Israël ferait le jeu du bolchevisme en
dépit de son alliance avec l’Occident comme lorsque les Juifs capitalistes étaient accusés
dans les années 1930 de faire le jeu du bolchevisme. C’est ce qu’exprime Pierre
Hofstetter quand il écrit que « l’anticommunisme et le sionisme sont antinomiques186. »
Cette peur d’un Israël, en réalité, agent du bolchevisme est très présente dans Défense de
l’Occident et on retrouve également cette préoccupation dans la revue Lectures
Françaises.
.
A l’hebdomadaire Minute la question pétrolière est également au centre des débats
en 1973. Néanmoins, pour le magazine, cette crise pétrolière est analysée comme relevant
de la responsabilité des Etats-Arabes. Ainsi dans le numéro du 10 au 16 octobre 1973, un
article non signé, titré « Ils vont finir par nous le couper187 » accable les Etats Arabes qui
ne se contentent pas des gages d’amitié de la France : « les bonnes relations que nous
entretenons avec eux [les Etats Arabes] et notre attitude plus que réticente à l’égard
182 HOFSTETTER (Pierre), « Le lobby sioniste aux Etats-Unis », Défense de l’Occident, décembre 1973, pp7-11. 183 Idem. 184 Idem. 185 Idem. 186 Idem. 187 Minute fait, bien entendu, allusion au pétrole.
Page 51
d’Israël ne sont toutefois pas des gages suffisants de notre sécurité dans le domaine
pétrolier188. »
Dans les numéros suivant, les attaques contre le « chantage » opéré par les Etats
Arabes se fait plus violent. A l’illustration d’une photo de deux hommes habillés en
costume traditionnel arabe, encadré par une Rolls Royce, Minute commente : « un petit
chantage, (…) il faut bien ça aux rois du pétrole pour s’offrir des Rolls Royce en or
massif et des gardes équipés de mitraillettes en plaque189 ». Dans le numéro du 7 au 13
novembre, Minute titrera même sur le « honteux Munich » devant « les Arabes »
qu’ « on accepte sans réagir ». Le journal insistera en page intérieures sur la non
efficacité ainsi que sur la lâcheté de la politique pro-arabe de la France, prenant des
accents « blumiens190 » : « ce Munich pétrolier ne nous vaudra même pas le lâche
soulagement de remplir nos réservoirs d’essence et nos citernes de fuel191 » affirme
l’hebdomadaire.
La politique pro-arabe menée par le Général de Gaulle et ses successeurs est
violemment remise en cause. « Au terme de l’aventure gaullienne, il leur reste la honte
d’avoir abandonné, pour l’ombre d’un plat de lentilles, la valeureuse jeunesse d’Israël
qui se bat et meurt aux Thermopyles de l’occident192 » écrit René Saive dans le numéro
du 24 au 30 octobre 1973.
Moins lyrique, l’hebdomadaire Rivarol tiré à 30 000 exemplaires dans les années
1970 utilise également le conflit israélo-arabe pour attaquer la politique du président
Pompidou. Les attaques de Rivarol portent particulièrement sur la phrase du ministre des
Affaires étrangères français Michel Jobert qui s’était demandé si « remettre les pieds chez
soi constituent forcément une agression imprévue193 ». C’est l’occasion pour Rivarol, non
pas de défendre Israël puisque le journal se demande dans un édito du 18 octobre 1973 si
188 Minute, 10-16 octobre 1973. 189 Minute, 24-30 octobre 1973. 190 Dans une formule restée célèbre à propos des accords de Munich, Léon Blum écrit une tribune dans Le Populaire en octobre 1938 où il estime que : « la guerre est probablement écartée. Mais [...] je n'en puis éprouver de joie et me sens partagé entre un sentiment de lâche soulagement et de honte » 191 Minute, 7 au 13 novembre 1973. 192 SAIVE (René), « La France à la merci des Arabes », Minute, 24-30 octobre 1973. 193 Lectures Françaises, « Partis et journaux », novembre 1973, pp 27-32.
Page 52
la création d’Israël n’a pas été une erreur mais de mener la lutte contre l’incompétence du
gouvernement de G.Pompidon : « Cela dit(…), le confident numéro 1 de M. Pompidou
[M. Jobert] a cru pouvoir expédier en 15 mots –favorable à 100% aux arabes- un
problème dont la complexité dramatique éclate aux yeux des moins avertis194 » écrit
Rivarol dans son éditorial du 11 octobre 1973.
Il s’agit, également pour Rivarol de combattre la politique gaulliste de la France
jugé non cohérente. Rivarol affirme que « La France s’interdit de jouer un rôle d’arbitre
en confondant ‘politique arabe’ et ‘politique pro-arabe’. On ne saurait être juge et
partie195 ». L’hebdomadaire raille le manque de capacité du président de la
République en citant cette sentence cruelle d’un diplomate : « M. Georges Pompidou a
mis au Proche-Orient ses pas dans ceux du général de Gaulle, mais il a chaussé de plus
gros sabots196. »
Cette politique gaulliste serait également responsable de l’absence de réponse
européenne à la crise proche-orientale selon l’hebdomadaire Rivarol. Or le journal
souhaiterait, en opposition à la vision gaullienne, « une Europe, politiquement,
diplomatiquement, militairement unie, en liaison étroite, franche et permanente avec les
Etats-Unis d’Amérique197. »
La guerre des Six Jours marque peut-être l’apogée du soutien de l’extrême-droite à
Israël. Pour autant, l’apparition du discours négationniste et antisioniste, les déclarations
du général de Gaulle en novembre 1967 sur ce peuple « sûr de lui-même et dominateur »,
le changement des conditions géopolitiques sont autant de facteurs qui permettent une
évolution des positions de l’extrême-droite sur la question israélienne. Presque
unanimement favorable à Israël en 1967, l’extrême-droite se divisera lors de la guerre de
Kippour même si les journaux d’extrême-droite à plus forts tirages continueront de
soutenir l’Etat d’Israël.
194 Editorial de Rivarol, « La 4eme guerre israélo-arabe, et la paix du monde, une épreuve pour la détente. », 11 octobre 1973. 195 Rivarol, 11 octobre 1973. 196
Editorial de Rivarol, 18 octobre 1973. 197 Rivarol, 1er novembre 1973.
Page 53
Partie 2 Les contradictions de l’extrême-droite sur la
question israélienne (1982-2011)
Page 54
Section I- Extrême-droite : entre soutien à la cause palestinienne et
volonté de rapprochement avec Israël (1982-2001)
A) Une majorité de journaux d’extrême-droite se détourne d’Israël au
moment de la guerre du Liban (1982)
1) Diabolisation d’Israël, glorification des chrétiens du Liban
La cinquième guerre israélo-arabe éclate le 6 juin 1982 avec l’invasion par Israël
du territoire libanais en réaction à la tentative d’assassinat contre l’ambassadeur israélien
à Londres mené par le groupe palestinien Abou Nidal. En lançant cette opération, Israël
devient une des principaux acteurs de la guerre civile extrêmement violente entre
différentes factions ethniques libanaises qui a débuté en 1975.
De la guerre israélo-libanaise de 1982, l’opinion internationale ne retiendra
pratiquement que l’événement des massacres de Sabra et Chatila perpétrés par les milices
chrétiennes de Bachir Gémayel (après son assassinat le 14 septembre 1982) les 16 et 17
septembre 1982 sous l’œil passif des forces israéliennes. Cet événement meurtrier sera
l’occasion d’un déferlement anti-israélien sans précédent dans la presse française
traditionnelle ainsi que dans la presse d’extrême-droite. Israël est littéralement nazifié.
A titre d’exemple, le journal Libération publie dans son édition du 20 septembre
1982, un édito de Gérard Dupuy intitulé « Le sang chaud de sang-froid ». L’auteur se
lance à plusieurs reprises dans des analogies entre ce massacre de Sabra et Chatila et les
crimes nazis. A la date où le journaliste écrit, il était encore difficile de savoir qui avait
perpétré le crime, le reporter émet alors l’hypothèse que les Israéliens n’ont pas participé
directement à la tuerie mais qu’ils en sont tout de même coupables: « la participation
directe de l'armée israélienne semble exclue (de même, la Wehrmacht s'est rendue
coupable de peu de crimes de guerre ; les nazis disposaient pour cela de "spécialistes ",
miliciens ou SS)198. »
198 DUPUY(Gérard), « Le sang chaud de sang-froid », Libération, 20 septembre 1982
Page 55
Le journaliste poursuit son analogie en nazisme et la politique de l’Etat d’Israël.
« On assiste, au sortir du grand génocide nazi, à une perversion majeure de l'éthique
juive. (…) Les Israéliens diront "On ne voulait pas, on ne savait pas". Mais croit-on que
le populo allemand, pas plus hitlérien que le voisin, a reconnu de gaieté de cœur
l'existence de Dachau ou d'Auschwitz199 ? »
Cet article de Libération est symbolique d’une attitude de la presse française
envers Israël en 1982200. A l’extrême-droite, une partie des commentaires de la presse
n’hésite également pas à utiliser cette analogie avec le nazisme tandis qu’une autre partie
défendra les actions de l’Etat Israël même après les massacres de Sabra et Chatila
Le quotidien Présent, proche des catholiques traditionalistes201, naît le 5 janvier 1982.
Il est composé de 4 feuilles journalières et se diffuse uniquement par abonnement dans
ses premières années. Il est très difficile d’estimer le tirage de cette feuille d’extrême-
droite mais Présent est considéré comme un des trois principaux journaux de ce courant
politique avec Rivarol et Minute202.
Ce quotidien adopte une politique assez particulière durant la guerre du Liban
prenant position en faveur des Phalanges Chrétiennes de Bachir Gemayel tout en
condamnant avec virulence l’action israélienne qui était pourtant l’allié203 de cette milice
chrétienne. Certains de ses journalistes, tels que l’ancien chroniqueur de Minute et co-
fondateur du Front National François Brigneau se distingueront en 1982 par une
opposition à la politique israélienne sur fond d’analogie entre le régime nazi et le
gouvernement israélien. Ce journaliste s’était pourtant fait remarquer en 1967 par un
soutien à l’Etat hébreu par anticommunisme.
199 Idem. 200 BOURDON (Jérôme), Le récit impossible : le conflit israélo-palestinien et les médias, Paris, De Boeck/INA Editions, 2009, p. 100. 201 MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline) « Marine Le Pen: pourquoi “Rivarol”, “Minute” et “Présent” font défection », Droites extrêmes, 16 octobre 2010. Dernière consultation le 4 février 2011. URL : http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2010/10/16/marine-le-pen-pourquoi-rivarol-minute-et-present-font-defection/. 202 Article sur « le Front National » in france-politique.fr/nationalisme.htm, site crée par Laurent de Boissieu, journaliste politique à La Croix. Dernière consultation le 5 février 2011. 203 « Portrait de Bachir Gemayel » in Soir 3, 23 août 1982. Consulté sur ina.fr le 7 février 2011.
URL : http://www.ina.fr/politique/partis-politiques/video/CAC87015628/portrait-gemayel.fr.html
Page 56
Ainsi, l’analogie entre le nazisme et le sionisme devient un des marqueurs du
discours dans une partie de la presse d’extrême-droite. D’une part, cette comparaison
permet à l’extrême-droite de banaliser le nazisme et le génocide juif qui perd alors de son
unicité. D’autre part, en accusant les anciennes victimes de devenir les bourreaux, il
s’agit pour cette partie de l’extrême-droite de se déculpabiliser du rôle joué par un certain
nombre de ses membres dans la collaboration ou le collaborationnisme entre 1940 et
1944 en France. La révélation des massacres de Sabra et Chatila semble imposer presque
instinctivement cette thématique de la victime devenue bourreau dans une partie de la
presse d’extrême-droite, sans compter que cette comparaison est également présente chez
des journaux réputés sérieux comme Libération204, tendant ainsi à la légitimer.
Dans l’éditorial du 22 septembre 1982, quelques jours après la découverte des
massacres de Sabra et Chatila, François Brigneau note ainsi qu’« aujourd’hui des
millions et des millions d’êtres se posent cette question terrible pour Israël : alors les
victimes peuvent aussi être les bourreaux205 ? ».Tentant d’expliquer comment Israël a pu,
par son action, dilapider le capital de sympathie issue de la seconde guerre mondiale,
F.Brigneau assure que ce sont « certains ressorts profonds de sa race206 » qui lui ont fait
« gaspiller un capital colossal207 .» Le journaliste ne développe pas sur ces « ressorts
profonds » qui auraient été réanimés par ces massacres de Sabra et Chatila. Pour autant,
le message antisémite est destiné à être compris de ses lecteurs par ces subreptices
allusions sans toutefois insister trop lourdement pour ne pas risquer d’être attaqué en
justice pour incitation à la haine raciale.
Le mensuel Défense de l’Occident, repère du mouvement antisionisme et
négationniste utilise également la même rhétorique que Présent. L’analyse de Maurice
Bardèche, fondateur du journal et du mouvement négationniste en France, est très
intéressante puisque tout en opérant une comparaison entre l’armée israélienne et l’action
des nazis dans les camps de concentration, l’auteur se livre à un exposé négationniste en
204 Infra p. 50. 205 Editorial de François Brigneau, Présent, 22 septembre 1982, p.1. 206 Idem. 207 Idem.
Page 57
faisant des nazis les complices du crime de génocide contre les Juifs et non les
exécutants. Maurice Bardèche avance ainsi que « l’armée juive qui a toléré pendant 30
heures l’égorgement méthodique des femmes, des enfants et des vieillards que ses
projecteurs éclairaient, que faisait-elle d’autre que les gardiens des camps allemands
quand ils ignoraient, du haut de leurs miradors ou au fond de leurs bâtiments
administratifs, les meurtres et les atrocités des "kapos " qu’ils avaient choisi parmi les
internés208 ? »
A partir de cette analogie, Maurice Bardèche en conclut que « les Israéliens se
sont conduits, en cette occurrence comme ils reprochent de l’avoir fait à ceux qu’ils
appellent les bourreaux de leur peuple209. » Ainsi, si les Israéliens sont les nouveaux
nazis, les Juifs ne peuvent plus se prévaloir d’une soi-disant prévalence morale qu’ils
auraient par rapport aux autres peuples. C’est également dans ce sens qu’il faut analyser
ces analogies entre Israéliens et nazis qui pullulent au moment de Sabra et Chatila.
Il faut noter qu’en réalité, cette comparaison entre l’action des nazis et des
Israéliens ne naît pas au moment de Sabra et Chatila. C’est la propagande soviétique qui
utilise la première ce procédé au moment du procès Eichmann en 1961210 avant d’être
récupéré par l’extrême gauche puis légitimé, d’une certaine manière par l’ONU qui
adopte la résolution 3379 (elle sera abrogée le 16 décembre 1991) présentant le
« sionisme comme une forme de racisme et de discrimination raciale ». Née à l’extrême-
gauche, cette comparaison passe à l’extrême-droite à la fin des années 1960 grâce à la
construction idéologique d’un Maurice Bardèche ou d’un François Duprat qui lie
« l'antisionisme, légitimé par l'anti-impérialisme et l'antiracisme211. » Avant même les
massacres de Sabra et Chatila, le quotidien Présent ne se prive pas pour utiliser ce
dispositif stylistique212.
208 BARDECHE (Maurice), « Notes sur Beyrouth, Oradour, Auschwitz », Défense de l’Occident, septembre-octobre 1982, pp54-55. 209 Idem. 210 LEBOURG (Nicolas), « Israël-Palestine : Jérusalem n'est pas Nuremberg », Rue89.com, 16 février 2009. Dernière consultation le 8 février 2011. URL : http://www.rue89.com/2009/02/16/israel-palestine-jerusalem-n-est-pas-nuremberg. 211 Idem. 212 Un article de Francis Bergeron dans Présent daté du 19-20 juillet 1982 est titré « La solution (finale) de Begin. »
Page 58
Le point commun à toutes les feuilles d’extrême-droite est le soutien à la
communauté maronite chrétienne du Liban. La mort de Bachir Gemayel est vécue
comme une tragédie par l’ensemble des titres d’extrême-droite, en dépit de leurs
divergences très profondes sur la question israélienne. Le 16 septembre, Présent rend
hommage, non sans lyrisme, au président élu décédé : « Nous français qui étions sensible
au courage et à la clairvoyance, au patriotisme de cet homme, mais qui ne subirons pas
directement les conséquences de sa mort, nous garderons au cœur une blessure ouverte.
Tu es mort à 34 ans, crucifié parmi ton peuple crucifié. Béchir Gemayel : présent213 »
écrit le journaliste d’extrême-droite Francis Bergeron qui s’était engagé en 1976 au côté
des Phalanges Libanaises214.
Sans tomber dans un anachronisme dommageable, notons tout de même que le
journal Présent a une vision des Phalangistes relativement naïve et indulgente. Ainsi, le
16 septembre le journaliste Yves Brunaud soutient que « les Phalangistes ne sauraient
être animés d’aucun désirs de vengeance215 » après l’assassinat de leur chef Bachir
Gemayel. Sans aller jusqu’à prévoir les massacres de Sabra et Chatila, les antécédents de
cette milice216 aurait dû conduire le journaliste d’extrême-droite à bien plus de prudence.
A croire que pour le journal catholique traditionnaliste, une organisation catholique ne
peut, ontologiquement, pas faire le mal.
Le plus grand tirage de la presse d’extrême-droite217 Minute analyse, pour sa part,
l’assassinat de Bachir Gemayel comme faisant intégralement partie de la stratégie de
Moscou qui aurait pris l’habitude d’éliminer tous les leaders qui contrarieraient les plans
du Kremlin218.
213 Présent, 16 septembre 1982. 214 PONS (Grégory), Les Rats noirs, Éditions Jean-Claude Simoën, 1978, p. 133. 215 BRUNAUD Yves, « Béchir Gemayel : l’homme qui menaçait la guerre au Liban », Présent, 16 septembre 1982 . 216 En 1976, les Phalanges Libanaises avec l’appui d’autres milices chrétiennes massacrent 1500 personnes en majorité des Palestiniens dans le quartier de Karantina à Beyrouth. 217 Minute tira de 1962 à 1981 à 200 000 exemplaires par semaine. 218 « Béchir Gemayel a été supprimé par ceux-là mêmes qui ont fait tuer Sadate et tirer sur le pape. Chaque fois qu’une grande figure infléchit le cours des événements dans une dimension inquiétant aux yeux de Moscou, elle risque la liquidation physique » écrit l’écrivain franco-uruguayen anti-communiste PASEYRO (Ricardo) in Minute, « Moscou derrière les tueurs de Béchir Gemayel », 18-24 septembre 1982.
Page 59
2) Une différente vision de l’anticommunisme parmi les journaux d’extrême-droite
Ces saillies anti-communistes sont communes à tous les journaux d’extrême-droite
en cette période de guerre froide. Pour autant, le combat contre le communisme ne se
conçoit pas de la même manière pour Minute ou pour Défense de l’Occident. Minute
conçoit Israël comme un rempart contre le bolchevisme, comme le journal l’avait déjà
formulé en 1967. Dans le numéro du 14 au 20 août 1982, qui suit l’attentat de la Rue des
Rosiers219 qui avait été attribué sans jamais être confirmé au groupe terroriste Abou Nidal
proche du Fatah, Minute réaffirme son soutien à la cause israélienne au Liban qui se
battrait pour l’ensemble du « monde libre ». Jean-Claude Goudeau, directeur de la
rédaction certifie qu’« en allant, extirper au cœur du bouclier de chair humaine
innocente dont l’OLP s’est bardée à Beyrouth, cette gangrène terroriste qui empoisonne
le monde libre. Tsahal se bat pour l’occident tout entier. Une rude besogne, un sale
travail parfois, mais les chirurgiens ont aussi les mains tâchés de sang220. » Minute se
targue également d’être le seul grand organe de presse à soutenir
« inconditionnellement221 » l’action de l’Etat d’Israël au Liban.
Ce numéro du 14-20 août 1982 est exemplaire dans le sens où Minute cherche à se
délier de l’action d’antisémitisme après une récente condamnation du tribunal, pour
mieux la rejeter sur l’extrême-gauche222. Ainsi, le journal voit derrière l’attentat de la Rue
des Rosiers la main de Moscou qui opérerait par le biais des fédayins Palestiniens : « au
Liban, ce ne sont pas les Palestiniens que l’armée d’Israël combat(…), c’est
l’organisation mise en place par Moscou pour former, armer, entrainer les commandos
qui ensanglantent l’Europe223. »
Avec précaution et sans se départir d’une phraséologie anti-juive, l’hebdomadaire
Rivarol soutient également l’action d’Israël au Liban principalement par
219 Le 9 août 1982, un commando entre dans le restaurant de Jo Goldenberg dans le quartier juif du Marais à Paris et ouvre le feu provoquant la mort de six personnes. Les commanditaires de l’attentat n’ont jamais été retrouvés. 220 GOUDEAU (Jean-Claude), « Minute et l’antisémitisme », Minute, 14-20 août 1982. 221 Idem. 222 Minute dans le numéro du 14-20 août 1982 titré « Qui sont vraiment les anti-juifs en France ? » 223 GOUDEAU (Jean-Claude), « Minute et l’antisémitisme », art.cit.
Page 60
anticommunisme, et ce même après la révélation des massacres de Sabra et
Chatila : « Que le peuple "dominateur et sûr de lui" ait besoin de bonnes leçons, c’est
évident. Mais tout impardonnables et odieux que sont les crimes perpétrés sous la
responsabilité de Tsahal(…), c’est encore une armée du monde libre qui se trouve ainsi
souillée et frappée du sceau d’infamie alors que la glorieuse armée rouge (…) reste
immaculée224. »
En revanche, pour Défense de l’Occident, l’anticommunisme ne se conçoit qu’en
opposition au sionisme et à Israël arguant que l’Etat hébreu « depuis trente ans, fait à
merveille le jeu de Moscou225. ». Rappelons que l’Etat Juif est pourtant un allié proche
des Etats-Unis depuis les années 1960 et a des relations assez tendues avec l’URSS qui a
soutenu militairement et politiquement les Etats-Arabes en 1967 et 1973. Or, ce mensuel
d’extrême-droite ne se fie pas à cette réalité perçue comme artificielle : « la vérité est
que, par-delà l’écume trompeuse et les bruits de foule, cheminent des constantes (…)
rapprochant sans cesse et partout dans une lutte monstrueuse contre l’Occident, la
Ploutocratie, le Bolchevisme et le Sionisme226 ». Le rapprochement entre ces 3 concepts
est intéressant renvoyant au préjugé anti-juif qui a fleuri durant l’entre-deux guerres qui
fait des Juifs à la fois les promoteurs du capitalisme et de l’idéologie communiste.
Le discours nazifiant l’Etat d’Israël n’opère que dans une partie de l’extrême-
droite. Minute, en particulier, persiste à soutenir l’Etat hébreu même après les révélations
sur les massacres de Sabra et Chatila. L’argumentaire de Minute s’appuie en particulier
sur l’idée que les Palestiniens ont également commis des massacres de masse mais qu’ils
auraient été bien moins couverts par les médias (que l’extrême–droite suppose contrôlés
par l’extrême gauche) : « je n’ai pas le souvenir d’avoir lu des titres énormes lorsque les
Palestiniens ont passé Damour et 1200 chrétiens au fil de l’épée, au début de 1976. (…)
Dans la presse internationale, le Palestinien vaut exactement 100 chrétiens227 » clame un
journaliste de Minute sous le pseudo de Scrutator.
224 GALIC (Camille-Marie), « le Vietnam d’Israël et les milices de Paris », Rivarol, 8 octobre 1982. 225 MORANDINI (Gilles), « Israël rempart de l’occident contre le communisme ? » Défense de l’Occident, novembre 1982 (dernier numéro), p 28-33. 226 Idem. 227 SCRUTATOR, « Holocauste va-t-il changer de camp ? », Minute, Du 25 septembre au 1er octobre 1982, p. 14.
Page 61
Rivarol est plus prudent. Dans un article non signé intitulé « Cadavre exquis », le
journal se dit « indigné, horrifié, épouvanté, bouleversé par la tragédie des camps
palestiniens228» mais refuse de s’empêcher de comparer ce massacre à d’autres
monstruosités. Pour appuyer son propos, Rivarol cite la croisade des Albigeois, les
paysans abandonnés par Luther, la saint Barthélémy, les atrocités de la guerre de Vendée
ou encore les nombreux massacres qui se sont déroulés au Liban depuis 1975229. Pour
expliquer cette perte de mesure des autres journaux, Rivarol croit déceler « un certain tri
dans les massacres230 » auquel se livrerait la presse231, ravivant comme Minute la théorie
du complot contre ces médias perçus comme étant pro-communiste.
Si Rivarol condamne la disproportion des critiques opérées par les médias contre
Israël suite aux massacres de Sabra et Chatila, l’hebdomadaire n’est plus le soutien fidèle
à Israël comme il a pu l’être en 1967 ou en 1973. Israël est maintenu vu comme un
handicap pour l’Occident : « L’Etat d’Israël ne veut pas d’un Etat palestinien. En
agissant comme il le fait, il compromet son avenir et il entrainera tôt ou tard les nations
occidentales dans un conflit généralisé232 » affirme l’ancien militant d’Ordre Nouveau233
Daniel Louis Burdeyron dans Rivarol, le 8 juillet 1982 soit près d’un mois après l’entrée
de l’armée israélienne au Liban. Rivarol reproche également à Israël de mettre en danger
les nombreuses communautés chrétiennes de Palestine et de favoriser les positions de
l’URSS en Méditerranée en ne reconnaissant pas les droits des Palestiniens à une
patrie234. C’est un retournement complet de la position de Rivarol qui pensait durant les
guerres précédentes Israël comme l’atout maitre de l’Occident contre le communisme.
Or, L’Etat Juif est maintenant vu comme un handicap dans la lutte contre l’URSS.
228 « Cadavres exquis », Rivarol, 24 septembre 1982 229 Rivarol mentionne le massacre de Damour opéré par les milices palestiniennes en 1976 et la liquidation de 110 musulmans par les Phalangistes en 1975. 230 Editorial de Rivarol, « un certain tri dans les massacres », 24 septembre 1982. 231 « Nous serions tous aussi capables que nos chers confrères de confectionner des brochettes de formule destinées
à soulever de colère le chaland ou à le faire pleurer d’émotions. » écrit Rivarol le 24 septembre 1982 232 BURDEYRON (Daniel-Louis), « Tribune libre : à l’attention de ‘XXX’ », Rivarol, 8 juillet 1982 233 Ordre nouveau est un groupuscule d’extrême-droite, issu d’une scission avec Occident, qui fut actif entre 1969 et 1973. 234 « Le Proche et le Moyen-Orient sont déjà difficilement vivables pour les arabes musulmans et chrétiens-nombre de Palestiniens sont catholiques ou orthodoxes- le reste du monde sera embrasé pour le plus grand profit de l’URSS si nous n’imposons pas à Israël la reconnaissance des droits du peuple palestinien à une patrie » affirme Daniel-Louis Burdeyron in Rivarol, « Tribune libre : à l’attention de ‘XXX’ », 8 juillet 1982
Page 62
De Défense de l’Occident, à Minute en passant par Rivarol ou Présent, ces
journaux ne voient le conflit israélo-arabe que derrière le prisme de la guerre froide et du
combat contre le bolchevisme honni. Pour autant, ces feuilles d’extrême-droite ne
conçoivent pas la lutte contre l’URSS de la même manière. Certaines sont des soutiens
acharnés d’Israël comme Minute. D’autres s’en sont détournés à l’instar de Rivarol235
tandis que Présent et Défense de l’Occident critiquent assez violement Israël, en utilisant
parfois des procédés antisémites.
Jean-Marie Le Pen a également donné son avis sur le conflit au Liban. Il l’a fait
dans une tribune donnée au journal Présent le 24 septembre 1982. Pour résumer la
position du leader frontiste, il s’agit d’un conflit qui ne concerne pas la France, critiquant
en cela le fait que le président socialiste François Mitterrand ait décidé d’envoyer des
forces françaises au Liban. Jean-Marie Le Pen a peur que la guerre entre Israël et le Liban
dégénère en une guerre mondiale, pour un motif qu’il considère comme insignifiant,
comme la seconde guerre mondiale qui avait commencé à cause du contentieux de
Danzig. On le voit Jean-Marie Le Pen ne soutient dans ce conflit, ni Israël, ni les milices
Palestiniennes. Au cours des années 1980, il va cependant tenter d’opérer un
rapprochement avec l’Etat Juif sans toutefois y parvenir. La question israélienne sera
également utilisée comme un moyen de fédérer ses troupes en questionnant la fidélité des
Juifs à Israël et à la France.
B) L’utilisation de la question israélienne par Jean-Marie Le Pen dans les
années 1980
1) L’échec du rapprochement entre le FN et l’Etat d’Israël
En 1972, Jean-Marie Le Pen est un des fondateurs du FN dont il deviendra le
premier président. Celui-ci a unifié les différentes factions de l’extrême-droite pour créer
235 Ce qui ne manque pas de créer parfois quelques frustrations parmi les lecteurs. Cf « Nos lecteurs nous écrivent », Rivarol, 1er juillet 1982 : « Votre [Rivarol] haine pour ce petit peuple d’Israël dont on ferait bien de prendre exemple ne serais-ce que pour son courage ne vous honore pas. Et, comme je suis régulièrement écœuré de lire vos écrits, tendancieux à son sujet, je m’interroge sur l’opportunité (…) de me réabonner ou pas à votre journal. »
Page 63
ce parti qui reste néanmoins extrêmement hétéroclite. Un des facteurs principaux de
division reste la question israélienne.
Intimement, Jean-Marie Le Pen se considérerait plutôt comme pro-israélien. « Il
aime Israël236 » notait en 1987 le quotidien Le Monde citant le député FN Pierre Sergent.
J-M Le Pen, lui-même, aime à rappeler qu’il a participé à la campagne de Suez au côté
des Britanniques…et des Israéliens237 en 1956. Quels furent les positions de Jean-Marie
Le Pen concernant la question israélienne dans les années 1980 ?
Dans un premier temps, J-M Le Pen a essayé de se rapprocher de la communauté
juive ainsi que de l’Etat d’Israël. C’était la période qui précédait la polémique sur le
« détail ». En 1984, à l’Heure de Vérité, Jean-Marie Le Pen est sommé par le
présentateur Jean-Jacques Servan Schreiber de s’expliquer sur les déclarations
antisémites de ces partisans. Il s’en tirera en certifiant qu’il « considère les Juifs comme
des citoyens comme les autres, mais pas comme des citoyens supérieurement
protégés(…). Si l’antisémitisme consiste à persécuter les Juifs en raison de leur religion
ou de leur race, je ne suis certainement pas antisémite238 » affirme le leader frontiste.
Habilement, le chef du Front National énonce lui-même sa définition de l’antisémitisme,
en tant que persécutions raciale ou religieuse. Or, celle-ci peut ainsi être aisément rejetée
par un Jean-Marie Le Pen qui n’a jamais commis d’actes à caractères antisémites comme
peuvent en commettre des skinheads néo-nazis. Pour assurer les journalistes de son
absence d’antisémitisme, Jean-Marie Le Pen avait aussi l’habitude de citer la revue
Tribune Juive qui lui a attribué un satisfecit sur la question de l’antisémitisme en février
1984. « S’il s’agit d’antisémitisme, disons tout de go que nous n’avons pas connaissance
de propos antisémites qu’on puisse attribuer au chef du FN.(…) A l’égard d’Israël, M. Le
Pen tient un langage plutôt flatteur, si bien que nous ne saurions non plus le taxer de la
variante antisioniste239. »
236 GREILSAMER (Laurent), SCHNEIDERMANN (Daniel), « Le jeu de pistes », Le Monde, 17 décembre 1987 237 PRIMOR (Adar), « Le Pen ultimate », Haaretz, 22 avril 2002 238 LE PEN (Jean-Marie), L’Heure de vérité (Antenne 2), 13 février 1984. Vidéo consulté sur www.ina.fr le 8 janvier 2011. URL : http://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-sociale/video/I07015083/jean-louis-servan-schreiber-questionne-le-pen-sur-l-antisemitisme-et-l-accusation-de-torture-en-algerie.fr.html. 239 ROLLAT (Alain), Les hommes de l’extrême-droite, Paris, Calmann-Lévy, 1985, p. 127.
Page 64
Ainsi, Jean-Marie Le Pen est perçu par une partie de la communauté juive, durant
ces années 1980, plutôt comme un ami des Juifs et d’Israël que comme un adversaire.
Jean-Marie Le Pen tentera de tirer parti de la situation en menant des démarches pour
visiter l’Etat hébreu. C’est une histoire peu connue, celle des tentatives qu’a mené Le Pen
pour visiter Israël. En 1986, un homme d’affaire juif américain Jacques Torczyner,
proche de la droite américaine, souhaite entamer le rapprochement entre la communauté
juive et Jean-Marie Le Pen en le conviant en Israël au nom d’un ennemi commun : les
Arabes. Le raisonnement explicité par le journaliste Olivier Guland est le suivant : « Le
Pen est l’ennemi des Maghrébins, donc des Arabes, par conséquent des Palestiniens et
de leur clique emmenée par Yasser Arafat et sa petite bande de terroristes sans foi ni
loi240 .»
Le Pen est enchanté de cette initiative parce qu’elle pourrait lui permettre de
visiter Israel, ce dont il souhaite ardemment. « Sir Alfred Sherman [un conseiller de
Margareth Thatcher] m’avait recommandé de prendre langue avec les Juifs américains.
La démarche de ce militant sioniste tombait à pic !241 » expliqua à postériori Jean-Marie
Le Pen en octobre 1997. Il fut convenu que le chef du FN rencontre d’abord les
dignitaires de la communauté américaine avant d’envisager un séjour en Israël.
En juin 1987, le leader frontiste réalise sa conférence à New York devant la
« plupart des caciques du judaïsme américain242.» L’ambassadeur d’Israël aux Etats-
Unis Benyamin Netanyahou aurait même été présent lors de ce diner conférence. Lors de
cette rencontre Jean-Marie Le Pen insista sur son soutien indéfectible à Israël, « rempart
du monde libre243» et affirma que la communauté juive américaine devait être à « l’avant-
garde du combat antiterroriste244. »
Au FN, cette rencontre provoque des remous. De nombreux dignitaires du FN
refusent absolument tout rapprochement avec l’Etat Juif. C’est le cas d’un des proches de
J-M Le Pen, Jean-Pierre Stirbois ou encore de Charles de Chambrun, pro-palestinien qui 240 GULAND (Olivier), Le Pen, Megret et Les Juifs, Paris, La Découverte Enquêtes, 2000, p. 148. 241 LE PEN (Jean-Marie) cité in Ibid., p. 149. 242 Ibid., p. 151. 243 Ibid., p. 152. 244 Idem.
Page 65
a assuré la traduction de la rencontre new yorkaise à contrecœur245. A l’initiative de ces
deux personnages, la rencontre fuite dans la presse. Le président du Crif Théo Klein246,
est hors de lui.
Durant ces années 1980, Jean-Marie Le Pen supporte de manière appuyé la
politique de l’Etat d’Israel par anticommunisme mais également parce qu’il espère que ce
soutien lui permettra de se rapprocher de la communauté juive dont il surestime
l’influence et la puissance247 électorale.
En 1987, c’est deux élus du FN qui entament, avec la complicité de Jean-Marie Le
Pen, un voyage en Israël. Il s’agit de Pierre Descaves, conseiller régional de Picardie, et
du député FN Francois Bachelot. Ils y rencontrent Eliahou Ben Elissar (Likoud),
président de la commission des Affaires Etrangères de la Knesset et de nombreux autres
députés248. Le CRIF prévenu du voyage de ces deux élus frontistes est littéralement
furieux contre le gouvernement israélien et bataille pour empêcher la venue d’autres
personnalités d’extrême-droite en Israël. Ainsi, c’est avec regret que Jean-Marie Le Pen
décide de tirer « une croix sur ce pays [Israël]249 », « Les Israéliens sont de bonne
volonté mais les Juifs de France nous mettrons toujours des bâtons dans les roues250 »
estime Jean-Marie Le Pen.
Pierre Descaves fait la même analyse rétrospective rappelant le poids du groupe
FN à l’Assemblée Nationale en 1986 (35 députés) et affirmant que « c’était l’occasion
rêvée pour normaliser enfin nos relations avec Israël, lequel était partant. Les Juifs de
France ont tout fait capoter. Ils ont rangé définitivement Le Pen dans le camp adverse. »
Si Pierre Descaves soutient Israël c’est aussi parce qu’il projette sur ce pays des défauts
transformés en qualités largement fantasmées. Ainsi P.Descaves « souhaite que la France
245 Idem. 246 Considéré comme étant plutôt proche de la gauche française. 247 Ibid., p. 153. 248 Ibid., p. 155. 249 Ibid., p. 156. 250 Idem.
Page 66
puisse disposer de la même liberté qu’Israël sur le plan du nationalisme, de la défense de
sa population et de ses frontières251. »
Le rapprochement entre le FN et Israël semble pourtant avoir fait long feu en août
2001 comme le regrette Minute dans un numéro spécial sur le « Lobby juif ».
L’hebdomadaire, qui a beaucoup perdu de son influence depuis les années 1960252,
revient sur les relations entre les Juifs de France et le FN et se demande pourquoi les Juifs
de France ne « votent-ils pas tous pour Le Pen253 » rappelant que le « journal s’est fait le
défenseur inconditionnel des soldats israéliens254 .» Minute évoque dans la suite du
papier l’épisode souvent oublié de la réception de J-M Le Pen par la communauté juive
américaine en 1987, ainsi que la célèbre citation de Tribune Juive sur l’absence de propos
antisémites de Jean-Marie Le Pen255 datant pourtant de…1984. Minute conclut en
affirmant que c’est un « certain lobby256 » qui empêche un rapprochement entre le FN et
les Juifs de France notant que « plus aucun militant national ne serait prêt à mourir pour
Jérusalem. En revanche, ceux qui arboreraient le keffieh rouge et blanc ne sont pas
rares257. »
2) La question de la double allégeance
La question israélienne, au-delà de son aspect géopolitique, est analysée à
l’extrême-droite comme une manière pour les Juifs de France de pratiquer une politique
de double allégeance. S’appuyant sur les préjugés antisémites classiques assimilant le juif
251 Ibid., p158. 252
« Minute a atteint 200 000 exemplaires dans les années 60, mais a chuté depuis. Actuellement[en 1998], l' "hebdomadaire politiquement incorrect ", ainsi que le proclame son sous-titre, tire à 50 000 exemplaires ; sa vente moyenne en kiosque s'établissait à 22 000 exemplaires en 1997, pour un nombre d'abonnés du même ordre. » Cf LABBE (Yves- Marie), « Plus de 300 journaux expriment la pensée de l'extrême droite », Le Monde, 02 avril 1998. 253 Minute, « L’extrême-droite et les Juifs. Mais pourquoi ne votent-ils pas tous pour Le Pen ? », 8 août 2001, pp 12-13. 254 Idem. 255 Or, depuis le satisfecit accordé par Tribune Juive sur cette question, Jean-Marie Le Pen s’est signalé par un certain nombre de déclarations ambiguës sur la question juive en particulier en 1987 quand il affirma que « les chambres à gaz ne sont qu’un détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale » ou en 1997 quand le président du FN assure que Jacques Chirac est « l'otage » d'organisations juives, qu'il se serait engagé devant elles à ne jamais s'allier avec le Front national, qu'il en aurait reçu en contrepartie des sommes d'argent. 256 Minute, « L’extrême-droite et les Juifs. Mais pourquoi ne votent-ils pas tous pour Le Pen ? », art.cit. 257 Idem.
Page 67
à un Judas, à un traitre, la question israélienne est perçue comme une nouvelle manière
pour les Juifs de France de trahir la nation française pour leur « race » juive.
Cette question fut posée ouvertement dans le hors-série de Minute sur le « Lobby
juif » d’août 2001. Dans un article intitulé « Le lobby parle au lobby », l’auteur anonyme
se demande s’il est possible d’être « citoyen d’un pays (la France) par confort matériel
(douceur de vivre et sécurité) et agent d’un autre pays (Israël) pour lequel on éprouve un
attachement irrationnel. (…) La vraie question étant le sionisme : comment peut-on être
un juif sioniste et rester vivre en France258 ? »
De manière tout à fait classique dans la phraséologie d’extrême-droite, Minute
distingue les Juifs, des Français. Les Juifs de France seraient des citoyens qui ne
resteraient dans le pays que par commodité et non parce qu’ils aiment ce pays ou parce
que c’est leur patrie. Les Juifs de France sont caractérisés comme des « agents259 »
d’Israël, c’est-à-dire de l’étranger. Un « Agent » est une « personne chargée des affaires
et des intérêts d’un individu, d’un groupe ou d’un pays pour le compte desquels elle
agit260 ». Le sous-entendu de Minute est clair. Les Juifs ne vivraient en France que pour
satisfaire leur véritable patrie : Israël. Il serait ainsi impossible de soutenir l’existence
d’Israël et d’être « loyal261 » à la France.
Ce thème de la double allégeance, bien qu’assez ancien à l’extrême-droite fut
remis sur le devant de la scène par Jean-Marie Le Pen dans un débat face à Lionel Stoléru
secrétaire d'Etat au Plan du gouvernement Rocard sur la cinq en décembre 1989.
Après avoir vitupéré contre le « parti de l’étranger262 », M. Le Pen s’attaque à la
personnalité de M.Stoléru lui demandant à plusieurs reprises s’il détient la double
nationalité. « Je suis Français263 », lui répond le secrétaire d'Etat. « J'aime mieux ça
258 Minute, « Le lobby parle au lobby », 8 août 2001, p. 17. 259
Idem. 260 « Agent », Le Nouveau Petit Robert de la langue française. Paris, 2006, p. 47. 261 Mot prononcé par Jean-Marie Le Pen lors de son altercation avec Lionel Stoléru en décembre 1989 sur la 5. 262 Débat entre J-M Le Pen et Lionel Stoléru, Le journal de 12h30 (présenté par Jean-Claue Bourret), La Cinq, 5 décembre 1989. Consulté sur www.ina.fr/economie-et-societe/justice-et-faits-divers/video/I06338722/question-le-pen-a-stoleru-sur-sa-nationalite.fr.html le 20 février 2011 263 Idem.
Page 68
parce que j'aurais été un peu gêné si j'avais su que vous aviez une autre nationalité. Vous
êtes un ministre français. On a le droit de savoir qui vous êtes264. »
Pour les spectateurs qui n’auraient pas compris le sous-entendu de J-M Le Pen, Le
journaliste Jean-Claude Bourret responsable du débat insiste. « M. Stoléru, vous êtes juif
? Car M. Le Pen fait sans doute allusion au fait que vous auriez la nationalité française
et israélienne265 ? »
Par ces allusions, Jean-Marie Le Pen opère dans la logique de l’extrême-droite,
cherchant à décrédibiliser les propos de son adversaire en procédant à des attaques
personnelles. Il s’agit également pour le leader frontiste de ressouder son électorat
comme l’explique l’historien Mathias Bernard « En isolant le Front national, ces
provocations ont un autre effet : elles radicalisent les électeurs et les sympathisants de ce
parti, en les ancrant à l’extrême droite266. »
En outre, les provocations de Jean-Marie Le Pen empêchent le parti de s’allier
avec la droite classique. En effet, J.M Le Pen estime que la stratégie de « respectabilité »
a échoué, ne lui ouvrant pas les portes du pouvoir. Il s’agit, alors, à partir de la polémique
sur le « point de détail » en 1987 de radicaliser son discours. Le Pen juge également
« qu’une position en marge du système politique correspond à la fois à la culture
minoritaire de ses militants et au réflexe protestataire d’une fraction importante de
l’électorat267 .»
Enfin, ces insinuations pratiquées par le leader frontiste permettent à Jean-Marie
Le Pen de se présenter comme un dissident de l’establishment politico-médiatique qui
n’hésite pas à dire « tout haut ce que les autres pensent tout bas »268. Ces saillies
médiatiques lui assurent une visibilité pour ses idées et son parti .Mathias Bernard
note ainsi que « Jean-Marie Le Pen a pu se servir de propos polémiques pour attirer
264 Idem. 265
Idem. 266 BERNARD (Mathias), « Le Pen, un provocateur en politique (1984-2002) », Vingtième Siècle. Revue d'histoire 1/2007 (no 93), p. 37-45. URL : www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2007-1-page-37.htm. 267 Idem. 268 Slogan cité par BIRENBAUM (Guy), Le Front national en politique, Paris, Balland, 1992, p. 64.
Page 69
l’attention sur lui, à des moments généralement importants de la vie politique. » C’est
sans aucun doute par ce biais qu’il faut analyser les propos sur « la double nationalité »
supposée de Lionel Stoléru.
C) Les divisions autour de la guerre du golfe : la question israélienne en
arrière-plan
1) Le renouveau idéologique du FN grâce à l’influence de la « Nouvelle Droite »
Les multiples provocations de Jean-Marie Le Pen engendrent des remous au FN.
La stratégie du président frontiste d’opérer un cordon sanitaire avec la droite
traditionnelle est aussi mal perçue par une partie des cadres du Front National ainsi que le
nouveau corpus idéologique basé sur un antiaméricanisme naissant au Front. C’est dans
ce contexte qu’il faut comprendre les désaccords au FN autour de la guerre du Golfe.
La crise éclate durant le mois d’Août 1990 avec l’invasion du Koweït par l’Irak de
Saddam Hussein. La situation tendue dans le Golfe Persique a des répercussions en
France puisque le président de la République François Mitterrand envisage d’envoyer des
soldats dans la région.
Jean-Marie Le Pen ne souhaite pas cette solution et propose son propre plan pour
sortir de la crise. Le président du FN suggère « de neutraliser le Koweït269», de lui
octroyer un « statut d'Etat libre associé à l'Irak270 » et « d'annuler les dettes de l'Irak
envers le Koweït271. » Autrement dit, M. Le Pen propose d’entériner le coup de force du
président irakien Saddam Hussein.
Ce soutien de Jean Marie Le Pen à l’Irak fut un facteur d’étonnement à l’extrême-
droite. Le leader du FN y était, en effet, considéré comme « atlantiste et pro-
israélien272. » Il est difficile de comprendre l’attitude du président du FN qui était
269 BIFFAUD (Olivier), « Le plan de paix du Front national, M. Le Pen propose d'entériner l'annexion du Koweït par l'Irak », Le Monde, 24 août 1990. 270 Idem. 271 Idem. 272 BEAU (Nicolas), Paris, capitale arabe, Paris, Seuil, 1995, p. 190.
Page 70
pourtant un grand admirateur du président R.Reegan dans les années 1980. Pour le
journaliste Nicolas Beau, « le leader du FN agit souvent par improvisations successives.
Chacun peut s’approprier la paternité de ces retournements273. » Le reporter Nicolas
Beau présume, néanmoins que l’influence de deux membres des instances dirigeantes du
Front, Jean-Claude Martinez et le commandant Jacques Dore, ont contribué à faire
basculer Le Pen dans le soutien à l’Irak de Saddam Hussein. Il s’agit également de ne pas
oublier l’influence du GRECE, cette « Nouvelle Droite » animée par Alain de Benoist qui
se caractérise par son antimarxisme et son anti-américanisme274. Or « beaucoup de
sympathisants de la Nouvelle droite275 » ont rejoint le FN après « les succès électoraux
du FN276 » depuis la fin des années 1980.
L’ancien conseiller en communication de Jean-Marie Le Pen de 1984 à 1994,
Lorrain de Saint-Affrique277 insiste également sur l’influence de la « Nouvelle Droite »
dans le tournant idéologique du FN: « Après le dépit amoureux de 1987[l’échec de la
rencontre entre Jean-Marie Le Pen et les organisations juives américaines ainsi que le
refus d’Israël de permettre la visite du leader frontiste], le président du FN était prêt à
avaler tout cru le discours traditionnel de la Nouvelle Droite sur le mondialisme, jugé
globalement responsable des maux dont souffrait la France. La chute du Mur de Berlin et
la fin du communisme soviétique, il est vrai, imposaient un aggiornamento278. »
La chute du mur de Berlin impose, en effet, un nouveau discours à l’extrême-
droite, qui sera désormais inspiré des théories du GRECE. Jean-Marie Le Pen se convertit
à cette idéologie basée sur une critique du modèle capitaliste américain après l’avoir
pendant des années soutenu. Pour le FN « la polarité du monde ne se fait désormais plus
entre capitalisme et communisme mais entre l’hégémonie de l’ "impérialisme américain"
273 Ibid., p. 191. 274 DURANTON-CRABOL (Anne-Marie), La « nouvelle droite » entre printemps et automne (1968-1986). In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°17, janvier-mars 1988. pp. 39-50 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1988_num_17_1_1957 Consulté le 08 février 2011 275 BEAU (Nicolas), Paris, capitale arabe, op.cit., p. 191. 276 Idem. 277 Lorrain de Saint-Affrique fut exclu du FN par Bruno Mégret en 1994. Il publie en 1998 Dans l'ombre de Le Pen, un ouvrage critique sur le leader du Front. 278 GULAND (Olivier), Le Pen, Megret et Les Juifs, op.cit., p. 148.
Page 71
et la défense des identités nationales279» estime Sylvain Crépon, chercheur spécialiste du
nationalisme et rattaché à l’université Paris X. Or, le FN a choisi son camp, se trouvant
du côté de la défense de la nation française contre le mondialisme qui menacerait
l’identité française.
Ce tournant idéologique de grande importance est, au début, peu suivi par les
sympathisants qui ne comprennent pas ce tournant anti-américain. Or, cette nouvelle
vision du monde permettra au FN de conquérir un nouvel électoral ouvrier conquis par
ces critiques contre la mondialisation libérale280.
2) La nouvelle stratégie de Jean-Marie Le Pen convainc-t-elle les militants et les
journaux d’extrême-droite ?
Pour autant, les thèses pro-arabes et anti-américaines ne font pas l’unanimité au
Front. Les positions de Jean-Marie Le Pen perçues comme trop compréhensive à l'égard
de l'Irak de Saddam Hussein provoquèrent la démission de M. Jules Monnerot du bureau
politique en août 1990. Le sociologue, membre du FN avait affirmé que « seules les
démonstrations de force, ou, si elles ne suffisent pas, des épreuves de force lèveront la
menace irakienne281 » dans un article du quotidien d’extrême-droite Présent.
M. Pierre Sergent, conseiller régional du Languedoc-Roussillon et conseiller
municipal de Perpignan a également fait part de ses réserves concernant la stratégie du
FN sur la crise irakienne dans une interview au Monde du 4 septembre 1990. Il réaffirme
ses sentiments pro-israéliens, déplorant que « le FN n'ait pas de meilleures relations avec
279 CREPON (Sylvain), « Le Tournant anti-capitaliste du Front National. Retour sur un renouveau idéologique des années 1990 » in tempspresents.wordpress.com. Article paru le 25 avril 2010. Dernière consultation le 10 février 2011. Le site Fragment du Temps Présent est un blog tenu par plusieurs chercheurs traitant principalement de l’extrême-droite. 280 « Dans un contexte politique qui voit son électorat s’accroître chez les populations défavorisées, devenant notamment le premier parti chez les ouvriers (…)le Fn [dans le courant des années 1990] critique de plus en plus fermement la dérégulation internationale des marchés, où le brassage des hommes et des biens dont elle est le vecteur, tout en menaçant l’économie du pays, affaiblirait l’homogénéité du corps national » écrit l’universitaire Sylvain Crépon sur le blog Fragment du Temps Présent le 25 avril 2010. Art.cit. 281 « Membre du bureau politique M. Monnerot démissionne », Le Monde, 28 août 1990.
Page 72
Israël. Nous n'avons aucune raison d'avoir de mauvaises relations avec ce pays282. »
Pierre Sergent regrette également les nombreuses phrases polémiques du chef du parti
relevant qu’ « une petite phrase ne forme pas forcément une grande politique283. »
Enfin, M. Sergent se montre favorable à un rapprochement avec la droite de
gouvernement, « Je suis toujours partisan d'un désenclavement du Front. Je souffre
beaucoup de la mise en ghetto de notre mouvement. C'est ce qui me dérange chez mes
camarades. J'aimerais qu'il y ait des passerelles et que nous puissions parler avec des
hommes de bonne volonté à droite284. »
Il n’est pas innocent que cette question d’alliance entre le FN et la droite classique
afflue sous couvert de la crise irakienne. Jean-Marie Le Pen agit comme si cette crise
internationale devait lui permettre de se marginaliser à nouveau pour empêcher tout
rapprochement avec la droite traditionnelle. Il est d’ailleurs paradoxal que la position du
Front National n’est absolument pas populaire autant chez les sympathisants frontistes
que dans l’ensemble de la population.
Par exemple, un sondage de la SOFRES publié dans le Figaro du 30 août 1990
montrait que les électeurs du Front National étaient 56% (en hausse de 17 points par
rapport à la semaine précédente) à approuver la politique de M. Mitterrand285. Depuis le
début de la crise M. Le Pen a pris l’habitude de fustiger Georges Bush, mais 82 % de ses
électeurs apprécient l’action du président des Etats-Unis, et ce pourcentage est le plus
élevé de tous les électorats. M. Le Pen refuse également toute action militaire de
Washington, mais 75 % de ses électeurs approuveraient « les Etats-Unis s'ils décidaient
de lancer une opération militaire contre l'Irak. » Une grande majorité des électeurs
frontistes (64%) souhaiteraient également une participation de la France à ce conflit286.
282 BIFFAUD (Olivier), « Les divergences au Front national," Il était bon que nous mobilisions des forces ", nous déclare M. Pierre Sergent », Le Monde, 4 septembre 1990. 283 BIFFAUD (Olivier), « Au Front national M. Sergent persiste à se démarquer des positions de M. Le Pen », Le Monde, 1er septembre 1990. 284 BIFFAUD (Olivier), « Les divergences au Front national," Il était bon que nous mobilisions des forces ", nous déclare M. Pierre Sergent », art.cit. 285 BIFFAUD (Olivier), « Au Front national M. Sergent persiste à se démarquer des positions de M. Le Pen », art.cit. 286 Cf BIFFAUD (Olivier), « La position du Front national. Les électeurs de M. Le Pen sont partagés », Le Monde, 26 août 1990.
Page 73
Pour autant, le courant favorable à l’Irak de Saddam Hussein et non-
interventionniste prend de l’ampleur du côté des publications proche du FN. A Minute-la
France287, le Président-directeur général de la publication et membre du comité central
du Front national Serge Martinez n’est guère favorable à l’intervention française en Irak.
Il affirme dans son éditorial, que « cette guerre n'est pas la nôtre288 » estimant qu’« il est
extravagant qu'un pouvoir qui interdit à sa police de restaurer l'ordre français dans les
banlieues envoie son armée imposer l'ordre américain dans le désert289. »
L’idéologie anti-libérale et anti-américaine qui prend de l’importance au FN
contribue à affaiblir la position des partisans d’Israël dans le parti. L’Etat hébreu, en tant
qu’allié principal des Etats-Unis au Moyen-Orient, est ainsi vilipendé. François Brigneau
qui écrit maintenant dans l’hebdomadaire National Hebdo290, proche du FN291 soutient
qu’ « en vérité Israël a voulu cette guerre, en espérant qu'elle entraînerait la destruction
de l'Irak de Saddam Hussein292. » L’éditorialiste poursuit fustigeant l’attitude jugée
belliciste de l’Etat d’Israël: « Ce n'est pas Tel-Aviv qui hésiterait à s'en servir [de l’arme
atomique], on peut en être assuré, comme on peut être assuré de son impunité totale. Les
armes sales sont celles qui sont dirigées contre l'Etat sioniste. Les siennes sont toujours
propres. Ce sont celles de Dieu. C'est un postulat293. » François Brigneau ironise à la fin
de son propos sur les armes « sionistes » qui seraient toujours propres parce qu’étant celle
de Dieu. Il s’agit pour l’éditorialiste de déconstruire la notion de peuple élu qui est
analysé comme étant une anomalie294.
287 Selon le journaliste du Monde Yves Marie Labbe, les ventes de Minute-La France s’élevaient à 45 800 exemplaires en 1990. Cf LABBE (Yves Marie), « Le Front national vingt ans après, le petit monde de la presse "amie " », Le Monde, 9 février 1992. 288 MARTINEZ (Serge), « Nouvel ordre mondial : l'arme du mensonge », Minute-La France cité in BIFFAUD (Olivier), « Dans la presse d'extrême droite, les fleurs pour les soldats, les orties pour Israël », Le Monde, 30 janvier 1991. 289 Idem. 290 L’Hebdomadaire National Hebdo se vendait en moyenne à 19 400 exemplaires par semaine en 1990. Cf LABBE (Yves Marie), « Le Front national vingt ans après, le petit monde de la presse ‘amie’ », art.cit. 291 National Hebdo est considéré comme l’hebdomadaire officieux du FN. 292 BRIGNEAU (François) cité in BIFFAUD (Olivier), « Dans la presse d'extrême droite, les fleurs pour les soldats, les orties pour Israël », art.cit. 293 Idem. 294 « Ils seraient le peuple phare, le peuple élu, en quelque sorte le peuple Dieu des autres peuples, s'ils obéissaient à sa Loi. Pouvait-on imaginer plus formidable caution? Ils étaient les témoins oculaires et auriculaires du miracle qui faisait d'eux le peuple-messie » écrit François Brigneau in Avant de prendre congé : Réponses à Anne Le Pape (deuxième partie), juin 1998, p. 5.
Page 74
Le quotidien Présent295, dirigé par Pierre Durand, membre du bureau politique du
Front, soutient également les positions de l’Irak de Saddam Hussein tout en menant la
charge contre la politique israélienne dans la région. Durant les premiers jours de
l’opération Tempête du Désert, Israël est visé par le lancement d’une série de Scuds296
irakiens principalement sur les zones urbaines de Tel-Aviv et de Haïfa297, cherchant par
ces tirs à provoquer une réaction unilatérale de l’Etat Juif, sans toutefois y parvenir.
Pour autant, le quotidien Présent persiste à dénoncer « l'arrogance israélienne » à
la « une » de l’édition datée du 21 et 22 janvier. « Comme si cela ne suffisait pas, il faut
encore qu'Israël (...) s'en prenne à la France et nous rende responsable du lancer de
quelques missiles irakiens sur ce pays298 » écrit le journal d’extrême-droite.
Le soutien de Jean-Marie Le Pen à l’intervention de Saddam Hussein contre le
Koweït ainsi que le refus de toute intervention internationale menée par les Etats-Unis
contre l’Irak marque un aggiornimiento de grande ampleur pour le Front National, qui a
été, pendant longtemps, très proche idéologiquement des théories libérales venus des
Etats-Unis. La chute du mur de Berlin oblige le parti à reconsidérer ses sources
idéologiques. Le FN bascule dans un discours anti-mondialisation et anti-américain pour
défendre l’identité française qui serait menacé par ce phénomène. Or, le discours du FN
prend également une tournure anti-israélienne du fait de l’alliance entre les Etats-Unis et
Israël. Les attentats du 11 Septembre changeront bousculeront à nouveau le cours des
relations entre l’extrême-droite et Israël.
295 En 1990, Présent vendait en kiosque 7 000 exemplaires. Le quotidien affirmait également fidéliser 15 000 abonnés. Cf LABBE (Yves Marie), « Le Front national vingt ans après, le petit monde de la presse "amie " », art.cit. 296« 1991: Iraqi Scud missiles hit Israel », 18 janvier 1991, in bbc.co.uk. Dernière consultation 13 février 2011. URL : http://news.bbc.co.uk/onthisday/hi/dates/stories/january/18/newsid_4588000/4588486.stm. 297« Figure 6. Where Scuds landed in or near Israel », in global security.org. Dernière consultation 13 février 2011 http://www.globalsecurity.org/wmd/library/news/iraq/2000/scud_info/fig6.htm. 298 Le quotidien Présent cité in BIFFAUD (Olivier), « Dans la presse d'extrême droite, les fleurs pour les soldats, les orties pour Israël », art.cit.
Page 75
Section II- Les tergiversations de l’extrême-droite depuis le 11
septembre
A) La tentation de l’alliance avec Israël contre l’islam
Selon le politologue Bruno Etienne « L'islamisme est [...] l’utilisation politique de
l’islam par les acteurs d’une protestation antimoderne perçue comme portant atteinte à
leur identité à la fois nationale et religieuse299.» Or, certains groupes d’extrême-droite ne
font pas la distinction entre la doctrine islamique et islamiste et ont tendance ainsi à
combattre uniquement la religion musulmane.
1) Divergences entre le FN et le MNR après le 11 septembre
Les attentats du 11 Septembre 2001 sont un choc pour les pays occidentaux. La
brusque réapparition de la question du terrorisme islamiste provoque des
questionnements dans tous les partis, et en particulier à l’extrême-droite. Deux camps
s’opposent dans ce courant politique. Il y a ceux qui décident que la question de l’islam
est dorénavant la question la plus importante et qu’il s’agit de tout faire pour combattre
ce fléau, quitte à s’allier avec Israël. D’autre part, Il y a ceux qui sont favorable à ce
discours anti-mondialisation qui s’est développé durant les années 1990 à l’extrême-
droite et qui persisteront dans le discours anti-impérialiste et anti-israélien.
Depuis 1998, il existe à présent deux partis d’extrême-droite. Bruno Mégret a fait
scission avec le mouvement de Jean-Marie Le Pen et a créé le MNR (Mouvement
National Républicain). Au-delà des questions d’ego300 qui ont joué dans cette division de
l’extrême-droite, les questions d’alliance et de politique internationale n’étaient pas
étrangères à cette division. Dans un argumentaire « confidentiel » à destination des
« mégrétistes », révélé par Le Monde en décembre 1998, on pouvait lire la déception des
partisans du Mégret face à un « retour au « groupuscularisme ». La fermeture et
299 ETIENNE (Bruno), « L'islamisme comme idéologie et comme force politique », Cités 2/2003 (n° 14), p. 45-55. Dernière consultation le 17 février 2011. URL : www.cairn.info/revue-cites-2003-2-page-45.htm. 300 SOUDAIS (Michel), « 1998 : exit Bruno Mégret », Le Monde, 28 avril 2002.
Page 76
l'enfermement du Front national dans la stratégie « jusqu'au-boutiste » de Maréchal
témoignent de l'absence d'une stratégie d'expansion et d'influence301. »
Les mégrétistes critiquaient également dans ce même document « les prises de
position en faveur des extrémistes islamistes (Iran) [qui] marquent la « talibanisation »
du Front national302. » C’est ainsi que les attentats du 11 Septembre provoqueront des
réactions divergentes entre le MNR et le FN. Déjà très méfiant à l’égard de l’islam, les
attentats du 11 Septembre confirment les craintes contre cette religion qui s’expriment au
MNR depuis 1999. Dans un communiqué diffusé après les attentats, le parti dénonce la
«montée de l'islamisme et le développement de l'islam qui en est le terreau303. »Pour
appuyer ces propos, le MNR prend l’exemple des « événements dramatiques de Béziers
[le 2 septembre 2001 un déséquilibré Safir Bghioua, ouvre le feu sur une patrouille de
police, le commissariat puis assassine le chef de cabinet du maire de la ville, en se
réclamant « d’Allah »304], avant ceux catastrophiques de New York, montrent que la
menace islamique est globale et prend toutes les formes depuis les actions de guérilla
jusqu'à l'acte de guerre305 ».
Les attentats du 11 septembre sont particulièrement analysés à l’extrême-droite
sous un prisme franco-français. Ces tragiques événements montreraient le risque de
laisser se développer l’islam en France306. Ces attentats poussent également un certain
nombre de membres du MNR à soutenir Israël : « Dans les débats [au MNR] s’exprime
des gens qui prennent assez clairement le parti d’Israël en disant que désormais le jeu au
Moyen-Orient est très clair, il y a désormais l’islamisme radical et ces alliés et de l’autre
côté l’Occident démocratique et ses alliés. Il faut donc soutenir Israël. C’est tellement
clair que cela déchaîne une série de départs à l’intérieur du MNR [de personnes] qui ne
301 « Le Pen vu par les « mégrétistes », Le Monde, 12 décembre 1998. 302 Idem. 303 CHOMBEAU (Christiane), « L'extrême droite entre dénonciation de l’ "impérialisme" et peur de l'" islamisme"», Le Monde, 16 septembre 2001. 304 BENGUIGUI (Richard), « A Béziers, les policiers tentent de cerner la personnalité de Safir Bghioua », Le Monde, 7 septembre 2001. 305 CHOMBEAU (Christiane), « L'extrême droite entre dénonciation de l'"impérialisme" et peur de l'"islamisme" », art.cit. 306 « Il est temps de prendre conscience du danger qu'il y a à laisser la France être progressivement prise en otage par l'islam. Car ce serait à terme la livrer aux islamistes. (…) Il faut cesser d'aider l'islam à s'installer sur notre sol, arrêter la prolifération des mosquées » écrit le MNR dans un communiqué diffusé après les attentats du 11 septembre, cité in Ibid.
Page 77
veulent pas être associés de près ou de loin à la défense d’Israël et des Etats-Unis307 »
explique le spécialiste de l’extrême-droite Jean-Yves Camus. Bruno Mégret et ses alliés
font sienne la théorie du choc des civilisations308 et se place du côté de la civilisation
occidentale contre un monde arabo-musulman jugé dangereux.
Au FN, les attentats du 11 septembre sont analysés d’une tout autre manière. Le
chef du parti Jean-Marie Le Pen se montre très critique envers la politique américaine et
relativement compréhensif avec l’islamisme. Il déclare au Monde le 12 septembre 2001
qu’« on ne peut pas mener une politique de puissance qui soit insolente et parfois
criminelle sans s'attirer des haines inexpiables309 ». Sans aucune compassion pour les
3000 victimes, J-M Le Pen se montre plutôt satisfait que la première puissance mondiale
ait reçu une leçon de politique étrangère « Il me semble que les victimes de ces attentats
sont les victimes propitiatoires de la politique américaine dans le monde. (…) L'immunité
américaine, qui était quand même la trame de la politique étrangère des Etats-Unis
depuis deux cents ans, est terminée310 .»
Pour bien comprendre cette position, il s’agit de la remettre dans son contexte.
Depuis la guerre du Golfe, le FN s’est converti à l’antiaméricanisme et prône une
idéologie anti-libérale. Les attaques contre l’hégémonie et l’arrogance américaine
paraissent, de ce point de vue, assez logique. En outre, malgré le bilan tragique de ces
attentats, le sentiment antiaméricain reste très fort en France et persiste même après les
attentats du 11 septembre311. J-M Le Pen cherche peut-être ainsi à profiter de ces
événements pour attirer des nouveaux militants sensibles à ce discours anti-américain.
D’autre part, Jean-Marie Le Pen était englué dans une lutte fratricide avec Bruno Mégret
dont un des points de rupture était le soutien d’une partie des cadres du FN aux
307 CAMUS (Jean-Yves), conférence sur l’antisémitisme d’extrême droite. Conférence citée. 308 En 1996, le livre de Samuel Huntington Le choc des Civilisation parait aux Etats-Unis. L’auteur soutient la thèse que depuis la chute de la Guerre Froide, le monde est confronté à une structure organisationnelle du monde basée sur les civilisations et la culture, dans lequel la base religieuse tient une place centrale. 309 CHOMBEAU (Christiane), « L'extrême droite entre dénonciation de l' "impérialisme " et peur de l' " islamisme ", art.cit. 310 Idem. 311 « [Le]Nous sommes tous américains » qui fut lancé, au lendemain des attentats, par l'éditorial du Monde, puis par plusieurs dirigeants politiques, a ainsi suscité bon nombre d'oppositions qui s'expriment clairement sur les sites des journaux ou dans les forums des associations antimondialisation. (…) Sans doute le sentiment antiaméricain, qui reste vivace en France, n'est-il pas étranger à ces manifestations » écrit la journaliste Raphaelle Bacqué in Le Monde, « Droite et gauche refusent un engagement sans condition derrière les Etats-Unis », 18 septembre 2001.
Page 78
fondamentalistes iraniens. En réaffirmant ses positions contre la politique américaine, il
s’agit de ressouder le parti autour de sa personne.
De manière assez contradictoire, Jean-Marie Le Pen va prendre le pli totalement
inverse dans une interview au quotidien de gauche israélien Haaretz publié au lendemain
du premier tour de l’élection présidentielle d’avril 2002 qui vit le président du FN se
qualifier pour le second tour des élections.
Cette interview extrêmement longue et détaillée est symptomatique des ambiguïtés
de Jean-Marie Le Pen sur Israël et la question juive. Le leader du Front National parvient
dans la même interview à contester toute existence d’une tradition de l’antisémitisme en
France312, à nier que les membres du Front National sont antisémites313, à faire allusion à
l’action d’un lobby juif314 sur la décision prise par Jacques Chirac de reconnaitre la
responsabilité de la France dans le génocide juif, tout en soutenant de manière très
marquée l’action du Premier ministre israélien Ariel Sharon, pourtant extrêmement
critiquée par toutes les chancelleries européennes et la majorité des journaux français.
Il n’est pas anodin que l’ancien sous-lieutenant Jean-Marie Le Pen soutienne
l’action de l’ex ministre de la défense Ariel Sharon. Il semble y avoir entre les deux
hommes une confraternité de militaires. Jean-Marie Le Pen s’identifie au général
israélien qui doit subir l’hypocrisie des « âmes bien pensantes » de gauche comme J-M
Le Pen a pu le subir en Algérie : « Nous avions été appelé pour combattre le terrorisme
du FN. Mais l’intelligentsia en France critiqua nos actions. Il est très facile de critiquer
assis dans un fauteuil dans son salon. Je comprends l’Etat d’Israël, qui cherche à
défendre ses citoyens315 » avance le leader frontiste.
312 « Je n’ai aucune idée de ce qu’est l’antisémitisme classique. Je ne suis pas familier avec ce terme. (…) Il n’y a pas eu d’antisémitisme en France. Un incident isolé peut toujours arriver(…). Dans les années récentes-avant l’Intifada- il y avait uniquement 3 ou 4 incidents antisémites chaque année » estime Jean-Marie Le Pen cité in PRIMOR (Adar), « Le Pen ultimate », art.cit. 313 « Il n’y a aucune raison de nous coller le label antisémite. Absolument aucune. Je ne connais personne au Front National qui a commis, même l’acte le plus mineur contre une personne juive ou une propriété juive. » avance Jean-Marie Le Pen cité in Ibid. 314 « Je suis sûr qu’il [Jacques Chirac] a fait cette déclaration pour des raisons électoralistes. C’était un signe voyant fait pour gagner la sympathie de certains cercles(…). Dans le cas présent, les cercles juifs » juge J-M Le Pen in Ibid. 315 Idem.
Page 79
L’année 2002 fut une année de très forte tension au Proche-Orient. Elle a été
l’année la plus meurtrière pour les Israéliens depuis le début de la 1ère intifada en 1987
puisqu’elle a fait 420 morts316 dans le pays, la majorité tuée dans des attentats. Au mois
de mars 2002, dans ce contexte d’attentats-représailles, Le Premier ministre Ariel Sharon
lance l’opération « Mur de protection » qui vise à occuper à nouveau les villes de
Cisjordanie pour traquer les « terroristes317 » palestiniens.
Cette opération est attaquée assez durement dans la presse. J-M Le Pen est un des
rares hommes politiques français à défendre la politique d’intervention militaire de
grande ampleur initiée par le général Sharon dans les Territoires Palestiniens : « C’est la
politique qu’il a déclaré vouloir poursuivre. Il ne trahit pas les engagements qu’il a pris.
"Je ferais la guerre" et il fait la guerre avec tous les risques que cela comporte.
L’Histoire montrera s’il avait tort ou raison318. »
2) Peut-on parler de rapprochement entre la communauté juive et l’extrême-
droite ?
Ces déclarations pro-Sharon et de soutien à la politique israélienne contre un
monde musulman perçu comme menaçant319, dans une interprétation de la théorie du
choc des Civilisations de Samuel Huntington, peuvent être considérées comme une
stratégie menée par Jean-Marie Le Pen pour attirer le vote de la communauté juive dans
cet entre-deux tours des élections. J-M Le Pen a pu être d’autant plus tenté de suivre cette
stratégie politique qu’il affirme ne pas croire, dans cette interview à Haaretz, à un « vote
arabe320. »
La communauté juive est, en effet, extrêmement préoccupée durant ce printemps
2002 par la situation au Proche-Orient et par la recrudescence des actes antisémites.
316 « Israël - Palestine : vingt années sanglante », La Dernière Heure, 23 novembre 2009 in http://www.dhnet.be/infos/monde/article/290004/israel-palestine-vingt-annees-sanglantes.html. Dernière consultation le 17 février 2011. 317 Si on se place du point de vue israélien. 318 LE PEN (Jean-Marie) cité in PRIMOR (Adar), « Le Pen ultimate », art.cit. 319 Dans la même interview, J-M Le Pen déclare également à propos d’Israël « Même s’ils sont supportés par l’Occident, Les Israéliens sont juste quelques millions contre un milliards de musulmans. Heureusement, il n’y aura jamais d’unité Islamique. Ils sont tous très différents les uns des autres et hostiles entre eux. Dieu merci » 320 « Je ne crois pas qu’il existe en France un ‘vote arabe’. Les habitants des banlieues qui sont responsables des violents incidents ne participent pas aux élections. estime J-M Le Pen in PRIMOR (Adar), « Le Pen ultimate », art.cit.
Page 80
Ainsi, une manifestation, à l’appel du CRIF « contre le terrorisme et l'antisémitisme,
avec Israël pour la paix et la sécurité » attire 100 000 personnes321 (on considère
généralement qu’il y aurait environ 300 000 juifs français dans la région parisienne) à
Paris le 7 avril 2002. Cette manifestation avait été organisée par le CRIF en particulier
en réaction à des actes antisémites commis la semaine précédente contre la synagogue de
la Duchère à Lyon et contre la synagogue Or Aviv de Marseille322.
En montrant qu’il soutient Israël dans sa lutte contre le terrorisme et en tentant de
faire oublier ces anciennes déclarations ambigües sur la question juive, Jean-Marie Le
Pen espère trouver de nouveaux renforts électoraux dans la communauté juive dont
certains membres radicaux ont pu être attirés par ce discours. C’est le cas de Sonia
Arrouas qui témoigne dans un article d’Haaretz du 23 avril 2002 de son soutien au leader
frontiste: « Le Pen est opposé aux Arabes, et est, par conséquent, bon pour les Juifs (…).
Beaucoup de Juifs soutiennent Le Pen mais ils sont effrayés de l’avouer en public. Je n’ai
pas peur d’exprimer mes opinions (…). Le Pen est pro-israélien. Il pense que c’est le seul
Etat occidental dans un Orient arabe et c’est pourquoi la sécurité d’Israël et son
existence lui importe323»
Au nom de ce combat commun d’Israël et de l’Occident contre l’islamisme,
Philippe de Villiers va lui aussi essayer de se rapprocher des membres les plus radicaux
de la communauté juive lors de la campagne présidentielle suivante de 2007. Cette idée
d’un rapprochement entre la communauté juive chemine à l’extrême droite depuis les
attentats du 11 septembre, essayant de convaincre la communauté juive que l’ennemi des
Juifs de France se trouve dorénavant du côté de l’islam radical et plus vraiment du côté
de la droite nationale.
321 GARCIA (Alexandre), SMOLAR (Piotr), « Des manifestations en France ont fait écho au conflit du Proche-Orient », Le Monde, 9 avril 2002. 322 THORAVAL (Armelle) VAUDOIT (Hervé), « Indignation après l'incendie d'une synagogue à Marseille », Libération, 2 avril 2002. 323 MELMAN (Yossi), « "Le Pen is good for us, " Jewish supporter says», Haaretz, 23 avril 2002.
Page 81
Le souverainiste Philippe de Villiers est un des acteurs de ce rapprochement. En
février 2006, à la suite de la mort d’Ilan Halimi324, une manifestation est organisée en sa
mémoire dans les rues de Paris. Philippe de Villiers ainsi qu’un contingent du FN se
joindront au cortège mené par Sos-Racisme, la LICRA et le CRIF. Ils seront expulsés de
la tête de la manifestation par les organisateurs même si le CRIF avait préalablement
annoncé, au contraire des autres associations, qu’il ne souhaitait pas que le président du
MPF soit exclu du défilé325.
Le FN était, lui, représenté326 par Marie-Christine Arnautu, conseillère régionale
amie de Marine Le Pen et le Secrétaire général du groupe FN à la région Ile-de-France
Jean-Richard Sulzer, de confession israélite. Durant tout le cortège, les membres du FN
étaient escortés par des militants de la Ligue de Défense Juive, une « organisation juive
violente et extrémiste327 » selon le FBI. Interrogé par Le Monde, un militant de la LDJ
défend le rapprochement entre ces partis politiques et la LDJ au nom d’un ennemi
commun : « Ce n'est pas le FN ou Villiers qui sont antisémites, ce sont les mouvements
gauchistes pro-palestiniens. Avec eux aujourd'hui on a les mêmes ennemis328. »,
En cette année pré-électorale, De Villiers poursuit son offensive de séduction de la
communauté juive dans une interview à Israël magazine de mai 2006: « Beaucoup de
gens de la communauté juive de France se retrouvent dans mon combat contre ce fléau
de l'islamisation. (...) Les juifs de France sont les premiers touchés par ce phénomène, et
ils savent qu'ils peuvent compter sur ma détermination pour les défendre329 », explique le
président du MPF. Néanmoins, Philippe De Villiers n’obtiendra qu’une audience
324 Ilan Halimi est un jeune juif français qui a été enlevé « parce que les Juifs ont de l’argent » puis assassiné par le « gang des barbares » mené par Youssouf Fofana. Cette affaire datant de février 2006 a littéralement traumatisé la communauté juive. 325 Le CRIF rejetait la présence du FN mais pas celle du MPF, expliquant que seul le premier a été concerné par des condamnations en justice pour racisme ou antisémitisme. « Nous ne voulons pas faire d'exclusions qui ne seraient pas motivées par des raisons objectives » expliqua le président du CRIF Roger Cukierman in « Polémique autour de la manifestation contre le racisme et l'antisémitisme », Lemonde.fr, 25 février 2006. Dernière consultation le 18 février 2011. URL : http://lemonde.fr/societe/article/2006/02/25/polemique-autour-de-la-manifestation-de-dimanche_745119_3224.html. 326 CHOMBEAU Christiane, « M. de Villiers a été expulsé de la tête du cortège, le FN est resté discret », Le Monde, 28 février 2006. 327 « Reports and Publications :Terrorism 2000-2001 », FBI, in http://www.fbi.gov/stats-services/publications/terror/. Dernière consultation le 18 février 2011. 328 CHOMBEAU (Christiane), « M. de Villiers a été expulsé de la tête du cortège, le FN est resté discret », art.cit. 329 CHOMBEAU (Christiane), « Philippe de Villiers tente de séduire l'électorat juif le plus à droite », Le Monde, 25 mai 2006.
Page 82
confidentielle lors de la présidentielle de 2007 réussissant difficilement à atteindre la
barre des 2 % des voix pour seulement 818 407 suffrages.
Cette stratégie de rapprochement avec la communauté juive fut, un temps,
également envisagée dans le camp de Marine Le Pen. En 2005 elle s’inscrit au groupe de
travail sur le Proche-Orient au sein du Parlement européen et souhaite, participer à ce
titre à un prochain voyage en Israël. Elle envisage même de se rendre à Yad Vashem330.
Pour aplanir les divergences avec le CRIF, elle demande un rendez-vous au président de
l’organisation Roger Cukierman qui lui refuse « tant que le FN n'aura pas condamné
formellement les propos antisémites de Jean-Marie Le Pen et de Bruno Gollnisch331. » Ce
qu’elle s’est toujours refusé à faire de manière claire, assurant qu’elle n’a pas « la même
vision332 » de cette période de l'Histoire que son père sans pour autant condamner ces
propos. Le gouvernement israélien refusera finalement, comme il l’avait fait avec Jean-
Marie Le Pen de lui octroyer un visa provoquant une déception teintée d’ironie de Marine
Le Pen : « J'ai pensé qu'Israël avait trop d'amis pour rejeter un député européen333. »
Si Marine Le Pen s’est vu refusé l’entrée en Israël, il n’en a pas été de même pour
d’autres formations d’extrême-droite qui se sont rendus en visite dans l’Etat hébreu en
décembre 2010. Ce rapprochement entre l’extrême droite européenne et Israël ne semble
plus être un tabou pour la droite israélienne A la fin du mois de décembre 2010, le vice-
ministre israélien du développement, Ayoub Kara, un druze israélien du parti Likoud334 a
rencontré à Vienne Heinz-Christian Strache le dirigeant du FPÖ, l’ancien parti de de Jörg
Haider en expliquant que selon ses recherches « le FPÖ est le seul parti en Autriche qui a
soutenu Israël après le raid sur la flottille turque335. »
Le néerlandais Geert Wilders, héraut du combat contre l’islam au Pays-Bas et chef
de file du Parti de la liberté (PVV), s’était également rendu en Israël le 4 décembre et
330 Yad Vashem est un mémorial situé à Jérusalem destiné à commémorer la Shoah. 331ROSSO (Romain) « Quand elle "approchait" les juifs », L’Express, 15 décembre 2010. 332 Idem. 333 Idem. 334 Le Likoud est le parti leader de la droite israélienne. 335 KARA (Ayoub) cité in CAMUS (Jean-Yves), « Contre l'islam, l'extrême droite européenne avec Israël », Rue 89, 23 décembre 2010. Dernière consultation le 16 février 2011. URL : http://www.rue89.com/2010/12/23/contre-lislam-lextreme-droite-europeenne-avec-israel-182113.
Page 83
avait obtenu un entretien avec le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman du
parti nationaliste Israel Beitenou. Le lendemain, une délégation de partis d’extrême-
droite qui comprenait, entre autre, des membres du Vlaams Belang flamand et du parti
d’extrême-droite suédois se trouvaient également dans le pays.
Au cours de ce voyage en Israël, ils ont rencontré le maire d’Ashkelon, Benny
Vaknin appartenant à l’aile radicale nationaliste du Likoud. Ils se sont également rendus
à la frontière entre Israël et Gaza. Ils ont aussi été reçus par le député Arié Eldad, du parti
Union nationale, qui préconise le transfert en Jordanie de la population palestinienne.
Ces membres des partis de l’extrême-droite européenne se focalisent (tout comme
une partie de l’extrême-droite française) sur la question de l’islam dans une interprétation
de la théorie du choc des civilisations, croyant qu’Israël est le dernier rempart de
l’occident contre le monde musulman. « Israël vit et existe sur la ligne de front du conflit
entre les civilisations. Le conflit israélo-arabe incarne le combat entre la civilisation
occidentale et l'islam radical. Le combat entre ceux qui chérissent la liberté et ceux qui
veulent soumettre le monde à la théocratie musulmane336 » a déclaré un député du
Vlaams Belang. En outre, le soutien à Israël peut être comme le souligne le chercheur
Jean-Yves Camus un moyen habile de se débarrasser pour ces partis des « oripeaux
encombrants de l'antisémitisme337 .» C’est peut-être, dans ce contexte qu’il faut
interpréter la relative bienveillance de Marine Le Pen envers Israël.
Dans une interview donnée à Haaretz en janvier 2011, Marine Le Pen affirme que
le « le Front national a toujours été favorable au sionisme et a toujours défendu le droit
à l’existence d’Israël338. » Bien, que cette phrase soit, en elle-même, fausse339, elle
montre la volonté de Marine Le Pen de s’affirmer comme un soutien de l’Etat d’Israël340
probablement pour attirer les électeurs juifs.
336 Idem. 337 Idem. 338 PRIMOR (Adar), « The daughter as de-demonizer », Haaretz, 7 janvier 2011. 339 Cf la partie sur « le rapprochement entre les mouvements antisionistes et le FN » 340 Marine Le Pen se veut tout de même un soutien mesuré de la stratégie sécuritaire de l’Etat d’Israël puisque dans la même interview, celle-ci critique la « politique de développement des colonies » considérant qu’il s’agit d’une « erreur politique. »
Page 84
Ce parti pourrait s’avérer gagnant. Dans un éditorial du site israélien francophone
Guysen, l’éditorialiste Marc Fehmson critique « ces Juifs qui aiment la Marine »
assurant, sans pour autant donner de chiffres précis qu’on assiste à un phénomène
« encore marginal, mais croissant, celui de l'électeur juif qui succomberait aux sirènes
de la Marine… Le Pen341. » Ces Juifs français seraient attirés par le discours anti-islam de
Marine Le Pen. Pour autant, le phénomène ne peut être vérifié puisqu’en France les
statistiques ne comportent pas de critères ethniques. Notons néanmoins, que lors de la
campagne électorale pour l’élection d’un nouveau président du FN, la candidate Marine
Le Pen s’est faite vilipender par Rivarol dirigé par Jérome Bourdon, proche de Bruno
Gollsnich, qui l’accusait d’être de «connivence avec la Ligue de défense juive342» et de
vouloir s’allier avec la droite traditionnelle.
La volonté de rapprochement du FN avec les membres les plus radicaux de la
communauté juive n’est pas nouvelle. Jean-Marie Le Pen avait adopté la même tactique,
pendant un temps, en 1987 en se rendant aux Etats-Unis pour rencontrer les caciques du
judaïsme américain. Marine Le Pen fait preuve de la même volonté de normalisation343
de ses relations avec la communauté juive. C’est ainsi qu’elle a accepté une interview à
Radio J (la plus importante station de la communauté juive) en mars 2011. Or, le tollé
contre cette initiative a été tellement grand au sein des groupes représentatifs des Juifs
français344 que la radio a été obligée d’annuler l’interview.
341 FEMSOHN (Marc), « Ces Juifs qui aiment la Marine », guysen.com, 21 janvier 2011. Dernière consultation le 18 février 2011. URL : http://www.guysen.com/article_Ces-Juifs-qui-aiment-la-Marine-br-Editorial-de-la-semaine-du-22-01-2011_14927.html 342 FORCARI (Christophe), « Front national : les canards à l’orage », Libération, 19 novembre 2010 343
Marine Le Pen a modelé son discours sur la Shoah, parlant des « camps » comme du « summum de la barbarie » dans une interview au Point de février 2011. Elle tient un discours relativement modéré sur Israël. Elle a également affirmé le 9 mars 2011 que « nos amis les juifs n'ont rien à craindre du Front national. » 344
« Sous la colère des Juifs de France, Radio J renonce à inviter Marine Le Pen », leparisien.fr, 9 mars 2011. Dernière consultation le 9 mars 2011. URL : http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/sous-la-colere-des-juifs-de-france-radio-j-renonce-a-inviter-marine-le-pen-09-03-2011-1350752.php
Page 85
B) Le rapprochement entre les mouvements antisionistes et le FN
1) Dieudonné, acteur d’une alliance entre des éléments venus de l’extrême-gauche
et de l’extrême-droite contre le sionisme
Les attentats du 11 septembre ont largement recomposé la donne à l’extrême-
droite. Une partie du mouvement s’est rapproché des positions de la droite israélienne sur
la plan idéologique, si bien que certains ont pu imaginer une alliance entre l’extrême-
droite européenne anti-islam et la fraction la plus à droite de la communauté juive en
Israël et en diaspora. Pour le moment, malgré le voyage en décembre 2010 de députés
d’extrême-droite en Israël, cela n’est encore qu’une hypothèse peu vraisemblable. Un
autre rapprochement s’est néanmoins opéré, depuis le début des années 2000, entre des
personnalités très différentes qui se retrouvent sur une détestation commune du sionisme
et d’Israël.
L’humoriste Dieudonné a le parcours le plus atypique. Ancien contempteur du FN
qu’il a combattu à Dreux aux élections législatives de 1997, il s’en est aujourd’hui
rapproché très nettement. Engagé à gauche, Dieudonné se manifeste en 2002 par des
propos tendancieux sur le « lobby juif » : « le lobby juif déteste les Noirs, vraiment !
Étant donné que le Noir, dans l'inconscient collectif, porte la souffrance, le lobby juif ne
le supporte pas, parce que c'est leur business ! Maintenant, il suffit de relever sa manche
pour montrer son numéro et avoir droit à la reconnaissance345. »
Cette déclaration n’aura pas un grand écho en 2002. Mais, elle sera reprochée à
Dieudonné après décembre 2003 suite à son passage à « On ne peut pas plaire à tout le
monde » où il déchaine la polémique en fustigeant l’axe « américano-sioniste346 » et en
terminant son sketch par un salut nazi. Cette provocation de Dieudonné lui vaudra
l’annulation d’un certain nombre de ces spectacles l’entrainant vers un processus de
345 « Moment ! Dieudonné ! » in blackmap.com. Dernière consultation le 20 février 2011. URL :http://web.archive.org/web/20021022134311/www.blackmap.com/contenus/art_culture/moment_dieudo.htm. 346
« Dieudonne fogiel complet » in http://www.dailymotion.com/video/xroz_dieudonne-fogiel-complet_shortfilms. Dernière consultation le 20 février 2011.
Page 86
radicalisation. En 2004, Il rencontre Alain Soral, un essayiste adhérent du PCF pendant
les années 1990 qui s’est rapproché du FN à partir de 2002.
Alain Soral, depuis ses années communistes s’est fait le promoteur de thèses
fustigeant le sionisme associé au capitalisme américain, inspiré en cela par les théories du
GRECE. En 1993, il participe à l’appel « Vers un Front national », publié par le journal
proche de l’extrême gauche l’Idiot International. Cet appel propose « une politique
autoritaire de redressement du pays347 » rassemblant « les gens de l’esprit contre les gens
des choses, la civilisation contre la marchandise - et la grandeur des nations contre la
balkanisation du monde [...] sous les ordres de Wall Street, du sionisme international, de
la bourse de Francfort et des nains de Tokyo348 ».
Dès 1993, Alain Soral se montre ainsi extrêmement critique face au sionisme.
C’est ce qui va lui permettre de se rapprocher de Dieudonné malgré leurs désaccords
passés349. Les deux hommes partagent la même conviction sur « le sionisme et le lobby
juif350 » expliqua Alain Soral en janvier 2009. Ils participèrent ensemble à la liste euro-
Palestine, rassemblement hétéroclites de personnalités soutenant la cause palestinienne,
qui a obtenu 1,63 % des voix en Ile-de-France aux élections européennes de 2004. Dans
de nombreuses communes, la liste dépassa même la barre des 5% notamment à La
Courneuve (7,19 %), Bobigny (6,73 %), Villepinte (6,47 %), Saint-Denis (5,57 %),
Trappes (8,62 %) et à Mantes-la-Jolie (6 %)351.
En parallèle de son rapprochement avec Alain Soral, Dieudonné poursuit ses clins
d’œil à l’extrême-droite et au FN. Il donne des interviews à la presse d’extrême-droite et
soutient Bruno Golnisch après son exclusion de l’université de Lyon-III à la suite de
347 « National-bolchevisme : de nouvelles convergences » Publié le 3 janvier 2007 (republication d’octobre 1993) in Reflex (site d’informations anti-fascistes). URL : http://reflexes.samizdat.net/spip.php?article294. Dernière consultation le 21 février 2011. 348 Idem. 349 « A cette époque, dans l'un de mes livres, j'ai mis en cause Dieudonné sur son combat idéologique. Il a souhaité me rencontrer et les choses se sont bien passées » affirme Alain Soral in AHMED-CHAOUCH (Azzeddine), « Comment Dieudonné s'est rapproché de Le Pen », 8 janvier 2009, le Parisien. 350 AHMED-CHAOUCH (Azzeddine), « Comment Dieudonné s'est rapproché de Le Pen », art.cit. 351 Cf CAPELANI (François), « Les animateurs de la liste Euro-Palestine fêtent leur percée électorale en banlieue parisienne », Le Monde, 22 juin 2004.
Page 87
propos négationnistes en 2005. Dans une interview au mensuel Le Choc du Mois352 en
2006, il se prête même à une autocritique de ses engagements passés anti-frontistes: « A
ce moment [la qualification de Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002], je
commence à avoir un sérieux doute. Cette sorte de meute me parait suspecte, même si je
fais partie des manifestants. Je défile, mais à reculons, en traînant des pieds. J’ai dans la
bouche un arrière-goût de pisse persistant. J’hésite à aller voter pour quelqu’un que la
gauche voulait mettre en prison trois jours avant. Mais il y a la pression familiale, un
contexte professionnel, un endoctrinement puissant353. »
En 2006, les accointances idéologiques entre le FN et Dieudonné obtiennent un
retentissement médiatique de grande ampleur avec la visite de « l’humoriste » à la fête du
FN le 11 novembre 2006 et l’invitation honorée par Jean-Marie Le Pen d’assister à son
spectacle au Zénith en décembre 2006.
Les rencontres avec Marc Georges qui a rejoint le FN après la 1ère guerre du
Golfe354 et avec Frédéric Chatillon, ancien du GUD355 seront deux autres moments clés
dans le rapprochement idéologique entre Dieudonné et le FN. C’est grâce à l’entremise
de Frédéric Chatillon que Dieudonné pourra se rendre accompagné d’Alain Soral en
voyage au Liban et en Syrie en août 2006. Il y rencontre le général Michel Aoun, allié du
Hezbollah356. Le dénominateur commun entre tous ces personnages est la conviction qu’il
n’y a plus « ni droite ni gauche mais un "système" qui tourne autour des Etats-Unis et
d'Israël auquel ils s'opposent357 ». Ce qui explique le rapprochement entre des
personnalités venus de la gauche comme Alain Soral ou Dieudonné et des hommes
profondément ancrés à l’extrême-droite comme Frédéric Chatillon.
352 Le Choc du Mois est journal proche de l’extrême-droite dont la publication avait été stoppée à la suite d’une interview de Robert Faurisson dans le magazine en 1993. Le titre reparait en mai 2006. Il est tiré à 60 000 exemplaires. 353 Dieudonné in Le Choc du Mois, mai 2006 cité in crif.org. Dernière consultation le 25 février 2011 URL : http://www.crif.org/?page=sheader/detail&aid=6956&artyd=10. 354 MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline), « Les étranges amitiés de Dieudonné », Le Monde, 25 février 2009. 355 Groupuscule d’extrême-droite qui mène la chasse idéologique et physique aux « gauchistes » dans les universités. 356 Cet information a été donné sur le site « officieux » de Dieudonné, intitulé Les Ogres. Dernière consultation le 24 février 2011.URL : http://lesogres.info/article.php3?id_article=2415 357 MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline), « Les étranges amitiés de Dieudonné », art.cit.
Page 88
Focalisée sur la question israélienne et très engagé politiquement Dieudonné décide, en
2008 de lancer le parti Antisioniste avec Alain Soral et Yahia Gouasmi, le chef du centre
Zahra une organisation chiite proche du régime de Mahmoud Ahmadinejad. L’objectif de
ce parti est « d’éradiquer toutes les formes de sionisme dans la nation », de « libérer
l'Etat, le gouvernement et les médias de la mainmise sioniste » et de « redonner le
pouvoir à la France et aux Français358 ». En employant le terme sioniste, il s’agit pour ce
parti de ne pas de mettre en contradiction avec la loi mais le discours sur les médias et le
gouvernement contrôlés par un groupe occulte est typique des théories du complot juif
développé par l’extrême-droite. Dieudonné a, lui-même reconnu qu’il était ne pouvait
utiliser le terme juif qu’il remplaçait par le mot sionisme: « Je ne prononce pas le mot
juif. Après mes différents procès, j'ai compris qu'il pouvait y avoir interprétation sur ce
mot alors que sur sioniste, il n'y a pas d'interprétation possible359». Le Parti Antisioniste
obtiendra un score mitigé (1.30%) aux élections européennes de 2009 et inférieur à celui
de la liste euro-palestine en 2004 en Ile-de-France (seule région ou le Parti Antisioniste a
obtenu un financement assez important pour se présenter).
Affilié au centre Zahra, le Parti Antisioniste permet à Dieudonné de se rapprocher
de Téhéran si bien qu’il y effectuera une visite en novembre 2009 en compagnie de Yahia
Ghouasmi, l’un des colistiers de la liste Antisioniste avec Alain Soral aux européennes de
2009.
358 THIOLAY (Boris), « Les amis très particuliers du centre Zahra », L’Express, 26 février 2009 359 CAEN (Marc), « Comment Dieudonné est devenu antisémite », Slate.fr, 7 mai 2009. Dernière consultation le 25 février 2011. URL : http://www.slate.fr/story/4903/comment-dieudonn%C3%A9-est-devenu-antis%C3%A9mitisme-fn-soral
Page 89
Alain Soral est aussi l’animateur du site et de l’association Egalité et
Réconciliation dont le positionnement est très farouchement antisioniste au nom de la
défense de l’identité française360. Il sera également, un temps, la plume de Jean-Marie Le
Pen, entrainant, de facto, une radicalisation antisioniste du leader frontiste.
2) La stratégie antisioniste du FN
En février 2009, à l’occasion de l’anniversaire du 30ème anniversaire de la
révolution islamique d’Iran, Jean-Marie Le Pen se rend au centre Zahra et donne une
interview à une militante du centre, voilée, qui l’accueille par un « Salam Aleikoum ».
Interrogé sur l’opération Plomb Durci menée de décembre 2008 à janvier 2009 par
l’armée israélienne qui a provoqué la mort de 1400 palestiniens, J-M Le Pen montre sa
solidarité avec le peuple du territoire gazaouï contrôlé par le Hamas : « On a écrasé ce
petit pays [Gaza] qui était un véritable camp de concentration où les gens ne pouvaient
n’y entrer ni sortir. Une armée moderne (…) traitait ce pays de manière parfaitement
inhumaine361. » Une des particularités du discours antisioniste radical sur Israël est
d’appliquer au conflit israélo-palestinien, une terminologie propre à la seconde guerre
mondiale. L’idée est de prouver que les nouveaux nazis sont les Juifs et que les
bourreaux sont devenus les victimes. Ce discours est assez ancien, il a été largement
utilisé pendant la guerre du Liban. En parlant de « camp de concentration » pour parler de
la situation de Gaza, J-M Le Pen s’inscrit dans cette même logique.
Le leader frontiste utilise aussi la théorie du complot, chère à l’extrême-droite. En
octobre 2010, Jean-Marie Le Pen accuse362 le Mossad d’avoir orchestré la campagne de
presse contre lui au moment de la polémique sur le « point de détail » réactivant l’idée
d’un réseau international « sioniste ». : « Lundi (lendemain de ses déclarations363), il ne
360 MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline), « Les étranges amitiés de Dieudonné », art.cit. 361 Vidéo Centre Zahra, « la vérité du Président Le Pen: interview », mis en ligne le 11 février 2009. Vue 300 000 fois sur les sites d’hébergement de vidéo. Dernière consultation le 25 février 2011. URL : http://www.youtube.com/watch?v=yI7z9JsK4NE 362 Cf AHMED-CHAOUCH (Azzedine), Le Testament du diable - Les derniers secrets de Jean-Marie Le Pen, Paris Editions du Moment, 2010 363 Comme le relève l’AFP : « D'après les archives de l'AFP, les condamnations de ces propos ont commencé dès le lundi 14 septembre 1987 et se sont poursuivies les jours suivants. » cité in dépêche AFP, « Le Pen: Israël est à "l'origine" de la polémique sur le détail en 1987 », 6 octobre 2010.
Page 90
se passe rien, et après ça se déchaîne. Oui, je pense qu'Israël est à l'origine, oui je pense
que c'est de là que ça vient. Oui absolument, et surtout l'orchestration mondiale prouve
un réseau, et ça me paraissait hors de proportions. »
Mais le tournant anti-israélien de Jean-Marie Le Pen se situe peut-être en
décembre 2003. Un an plus tôt, le leader frontiste avait donné l’interview à Haaretz
précédemment cité où il défendait le très impopulaire Ariel Sharon dans l’opinion
européenne. En décembre 2003 alors qu’il se trouve en tournée au Liban, la tonalité de
Jean-Marie Le Pen est bien différente. Dans une entretien au quotidien panarabe basé à
Londres, Al Hayat il dénonce « l’hégémonie américano-sioniste sur le monde, dont le
peuple palestinien, victime d’un génocide, paie le prix à travers le silence des Etats-Unis,
de l’Europe et du monde arabe. » Une fois encore, le champ-lexical lié à la seconde
guerre mondiale est utilisé par Jean-Marie Le Pen. L’idée d’une hégémonie « américano-
sioniste » sur le monde est une notion souvent utilisée dans une partie de l’extrême-droite
qui amalgame les actions d’Israël et des Etats-Unis. C’est ce que montre également le
politologue Pierre-André Tagguieff qui parle de « jumelage idéologique » entre l’anti-
américanisme et l’antisionisme : « Tous ces fléaux sont imputables aux activités d'Israël
(du "sionisme") ou des États-Unis, ou plus couramment des deux. Mais il ne faut pas
tomber dans des excès polémiques : tous les antiaméricains ne sont pas antijuifs, tous les
antijuifs ne sont pas antiaméricains364. »
J-M Le Pen est une personnalité contradictoire. Il est difficile de comprendre ces
changements d’opinions. Peut-être a-t-il estimé qu’il était à présent plus intéressant,
électoralement parlant, d’attaquer la politique israélienne pour recueillir les voix des
français d’origine nord-africaine aux élections locales de 2004. Cela parait néanmoins
peu probable puisque Le Pen, dans l’interview à Haaretz d’avril 2002, avait, lui-même,
indiqué qu’il ne croyait pas qu’il existait « un vote arabe » en France. Peut-être, alors
Jean-Marie Le Pen a-t-il été influencé par Alain Soral et d’autres proches
antimondialistes et anti-américains comme Frédéric Chatillon.
364 KOSELLEK (Elisabeth), « Prêcheurs de Haine : entretien avec Pierre-André Taguieff », communautarisme.net, janvier 2005. Dernière consultation le 25 février 2011. URL : http://www.communautarisme.net/Precheurs-de-Haine-entretien-avec-Pierre-Andre-Taguieff_a357.html?print=1"%3Btarget=_blank
Page 91
En tout cas, derrière le soutien ou non à Israël, le vrai clivage se trouve dans cette
logique mondialiste que le héraut de la « Nouvelle Droite » Alain de Benoist commente
dans le bimensuel Flash365. Le penseur de droite approuve la critique accentuée de
Marine Le Pen « du libéralisme économique et du pouvoir de l’argent366 » mais pas ses
remarques sur « l’islamisation ». A.De Benoist ne croit pas à la théorie du choc des
civilisations qui selon lui ouvre « la porte aux alliances contre-nature que l’on voit se
multiplier actuellement367, avec, pour conséquence que la droite et l’extrême droite
islamophobes sont en train de devenir en Europe, une pièce du dispositif israélien368. »
Or, pour A. De Benoist, Marine Le Pen ne peut durablement tenir ces deux
positions. Elle doit choisir entre combattre l’islamisme en étant « dans l’optique du
“choc des civilisations369” » ou montrer qu’elle est prête à « contester frontalement un
nouvel ordre mondial qui utilise (et encourage) l’éventualité de ce “choc” pour
renforcer la puissance dominante des Etats-Unis et de ses alliés. Le vrai clivage est
là370. » Marine Le Pen semble, pour le moment, se placer du côté de l’anti-mondialisme
affirmant que « les Français sont prêts aujourd'hui à se donner au second tour de
l'élection présidentielle un vrai choix (...) entre une candidate nationale [Marine Le Pen]
et un candidat mondialiste371 [Dominique Strauss-Kahn]. » La nouvelle présidente du FN
n’a pas encore véritablement trouvé sa voie. La campagne pour l’élection présidentielle
de 2012 sera, en tout cas, un moment charnière de recomposition pour l’extrême-droite
qui a eu beaucoup de mal à accepter cette candidate jugée trop moderniste et qui souhaite
se rapprocher de la droite traditionnelle.
365 Ce magazine fut lancé en novembre 2008. Il se veut « altermondialiste », mais reste proche des thèmes d’extrême-droite. 366 MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline), « Alain de Benoist en “soutien critique” à Marine Le Pen », Droites extrêmes, 26 janvier 2011 in http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2011/01/26/alain-de-benoist-en-soutien-critique-a-marine-le-pen/ . Dernière consultation le 25 février 2011. 367 Ces alliances ont largement été évoquées dans la partie précédente. 368 MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline), « Alain de Benoist en “soutien critique” à Marine Le Pen », art.cit. 369 Idem. 370 Idem. 371
Dépêche AFP, « Le Pen affrontera DSK "avec plaisir" », 24 février 2011.
Page 92
C) La « fachosphère » est-elle antisioniste ?
La « Fachosphère » est un terme journalistique qui fut utilisé par des sites internet
plutôt classés à gauche pour qualifier la présence sur Internet de sites et de blogs
défendant les positions de l’extrême-droite. Nous utiliserons ce terme « fachosphère »,
qui bien que simplificateur, permet de montrer que la présence de l’extrême-droite sur la
toile est un phénomène majeur. Nous n’avons pas la place dans ces pages pour être
exhaustifs sur l’ensemble des sites ou des blogs rattachés à l’extrême-droite, nous
n’étudierons que les exemples les plus significatifs de ce phénomène.
Le plus important site internet rattaché à l’extrême-droite est le site Fdesouche.
L’auteur du site se dit, lui-même, proche du FN372. Le site revendiquait 80 000373
visiteurs uniques par jour en juin 2010. En février 2009, Le Monde, s’appuyant sur une
étude du MRAP, relevait que Fdesouche était plus fréquenté que les sites de l’UMP ou du
PS374. Fdesouche se présente comme une sorte d’agrégateur de contenus de toute la
presse sur les thèmes principaux de la sécurité, du communautarisme et de l’immigration.
La question israélienne n’est, néanmoins pas négligé par le site qui a consacré pas moins
de 80 articles relatifs à Israël et aux Juifs entre septembre 2010 et février 2011.
Le site relaye particulièrement les combats menés par les militants pro-palestiniens
de la campagne BDS qui préconise un boycottage des produits israéliens. Ainsi, le 13
février 2011, Fdesouche rapporte qu’à Lyon « les militants pro palestiniens se retrouvent
"sur le trottoir"375 » ou qu’un avocat palestinien a remporté à Caen le 31 janvier 2011
372 « Ma sympathie va au FN. C’est notre vitrine la plus visible », estime l’auteur anonyme du site François de Souche dans l’émission de webradio « Derrière ta porte"/"Radio Bandera Nera, Paris » consacrée à F. Desouche le 4 mars 2008. 373 « Statistiques : record encore battu ! », fdesouche.com, 20 juin 2010. Dernière consultation le 1er mars 2011. URL : http://www.fdesouche.com/121550-statistiques-record-encore-battu. 374 MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline), « Les « cyberactivistes » d'extrême droite ont fait d'Internet leur nouveau terrain de jeu », Le Monde, 10 mars 2010. 375
« Résistance Palestine organisait une conférence salle Rameau à Lyon sur la situation à Gaza. Elle aurait dû se tenir hier à partir de 18 heures, la ville ayant accepté dans un premier temps de louer la salle. Avant de retirer son accord lorsqu’elle a appris que devaient intervenir des responsables Hezbollah et du Hamas. » in « Lyon : les militants pro palestiniens se retrouvent « sur le trottoir » », Fdesouche.com, 13 février 2011. Dernière consultation le 1er mars 2010. URL : http://www.fdesouche.com/177406-lyon-les-militants-pro-palestiniens-se-retrouvent-%C2%AB-sur-le-trottoir-%C2%BB.
Page 93
les « 22e "Plaidoiries pour les droits de l’homme". » Durant ces six mois, le site s’est
également fait l’écho de la polémique concernant la suppression de la conférence à
l’Ecole Normale Supérieure sur le boycott des produits israéliens auquel l’ancien
résistant Stéphane Hessel devait participer. Le CRIF fut accusé d’avoir joué un rôle dans
cette annulation donnant l’occasion à Fdesouche de dénoncer l’influence de cette
organisation en rapportant un article du journal Le Monde du 26 janvier 2011 intitulé
« Le CRIF : une légitimité symbolique. »
Dans les commentaires sous l’article, on vilipende également l’action de cette
organisation sans se départir d’une rhétorique antisémite : « Le nouveau directeur du
Monde izrael machinchose (sic) [Eric Izsraelewicz] démarre fort et pour ceux qui nient
encore le lobby-qui-n’existe-pas voilà un aveu très révélateur » écrit « Tyz ».
« Neustrie », lui regrette que personne ne puisse résister au « lobby » en France
contrairement aux Etats-Unis : « Les USA maintiennent en détention depuis 27 ans
l’espion Jonathan Pollard pour haute trahison au profit d’Israël, en dépit des
glapissements sionistes et des pleurnicheries du lobby. (…) Comme quoi les Américains
conservent une marge d’indépendance que les Français ont totalement perdue. » La
plupart des 28 commentaires regrettent en cœur cette trop grande influence des Juifs en
France.
La tactique de Fdesouche est assez particulière puisqu’elle consiste à prendre des
faits d’actualité diffusés dans d’autres journaux pour créer, par cette sélection forcément
subjective, un récit sur une France qui serait livrée aux gangs et aux délinquants d’origine
étrangère. La plupart des autres sites de la « fachosphère » fonctionne eux à visage
découvert, même si les commentaires des internautes de Fdesouche ne laissent pas de
doute sur l’orientation idéologique du site.
Le site novopress.info se présente, pour sa part, comme une « agence de presse
indépendante » mais est, en réalité, l’émanation du courant des Identitaires. Le Bloc
identitaire est un mouvement politique né en 2003 qui revendique 2000 adhérents376. Ce
courant dit s’opposer au « capitalisme ultralibéral, par opposition au capitalisme
376
Dépêche AFP, « Le mouvement d'extrême droite Bloc identitaire se lance dans les régionales », 17 octobre 2009.
Page 94
d’entrepreneurs – noble et enraciné377 », à « la politique expansionniste des États-Unis »
et à « l’Islam (…) religion conquérante qui ne vise que la soumission des non-musulmans
à la charia.»
Sur le site novopress.info, Israël n’est ainsi qu’un sujet traité parmi les autres.
Entre septembre 2010 et février 2011, seulement 10 articles ont par exemple traité de la
question israélienne. La majorité étant défavorable à l’Etat hébreu. Le site rapporte ainsi
le 6 décembre 2010 qu’« Israël bloque l’entrée du personnel médical de Médecins Sans
Frontières ou le 20 décembre qu’« Human right watch » accuse Israël d’étouffer la
Cisjordanie ». Le site raille également les propos de l’auteur Umberto Eco du 24 février
2011 : « les critiques d’Israël sont racistes » avait-il alors affirmé. Le site commente en
assurant qu’ « En Israël comme ailleurs, il n’existe pas de meilleure méthode pour faire
taire les critiques que de les affubler de la dénomination infamante de " racistes378 ". »
Sur voxnr.com379 qui se qualifie comme le site « des résistants au nouvel ordre
mondial », les contributeurs utilisent Israël pour montrer leur désapprobation avec les
autres courants « nationaux », en particulier le courant identitaire. Dans un article non
signé, la rédaction de voxnr s’oppose ainsi à « la montée en puissance au sein de
l’extrême droite française d’un courant multiforme : le national-sionisme. (…). C’est-à-
dire ceux qui voudraient nous engager dans des alliances improbables avec des lobbies
qui n’ont eu de cesse, ces quarante dernières années, de nous lier les mains et de nous
tirer dans le dos. C’est-à-dire aussi ceux qui voudraient nous voir prendre des voies
comme la lutte contre l’islam au lieu de celle contre l’immigration, l’alignement sur
l’Occident, le libéralisme économique, etc. qui sont sans issues pour le mouvement
national mais qui seraient forts utiles pour la finance apatride et les lobbies380. »
377
« Mieux connaître les Identitaires : Foire aux Questions », bloc-identitaire.com. Dernière consultation le 1er mars 2011. URL : http://www.bloc-identitaire.com/courant-identitaire/faq. 378
Pour Umberto Eco, les critiques d’Israël sont racistes, novopress.info, 24 février 2011. Dernière consultation le 1er mars 2011. URL : http://fr.novopress.info/79126/pour-umberto-eco-les-critiques-d%E2%80%99israel-sont-racistes/. 379 La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNDH) a qualifié, dans un rapport, voxnr comme étant « l’un des sites étudiés les plus structurés, riche en textes, et offrant des ressources militantes téléchargeables (tracts, affiches). » Cf L’Internet raciste en langue française, CNDH, 2004. Dernière consultation le 1er mars 2011. URL :http://www.cncdh.fr/IMG/pdf/Internet_raciste_en_langue_francaise.pdf. 380 « Le national-sionisme ou l’extrême droite de Sion », voxnr.com, 6 novembre 2010. Dernière consultation le 1er mars 2010. URL : http://www.voxnr.com/cc/d_antisionisme/EklApFluVuqwnXQaFQ.shtml
Page 95
Dans cet éditorial, l’auteur synthétise de manière assez claire les oppositions au
sein de l’extrême-droite entre le courant « mondialiste » soutenant Israël et les États-Unis
et le courant national-révolutionnaire qui accueille des militants venus parfois de
l’extrême-gauche. En effet, voxnr se présente comme étant un site allant « au-delà de la
droite et de la gauche381 » et ne s’intéressant qu’au « Peuple382. »
Voxnr met aussi à disposition gratuitement à ses visiteurs un certain nombre de
documents liés à l’extrême-droite comme des textes de François Duprat. Un autre site
appelé AAARGH383 s’est également spécialisé dans la transmission de textes d’extrême-
droite. Crée384 en 1996 par l’ancien chercheur au CNRS (révoqué en 2000 pour avoir
tenu des propos négationnistes) Serge Thion et l’ancien militant d’extrême-gauche Pierre
Guillaume, ce site fournit gratuitement la majorité des opus classiques de l’extrême-
droite qui ne sont plus disponible en librairie, en particulier les pamphlets de Céline
comme Bagatelles pour un massacre ou l’Ecole des Cadavres. Le site permet également
de se fournir largement385 dans le domaine de la littérature négationniste et antisioniste.
On y trouve 10 ouvrages ou brochures de Robert Faurisson ou encore un des livres
devenu un classique de l’antisionisme et du négationnisme intitulé Les Mythes fondateurs
de la politique israélienne écrit par l’ancien militant communiste Roger Garaudy. Le site
AAARGH ne fait pas mystère de son orientation antisioniste. Il affichait en page
d’accueil en mars 2011 une photo montrant la marine israélienne opérant en mer. En
légende, faisant allusion à l’épisode de la flottille de mai 2010 on pouvait lire ceci :
« l’armée des lâches [Tsahal] attaque et massacre les humanitaires en haute mer. Ils
étouffent Gaza. Brisons le Blocus. Boycott de l’entité sioniste génocidaire. »
Ces remarques antisionistes sont légions sur Internet, en particulier sur les sites
d’hébergement de vidéos comme Youtube ou Dailymotion. A titre d’exemple, la vidéo de
381 Dernière consultation le 1er mars 2010. URL : http://www.voxnr.com/services/presentation.shtml 382 Idem. 383 AAARGH signifie Association des anciens amateurs de récits de guerre et d'holocauste 384
KARMASYN (Gilles), en collaboration avec PANCZER (Gérard) et FINGERHUT (Michel), Le Négationnisme sur Internet. Genèse, stratégies, antidotes, Revue d'histoire de la Shoah, no 170, sept-déc. 2000 385 AAARGH se targue de diffuser plus de 600 livres et 200 brochures.
Page 96
débat au journal de la Cinq de 1989 entre Jean-Marie Le Pen et Lionel Stoléru fut remise
en ligne le 6 février 2009 et retitré « Jean-Marie Lepen, met à l'ammende (sic) le
sioniste. » Cette vidéo a été consultée 182 000 fois386 sur le site Youtube.
Incontestablement les militants d’extrême-droite et du FN sont très présents sur le net. Ils
ont créé leurs sites mais ils sont également essaimés sur les sites de partage de vidéo ou
sur les forums de discussion. Selon une étude datant de 2004de la société Datops,
spécialisée dans la veille de l’information sur Internet : « Le Front National est le parti le
plus visible sur les forums français de discussion sur Internet. C’est-à-dire que parmi
tous les partis, son nom est le plus cité dans les messages des internautes387. »
Or, ce n’est pas un hasard si le parti est aussi présent sur le net puisque cette
stratégie a été conçue à la tête du parti : « En préambule d'un "argumentaire" du FN
(fiches thématiques toutes faites à destination des militants) sur le droit de la nationalité,
on peut lire le paragraphe suivant : " Nous vous invitons vivement à diffuser nos
argumentaires sur les forums en ligne de nos adversaires, de la presse écrite et
audiovisuelle afin d'éclairer nos concitoyens sur quelques réalités politiques388". »
Le cyber-militantisme est devenu pour l’extrême-droite un nouveau moyen assez
prisé pour diffuser ses idées, d’autant plus que tout le monde peut ainsi accéder
facilement à ses argumentaires, alors que l’extrême-droite s’est toujours plainte d’être
ostracisée par les médias. Il est très difficile de chiffrer l’audience de ces sites ou de ces
blogs qui défendent les idées d’extrême-droite mais le succès d’un site comme François
de Souche montre bien qu’il y a une demande d’un espace pour exprimer ces idées
d’extrême-droite. Sur la question israélienne, ces sites oscillent, en général, entre
scepticisme sur la politique du gouvernement israélien et un antisionisme radical. Cette
orientation est aussi le résultat du changement de position de la population française sur
le conflit israélo-arabe. Largement favorable à Israël en 1967, la population Française a
un avis plus nuancé sur la question en 2010. Un sondage réalisé la même année montrait
que 45% de la population française estimait que les Palestiniens et les Israéliens étaient
386 A la date du 2 mars 2011. 387
BRABANT (Justine), « L'extrême-droite investit internet », arretsurimages.net, 6 octobre 2008. Dernière consultation le 2 mars 2011. URL : http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=1251. 388 Idem.
Page 97
autant fautifs dans la non résolution du conflit israélo-palestinien. Les Français étaient
tout de même quatre fois plus nombreux à considérer que ce sont « plutôt les Israéliens »
(24%) que « les Palestiniens » (6%) qui en sont responsables389. A noter que les partisans
du FN390 sont ceux qui s’intéressent le plus au conflit (12% de ne se prononcent pas,
contre 25% dans la population totale) et sont les seuls, parmi l’ensemble du spectre
politique français, à blâmer plus les Palestiniens que les Israéliens dans la non-résolution
du conflit.
389
Sondage IFOP pour Association France Palestine Solidarité, « Les Français, Israël et la Palestine », 2 avril 2010. Dernière consultation le 2 mars 2011. URL : http://www.francepalestine.org/IMG/pdf/sondage_E166E4C5d01.pdf 390
L’IFOP précise que ces « effectifs sont inférieurs à 40 individus : ces résultats sont à interpréter avec prudence en raison de la faiblesse des effectifs »
Page 98
CONCLUSION
La question israélienne est un problème qui passionna les journaux et de
nombreux hommes politiques d’extrême-droite depuis 1967. Il ne s’agit pas pour autant
du point de friction central entre les différents courants de l’extrême-droite. L’extrême-
droite n’est ni anti-israélienne, ni pro-israélienne. Au fil des circonstances, ces membres
ou ses journaux se rattachent à l’un ou à l’autre de ces courants mais on ne peut établir de
filiation certaine entre ce mouvement politique et une position claire sur la question
israélienne.
Si l’ancien leader du FN Jean-Marie Le Pen a oscillé entre différentes visions du
conflit israélo-palestinien en fonction des circonstances politiques ou internationales, il
faut néanmoins noter qu’il existe des solides courants pro ou anti-israéliens à l’extrême-
droite. L’exemple d’un journal comme Minute qui n’a cessé de soutenir l’Etat-hébreu
pendant trente ans au nom de la lutte contre le bolchevisme est, de ce point de vue-là,
symptomatique. Il est le porte-parole d’un courant occidentaliste pro-israélien qui connait
son apogée en 1967. La grande majorité des journaux et des hommes politiques
d’extrême-droite se rallient alors à Israël pour contrer les velléités soviétiques en
Méditerranée.
Le mouvement antisioniste est également enraciné solidement à l’extrême-droite.
Issu d’un assemblage entre le négationnisme et la haine d’Israël, il prend de l’ampleur au
cours des années 1970-1980. Mais, il connut sa véritable heure de gloire après la chute du
communisme en 1990-1991. En effet, l’extrême-droite française s’est construite, depuis
la fin de la seconde guerre mondiale, principalement par anticommunisme. Il paraissait
donc difficile pour ce mouvement de combattre un allié objectif de l’influence soviétique
au Proche-Orient. Certains journaux d’extrême-droite comme Défense de l’Occident l’ont
tout de même fait, ne croyant pas qu’Israël puisse être un allié fiable de l’Ouest. La chute
du mur obligea le FN, qui a su rassembler la majorité des groupuscules d’extrême-droite,
à recomposer son corpus idéologique se tournant alors vers une opposition à la politique
américaine et israélienne.
Page 99
Les attentats du 11 septembre ont contraint, une nouvelle fois, l’extrême-droite à
se recomposer. L’islamophobie prend de l’ampleur dans une frange importante du
mouvement et crée des alliances inattendues. Israël est de nouveau courtisé à l’extrême-
droite parce que cet Etat permettrait de combattre efficacement le terrorisme musulman.
C’est la renaissance du courant occidentaliste.
Celui-ci s’oppose au courant anti-mondialiste qui prend également de l’ampleur
après le 11 septembre. La politique américaine, comme israélienne est vilipendée. Le
« choc des civilisations », très populaire dans le camp occidentaliste, est nié.
L’opposition à la mondialisation permet de faire l’unité de ce mouvement. Jean-Marie Le
Pen se ralliera à la fin de son combat politique à ce courant opposé à la mondialisation.
L’élection de Marine Le Pen à la tête du FN en décembre 2010 marque un
véritable tournant dans l’histoire de ce parti. Moderniste, souhaitant « dédiaboliser »
l’image du FN, la nouvelle chef du parti ambitionne d’obtenir des responsabilités
politiques391.
Marine Le Pen a donné une nouvelle inflexion à son parti. Jadis, méfiant avec la
« Gueuse392 », le FN s’est tourné depuis l’avènement de Marine Le Pen vers un discours
axé sur la défense de la république et de la laïcité face au « danger » musulman. Ce
discours identitaire a des répercussions sur les conceptions internationales de Marine Le
Pen qui a cherché ces derniers mois à se rapprocher d’Israël. On voit d’ailleurs
l’émergence, au niveau de l’extrême-droite européenne, d’un courant anti-islamique et
pro-israélien. Si le discours de Marine Le Pen semble se rapprocher de cette mouvance
politique, elle tient également des positions très fermes sur les risques de la
mondialisation qui la rapproche du courant national-révolutionnaire farouchement hostile
à l’Amérique et au sionisme.
391 Interview de CREPON (Sylvain) par DEPRIECK (Matthieu), « Marine Le Pen veut le pouvoir », L’Express, 15 janvier 2011. Dernière consultation le 6 mars 2011. URL : http://www.lexpress.fr/actualite/politique/marine-le-pen-veut-le-pouvoir_952582.html 392 La « Gueuse » est le terme employé par l’extrême-droite monarchiste pour désigner la République française.
Page 100
Marine Le Pen n’a donc pas véritablement choisi son orientation sur cette
« question israélienne ». Les élections présidentielles qui auront lieu dans 13 mois seront
peut-être l’occasion de clarifier ces positions en particulier si Dominique Strauss-Kahn se
présente. Certains propos du directeur général du FMI clamant son attachement au
sionisme393 datant de vingt ans sont en effet recyclés depuis plusieurs années par les sites
internet d’extrême-droite défavorables à l’idéologie sioniste394. Marine Le Pen pourrait
être tentée d’utiliser ces déclarations pour remettre en doute le patriotisme de Dominique
Strauss-Kahn comme son père avait mis en doute celui de Lionel Stoléru par le biais de la
thématique israélienne. Pour autant, si Marine Le Pen tente d’aller sur le terrain de la
question juive et sioniste, elle court le risque de perdre les effets de son processus de
« dédiabolisation ». La « question israélienne » pourrait donc être un des débats sous-
jacents de l’élection présidentielle de 2012, même si une élection présidentielle se gagne
rarement sur des problématiques internationales. Pour autant, ces questionnements
peuvent permettre de récolter des dividendes électoraux lorsqu’ils sont utilisés dans une
logique franco-française.
Contrairement à Jean-Marie Le Pen, qui s’était distingué par des positions
contradictoires mais à chaque fois tranchées sur la question israélienne, Marine Le Pen
semble plus prudente quant à cette thématique. Les « tensions permanentes395 » entre
partisans et opposants d’Israël dans le parti frontiste obligent Marine Le Pen à ne pas
arbitrer cette question. C’est pourquoi le programme officiel du FN de 2011 ne traite
même pas de la problématique du conflit israélo-palestinien396 alors qu’il s’agit pourtant
d’un sujet dont se préoccupent particulièrement les journaux et les hommes politiques
d’extrême-droite.
393 «Je considère que tout Juif dans la diaspora, et donc c'est vrai en France, doit partout où il le peut apporter son aide à Israël. C'est pour ça d'ailleurs qu'il est important que les Juifs prennent des responsabilités politiques. (…)En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, au travers de l'ensemble de mes actions, j'essaie de faire en sorte que ma modeste pierre soit apportée à la construction de la terre d'Israël.» a affirmé Dominique Strauss Kahn dans la revue de géopolitique Passages en 1991, cité in BONNEFOUS (Bastien), « Peut-on élire un Président juif en France? », slate.fr, 23 février 2011. Dernière consultation le 6 mars 2011. URL : http://www.slate.fr/story/34331/elire-president-juif-dsk. 394 eva R-sistons, « Strauss-Kahn ? Une catastrophe pour la gauche, et pour la France ! », egaliteetreconciliation.fr, 31 août 2010. Dernière consultation le 6 mars 2011. URL : http://www.egaliteetreconciliation.fr/Strauss-Kahn-Une-catastrophe-pour-la-gauche-et-pour-la-France-3999.html 395 CAMUS (Jean-Yves), conférence sur l’antisémitisme d’extrême droite, conférence citée. 396 « Programme politique étrangère », frontnational.com. Dernière consultation le 6 mars 2011. URL : http://www.frontnational.com/?page_id=1149
Page 101
Bibliographie
Ouvrages :
APPARU (Jean-Pierre), La droite aujourd’hui, Paris, Albin Michel, 1978, 392 pages.
ALGAZY (Joseph), L'extrême-droite en France de 1965 à 1984, Paris, L'Harmattan,
2000, 342 pages.
AHMED-CHAOUCH (Azzedine), Le Testament du diable - Les derniers secrets de
Jean-Marie Le Pen, Paris Editions du Moment, 2010, 215 pages.
BARNAVI (Elie), Une histoire moderne d’Israël, Paris, Flammarion, 1991, 347 pages.
BAR-ZVI (Michaël), FRANCK (Claude), Le Sionisme, Paris, L’inventaire, 2002, 159
pages.
BEAU (Nicolas), Paris, capitale arabe, Paris, Seuil, 1995, 328 pages.
BIRENBAUM (Guy), Le Front national en politique, Paris, Balland, 1992, 358 pages.
BOURDON (Jérôme), Le récit impossible : le conflit israélo-palestinien et les médias,
Paris, De Boeck/INA Editions, 2009, 240 pages.
BRIGNEAU (François), Avant de prendre congé : Réponses à Anne Le Pape (deuxième
partie), juin 1998, 88 pages.
CAMUS (Jean-Yves) et MONZAT (René), Les droites nationales et radicales en France,
Paris, PUF, 1992, 526 pages.
Page 102
CELINE (Louis-Ferdinand), Bagatelles pour un massacre, Paris, Denoël 1937, 239
pages.
CLOAREC (Vincent), LAURENS (Henry), Le Moyen-Orient au 20è siècle, Paris,
Armand Collin, 2007, 255 pages.
CHAPSAL (Jacques) : La vie politique en France de 1940 à 1958, Paris, PUF, 1996,
520 pages.
CHARBIT (Denis), Qu’est-ce que le sionisme, Paris, Albin Michel, 2007, 314 pages.
CHARBIT (Denis), Les intellectuels français et Israël (ouvrage collectif), Editions de
l’éclat, Paris, 2009, 256 pages.
CHARPIER (Frédéric), Génération Occident, Paris, Seuil, 2005, 353 pages.
CHATILLON (Frédéric), LAGANE (Thomas) et MARCHAL (Jack), Les Rats maudits.
Histoire des étudiants nationalistes 1965-1995, Édition des Monts d'Arrée, 1995, 165
pages.
DRUMOND (Edouard), La France Juive, Paris, MARPON & FLAMMARION, 1886,
271 pages.
DRUMONT (Edouard), Le testament d’un antisémite, Paris, E Dentu, 1891.
DRUMONT (Edouard) , Le peuple juif, Paris, librairie antisémite, 1900.
EPSTEIN (Simon) : Un paradoxe français : antiracistes dans la Collaboration,
antisémites dans la résistance, Paris, Albin Michel, 2008, 622 pages.
GULAND (Olivier), Le Pen, Megret et Les Juifs, Paris, La Découverte Enquêtes, 2000,
222 pages.
Page 103
HERZL (Théodore), L'Etat des Juifs suivi de essai sur le sionisme, de l'Etat des Juifs à
l'Etat d'Israël, Paris, La Découverte, 2008, 182 pages.
HOCQ (Christian), Dictionnaire d’histoire politique du XXème siècle, Paris, Ellipses,
2005, 1052 pages.
IFRI (Pascal-Alain), Les deux étendards de Lucien Rebatet: dossier d'un chef-d'œuvre
maudit, Paris, L'Age d'Homme, 2001, 205 pages.
IGOUNET (Valérie), Une histoire du négationnisme en France, Paris, Seuil, 2000, 691
pages.
IGOUNET (Valérie), Négationnistes : les chiffonniers de l'histoire (ouvrage collectif),
Paris, éd Syllepse/Golias, 1997, 234 pages.
JOLY (Laurent), Xavier Vallat : du nationalisme chrétien à l’antisémitisme d’Etat (1891-
1972), Paris, Grasset, 2001, 446 pages.
LEVEQUE (Pierre), Histoire des forces politiques en France de 1940 à nos jours, Paris,
Armand Collin, 1977, 512 pages.
PONS (Grégory), Les Rats noirs, Éditions Jean-Claude Simoën, 1978, 251 pages.
STERNELL (Zeev), La droite révolutionnaire (1885-1914). Les origines françaises du
fascisme, Paris, Gallimard, « Folio Histoire », 1998, 445 pages.
TAGUIEFF (Pierre-André), Sur la nouvelle droite, Paris, Descartes et Cie, 1994, 425
pages.
TAGUIEFF (Pierre-André), la Judéophobie des modernes, Paris, Odile Jacob, 2008, 683
pages.
REMOND (René), Les droites en France, Paris, Aubier-Montaigne, 1982, 540 pages.
Page 104
RODINSON (Maxime), Israël et le refus arabe 75 ans d’histoire, Paris, Seuil, 1968, 272
pages.
ROLLAT (Alain), Les hommes de l’extrême-droite, Paris, Calmann-Lévy, 1985, 236
pages.
SIRINELLI (Jean-François), Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe
siècle (Ouvrage collectif), Paris, PUF, 2003, 1280 pages.
SOBOUL (Albert), Dictionnaire historique de la Révolution Française, Paris, PUF,
1989, 1110 pages.
VAISSE (Maurice), Les relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Collin,
2008, 285 pages.
WAJSMAN P ; TEISSEDRE R. F, Nos politiciens face au conflit israélo-arabe, Paris,
Fayard, 1969, 203 pages.
WINOCK (Michel), Histoire de l’extrême-droite en France (Ouvrage collectif), Paris,
Seuil, 1994, 324 pages.
WINOCK (Michel), La France politique : XIXe-XXe siècle, Paris, Éditions du Seuil,
1999, 553 pages.
Articles de journaux généralistes
AHMED-CHAOUCH (Azzeddine), « Comment Dieudonné s'est rapproché de Le Pen »,
8 janvier 2009, Le Parisien.
BENGUIGUI (Richard), « A Béziers, les policiers tentent de cerner la personnalité de
Safir Bghioua », Le Monde, 7 septembre 2001.
BIFFAUD (Olivier), « Le plan de paix du Front national, M. Le Pen propose d'entériner
l'annexion du Koweït par l'Irak », Le Monde, 24 août 1990.
Page 105
BIFFAUD (Olivier), « La position du Front national Les électeurs de M. Le Pen sont
partagés », Le Monde, 26 août 1990.
BIFFAUD (Olivier), « Au Front national M. Sergent persiste à se démarquer des
positions de M. Le Pen », Le Monde, 1er septembre 1990.
BIFFAUD (Olivier), « Les divergences au Front national," Il était bon que nous
mobilisions des forces ", nous déclare M. Pierre Sergent », Le Monde, 4 septembre 1990
BIFFAUD (Olivier), « Dans la presse d'extrême droite, les fleurs pour les soldats, les
orties pour Israël », Le Monde, 30 janvier 1991.
BONNEFOUS (Bastien), « Peut-on élire un Président juif en France? », slate.fr, 23
février 2011. (http://www.slate.fr/story/34331/elire-president-juif-dsk).
BRABANT (Justine), « L'extrême-droite investit internet », arretsurimages.net, 6 octobre
2008. (http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=1251).
CAPELANI (François), « Les animateurs de la liste Euro-Palestine fêtent leur percée
électorale en banlieue parisienne », Le Monde, 22 juin 2004.
CAEN (Marc), « Comment Dieudonné est devenu antisémite », Slate.fr, 7 mai 2009
(http://www.slate.fr/story/4903/comment-dieudonn%C3%A9-est-devenu
antis%C3%A9mitisme-fn-soral).
CHOMBEAU Christiane, « M. de Villiers a été expulsé de la tête du cortège, le FN est
resté discret », Le Monde, 28 février 2006.
CHOMBEAU (Christiane), « Philippe de Villiers tente de séduire l'électorat juif le plus à
droite », Le Monde, 25 mai 2006.
Page 106
CHOMBEAU (Christiane), « L'extrême droite entre dénonciation de l'« impérialisme » et
peur de l'« islamisme », Le Monde, 16 septembre 2001.
Dépêche AFP, « Pour Marine Le Pen, Israël n'a pas à lui donner de leçon sur le
racisme », 07 janvier 2011.
Dépêche AFP, « Le Pen: Israël est à "l'origine" de la polémique sur le détail en 1987 », 6
octobre 2010.
Dépêche AFP, « Le Pen affrontera DSK "avec plaisir" », 24 février 2011.
Dépêche AFP, « Le mouvement d'extrême droite Bloc identitaire se lance dans les
régionales », 17 octobre 2009.
DUPUY(Gérard), « Le sang chaud de sang-froid », Libération, 20 septembre 1982.
FORCARI (Christophe), « Front national : les canards à l’orage », Libération, 19
novembre 2010.
GARCIA (Alexandre), SMOLAR (Piotr), « Des manifestations en France ont fait écho au
conflit du Proche-Orient », Le Monde, 9 avril 2002.
GREILSAMER (Laurent), SCHNEIDERMANN (Daniel), « Le jeu de pistes », Le
Monde, 17 décembre 1987.
GREILSAMER (Laurent), « L'obstiné négateur du génocide », Le Monde, 19 septembre
1989.
Interview de CREPON (Sylvain) par DEPRIECK (Matthieu), « Marine Le Pen veut le
pouvoir », L’Express, 15 janvier 2011.
Page 107
« Israël - Palestine : vingt années sanglante », La Dernière Heure, 23 novembre 2009
(http://www.dhnet.be/infos/monde/article/290004/israel-palestine-vingt-annees-
sanglantes.html).
LABBE (Yves-Marie), « Plus de 300 journaux expriment la pensée de l'extrême droite »,
Le Monde, 02 avril 1998.
LANGELLIER (Jean-Pierre), « La réussite au péril de l'identité », Le Monde, 06 juillet
1989.
« Le Pen vu par les « mégrétistes », Le Monde, 12 décembre 1998.
MELMAN (Yossi), « ‘Le Pen is good for us,' Jewish supporter says», Haaretz, 23 avril
2002.
« Membre du bureau politique M. Monnerot démissionne », Le Monde, 28 août 1990.
MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline), « Les étranges amitiés de Dieudonné », Le
Monde, 25 février 2009.
MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline), « Les « cyberactivistes » d'extrême droite ont
fait d'Internet leur nouveau terrain de jeu », Le Monde, 10 mars 2010.
MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline) « Marine Le Pen: pourquoi “Rivarol”, “Minute”
et “Présent” font défection », Droites extrêmes, 16 octobre 2010. (http://droites-
extremes.blog.lemonde.fr/2010/10/16/marine-le-pen-pourquoi-rivarol-minute-et-present-
font-defection/).
MESTRE (Abel), MONNOT (Caroline), « Alain de Benoist en “soutien critique” à
Marine Le Pen », Droites extrêmes, 26 janvier 2011.
(http://droitesextremes.blog.lemonde.fr/2011/01/26/alain-de-benoist-en-soutien-critique-
a-marine-le-pen/).
Page 108
PRIMOR (Adar), « Le Pen ultimate », Haaretz, 22 avril 2002.
PRIMOR (Adar), « The daughter as de-demonizer », Haaretz, 7 janvier 2011.
ROSSO (Romain) « Quand elle "approchait" les juifs », L’Express, 15 décembre 2010.
SOUDAIS (Michel), « 1998 : exit Bruno Mégret », Le Monde, 28 avril 2002.
« Sous la colère des Juifs de France, Radio J renonce à inviter Marine Le Pen »,
leparisien.fr, 9 mars 2011. (http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/sous-la-
colere-des-juifs-de-france-radio-j-renonce-a-inviter-marine-le-pen-09-03-2011-
1350752.php).
THIOLAY (Boris), « Juif, et alors? », L’Express, 6 juin 2005.
THIOLAY (Boris), « Les amis très particuliers du centre Zahra », L’Express, 26 février
2009.
THORAVAL (Armelle) VAUDOIT (Hervé), « Indignation après l'incendie d'une
synagogue à Marseille », Libération, 2 avril 2002.
WIEDER (Thomas), « Vie et mort du « pape » de l'antisémitisme », Le Monde, 9 mai
2008.
ZAPPI (Sylvia), « L'écrivain Jean-Christophe Rufin classe l' "antisionisme radical " dans
l'antisémitisme », Le Monde, 20 octobre 2004.
Articles de journaux d’extrême-droite
BAINVILLE (Jacques), Les effets du sionisme in L’Action Française ,20 décembre 1920.
Page 109
BARDECHE (Maurice) « L’Amérique Juive », Défense de l’Occident, décembre 1973,
pp 3-6.
BARDECHE (Maurice), « Notes sur Beyrouth, Oradour, Auschwitz », Défense de
l’Occident, septembre-octobre 1982.
BRIGNEAU (François), « Editorial » Présent, 22 septembre 1982.
BRUNAUD Yves, « Béchir Gemayel : l’homme qui menaçait la guerre au Liban »,
Présent, 16 septembre 1982.
BURDEYRON (Daniel-Louis), « Tribune libre : à l’attention de ‘XXX’ », Rivarol, 8
juillet 1982.
COSTON (Henry), « La guerre du pétrole entre dans une phase décisive », Lectures
Françaises, septembre 1973.
GALIC (Camille-Marie), « le Vietnam d’Israël et les milices de Paris », Rivarol, 8
octobre 1982.
GOUDEAU (Jean-Claude), « Minute et l’antisémitisme », Minute, 14-20 août 1982.
HOFSTETTER (Pierre), « Le lobby sioniste aux Etats-Unis », Défense de l’Occident,
décembre 1973.
« Le défilé du condamné », Le petit journal, 6 janvier 1895.
NICOLAS (André), « Les palabres n’ont pu arrêter la guerre », Aspects de la France, 8
juin 1967.
MORANDINI (Gilles), « Israël rempart de l’occident contre le communisme ? » Défense
de l’Occident, novembre 1982.
Page 110
PASEYRO (Ricardo), « Moscou derrière les tueurs de Béchir Gemayel », Minute, 18-24
septembre 1982.
PUJO (Pierre), « Les responsabilités de l’occident au Moyen-Orient », Aspects de la
France, 8 juin 1967.
REBATET (Lucien), « Les Juifs et l’Allemagne », Je Suis Partout, 15 avril 1938.
REBATET (Lucien), « Fidélité au national-socialisme », Je Suis Partout, 28 juillet 1944.
SAIVE (René), « La France à la merci des Arabes », Minute, 24-30 octobre 1973.
SCRUTATOR, « Holocauste va-t-il changer de camp ? », Minute, Du 25 septembre au
1er octobre 1982.
VALLAT (Xavier), « Mes raisons d’être sioniste », Aspects de la France, 15 Juin 1967
Principales revues d’extrême-droite consultées
Action Française, 20 décembre 1920.
Aspects de la France, 8 juin 1967.
Aspects de la France, 15 juin 1967.
Défense de l'Occident, numéro spécial « L'agression israélienne » juillet 1967.
Défense de l’Occident , octobre-novembre 1973.
Défense de l’Occident, décembre 1973.
Défense de l’Occident, septembre-octobre 1982.
Défense de l’Occident, novembre 1982.
Lectures Françaises, mai 1973.
Lectures Françaises, septembre 1973.
Lectures Françaises, novembre 1973.
Minute, 22 juin 1967.
Minute, 10-16 octobre 1973.
Page 111
Minute, 24-30 octobre 1973.
Minute, 7 au 13 novembre 1973.
Minute, 14-20 août 1982.
Minute, 18-24 septembre 1982.
Minute, Du 25 septembre au 1er octobre 1982.
Minute, 8 août 2001.
Occident-Université hebdo, 2 juin 1967.
Présent daté du 19-20 juillet 1982.
Présent, 16 septembre 1982.
Présent, 22 septembre 1982.
Rivarol, 8 juin 1967.
Rivarol, 11 octobre 1973.
Rivarol, 18 octobre 1973.
Rivarol, 1er novembre 1973.
Rivarol, 1er juillet 1982.
Rivarol, 8 juillet 1982.
Rivarol, 24 septembre 1982.
Rivarol, 8 octobre 1982.
Vidéos :
-L’Heure de vérité (Antenne 2), 13 février 1984 (http://www.ina.fr/economie-et-
societe/vie-sociale/video/I07015083/jean-louis-servan-schreiber-questionne-le-pen-sur-l-
antisemitisme-et-l-accusation-de-torture-en-algerie.fr.html).
« Portrait de Bachir Gemayel » (Soir 3), 23 août 1982. (http://www.ina.fr/politique/partis-
politiques/video/CAC87015628/portrait-gemayel.fr.html).
-« Fdesouche sur "Derrière ta porte"/"Radio Bandera Nera," », 5 février 2008
(http://www.dailymotion.com/video/x4n5tl_fdesouche-sur-derriere-ta-porte-radio-
bandera-nera_webcam).
Page 112
Rapports et sondages
« L’Internet raciste en langue française », CNDH, 2004.
(http://www.cncdh.fr/IMG/pdf/Internet_raciste_en_langue_francaise.pdf).
Rapport sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, présenté par Jean-Christophe
RUFIN, 19 octobre 2004.
(http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/044000500/0000.pdf).
« Reports and Publications : Terrorism 2000-2001 », FBI. (http://www.fbi.gov/stats-
services/publications/terror/).
Sondage IFOP pour Association France Palestine Solidarité, « Les Français, Israël et la
Palestine »,2 avril 2010.
(http://www.francepalestine.org/IMG/pdf/sondage_E166E4C5d01.pdf).
Sondage IFOP sur le conflit israélo-arabe, 8-13 juin 1967.
Sondage réalisé par la Sofres pour le compte de l'Association française des amis de
l'université de Tel-Aviv, mai 2005.
Conférences
-CAMUS (Jean-Yves), conférence sur l’antisémitisme d’extrême droite, Centre
communautaire, Paris, novembre 2005.
(http://www.akadem.org/sommaire/themes/politique/1/2/module_965.php).
COULON (Laurence) conférence sur « l’opinion face au conflit israélo-arabe (1947-
1987) : je t’aime moi non plus. ». Centre de recherche français de Jérusalem, Israël,
février 2007.
(http://www.akadem.org/sommaire/themes/politique/8/2/module_2446.php).
Page 113
-LEVY (Elisabeth), conférence sur Les intellectuels français et Israël : De la discorde à
la concorde. Université de Tel-Aviv, Israël, mai 2008.
(http://www.akadem.org/sommaire/themes/politique/10/2/module_4289.php)
Revues et articles de chercheurs
BELOT (Robert). Critique fasciste de la raison réactionnaire : Lucien Rebatet contre
Charles Maurras. In: Mil neuf cent, N°9, 1991. Les pensées réactionnaires. pp. 49-67.
BERNARD (Mathias), « Le Pen, un provocateur en politique (1984-2002) », Vingtième
Siècle. Revue d'histoire 1/2007 (no 93), p. 37-45. (www.cairn.info/revue-vingtieme-
siecle-revue-d-histoire-2007-1-page-37.htm).
CAMUS (Jean-Yves), « Contre l'islam, l'extrême droite européenne avec Israël »,
Rue89.com, 23 décembre 2010. URL : www.rue89.com/2010/12/23/contre-lislam-
lextreme-droite-europeenne-avec-israel-182113).
COULON (Laurence), « Comment être juif et français ? », Archives Juives 2/2006 (Vol.
39), p. 110-121. (www.cairn.info/revue-archives-juives-2006-2-page-110.htm).
CREPON (Sylvain), « Le Tournant anti-capitaliste du Front National. Retour sur un
renouveau idéologique des années 1990 », tempspresents.wordpress.com, 25 avril 2010.
(http://tempspresents.wordpress.com/2010/04/25/sylvain-crepon-tournant-anti-
capitaliste-du-front-national/).
DEBONNEUIL (Michèle). Quelques données sur le coût énergétique. In: Economie et
statistique, N°115, Octobre 1979. Dossier horizon 1985. pp. 27-31.
DURANTON-CRABOL (Anne-Marie), La « nouvelle droite » entre printemps et
automne (1968-1986). In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°17, janvier-mars 1988.
pp.39-50.
Page 114
(http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_02941759_1988_num_17_1
_1957).
GASTAUT (Yvan) , « La Guerre des Six jours et la question du racisme en France »,
Cahiers de la Méditerranée. (http://cdlm.revues.org/index930.html).
KARMASYN (Gilles), en collaboration avec PANCZER (Gérard) et FINGERHUT
(Michel), Le Négationnisme sur Internet. Genèse, stratégies, antidotes, Revue d'histoire
de la Shoah, no 170, sept-déc. 2000.
LEBOURG (Nicolas), « L'invention d'une doxa néo-fasciste : le rôle de l'avant-garde
nationaliste-révolutionnaire. Idéologie négationniste, propagandes anti-américaine, anti-
immigration, anti-juive », Domitia, Presses Universitaires de Perpignan, Perpignan, n°1,
octobre 2001, pp.99-132.
LEBOURG (Nicolas), « Israël-Palestine : Jérusalem n'est pas Nuremberg », Rue89.com,
16 février 2009. (http://www.rue89.com/2009/02/16/israel-palestine-jerusalem-n-est-pas-
nuremberg)
« National-bolchevisme : de nouvelles convergences » Publié le 3 janvier 2007
(republication d’octobre 1993) in Reflex (site d’informations anti-fascistes).
(http://reflexes.samizdat.net/spip.php?article294).
Rabkin (Yakov) « L'opposition juive au sionisme », Revue internationale et stratégique
4/2004 (N°56), p. 17-23.(www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2004-4-
page-17.htm).
RIOUX (Jean-Pierre) « Comment sont-ils devenus dreyfusards ou anti-dreyfusards? »
Mil neuf cent, N°11, 1993. pp. 101-106.
Page 115
Principaux sites internets consultés
Arretsurimages : http://www.arretsurimages.net/
BBC: http://news.bbc.co.uk/
France Politique: http://www.france-politique.fr/
Haaretz : http://www.haaretz.com/
La Dernière Heure : http://www.dhnet.be
Le Monde : http://www.lemonde.fr/
Le Parisien : http://www.leparisien.fr/
Rue 89: http://www.rue89.com/
Slate: http://www.slate.fr/
Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/
Association France Palestine Solidarité : http://www.france-palestine.org/
Black Map : http://www.blackmap.com/
CRIF : http://www.crif.org/
Global security : http://www.globalsecurity.org/
Le journal des amis du Liban dans le monde : www.rjliban.com/
Bloc Identitaire, le réveil des identités : http://www.bloc-identitaire.com/
Centre Zahra : http://www.centre-zahra.com/
Egalité et réconciliation : http://www.egaliteetreconciliation.fr/
François de Souche : http://www.fdesouche.com/
Front National : http://www.frontnational.com/
Les Ogres : http://lesogres.tv/
Liste antisioniste : http://www.listeantisioniste.com/
Parti Antisioniste : http://www.partiantisioniste.com/
Novopress : http://fr.novopress.info/
Voxnr, le site des résistants au nouvel ordre mondial : http://www.voxnr.com/
Akadem, le campus numérique juif : http://www.akadem.org
Fragment sur les Temps Présents : http://tempspresents.wordpress.com/
Page 116
Droite(s) extrême(s) : http://droites-extremes.blog.lemonde.fr
Gallica, bibliothèque numérique : http://gallica.bnf.fr
Persée, portail de revues en sciences humaines et sociales : http://www.persee.fr
ANNEXES
Verbatim de la conférence du Général de Gaulle du 27
novembre 1967
Source :http://www.akadem.org/photos/contextuels/4284_3_conference_de_presse_de_g
aulle.pdf
Journaliste 8
Mon général, la guerre ayant éclaté au Moyen-Orient il y a six mois, elle s'est terminée
aussitôt ainsi que l'on sait. Que pensez-vous mon général de l'évolution de la situation
dans ce secteur du monde depuis juin dernier ?
Journaliste 15
Pourquoi considérez-vous que l'Etat d'Israël est l'agresseur dans la Guerre des Six Jours
alors que c'est le président Nasser qui a fermé le détroit de Tiran ?
Charles de Gaulle : «L’établissement, entre les deux guerres mondiales, car il faut
remonter jusque-là, l’établissement d’un foyer sioniste en Palestine et puis, après la
Deuxième Guerre mondiale, l’établissement d’un État d’Israël, soulevait, à l’époque, un
certain nombre d’appréhensions. On pouvait se demander, en effet, et on se demandait
même chez beaucoup de Juifs, si l’implantation de cette communauté sur des terres qui
avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables et au milieu des
peuples arabes qui lui étaient foncièrement hostiles, n’allait pas entraîner d’incessants,
d’interminables frictions et conflits. Certains redoutaient même que les Juifs, jusqu’alors
dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tous temps, c’est-à-dire un
peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois rassemblés dans le
site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les
souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles.
Cependant, en dépit du flot tantôt montant, tantôt descendant, des malveillances qu’ils
suscitaient dans certains pays et à certaines époques, un capital considérable d’intérêt et
même de sympathie s’était accumulé en leur faveur, surtout, il faut bien le dire dans la
chrétienté ; un capital qui était issu de l’immense souvenir du Testament, nourri par
toutes les sources d’une magnifique liturgie, entretenu par la commisération qu’inspirait
leur antique malheur et que poétisait, chez nous, la légende du Juif errant, accru par les
abominables persécutions qu’ils avaient subies pendant la Deuxième Guerre mondiale et
grossi, depuis qu’ils avaient retrouvé une patrie, par leurs travaux constructifs et le
courage de leurs soldats. C’est pourquoi, indépendamment des vastes concours en argent,
en influence, en propagande, que les Israéliens recevaient des milieux Juifs d’Amérique
et d’Europe, beaucoup de pays, dont la France, voyaient avec satisfaction l’établissement
de leur État sur le territoire que leur avaient reconnu les Puissances, tout en désirant
qu’ils parviennent, en usant d’un peu de modestie, à trouver avec leurs voisins un modus
vivendi pacifique. Il faut dire que ces données psychologiques avaient quelque peu
changé depuis 1956 ; à la faveur de l’expédition franco-britannique de Suez, on avait vu
apparaître, en effet, un État d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir. Ensuite, l’action qu’il
menait pour doubler sa population par l’immigration de nouveaux éléments, donnait à
penser que le territoire qu’il avait acquis ne lui suffirait pas longtemps et qu’il serait
porté, pour l’agrandir, à utiliser toute occasion qui se présenterait.
C’est pourquoi, d’ailleurs, la Ve République s’était dégagée, vis-à-vis d’Israël, des liens
spéciaux et très étroits que le régime précédent avait noués avec cet État, et s’était
appliquée, au contraire, à favoriser la détente dans le Moyen-Orient. Bien sûr, nous
conservions avec le gouvernement israélien des rapports cordiaux et, même, nous lui
fournissions pour sa défense éventuelle les armements qu’il demandait d’acheter, mais,
en même temps, nous lui prodiguions des avis de modération, notamment à propos des
litiges qui concernaient les eaux du Jourdain ou bien des escarmouches qui opposaient
périodiquement les forces des deux camps. Enfin, nous nous refusions à donner
officiellement notre aval à son installation dans un quartier de Jérusalem dont il s’était
emparé et nous maintenions notre ambassade à Tel-Aviv. D’autre part, une fois mis un
terme à l’affaire algérienne, nous avions repris avec les peuples arabes d’Orient la
même politique d’amitié, de coopération, qui avait été pendant des siècles celle de la
France dans cette partie du monde et dont la raison et le sentiment font qu’elle doit être,
aujourd’hui, une des bases fondamentales de notre action extérieure. Bien entendu, nous
ne laissions pas ignorer aux Arabes que, pour nous, l’État d’Israël était un fait accompli
et que nous n’admettrions pas qu’il fût détruit.
De sorte que tout compris, on pouvait imaginer qu'un jour viendrait où notre pays
pourrait aider directement à ce qu'une paix réelle fut conclue et garantie en Orient pourvu
qu'aucun drame nouveau ne vint à la déchirer.
Hélas ! Le drame est venu, il avait été préparé par une tension très grave et constante qui
résultait du sort scandaleux des réfugiés en Jordanie, et aussi d'une menace de destruction
prodiguée contre Israël. Le 22 mai, l'affaire d'Aqaba, fâcheusement créée par l'Egypte,
allait offrir un prétexte à ceux qui rêvaient d'en découdre.
Pour éviter les hostilités, la France avait, dès le 24 mai, proposé aux trois autres grandes
puissances d'interdire conjointement avec elle, à chacune des deux parties, d'entamer le
combat. Le 2 juin, le gouvernement français avait officiellement déclaré
qu'éventuellement il donnerait tort à quiconque entamerait le premier l'action des armes.
Et c'est ce qu'il répétait en toute clarté à tous les Etats en cause. C'est ce que j'avais moi-
même, le 24 mai, déclaré à Monsieur Ebban, ministre des Affaires étrangères d'Israël que
je voyais à Paris. Si Israël est attaqué, lui dis-je alors en substance, nous ne le laisserons
pas détruire, mais si vous attaquez, nous condamnerons votre initiative. Certes, malgré
l'infériorité numérique de votre population, étant donné que vous êtes beaucoup mieux
organisés, beaucoup plus rassemblés, beaucoup mieux armés que les arabes, je ne doute
pas que, le cas échéant, vous remporteriez des succès militaires.
Mais ensuite, vous vous trouveriez engagés sur le terrain, et au point de vue international
dans des difficultés grandissantes d'autant plus que la guerre en Orient ne peut pas
manquer d'augmenter dans le monde une tension déplorable et d'avoir des conséquences
très malencontreuses pour beaucoup de pays. Si bien que c'est à vous, devenus des
conquérants, qu'on en attribuerait peu à peu les inconvénients. On sait que la voix de la
France n'a pas été entendue, Israël ayant attaqué s'est emparé en six jours de
combat des objectifs qu'il voulait atteindre. Maintenant, il organise, sur les territoires qu'il
a pris, l'occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsion et s'il
manifeste contre lui la résistance qu'à son tour il qualifie de terrorisme, il est vrai que les
deux belligérants observent pour le moment d'une manière plus ou moins précaire et
irrégulière le cessez-le-feu prescrit par les Nations Unies mais, il est bien évident que le
conflit n'est que suspendu et qu'il ne peut pas avoir de solution, sauf par la voie
internationale. Mais un règlement dans cette voie, à moins que les Nations Unis ne
déchirent, elles-mêmes, leur propre charte, un règlement doit avoir pour base l'évacuation
des territoires qui ont été pris par la force, la fin de toute belligérance, et la
reconnaissance de chacun des Etats en cause par tous les autres. Après quoi, par des
décisions des Nations Unies avec la présence et la garantie de leurs forces, il serait
probablement possible d'arrêter le tracé précis des frontières, les conditions de la vie et de
la sécurité des deux côtés, le sort des réfugiés et des minorités et les modalités de la libre
navigation pour tous dans le golfe d'Aqaba et dans le canal de Suez.
Pour qu'un règlement quelconque, et notamment celui là, puisse voir le jour, règlement
auquel du reste, suivant la France, devrait s'ajouter un statut international pour Jérusalem.
Pour qu'un tel règlement puisse être mis en oeuvre, il faut naturellement, il faudrait qu'il
eut l'accord des grandes puissances qui entraînerait ipso facto, celui des Nations Unies.
Et si un tel accord voyait le jour, la France est d'avance disposée à prêter son concours
politique, économique et militaire, pour que cet accord soit effectivement appliqué.
Mais on ne voit pas comment un accord quelconque pourrait naître tant que l'un des plus
grand des quatre ne se sera pas dégagé de la guerre odieuse qu'il mène ailleurs. Car tout
se tient dans le monde d'aujourd'hui. Sans le drame du Vietnam, le conflit entre Israël et
les arabes ne serait pas devenu ce qu'il est. Et si l'Asie du Sud-Est voyait renaître la paix,
l'Orient l'aurait bientôt retrouvé, à la faveur de la détente générale qui suivrait un pareil
événement.»
Annexe 2 : Numéro spécial de Minute d’Août 2001 sur le « Lobby
Juif »
Annexe 3 Sondage sur le racisme et l’antisémitisme en France (mai
2005)
Sondages conflit israélo-arabe juin 1967 (IFOP)
- Question : Dans le conflit entre Israël et les pays arabes, vers qui vont vos sympathies ?
IFOP 8-13 JUIN 1967 100%
21-30 juin 1967 100%
A Israël 58 56 Aux pays arabes 2 2 Ni à l’un ni aux autres 27 28 Sans opinion 13 14
Les Français face au conflit du Proche-Orient[sondage Ifop pour l’Afps, avril 2010]
Selon vous, qui porte la plus grande responsabilité dans la non-résolution du conflit israélo-palestinien ?
Plutôt les Israéliens : 24%
Plutôt les Palestiniens : 6%
Autant les Israéliens que les Palestiniens : 45 %
Ne se prononcent pas : 25%
Enquête réalisée du 30 mars au 1er avril sur un échantillon de 1005 personnes, sélectionnées selon la méthode des quotas et interrogées en ligne.
TABLE DES MATIERES
Sigles 5
Sommaire 7
Introduction 8
1) Tentative de définition de l’extrême-droite ……………………………….....8
2) Bref historique de l’antisémitisme…………………………………………...11
3) L’antisionisme, une nouvelle forme d’antisémitisme ?...................................14
4) L’extrême-droite en recherche d’une position face à la question
israélienne……………………………………………………………………...17
Première partie : Un soutien majoritaire de l’extrême
droite à Israël (1967-1982) 20
Section I- Une conversion de l’extrême-droite au « sionisme » en
1967 ?.................................................................................................................21
A) Les positions de l’extrême droite concernant le « problème juif » avant la
création d’Israël……………………………….………………………...……...21
1) Les racines de l’antisémitisme d’extrême-droite………………………….... 21
2) Le sionisme et l’extrême-droite avant la création d’Israël …………………23
B) Le renouveau de l’extrême-droite dans les années 1960 et ses positions
concernant la question israélienne……………………………………………...26
1) La réapparition du mouvement de l’extrême-droite dans les années 1960...26
2) Les positions de l’extrême-droite concernant Israël en 1967………………28
a) Une extrême-droite largement favorable à Israël…………………………...28
b) De rares voix contre la politique menée par Israël en 1967………………...38
Section II- Le lent reflux de la sympathie pro-israélienne à l’extrême
droite de la fin des années 1960 jusqu’en 1982…………………...42
A) Le développement du phénomène de l’antisionisme à l’extrême-droite ….42
B) Le positionnement de la presse d’extrême-droite durant la guerre de
Kippour………………………………………………………………………...46
Deuxième partie Les contradictions de l’extrême-droite
sur la question israélienne : (1982-2011) 53
Section I- Extrême droite : entre soutien à la cause palestinienne et
volonté de rapprochement avec Israël (1982-2001)............................54
A) Une majorité de journaux d’extrême-droite se détourne d’Israël au moment de
la guerre du Liban (1982) ……………………………………………………...54
1) Diabolisation d’Israël, glorification des chrétiens du Liban………………..54
2) Une différente vision de l’anticommunisme parmi les journaux d’extrême-
droite……………………………………………………………………………59
B) L’utilisation de la question israélienne par Jean-Marie Le Pen dans les années
1980…………………………………………………………………………….62
1) L’échec du rapprochement entre le FN et l’Etat d’Israël…………………. .62
2) La question de la double allégeance …………………………………..…....66
C) Les divisions autour de la guerre du golfe : la question israélienne en arrière-
plan……………………………………………………………………………...69
1) Le renouveau idéologique du FN grâce à l’influence de la « Nouvelle
Droite »………………………………………………………………………….69
2) La nouvelle stratégie de Jean-Marie Le Pen convainc-t-elle les militants et les
journaux d’extrême-droite ?.................................................................................71
Section II- Les tergiversations de l’extrême-droite depuis le 11
septembre..........................................................................................................75
A) La tentation de l’alliance avec Israël contre l’islam ou l’islamisme…………75
1) Divergences entre le FN et le MNR après le 11 septembre…………………..75
2) Peut-on parler de rapprochement entre la communauté juive et l’extrême-
droite ?...................................................................................................................79
B) Le rapprochement entre les mouvements antisionistes et le FN …………….85
1) Dieudonné, acteur d’une alliance entre des éléments venus de l’extrême-gauche
et de l’extrême-droite contre le sionisme………………………………………..85
2) La stratégie antisioniste du FN…………………………… …………............89
C) La « fachosphère » est-elle antisioniste ?.........................................................92
CONCLUSION 98
Bibliographie 101
Annexes 117