Mémoire HMONP MTN

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La place de l’architecte contemporain en France et à l'étranger Analyse d’un rôle international autour des différents processus de projet Mémoire professionnel d’Habilitation à la Maîtrise d’Œuvre en son Nom Propre MSP : Aerostudio Architectes, Janvier 2015 – Août 2015 par MongThao Nguyen, Diplômée d’Etat en Architecture Tuteur : Antoine Cardon, Architecte DPLG gérant de l’agence Directeur d’étude : Daniel Fanzutti, Architecte DPLG

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La place de l’architecte contemporain en France et à l'étranger Analyse d’un rôle international autour des différents processus de projet

 

Mémoire professionnel d’Habilitation à la Maîtrise d’Œuvre en son Nom Propre 

MSP : Aerostudio Architectes, Janvier 2015 – Août 2015 

par Mong‐Thao Nguyen, Diplômée d’Etat en Architecture 

Tuteur : Antoine Cardon, Architecte DPLG ‐ gérant de l’agence 

Directeur d’étude : Daniel Fanzutti, Architecte DPLG 

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REMERCIEMENTS Silvia Rosales Montano

Antoine Cardon

Daniel Fanzutti Nicolas Deloume

Olivier Souquet

Guita Maleki

Bastien Renaud

Francis Beldon

La Promo HMONP 2014-2015

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Table des matières

 

INTRODUCTION

  ▪ Propos sur l’évasion architecturale, soit la figure internationale de l’architecte 

▪ Vers l’habilitation à la Maîtrise d’Œuvre en son Nom Propre 

I. PREMIERE EXPERIENCE POST-DIPLOME AVEC APOYO URBANO

  ▪ Le choix d’une expérience à l’étranger 

I.I   Présentation de l’ONG Apoyo Urbano 

▪ Organisation de la structure et objectifs 

▪ Choix des projets et méthode 

I.II   Expérience au Salvador : conception du marché municipal d’Armenia 

▪ Contexte de la ville d’Armenia 

▪ Coopérations Apoyo Urbano : de l’historique d’interventions à l’objet de ma mission 

▪ Mon expérience sur le terrain 

I.III   Expérience au Nicaragua : conception des espaces publics de León Sur Este 

▪ Contexte du site dans la ville de León 

▪ Cadre de travail, antécédents du projet municipal et définition de ma mission 

▪ Mon expérience sur le terrain 

I.IV   Retour d’expériences 

▪ Retour critique sur la place de l’architecte au sein des missions Apoyo Urbano 

▪ Réflexions sur la dimension participative des projets au sein d’une équipe municipale 

▪ Transition vers les enjeux de la mise en situation professionnelle 

II. MISE EN SITUATION PROFESSIONNELLE CHEZ AEROSTUDIO ARCHITECTES

II.I   Analyse critique de la structure d’accueil 

▪ Historique de l’agence et profil des fondateurs 

▪ Choix du mode d’exercice et évolution de la structure 

▪ Ressources humaines et matérielles internes 

▪ Mode d’organisation de l’équipe de maîtrise d’œuvre 

▪ Stratégie d’entreprise et valeurs professionnelles d’Aerostudio 

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II.II   Analyse de mon expérience au sein de l’agence 

▪ Travail effectué et responsabilités assumées dans le secteur privé 

▪ Contrats et sécurisation du travail de l’architecte 

▪ Le devoir de conseil des marchés privés aux marchés publics 

II.III   Retour d’expérience 

▪ Le devenir de l’architecte indépendant et de la microstructure 

▪ Réflexions sur la place de l’Architecte‐maître d’œuvre en France 

▪ Transition vers les recherches relatives à mon évolution professionnelle 

III. ESQUISSE DU PROJET PROFESSIONNEL

III.I Comprendre des modèles de développement professionnel, à la rencontre des confrères 

▪ F8 Architecture – une association pluridisciplinaire propulsée par l’AFEX 

  ▪ De‐So Architecture – architecture à l’export & expérience à l’appui 

  ▪ Guita Maleki – parcours d’une collaboratrice libérale 

III.II Evoluer vers un mode d’exercice adapté 

▪ La place de l’architecte contemporain et les stratégies d’association 

  ▪ Objectifs à court terme et long terme 

CONCLUSION

REFERENCES

ANNEXES

▪ Curriculum Vitae 

▪ Pétition d’intention [Oct. 2014] 

▪ Carnets de bord de la formation HMONP 

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iNTRODUCTION Propos sur l’évasion architecturale, soit la figure internationale de l’architecte  

La notion d’évasion architecturale, migration d’idées, d’architectures et d’architectes, avant même de 

s’établir  en  tant  que  conséquence  liée  à  la  crise  actuelle  du  secteur  de  la  construction,  est  un 

fait indéniable. La créativité de l’architecte, sa conscience et son éthique relatives à l’environnement 

bâti, ne sont pourvues d’aucune frontière. Elle concerne les architectes de toutes les générations et 

affecte particulièrement  les jeunes diplômés, en quête de territoires propices à  l’expression de  leur 

engouement pour l’architecture. 

Mes années d’études à l’ENSASE ont pris la forme d’un long voyage, au cours duquel j’ai découvert une 

multitude de références construites existantes, appris à substituer les mots par le dessin, acquis des 

connaissances  théoriques  et  techniques  afin  de  prétendre  à  mon  tour  au  rôle  de  concepteur. 

En parallèle de la formation universitaire, mes séjours à l’étranger m’ont permis de porter un regard 

sur  les  différents  types  d’architectures  dites  locales,  afin  de  comprendre  la  pensée  du  projet 

architectural à travers les ressources intellectuelles et matérielles de chaque pays. 

La particularité d’une situation ou d’un lieu induit la singularité de l’architecture qui lui est dédiée ; elle 

fait appel à notre faculté d’abstraction des formes et de la matière, à notre capacité à nous imprégner 

des contraintes préétablies afin de maîtriser  l’ambiguïté  régnant entre  l’existant et  la construction 

projetée.  L’évasion architecturale doit  ainsi  rendre  l’architecte  capable de  s’émanciper des  cadres 

politiques, normatifs et culturels auxquels il est accoutumé, tout en lui permettant d’adapter à chaque 

lieu un scénario qui lui soit propre et pérenne, dans le respect de son contexte. 

Or, au fil des réglementations et des lois, l’architecte‐maître d’œuvre connait en France une perte de 

contrôle du processus d’édification lisible à plusieurs niveaux : souvent absent dans la programmation, 

progressivement contraint à se conformer au BIM en phase de conception, voire privé de projet entre 

les marchés de conception‐réalisation, les bâtiments agricoles de superficie inférieure à 800m², ainsi 

que les constructions individuelles de moins de 170m². 

Dans  la  mesure  où  un  projet  équivaut  à  une  proposition,  à  quelle  phase  l’architecte  devrait‐il 

s’exprimer? 

Mes premières expériences post‐diplôme, notamment celles réalisées à  l’étranger, ont renforcé ma 

conviction que les compétences des architectes devraient être requises dès l’origine d’un projet, quelle 

que soit sa destination… Notre rôle étant de préserver son caractère unique, émanant de toutes les 

réflexions techniques, économiques et esthétiques que l’architecture sous‐tend. 

L’observation de l’architecture à l’international ne peut se résumer aux édifices‐vitrines des capitales 

et des métropoles véhiculés par les médias. Il s’agit d’élargir l’horizon des références auxquelles nous 

avons accès, en portant un  intérêt à  la mise en œuvre des différents projets dans  leur dimension 

innovante et technologique… Voire dans leur économie de technologie ?  

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  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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Dans  cet  état  d’esprit,  l’évasion  architecturale  a  constitué  les  prémisses  de  ma  formation 

professionnelle ; elle motive également mes aspirations de future architecte. 

 

Vers l’habilitation à la Maîtrise d’Œuvre en son Nom Propre

L’année d’Habilitation à la Maîtrise d’œuvre en son Nom Propre donne l’opportunité d’être guidé dans 

le milieu  professionnel  à  travers  une  formation  théorique  et  pratique  simultanées.  Elle  permet 

principalement  à  l’initié  de  rechercher  les  outils  nécessaires,  puis  la  stratégie  appropriée,  pour 

cheminer vers son projet professionnel et définir son futur mode d’exercice. 

Ma mise en situation professionnelle m’a permis d’assimiler les responsabilités de l’architecte‐maître 

d’œuvre ainsi que  le  fonctionnement d’une agence, propres à  la  structure d’accueil,  tandis que  la 

formation  théorique  a  su m’apporter  les  différents  aspects  de  l’exercice  de  la maîtrise  d’œuvre, 

auxquels je n’aurais pu avoir accès en 6 mois de pratique. 

M’intéressant à l’absence de frontières de notre profession et aux différentes postures de l’exercice 

de la maîtrise d’œuvre, j’ai donc choisi d’interroger « La place de l’architecte contemporain en France 

et  à  l’étranger  –  analyse  d’un  rôle  international  autour  des  différents  processus  de  projet  ». 

L’architecture à  l’export, aujourd’hui décuplée par  la mondialisation et par  la crise du bâtiment en 

France, a toujours constitué une piste à explorer pour ma pratique de future architecte, par‐delà toute 

crise économique ou crise de la profession.  

Mon mémoire s’articule autour d’une dynamique comparative entre mes deux principales expériences 

professionnelles.  Il  reflète  la  manière  dont  ma  première  expérience  post‐diplôme  en  Amérique 

Centrale m’a convaincue de la nécessité d’atteindre les qualifications et le statut d’architecte‐maître 

d’œuvre, et en quoi  la mise en situation professionnelle effectuée en France m’a  fait entendre  les 

responsabilités invariables endossées par le maître d’œuvre. 

Les deux premiers chapitres exposent ainsi les trois expériences qui sont aux prémisses de ma réflexion 

autour de l’exercice de la maîtrise d’œuvre ; ils représentent dans leur union l’ensemble de ma mise 

en situation professionnelle. 

Au récit de mon parcours, j’ai souhaité nourrir mes réflexions de l’expérience d’autres architectes afin 

de comprendre l’unicité de notre profession, au‐delà de la singularité de chaque projet architectural. 

En ciblant mes entrevues sur leurs propres expériences d’évasion architecturale, j’ai finalement abouti 

à la problématique suivante : 

 

EN QUOI L’EXERCICE DE LA MAITRISE D’ŒUVRE A L’INTERNATIONAL PERMET-IL AUX ARCHITECTES DE REPRENDRE POSSESSION DE LEUR PROFESSION ?

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I. PREMIERE EXPERIENCE POST-DIPLOME AVEC APOYO URBANO  

Le choix d’une expérience à l’étranger

Mon parcours universitaire a été particulièrement marqué par une année d’échange à Mexico (2011‐

2012), durant laquelle j’ai bénéficié des enseignements de la UNAM (Universidad Nacional Autonoma 

de Mexico) et d’un stage de trois mois à l’agence d’architecture In Situ gérée par l’architecte mexicain 

Alejandro Juarez. 

En  travaillant en équipe durant ces deux  semestres,  j’ai constaté que  le processus de  réflexion du 

projet architectural des étudiants mexicains était relativement différent du mode de pensée transmis 

à l’ENSASE. Il se distingue pour les deux parties dans l’inégal approfondissement des problématiques 

architecturales, qu’elles soient d’ordre conceptuel, technique, économique ou social.  

En  architecture,  la  formation  académique  restant  étroitement  liée  aux  contextes  politiques, 

économiques et culturels d’un pays, on perçoit au Mexique  la nécessité de former rapidement des 

professionnels  techniquement  compétents  pour  répondre  à  la  demande  d’une  population  à 

démographie explosive, génératrice d’un accroissement accéléré de la ville.  

Outre  les  compétences  techniques  acquises  à  l’université,  le  travail  des  architectes  mexicains, 

notamment  celui  de  la  jeune  génération,  reste  sensible  à  l’inégalité  de  développement  de  leur 

territoire ainsi qu’aux enjeux sociaux véhiculés par l’architecture. Ils profitent d’un cadre législatif et 

normatif encore peu contraignant pour investir les terrains de leurs expérimentations, promulguant la 

plupart du temps l’architecture participative comme résultat d’un consensus social. 

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  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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Figure 1 ‐ Ouvrage inspiré de l’exposition “Architecture without architects″, MoMA 1964, par Bernard Rudofsky, 1973.

Figure 2 ‐ Catalogue de  l’exposition “Latin America in  Construction:  Architecture  1955‐1980″, MoMA 2015,  Edité  par  Barry  Bergdoll,  Carlos  Eduardo Comas, Jorge Francisco Liernur, et Patricio del Real. 

Le développement des zones rurales et urbaines se réalise ainsi à mi‐chemin entre directives politiques 

et expérimentations citoyennes, encadrées par des professionnels de la ville en quête d’innovation.  

Il  s’agit  d’une  forme  de  dynamique  qui  prend  de  l’ampleur  en  Amérique  Latine  ;  elle  concerne 

principalement  le domaine de  l’habitat, où  la participation de  l’architecte se  limite aux paramètres 

établis par  les habitants1. Ce  témoignage de démocratisation de  l’urbanisme et de  l’architecture à 

l’échelle des quartiers et des communautés s’inscrit dans  le contexte socioéconomique des années 

1970. Il retrouve ses antécédents historiques et théoriques dans l’exposition de 1964 « Architecture 

without architects » au MoMA de New York, ayant récemment présenté les processus de conception 

participative  des  espaces  et  des  équipements  publics  communautaires  dans  l’exposition  “Latin 

America in Construction: Architecture 1955‐1980″, entre mars et juillet 2015. 

Après cette première approche du continent centre‐américain et suite à l’obtention de mon diplôme 

d’état, j’ai souhaité effectuer mes premiers pas en architecture au Salvador et au Nicaragua aux côtés 

de l’ONG Apoyo Urbano pour travailler à l’élaboration de projets participatifs. 

Ces  expériences  ont  constitué  un  voyage  d’étude  enrichissant m’ayant  permis  de  positionner  la 

profession d’architecte avec un premier  recul, notamment  sur  les possibilités d’exercice existant à 

l’étranger, et de maintenir un  regard ouvert  sur  les potentielles évolutions  rurales et urbaines en 

France. 

 

 

 

                                                            1 Cf. García Ramírez, W. (2012), Arquitectura participativa: las formas de lo esencial, Revista de Arquitectura, vol. 14, pp.4‐11. 

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9 Figure 3 ‐ Apoyo

 Urbano 

PRESENTATION DE L’ONG APOYO URBANO

Organisation de la structure et objectifs

Apoyo Urbano est une association franco‐latine à but non lucratif fondée en 1998 et présidée par Silvia 

Rosales Montano, urbaniste gérante de l’agence UrbaLyon installée dans la tour Radisson, dans le 3e 

arrondissement lyonnais. 

D’origine salvadorienne et vivant en France depuis plus de 20 ans, elle développe principalement son 

activité  associative  en  Amérique  Centrale  (El  Salvador, Nicaragua,  Costa  Rica, Honduras),  et  dans 

quelques pays d’Amérique du Sud (Pérou, Chili, Argentine). 

L’association  réunit  des  étudiants  et  professionnels  français  et  latino‐américains  de  différentes 

disciplines (urbanistes, architectes,  ingénieurs, sociologues, géographes et économistes) autour des 

stratégies d’aménagement du  territoire, visant au développement d’une culture urbaine accessible 

pour tous. 

Ses objectifs de sensibilisation des partenaires locaux (maires, techniciens, habitants…) à l’approche 

rétro‐prospective de la planification et de l'aménagement durable du territoire s’effectuent au moyen 

d’un partage des savoir‐faire, mettant à disposition les compétences professionnelles françaises pour 

former les acteurs locaux. 

Les membres de  l’équipe Apoyo Urbano sont missionnés en tant que bénévoles pour  instaurer une 

médiation sociale et une concertation urbaine de la conception d’un projet à son suivi, notamment à 

travers la création et l'animation d'évènements. 

 

 

 

 

 

 

 

Choix des projets et méthode

La  posture  sociale  et  «  apolitique  »  revendiquée  par  l’association  l’a  conduite  à  travailler 

essentiellement dans  le  secteur  public du  côté des municipalités, quelle  que  soit  leur orientation 

politique.  Par sa connaissance approfondie de l’Amérique Centrale et de l’Amérique du Sud, ainsi que 

par les partenariats établis avec les acteurs locaux au fil du temps, la présidente Silvia Rosales Montano 

reste à l’initiative du choix des projets élaborés. 

Grâce à une communication permanente avec son réseau local et des visites de terrain fréquentes, elle 

réalise des études de  faisabilité  sur  les potentiels  scénarios de développement d’une ville ou d’un 

I.I

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  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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Figure 4 – Localisation d’Armenia au Salvador / Localisation du casque urbain et des cantons d’Armenia

village, qu’elle présente ensuite aux mairies concernées avant de proposer  l’envoi d’une équipe de 

bénévoles pour sa concrétisation. 

Les thématiques de planification et d'aménagement du territoire se diversifient autour du tourisme, 

du transport, de la gestion de l’espace public, du patrimoine, de l’habitat, du commerce informel, de 

l’environnement, etc… Dont les interventions limitées et/ou étalées dans le temps, régissent le travail 

de l’association, de l’échelle du projet urbain au prototype architectural. 

Dans une optique d'échange et de coopération, les intervenants de l'association ne se substituent pas 

aux  équipes  locales  mais  les  renforcent,  en  définissant  une  intervention  ciblée  qui  leur  soit 

financièrement accessible. 

 

 

EXPERIENCE AU SALVADOR : CONCEPTION DU MARCHE MUNICIPAL D’ARMENIA

 

Contexte de la ville d’Armenia

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Figure 5 – Vue panoramique sur la ville d’Armenia 

La ville d’Armenia est située au sud‐ouest du pays dans le département du Sonsonate, à 39km de sa 

capitale San Salvador. Composée de 9 cantons, son territoire à dominante rurale s’étend sur 65,64 

km², comprenant une aire urbaine de 2km². 

I.II

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La ville est formée par un plateau urbain élevé à 570m d’altitude en son centre, entouré de montagnes 

à hauteur de 1080m, et d’une partie basse à  l’est à 450m d’altitude, au niveau du canton de Treis 

Ceibas.  

Elle compte une population de 34 912 habitants recensés en 2007, dont 23 994 résidents dans l’aire 

urbaine,  soit  68.7%  de  la  population  totale.  Par  rapport  au  recensement  antérieur  (2002),  les 

migrations de la zone rurale à la zone urbaine ainsi que la forte croissance démographique ont conduit 

au doublement de la population urbaine en 5 ans. 

L’activité  économique  d’Armenia  est  essentiellement  tournée  vers  le  commerce  de  proximité 

(commerces de petite taille, vente de produits de première nécessité et à usage domestique), puis vers 

l’agriculture, productrice de légumineuses à graines et de canne à sucre. 

Cette ville, dotée d’une population jeune (27% des habitants parmi les 7‐17 ans et 49% parmi les 18‐

59  ans)  bénéficie  d’une  dynamique  importante  au  sein  des  associations  culturelles,  artistiques  et 

sportives.  

Elle souffre en revanche d’un déficit en équipements et services par rapport à son développement 

résidentiel.  Son  profil  de  ville‐dortoir  se  justifie  par  un  usage  des  sols  principalement  résidentiel, 

répondant  à  la  fois  aux  besoins  d’une  population  locale  peu  active,  ainsi  qu’aux  demandes  des 

habitants de la métropole et des communautés voisines. 

 

Coopérations Apoyo Urbano : de l’historique d’interventions à l’objet de ma mission

La première collaboration entre la municipalité d’Armenia et l’association Apoyo Urbano s’est établie 

en février 2011 avec l’accueil sur le terrain de Mathieu Meloni, jeune diplômé en urbanisme, en charge 

de la constitution d’une base de données écrites et cartographiques à l’usage de la municipalité. 

Sur une période de 7 mois, il a restitué une étude des dynamiques du territoire visant à déterminer les 

potentiels et faiblesses de la ville en vue de son développement durable et participatif, et identifié les 

acteurs locaux susceptibles de contribuer aux futurs projets municipaux. 

Son travail a permis à la municipalité d’Armenia, ne détenant que peu d’archives et de données mises 

à  jour,  d’avoir  une  vision  d’ensemble  sur  l’état  des  lieux  de  la  ville  concernant  ses  atouts 

géographiques, ses secteurs économiques, sociodémographiques et culturels. 

Son intervention a été succédée par l’arrivée simultanée de deux bénévoles d’origine lyonnaise en avril 

2012, Noémie Caplet, jeune diplômée en sociologie et Marie‐Anne Morin, dans le cadre de son Master 

II en ingénierie ‐ spécialisée dans l’agencement territorial. 

Leur mission de 6 mois a été exclusivement dédiée à l’étude du marché municipal d’Armenia, devenu 

l’un des projets prioritaires de la mairie à cause de son développement incontrôlé et de son état actuel 

insalubre, affectant une importante population de commerçants, d’usagers et de riverains. 

Leur étude sociologique a été menée à travers des enquêtes de terrain, relevés et recensements précis 

déterminant à la fois la population du marché (nombre de commerçants, âge, sexe, commerce tenu, 

présence d’enfants…), sa typologie actuelle et son fonctionnement, aboutissant à une étude statistique 

qui témoigne des carences spatiales des lieux vis‐à‐vis de la surpopulation. 

Page 13: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

12

En parallèle, la rédaction d’un cahier des charges comme outil guidant la conception du futur projet 

leur a été confiée. Ce document regroupe à la fois l’étude d’autres typologies de marchés rencontrées 

sur  le  territoire  salvadorien,  des  recommandations  générales  et  schémas  de  principe  relatifs  à  la 

disposition  d’un  marché  couvert,  la  définition  d’un  programme  adapté  aux  besoins  du  marché 

municipal d’Armenia, ainsi qu’une étude de faisabilité expérimentant 4 scénarios de projet.  

Cette démarche méthodique du projet, impliquant le croisement des compétences pour l’élaboration 

d’une  construction  publique  pérenne  qui  valorise  la  dimension  sociale  de  l’urbanisme  et  de 

l’architecture, a motivé ma première expérience en tant que bénévole aux côtés de l’association Apoyo 

Urbano.  

 

Mathieu Meloni (fév. ‐ aoû. 2011) 

 

 

 

 

 

1/ Diagnostic territorial de la municipalité d’Armenia    2/ Proposition de planification urbaine 

 

 

N. Caplet (avr. ‐ sep. 2012)              M‐A Morin (avr. ‐ sep. 2012)      M‐T Nguyen (sep. ‐ déc. 2013) 

 

 

 

 

 

 

 

 2/ Etudes sociologique du Marché Municipal            3/ Guide de conception du Marché Municipal          4/ Proposition d’avant‐projet 

 

Figure 6 ‐ Historique des interventions bénévoles Apoyo Urbano à Armenia, El Salvador 

 

Objet de ma mission : proposition d’avant-projet du Marché Municipal de la Ville d’Armenia en vue de la demande de subventions internationales.

Page 14: Mémoire HMONP MTN

 

13

Mon expérience sur le terrain

Les deux années d’études réalisées par  l’association sur  la ville d’Armenia et son marché municipal 

m’ont permis de démarrer le projet avec une connaissance du site et de ses enjeux à laquelle je n’aurai 

pas eu accès en 3 mois. 

De  septembre  à  décembre  2013,  j’ai  intégré  l’équipe  municipale  composée  d’une  quinzaine 

d’employés  administratifs,  d’un  technicien  de  l’Unité  Environnementale  –  Luis  Mendoza2,  d’un 

Ingénieur Civil Rodrigo Bustamante et d’un technicien Chargé de la Culture Guillermo Vázquez. 

Le Maire, Carlos Alberto Molina López3, a été mon interlocuteur privilégié durant ma mission. 

A  l’état  initial,  le marché municipal d’Armenia  se  situant dans un emplacement  central du  casque 

urbain dans le Barrio Nuevo, a été conçu « en dur » avec l’édification de premiers bâtiments supposés 

pérennes disposés au cœur d’une parcelle de 4 893m². Marquant symboliquement la place du marché, 

la  typologie de chacune de ces constructions datant de 1865 se définit par un espace de stockage 

commun pour deux ou trois points de vente, accueillant au total une dizaine de commerçants. Au fil 

du  temps, cette parcelle à vocation de zone commerciale a su attiser une population de vendeurs 

venant de  la commune et des villes voisines, s’installant tout d’abord aléatoirement et  illégalement 

sur le terrain en fonction des espaces disponibles, dans les interstices offerts par chaque mouvement 

de  l’entité du marché, congestionnant progressivement  les rues. Malgré une absence de hiérarchie 

visible,  le  fonctionnement  du  marché  reste  régit  par  un  rythme  déterminé,  soit  les  horaires, 

installations  et  replis  des  commerces  permanents  et  temporaires,  livraisons  de marchandises  et 

évacuation des déchets, ainsi que par les chemins tracés en filigrane de ces flux réguliers à travers cette 

configuration labyrinthique pour toute personne étrangère au marché. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 7 ‐ Vue panoramique et photos du marché 

 

                                                            2 Luis est le correspondant local privilégié d’Apoyo Urbano. Une partie de sa maison est réservée à l’hébergement des bénévoles de l’association depuis la première arrivée en 2011. 3 Carlos Alberto Molina López, affilié au parti politique ARENA, est à la tête de la municipalité depuis 2002. Il a été réélu en 2014 pour son 3e mandat. 

Page 15: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

14 Figure 8 – Congestion des rues par la présence de points de vente informels 

Figure 9 – Configuration du marché actuel et organisation des stands formels et informels

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

 

 

 

 

Son évolution incontrôlée est à la source des dysfonctionnements actuels : d’une part, sa saturation a 

généré des  conflits d’espaces entre  les  commerçants, d’autre part,  les  installations arbitraires ont 

provoqué  une  diversification  des marchandises  sans  souci  d’organisation  des  points  de  vente  par 

catégories, causant d’importants problèmes sanitaires. 

Par  ailleurs,  la  précarité  des  structures  abritant  l’activité  de  chaque  commerçant,  établies 

individuellement en fonction des besoins et des moyens propres à chacun, participe à l’insalubrité de 

l’entité. 

Ainsi, la proposition d’avant‐projet pour le marché municipal d’Armenia en un unique marché couvert 

s’est guidée des problématiques suivantes : 

L’urbain : comment programmer et délimiter un périmètre à cette zone commerciale afin de palier au problème d’étalement sur la chaussée et de congestion des rues ? L’architectural : comment faire cohabiter plus de 500 points de vente, formels, informels, permanents et temporaires, au sein d’un même édifice, un édifice représentatif de la ville ? Les parties techniques : comment organiser un marché fonctionnel afin de pouvoir maîtriser son évolution ?

Page 16: Mémoire HMONP MTN

 

15

Le social : en quoi le projet, au-delà de sa fonction d’accueil des activités commerciales, peut-il améliorer le quotidien de ses usagers ? L’économique : par-delà une proposition économiquement accessible, de quelle manière la dimension sociale ajoute-t-elle une plus-value au projet, en vue de la demande de subventions internationales ?  

J’ai été missionnée à Armenia pour proposer une réponse architecturale au marché municipal, sans 

avoir  connaissance  des  moyens  humains  et  matériels  dont  j’allais  disposer  sur  place,  et  dans 

l’expérimentation de mes acquis suite à l’obtention du master en architecture. 

En partant sans équipe et dépourvue des données usuelles au démarrage d’un projet d’architecture, 

j’ai préalablement effectué un relevé topographique du site pour établir des plans, coupes et maquette 

de contexte. J’ai réalisé en parallèle mes propres entretiens avec les usagers du marché afin de cerner 

son fonctionnement quotidien et  les besoins exprimés en vue d’une nouvelle construction. La visite 

d’autres  sites  similaires  ainsi  qu’une  prise  de  connaissance  des  matériaux  et  techniques  de 

construction ont également été au fondement de ma réflexion. 

Pour  l’avancement du projet,  j’ai bénéficié d’un  suivi  continu de  la présidente de  l’association, et 

instauré un dialogue exclusif avec le Maire. Plusieurs scénarios ont été esquissés, présentant surfaces, 

définition des accès et des configurations du marché afin de maximiser la capacité de points de vente, 

en privilégiant systématiquement une communication par l’image pour la lisibilité des documents. Sur 

une phase d’esquisse  longue,  les multiples  réajustements ont servi à  l’obtention d’une satisfaction 

programmatique, fonctionnelle et esthétique de la proposition encadrée par le Maire. 

Mon  intervention s’est  finalisée par  la présentation de  l’avant‐projet définitif au conseil municipal, 

ainsi que par consolidation du dossier de demande des subventions européennes réalisé en binôme 

avec la présidente de l’association, déposé en février 2014. 

 

Proposition d’avant‐projet du Marché Municipal d’Armenia 

A échelle urbaine,  le problème de congestion des rues pourrait se désamorcer par  l’instauration de 

rues « semi‐piétonnes » permettant l’installation éphémère des vendeurs ambulants dans la journée. 

L’esprit de zone commerciale actuel (de la parcelle aux chaussées environnantes) serait ainsi conservé 

sans expulser les commerçants ne détenant pas d’emplacement à l’intérieur du marché couvert, tout 

en libérant l’espace public de son aspect chaotique. 

L’unité du marché couvert se compose de deux volumes imbriqués, conçus autour d’un arbre ancien 

ayant une valeur affective aux yeux des habitants.  Il s’agirait de  l’édifice  le plus élevé du quartier, 

comptant 3 niveaux et une hauteur maximale de 12m, abritant 462 emplacements de vente formelle, 

62 emplacements de vente informelle et 16 zones de restauration. Au 3e niveau, l’établissement d’une 

garderie  tenue  par  l’association  des  commerçants  vise  à  sécuriser  la  présence  trop  importante 

d’enfants sur le lieu de travail de leurs parents. 

Page 17: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

16

L’identité architecturale du marché s’inscrit dans un métissage entre typologie coloniale (présence des 3 patios) et contemporanéité (structure mixte métal-bois), représentative des constructions de la Ville.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

R+2

 

 

 

 

 

 

 

 

R+1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RDC 

Figure 10 ‐ Proposition d’avant‐projet pour le Marché Municipal d’Armenia 

Page 18: Mémoire HMONP MTN

 

17

EXPERIENCE AU NICARAGUA : CONCEPTION DES ESPACES PUBLICS DE LEON SUR ESTE

 

Contexte du site dans la ville de León

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 11 – Localisation du département et de la ville de León et vue panoramique  

Préfecture du département de León, la ville de León se situe au nord‐ouest du Nicaragua. Elle a été la 

première capitale du pays jusqu’en 1858, avant de céder son titre à la capitale actuelle localisée à 90km 

au sud de la ville, Managua. León représente aujourd’hui la deuxième ville  la plus importante du pays, 

moteur  de  sa  croissance  économique  depuis  les  années  1950,  et  reconnue  en  tant  que  ville 

universitaire avec l’établissement de la toute première université du Nicaragua en 1813. 

Fondée 1523,  la ville de León a connu un développement  lent qui s’est accéléré au cours des cinq 

dernières  décennies,  notamment  propulsée  par  la  monoculture  du  coton  (1950‐1970)  et  par 

l’urbanisation des trois dernières décennies à la suite de la guerre civile et du changement de régime 

politique du pays. 

Son territoire s’étend sur 82km², comptant 4% d’aire urbaine et 96% d’aire rurale, où  la population 

urbaine est estimée à 146 797 habitants  (recensement 2012). L’augmentation de cette population 

urbaine a généré l’extension de la ville par l’installation spontanée de quartiers résidentiels, dont la 

précarité de l’habitat a été à l’origine des préoccupations d’une municipalité perdant le contrôle sur la 

planification de l’accroissement de la ville. 

Hormis les quelques actions politiques des années 1980 favorisant l’attribution de terrains aux familles 

en difficulté, il n’existe pas d’institution responsable du développement de l’habitat nicaraguayen. La 

population a dirigé l’urbanisation des villes au moyen de l’auto construction et d’une auto gestion des 

services basiques dont elle nécessite, au‐devant de la mise en place des institutions correspondantes. 

L’absence de stratégie urbaine a conduit la municipalité de León à une étude de planification visant au 

développement pérenne de la ville tout en intégrant la participation de ses habitants, en quelque sorte 

ancrée dans sa culture. Le Plan de Consolidación de  la Expansión Urbana – León Sur Este  (Plan de 

consolidation de l’expansion urbaine – León Sur Este) constitue le document fondamental de ce projet, 

entrepris en 1996. 

Mon  intervention  sur  le  site  de  León  Sur  Este  s’est  ancrée  dans  la  continuité  de  ce  projet  de 

planification urbaine. 

I.III

Page 19: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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Cadre de travail, antécédents du projet municipal et définition de ma mission

De janvier à avril 2014, mon  intervention à León a constitué  la toute première coopération entre  la 

Mairie et Apoyo Urbano. Le Maire Roger Salvador Guardian Vijil, administrant une ville plus importante 

qu’Armenia, est à la tête d’un organigramme hiérarchisé plus complexe. 

Travaillant  directement  pour  le  département  de  «  Planification  Territoriale  »,  ma  mission  s’est 

déroulée au sein d’une équipe municipale pluridisciplinaire, comprenant à la fois les responsables du 

département ainsi que les référents techniques des directions « Obras Publicas » (Chantiers Publics) 

et « Vivienda y suelo » (Habitat et Usage des sols). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 12 ‐ Organigramme de l'équipe municipale de León

Page 20: Mémoire HMONP MTN

 

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Le Programme d’Expansion Urbaine de León Sur Este est issu d’un Plan Maestro approuvé par le conseil 

municipal de León en février 1996. Ce plan de stratégie urbaine définit 14 projets sur l’ensemble de la 

municipalité, parmi lesquels le développement d’une nouvelle aire d’expansion urbaine a été prévu au 

sud‐est de la ville, à la topographie plus avantageuse que le nord‐est montagneux. 

En 1998, le jumelage de León avec Utrecht a été à l’origine des initiatives de ce programme, créant en 

1999 un bureau de suivi technique et d’accompagnement financier du projet par la ville hollandaise. 

L’année suivante, le Plan de Développement de l’expansion urbaine de León Sur Este a été le résultat 

d’une analyse territoriale proposant notamment une enveloppe budgétaire pour  le développement 

des projets au cours de la décennie (1999‐2008). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 13 ‐ Zone d’expansion de la ville I Localisation du secteur III de León Sur Este  

Avec le financement de la ville d’Utrecht, l’allotissement de la zone sud‐est de León prévu dans le plan 

décennal visait au découpage de la zone en 5000 lots résidentiels. L’étude de faisabilité des 3 secteurs 

qui s’est réalisée entre 2002 et 2003 n’aura pas porté à l’aboutissement des deux premiers secteurs. 

En 2008,  la municipalité n’a pas atteint  les 50% de ses objectifs d’allotissement  ; elle a cependant 

facilité la construction de 2000 maisons individuelles et contribué à l’amélioration de 316 logements 

existants  sur  le  site,  ses  interventions  ayant  ainsi  stimulé  les  initiatives  communautaires  et  la 

participation citoyenne dans ces secteurs. 

Ce type de projet à  long terme, dépendant à  la fois du déblocage des faibles budgets  locaux et des 

financements  extérieurs,  connait  un  développement  fragmenté.  La  municipalité  se  voit  dans 

l’obligation de hiérarchiser ses interventions par ordre de priorité (définition des infrastructures, accès 

à l’eau potable, installation de l’éclairage public etc.) en dépit des intentions de cohérence territoriale 

qui sont à la base de toute planification urbaine. 

De ce fait, le site compte aujourd’hui des aires surdimensionnées dépourvues d’aménagement, posant 

d’une  part  un  problème  d’appropriation  illégale  des  lieux,  et  créant  d’autre  part  des  zones 

conséquentes de délaissés urbains.  

Mon travail a consisté en  la qualification des espaces publics prévus à  la prochaine tranche du plan 

d’expansion urbaine, soit de repenser l’usage de ces terrains vagues en prenant en compte le potentiel 

participatif du secteur III.   

Page 21: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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Figure 14 ‐ Plan des lots intégrant le site de l’opération I Echantillon photographique de l’état des lieux 

Objet de ma mission : proposition d’intervention pour la consolidation des espaces publics du secteur III de León Sur Este dans le cadre du Plan d’expansion urbaine de la ville.

Page 22: Mémoire HMONP MTN

 

21

Mon expérience sur le terrain

A l’origine, la délimitation des espaces publics du secteur III résulte de leur implantation dangereuse 

sous les câbles électriques et de la présence de 9 poteaux à haute tension. 

Sur cette zone isolée des parcelles habitables, l’absence de projet a conduit à la dégradation du lieu, 

d’une part délaissé par  les habitants et utilisé comme décharge publique, d’autre part  illégalement 

occupé par une population revendiquant son droit au sol. Deux terrains de sport et une aire de jeux 

improvisés ont également été recensés. 

L’évolution chaotique de ces espaces initialement destinés à l’usage public génère un impact négatif 

sur  le paysage et sur  l’image du secteur  ; cette vaste étendue désertique, ponctuellement occupée 

d’habitations  précaires,  procure  aux  résidents  un  sentiment  d’insécurité  accentué  par  l’absence 

d’éclairage public. 

Dans l’optique de consolider le tissu urbain de León Sur Este et de récupérer les 5 zones faisant l’objet 

d’une appropriation  illégale,  la mairie s’est engagée à relocaliser  les  familles vivant dans ces zones 

inhabitables. Le Plan de consolidation urbaine intègre le don des parcelles nécessaires au relogement 

de cette population dans les futurs quartiers en création. 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 15 ‐ Etat des lieux : occupations illégales sur les espaces destinés à l’usage public 

Les premières visites de site m’ont permis d’élaborer une analyse territoriale du secteur III, basée sur 

l’étude des forces, opportunités, faiblesses et menaces du site redécoupé par zone afin de saisir les 

problématiques croisées du projet : 

La mobilité : à l’échelle du secteur, comment connecter les espaces publics entre eux et faciliter les déplacements piétons, automobiles et cyclistes ? Le projet urbain : comment créer un projet global reliant chaque espace public en vue de consolider les 3 quartiers traversés par le site de l’opération ? La participation citoyenne : de quelle manière impliquer les résidents dans la planification, le chantier et la maintenance de ces espaces publics afin qu’ils se les approprient ? L’environnement : comment sensibiliser la population au respect de l’environnement, afin d’éviter de nouvelles dégradations des lieux ? Le social, architecture et urbanisme : proposer des espaces de repos et des activités de loisir dans le secteur visant à améliorer la qualité de vie des habitants ; diversifier le programme et les typologies attribuées à chaque élément.

Page 23: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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Le paysage : concevoir les espaces publics en fonction de la végétation existante avec la mise en valeur du paysage naturel de chaque zone. L’esthétique et l’économique : soigner l’esthétique du projet pour renforcer l’image du secteur III et le rendre attractif à partir d’une économie minimale. Mon intervention au sein de la mairie de León a été superposée au planning de l’équipe municipale ; 

le travail préparatoire a été rythmé par des concertations hebdomadaires du Conseil Municipal, visant 

aux  présentations  de  projet  destinées  aux  habitants,  à  la  ville  d’Utrecht,  ainsi  qu’au  BID  (Banco 

Interamericano de Desarollo), fond monétaire national pour le développement de projets sociaux. 

 

 

 

 

 

 

 

    Figure 16 ‐ chronogramme d'intervention 

Au cours de la phase de conception, impliquant une production importante de diagnostics, d’analyses 

et de documents explicatifs, la dimension participative du projet s’est principalement exprimée sous 

forme d’allers retours entre la mairie et les représentants de la population de León Sur Este, élus par 

la communauté. En  tant qu’acteurs clés du projet,  leur présence à chaque conseil municipal a été 

requise pour l’avancement des propositions. 

En vue du développement d’un projet pérenne, la participation des habitants du secteur a été prise en 

compte dès  l’élaboration du programme, au moyen d’enquêtes et d’entretiens  individuels. Sur un 

échantillon de 100 individus, incluant à la fois les résidents avoisinant directement le site de l’opération 

et  les occupants  illégaux, notre équipe a  identifié  les besoins et désirs des habitants dans  l’optique 

d’esquisser un programme qualitatif et quantitatif. L’enquête a également permis de collecter le taux 

de participation potentielle à l’élaboration d’un projet communautaire. 

Il en résulte une population jeune et motivée par le projet s’étant à 32% déjà investie dans d’autres 

projets communautaires, et qui porte un intérêt pour le chantier et la maintenance du site plus que 

pour la phase de planification et de design des espaces publics. A l’unanimité, elle sollicite la création 

d’une  aire  récréative  dédiée  aux  activités  sportives,  la  population  nicaraguayenne  étant 

particulièrement animée par le baseball et le football. 

Les  travaux menés  sur  le  terrain et en mairie ont abouti à une présentation de projet auprès des 

habitants  en  vue  d’obtenir  une  validation  de  la  proposition  architecturale.  Elle  a  été  par  la  suite 

réajustée jusqu’à la définition de l’avant‐projet détaillé des Espaces Publics du secteur III de León Sur 

Este, visant la consolidation des dossiers de subvention. 

Les dernières présentations de ce projet, intégré au Plan de Consolidation Urbaine mis en  place 

depuis 1999, ont finalement reçu un accueil favorable de la ville d’Utrecht et du BID, libérant des 

fonds pour sa réalisation progressive à partir de l’hiver 2014. 

Page 24: Mémoire HMONP MTN

 

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Projet de reconquête des espaces publics de León Sur Este – secteur III 

Ce projet de planification des espaces publics prétend  tout d’abord connecter  la zone d’expansion 

urbaine  au  reste  de  la  ville,  en  développant  autour  du  thème  de  la mobilité  des  accès  pour  les 

transports publics, ainsi que de nouveaux  tracés viaires destinés aux piétons, cyclistes et véhicules 

motorisés. 

En prenant en compte les attentes des habitants, la création d’un complexe multisports plein‐air a été 

proposé tel un parcours entièrement ouvert et accueillant les rencontres sportives de la ville de León. 

Conçu à partir des terrains de sport existants, il s’agit de prévoir l’amélioration de ces derniers en les 

équipant, et de densifier le site en offrant d’autres activités.  

Traversant trois quartiers, le site bénéficie d’une morphologie linéaire s’étendant sur 1,25km pour une 

largeur comprise entre 55 et 82 m, d’une superficie totale de 6,7 hectares. La diversité des paysages 

rencontrés le long du parcours a été intégrée au processus de conception, dans l’optique de conserver 

la végétation existante et les caractéristiques naturelles des lieux. 

Le projet a été pensé selon le concept de « Paisaje Saludable » (Paysage Salutaire), s’articulant autour 

de quatre enjeux majeurs : 

 

Le sport : proposition d’équipements sportifs et amélioration 

des équipements existants ; 

L’alimentation : introduction d’un « paysage comestible » 

composé de potagers et d’arbres fruitiers ; 

Les aires de repos et de sociabilité : installation de mobilier 

urbain et création de places pour les 

évènements communautaires ; 

La culture : introduction de pavillons et d’activités culturelles 

dédiés au public et aux groupes scolaires voisins. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Figure 17 – Vue aérienne du site d’intervention, Google Maps 

Page 25: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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 Figure 18 – Exemple de paysage, zone I 

   

Aménagement de la zone B Aménagement de la zone C Aménagement de la zone I Terrains de volley + piste d’athlétisme Terrain de foot + place minérale Parc de sculptures  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 19 – Proposition d’aménagement des espaces publics de León Sur Este, secteur III : un complexe sportif plein air

Page 26: Mémoire HMONP MTN

 

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RETOUR D’EXPERIENCES

 

Retour critique sur la place de l’architecte au sein des missions Apoyo Urbano

Les expériences vécues au Salvador et au Nicaragua se différencient par le cadre de travail qui m’a été 

proposé, où l’historique des projets à développer a su orienter des poursuites distinctes. 

D’une part, la configuration individuelle du projet mené à Armenia provient de la faible constitution 

de  son  équipe  municipale,  ne  comptant  que  sur  le  maire  (ingénieur  agronome  de  formation), 

l’ingénieur civile ainsi que sur l’intervention ponctuelle d’un architecte de San Salvador pour la gestion 

des projets publics  ;  la municipalité privilégie avant  tout  le  savoir‐faire des artisans et entreprises 

locales pour effectuer des travaux à la demande et solutionner des ouvrages techniques. 

Pour s’organiser dans ce contexte,  le processus de  l’association Apoyo Urbano consistant à  l’envoi 

successif de bénévoles en  fonction des expertises  requises  (urbaniste,  sociologue,  ingénieure puis 

architecte) m’a semblé linéaire et fragmenté dans sa méthode. Ma proposition d’avant‐projet pour le 

Marché  Municipal  s’est  ajoutée  à  une  chaîne  d’études  antérieures  complexes  nécessaires  à 

l’appréhension  du  site,  cependant  désavantagée  par  l’absence  d’interlocuteurs  initiés  au  projet. 

Sur un  temps d’intervention court,  la possibilité d’échanges et de confrontations d’idées aurait pu 

contribuer à l’efficacité de la proposition, face à une maîtrise d’ouvrage essentiellement sensible aux 

visuels et à la dimension esthétique du projet. 

D’un autre point de vue, la présence d’une équipe pluridisciplinaire plus renforcée pour la Mairie de 

León m’a permis d’assimiler les processus de projet relatifs à une culture locale en parallèle de mes 

avancements. La proposition de consolidation des espaces publics du secteur III de León Sur Este s’est 

jouxtée à quinze années d’études et d’interventions préalables, comptant également sur  le soutien 

financier  de  la  ville  d’Utrecht  ainsi  que  sur  les  interventions  ponctuelles  d’ONG  hollandaises  et 

espagnoles. La réalisation des projets municipaux est donc facilitée, notamment grâce au département 

chargé de la mise en place des budgets nécessaires à leur exécution. 

En termes de résultat, les projets d’Apoyo Urbano promouvant l’urbanisme et l’architecture durables 

et participatifs doivent admettre une échelle de temps relativement longue pour leur aboutissement. 

Les régions d’Amérique Centrale pour  lesquelles  l’association opère doivent faire face à des actions 

prioritaires qu’elles hiérarchisent, afin d’offrir des conditions de vie favorables pour tous ses citoyens. 

A  la  base  de  chaque  projet,  les  professionnels  étrangers,  qu’il  s’agisse  de  jeunes  diplômés  ou 

d’individus expérimentés, et notamment  les architectes,  reçoivent un accueil positif de  la part des 

municipalités et des populations. Cet accueil témoigne de la considération qui leur est portée au sein 

de ces sociétés, instaurant initialement des relations favorables entre les différents acteurs du projet. 

Pour l’architecte, la reconnaissance de son titre reflète avant tout les attentes élevées de la population, 

qui motivent également un travail obstiné. 

 

Réflexions sur la dimension participative des projets au sein d’une équipe municipale

Les  processus  participatifs  des  projets  urbains  et/ou  architecturaux  restent  complexes  dans  leur 

diversité  :  à  quelle(s)  phase(s)  faut‐il  introduire  ou  interrompre  les  concertations,  qu’il  s’agisse  de 

l’élaboration d’un programme, du dessin des espaces ou du déroulement des chantiers ?  

I.IV

Page 27: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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Je ne prétends pas détenir de vérité à ce sujet, ni même avoir arrêté mes idées sur la question. 

Je constate simplement que les écarts d’outils et de langages entre les différents acteurs, s’ils limitent 

le  dialogue  dans  le  déroulement  du  projet  participatif,  impliquent  nécessairement  l’usage  de 

compétences  professionnelles  particulières,  l’architecte  étant  missionné  pour  émettre  une 

proposition spatiale. Au Salvador et au Nicaragua,  les communautés concernées n’ont par exemple 

pas témoigné d’intérêt participatif pour le design du projet, remis exclusivement à l’architecte. 

Par ailleurs, l’expérience vécue à León a révélé les premières divergences d’opinions au sein de l’équipe 

municipale,  séparant  d’une  part  les  ingénieurs  dans  l’attente  d’un  projet  quantifié  en  vue  de  sa 

réalisation  immédiate,  et  d’autre  part  les  urbanistes  et  architectes  souhaitant  amorcer  le  projet 

participatif par l’élaboration d’une méthodologie basée sur une analyse pointilleuse des attentes de la 

population, soucieux de la pérennité du projet. 

La place d’un architecte au sein d’une équipe municipale, à Armenia tout comme à León, m’a semblée 

une place privilégiée. En permettant à l’architecte de s’exprimer du côté de la maîtrise d’œuvre et de 

la maîtrise d’ouvrage à  la  fois, elle autorise une exploration profonde du projet, maîtrisé depuis  le 

diagnostic territorial jusqu’à sa conception détaillée. 

Au cœur d’un processus de projet participatif, cette place privilégiée donne un 

sens  à  la  dimension  généraliste  de  notre  discipline.  Planifier,  programmer, 

quantifier, se concerter, ajuster, définir puis détailler le projet pour le mener à 

sa réalisation, soient les actions qui regroupent les compétences premières de 

notre profession. 

 

Transition vers les enjeux de la mise en situation professionnelle

A  travers  l’exploration de  la dimension sociale d’une architecture destinée au public,  j’ai vécu une 

expérience  d’accompagnement  des  communautés  dans  le  développement  de  leurs  projets  sans 

prétendre  remplacer  les équipes  locales. Au  terme des missions,  le  suivi des projets est  remis aux 

acteurs locaux, conformément à l’éthique de l’ONG. 

Or,  l’intérêt  que  je  porte  à  l’exercice  de  la  maîtrise  d’œuvre  englobe  le  processus  du  projet 

architectural  dans  son  intégralité,  donnant  notamment  à  l’architecte  les  responsabilités  de  la 

réalisation. 

La  micro  structure  qu’est  Aerostudio  m’a  semblée  idéale  pour  orienter  mon  expérience  d’une 

profession à première vue autonome vers des objectifs personnels prédéfinis : 

Répondre aux exigences du projet à travers le fonctionnement d’agence ;

Comprendre les responsabilités de l’architecte, en passant par la gestion de sa structure ;

Expérimenter l’autonomie propre au fonctionnement d’une microstructure ;

Travailler avec les différents intervenants sous le schéma classique des relations MOA/MOE ;

Acquérir les compétences nécessaires à l’orchestration d’un projet, du côté de la MOE.

Page 28: Mémoire HMONP MTN

 

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II. MISE EN SITUATION PROFESSIONNELLE CHEZ AEROSTUDIO ARCHITECTES

ANALYSE CRITIQUE DE LA STRUCTURE D’ACCUEIL

Historique de l’agence et profil des fondateurs

En  2009,  l’agence  d’architecture Aerostudio  a  été  fondée  par  trois  associés  aux  profils  distincts  : 

Antoine Cardon, Fabien Guillou et  Julien Cavé. Elle  reste aujourd’hui sous  la direction d’un unique 

fondateur travaillant seul sur la plupart de ses projets, l’architecte DPLG Antoine Cardon. 

Diplômé en 2007 de l’école de Nancy, Antoine Cardon s'est appuyé sur ses voyages et ses expériences 

professionnelles  à  l'étranger  pour  développer  une  approche  sur  l'architecture  interstitielle.  Il 

commence à esquisser le thème de l’entre‐deux au cours de son diplôme au titre évocateur « Rio – 

Ligaçãoes » (Connexions au cœur de la ville de Rio de Janeiro), en étant soutenu par le fond d'Archidev, 

qui  récompense  les  travaux  portant  sur  l'amélioration  des  conditions  de  vie  dans  les  pays  de 

l'hémisphère sud.  

Après une première expérience de salarié dans l’agence parisienne de Ban Architectes à l'occasion de 

l'étude du projet pour le Centre Pompidou Metz, également renforcée d’une expérience dans l’agence 

de communication Athem, son envie de démarrer une production architecturale propre au sein d’une 

équipe  pluridisciplinaire  l’a  conduit  à  s’associer  pour  créer  l’agence  Aerostudio,  dans  le  17e 

arrondissement de Paris. 

 

II.I

Page 29: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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Figure 20 ‐ Profil d'Antoine Cardon, architecte DPLG ‐ gérant d'Aerostudio 

 

L’ex‐associé  Fabien Guillou,  Architecte DPLG  diplômé  en  2006  de  l’école  de Nancy,  a  également 

bénéficié d’expériences en France et à l’étranger, soutenant notamment son diplôme à Lima à l'INC 

(Institut National de la Culture), portant sur un programme de réhabilitation d'une ancienne maison 

coloniale  ayant  appartenu  à  Ramon  Castilla,  ex‐Président  du  Pérou  au  XIXème  siècle. 

A  l'issue  de  son  diplôme,  il  a  été  lauréat  de  la  bourse  Besnard  de  Quelen,  qui  récompense  les 

démarches innovantes de la construction. Son expérience en agence française repose essentiellement 

sur une participation à des projets de  logements et d'équipements publics de moyenne envergure. 

Il a pris part au projet AEROSTUDIO en le nourrissant de ses connaissances en matière de logement, 

spécialisé dans le domaine du patrimoine, et de sa réflexion sur les nouveaux enjeux écologiques tout 

en mettant à profit son expérience dans le montage de projet et le suivi de chantier. 

En  2014,  Fabien  Guillou  se  sépare  définitivement  d’Aerostudio  pour  se  réorienter  dans  la 

communication et l’image, en tant que perspectiviste indépendant. 

De son côté, s'appuyant sur une expérience de gestionnaire de projet obtenue au sein des groupes 

Thales  et MasterCard  France  et  ayant  suivi  une  formation  en  CPGE  puis  à  l'université  Paris  1  La 

Sorbonne,  Julien  Cavé  a  rejoint  AEROSTUDIO  en  tant  que  chargé  d’affaires  associé.  

Il a contribué à l'administration économique et juridique interne de l'agence, assurant la coordination 

entre la maîtrise d'ouvrage, les bureaux d’études techniques et la maîtrise d'œuvre dans le pilotage 

opérationnel des projets. Son travail visait à garantir la stabilité de l’agence, veillant à la qualité ainsi 

qu’à la constance de production générée par Aerostudio.  

Or,  il s’agit d’un rôle difficile à pérenniser au sein d’une agence d’architecture. Le partenariat entre 

architecte et chargé d’affaires semble à première vue peu commun pour ce type de micro structure.  

Il  aurait  pu  contribuer  au  développement  de  l’agence  par  une  conquête  ciblée  des marchés,  et 

constituer un renfort important en période de crise généralisée du secteur de la construction. 

La communication, en termes de diffusion des projets, visibilité de l’agence et acquisition de clientèle 

constitue souvent le point faible des agences de petite taille. 

Cette  association,  essentiellement  pragmatique  et  stratégique,  n’aura  pas  été  fructueuse  pour 

Aerostudio  :  les divergences en matière de stratégie économique et de communication, menaçant 

l’image de départ souhaitée par les architectes, ont conduit au départ de Julien Cavé courant 2012. 

Page 30: Mémoire HMONP MTN

 

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Choix du mode d’exercice et évolution de la structure

En 6 ans d’activité, l’agence Aerostudio a trouvé sa stabilité dans le secteur privé tout en ayant vécu 

deux évolutions relatives à son statut, ainsi que le départ des deux associés présentés précédemment. 

Inscrite au N°S15399 au Tableau de l’Ordre des Architectes, les associés ont opté pour  le régime de 

l’auto entrepreneur pour sa création en 2009, souhaitant tester le modèle fiscal de la micro entreprise 

tout en limitant ses risques. L’agence a été propulsée par le secteur privé par diverses commandes, 

telles la restauration d’une partie de l’Orangerie du château de la Grange Manom (2009) et la création 

du  pavillon  d’accueil  du  château  de  Pange  (2011),  accompagnées  de  nombreuses  rénovations  de 

logements.  

Pour les jeunes architectes débutant leur carrière, ce dernier type d’opération a tout d’abord répondu 

aux besoins d’une clientèle de proches, dont les résultats satisfaisants ont conduit à l’élargissement de 

leur public par le bouche à oreille.  

Aerostudio a donc multiplié ses projets de réhabilitation et de rénovation pour particuliers, spécialisant 

sa maîtrise d’œuvre aux prémices de son activité dans l’architecture d’intérieure. Elle est ainsi devenue 

compétente dans les détails relatifs au second œuvre et au design de mobilier. 

Son accumulation d’expériences pour des opérations de petite échelle lui a ouvert peu à peu, et par 

réseau relationnel, des portes sur d’autres marchés privés cette fois visibles par le grand public, telles 

la banque d’accueil de  la BNP dans  le 2e  arrondissement de Paris ou  la pyramide de Courchevel, 

structure  éphémère  destinée  à  recevoir  des  expositions  pour  les  grandes  marques  (Dior,  Louis 

Vuitton…). Ses  références en matière de  réhabilitation de  logements  l’ont également démarquées 

auprès des promoteurs immobiliers, se voyant confier plusieurs opérations de ravalement de façades 

au cœur de la capitale, tout en s’assurant de garder contact avec ces maîtres d’ouvrage privés pour les 

projets à venir. 

Ayant atteint le statut de SARL (Société A Responsabilités Limitées) au capital de 7500€ en 2012, son 

chiffre d’affaire s’est démultiplié en 3 ans, passant de 20 512,49 €HT à 149 402,68 €HT fin 2014. Une 

évolution récente (mai 2015) a converti la SARL Aerostudio en SAS (Société à Actions Simplifiées), dont 

l’architecte Antoine Cardon reste le président et unique membre permanent. 

Figure 21 – Références AEROSTUDIO : Orangerie du château de la Grange Manom I Pyramide de Courchevel I Rénovation de logement

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  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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Ressources humaines et matérielles internes

Anciennement basée dans le 17e arrondissement de Paris au 146 Avenue de Clichy, l’agence Aerostudio 

s’est  installée depuis moins de 2 ans à Boulogne Billancourt au 39 rue Fessart (92), partageant des 

locaux en co‐working avec le Cabinet Rousselin Gourmain, première entreprise forestière sur les cinq 

existantes  en  France.  Cette  forme  d’installation  de  plus  en  plus  répandue  a  permis  à  l’architecte 

d’alléger les frais de l’agence relatifs à la location d’un espace de travail, et de disposer du matériel 

appartenant à cette entreprise établie depuis 5 ans (bureaux, photocopieurs, imprimantes…) au sein 

d’un open space de 120m², détenant deux postes de travail pour son activité. Elle lui offre également 

un  cadre  de  travail  dynamique,  favorable  à  une  petite  structure  dont  il  est  l’unique  membre 

permanent. 

Suite  au  départ  de  son  dernier  associé  Fabien  Guillou,  lié  à  la  bifurcation  de  leurs  ambitions 

architecturales au sein d’une agence bien portante mais aux activités peu diversifiées, Antoine Cardon 

a poursuivi avec constance son projet professionnel, accompagné durant 6 mois d’une stagiaire de 

deuxième cycle, avant de m’intégrer à l’agence pour ma mise en situation professionnelle. 

 

Mode d’organisation de l’équipe de maîtrise d’œuvre

L’organisation interne adoptée par Aerostudio se résume à l’autonomie de l’architecte sur des projets 

de petite échelle dirigés dans leur intégralité (dimensions architecturale, technique et économique). 

J’ai ainsi pu bénéficier de cette autonomie durant ma mise en situation professionnelle, en dépit d’une 

éventuelle expérience de travail en binôme. 

L’année 2014, outre les changements de configuration de l’agence, s’est démarquée par la livraison du 

premier  projet  public  d’Aerostudio  (rénovation  du  Théâtre  de  Prémery  ‐  58),  ainsi  que  par  le 

développement de deux autres projets publics acquis fin 2013, en parallèle des commandes privées. 

Ayant intégré la structure en janvier 2015, j’ai assisté à la livraison du Théâtre de Prémery, projet de 

réhabilitation légère commandée par la Ville, plus précisément à la séance de levée des réserves, et 

suivi indirectement les deux projets publics en cours, soient la réfection des sanitaires du lycée Jules 

Uhry à Creil (60), et la création d’un préau et d’un bloc sanitaire au Collège Montabuzard à Ingré (45), 

dont les chantiers sont prévus à la mi‐septembre. 

Concernant  le projet du  lycée  Jules Uhry et conformément à  la demande de  la maîtrise d’ouvrage, 

l’architecte a dû s’associer aux compétences du BET TCE ETR Ingénierie et au cabinet Becquart pour 

l’économie  de  la  construction,  tous  deux  regroupés  sous  forme  de  holding  et  basés  dans  le 

département du Nord (59), dirigés par Patrick Choquel. 

En parallèle du travail de conception de l’architecte, l’économiste de la construction a accompagné le 

projet dès  la phase d’esquisse  jusqu’à  la phase PRO,    le BET TCE  (structure/fluide/VRD/thermique) 

n’étant intervenu qu’à partir de la phase APD et ne participant pas à l’OPC. 

Au moyen d’échanges à distance, ce premier projet développé en équipe a su instaurer une relation 

de  confiance  professionnelle  entre  Aerostudio  et  ces  bureaux  d’études,  l’architecte  poursuivant 

désormais  la  consolidation  d’appels  d’offres  aux  côtés  de  ces  BET  malgré  leur  éloignement 

géographique. 

Page 32: Mémoire HMONP MTN

 

31

Stratégie d’entreprise & valeurs professionnelles d’Aerostudio

Conscience professionnelle, compétences acquises dans la spécialisation et relation de confiance entre 

l’équipe de MOE et la MOA sont les valeurs fondamentales mises en avant par l’agence. 

L’exercice de la maîtrise d’œuvre pour des projets de petite échelle et spécifiquement dans le secteur 

privé a tout d’abord été un choix avantageux pour la structure : il peut laisser entendre une plus grande 

maîtrise de la qualité architecturale des projets, ainsi qu’une maîtrise des délais en phase d’étude et 

en phase de réalisation par rapport à  la rentabilité économique de  l’agence.  Il permet également à 

l’architecte de revendiquer sa spécialisation dans l’architecture d’intérieure : fort de ses pratiques, il a 

d’une  part  su  développer  les  mécanismes  nécessaires  à  l’obtention  d’un  résultat  architectural 

satisfaisant, et d’autre part réussi à trouver l’équilibre de sa structure. 

Pour  élargir  ses  compétences,  il  cible principalement  ses  formations  continues  autour des  enjeux 

environnementaux : il a obtenu le diplôme du LEED en 2014 et suit régulièrement les colloques relatifs 

aux constructions durables. Il se forme également aux jurys de concours : les participations futures à 

ces  jurys  lui  permettront  à  terme  de  saisir  les  attentes  du  secteur  public  au  cours  des  séances 

d’ouverture des plis, dans l’optique d’améliorer ses propres candidatures. 

Sa  volonté  de  persévérer  dans  le  secteur  public  témoigne  de  son  désir  d’élargir  son  champ  de 

conception architecturale en s’émancipant des commandes privées. Elle reflète également quelques 

frustrations  vis‐à‐vis de  l’instabilité des particuliers,  générant  souvent «  l’incertitude du projet »… 

Incertitude ayant probablement institué la commande publique tel le saint graal de l’architecte.  

Ma MSP  au  sein d’Aerostudio m’a permis d’analyser  le  choix du mode  d’exercice d’un  architecte 

indépendant et ses potentielles évolutions, dont la complexité couplée à la situation de crise actuelle 

a su temporiser quelque jugement catégorique de ma part sur l’expérience assimilée.  

 

 

ANALYSE DE MON EXPERIENCE AU SEIN DE L’AGENCE

 

Travail effectué & responsabilités assumées dans le secteur privé

En tant que première stagiaire HMONP accueillie par la structure, j’ai eu l’opportunité de travailler en 

autonomie sur les projets qui m’ont été confiés, guidée par un architecte à la fois investi dans l’ordre 

des architectes et le syndicat des architectes. 

Conscient des enjeux de la formation, il m’a laissé expérimenter son quotidien en ne s’immisçant que 

peu dans mes tâches et actions entreprises. La période de mon stage (janvier‐août 2015), affectée par 

la crise traversée par  les microstructures, n’a pas été propice au développement des projets sur  le 

chantier. Néanmoins, mon expérience a été riche dans l’apprentissage de la gestion d’une agence ; j’ai 

pu expérimenter  la place du maître d’œuvre à  l’échelle d’Aerostudio, analyser son potentiel et ses 

limites, ainsi que comprendre ses stratégies et son évolution. 

Au cours de mon stage, le rythme d’une semaine type s’est défini autour de deux dynamiques : d’une 

part les phases de projet à développer pour les missions privées en cours, d’autre part le travail massif 

II.II

Page 33: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

32

Figure 22

Figure 23

Figure 24

de production destiné aux marchés publics, par la consolidation de dossiers de candidatures pour les 

appels  d’offres.  Pour  une  microstructure  telle  qu’Aerostudio,  le  temps  imparti  à  cette  seconde 

dynamique non lucrative est inévitablement conditionné par les résultats fructueux de la première ; 

cette forme de production sans garantie de résultat suscite toutefois pour l’agence un intérêt égal aux 

avancements concrets d’un projet. 

Une présentation synthétique des tâches effectuées pour les maîtres d’ouvrage privés lors de ma MSP 

me permettra par la suite de commenter « l’incertitude du projet » évoquée au chapitre précédent : 

Extension  d’une  terrasse  de  café  à  Boulogne 

Billancourt (92) / Jan.‐Fév. 2015 (figure 22) 

Programme  :  remplacement  des  huisseries  et 

conception  d’une  nouvelle  structure  métallique 

implantée à l’identique de la terrasse existante 

Surface : 3.17m² 

Missions effectuées : phases ESQ, APS, APD, dépôt 

du  permis  de  démolir  (PD)  et  de  la  déclaration 

préalable (DP) 

Statut  :  après  l’obtention  des  autorisations 

municipales, le projet est resté sans suite malgré la 

mission complète stipulée par le contrat. 

 

 

Extension d’une maison de ville à Levallois‐Perret 

(92) / Fév.‐Mar. 2015 (figure 23) 

Programme : extension et rénovation de la cuisine 

Surface : 2.73m² 

Missions effectuées : Phases ESQ, APS, APD, dépôt 

de la déclaration préalable (DP), PRO 

Statut  :  suite  à  l’obtention  des  autorisations 

municipales, le projet est resté en suspens jusqu’au 

lancement du DCE au début du mois d’août. 

 

 

Rénovation  d’un  appartement  à  Nogent‐sur‐

Marne (94) / Mars – Août 2015 (figure 24) 

Programme  :  réaménagement  des  espaces 

intérieurs  pour  la  création  d’une  chambre 

supplémentaire  et  rénovation  intégrale  du 

logement 

Surface : 152.33m² 

Missions  effectuées  :  Relevés,  Phases  ESQ,  APS, 

APD, PRO 

Statut : DCE en cours. 

 

Page 34: Mémoire HMONP MTN

 

33

En charge des trois projets cités, j’ai été l’interlocutrice privilégiée des clients ; à travers leurs attentes 

et leurs appréhensions, j’ai pu assimiler le langage à adopter quant à la présentation d’un projet, ainsi 

que percevoir l’image stéréotypée que reflète l’architecte auprès des particuliers. 

Le projet de  la terrasse de café, qui constituait  initialement un projet d’extension suite à  la dépose 

d’une structure vétuste, a connu deux refus de la part de la municipalité de Boulogne Billancourt avant 

son autorisation de reconstruction sur une implantation identique : l’ABF (Architecte des Bâtiments de 

France) puis la Société du Grand Paris se sont opposés à son prolongement sur l’espace public, donnant 

sur une avenue principale. 

Ce changement de programme n’a pourtant pas été à l’origine de l’interruption du contrat. Le maître 

d’ouvrage m’avait préalablement confié son intention de poursuivre le projet en dirigeant lui‐même la 

phase  travaux,  faisant  appel  à  ses  proches  pour  sa  construction.  Dans  l’optique  de  réaliser  une 

économie sur les honoraires et sur les prescriptions constructives de l’architecte, la « tranche ferme » 

du contrat a donc été tacitement arrêtée à la demande des autorisations municipales. 

Cette  illustration du secteur privé  (concernant notamment  les particuliers) ne constitue pas un cas 

isolé mais reflète une réalité endémique pour notre profession : de nombreux maîtres d’ouvrage ont 

recours à l’architecte pour déléguer la phase de conception et la partie administrative qu’ils n’estiment 

pas  être  en mesure  de  finaliser,  tandis  que  la  phase  de  réalisation  semble  représenter moins  de 

difficultés. 

Le maître d’ouvrage reste libre de suivre ou non les recommandations, prescriptions et autres conseils 

délivrés par l’architecte qui effectue son devoir ; ce dernier ne sera pas tenu pour responsable d’une 

exécution  basée  sur  des  dessins  fournis  avant  la  phase  PRO,  dont  l’absence  de  valeur  juridique 

l’acquitte du devenir de la construction. 

D’autre part, la mise en suspens du deuxième projet, extension de la maison de ville à Levallois Perret, 

témoigne des imprévisions relatives au déroulement des projets privés, causées par une trop grande 

flexibilité concédée au maître d’ouvrage. Cette absence de respect des délais s’est également faite 

ressentir au cours du projet de rénovation d’appartement à Nogent sur Marne, le projet ayant traversé 

des modifications de l’ordre de l‘esquisse en phase APD, et la phase de conception s’étant étalée sur 

cinq mois. 

Outre  l’assiduité  de  l’architecte,  les  avancements  d’un  projet  privé  dépendent  avant  tout  des 

validations du maître d’ouvrage, et ne sont délimités d’aucun délai dans le contrat, contrairement aux 

contrats des marchés publics. Cette gestion improvisée du temps doit être prise en considération en 

vue de l’impact qu’elle cause sur l’économie de l’agence, l’architecte étant rémunéré par élément de 

mission. 

 

Contrats et sécurisation du travail de l’architecte

En découvrant  les tâches de  l’architecte dans  leur ensemble,  j’ai été amenée à remplir  les contrats 

types édités par l’ordre, respectifs aux projets qui m’ont été confiés.  

En  attribuant un projet  à  l’architecte,  le maître d’ouvrage  s’engage  auprès du maître d’œuvre en 

signant deux documents à valeur juridique : le CCG (Cahier des Clauses Générales), applicable à tout 

contrat, et le CCP (Cahier des Clauses Particulières), qui définit la nature de l’opération, l’enveloppe 

Page 35: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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budgétaire des travaux ainsi que la rémunération de l’architecte, signé par les deux parties. Ces deux 

pièces indissociables constituent le contrat d’architecte. 

J’ai  ainsi  pris  conscience  des  écarts  existants  entre  les  protections  stipulées  par  ces  pièces 

contractuelles et leur mise en application réelle. 

Le maître d'ouvrage s’oblige, en temps utile : G 2.1.4 - à déterminer le délai d'exécution souhaité4

G 5.1.1 - Rémunération forfaitaire calculée « au temps à passer » Le forfait de rémunération est établi entre les parties en fonction du temps que l’architecte prévoit de passer, compte tenu de la complexité du programme, de la mission qui lui est confiée et du prix horaire de son agence.5

G 6.1.2 - Cession du contrat Sauf stipulation contraire, le maître d'ouvrage s'engage avec l'architecte pour la totalité de l'opération décrite au CCP. Le maître d'ouvrage s'interdit de céder l'un quelconque de ses droits à construire et, notamment, de transférer le permis de construire au bénéfice d'un tiers : - avant reprise du présent contrat par toute personne physique ou morale appelée à se substituer au maître d'ouvrage et acceptée par l'architecte ; - ou, à défaut d'une telle reprise, avant règlement des honoraires et indemnités dus à l'architecte conformément à l'article G 9.1 ci-après.6

Or, dans le cas d’une microstructure telle qu’Aerostudio, dont l’architecte seul se porte garant de ses 

commandes privées acquises de gré à gré, certaines concessions sont    inévitables à  la conservation 

d’un climat de confiance et au maintien d’une bonne entente avec la maîtrise d’ouvrage. Une certaine 

pression s’exerce alors ; l’architecte ne pouvant mettre en jeu sa renommée et perdre de potentielles

opportunités d’acquérir d’autres projets, se voit parfois contraint d’engager une production à perte et 

d’assumer des ruptures de contrat « tacites » avec les maîtres d’ouvrage privés. 

Dans  le  cadre  du  secteur  public,  le  contrat  rédigé  sous  forme  d’Acte  d’Engagement  définit  un 

déroulement strict des prestations de l’architecte en termes de délai (le planning de l’opération étant 

intégré au contrat) et de rémunération (répartition des honoraires par élément de mission, en fonction 

du montant des travaux), propre au marché en question. L’architecte dispose donc d’une plus grande 

visibilité pour la gestion du temps et l’administration économique de sa structure, en vue de sa mission 

partielle ou complète. 

Cette forme de contrat plus encadré permet à la fois de garantir à la maîtrise d’ouvrage les conditions 

de  réception de  ses prestations  (en définissant notamment des pénalités de  retard et un  seuil de 

tolérance relatif au montant global des travaux) et de limiter les imprévus pour l’architecte au cours 

de sa mission (l’acceptation tacite des documents de  l’architecte par  la MOA après un délai fixé au 

                                                            4 Cf. Cahier des Clauses Générales, « G2.1 – PROGRAMME ET CONTRAINTES », p. 2/17 5 Cf. Cahier des Clauses Générales, « G5.1 – MODE DE REMUNERATION», p. 11/17 6 Cf. Cahier des Clauses Générales, « G6.1 – DROITS ET OBLIGATIONS DU MAITRE D’OUVRAGE», p. 13/17 

Page 36: Mémoire HMONP MTN

 

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contrat  ;  le  pourcentage  des  honoraires  versé  à  l’architecte  en  cas  de  rupture  de  contrat  sur  les 

prestations non réalisées). 

Cependant, une autre forme d’insécurité et de pression s’exerce sur les petites structures, contraintes 

de se sacrifier pour pouvoir accéder à ce type de marché. En effet, la baisse des commandes publiques 

constatée ces dernières années a amplifié la concurrence entre les petites agences tout en invitant les 

structures  de  taille  moyenne  à  concourir  aux  appels  d’offres  qu’elles  n’auraient  pas  pris  en 

considération auparavant. La crise vécue par notre secteur d’activité laisse fréquemment paraître une 

concurrence déloyale traduite par le dumping honoraire. 

Dans  l’acte d’engagement,  la  transparence  relative aux honoraires de  la maîtrise d’œuvre  conduit 

parfois au détail de ses honoraires par intervenant, par élément de mission et PAR HEURE en plus de 

la répartition effectuée au sein de l’équipe de MOE. Or, ce découpage censé relier le travail produit à 

la rémunération attribuée constitue‐t‐il une réalité ou un calcul dérisoire défini par le maître d’œuvre, 

voulant s’assurer de l’acquisition du marché ? 

 

« Depuis l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, les prix et les services doivent être librement déterminés par le jeu de la concurrence. C’est ainsi que l’UNFSA puis l’Ordre des architectes se sont vus dans l’obligation de ne plus publier de barèmes et de supprimer dans les clauses relatives à l’architecture, toute formule de détermination d’honoraires, toutes indications chiffrées (sauf celles concernant la complexité ou l’étendue de la mission).

Cette opacité de fait ne joue pas en la faveur du consommateur car faute d’information, il est conduit à choisir un service plus rudimentaire qu’il estime moins cher, alors que ce n’est généralement pas le cas. »7

 

Afin de préserver  le déroulement décent de nos prestations, comment communiquer  les outils de 

référence relatifs à notre profession, d’une part respectant la loi MOP8 et d’autre part en réinstaurant 

le barème de la MICQP, à une maîtrise d’ouvrage principalement soucieuse de la gestion des caisses 

publiques, soient celles des communes, des subventions départementales ou régionales ?

 

Le devoir de conseil des marchés privés aux marchés publics 

Répondant à des programmes précontraints par leur enveloppe budgétaire prévisionnelle, l’architecte 

doit réussir à démontrer la satisfaction d’un résultat projeté par une argumentation technique, tout 

en  portant  son  devoir  de  conseil  auprès  de  la  maîtrise  d’ouvrage  afin  de  préserver  la  qualité 

architecturale des projets. 

Or, le secteur privé semble induire plus de concessions de la part du maître d’œuvre dans son travail 

de  conception,  allant  à  l’encontre  desdites  qualités  architecturales.  Tandis  que  les  constructions 

                                                            7 Cf. Ordre des architectes, UNSFA, Syndicat de l’Architecture, 2004, Le livre blanc des architectes, p. 16 8  Loi n°85‐704 du 12  juillet 1985  relative à  la Maîtrise d’Ouvrage Publique et à ses  rapports avec  la maîtrise d’œuvre privée. Malgré  la 

protection qu’elle apporte à la MOA et à la MOE, la loi MOP connaît de nombreux contournements dans sa mise en application ; elle est également menacée de suppression au cours de débats tel le débat Cobaty (mars 2015), voulant remettre en cause sa concordance avec la « révolution du BIM » et les nouveaux besoins engendrés, reconfigurant les missions de base. Cf. Lemoniteur.fr, Faut‐il dire « au revoir » à la loi MOP, article de Bénédicte Rallu publié le 13/03/2015. 

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  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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dédiées aux établissements recevant du public (ERP) sont assaillies d’un trop‐plein de normes liées à 

la  fonctionnalité  des  espaces  créés  ainsi  qu’à  la  sécurité  des  usagers,  les  libertés  de  composition 

relatives  aux  logements  privés  font  appel  à  la  culture  et  au  bon  sens  des  commanditaires.  

Les  prescriptions  de  l’architecte  sachant  peuvent  alors  se  heurter  aux  idées  arrêtées  d’un maître 

d’ouvrage, mais ne s’opposeront en aucun cas à sa demande. 

L’agence Aerostudio,  parfois  contrainte  à  l’exécution  assidue  des  volontés  privées,  se  protège  au 

moyen de comptes rendus détaillés à la suite de chaque réunion ; ces comptes rendus doivent être 

acceptés  par  la maîtrise  d’ouvrage  avant  de  poursuivre  le  projet,  permettant  à  l’architecte  de  se 

préserver de toute insatisfaction de résultat qu’il n’aurait engendré. 

Concernant le secteur public, l’élaboration des candidatures pour les appels d’offres m’a fait entrevoir 

les  inégalités existant à  la fois au sein des équipes de maîtrise d’œuvre en termes de compétences, 

capacité et références, ainsi qu’au sein des maîtrises d’ouvrage en matière de montage de projet. 

Le  choix  de  répondre  à  un marché  implique  une  étude  préalable  du  dossier  de  consultation  des 

entreprises fourni (DCE), afin de déterminer d’une part l’aptitude de l’agence à candidater en vue des 

critères requis (capacités financières, moyens humains, compétences et références), et d’autre part la 

faisabilité du marché proposé. 

Ce  dernier  critère  d’analyse  correspond  non  seulement  à  la  vérification  de  la  cohérence  entre  le 

programme et l’enveloppe provisionnelle lui étant attribuée, mais aussi à la viabilité économique de 

l’agence dans le rapport temps/moyens requis/honoraires, lui permettant ou non de soumettre une 

offre se rapprochant des attentes de la maîtrise d’ouvrage. 

Les pièces du DCE sont généralement constituées comme suit : 

le Règlement de Consultation ou l’AACP (Avis d’Appel à la Concurrence Publique) 

l’Acte d’Engagement (pièce contractuelle du marché) 

le Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) – lié implicitement au CCAG 

Le cahier des Clauses Techniques Particulières – lié implicitement au CCTG 

Le programme et les pièces annexes (plans, photos, études techniques préalables du site, etc.) 

C’est  à  travers  l’analyse  de multiples  DCE  de marchés  à  procédure  adaptée,  inégaux  dans  leur 

constitution, que j’ai compris en quoi le devoir de conseil de l’architecte devait intervenir dès l’analyse 

des marchés auxquels l’agence souhaite candidater. 

Aerostudio a pour habitude d’instaurer un premier échange avec la maîtrise d’ouvrage, la conduisant 

parfois à  repenser ses possibilités en  termes de projet, voire à modifier son DCE afin de  le  rendre 

accessible aux équipes  souhaitant par exemple  candidater  sans BET, ou pour éviter  l’invalidité du 

marché suite aux incohérences détectées dans le DCE. 

Cette attitude, propre à  l’éthique de  l’agence, révèle avant tout  l’absence d’acteurs compétents du 

côté de la maîtrise d’ouvrage (architecte, urbaniste ou AMO), dans la mesure où les marchés publics 

s’établissent à l’initiative des communautés ou mairies dépourvues de sachant. 

Il en résulte les nombreuses imprécisions du DCE (manque d’informations relatives au programme), 

ses incohérences (nature du programme et planning imparti par rapport à la date de livraison idéale), 

des erreurs dans ses pièces constitutives (incohérences dans l’Acte d’Engagement), voire l’ignorance 

des réalités techniques et économiques relatives au projet souhaité. 

Page 38: Mémoire HMONP MTN

 

37

De même, par mesure de précaution, la maîtrise d’ouvrage tend parfois à définir un niveau d’exigence 

trop élevé quant à la composition de l’équipe de maîtrise d’œuvre et à ses références, par rapport au 

niveau de complexité réel du projet. Cette tendance affecte tout d’abord la réalité économique des 

petites  agences  d’architecture,  qui  doivent  reconsidérer  le  partage  des  honoraires  (au  taux 

relativement  bas)  au  sein  d’une  équipe  pluridisciplinaire  ;  de  tels  marchés,  s’ils  s’avèrent 

économiquement oppressants pour les petites structures combatives, conduisent au découragement 

progressif des autres. 

Du point de vue de la faisabilité d’un projet, la réhabilitation moins coûteuse que la construction neuve 

reste  un  préjugé  récurrent  du  côté  de  la  maîtrise  d’ouvrage,  tandis  que  l’enveloppe  financière 

attribuée au projet pourrait permettre  la reconstruction d’un bâtiment pérenne, à  la fois conforme 

aux  normes  d'accessibilité  et  à  la  RT2012.  Or,  l’utilisation  des  subventions  départementales  et 

communales entrant en compte dans l’historique d’une construction à réhabiliter peut empêcher sa 

conception éclairée. C’est pourquoi l’intervention d’un sachant au sein de la maîtrise d’ouvrage reste 

nécessaire à la vision prospective des projets à réaliser. 

Cependant, la dimension politique du projet architectural (rapidité d’exécution du projet pour entrer 

dans  la période du mandat municipal, passation d’un marché public de gré à gré, et autres réalités 

dénonciables) ne constitue pas toujours un terrain sur lequel peuvent s’inviter les architectes au nom 

de leur profession, notamment issus de petites structures. 

L’attitude proactive de  l’agence, qui  témoigne son  intérêt pour  le projet autrement que par  l’offre 

économiquement la plus avantageuse (traduit par le courant actuel de dumping honoraire), lui a valu 

à trois reprises la seconde position aux concours ; la première place lui étant encore limitée par son 

manque de références. 

Je pense que cette posture, soit la revendication d’un savoir et d’une intégrité professionnelle en dépit 

de la situation actuelle, reste la meilleure à adopter pour une évolution décente de notre profession, 

à la fois fidèle au code de déontologie, et jouant en faveur de l’équipe portant le projet à sa réalisation : 

maîtrise d’ouvrage + maîtrise d’œuvre. 

 

« Il revient aux élus d’intégrer dans les décisions politiques les moyens d’une architecture de qualité et cela pour toutes les constructions et à toutes les échelles. C’est l’ensemble de notre dispositif réglementaire qui se doit d’être examiné et réformé si nécessaire, pour répondre à cette exigence. Il revient aussi aux élus de s’entourer des conseils et des compétences des architectes en instaurant le titre d’architecte dans la fonction publique territoriale et dans les structures de l’Etat.

Un maire, un architecte voilà aussi une proposition pour encourager les élus à faire un appel de façon régulière, à titre de conseil, à des architectes indépendants. »9

                                                            9 Cf. Ordre des architectes, UNSFA, Syndicat de l’Architecture, 2004, Le livre blanc des architectes, proposition 2, p. 15 

Page 39: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

38

Retour d’expérience

 

Le devenir de l’architecte indépendant et de la microstructure

Mon  expérience  chez Aerostudio m’a permis de me projeter  en  tant qu’architecte  indépendante, 

travaillant sur des projets de petite échelle et les maîtrisant sur l’ensemble de la phase de conception 

(pièces  graphiques, pièces  écrites  et  économie du projet).  Il m’a  été  essentiel de  comprendre  les 

rouages d’un tel mode d’exercice pour orienter mon projet professionnel.  

Si  travailler  à  son  propre  compte  semble  revêtir  l’avantage  de  pouvoir  exprimer  ses  convictions 

professionnelles au sein de sa propre agence, aux yeux de tout jeune architecte, je l’ai perçu comme 

un choix personnel et une forme d’acceptation du marché de  la part du gérant,  impliquant peu de 

prises de risques économiques pour sa structure. 

Préférant se concentrer sur des marchés stables et adaptés aux prestations d’Aerostudio, l’architecte 

ne consacre que peu de temps à la production non lucrative, ayant abandonné toute participation aux 

concours sur esquisse depuis la création de sa structure.  

Cette  forme de production  théorique est pourtant  censée alimenter  le  corpus de  références d’un 

architecte au cours de sa carrière, et manifester ses ambitions architecturales jusqu’à les porter vers 

quelques opportunités d’évolution… Elle  induit également certaines prises de risques économiques, 

propres à toute profession libérale. 

Je  ne  souhaite  pas  réitérer  ce  type  d’expérience  en microstructure,  ni m’orienter  vers  ce mode 

d’exercice. Je pense qu’il contribue à l’isolement des architectes dans leur activité au détriment de la 

cohésion d’un corps professionnel, ouvrant aux groupes de constructeurs, dont les alliances et offres 

sont plus solides, les perspectives d’établir les scénarios les plus rentables quant au développement 

de la ville.   

 

Réflexions sur la place de l’Architecte-maître d’œuvre en France

Dans le cas du Salvador ou du Nicaragua, si le manque de culture de la maîtrise d’ouvrage a su instaurer 

des rapports de confiance permettant à chaque acteur du projet de trouver sa place, il engendre en 

France la multitude de concessions analysées au cours de ce chapitre de la part des maîtres d’œuvres, 

notamment dans le secteur public. 

Les compétences généralistes d’un architecte, se résumant par une prise en compte de  l’intégralité 

des facteurs du projet,  impliquent sa capacité à communiquer avec  les autres corps de métier pour 

orchestrer  les  opérations,  tout  en  justifiant  la  pérennité  de  cette  profession‐clé.  

Elles  nécessitent  un  savoir  qui  s’acquiert  par  accumulation  d’expériences  dans  le  domaine  de 

l’édification.  

Or,  les  difficultés  d’accès  à  la  commande  publique  que  connaissent  les  agences  d’architecture, 

particulièrement les jeunes structures, s’enrayent par leur manque de références, voire s’accentuent 

face  aux  exigences  de  spécialisation  de  la  part  des Mairies,  exigences  parfois  requises  pour  des 

programmes peu complexes…  

II.III

Page 40: Mémoire HMONP MTN

 

39

Au cours de ma MSP chez Aerostudio, les alliances que j’ai dû créer avec de nouveaux BET (BET TCE, 

environnement,  acoustique,  cuisiniste)  en  vue  de  consolider  des  candidatures  communes  pour 

répondre aux MAPA, m’ont conduite à une première réflexion autour des compétences d’une équipe 

de maîtrise d’œuvre. 

Je pense que la formation à l’habilitation à la maîtrise d’œuvre doit tout d’abord émanciper le regard 

de  l’architecte salarié vers  la défense d’une profession  libérale, puis  le rendre capable de concevoir 

d’autres schémas autour des processus d’édification. 

Dans  la  continuité  de  cette  réflexion,  pour  correspondre  aux  évolutions 

législatives  relatives  à  l’exercice  de  la  maîtrise  d’œuvre  en  France,  la 

reconfiguration  des  agences  d’architecture  permettrait‐elle  à  l’architecte 

d’exprimer l’importance de son rôle, au sein d’une équipe pluridisciplinaire ? 

 

Transition vers les recherches relatives à mon évolution professionnelle

Après  l’analyse  de mes  deux  expériences,  je  souhaite  désormais  poursuivre mon  exploration  de 

l’évasion  architecturale  dans  le  sens  de  l’export  d’architecture  française  à  l’étranger,  sous  une 

perspective de reconquête de la profession et dans l’hypothèse qu’elle constitue un marché porteur 

pour les jeunes architectes. 

En quoi l’exercice de la maîtrise d’œuvre à l’international permet‐il à l’architecte 

de valoriser sa profession, voire d’en reprendre possession? 

Au  croisement de mes centres d’intérêts et de mes aspirations,  je me  suis  intéressée au parcours 

d’autres  agences  et  architectes  aux  profils  distincts,  en menant  une  enquête  autour  d’objectifs 

préalablement définis : 

Comment envisager la gestion de projets à distance, de la conception à la réalisation ?

De quelle manière s’établissent les équipes de MOE mixtes, françaises et étrangères ?

Quels sont les acteurs impliqués et les relations entretenues au sein des équipes (maîtrise

d’ouvrage privée ou publique, présence d’associations, AMO, etc. ?) ?

L’opportunité de construire à l’étranger constitue-t-elle le propulseur d’une carrière ou le

résultat d’un parcours expérimenté ?

Page 41: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

40

III. ESQUISSE DU PROJET PROFESSIONNEL

Comprendre des modèles de développement professionnel, à la rencontre des confrères

 

F8 Architecture – une association pluridisciplinaire propulsée par l’AFEX

F8  architecture,  ou  «  fate  »  (sort,  destin)  est  une  agence 

parisienne  fondée  en  février  2011  à  l’initiative  de  deux 

architectes, une architecte‐paysagiste et un  ingénieur‐travaux. 

Sa structure pluridisciplinaire, riche des parcours de son équipe, 

lui  permet  d’intervenir  dans  les  domaines  de  l’architecture, 

l’urbanisme  et  le  paysage.  En  se  voulant  à  l’écoute  de 

l’ensemble des parties prenantes présentes sur chaque projet, 

ses  activités  sont  partagées  entre  l’exercice  de  la  maîtrise 

d’œuvre et l’assistance à la maîtrise d’ouvrage (AMO). 

Je  me  suis  intéressée  à  cette  jeune  structure  pour  sa 

configuration et  le profil de ses associés, ne prétendant pas à 

une spécialisation mais tirant partie de leur alliance pour ouvrir 

leurs  réflexions  autour  de  programmes  et  d’échelles  variées. 

Parmi  les  diverses  références  qu’elle  compte  en  tant  que 

maîtrise d’œuvre, allant de la scénographie de jardins publics en 

Italie  à  d’importantes  opérations  immobilières  à  Paris, 

III.I

Figure 25 ‐ Equipe F8 Architecture

Figure 26 ‐ Construction de 96 logements àAubervilliers, chantier en cours

Page 42: Mémoire HMONP MTN

 

41

l’Orphelinat Falatow Jigiyaso qu’elle a réalisé et livré au Mali en 

décembre 2012 a particulièrement retenu mon attention. 

L’entrevue  qui m’a  été  accordée  par  l’agence m’a  permis  de 

comprendre de quelle manière F8 a pu se dédier à la dimension 

humaniste et humanitaire de  l’architecture par  l’intermédiaire 

de  ce  projet,  qui  peut  sembler  marginal  pour  de  jeunes 

professionnels en début de carrière. 

C’est au  cours du  séminaire « Villes africaines », organisé en 

2009  par  l’association  malienne  des  Jeunes  de  la  ville  de 

Fresnes,  que  l’architecte  Nicolas  Deloume  a  effectué  son 

premier voyage au Mali, à la sortie d’un diplôme de Technicien 

conducteur de travaux Eyrolles à l’ESTP et entrant en formation 

HMONP. 

Ce séjour lui a permis de se constituer un premier réseau avec 

la ville de Fresnes ainsi que des contacts sur place, le sollicitant 

quelques  mois  plus  tard  pour  son  expertise  concernant  un 

programme  d’orphelinat  à  Dialakoroba  (Mali),  initialement 

établi par un architecte local.  

Suite  à  l’accumulation  de  difficultés  pour  l’établissement  du 

programme  avec  le  maître  d’œuvre  désigné,  la Maison  des 

Orphelins  Falatow  Jigiyaso  (maîtrise  d’ouvrage)  ainsi  que  la 

maîtrise d’ouvrage déléguée  représentée par  les  associations 

SEMAF  et  AMSCID  (Association Malienne  de  Solidarité  et  de 

Coopération Internationale pour le Développement – Fresnes) a 

décidé d’interrompre  le contrat  local afin d’attribuer  le projet 

d’orphelinat à Nicolas Deloume. 

L’architecte  DE,  à  ce  moment  étudiant  inscrit  pour  son 

habilitation à la maîtrise d’œuvre, a proposé à ses trois associés 

actuels de joindre leurs compétences pour porter le projet à sa 

réalisation, dans le cadre d’un travail bénévole. 

Ainsi, leur première visite de site début 2010 a eu pour objectif 

la  validation  du  programme  avec  la  MOA  et  le  dessin  des 

premières esquisses, avant de poursuivre  la phase conception 

en France, en contact régulier avec l’AMO local.10 

Coïncidant  avec  l’obtention  du  diplôme  d’architecte  HMONP 

permettant son inscription à l’Ordre français et malien, Nicolas 

Deloume et son équipe ont décidé de fonder la SARL F8 afin de 

détenir  la  propriété  intellectuelle  de  l’Orphelinat    Falatow 

Jigiyaso.  

                                                            10 Il s’agit d’une Assistance à la Maîtrise d’Ouvrage pour les collectivités représentée par une association malienne, composée d’experts du 

territoire, notamment d’ingénieurs et de juristes. 

Figure 27 ‐ Orphelinat Falatow Jigiyaso, 2012

Figure 28 ‐ Orphelinat, vue d'ensemble

Figure 29 ‐ Orphelinat, vue cour intérieure (1)

Figure 30 ‐ Orphelinat, vue cour intérieure (2)

Figure 31 ‐ Orphelinat, vue cour intérieure (3)

Page 43: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

42

L’agence a cependant dû s’allier à un architecte co‐traitant local 

par  anticipation  du  suivi  de  chantier  et  pour  la  signature  du 

permis de construire, impliquant son deuxième séjour au Mali. 

La  réalisation  de  l’orphelinat  a  fait  l’objet  de  quatre 

déplacements supplémentaires, notamment lors de la passation 

du marché à une entreprise générale (suite au lancement de la 

consultation  des  entreprises  facilitée  par  l’AMO),  pour  le 

démarrage  du  chantier,  à  la  fin  du  gros œuvre,  enfin  pour 

l’inauguration de la construction livrée à la fin de l’année 2012, 

en présence des élus locaux et des habitants. 

Cette  opération  entièrement  bénévole  (hormis  les  frais  de 

déplacement à la charge de la MOA) s’est étalée sur une période 

de deux ans et aura constitué une expérience concluante pour 

l’équipe F8. Malgré un suivi de chantier « à distance », elle a pu 

obtenir des détails techniques et esthétiques soignés grâce au 

travail d’une entreprise locale investie, tout en répondant avec 

pertinence  aux  attentes  locales.  Quant  au  devenir  de  la 

construction, il n’existe actuellement pas de structure juridique 

malienne  concernant  les  responsabilités  de  l’architecte, 

contrairement  aux  responsabilités  biennale  et  décennale 

instituées en France. 

Ayant  attisé  un  grand  intérêt  médiatique,  les  nombreuses 

publications  sur  l’Orphelinat  Falatow  Jigiyaso  ont  su  donner 

une impulsion au démarrage de l’agence, se voyant également 

remettre le grand prix de l’AFEX11 2014 avec sa toute première 

référence construite. 

 

 

De-So Architecture – architecture à l’export & expérience à l’appui

Fondée en 2000 par trois associés et comptant aujourd’hui une 

dizaine de collaborateurs, l’agence DE‐SO est implantée à Paris 

et à Avignon. Après avoir été lauréats en 2004 des Albums de la 

Jeune  Architecture  et  de  trois  concours  Europan,  l’agence 

obtient également le Prix National de la Construction Bois CNDB 

en 2013 pour le bâtiment « La Boiserie » à Mazan (84). Depuis 

quinze  ans,  DE‐SO  réalise  principalement  des  équipements 

publics, culturels et scolaires, des opérations de  logements et 

des  projets  urbains,  en  valorisant  les  différentes  échelles  du 

territoire et en portant une attention particulière au lieu et au 

paysage. 

                                                            11 L’AFEX, association des Architectes Français à l’Export, a été créée en 1996. Destinée à promouvoir le savoir‐faire des architectes 

français dans le monde, elle est aujourd’hui composée d’une centaine d’architectes et présidée par François Roux (Atelier2/3/4). 

Figure 32 ‐ Orphelinat, vue chambre

Figure 33 – Orphelinat, vue toiture (1)

Figure 34 ‐ Orphelinat, vue toiture (2)

Figure 35 ‐ "La Boiserie", Mazan, livrée en 2013

Page 44: Mémoire HMONP MTN

 

43

Olivier Souquet, co‐fondateur de l’agence et dont l’épouse est 

d’origine  vietnamienne,  «  quitte  régulièrement  les  bords  de 

Seine et du Rhône pour se rendre dans le Delta du Mekong »12.  

En  parallèle  d’une  activité  florissante  en  France,  il  a  incité 

l’agence  à  faire  ses  premiers  pas  au  Vietnam  en  2008,  en 

participant à un concours pour  l’aménagement de  la place de 

Thu  Thiem,  futur  quartier mixte  d’Hô  Chi Minh,  lancé  par  le 

comité  populaire  de  la  ville.  En  remportant  ce  projet 

d’aménagement d’une place de 30 hectares ayant pour vocation 

de devenir la nouvelle vitrine de la capitale économique du pays, 

l’agence se fait connaître et dès  lors  inviter aux concours. Elle 

poursuit  ainsi  ses  réponses  aux  appels d’offres, dont  elle  est 

pour les trois‐quarts lauréate. 

L’intérêt commun que  je partage avec DE‐SO pour  le Vietnam 

m’a  conduite  à  la  rencontre  de  l’associé  Olivier  Souquet, 

m’interrogeant sur les libertés d’exercice des agences françaises 

dans un pays aux politiques aussi strictes que corrompues. Par 

ailleurs, j’ai souhaité cibler l’entretien autour du projet de la Cité 

de l’Architecture et de l’Urbanisme à Hô Chi Minh, actuellement 

seul  projet  ayant  atteint  le  stade  du  chantier  tandis  que  les 

autres concours sont restés au stade de l’image de synthèse… 

Le déroulement de l’entretien a tout d’abord su démystifier les 

nombreuses  références non  réalisées de  l’agence, concernant 

les concours remportés au Vietnam.  

Le pays a  instauré depuis plusieurs décennies une relation de 

dépendance  vis‐à‐vis  des  agences  d’architecture  étrangères, 

notamment  françaises  ;  elles  lui  apportent  une  vision 

prospective  appréciée,  la  planification  urbaine  semblant 

échapper aux compétences locales. 

Les  concours  publics  internationaux  lancés  par  les  comités 

populaires  vietnamiens  incitent  généralement  la  compétition 

des architectes européens entre eux. Ils sont à la fois contrôlés 

par la société pluridisciplinaire américaine Sasaki (architecture, 

urbanisme,  paysage)  présente  dans  les  jurys,  et  contre‐

expertisés  par    le  PADDI,  centre  de  prospective  et  d’études 

urbaines lyonnais travaillant sur le développement du territoire 

vietnamien. 

Or,  l’initiative  de  ces  concours  n’implique  pas 

systématiquement  l’existence  d’un  budget  alloué  pour  leur 

exécution ; il s’agit plus de concours à idées visant à mettre en 

image  les  villes  vietnamiennes  du  futur,  dans  l’optique  de 

solliciter  le  soutien  financier  de  l’ODA  (commissions  d’aides 

                                                            12 Cf. « Des architectes français à l’assaut du Vietnam », article en ligne du Moniteur publié le 12/05/2014 par John Sapporo. 

Figure 36 ‐ Concours "Place de Thu Thiem", lauréats 2009

Figure 37 ‐ Concours "Aménagement urbain de Can Duoc", 2013

Figure 38 ‐ Concours "Université de Van Lang"HCMV, lauréats 2013

Figure 39 ‐ Insertion de deux cafés devant la Poste Centrale à HCMV, commande privée, 2014

Page 45: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

44

internationales)  et  de  l’ADB  (banque  asiatique  de 

développement). 

Ces absences d’enveloppes budgétaires expliquent  la mise en 

suspens des projets de DE‐SO, tels que  la Place de Thu Thiem 

remportée en 2009, ou l’Université de Van Lang dont ils ont été 

lauréats  en  2013,  qui  a  été  interrompue  à  la  phase  de 

conception. 

De son côté, la Cité de l’Architecture et de l’Urbanisme d’Hô Chi 

Minh  a  constitué  le projet  le plus  abouti de  l’agence  ;  elle  a 

également  révélé  les  obstacles  politiques  et  économiques 

rencontrés  pour  tout  projet  de  nouvelle  construction  au 

Vietnam, ainsi qu’un exercice de la maîtrise d’œuvre distinct des 

pratiques françaises. Similaire au modèle chinois, le contrat de 

maîtrise  d’œuvre  est  scindé  en  deux  :  l’équipe  de  MOE 

(architectes et BET) détient un contrat comprenant l’ensemble 

de la phase étude, mais ne pourra en aucun cas signer le contrat 

de management correspondant à la phase travaux, qui revient 

aux  entreprises  générales  les  moins  coûteuses,  locales  ou 

coréennes.  

Par ailleurs, l’agence a rapidement été contrainte de produire à 

perte,  du  fait  d’un  pourcentage  honoraire  initialement  bas 

appliqué  à  de  faibles  coûts  de  travaux,  ces  coûts  étant 

proportionnels au niveau de vie local. 

Au‐delà des économies réalisées sur la phase étude et la phase 

travaux,  le  comité  populaire  prélève  également  ce  que  les 

expatriés désignent entre eux les « frais de café ». Il s’agit d’une 

taxe  illégale  comprise  entre  15  et  20%  du  montant  des 

honoraires que  l’équipe de MOE doit déverser au comité, afin 

de s’assurer d’être rémunérée pour sa mission… 

Il  existe  aujourd’hui  une  dizaine  d’agences  françaises 

implantées au Vietnam, bénéficiant de leur notoriété française 

et  d’une  main  d’œuvre  peu  coûteuse,  et  trouvant  un 

épanouissement économique en exerçant leur activité sur place 

et à l’international. Le groupe AREP, méga structure composée 

d’équipes  pluridisciplinaires  (ingénieurs,  architectes  et 

urbanistes)  reste  la  plus  cotée  pour  sa  spécialisation  dans  la 

conception d’infrastructures qui  répond aux besoins premiers 

du pays. 

L’agence DESO a misé sur un développement  inverse  : malgré 

l’absence de visibilité sur  les concours remportés au Vietnam, 

dont  la  rentabilité économique peut être  remise en question, 

son  accumulation de  références  concernant des programmes 

importants (édifices culturels et éducatifs, centres hospitaliers, 

opérations de logements, etc.) lui a permis de se présenter sur 

la  scène  architecturale  française  pour  des  concours  auxquels 

Figure 40 ‐ Concours "Cité de l'Architecture et del'Urbanisme", HCMV, lauréats 2013

Figure 41 ‐ "Cité de l'Architecture et de l'Urbanisme", démarrage du chantier avril 2015

Page 46: Mémoire HMONP MTN

 

45

elle n’aurait jamais eu accès auparavant. Les « investissements 

à  perte  »  au  Vietnam  auront  finalement  conduit  l’agence  à 

acquérir  les  moyens  humains,  matériels  et  compétences 

suffisants, dont résultent ses opportunités de projet en France. 

Cantonnée  sur  ses  ambitions  initiales,  sa  stratégie  repose 

désormais  sur  son  installation  permanente  au  Vietnam  :  un 

nouveau bureau a été  inauguré en mars 2015 à Hô Chi Minh, 

dirigé  par  un  salarié  de  l’agence  parisienne  travaillant  pour 

DESO depuis 2006, d’origine vietnamienne. 

 

 

Guita Maleki, parcours d’une collaboratrice libérale

Guita Maleki a été diplômée Architecte DPLG en 1989, à l’école 

d’architecture de Paris Villemin. Suite à un projet de diplôme 

remarqué et publié dans le cadre du Concours pour la Nouvelle 

Bibliothèque  d’Alexandrie,  elle  a  collaboré  durant  de 

nombreuses  années  avec  des  «  starchitectes  »  tels  que 

Massimiliano  Fuksas,  Jean  Nouvel  et  Rem  Koolhaas.  Ses 

premières  expériences  en  tant  qu’architecte  salariée  lui  ont 

apporté les compétences nécessaires ainsi que la confiance des 

agences  renommées  pour  évoluer  ensuite  vers  le  statut 

d’architecte libérale, en s’octroyant la responsabilité de projets 

prestigieux aux côtés d’architectes talentueux. 

En parallèle de son activité en agence (missionnée par projet), 

elle  participe  régulièrement  aux  concours  d’idées  tels  que 

l’Europan, continuant à se faire remarquer dans ce cadre. Son 

implication  de  plus  en  plus  intense  dans  les  concours  et  les 

partenariats public‐privé d’équipements (collège, commissariat, 

bâtiments hospitaliers et gériatriques) en partenariat avec des 

agences réputées telles que Ameller & Dubois Associés, réalisés 

dans une démarche HQE et dont certains projets lauréats sont 

en cours de réalisation aujourd’hui,  l’a conduite à une grande 

stabilité dans l’exercice de sa profession, aboutissant en 2010 à 

la création de l’agence d’architecture Guita Maleki. 

Avec  un  développement  se  distinguant  des  deux  structures 

présentées précédemment, elle a également pu expérimenter 

l’architecture à l’étranger suivant les opportunités de projet qui 

lui ont été offertes : aux Caraïbes, à Berlin, à Londres, et à Rabat 

en partenariat avec Adil Lahlou (architecte local), dont le projet 

de  Centre  de  recherche  de  la  société Microelectronics  a  été 

inauguré en 2006 par le roi du Maroc Mohammed VI. 

Mon entretien avec Guita Maleki m’a principalement permis de 

comprendre  le  modèle  de  développement  d’une  architecte 

Figure 42 ‐ Conservatoire de Melun, livré en 2014

Figure 43 ‐ Extension de la Faculté de Droit àLimoges, projet développé au Studio Fuksas, 1997

Figure 44 ‐ Restructuration et extension du Palaisde Justice de Bobigny, pour l’agence Ameller &

Dubois Associés, 2012

Figure 45 – EHPAD « Les Abondances » à Boulogne Billancourt, pour l’agence Ameller &

Dubois Associés, livré en 2012 

Figure 46 – Centre de recherches de la sociétéMicroelectronics à Rabat, en collaboration avec

l’architecte Adil Lahlou, livré en 2006

Page 47: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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libérale,  pour  qui  l’association,  le  partenariat  et  le  travail 

d’équipe sont au fondement du succès de tout projet.  

Elle  accroit  son  champ  de  connaissances  en  se  faisant  

«  mentoriser  »  par  des  professionnels  plus  expérimentés, 

accédant ainsi à des projets de grande ampleur et voyageant 

parmi  les  différents  programmes  et  échelles  architecturales. 

Cette stratégie lui assure la viabilité de sa structure, maintenue 

par des missions extérieures ponctuelles, tout en lui permettant 

de s’adonner à une architecture propre à l’agence Guita Maleki, 

dont le projet d’habitat participatif « Big Bang Participatif » situé 

à Vitry‐sur‐Seine constitue l’exemple le plus récent. 

Evoluer vers un mode d’exercice adapté

La place de l’architecte contemporain et les stratégies d’association

La création d’une agence d’architecture symbolise‐t‐elle la consécration de l’architecte contemporain 

au sein de la société ? 

Parmi les trois modèles étudiés, on constate que l’architecture à l’export a constitué l’opportunité pour 

une jeune structure telle F8 de démarrer ses activités en France, ainsi qu’un tournant dans le parcours 

de DESO, lui donnant accès aux commandes publiques françaises. 

Tel un tremplin, ces deux agences ont su faire valoir leurs compétences à l’étranger pour témoigner 

de  leur capacité à édifier en France. Ces projets à  l’export restent cependant ponctuels  ; malgré  la 

viabilité de leur structure, elles connaissent un ralentissement de leurs activités, n’échappant pas à la 

situation de crise actuelle. 

En ces temps peu propices aux architectes et aux agences d’architecture, où le secteur public tend à 

libérer la concurrence en ouvrant le champ des décisions aux entreprises privées et en répartissant la 

mission  de  base  de  l’architecte  entre  les  BET  et  les  constructeurs,  la  configuration  d’une  agence 

d’architecture classique est‐elle devenue obsolète ?  

La rencontre de Guita Maleki m’a permis d’entrevoir une autre dimension de la stratégie d’association : 

en considérant le projet d’architecture comme une finalité, l’architecte s’intègre à une équipe en tant 

que  chef  de  projet  au  sein  d’une  agence,  d’un  collectif  d’habitants,  d’une  association  ou  d’un 

partenariat en co‐traitance. 

Elle conserve ainsi sa mission de base, maîtrisant le projet de l’esquisse à sa livraison (pour certains 

projets privés, son rôle de maître d’œuvre peut se voir franchir les fonctions d’un AMO) et développe 

ses compétences autour d’une profession généraliste. 

C’est  dans  cet  esprit  que  je  souhaite  évoluer  dans  le  milieu  professionnel,  soit  en  ciblant  les 

compétences  à  acquérir  ou  à  renforcer  en  vue  d’atteindre  un  projet  personnel  à  long  terme, 

agrémenté des opportunités qui s’ouvriront à mon parcours. 

III.II

Figure 47 – Opération de logements participatifsà Vitry‐sur‐Seine, commande privée, phase

étude en cours

Page 48: Mémoire HMONP MTN

 

47

Objectifs à court terme et long terme

Consolider des connaissances autour d’une vision généraliste de la profession

Ne comptant pas me spécialiser dans l’une des ramifications proposées par le vaste domaine qu’est 

l’architecture (scénographie, urbanisme, patrimoine, environnement ou autre), je souhaite travailler 

sur diverses échelles de projet au sein d’équipes pluridisciplinaires, en intégrant une agence de taille 

moyenne voire une grande structure. 

Je pense qu’il est opportun de cumuler quelques expériences en tant qu’architecte salariée, afin de 

continuer à observer le fonctionnement d’agences, de maîtriser les différents processus de projet tout 

en s’assurant une stabilité économique en début de carrière. Par la suite, une évolution du statut sera 

possible avec l’inscription à l’Ordre des architectes, le statut d’architecte libéral facilitant également 

une transition entre l’exercice en agence et le travail à son propre compte. 

D’autre  part,  n’ayant  pas  eu  accès  à  une  expérience  de  chantier  durant  ma  mise  en  situation 

professionnelle, je souhaite tout d’abord acquérir les compétences nécessaires à la mission de l’OPC. 

Pourvoir ce poste spécifique en agence d’architecture, au sein d’un BET ou d’un constructeur sur une 

période courte me permettra in fine d’acquérir des connaissances sur le chantier. Bien que dissociées 

de la phase de conception, elles restent ancrées dans mes ambitions relatives à la maîtrise d’œuvre. 

S’investir dans la production de concours d’idées

Certes,  la dimension d’autofinancement de  la  culture peut être  controversée dans  le  système des 

concours d’idées, induisant des frais de participation parfois exorbitants et généralement destinés à 

alimenter la cagnotte des trois premiers lauréats.  

Rappelons  cependant  que  ces  concours  font  écho  à  la  réalité  des  concours  publics,  le  coût  de 

production  non  lucrative  de  l’agence  remplaçant  dans  ce  cas  les  frais  de  participation.  

Ils permettent avant tout aux architectes de rester compétitifs tout en continuant à faire germer de 

nouveaux projets.  

Parallèlement à une activité de salarié, je pense qu’il est nécessaire à tout jeune architecte de s’investir 

dans la participation aux concours, notamment ceux dédiés aux jeunes diplômés.  

Par  l’intermédiaire  de  concours  d’idées  impliquant  des  équipes  pluridisciplinaires  (ingénieurs, 

architectes, urbanistes, paysagistes, sociologues, voire médecins, etc.) je souhaite travailler en équipe 

avec de jeunes professionnels motivés afin de tester les possibilités d’association, en vue de monter 

une équipe de maîtrise d’œuvre composée de divers corps de métier. 

Relier le travail bénévole au projet professionnel

Après mon  retour  en  France  en mai  2014,  j’ai  suivi  ponctuellement  les  projets  des  bénévoles  de 

l’association Apoyo Urbano, stagiaires et jeunes diplômés missionnés en Amérique Centrale, afin de 

les orienter dans les phases de conception architecturale. Je désire conserver une place de membre 

actif au sein de  l’association dans  l’optique de  l’aider à améliorer son modèle et à concrétiser des 

projets pour lesquels je porte une conviction personnelle. 

Cette ONG reste entièrement gérée par l’urbaniste salvadorienne Silvia Rosales Montano, en parallèle 

des activités de son agence à Lyon. L’observation de sa gestion des deux structures ainsi que l’étude 

des procédés de son association en interne me permettront, in fine, de développer mes propres projets 

visant à améliorer l’habitat au Vietnam, pays auquel je reste intimement liée. 

Page 49: Mémoire HMONP MTN

 

  LA PLACE DE L’ARCHITECTE CONTEMPORAIN EN FRANCE ET A L’ETRANGER ANALYSE D’UN ROLE INTERNATIONAL AUTOUR DES DIFFERENTS PROCESSUS DE PROJET

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CONCLUSION

 

De l’importation de la ville moderne du Corbusier à Chandigarh dans les années 1950 aux interventions 

des Architectes de l’urgence à Haïti ou au Népal, le rôle international de l’architecte s’exprime 

par  l’exploitation des  ressources  locales visant à  l’amélioration de  l’environnement habité,  tout en 

accompagnant les populations dans leur quête d’identité architecturale. 

Cette mouvance est encouragée en France par des associations telles  l’AFEX (Architectes Français à 

l’Export) ou le CIAF (Conseil International des Architectes Français), et consolidée par l’UIA, Union 

Internationale des Architectes, ayant pour vocation d’unir les architectes de tous les pays du monde.  L’UIA  rassemble  aujourd'hui  les  organisations  professionnelles  de  124  pays  et  territoires, 

regroupant au total plus d’un million trois cent mille architectes dans le monde.

Or, la dimension accessible que reflète l’exercice de la maîtrise d’œuvre à l’étranger en comparaison 

aux cadres administratif et législatif français peut être nuancée pour les architectes : cette accessibilité 

reste relative à l’échelle des territoires et des projets, voire spécifique aux régions dépourvues de telles 

compétences professionnelles. 

D’un autre côté, le phénomène de mondialisation favorise le lobbying des constructeurs, qui s’attribuent la plupart des marchés d’enjeux politiques et économiques des capitales en plein essor, 

proposant des  solutions d’ingénierie et de nouvelles  technologies  rentables, allant à  l’encontre de 

toute vision prospective de l’environnement bâti. 

En  vue  de  s’aligner  à  la  croissance  accélérée  des méthodes  constructives,  la mise  en  place  de 

regroupements pluridisciplinaires par les architectes leur redonnerait l’orchestration de chaque corps 

de métier dans le processus du projet, visant essentiellement à anticiper le devenir des villes 

et des constructions à l’encontre de ces monopoles, en France comme à l’étranger. 

Ainsi, l’habilitation à la maîtrise d’œuvre me permettra d’exprimer une vision personnelle de la place 

de  l’architecte  contemporain  à  travers  l’exercice de  la profession, en me positionnant  tout 

d’abord  contre  le  phénomène  d’isolement  des  architectes,  et  restant  dans 

l’optique  de  découvrir  au  fil  des  expériences  quelle  forme  de  structure 

pluridisciplinaire je souhaite initier. 

 

Page 50: Mémoire HMONP MTN

 

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REFERENCES

Ouvrages

Ordre des architectes, UNSFA, Syndicat de l’Architecture, 2004, Le livre blanc des architectes, 58p. 

RINGON (Gérard), 1997, Paris, Histoire du métier d’architecte en France, éd. PUF, col. Que sais‐je, 

127p. 

García Ramírez, W. (2012), dir. Universidad Católica de Colombia Bogotá, Arquitectura participativa: 

las formas de lo esencial, revue d’architecture, vol. 14, 2012, pp. 4‐11. Entretiens  

[28‐05‐2015] F8 ARCHITECTURE, Nicolas Deloume – Architecte HMONP [10‐06‐2015] GUITA MALEKI ARCHITECTE, Guita Maleki – Architecte DPLG [17‐06‐2015] DE‐SO ARCHITECTES, Olivier Souquet – Architecte DPLG

Articles en ligne

« Architectes français à l’export, L’AFEX autant que faire se peut ? » publié le 06/02/2013 par Annabelle 

Hagmann http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_4134 

«  Ces  architectes  français  qui  percent  à  l’étranger  »,  publié  le  21/11/2013  par  Catherine  Sabbah http://www.lesechos.fr/21/11/2013/LesEchos/21568-051-ECH_ces-architectes-francais-qui-percent-a-l-etranger.htm 

« Pourquoi nos architectes triomphent à l’étranger ? », publié le 10/10/2014 par Eric Jansen http://www.lesechos.fr/week-end/styles/0203830088922-pourquoi-nos-architectes-triomphent-a-letranger-1052152.php

« Des architectes français à l’assaut du Vietnam », publié le 12/05/2014 par John Sapporo http://www.lemoniteur.fr/article/des-architectes-francais-a-l-assaut-du-vietnam-1-3-24447192

« Epopée des projets d’architecture à  l’export (2/4) : orphelinat au Mali », publié  le 13/08/2014 par 

Raphaëlle Saint Pierre http://www.lemoniteur.fr/article/epopee-des-projets-d-architecture-a-l-export-2-4-orphelinat-au-mali-25185290

Sites internet consultés

http://www.architectes.org/ http://www.apoyourbano.org/ 

http://www8.archi.fr/AFEX/ 

http://www.uia.archi/ 

http://www.ciaf.fr/ 

http://www.archi‐urgent.com/ 

http://www.asffrance.org/ 

http://www.archidev.org/ 

http://bigbangparticipatif.fr/