Mémoire Julie Viard

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ÉlectrOrdinaire EN QUÊTE D’ÉMOTION DURABLE Julie Viard

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En quête d'émotion Durable Design Durable

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ÉlectrOrdinaireEN QUÊTE D’ÉMOTION DURABLE

Julie Viard

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ÉLECTRORDINAIRE

Julie Viard

En quête d’émotion durable

I.A.V

DNSEP Design 200g

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Sommaire

INTRODUCTION, QUÊTE D’UN QUOTIDIEN MATÉRIEL SENSIBLE

Des liens à tresser, Art-Industrie-Design.• DE VOUS À MOI – DU POINT DE VUE DES ENTREPRISES

MŒURS LIBÉRÉES

• Ouverture d’un espace et de ses pratiques.RENCONTRE EN CUISINE

• Entre traditions décompléxées et expérimentations.LA CUISINE MOLÉCULAIRE A-T-ELLE TOUT BOULEVERSÉ ?

PRENDRE LA VOIE DU CHANGEMENT

• Nouvelles et autres approches du design.MESSAGES SUBLIMINAUX - MÉTHODES D’ÉCOLES, RÉVOLUTION OU RÉÉDITION ?

• Pour un “ contre design ’’. CAPITALISME, OBSOLESCENCE

• Libérations des genres, mutations de l’objet. POSITIONNEMENTS RESPONSABLES

• Appropriation matérielle durable.

DÉSUNIFORMISATION & PARTICIPATION

• Le geste, un rituel personnel.• Nouveaux idéaux de demain, un confort en redéfinition.

QU’AVONS NOUS ESPÉRÉ D’IKEA ?

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

P ... O7 ...

P ... 11 ...

P ... 13 ...

P ... 21 ...

’’ La seule importance dans le design, c’est la relation avec les gens. ‘‘

Victor PapanekP ... 25 ...

P ... 27 ...

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INTRODUCTIONQUÊTE D’UN QUOTIDIEN MATÉRIEL SENSIBLE

Des liens à tresser, Art-Industrie-Design

Fouiller au fond de la banalité, chercher un supplément d’âme, une raison à ce matérialisme ambiant toujours plus frénétique, est pour moi un moyen de traiter de front mes craintes face à notre société.

DE VOUS À MOI

Le projet que je vous dévoile dans ce mémoire, est issu de réalisations personnelles développées lors de mon D.N.A.P en 2007. Ce diplôme intitulé ‘‘ Le dialogue de l’objet ’’ était une quête expérimentale et méthodologique abordant la question de la perception et de l’interprétation de ce qui nous entoure.

’’ L’esprit sort par les yeux pour aller se promener dans les choses, puisqu’il ne cesse d’ajuster sur elles sa voyance.1‘‘ Le philosophe Nicolas Malebranche exprime ici parfaitement mon ressenti en ce qui concerne l’inspiration et l’influence. Au cours de mes cinq années d’études dans cette école, le lien à l’Autre aura été primordial, qu’il soit une ouverture pour le regard, le ciment dans la construction de soi, ou bien même un carcan restreignant les territoires et les manières d’opérer. Désormais, lorsque j’observe des objets, et qu’on me demande de les juger ou de les renommer, ce que j’y vois d’essentiel, c’est le visage d’une société, avec ses cultures, ses modes et ses lois. Le tout aussi abordable entre mes mains, aussi malléable que de la pâte à modeler. Alors il semble enfin possible de se libérer des modes d’emploi et des modes opératoires, en dessinant les signes et les codes à l’encontre des convenances, dans le souhait et l’attente d’une certaine forme de liberté.

Ainsi, en récoltant une série d’objets domestiques quotidiens, j’ai décidé d’entreprendre des manipulations formelles, non pas dans l’idée de proposer un ‘‘utile’’ consommable de plus, mais plutôt dans l’exercice du dépassement de ses à priori culturels et formels. Divaguer au-delà des formes académiques de conception, c’est la philosophie qui me plaît dans les méthodologies développées par les designers de l’agence Delo Lindo ( Fabien Cagani & Laurent Matras ). Au cours d’un workshop qu’ils ont mené avec les étudiants des Beaux Arts de St-Etienne en 2002, il était question d’inverser le processus de création en redéfinissant la fonction d’un volume mystérieux, re-dessiné par de multiples changements d’échelles et de matières. Dans cette logique, j’entrepris d’autres expérimentations, plus instinctives. En considérant l’objet porteur d’un génome socio-culturel, j’imaginais ainsi pouvoir les associer sémiologiquement. Par exemple une cocotte minute rendue hermétique par une fermeture éclair. A terme, je compris qu’il était nécessaire de se laisser surprendre, et de garder dans la création industrielle une certaine part de lâcher prise, une zone de non contrôle laissant croître des aspérités poétiques.

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’’ Je m’intéresse aux sécrétions humaines et l’objet est par excellence, un produit de l’homme. ‘‘ Arman

Pour poursuivre de telles remises en question des formes de création, il fallait concrétiser ces raisonnements et choisir un contexte si possible en contraste. L’univers technique et industriel de l’électroménager, où la conception est très contrainte, semblait idéal pour développer le sujet, là où ceux qui souhaitent conter des histoires sont muselés par les diktats capitalistes. C’est seulement dans ce contraste, sur ce terrain aseptisé, qu’il est intéressant de développer une approche différente, comme une action utile contre un consumérisme assisté et déshumanisé.

1 Extrait de L’œil et l’esprit de Merleau-Ponty.

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DU POINT DE VUE DES ENTREPRISES

Les entreprises et les marques ont besoin de renouveler continuellement leurs lignes de produits pour faire face à la concurrence, en particulier celle des pays asiatiques. Mais les contraintes industrielles et le besoin de production toujours plus rapide ont tendance à enfermer le design d’objet dans des convenus formels. Le principe de filiation dont ils sont issus, génère d’année en année, des produits souvent peu innovants qui ne se démarquent pas clairement. Toutefois, dans un groupe industriel comme SEB, la stratégie diffère selon les marques et les marchés ciblés. Par exemple la marque Krups s’adresse plus particulièrement aux professionnels, dans un souci de qualité du produit alors que Moulinex est une marque plus accessible. Aujourd’hui, les industriels de l’électroménager limitent clairement la phase de conception des produits. Le Pdg du groupe SEB, Thierry de La Tour d’Artaise, ne s’en cache d’ailleurs pas, insistant sur cette nécessité : ’’il n’est plus question de mettre dix huit mois pour développer un produit dont la durée de vie est de six mois.‘‘1 En constatant que le café et les filtres ont un prix aussi élevé que celui d’une cafetière, on comprend que les designers de l’agence Delo Lindo sur le projet Simply Invents, traitent l’objet en superficie, se contentant d’intervenir sur la ’’peau de l’objet‘‘2. Un positionnement qui est avoué inévitable compte tenu des contraintes de la production mais aussi de la distribution. Personnellement, ce constat me laisse perplexe, quel intérêt de travailler l’édition d’objets nouveaux dont le temps destiné à la recherche est bridé par le besoin de produire vite au lieu d’être motivé par un éventuel besoin de l’utilisateur ?

1 Interviewé dans une publication de Design Fax en juin 2006.2 Extrait de l’ouvrage à usage interne publié par SEB, Simply Invents, pour la marque Téfal.

Par contre, lorsqu’il s’agit d’une marque comme Rowenta, ciblant des budgets plus élevés, Fredéric Beuvry, directeur Design Corporate du Groupe SEB, explique1 que la recherche doit s’inscrire dans une démarche de design comportemental : ’’L’innovation doit s’étendre désormais au delà de la technologie. Il est du ressort d’un groupe comme SEB de prendre des initiatives en rupture, d’inventer de nouvelles manières de faire et de consulter, de donner de ses marques des images fortes, des personnalités déclinant des valeurs différentes.‘‘ Il poursuit : ’’notre volonté est de nous enrichir de visions, de sensibilités extérieures et d’interroger des designers de secteurs autres que l’électroménager. ‘‘

1 Extrait de l’article La priorité au design, Intramuros no111.

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En réaction, j’ai l’intention d’apporter une sensibilité réellement différente sur les formes et la production d’outils culinaires électriques, en cherchant particulièrement à déjouer les modes opératoires habituels qui me dérangent comme les valeurs mercantiles de l’univers de l’électroménager.

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Dans Simply Invents pour Téfal, l’agence Delo Lindo, cherche par le soulignement du détail à redéfinir la lecture de l’objet .

Croquis extraits du même ouvrage illustrant l’intervention sur la ’’peau de l’objet‘‘.

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MŒURS LIBÉRÉES

Ouverture d’un espace et de ses pratiques

La cuisine comme pratique quotidienne et comme acte créatif est en perpétuelle redéfinition. Aujourd’hui, elle ose la mixité, la recherche et le détournement sans dénier les bonnes recettes traditionnelles. Ses outils culinaires évoluent au regard de nouvelles mœurs culinaires. Il semble nécessaire d’avoir un regard sociologique et technique sur les nouveaux gestes et les comportements culinaires modernes.

RENCONTRES EN CUISINE

Pour mieux comprendre et discuter de ce sujet, j’ai rencontré Yann Guidon, jeune cuisinier expérimenté de la maison Potel & Chabot à Paris, (traiteur à domicile et organisateur d’événements). Selon lui l’innovation et la place du design au quotidien restent discrètes car ‘‘ c’est dans les vieilles casseroles que se font les bons plats ‘‘. Toutefois, ce professionnel note une nouveauté remarquable dans ces vieilles cuisines : la mobilité, avec l’arrivée du plan de travail sur roulettes. Ces cuisines permettent une fluidité essentielle au fonctionnement d’une équipe. Et ce besoin de mouvement, de liberté, n’est pas sans rappeler celui du foyer où les repas, lorsqu’ils se consomment encore à la maison, se préparent de plus en plus rapidement. Ainsi, dans ce constat d’une nouvelle cuisine dématérialisée, désormais totalement ouverte, on imagine que si tout se donne à voir, tout devrait être admirable.

Entre traditions décomplexées et expérimentations

La rencontre entre comportements modernes et traditionnels est une zone riche à travailler. Particulièrement aujourd’hui où le paradoxe s’accentue dans un climat où le micro-ondes maniaque s’inscrit aux ateliers des chefs, le fast-food se fourre au bio, et la haute cuisine traditionnelle s’expérimente dans les éprouvettes. Sans aucun doute, ce qui s’expérimente dans les cuisines des professionnels, tout comme ce qui se goûte dans la rue, est précurseur des comportements domestiques de demain.

LA CUISINE MOLÉCULAIRE A-T-ELLE TOUT BOULEVERSÉ ?

Oui et non, les chefs qui à l’origine ne suivaient pas particulièrement cette nouvelle vague, se sont vu fortement encouragés par la tendance. Mais le public enthousiaste au début, semble aujourd’hui retourner leurs plats comme leurs vestes. En attestent les nombreux incidents survenus dans différents restaurants dits gastronomiques, comme The Fat Duck qui a du fermé suite à des intoxications causés par les divers émulsifiants et autres produits chimiques utilisés pour ces innovations culinaires, comme nous l’explique Jörg Zipprick, journaliste et gastronome allemand dans une salve ‘‘ Colique pour cinq personnes ‘‘ paru dans le magazine Stern. Il a également publié en février 2009 un ouvrage complet au titre évocateur : No quiero volver al restaurante ! (Je ne veux plus retourner au restaurant). Pour lui, la cuisine moléculaire est la ‘‘ vitrine de l’industrie chimico-alimentaire. ‘‘ ‘‘ Finalement, la recette qui a le plus de succès aujourd’hui reste le boeuf bourguignon ! ‘‘ remarque Yann Guidon. Bien sûr, les techniques culinaires ultra modernes ont fait évoluer nos visions sur la manière de cuisiner. Aujourd’hui, restaurer un équilibre en mariant cuisine traditionnelle et expérimentation est devenu indispensable. Et en ce qui concerne les produits électroménagers high-tech, prenons l’exemple d’une nouvelle bouilloire dotée d’une interface proposant de sélectionner au degré près la température. Il y a fort à parier, comme le note Yann Guidon, ‘‘ que les personnes ayant les moyens et la place de posséder ce genre d’ustensiles ne s’en servent pas forcément, si ce n’est pour les exposer aux invités comme un symbole de confort matériel. ‘‘

Une réflexion s’impose alors : la cuisine devient-elle un ‘‘ show room social ‘‘ où l’attention grandissante donnée au style refléterait le besoin d’un sentiment d’appropriation personnelle et de démarcation sociale ?

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Cuisine désintégrée ‘‘ Your way to coway ‘‘ , de Kalkwijk Sietze, Pays Bas.

‘‘ La fermeture du célèbre restaurant britannique The Fat Duck a jeté une ombre sur les prouesses des grands chefs de la gastronomie moléculaire. ‘‘ Couverture Le monde 2, paru le 1er mai 2009.

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Nouvelles et autres approches du design

Les démarches personnelles de certains designers ou artistes volontairement en décalage avec le système industriel, m’intéressent beaucoup. C’est le cas de Frantisek Burian. Cet ancien designer industriel slovaque, a volontairement pris ses distances avec ce ’’monde de consommation, d’accumulation et de possession‘‘. Il travaille désormais le détournement. ’’On fabrique sans cesse de nouveaux produits qui, à peine sortis, sont déjà obsolètes tandis qu’autour de nous se trouvent beaucoup d’objets que personne ne voit. Pourquoi ne pas les mettre en lumière ? ‘‘ indique-t-il.Frantisek Burian construit aujourd’hui des ’’objets‘‘ à partir de choses banales achetées au supermarché. Les glissements de sens, le jeu, la surprise, le hasard, le récit mais aussi le mélange des influences culturelles contribuent à donner naissance aux produits finaux. ’’Ces assemblages peuvent être très attrayants et réveiller un désir de possession, cependant leur sens ne tient pas à leur existence physique mais à leur représentation médiatique : après les avoir photographiés, je les démonte.2‘‘Entre l’expérimentation poétique et le contrôle de l’émotion à des fins de merchandising, il n’y a qu’un pas. Si le designer a le pouvoir de générer le désir de possession, il se doit d’être attentif quant aux causes qu’il souhaite défendre.

PRENDRE LA VOIE DU CHANGEMENT ?

1* Citations extraites de l’ouvrage Ettore Sottsass Jr. ‘60-’70, Collection Frac Centre, 2006.2 Magazine Azimuts P120, n°15, Biennale Internationale 98.

MESSAGES SUBLIMINAUX

Bruno Racine

Déjà dans les années 1950, l’art de la persuasion publicitaire préconisé par Bill Bernbach2, annonçait les prémices des sciences cognitives. Celles-ci s’efforcent aujourd’hui de comprendre le fonctionnement de la création. Avec des méthodes dignes de médecins légistes, qui dictent des leçons de ’’mécanique du codage et du décodage ‘‘, une pratique nommée aujourd’hui ’’Neuromarketing ‘‘. Aux États Unis, le leader Brighthouse Neurostrategies, dont l’initiateur est le chercheur Antonio Damasio, ’’pointe du doigt notre culture cartésienne qui s’est trop longtemps méfiée de nos sens supposés nous tromper. Dans la logique de Descartes, le cerveau était vu comme le sanctuaire du rationalisme. On découvre que son fonctionnement accorde une place importante à la dimension émotionnelle, qui ne peut être totalement dissociée du rationnel. ’’ Ainsi décelée, l’émotion détrônant le besoin, est vite devenue une valeur marchande. Il y a désormais une telle lisibilité et une prise de conscience des mécanismes de consommation, que nous autres créateurs, mais aussi consommateurs, sommes devenus de faux réactionnaires, de plus en plus orientés vers le sensible.

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1 Extrait de l’introduction de l’ouvrage Le Design, Essais sur des théories et des pratiques, sous la direction de Brigitte Flamand.

2 Célèbre publicitaire américain, connu par exemple pour la campagne publicitaire de la Volkswagen Coccinelle. Extrait du Site web Stratégies.fr, article du 13 avril 2006.

’’J’ai toujours pensé que le design commence là où finissent les processus rationnels et où commencent ceux de la magie1*‘‘

Ettore Sottsass

’’ Au lieu d’ignorer le pouvoir de séduction du design pour des raisons éthiques il faut le prendre au sérieux lorsque l’on sait que le design de masse témoigne aussi de la désaffection croissante des motivations utilitaires au profit de mécanismes de consommation comparables à ceux de la mode et des autres industries culturelles1 ‘‘

Trop rassurés par nos efforts de ’’ré-humanisation‘‘, finirons-nous malgré tout, tels des outils du progrès contrôlé ? Je pense particulièrement à la tendance actuelle des stratégies marketing qui abusent d’images et de terminologies écologiques ou équitables pour vendre des produits bien loin de tout concept durable. La motivation des jeunes designers n’étant plus forcément de répondre aux besoins du marché, mais de prendre le design comme un outil d’expression, on constate désormais une scission parfois déplorable entre d’une part un design de recherche ouvert, libre d’expression et plus artistique, et d’autre part un design industriel appliqué et contraint par les lois d’un marché en défaillance.

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Salon Internationnal des arts ménagers, 1945, Image extraite de l’ouvrage Formes Utiles les arts ménagers, Yves Bresson, Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne / Métropole, 2004.

Safely dangerous kitchen, Jonathan Bentovim. Ce jeune designer de l’académie de Eindhoven, propose une autre vision des instruments culinaires, avec par exemple cette gazinère dans sa version la plus élémentaire. Il remet ainsi en cause la perception du risque, du danger et critique les mesures sécuritaires des produits.

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Lors d’une conférence à la Biennale de Saint-Etienne en 2008, le critique et historien d’Art Paul Ardenne parlait à ce propos d’une errance de la forme, dans les travaux des jeunes étudiants, symptomatique d’une société de consommation en perturbation. Pour lui le design cosmétique qui supplante le design opérationnel doit être aboli. Il prend comme exemple, l’exposition présentée par le collectif A.C.D.C ( Art Contemporain - Design Contemporain ) qui présente les travaux des master classes de la Haute École d’Art et de Design de Genève. Ainsi la master class Material Mind, dirigée par Jurgen Bey, nous expose un travail qui aborde le thème de la réinterprétation par la transformation formelle d’objets céramiques. La thématique explore le détournement du sens de l’objet par des glissements du domaine de l’art au domaine design et vice versa. Selon Paul Ardenne, ce genre de projet de recherche qui est peu lisible et peu utile pousse le design à la dérive.

MÉTHODES D’ÉCOLES, RÉVOLUTION OU RÉÉDITION ?

C’est peut être l’influence d’une société où l’on peut ‘‘ voir l’image dans le moment même où elle est fabriquée.1 ’’, qui pousse les créateurs vers une recherche méthodologique du design toujours plus abstraite. Nous devenons certainement plus sensibles au fond des choses, au delà de la forme et de la fonction, car il est aujourd’hui facile de se perdre dans ces valeurs autrefois essentielles. L’image et l’usage des choses étant devenues si accessibles et si malléables par tous, qu’elles ne sont plus qu’individuelles.

1 La cucina elettrica, de Raffaella Poletti, Electa/Alessi.

Retournons un siècle en arrière avec la firme AEG, à Berlin, dont le directeur artistique Peter Behrens prônait un dessin de l’objet conçu selon des processus artistiques et non pas fonctionnels. À sa suite, le Bauhaus définissait les objets ‘‘ comme des constructions de l’esprit ’’. Le projet d’un samovar ( ustensile pour faire le thé en Russie, Samovarit signifiant ‘‘ qui bout par soi-même ’’ ) sera par exemple ‘‘ l’occasion de donner une contribution artistique ’’ à l’organisation de la vie quotidienne et de définir ainsi la structure intrinsèque de l’objet à travers le style mécanique.1 En quelques années, lorsque le rêve de l’intégration de l’art et l’artisanat est abandon£né, l’accent est plutôt mis sur le rapport art - technique et le Bauhaus consacrera alors son programme à ‘‘ empêcher l’esclavage de l’homme par la machine. ’’À contrario, le streamline américain mis en place dans les années 1930 à1950 développe une aptitude à concevoir le produit. Le mécanisme est dissimulé dans une coque aux formes aérodynamiques, symptomatiques d’une quête perpétuelle de vitesse tant dans l’industrialisation que dans la consommation. Les objets sont à l’image des bolides futuristes de l’époque, une application formelle qui ne sert pas tellement la fonction de l’objet, et qui flatte surtout l’ego. Difficile aujourd’hui encore de sortir de ce schéma. Cette interchangeabilité de la ‘‘ peau ’’ répond exactement aux exigences de propositions pressantes de nouveaux modèles auxquels, depuis déjà une dizaine d’années, l’industrie américaine fait recours. Ceci pour affronter la crise qu’elle tente de conjurer en exagérant les modèles et l’obsolescence du programme.

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1 Petites mythologies d’aujourd’hui, Serge Tisseron, Chapitre : de l’image comme bruit à l’image comme véhicule, p 95.

Au delà de cette vaine bataille cherchant à nommer un ‘‘ good design ’’, on remarque avant tout que la recherche dans ce domaine manque à être reconnue et appliquée. Certains qui n’admettent pas l’utilité d’un design de recherche, ne réalisent pas l’intérêt de son positionnement de développement en amont, et non en confrontation avec la production industrielle. La création libérée de la commande ne peut être qu’un enrichissement, une ouverture d’esprit pour le design appliqué. Un moyen aussi de pouvoir remettre en question nos modes de production.

On peut facilement comparer cette situation à celle d’aujourd’hui, et regretter ne pas en avoir tiré de leçons plus tôt. Est-ce possible aujourd’hui de réagir différemment ?

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Prix du Design du groupe Seb 2008Organisé par Frédéric Beuvry, dans le cadre de la Design Parade,Ventilateur ligoté dans une cage, design Julien Carratero Permet une superposition ou une juxtaposition des éléments.

Grille Pain de la General Electric,USA, 1912Image extraite de La cucina elettrica, par Raffaella Poletti, Alessi.

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1. Source : Design pour un monde réel, de Victor Papanek.

Pour un ‘‘ contre design ’’

CAPITALISME, OBSOLESCENCE

Nos cuisines sont envahies de multiples produits ludiques sur-spécialisés. En moins d’un siècle, le nombre d’objets qui nous entoure a plus que décuplé : une famille de quatre personnes qui possédait entre 150 et 200 objets en possède aujourd’hui de 2000 à 3000.1 Paradoxalement, les espaces se réduisent alors que les besoins spécifiques se multiplient. Il est certain que les industriels de l’électroménager n’hésitent pas à produire ces outils ludiques pour assurer le repeuplement de nos placards, mais le consommateur s’en lasse vite. Il est aussi de plus en plus attentif aux questions d’utilité et d’investissement matériel, surtout en temps de crise ceci sans renoncer pour autant à être séduit.Il est trop simple d’associer le design au capitalisme. En leur temps les designers italiens Colombo, Andrea Branzi, Ettore Sottsass - en prenant des positions à l’encontre du système économique par l’organisation de mutineries - ont su indexer les lois du marché à leurs idées, à l’opposé des stratégies.

Ettore Sottsass

Sans entrer en réaction avec le marché, l’allemand Dieter Rams, l’un des plus fidèles interprètes des principes de l’école d’Ulm, fondée en 1953, a su soutenir l’idée du design comme soustraction, dont le but était d’aider à ‘‘ réduire le chaos du monde qui nous entoure. ’’ Par le biais de la marque d’électroménager Braun, Dieter Rams partage avec l’école d’Ulm le même choix ‘‘ moral ’’ qui s’exprime dans la conception de produits durables et limités dans l’aspect : un design discret, qui s’adresse non pas à un simple consommateur mais à un usager conscient.1Quarante ans plus tard, c’est le groupe Alessi qui se défendra d’un design marketing à travers une démarche nommée ‘‘ The bordeline theory ’’. L’Italien y dénonce ‘‘ un monde d’objets parfaitement identiques, anonymes, ennuyeux, sans émotions, dépourvus de poésie ( … ) sans âmes ’’. Pour Alessi la production en grande série a pour défaut de ne pas ‘‘ donner suffisamment de chances au Potentiel Créatif, croyant trop aveuglement dans le marketing en tant que lecture de la société. Une attitude qui rend progressivement stérile l’activité puisqu’il y a refus d’accepter le risque comme composante naturelle du travail et par conséquent danger de rendre homogène le monde de la production au point de saturer le marché. ’’ Alberto Alessi définit la ‘‘ borderline ’’ comme ‘‘ une frontière qui, dans ce qui devrait être une activité continue d’exploration industrielle du possible créateur ( la zone amplement méconnue où ont été générés les désirs du public ), sépare ce qui peut devenir réel ( c’est à dire des objets réellement aimés et possédés ) de ce qui ne pourra jamais exister ( parce que trop éloigné de ce que les gens sont disposés à aimer ) .’’ Mais cette ligne de séparation ne peut être clairement tracée car elle se perd dans la complexité de la nature humaine.

17 18’’ Le contre design est une rage, ou mieux un ennui, ou peut être, un désespoir, ou peut être une raillerie, ou peut être simplement le résultat de la conscience des actes et des discours autour du DESIGN, puisque ce même design est en train de devenir une histoire toujours plus importante engagée, consumée, gonflée, sollicitée, mais surtout usée par les agissements de tous, acteurs et spectateurs, designers et producteurs, vendeurs et consommateurs.* ‘‘

S’il est difficile et risqué pour une entreprise de travailler près de cette frontière, il est tout aussi difficile pour un designer d’expérimenter une conception différente de la typologie de l’objet, si l’expérimentation reste commanditée par une marque. L’électroménager est un territoire du design qui n’a pratiquement jamais été distribué sous le nom de créateurs indépendamment d’une marque ou d’un grand groupe.

1 La cucina elettrica, de Raffaella Poletti, Electa/Alessi.

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Affiche de l’exposition formes utiles de 1974Extrait de l’ouvrage Formes Utiles, les arts ménagers, Yves Bresson, Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne / Métropole, 2004.

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Libérations des genres. Évoluer dans une transdiciplinarité ?

‘‘ La complexité du design oblige à réfléchir aux conditions d’un dialogue interdisciplinaire, parce que le design n’est pas tant un objet, au sens physique ou esthétique du dessin, qu’un dessein à la fois technique, scientifique, esthétique, social et économique.1 ’’ Comme dans toutes prises de liberté, le design se disperse, doit oublier ses préoccupations originelles pour explorer et évoluer en terrains inconnus. Ce nouveau positionnement n’est pas du goût de Hal Foster. En effet, ce critique d’art déclare : ‘‘ Pour être interdisciplinaire, il faut d’abord être disciplinaire, (…) connaître la spécificité de chacun des discours avant de prétendre pouvoir les mettre en relation. (…) résulte parfois un piètre éclectisme, plus anthropique que transgressif. ’’ 2

POSITIONNEMENTS RESPONSABLES

Pour ma part, le rapprochement de disciplines ou de marchés jusqu’alors séparés ne doit pas être motivé par un besoin d’innovation facile lui même induit par un principe chimérique. Mais, il doit être avant tout pensé et motivé pour des besoins humains et sociaux. En cherchant, par exemple, à modifier les modes de consommation absurdes, mais aussi en se préoccupant de ce que peut générer le produit en amont : infrastructures, emplois locaux, ou sauvegarde de savoir-faire. Le besoin et le bénéfice à tirer d’un objet n’est pas moins dans son usage que dans sa production. Celle-ci cherchera dans la rencontre des savoir-faire et des modes de production à servir l’intérêt d’une diversité d’acteurs. Et dans la fusion des usages, elle permettra d’éviter l’envahissement matériel et la sur-consommation.

1 Le Design, Essais sur des théories et des pratiques, 2 Design & Imitation, Industries Françaises de l’ameublement / Les villages 2006.

Appropriation matérielle durable.

Autrefois, les choses étaient ‘‘ faites pour durer ’’. Aujourd’hui, l’idée paraît désuète et dépassée. C’est étrange, parce que l’on peut se demander qui voudrait passer sa vie à racheter continuellement des grille-pains, des machines à laver, des canapés et autres biens soi disant ‘‘ durables ’’.

‘‘ On se choisit un ‘‘ laguiole’’, un couteau suisse ou un couteau de survie à cause des signes que chacun véhicule , mais sitôt qu’on a l’objet en poche ou en main les signes s’effacent derrière les souvenirs qu’ils éveillent. Des ombres de l’enfance, alors apparaissent et s’animent. ’’ 2

C’est ainsi que le sociologue Serge Tisseron souligne un paradoxe de perception sur l’objet : les signes, la fonction ou le sentiment par rapport à l’objet n’ont pas la même place et la même durée d’impact. En parallèle, on doit souligner que ‘‘ l’aspect relationnel est déterminant pour la durabilité de l’objet : on garde les objets en fonction des relations utilitaires, hédonistes ou cognitives qu’on établit avec eux. Un objet nous plaît parce qu’il éveille nos sens. On y dépose un vécu, on le charge de signification, on lui demande de nous raconter une histoire quand il matérialise pour nous un sentiment. ’’Si le design requiert ‘‘ une maîtrise de la circulation des signes comme moyen de capter les opinions et les comportements des consommateurs ’’, on doit ajouter qu’il a également le rôle d’influencer les modes de production et ses acteurs, hommes et machines.

1 Extrait de l’article Fait pour durer, par Liz Brown, dans le magazine Newdesign 27.

2 Petites mythologies d’aujourd’hui, de Serge Tisseron.

L’objet, même électrique, peut être détournable, libre d’interprétation pour une utilité et une présence décomplexée hors des placards. Offrir une vision libérée sur des produits jusqu’à maintenant très cloisonnés c’est faire du consommateur, une personne responsable avertie du marketing, qui ne suit pas plus les recettes que les modes d’emploi et fait lui même ‘‘ sa cuisine ’’ des objets.

‘‘ On pourra toujours réduire un peu notre consommation par le recyclage, mais en réalité, nous devons surtout réduire à la base les besoins d’énergie et de matériaux de notre économie. Et cela exigera beaucoup plus qu’une simple optimisation écologique des produits. ‘‘1

Liz Brown

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Transparent CakesRadi designers pour In’nova, Lisbonne 2003

L’idée de Transparent Cakes est que travailler le verre peut être comme faire la cuisine. Il s’agit donc de souffler du verre dans des moules à gâteau typiques comme le Kugloff, la tarte, et autres, afin d’obtenir différents contenants. Ces objets, destinés à la table portent systématiquement l’empreinte d’un moule à la base, tandis que les formes sortant de ces moules sont plus libres et définissent les différentes typologies d’usage tels une carafe, un plat, etc.

Compléments d’objetsJörg Adam & Dominik Harborth, Allemagne 2000.

Beaucoup d’objets ont été conçus pour l’usage d’un consommateur moyen. Or, ils sont soumis à un usage individuel particulier et ne remplissent pas toujours la fonction qu’on attend d’eux. En réalisant une série de compléments d’objets pour des produits existants, comme par exemple ce ramasse-goutte pour bouilloire évitant de tâcher la nappe, ses créateurs ont su donner l’image d’un design répondant à une attente personnelle, sans préconçus formels et idées de modes .

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Nouveaux idéaux pour demain. Le confort en re-définition

Ettore Sotsass

QU’AVONS-NOUS ESPÉRÉ D’IKEA ?

Qu’avons-nous espéré d’ikea ? Sans doute l’image d’une vie domestiquée à portée de main, esthétiquement coordonnée à la vie des autres. La sensation rassurante de besoins comblés avant même d’être nécessaires, une possession immédiate déculpabilisée de tous efforts pour y accéder. Mais ces images d’idéal sur papier glacé, sont aussi éphémères que l’intérêt d’un enfant pour ses cadeaux de Noël. On s’amuse du paquet cadeau, du kit à monter soi même, mais on se désintéresse aussi vite de la chose, tellement semblable à celle du voisin et déjà dépassée par la nouvelle édition du catalogue. Et l’idéal hier convoité est déjà en vente sur Ebay pour en satisfaire un autre. Comme dans une certaine forme de dépendance, nous ne cherchons plus à combler des besoins, mais à combler des frustrations matérielles. Qui est déjà ressorti d’un grand magazin comme Ikea en ayant acheté seulement ce qu’il était venu y chercher? Bien sûr, Ikéa n’est qu’un exemple de notre système de consommation, dont les rouages commencent à montrer leurs faiblesses. Dans un article intitulé ’’ Marques, baissez la garde, le consommateur n’est plus une cible ! ‘‘ 1, François Laurent nous fait part du fait du gigantisme de notre société et de l’évolution des structures de la distribution. ’’ La prise de distance entre les clients et les marques s’est nécessairement opérée. La marque est devenue un concept abstrait déshumanisé. Il n’y a plus de contacts physiques entre le client et le producteur. ‘‘

DÉSUNIFORMISATION & PARTICIPATION

‘‘ Ne tient pas l’alibi effrayant des objets à bas prix pour les ‘‘ masses‘‘ puisque nous leur faisons la charité de les contraindre à acheter au lieu de leur faire la charité d’accepter en cadeau des villes, des écoles, des hôpitaux … * ‘‘

Le geste, le rituel personnel

Ettore Sotsass

Mais que faisons-nous de tous ces objets? Voilà la question finale de toute production. Après avoir cherché l’admiration par le renouveau esthétique, l’optimisation du coût, ou la performance technologique, il est temps de retrouver la présence de la main de l’homme. L’objet quotidien en main, c’est l’image d’usages et de rites miroirs d’une société. ‘‘ Tout geste répété régulièrement tend à se ritualiser. Sa signification utilitaire s’enrichit alors dans deux directions complémentaires. D’une part, il renforce l’identité de celui qui l’accomplit par la sécurité intérieure qu’il lui apporte, et d’autre part, il participe à l’établissement de liens sociaux.1 ‘‘ L’absurdité de la globalisation est, par définition, de considérer l’homme à travers un modèle unique ignorant toutes particularités culturelles et pensant être en mesure de les faire ‘‘ fonctionner‘‘ à l’unisson. Les rites et les sens disparaissent alors écrasés par une culture de l’identité visuelle, construite pour dépersonnaliser les consommateurs .

‘‘ Les modes d’emploi, les temps comptés, les ornières du résultat, le poids des convenances et la lassitude qui pousse à ne pas rompre font oublier cette innocence de quand nous étions inutiles. Alors nous savions construire des objets essentiels.* ‘‘

1 Article extrait du magazine CB News, de fevrier 2009.

François Laurent, bloger, spécialiste du marketing et auteur de l’ouvrage Marketing 2.0.

Personnellement je préfère que l’identité de l’objet s’efface au profit de l’identité de l’utilisateur, que l’objet se réduise de prime abord à des fonctionnements, et par la suite qu’il se charge de significations, de codes et de rites au contact de l’utilisateur. Alors, dans le cadre de ce projet libre de commanditaires, pourquoi ne pas écarter l’idée d’étiquetage et de définition par une marque ? Et revendiquer le nom d’objet sans marque .

1 Comment l’esprit vient aux objets, Serge Tisseron, Aubier, 1999.

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Image extraite d’une scène du film Mon Oncle de Jacques Tati, 1956.

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Si beaucoup se complaisent dans ces idéaux catalogués, d’autres commencent à exprimer des souhaits divers, finalement simples, qui hier encore faisaient partie d’un quotidien. Comme par exemple prendre le temps de cuisiner sainement et pouvoir trouver une poissonnerie dans son quartier, troquer des biens usagés au lieu d’acheter constamment, ou encore porter des vêtements anciens customisés qui ne ressembleront pas à ceux vendus par Zara. Nombreux sont les nouveaux organismes à développer des visions transversales du marché. Tels que Freecycle network : un des nombreux sites de dons - Kiliwatch une friperie qui est aussi une librairie alternative - ou encore la Ressourcerie de l’interloque qui collecte auprès des entreprises et des habitants de Paris, des objets usagés retravaillés artisanalement, revalorisés puis revendus.

Plus que le reflet d’une période de crise, ce mouvement doit être compris comme une nouvelle attente de la modernité de demain.

‘‘Leur appartement serait rarement en ordre mais son désordre même serait son plus grand charme. Ils s’en occuperaient à peine : ils y vivraient. (…) Il leur semblerait parfois qu’une vie entière pourrait harmonieusement s’écouler entre ces murs couverts de livres, entre ces objets si parfaitement domestiqués qu’ils auraient fini par les croire de tout temps crées à leur unique usage (…) Mais ils ne s’y sentiraient pas enchaînés.‘‘

Les choses, de Georges Perec.

CONCLUSION

La crise montre à quel point il est plus urgent que jamais de désobéir à une logique qui met le profit avant tout, avant le lien humain, avant le lien social, avant la préservation de l’environnement.

Ettore Sotsass, In «Casabella», Milan n°378, juin 1973

‘‘ Il peut venir à l’esprit de celui qui faitle designer de ne pas faire, comme s’il était un bon élève éduqué et bien élevé, des choses acceptées par la civilisation industrielle, commeon dit qu’elle doit être organisé, il peut lui venir à l’esprit de faire un design pas si bon, un design qui ne soit pas conforme à la civilisation industrielle, telle qu’elle est organisé (…) Il peut également venir à l’esprit de ce quelqu’un de faire un designqui permette des concentrationsdéconditionnantes, des méditations révélatrices, des identifications globales ou qui permette des expériences pulsatives ou des recherches libératoires ou des mouvements désintégrants, et il peut aussi lui venir à l’esprit d’utiliser des machines et de les adapter à cette idée, il peut aussi lui venir à l’esprit d’utiliser le consumérisme et de l’adapter à cette idée, afin que la consommation devienne source de libération et non de conditionnement. Ceci est très difficile, on sait que c’est très difficile, mais cependant il n’est pas dit qu’on ne puisse pas essayer.‘‘

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Ettore Sotsass, In «Casabella», Milan n°378, juin 1973

‘‘ Il peut venir à l’esprit de celui qui faitle designer de ne pas faire, comme s’il était un bon élève éduqué et bien élevé, des choses acceptées par la civilisation industrielle, commeon dit qu’elle doit être organisé, il peut lui venir à l’esprit de faire un design pas si bon, un design qui ne soit pas conforme à la civilisation industrielle, telle qu’elle est organisé (…) Il peut également venir à l’esprit de ce quelqu’un de faire un designqui permette des concentrationsdéconditionnantes, des méditations révélatrices, des identifications globales ou qui permette des expériences pulsatives ou des recherches libératoires ou des mouvements désintégrants, et il peut aussi lui venir à l’esprit d’utiliser des machines et de les adapter à cette idée, il peut aussi lui venir à l’esprit d’utiliser le consumérisme et de l’adapter à cette idée, afin que la consommation devienne source de libération et non de conditionnement. Ceci est très difficile, on sait que c’est très difficile, mais cependant il n’est pas dit qu’on ne puisse pas essayer.‘‘

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’’ IL serait temps d’accepter une stratégie riche de compromis, d’hybridations, d’imitations si elles sont efficaces ; le monde immense des valeurs intermédiaires nous a été interdit. Il n’est pas dit que la pénombre, l’humidité, la fraîcheur, la médiocrité ne vaillent pas mieux que les ténèbres, le sec, le torride, et la perfection. ‘‘ Andrea Branzi

Nouvelles de la métropole froide, Design et seconde modernité, Andrea Branzi.

Page 26: Mémoire Julie Viard
Page 27: Mémoire Julie Viard

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, Philippe Delerm, Gallimard, 1997.

Les choses, Georges Perec, Lettres Nouvelles, 1965.

L’oeil et l’esprit, Maurice Merleau-Ponty, Gallimard, 1967.

Comment l’esprit vient aux objets, Serge Tisseron, Aubier, 1999.

Petites mythologies d’aujourd’hui, Serge Tisseron, Aubier, 2000.

Mythologies, Roland Barthes, Seuil, 1970.

Le sacre du présent, Zaki Laïdi, Flammarion, 2000.

Ettore Sottsass Jr. ‘60-’70, Collection Frac Centre, 2006.

Design pour un monde réel, Victor Papanek, Mercure de France, 1970.

Nouvelles de la métropole froide, Design et seconde modernité, Andrea Branzi, Les essais Centre George Pompidou, 1988.

Massive change, Bruce Mau and the institute without Boundaries, Phaidon, 2004.

In the Bubble, de la complexité au design durable, John Thackara, Cité du design éditions, 2008

Design & Utopies, Industries Françaises de l’ameublement / Les villages, 2000.

Design & Imitation, Industries Françaises de l’ameublement / Les villages 2006.

Le design, Essais sur des théories et des pratiques, sous la direction de Brigitte Flamand, Institut National de la mode / Regard, 2006.

Objets Civils et domestiques, Principes d’analyse scientifique, Vocabulaire typologique,

Catherine Arminjon, Nicole Blondel, André Chastel, Imprimerie nationale, 1984.

Esthétique Domestique, Les Arts ménagers de1920 à1970, Collection Jean Bernard Hebey, 2002.

Formes Utiles, les arts ménagers, Yves Bresson, Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne / Métropole, 2004.

Design miroir du siècle, sous la direction de Jocelyn de Noblet, Flammarion / APCI, 1993.

La cucina elettrica, Raffaella Poletti, Electa / Alessi, 1995.

Principio Accessimo, by Radi Designers, Seb / Moulinex, 2005.

Simply Invents, by Delo Lindo, Seb / Téfal T-Fal, 2007.

£Articles

Azimuts no 15, Biennale Internationale Design 1998, p 121.

Azimuts no18-19, Biennale Internationale Design 2000, p 112.

Article ’’ La priorité au design ‘‘, par Bénédicte Duhalde, dans Intramuros n°111, p 72, mars 2004.

Article ’’ Fait pour durer‘‘, par Liz Brown, dans Designplus n°26, p 43, octobre 2006.

Article ’’ Marques baissez la garde le consommateur n’est plus une cible‘‘ par François Laurent, dans CBNews, février 2009.

Article ’’ L’additif passe mal‘‘, par JP Géné. , dans Le Monde 2, 1er mai 2009.

Internet

Publication hebdomadaire Design Fax 621, juin 2006.

Article ’’ Les sciences cognitives au secours de la création‘‘, Nicolas Riou, Stratégies.fr, avril 2006.

Entretien de Thierry de la Tour d’Artaise, Pdg du groupe Seb, réalisé par le journaliste Didier Testot, la Bourse et la vie TV, août 2008.

Films

L’Intégrale des courts métrages,1917-1923, de Buster Keaton, court métrage ’’ La maison électrique ‘‘.

Mon Oncle, 1956 - Playtime,1964 , de Jacques Tati.

Blade Runner, Ridley Scott,1982

Expositions

Biennale de Design de Saint-Etienne, Concours Electrolux Design Lab 2008.

Exposition Villa Noailles, Concours Design Parade Seb, 2008.

Salon maison et Objets 2009.

Exposition Haute Cuisine, Galerie Haute définition.

Hommage à Ettore Sottsass, Centre Pompidou, janvier 2009

Salon International du Design, Milan, avril 2009.

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À mes tuteurs, Laurence Salmon & Jean Patrick Péché, à ceux aussi, amis, parents et enseignants, qui m’ont vu et fait grandir dans le partage et la discussion.

Un grand merci pour votre soutien, votre écoute, votre patience, pour avoir su me contraindre, et m’enseigner le bénéfice du compromis au dépassement de soi.

En quête d’émotion durable

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En quête d’émotion durable