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1 Mémoire de master 2 recherche Neuropsychologie et neurosciences cliniques _ Année 2011-2012 Jonathan CUROT Travail mené sous la direction d’Emmanuel Barbeau Directeur de recherche CNRS UMR 5549

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Mémoire de master 2 recherche

Neuropsychologie et neurosciences cliniques

_

Année 2011-2012

Jonathan CUROT

Travail mené sous la direction d’Emmanuel Barbeau

Directeur de recherche CNRS UMR 5549

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier sincèrement toutes les personnes qui m’ont aidé et soutenu pour

l’élaboration de ce mémoire tout au long de cette année 2011-2012, et plus particulièrement :

Emmanuel Barbeau, sans qui je n’aurais pu faire ce master 2 et qui m’a ouvert les portes de

la recherche en neurosciences et donné l’envie de poursuivre dans cette voie ;

Michèle Fabre-Thorpe pour m’avoir accueilli dans son laboratoire et permis d’être associé à

ce projet ;

Les Dr. Marie Denuelle et Luc Valton, sans qui également je n’aurais pu faire ce master 2 et

poursuivre ma spécialisation en épileptologie, pour leur confiance et pour m’avoir donné

accès tout au long de cette année à leur service pour la réalisation du protocole expérimental ;

Claire Braboszcz, Damien Matéo, Roger Koenig et surtout Maxime Cauchoix et Rama

Chakravarthi pour leur aide et leurs compétences techniques, pour m’avoir permis de

comprendre et d’avancer dans le traitement du signal EEG ou dans l’utilisation de Matlab.

Une grande partie des résultats de ce mémoire n’aurait pas été possible sans eux ;

Gladys Barragan-Jason, Marlène Poncet, Thomas Busigny et Aïcha Lyoubi pour m’avoir

aidé et supporté tout long de l’année, chacun pour différentes raisons...

Les étudiants du Master 2 dont Maïa et Pauline pour leurs passages réguliers et animés

dans le bureau, et les autres thésards du CERCO ;

Et bien sûr toute l’équipe des explorations fonctionnelles du CHU Rangueil, tous mes

amis, mes co-internes, ma famille et surtout Marie.

Je tiens enfin à remercier la Fondation pour la Recherche Médicale, pour son soutien

financier tout au long de cette année.

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SOMMAIRE

RESUME……………………………………………………………………………………………………….. 5 INTRODUCTION………………………………………………………………………………………………. 6

I- La mémoire autobiographique………………………………………………………………………. ..9

1. Définition…………………………………………………………………………………….. 9

2. Le rappel en mémoire autobiographique ………………………………………………..10

A- Le modèle constructiviste de Conway …………………………………………………....10

B- Deux modes d’accès aux souvenirs…………………………………………………….....11

C- Les corrélats neuronaux du rappel…………………………………………………………12

D- Méthodes d’évaluation de la mémoire autobiographique…………………………….....13

E- Mémoire autobiographique et épilepsie……………………………………………………14

II- Le cortex cingulaire postérieur………………………………………………………………………..15 III- Electrophysiologie de la mémoire……………………………………………………………………19

1. Les états cérébraux…………………………………………………………………………19

2. Oscillations cérébrales et mémoire autobiographique……………………………….....19

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE TRAVAIL…………………………………………………….24 METHODES…………………………………………………………………………………………………….25

I- Population…………………………………………………………………………………………25

II- Paradigme expérimental………………………………………………………………………...26

III- Electrophysiologie……………………………………………………………………………......28

1. Stéréo-électroencéphalographie et bilan préchirurgical d’épilepsie……………………28

2. Localisation des électrodes…………………………………………………………………29

3. Traitement du signal………………………………………………………………………...30

a- enregistrement des données et pré-processing………………………………………31

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b- analyse spectrale et décomposition temps-fréquence……………………………....33

RESULTATS……………………………………………………………………………………………………34

I. Caractéristiques des patients et résultats comportementaux……………………………………...34

II. reproductibilité des résultats entre les patients au sein du CCP…………………………………..36

III. Dynamique du signal au moment de la bascule attentionnelle au sein du CCP…………………38

IV. Dynamique du signal avant la bascule attentionnelle et pendant le rappel………………………39

V. Spécificité de ce pattern électrophysiologique au CCP gauche……………………………………42

DISCUSSION………………………………………………………………………………………………… 44

I. Des résultats reproductibles…………………………………………………………………………44

II. Activité électrophysiologique pendant le rappel…………………………………………………...45

III. Activité électrophysiologique pendant la bascule attentionnelle…………………………………46

IV. Un pattern d’activité électrophysiologique spécifique au CCP…………………………………..49

V. Une activation gamma mais sans activité thêta au sein de la BA 23 gauche………………….49

VI. Des résultats compatibles avec une hétérogénéité fonctionnelle du CCP ?............................50

VII. Une ligne de base valide ?.......................................................................................................52

VIII. Limites de l’étude……………………………………………………………………………………...52

CONCLUSION………………………………………………………………………………………………….54 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES…………………………………………………………………..….55

5

RESUME

Nous nous intéressons à la mémoire autobiographique épisodique, et plus précisément à l’un

ses phénomènes: celui qui concerne les mécanismes de bascule entre l’attention portée vers le monde

extérieur et l’attention portée vers notre monde interne (ou mental). L’idée générale est que pour

rappeler des informations épisodiques, il faut créer un espace mental temporaire vers lequel doit porter

notre attention. Or l’attention étant une ressource limitée, elle ne peut porter à la fois sur l’extérieur et

l’intérieur, d’autant plus que les processus de rappel d’un souvenir requièrent beaucoup de ressources.

Ainsi, un phénomène de bascule est nécessaire.

Le cortex cingulaire postérieur (CCP) est impliqué dans le rappel autobiographique mais

également dans toutes les tâches d’introspection puisqu’il s’agit d’un nœud central du réseau par

défaut. Mais il possède une grande hétérogénéité fonctionnelle avec plusieurs sous-régions et sa

fonction reste imprécise. Des études récentes ont montré que par des connexions avec les réseaux

fronto-pariétaux, certaines de ces sous-régions pourraient contrôler une balance entre des activités

cognitives dirigées vers l’environnement ou vers le monde mental. Ce rôle de « régulateur cognitif »

en fait probablement une région clé pour la bascule attentionnelle nécessaire au rappel en mémoire

autobiographique.

Nous avons étudié la puissance spectrale du signal EEG intracrânien chez des sujets

épileptiques, au sein du CCP lors du rappel d’épisodes en mémoire autobiographique. Nous l’avons

comparé au signal EEG obtenu lors de tâches de calcul et de mémoire sémantique, avec l’hypothèse

que la dynamique des activités au sein du CCP devait être évocatrice d’une bascule entre états

attentionnels différents, spécifique à la mémoire autobiographique.

Nous avons pu exploiter les données de 4 sujets. La méthode apparait reproductible entre les

patients et entre les tâches. Nous retrouvons une augmentation significative de puissance gamma dans

la bande 40-100 Hz uniquement le temps de la bascule question/rappel lors du rappel

autobiographique au sein du CCP gauche (aire de Brodmann 23). Cette activité gamma est absente

lors du calcul et de la tâche sémantique. Nous montrons un rôle du CCP dans la bascule attentionnelle

nécessaire au rappel en mémoire autobiographique. Transitoire et non associé à une activation dans

d’autres bandes de fréquence, ce pic d’activité gamma n’est probablement pas à relier à un contenu

cognitif comme la manipulation de représentations mnésiques. Il pourrait correspondre à une forme de

signal d’engagement dans un processus, ici le rappel autobiographique, vis à vis d’autres régions

cérébrales.

Nos travaux doivent être poursuivis afin d’acquérir d’autres données, notamment dans le CCP

droit, afin d’étayer l’hypothèse que l’activité électrophysiologique diffère entre sous-régions du CCP

et d’étudier les interactions du CCP avec des aires cérébrales plus distantes.

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INTRODUCTION

Faisons une expérience qui permettra de bien comprendre le travail qui suit. Je vais vous

poser deux questions, et vous demander de vous prêter au jeu en observant bien ce qui se

passe dans votre esprit pendant que vous tentez d’y répondre. Voici la première question :

« Quel président de la république a succédé à Georges Pompidou ? ». Voici maintenant la

seconde question : « Qui était situé à votre droite pendant le repas de Noël ? ».

La réponse à la première question fait appel à la mémoire sémantique, dont le contenu

couvre l’ensemble des connaissances générales décontextualisées que possède un individu sur

le monde. La réponse à la seconde question nécessite de faire appel à la mémoire épisodique,

un type de mémoire défini plus bas dans ce travail. Que vous ayez réussi à répondre ou non à

cette seconde question, ce qui se passe en général sont les phénomènes suivants : alors que

vous tentiez d’y répondre, le monde extérieur a soudainement quasiment cessé d’exister, vous

vous êtes concentré sur votre monde interne, vous avez voyagé mentalement dans le temps,

vous avez essayé de retrouver des indices vous permettant de vous remettre dans la situation

la plus proche possible de la situation initiale. Vous avez ainsi procédé par étapes et

éventuellement vous avez réussi à répondre. Parallèlement, vous ne l’avez sûrement pas

remarqué, mais la direction de votre regard a très probablement changé alors que vous

commenciez à effectuer la recherche du souvenir. Ce cheminement semble spécifique à la

mémoire autobiographique, vous n’avez en effet pas réalisé les mêmes étapes pour répondre à

la question sémantique.

Dans mon travail de master 2, je m’intéresse à la mémoire autobiographique

épisodique, et plus précisément au phénomène de rappel des souvenirs au sein de cette

mémoire. Le rappel d’épisodes est un processus complexe comme nous venons de l’illustrer.

L’idée générale est que pour rappeler des informations épisodiques, il faut créer un espace

mental temporaire vers lequel doit porter notre attention. Or l’attention étant une ressource

limitée, elle ne peut porter à la fois sur le monde extérieur et sur le monde intérieur (notre

monde mental), d’autant plus que la mise en place du contenu de l’espace mental requièrent

beaucoup de ressources. Ainsi, un phénomène de bascule attentionnelle est nécessaire.

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Nous émettons l’hypothèse que cette bascule permet d’opérer un passage entre deux

états cérébraux, deux états qui pourraient être radicalement différents, voire anti-corrélés,

comme certaines études en IRMf le suggèrent (Fox et al. 2005, Fransson et al. 2005) et que

nous détaillerons plus loin. Parallèlement, les connaissances sur les corrélats neuronaux de la

recherche en mémoire autobiographique sont parcellaires. Certaines régions nécessaires au

rappel sont très étudiées comme l’hippocampe ou le cortex préfrontal. D’autres le sont

beaucoup moins, comme le cortex cingulaire postérieur (CCP).

Le CCP est une des régions les plus précocement atteintes dans la maladie

d’Alzheimer (Minoshima et al. 1997, Chételat et al. 2003, Choo et al. 2010). Il est désormais

démontré qu’il s’agit aussi de l’un des deux sous-systèmes pivots, avec le cortex préfrontal

médial (CPFM), du réseau par défaut (Default Mode Network ou DMN ; Raichle et al. 2001,

Buckner et al. 2008, Fransson et al. 2008). Le DMN est un large réseau constitué de plusieurs

sous systèmes (la formation hippocampique, le CCP, le cortex rétrosplénial, le CPFM et le

lobule pariétal inférieur ou IPL) dont l’activité augmente durant les tâches d’introspection en

lien avec le self d’un individu comme se souvenir, raisonner sur des interactions sociales et se

projeter dans le futur. Ce réseau se désactive lorsque le sujet réalise une tâche nécessitant

qu’il porte son attention vers l’environnement. Le DMN semble donc en compétition

permanente avec un réseau attentionnel dorsal ou externe (EAS pour « external attentional

system ») qui s’active lorsque l’on porte son attention vers des stimuli externes (figure 1).

Cette anti-corrélation suggère que le cerveau doit fréquemment effectuer une bascule entre

deux états correspondant à différents modes de traitement des informations, pour une

adaptation et une alternance efficace entre l’introspection et des comportements dirigés vers

l’environnement.

Figure 1 : L’activité intrinsèque

suggère que le « default mode network »

(DMN ou réseau par défaut) est anti-corrélé

avec les réseaux cérébraux impliqués dans

l’attention focalisée sur un stimulus de

l’environnement. Ici sont représentées en

bleu les structures négativement corrélées

avec le réseau par défaut et en orange les

structures positivement corrélées (Buckner et

al. 2008).

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Svoboda et al. en 2006 confirmeront à travers une méta-analyse de 24 études

d’imagerie fonctionnelle la correspondance entre le DMN et les zones activées lors du rappel

en mémoire autobiographique (figure 4). Le CCP fait partie de ces deux systèmes. Cette

dynamique compétitive entre EAS et DMN se reflète également dans la mémoire : durant la

réalisation d’une tâche mnésique, une activité importante au sein du DMN est associée avec

un mauvais encodage (qui requiert de l’attention envers les stimuli externes), mais avec un

rappel mnésique réussi (qui requiert de l’attention vers les processus mentaux internes), tandis

que les régions du réseau attentionnel externe montrent un pattern tout à fait opposé (Kim et

al. 2010). Le CCP pourrait donc être un territoire clé pour cette « bascule attentionnelle »

du monde extérieur vers le monde mental pour rappeler un souvenir personnel.

La majorité des études sur la mémoire autobiographique et le DMN utilise de

l’imagerie fonctionnelle. Si chaque neurone et chaque synapse a un rôle dans le traitement

d’une information, c’est la synchronisation de populations de neurones qui permet une

intégration à grande échelle de tous les traitements et qui permet l’émergence d’une réponse

cohérente entre les différentes régions cérébrales (Varela et al. 2001). Pour étudier une

activité cognitive, comme la mémoire, il est donc nécessaire de se pencher sur l’analyse de la

synchronisation cérébrale et donc sur une analyse quantitative des oscillations codant le

transfert de l’information d’une population neuronale à une autre, ce que ne permet pas l’IRM

fonctionnelle. L’électrophysiologie apparaît donc être une méthode complémentaire à

l’imagerie fonctionnelle, et nécessaire par sa plus forte résolution temporelle. Des données

intracérébrales peuvent être obtenues chez des patients épileptiques implantés en cours de

bilan préchirurgical, accroissant ainsi la résolution spatiale et la qualité du signal

électroencéphalographique.

Le but de ce travail est donc une analyse de l’activité électrophysiologique

intracérébrale pendant et après la bascule afin d’identifier les différences entre les états

cérébraux correspondant aux phases de question puis de recherche d’un souvenir, pour

apporter une meilleure compréhension des mécanismes de rappel des souvenirs

autobiographiques. Mes travaux cette année se sont principalement concentrés sur le

cortex cingulaire postérieur, où aucune étude en EEG intracérébrale chez l’homme n’est

rapportée au cours d’une tâche de rappel en mémoire autobiographique. Les résultats au

sein de cette région seront intégrés avec ceux obtenus dans d’autres aires cérébrales. Il

9

s’agit d’un travail préliminaire qui s’inscrit au sein d’un projet plus global dont les objectifs

sont de mieux comprendre le rappel autobiographique et de caractériser à la fois sur un plan

comportemental et électrophysiologique cette bascule attentionnelle nécessaire au rappel.

Nous commencerons par décrire les modèles définissant la mémoire autobiographique

et son rappel, puis l’état des connaissances actuelles sur le CCP au sein du réseau de la

mémoire autobiographique. Enfin nous introduirons dans une troisième partie, les principaux

travaux d’électrophysiologie sur la mémoire.

I- LA MEMOIRE AUTOBIOGRAPHIQUE

1- DEFINITION

La mémoire autobiographique (MA) concerne les traces mnésiques du passé propre à

chaque individu, accumulées depuis son plus jeune âge. Par opposition à la mémoire

sémantique, il s’agit d’une mémoire strictement personnelle. Elle est à la base de la

construction d’un sentiment d’identité et de continuité (Conway, 2001), et donc participe à la

construction du self.

La mémoire autobiographique est dichotomique. On distingue en son sein, une

composante épisodique (concernant des souvenirs spécifiques contextualisés) et une

composante sémantique (regroupant les connaissances générales sur soi). Cette dichotomie

est décrite pour la première fois par Tulving (1988), suite à l’étude du patient amnésique KC.

KC conservait des connaissances personnelles décontextualisées comme des adresses ou des

noms de personnes de son entourage mais se trouvait dépourvu de souvenirs strictement

épisodiques. Il était incapable de se projeter dans son passé.

Mon travail porte sur la composante épisodique de cette mémoire du passé, celle qui

correspond aux événements spécifiques. Il s’agit de souvenirs personnellement vécus, situés

dans le temps et l’espace avec des caractéristiques précises :

- un souvenir épisodique fait nécessairement référence à un événement unique par définition

car il est référencé précisément dans le temps (le jour et l’heure où l’événement s’est produit)

et dans l’espace (l’endroit où l’événement a eu lieu) ;

- son évocation s’accompagne d’un état de conscience particulier permettant de revivre

mentalement les détails de l’événement, sous forme d’images mentales correspondant à la

10

« réinstantiation » la plus fidèle possible de l’expérience phénoménologique qui a eu lieu lors

de l’événement en question (Brewer, 1996) ;

- cet état de conscience est qualifié d’autonoétique (Tulving, 1985) car c’est soi-même qui

refait l’expérience d’un événement qui est arrivé à soi-même antérieurement. Par conséquent

il faut une sorte de « mind’s eye » ou d’œil interne pour percevoir la réinstantiation

lorsqu’elle a lieu ;

- le rappel de ces souvenirs s’accompagne d’un « voyage mental dans le temps », structuré le

long d’une flèche du temps interne, pendant lequel le sujet tente de se remettre dans la

situation initiale ;

- le souvenir fait référence à un épisode d’une durée brève (quelques minutes en général) par

définition, car il est précisément situé dans le temps et qu’un souvenir de durée plus longue ne

s’accompagne pas de ce phénomène de « réinstantiation » ;

- les souvenirs épisodiques sont souvent riches sur le plan émotionnel, ce qui permet

d’augmenter la vivacité des détails rapportés.

2- LE RAPPEL EN MEMOIRE AUTOBIOGRAPHIQUE

Des études sur le rappel en mémoire épisodique ont montré que le cortex auditif et le

cortex visuel étaient sélectivement activés pendant la recollection de sons et d’objets visuels

(Nyberg et al. 2000, Wheeler et al. 2000). Parallèlement, Polyn et al. (2005) dans une étude en

IRM fonctionnelle ont montré que les mêmes patterns d’activité, spécifiques d’une catégorie

(célébrité, objet, paysage), mis en jeu lors de l’encodage étaient réactivés lors du rappel. Bien

que basé sur des stimuli de laboratoire, on peut légitimement supposer que ces mêmes

processus aient cours lors du rappel d’épisodes autobiographiques.

Mais un souvenir autobiographique complet requiert un système mnésique intégratif

avec au moins un type d’imagerie mentale spécifique d’une modalité (principalement visuelle

et à des degrés variables de l’imagerie spatiale ou des autres sens), un raisonnement narratif et

des émotions. Les mécanismes de reconstruction du souvenir autobiographiques sont donc

complexes et différents modèles tentent les expliquer.

A - Le modèle constructiviste de Conway

Selon le modèle constructiviste de Conway et Pleydell-Pearce (2000), la mémoire

autobiographique fait intervenir trois types de représentations emboitées : les périodes de vie,

les évènements généraux et les événements spécifiques (figure 2). Au niveau le plus général,

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les périodes de vie rassemblent plusieurs années de vie et sont habituellement définies par un

thème. Les évènements généraux comprennent à la fois des évènements répétés et des

évènements étendus dans le temps. Les évènements spécifiques quant à eux correspondent au

registre phénoménologique des souvenirs. Il s’agit d’épisodes précis, uniques, comportant des

attributs perceptivo-sensoriels, souvent des images visuelles (Brewer, 1996). L’accès aux

événements spécifiques se fait selon un ordre chronologique (Conway et Pleydell-Pearce,

2000) et commence souvent par une recherche d’évènements généraux (Conway, 2001) par

une sorte de stratégie « en entonnoir ».

Figure 2 : Le modèle constructiviste de Conway

(adapté par P. Piolino).

B- Deux modes d’accès aux souvenirs

Il existe deux modes d’accès aux souvenirs (Moscovitch 1989, Moscovitch et Winocur

2002) : l’accès direct et l’accès indirect. Le processus de rappel peut être direct et spontané

(associatif), impliquant un accès à des détails spécifiques évoqués de manière incontrôlée et

passive par un indice extérieur dont les attributs perceptifs et sensoriels vont conduire

directement à la réactivation du souvenir (par exemple, je passe devant un pont et tout à coup

je me souviens d’un épisode antérieur en relation avec un pont, ou encore la fameuse

madeleine de Proust). L’accès indirect (stratégique) est le plus fréquent et correspond à un

rappel génératif et intentionnel, impliquant alors la recherche active d’informations

nécessaires à la construction du souvenir. Il s’obtient par exemple par des questions orientant

le sujet vers la recherche d’un épisode précis. Il nécessite la réalisation de plusieurs étapes :

trouver un contexte, rechercher dans ce contexte et vérifier. Selon Conway, ces différentes

étapes sont gérées par un processus exécutif, le «self de travail », qui participe à la

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reconstruction des souvenirs selon les principes de cohérence (que le souvenir garde sens avec

son self, son identité) et de correspondance (avec la réalité). Il existe donc un phénomène de

rétroaction entre le type de souvenir auquel on accède et le self (Wilson et Ross 2003).

On comprend donc que ce rappel génératif est coûteux sur le plan cognitif, long et

progressif. Il impliquerait donc une concentration importante du sujet sur ces différentes

étapes mentales et la nécessité de détacher (au moins partiellement) son attention des

stimuli de l’environnement. Une bascule attentionnelle apparaît alors nécessaire pour

permettre ce voyage mental dans le temps. C’est ce mode d’accès au souvenir qui nous

intéresse.

Le rappel de souvenirs autobiographiques épisodiques est donc une expérience très

personnelle, indissociable des notions de self, de conscience autonoétique et de temps

subjectif. Il requiert vraisemblablement une cascade de processus dont les corrélats neuronaux

sont encore mal connus.

C- Corrélats neuronaux du rappel en mémoire autobiographique

Dans une revue récente des différents résultats obtenus en imagerie fonctionnelle,

Cabeza et Saint Jacques (2007) proposent un modèle de corrélats neuronaux permettant la

récupération des souvenirs autobiographiques (figure 3).

Figure 3 : Modèle du rappel en mémoire

autobiographique selon Cabeza et Saint-Jacques

(2007) Ce modèle décrit les composants principaux du réseau de

rappel en mémoire autobiographique. 1- les processus de

recherche (search) et de contrôle impliquent le cortex

préfrontal gauche 2- les processus en lien avec le self sont

contrôlés par le cortex préfrontal médial 3- la recollection

implique l’hippocampe et le cortex rétrosplénial 4-les

émotions sont traitées dans l’amygdale 5- l’imagerie

visuelle a lieu dans le cortex occipital et dans les régions du

précunéus et du cunéus 6- les processus d’exactitude (FOR

pour feeling of rightness) dans le cortex préfrontral

ventromédial.

Selon ces auteurs, le rappel indirect d’un souvenir, en suivant un indice de récupération,

ferait d’abord intervenir des processus stratégiques de recherche qui sont médiés par le cortex

préfrontal latéral gauche (recherche et contrôle des informations récupérées dans les régions

postérieures par le cortex préfrontal ventrolatéral, et manipulation de l’information en

13

mémoire de travail par le cortex préfrontal dorsolatéral). Ils interagissent avec des processus

de référence à soi via le cortex préfrontal médial. L’interaction entre ces deux types de

processus aboutit à la récupération d’un évènement spécifique localisé dans le temps et

l’espace.

La recollection qui est médiée par l’hippocampe et par le cortex rétrosplénial serait

augmentée par des processus émotionnels qui surviendraient dans l’amygdale et une imagerie

visuelle qui prendrait naissance dans les régions occipitales du précunéus et du cunéus. Très

fréquemment ces processus de récupération peuvent ne pas atteindre la bonne « cible », c’est

à dire le bon souvenir et être erronés. Les souvenirs épisodiques impliqueraient donc des

processus d’exactitude et de cohérence de soi (FOR, feeling of rightness, Moscovitch 2002)

qui seraient dépendants du cortex préfrontal ventromédian. Bien que certaines autres régions

soient très probablement impliquées, les auteurs présentent les régions précédentes comme les

composants principaux de ce réseau de recherche et de récupération en mémoire épisodique

autobiographique.

Il est important de noter que ce modèle n’insiste pas sur le rôle du cortex cingulaire

postérieur. Seul le cortex rétrosplénial est relié à la recollection selon Cabeza et Saint Jacques.

Mais comme nous l’avons déjà cité plus haut, plusieurs études convergent vers une activation

du cortex cingulaire postérieur lors du rappel en mémoire autobiographique (Andreasen et al.

1995, Svoboda et al. 2006). La figure 4 extraite de la méta-analyse de Svoboda et collègues

affiche les régions s’activant lors du rappel autobiographique sur 24 études utilisant le PET ou

l’IRMf. Le cortex rétrosplénial mais également le CCP apparaissent activés avec un fort

niveau de convergence entre ces différentes études. Nous reviendrons plus précisément sur le

rôle du CCP dans la seconde partie de l’introduction de ce travail.

Figure 4 : Méta-analyse de tâches de

mémoire autobiographique sur 24 études en

imagerie fonctionnelle (PET et IRM) de Svoboda et

al. 2006. Sont représentées successivement de haut en bas la

face latérale, la face médiale du cerveau puis la formation

hippocampique. Les couleurs indiquent les régions s’activant

avec un niveau de convergence entre fort (rouge), moyen (vert) et

faible (bleu) entre les études. Notez que le cortex cingulaire

postérieur (et les autres nœuds du DMN) apparaissent avec un

fort niveau de convergence.

CPP=cortex cingulaire postérieur, Rsp=Cortex

rétrosplénial, vMPFC=cortex préfrontal médial ventral,

dMPFC= cortex préfrontal médial dorsal, HF= formation

hippocampique.

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D- Méthodes d’évaluation de la mémoire autobiographique

Plusieurs outils ont été élaborés afin d’étudier la mémoire autobiographique rétrograde ;

par exemple : la méthode des mots indices (Crovitz et Schiffman, 1974), le questionnaire

autobiographique de Kopelman (1989), le test de fluence verbale autobiographique (Drischel

et al.1992), le TEMPau (Piolino, 2003), l’EAMI (Irish et al. 2008). Ces épreuves permettent

d’obtenir des indices qualitatifs et quantitatifs sur la capacité à rappeler des souvenirs

épisodiques. Elles sont essentiellement basées sur l’analyse du contenu des épisodes

rapportés. Plus le contenu est détaillé et fait référence à un épisode précis dans lequel le sujet

a été impliqué, meilleur est le score en mémoire épisodique. L’évaluation de la mémoire

épisodique repose donc en général sur ce que rapporte verbalement le sujet et ainsi sur ses

capacités narratives. Certains scores vont toutefois un peu plus loin en y incluant une analyse

phénoménologique et de l’état de conscience associé au revécu du souvenir : le TEMPau

intègre un paradigme RKG (Remember/Know/Guess) et la perspective acteur ou spectateur ;

Irish et al.(2008) dédient une partie de l’EAMI à l’évaluation des marqueurs

comportementaux de conscience autonoétique, en cotant en plus de la perspective spectateur

ou acteur, le degré de mouvement dans le souvenir, une échelle de « vivacité » du souvenir,

l’impression subjective de revivre ou non le souvenir ainsi que la connexion émotionnelle.

Cependant, aucune de ces épreuves ne renseigne sur les processus mis en œuvre lors

du rappel d’épisodes. En réalité, ces processus sont globalement peu étudiés.

E- Mémoire autobiographique et épilepsie

La mémoire autobiographique est atteinte dans de nombreuses pathologies, comme la

maladie d’Alzheimer, mais aussi dans certaines formes d’épilepsie. L’épilepsie est une des

affections neurologiques chroniques les plus fréquentes. D’après les données de

l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S), elle concerne de 0,5 à 0,8% de la population.

L’épilepsie du lobe temporal est la plus fréquente des épilepsies partielles (80% des cas). Elle

est la plus importante des épilepsies focales du fait de sa haute prévalence, de l’importance

des pharmaco-résistances et généralement de par ses effets néfastes sur les fonctions

mnésiques (Engel, 1996). La zone épileptogène concerne fréquemment les structures de la

région temporale interne (l’hippocampe, le cortex entorhinal ou l’amygdale) dont on connaît

l’importance dans la mémoire épisodique.

15

S’il n’est pas rare de relever une plainte concernant les souvenirs personnels chez les

patients présentant une épilepsie du lobe temporal, ce fait clinique est aujourd’hui largement

objectivé par plusieurs études qui ont mis en évidence un déficit du rappel des évènements

épisodiques chez ces patients (Viskontas et al., 2000 ; Voltzenlogel et al., 2006; Lah et al.,

2006; Addis et al., 2007 ; Noulhiane et al., 2007; St Laurent et al., 2009). Viskontas et al.

(2000) ont ainsi rapporté un déficit de rappel des épisodes autobiographiques s’étendant

jusqu’à la petite enfance avec une préservation de la sémantique personnelle. L’étude menée

par Voltzenlogel et al. (2006) montre également que ce déficit touche toutes les périodes de

vie en l’absence de gradient temporel. En 2006, l’étude de Lah et al. rapporte un déficit de la

fluence autobiographique chez les patients atteints d’épilepsie du lobe temporal, quelque que

soit la latéralisation du foyer épileptogène. Récemment, une atteinte spécifique et isolée de la

mémoire autobiographique a été rapportée chez certains patients épileptiques dans le cadre de

l’indentification d’un nouveau tableau nosologique : le Transient Epileptic Amnesia (TEA,

Butler et al., 2007; Tramoni et al., 2011).

Il existe donc un réel enjeu à mieux connaître les processus de rappel de la mémoire

autobiographique pour en comprendre les dysfonctionnements dans ces pathologies.

II- LE CORTEX CINGULAIRE POSTERIEUR

Le gyrus cingulaire appartient au système limbique et forme une structure continue à la

partie médiale du cerveau. En 1937, Papez l’intègre au sein d’un circuit cortico-sous-cortical

gérant les émotions : le circuit hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaire ; avant que ce dernier

soit rattaché également à la mémoire à long terme. Actuellement, le modèle prévalent

d’organisation du gyrus cingulaire est celui d’une subdivision en 4 régions aux rôles,

connexions et cyto-architectures différentes : le cortex cingulaire antérieur, le cortex

cingulaire moyen, le CCP et le CRS (Palomero-gallagher et al. 2009).

Nous l’avons vu plus haut, plusieurs études montrent une activation de la région

cingulaire postérieure lors du rappel en mémoire autobiographique. Le CCP forme avec le

cortex rétrosplénial (CRS) la partie postérieure du gyrus cingulaire (figure 5). Dans

l’organisation cérébrale, le CPP occupe une place spécifique en raison de son haut niveau de

connectivité avec les cortex frontal, pariétal et temporal et les régions sous corticales :

Buckner et al. (2008) et Hagmann et al. (2008) en font un des nœuds structurels principaux du

cerveau. Il a notamment d’importantes connexions réciproques avec le lobe temporal médian

et plus particulièrement avec les cortex entorhinaux et parahippocampiques (Morris et al.

16

1999). C’est la région du cerveau avec métabolisme le plus important (Minoshima et al. 1997,

Raichle et al. 2001). Actuellement, de plus en plus de travaux convergent vers l’idée que les

nombreuses connexions hétérogènes du CCP sont incompatibles avec une fonction cognitive

unique et donc que le CCP jouerait des rôles multiples. Pourtant ces fonctions restent

incertaines.

Figure 5 : Anatomie et architecture fonctionnelle du cortex cingulaire postérieur. Le CCP est à distinguer du cortex rétrosplénial. Les travaux de Vogt (1995, 2006) en cytologie et par revue de différentes

études en imagerie fonctionnelle ont permis de mieux comprendre les subdivisions du CCP. Le CCP ventral correspond à la

BA 23 et est impliqué dans les processus en lien avec le self et la référence à soi. Il reçoit des afférences de la voie visuelle

ventrale. Le CCP dorsal est impliqué dans l’orientation temporospatiale : pour cela il reçoit des afférences de la voie

visuelle dorsale et est fortement connecté avec l’aire motrice cingulaire antérieure

Plusieurs cas cliniques ont rapporté l’apparition de syndromes amnésiques par lésions

du cortex cingulaire postérieur et du splénium du corps calleux, faisant de cette région un

centre clé de la mémoire déclarative à long terme. Le premier référencé dans la littérature est

une amnésie rétrograde et antérograde chez une patiente de 39 ans avec lésion vasculaire

située près du splénium du corps calleux (Valenstein et al. 1987). En 1998 est décrit le cas

d’un patient porteur d’une tumeur rétrospléniale présentant une importante amnésie rétrograde

pour des évènements personnels (Gainotti et al. 1998). Depuis, son implication est retrouvée

dans le rappel réussi en mémoire épisodique (Cabeza et Nyberg, 2000). Des études en

imagerie fonctionnelle (Maguire 1999, Maddock et al. 2001) ont montré que la partie caudale

du cortex cingulaire postérieur, en arrière du splénium du corps calleux était activée pendant

17

la récupération réussie de souvenirs autobiographiques. De façon cohérente, le cortex

cingulaire postérieur est la première région montrant un hypométabolisme avant une atrophie

significative dans la maladie d’Alzheimer (Minoshima et al. 1997, Chételat et al. 2003, Choo

et al. 2010). Mais les points de vue sur l’implication du CCP dans la mémoire

autobiographique restent divergents. Par exemple, certains auteurs associent la recollection

avec le CCP (Skinner et Fernandes 2007, Summerfield et al. 2009) ; d’autres ne l’attribuent

qu’au CRS (Steinvorth et al. 2006, Cabeza et Saint Jacques 2007).

Parallèlement, il s’agirait de l’un des principaux nœuds du DMN (Buckner et al. 2009,

Mevel et al. 2010). La figure 6 issue de la revue de Buckner (2009) illustre l’activation du

DMN par 4 types de tâches dans 3 études: la mémoire autobiographique, se projeter dans le

futur, la théorie de l’esprit et les jugements moraux. Toutes aboutissent à une activation forte

du CCP et du CPFM. Le lien entre ces 4 tâches est l’introspection et la référence à soi. Ainsi,

si dans leur modèle Cabeza et Saint Jacques (2007) placent les processus de référence au self

dans le cortex préfrontal médial, l’implication du CCP est également désormais démontrée

dans le self (Northoff et Bermpohl, 2004 ; Svoboda et al. 2006). Andrews-Hanna et al. (2010)

insistent sur une organisation centrale du DMN autour de deux nœuds : le CCP et le CPFM

antérieur (figure 7). Ce réseau central s’active lorsque le sujet prend des décisions affectives

ou en lien avec le self. Il interagit avec deux sous-systèmes. Un sous-système est centré sur le

lobe temporal médial avec la formation hippocampique, l’IPL, le cortex parahippocampique,

le CPFM ventral et le cortex rétrosplénial. Ce dernier serait spécifiquement engagé dans la

construction de scènes mentales basées sur la mémoire. L’autre sous-système comprend le

pôle temporal, la jonction pariéto-temporale, le CPFM dorsal et le cortex temporal latéral ;

pour l’instant il n’a pas été apporté par l’auteur d’activité spécifique à ce second sous-

systèmes.

Figure 6 : Le DMN est active par diverses formes de tâches

qui requièrent la simulation mentale de scènes imaginées, de

perspectives alternatives ou de scènes passées. Ici sont

représentés quatre exemples de la littérature en imagerie

fonctionnelle (Buckner et al. 2008). (A) La mémoire autobiographique. Addis et al. (2007). (B) Se projeter

dans le future. Addis et al. (2007).(C) La théorie de l’esprit. Les sujets

devaient répondre à une tâche comme s’ils percevaient la perspective

d’une autre personne. Saxe and Kanwisher (2003). (D) Prises de

decisions morales (lors d’un dilemme). Greene et al. (2001).Toutes les

études activent fortement le CCP et le CPFM. En raison de leur

superposition, il est très probable que ces cartes représentent plusieurs

sous-sytèmes interagissant entre eux.

18

Figure 7 : La connectivité

fonctionnelle intrinsèque du DMN :

un « nœud médian » représenté par

le cortex cingulaire postérieur et le

cortex préfrontal médian antérieur ;

et deux sous systèmes (un sous-

système centré sur le lobe temporal

médial et un sous-système centré sur

le cortex préfrontal médial dorsal

(Andrews-Hanna et al. 2010).

Si l’activation de ces régions médiales que sont le CPFM et le CPP pendant la

mémoire autobiographique semblent en lien avec les processus de référence au self, les

mécanismes modulant l’activité de ces régions médianes pendant le rappel autobiographique

sont mal connus et les liens entre self et mémoire autobiographique au sein du CCP restent

flous. Summerfield et al. (2009) ont montré que la recollection d’évènements

autobiographiques réels impliquait spécifiquement le cortex préfrontal ventromédial et le

CCP. Tandis que d’autres régions du cortex retrosplénial et du cortex préfrontal médial

ventral et dorsal seraient spécifiquement impliquées dans des évènements liés au self qu’ils

soient réels ou imaginés. De façon contradictoire, il a été suggéré que le CCP serait

essentiellement impliqué dans les processus de référence à sa propre personne plutôt que

directement dans la mémoire épisodique autobiographique en soi. Cette dissociation a pu être

montrée en IRMf (Sajonz et al. 2010).

Cette dernière étude va dans le sens des travaux cytologiques et en imagerie

fonctionnelle de Vogt et al. (1995, 2006). Ils ont permis d’avancer dans la connaissance de

l’architecture du CCP qui s’avère inclure deux subdivisions aboutissant à une dualité

fonctionnelle (figure 5). On distingue ainsi un CPP ventral (vCPP, aire 23 de Brodmann) et

un CPP dorsal (aire 31 de Brodmann). Les deux subdvisions reçoivent des afférences

différentes des voies visuelles respectivement ventrales et dorsales. Le vCPP possède

principalement des interactions avec le cortex cingulaire subgénual afin de permettre le

traitement des émotions, des informations et des objets, tous en lien avec le self d’un individu.

Tandis que le dCPP possède des interactions préférentielles avec la région motrice cingulaire

19

antérieure et participe à l’orientation du corps dans l’espace. Le CRS (aires 29 et 30 de

Brodmann) a lui des liens étroits avec le cortex péricalleux et le thalamus. Ces afférences

thalamiques expliquent la fonction du CRS dans l’accès aux souvenirs de la mémoire à long

terme, rejoignant ainsi le modèle de Cabeza et Saint Jacques qui lui attribuent un rôle dans la

recollection.

Leech et al. (2012) confirment en IRMf cette architecture fonctionnelle complexe du

CPP avec de multiples sous-régions. Mais cette équipe va plus loin en attribuant au CCP un

rôle actif dans la régulation de la cognition. Ils retrouvent une région prédominante ventrale

avec une forte connectivité fonctionnelle avec le reste du DMN. Ils montrent l’existence de

deux sous-régions au sein du CCP dorsal avec une haute connectivité avec un réseau fronto-

pariétal. Or ces dernières sous-régions sont les seules à afficher un pattern d’activité BOLD

distinct du reste du CCP avec une hypoactivation durant la réalisation de tâches coûteuses sur

le plan attentionnel et corrélée à l’activation du réseau fronto-pariétal. Alors que les régions

ventrales liées au DMN ne s’inactivent pas. Ces résultats suggèrent qu’une partie importante

du CCP continue d’être active lors d’une demande attentionnelle forte. Le CCP dorsal

pourrait donc réguler une sorte de balance entre la cognition dirigée vers le monde interne

(introspection) et celle dirigée vers le monde externe (environnement), (Leech et al. 2012).

Ces résultats vont dans le sens de la haute activité métabolique de cette région et pourrait

unifier deux hypothèses actuelles (Buckner et al. 2008) quant au rôle exact du réseau par

défaut : une fonction introspective tournée vers soi ou une fonction de sentinelle de

l’environnement sensée réagir à des évènements potentiels quand l’attention est relâchée vis à

vis des stimuli de l’environnement extérieur.

Enfin, Vogt et al. (2005) associent le CCP, le CRS et le précunéus et les intègrent au

sein du réseau neuronal de la conscience (neural network correlates of consciousness). Ils leur

attribuent même un rôle pivot (Vogt et al. 2005). Chez des sujets souffrant de la variante

comportementale de démence frontotemporale avec altération de la conscience autonoétique,

était retrouvé un hypométabolisme en PET FDG (tomographie par émission de positons au

fluorodésoxyglucose) dans le cortex frontal antérieur et moyen médial, le cortex pariétal

inférieur gauche mais aussi dans le cortex cingulaire postérieur qui n’est pas une région

habituellement connue pour être atteinte dans la démence frontotemporale (Bastin et al.

2012), soulignant son implication dans les mécanismes de métaconscience.

20

On comprend qu’il persiste toujours de grandes incertitudes quant aux fonctions

précises du CCP. Son implication démontrée dans les processus cognitifs très élaborés que

sont le self, la conscience, la mémoire autobiographique, et ce rôle de régulateur cognitif

(approché par Leech et al.) en fait très probablement une région clé pour la bascule

attentionnelle nécessaire au rappel en mémoire autobiographique. Mais à ce jour la plupart

des études se concentrent sur de l’imagerie fonctionnelle, de rares analyses

électrophysiologiques intracérébrales dans le CCP ont été rapportées chez l’homme, et

aucune n’a cherché à mieux comprendre le décours temporel de l’activité du CCP lors

d’une tâche autobiographique. Ces hypo/hyperactivations observées en IRMf pourraient

refléter des patterns d’activités électrophysiologiques beaucoup plus complexes qu’un

simple antagonisme de signaux BOLD.

III - ELECTROPHYSIOLOGIE DE LA MEMOIRE AUTOBIOGRAPHIQUE

1- L’étude des états cérébraux

Les états cérébraux se définissent comme des patterns d’activité cérébrale qui

impliquent la coactivation ou la connectivité de multiples réseaux neuronaux à large échelle.

Une revue récente de l’équipe de Posner (Tang et al. 2012) explore les corrélats neuronaux de

maintenance d’un état ou de bascule entre deux états cérébraux. Parmi ces états cérébraux on

retrouve les états d’éveil (dont le default mode network) et l’état de sommeil. Les états

cérébraux semblent également jouer le rôle de prédicteur de performance dans une variété de

tâches perceptuelles, mnésiques ou de résolution de problèmes. Les états d’éveil ont été

beaucoup moins étudiés que le sommeil, que ce soit chez l’homme et chez l’animal. Et

souvent la focalisation des recherches ne se fait que sur un seul état cérébral. Les mécanismes

mêmes à l’origine du maintien d’un état cérébral ou la bascule entre deux états cérébraux

différents ont également été peu étudiés. C’est donc dans le champ des états cérébraux d’éveil

que nous inscrivons notre étude électrophysiologique. Il n’est pas possible de parler de rappel

en mémoire autobiographique sans évoquer une bascule et une transition entre deux

états cérébraux. Il a déjà été démontré en EEG de surface que le passage entre deux états

attentionnels différents (par exemple se perdre dans ses pensées et se concentrer sur sa

respiration) correspondait à deux états cérébraux distincts sur le plan électrophysiologique

(Braboszcz et al. 2011).

2- Oscillations cérébrales et mémoire autobiographique

La construction d’un souvenir épisodique est coûteuse sur le plan cognitif, et demande

un temps de recherche variable, parfois long. Bien qu’ils soient performants sur le plan

21

spatial, l’IRM fonctionnelle et le PET ont une résolution temporelle insuffisante pour bien

comprendre les différentes phases du rappel, notamment les phases les plus précoces comme

celles impliquées dans la bascule attentionnelle et l’initiation de la recherche du souvenir. Par

sa forte résolution temporelle l’électrophysiologie trouve ici toute sa place. La résolution

spatiale s’en trouve améliorée par le biais d’enregistrements intracérébraux. Les explorations

intracérébrales peuvent apparaître suffisantes chez l’animal pour certains types de mémoire

comme l’apprentissage associatif. Mais la mémoire autobiographique, en lien avec le self de

chaque individu, requiert l’introspection ; elle ne peut donc s’étudier que chez l’homme. Les

sujets épileptiques en cours de bilan pré-chirurgicaux, apportent l’opportunité unique

d’approcher les corrélats neuronaux de la mémoire au plus près, d’autant plus que beaucoup

d’implantations concernent des structures dont on connaît l’importance dans l’encodage et la

récupération mnésiques comme le lobe temporal interne.

Il existe une littérature florissante sur les oscillations cérébrales et leur association aux

processus cognitifs, notamment la mémoire, avec des rôles différents attribués à chaque bande

de fréquence. Une des hypothèses principales est que tout acte cognitif correspond à

l’émergence d’une assemblée neuronale distribuée spécifique transitoire et synchrone

caractérisée par le niveau de synchronie de ses constituants (Varela et al. 2001). Les

interactions, dont la synchronisation, se font à la fois à un niveau local et à large échelle entre

différentes régions cérébrales. Les oscillations constituent ainsi un des mécanismes neuronaux

clés dans le stockage et la récupération au sein de la mémoire à long terme (Fell et Axmacher

2011 pour revue). Mais peu de travaux ont étudié spécifiquement le champ de la mémoire

autobiographique. En détaillant les connaissances actuelles attribuées au différentes

oscillations, nous insisterons seulement sur les travaux exploitant la mémoire à long terme et

uniquement sur ceux étudiant les mécanismes de rappel et de récupération des souvenirs

(memory retrieval) qui correspond au thème de notre travail.

L’une des premières études électrophysiologiques à s’intéresser spécifiquement à la

mémoire autobiographique est celle de l’équipe de Conway en 2003. Les auteurs ont étudié en

EEG de surface les changements de potentiels corticaux lors de la génération d’un souvenir

sur mot-indice. Ils ont réussi à montrer une dynamique du rappel autobiographique avec une

activation prédominante initiale dans le cortex frontal gauche pour aboutir à la formation du

souvenir, puis l’activation augmente dans les réseaux postérieurs de l’hémisphère

controlatéral (cortex temporal et occipital droits) et se maintient pendant que l’événement est

« visualisé mentalement » et maintenu à la conscience (Conway et al. 2003).

22

Les oscillations dans les bandes thêta et gamma sont sûrement celles qui ont été le plus

observées et étudiées dans le champ de la mémoire à long terme. Une augmentation de la

synchronisation dans la bande thêta (4-8 Hz) et dans la bande gamma (30-100 Hz) jouerait un

rôle primordial dans l’encodage et la récupération via des effets sur la plasticité synaptique et

sur la coordination d’assemblées neuronales aboutissant à la réactivation des souvenirs.

Une augmentation de la puissance et une synchronisation dans la bande thêta

(définie de 4 à 8 Hz par Kahana et al. 2001) a été enregistrée dans plusieurs études en EEG de

scalp durant l’encodage et la recollection. La bande thêta est impliquée dans l’encodage de

nouvelles informations en facilitant la potentialisation à long terme. Elle serait par ailleurs

plus importante durant le rappel épisodique que pendant l’encodage (Klimesh et al. 1999,

2001). Généralement ces oscillations thêtas sont retrouvées dans des régions cérébrales

étendues.

Elle interviennent également dans les fonctions exécutives liées à la mémoire de

travail et participent à la maintenance d’une information en mémoire à court terme avec une

puissance augmentant de façon parallèle à l’augmentation de la quantité d’information à

maintenir. Cette activité thêta est alors maintenue pendant toute la période de rétention

(Jensen et Tesche, 2002), principalement dans les régions frontales et serait la conséquence

d’une activité neuronale soutenue reflétant la maintenance de représentations mnésiques. Son

rôle a aussi été démontré dans l’attention soutenue au niveau de sites frontaux médian où l’on

observe une activité thêta rythmique (‘frontal midline thêta’) pendant que les sujets effectuent

une tâche exigeante, cette activité augmente avec la charge d’information (Gevins et al. 1997,

Onton et al. 2005).

Les synchronies dans la bande gamma (30-100 Hz) sont le reflet de l’activité de

petits réseaux neuronaux locaux dans des aires spécialisées et seraient importantes pour la

communication neuronale (Fries et al. 2005). Les réponses gamma reflètent ainsi des

connexions corticocorticales au sein d’aires hautement associatives et perceptuelles. Ces

dernières sont par exemple impliquées dans l’activation d’une représentation corticale

perceptuelle et sémantique d’un objet (Tallon Baudry et al. 1999). Il est difficile d’associer les

activités gamma avec un processus perceptuel ou cognitif spécifique mais elles tiendraient un

rôle central dans la mémoire (à long terme et de travail) et l’attention dirigée (Jensen, Kaiser

et Lachaux, pour revue, 2007, Jerbi et al. 2009).

23

Les enregistrements intracrâniens ont permis de progresser dans la connaissance du

rôle de ces bandes de fréquence et de leurs interrelations.

Il a déjà été proposé que le transfert d’informations entre les systèmes hippocampiques

et corticaux associatifs était médié par les oscillations thêtas (Kirk et Mackay 2003). Ainsi

lors de stimulation intracérébrale de la région périrhinale produisant la réminiscence de

souvenirs sémantiques autobiographiques chez un sujet en bilan pré-chirurgical d’une

épilepsie, une synchronisation dans la bande thêta est retrouvée entre les structures du lobe

temporal médian, ainsi qu’entre ces structures et une aire visuelle primaire, cette

synchronisation entre régions distantes étant nécessaire pour produire le phénomène

expérientiel (Barbeau et al. 2005) .

Une augmentation de l’activité gamma locale dans l’hippocampe et une

synchronisation entre les aires rhinales et hippocampiques ont été observées durant un

encodage épisodique réussi en EEG intracrânien (Fell et al. 2003). Mais une augmentation de

l’activité gamma reflète aussi un rappel mnésique réussi. Il est désormais acquis que les

oscillations thêta et gamma dans des régions cérébrales étendues varient en amplitude si un

stimulus est rappelé avec succès (Sederberg et al. 2003). De plus pendant le rappel mnésique,

l’activité thêta et gamma apparaît dans les mêmes régions que lors de l’encodage (Sederberg

et al. 2007) : le même pattern dans les hautes fréquences gamma « 44-100 Hz » était activé à

la fois lors de l’encodage pour les items qui seraient rappelés, et lors du rappel pour les items

correctement rappelés. Cela va dans le sens de résultats qui ont montré que la récupération

mnésique impliquait le même pattern d’activité cérébrale que durant l’apprentissage (Polyn et

al. 2007). Enfin, une augmentation de puissance gamma et une synchronisation de phase entre

sites distants correspondrait à l’activation récurrente d’assemblées cellulaires reflétant l’accès

à des traces mnésiques existantes (Gruber et al. 2002) mais également la formation de

nouvelles représentations corticales (Gruber et al. 2005). Durant le rappel l’activité gamma

témoignerait ainsi de la réactivation de représentations « encodées sur le plan synaptique ».

Les modèles cognitifs de la mémoire de reconnaissance font la distinction entre une

reconnaissance par recollection et une reconnaissance par familiarité, qui seraient supportées

par des réseaux neuronaux différents. La recollection s’accompagne de différentes

informations contextuelles donc d’informations sensorielles et spatiales qui ont besoin d’être

« associées » entre elles pour obtenir un souvenir et ce en dépit d’une distribution disparate de

ces informations dans les différentes régions du cerveau. De larges interconnexions avec

différentes régions cérébrales font du lobe temporal médian l’une des principales zones de

convergence de ces informations. Les oscillations thêta et gamma jouent très probablement un

24

rôle dans la coordination de ces interactions à longue distance nécessaires à une recollection.

En effet l’amplitude des oscillations thêta est plus importante pendant la recollection que

pendant la familiarité (Guderian et Duzel 2005) ; elles seraient mêmes spécifiquement

associées à la recollection (Gruber et al. 2008). Les oscillations gamma (dans les bandes 35-

80 Hz) seraient quant à elles associées au processus de familiarité (Gruber et al. 2008).

Néanmoins il existe peu de travaux en EEG intracrânien dans le cadre spécifique du

rappel en mémoire autobiographique. Une étude récente illustre les interrelations entre ces

deux bandes de fréquence et montre qu’elles peuvent refléter des interactions dynamiques

entre le système hippocampique et le néocortex lors du rappel autobiographique. Des

enregistrements intracrâniens par microélectrodes au sein du cortex entorhinal humain ont été

réalisées pendant une recherche en mémoire autobiographique lors de la présentation d’un

indice aboutissant à la recollection de souvenirs remontant à plus de dix ans. Les oscillations

gamma prédominaient dans les couches superficielles à projections hippocampiques et

recevant des afférences néocorticales. Cette augmentation de puissance dans la bande gamma

apparaissait très précocement lors de la présentation de l’indice et se prolongeait tout au long

du rappel. Pour les auteurs elles reflèteraient la correspondance entre la phrase indice et les

représentations de la mémoire à long terme, pour que celles-ci soient réexploitées pour

produire la reminiscence du souvenir. L’augmentation de la puissance thêta prolongée tout au

long du rappel prédominait dans les couches à projection néocorticales. Ces oscillations

thêtas, enregistrées simultanément dans les cortex préfrontaux et temporaux, reflèteraient

donc les processus de transfert d’informations entre la formation hippocampique et les aires

corticales associatives quand le sujet essaie de se rappeler le souvenir autobiographique, en

synchronisant l’activité d’aires cérébrales éloignées (Steinvorth et al. 2009).

En 2011, l’équipe de Dastjerdi explorent en EEG intracrânien, une large région

cérébrale postéro-médiale, incluant CPP et CRS. Une majorité des sites d’enregistrement

montrait une hyperactivation gamma au repos (30-180 Hz), tandis que d’autres sites, proches

du CRS, ne répondaient qu’à des stimuli autobiographiques. Sans étudier spécifiquement le

rappel autobiographique, mais principalement la référence au self, ils confirment sur le plan

électrophysiologique, l’hétérogénéité de cette région. Nous reviendrons plus longuement sur

les résultats de cette étude dans notre discussion.

25

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE TRAVAIL

Notre étude porte sur les processus en œuvre pendant le rappel d’épisodes

autobiographiques. Elle a été menée chez des sujets épileptiques implantés dans le cadre

d’une stéréo-électroencéphalographie (SEEG) pour un bilan préchirurgical.

Les travaux de l’équipe de Steinvorth ont montré l’importance des informations

apportées par les enregistrements intracrâniens et leur application pour comprendre le rappel

en mémoire autobiographique. Ils ne se sont focalisés que sur une seule région cérébrale

connue pour être impliquée dans le réseau de la mémoire autobiographique : le cortex

entorrhinal. Ils ont ainsi pu préciser le rôle fonctionnel de cette région et ses interrelations

hippocampiques et frontales.

Au sein du réseau de rappel de la mémoire autobiographique et des processus du self,

une structure clé comme nous l’avons montré plus haut n’a pour l’instant toujours fait l’objet

que de rares études électrophysiologiques intracérébrales : le cortex cingulaire postérieur.

L’étude de Leech insiste sur l’architecture complexe du CCP et sur son rôle de régulateur

cognitif d’une balance entre des activités cognitives orienté vers l’environnement et des

activités d’introspection. Il pourrait donc participer à cette bascule attentionnelle définie plus

haut et nécessaire au rappel en mémoire autobiographique.

Le but principal de ce travail de master 2 est d’approcher les phénomènes

électrophysiologiques au sein de cortex cingulaire postérieur lors du rappel d’épisodes en

mémoire autobiographique, avec les hypothèses suivantes :

- la dynamique des activités au sein du CCP devrait être évocatrice d’une bascule entre

états attentionnels différents et donc entre états cérébraux différents lors du rappel

autobiographique.

- les patterns électrophysiologiques obtenus devraient être spécifiques à la mémoire

autobiographique, tant lors de la bascule que lors du rappel.

- nous devrions également observer dans cette région cérébrale les mêmes gammes de

fréquence que l’on peut observer au sein du cortex entorhinal : une activation dans les

bandes thêta et gamma puisque celles-ci permettent des interrelations dynamiques entre

régions cérébrales distantes comme le lobe temporal interne et le lobe frontal.

- l’activité électrophysiologique devrait être différente en fonction des sous-régions du

CCP.

Les activités électrophysiologiques enregistrées devraient nous aider à préciser le rôle

fonctionnel du gyrus cingulaire postérieur dans le rappel autobiographique.

26

METHODES

I. Population

Les enregistrements électrophysiologiques intracrâniens ont pu être obtenus à partir de

6 patients en cours de bilan préchirurgical d’une épilepsie partielle pharmacorésistante avec

une implication temporale interne, dans l’unité de chirurgie de l’épilepsie du CHU Rangueil

de Toulouse entre février 2012 et Juin 2012. Ils sont porteurs d’une épilepsie partielle

symptomatique pharmacorésistante nécessitant la réalisation d’une SEEG pour mieux

localiser la zone épileptogène. L’épilepsie de ces patients est invalidante, avec persistance de

nombreuses crises et impact majeur sur leur qualité de vie. Le bilan préchirurgical de phase I

comprenant une étude précise de la clinique (vidéoEEG) et de l’EEG des crises et intercrises,

de l’IRM morphologique et d’une imagerie nucléaire (PET métabolique ou SPECT critique),

n’a pas permis de conclure avec certitude sur la localisation de la zone épileptogène. Tous les

patients ont signé un consentement écrit avant la participation à cette étude.

II. Paradigme Expérimental

Trois tâches ont été proposées aléatoirement aux sujets (figure 8) :

- une tâche de mémoire autobiographique inspirée de la méthode des mots indices. Il est

demandé au sujet de se remémorer un souvenir sur un item précis : par exemple, « votre

examen du permis de conduire », « une dispute », « un moment où vous avez eu honte »…

- une tâche de mémoire sémantique, où le sujet doit répondre à des questions sur des

personnalités célèbres « Comment est décédé Claude Francois ? ». Ce sont des questions

difficiles concernant des personnalités historiques ou impliquées dans différents domaines de

la vie publique.

- une tâche de calcul mental, consistant en une suite de soustraction par le même chiffre

pendant un temps de douze secondes. Par exemple « 575-5-5…. »

L’expérience est organisée par blocs de quinze questions, 5 de chaque tâche. Chaque question

est précédée d’une période de cinq secondes pendant laquelle le sujet doit fixer une croix

centrale sur un écran d’ordinateur. Cette période de cinq secondes correspond à la ligne de

base utilisée pour les analyses spectrales de l’EEG.

A la fin de la question autobiographique posée oralement par l’examinateur, un trigger

est déclenché. Les sujets sont entrainés à reconnaître les deux principales phases du rappel

27

d’un souvenir : à savoir un temps de recherche nécessaire pour accéder au bon souvenir, et un

temps de réminiscence où le souvenir est retrouvé et revécu intérieurement par le sujet. A la

fin de la phase de recherche puis de la phase de réminiscence les sujets appuient sur les

touches d’un boitier qui envoie un trigger sur l’enregistrement électro-encéphalographique.

La même structure de réponse est obtenue pour les questions sémantiques. A la fin de la

phase de réminiscence, un débriefing est effectué avec le sujet pour coter le souvenir et

s’assurer de son épisodicité.

Figure 8 : design expérimental. Trois tâches sont proposées aléatoirement par blocs de 15 questions, 5 pour chacune des tâches : une tâche

autobiographique, une tâche sémantique et une tâche de calcul mental. Cette dernière tâche fait appel à des ressources

attentionnelles différentes des tâches mnésiques et n’implique pas la mémoire à long terme. Elles sont toutes précédées d’une

période de silence de 5 secondes, pendant laquelle on demande au sujet de fixer une croix sur un écran d’ordinateur. Cette

période de référence correspond à la ligne de base utilisée pour l’analyse du signal EEG. Les tâches sémantiques et

autobiographiques épisodiques ont une structure similaire. Les sujets sont entrainés à repérer deux phases pour aboutir à la

réponse. Tout d’abord une phase souvent longue de recherche avant d’aboutir à la réponse. Puis dans le cadre de la

mémoire autobiographique, une phase où le souvenir retrouvé est revécu : la réminiscence. Dans le cadre de la tâche

sémantique, cette seconde phase consiste en la visualisation des différents éléments de la réponse.

28

Sont considérés comme épisodiques, tous les souvenirs avec localisation précise dans

le temps, l’espace, de durée brève inférieure à 24 heures, pour lesquelles peuvent être

rapportés les personnes présentes et un discours narratif avec plusieurs des éléments suivants :

émotions, objets précis, caractéristiques sensorielles, odeurs, mouvement, importance dans la

vie du sujet, point de vue acteur. Chacune de ces caractéristiques est cotée : les souvenirs ne

remplissant pas l’ensemble de ces critères sont rejetés pour l’analyse spectrale. En raison des

conditions expérimentales (patients hospitalisés et fatigables, tâches expérimentales réalisées

dans des créneaux horaires restreints) et du besoin de nombreux essais, il apparaît difficile

d’obtenir un débriefing plus long avec l’ajout par exemple d’une tâche RKG proposée dans le

TEMPau et une cotation complète de l’autonoéticité proposée par Irish (2008). Pour les tâches

contrôles, les réponses aux questions sémantiques sont retenues si le bon concept culturel est

retrouvé avec plusieurs précisions correctes apportées sur la personne célèbre, et pour le

calcul seuls les essais aboutissant à un résultat exact sont retenus. Seront rejetés lors de

l’analyse du signal, tous les essais où le sujet a parlé pendant la question, le rappel ou s’il n’a

pas respecté la ligne de base.

III. Electrophysiologie

1. Stéréo-électroencéphalographie et bilan pré-chirurgical d’épilepsie

Le but de l’exploration SEEG est de retenir ou réfuter une éventuelle intervention

neurochirurgicale en précisant le réseau épileptique en étudiant son origine et la zone de

propagation. Elle consiste en l’implantation chirurgicale stéréotaxique de macroélectrodes-

aiguilles multiplots en platine-iridium de 0.8 mm de diamètre (Dixi Medical) comportant de 4

à 16 plots en fonction de la structure cérébrale cible. La zone épileptogène suspectée et la

cartographie d’implantation des électrodes sont guidées par le neurologue en concertation

avec le neurochirurgien, les neuroradiologues et les médecins nucléaire sur la base du bilan de

phase I. Un repérage précis des électrodes, implantées orthogonalement ou non (l’électrode

orbitorolandique est oblique verticale par exemple) est effectué grâce à une IRM (imagerie

par résonance magnétique) stéréotaxique et une angiographie (angio-IRM 3 Tesla sur le CHU

de Toulouse) préopératoires. La topographie d’implantation des électrodes se base

uniquement sur des critères cliniques ou paracliniques en rapport avec le réseau épileptogène

supposé et déduit à partir de la sémiologie clinique des crises. Le schéma d’implantation n’est

donc en rien influencé par notre protocole de recherche.

29

2. Localisation des électrodes

Les contacts des électrodes sont anatomiquement localisés dans l’Atlas de Talairach et

Tournoux (1993). Les images (DICOM) de l’IRM morphologique préopératoire

T1+gadolinium et du scanner avec électrodes postopératoire ont été normalisées avec un

template T1 SPM (template utilisé habituellement par le logiciel Statistical Parametric

Mapping, dans référentiel MNI Montreal neurological institute), à l’aide de la boite à outil

Sysiphe développée dans notre institut de recherche. Les coordonnées sont mesurées par

rapport à la référence CA (placée à l’aide de la commissure antérieure) grâce au logiciel

Sysiphe et sont ensuite converties du référentiel MNI vers le référentiel de Talairach. La

localisation cérébrale s’est ensuite faite via le logiciel Talairach Client. Un contrôle visuel des

différents contacts est également effectué sur une superposition du schéma d’implantation

stéréotaxique de chaque patient avec l’IRM morphologique préopératoire (séquence T1), pour

vérifier que les contacts d’intérêt sont en substance grise. Nous avons exclu les contacts en

substance blanche.

3. Traitement du signal

Les oscillations cérébrales, enregistrées au moyen de l’EEG, sont des évènements

transitoires, bruités, non stationnaires et non linéaires, statistiquement imprévisibles et sujets à

des discontinuités temporelles lors des états de transitions. Une analyse des variations

fréquentielles permet donc de décrire ces évènements.

L’électroencéphalogramme standard (de scalp) enregistre ces variations de potentiels

électriques à la surface du crâne et est constitué de la somme de potentiels neuronaux

postsynaptiques synchronisés. Il est sujet à de multiples artéfacts (environnement, musculaire,

cardiaques) et offre une résolution spatiale faible, notamment pour connaître la source précise

de l’activité oscillatoire. Il ne permet pas d’accéder à l’activité électrique des structures

profondes (comme les structures temporales internes ou rolandiques). Si elle est effectivement

invasive et ne permet pas d’étudier des surfaces corticales très étendues avec un hémisphère

souvent privilégié par rapport à l’autre, la technique de SEEG est la seule technique offrant un

accès vers ces populations neuronales très profondes et difficilement accessibles qui ne sont

pas ou que partiellement explorées par l’EEG de surface. Régulièrement, pour les besoins

diagnostiques, des électrodes sont implantées dans des régions qui ont montré leur implication

dans des processus mnésiques : l’amygdale, l’hippocampe, les cortex entorhinal et perirhinal,

le cortex préfrontal et le cortex cingulaire postérieur. L’avantage de ce type d’enregistrement

est d’apporter une source d’information unique dans le domaine des neurosciences :

30

l’enregistrement de local fields potentials (LFP), c’est à dire de la somme des potentiels des

activités synaptiques et dendritiques dans des populations neuronales limitées, donc d’offrir

des enregistrements électrophysiologiques humains in vivo avec une forte résolution spatiale.

4. Enregistrement des données et pré-processing

Les données électroencéphalographiques numériques ont toutes été enregistrées avec

une fréquence d’échantillonnage de 256 Hz ou 512 Hz (Système Micromed). Les données

enregistrées à 512 Hz ont été sous-échantillonées a posteriori à 256 Hz. Le traitement des

signaux électroencéphalographiques s’est effectué sous Matlab avec la boîte à outil EEGlab

10.2.2.4b. Les données ont été filtrées à l’aide d’un filtre passe haut de 0.5 Hz et d’un filtre

passe bas de 100 Hz. L’objectif étant d’obtenir des résultats dans des gammes fréquentielles

suffisamment étendues : des fréquences les plus basses dans la bande delta (1-4Hz) aux

fréquences les plus hautes gamma (30 à 100 Hz) qui ont toutes montré une implication et des

rôles différents dans les processus cognitifs. Les fréquences les plus hautes, au-delà de 100 Hz

n’ont pu être étudiées en raison de la fréquence d’échantillonnage (insuffisamment haute) des

données stéréo-électroencéphalographiques. Un filtre analogique coupe-bande entre 45 et 55

Hz a été appliqué pour limiter le bruit et les perturbations du signal à 50 Hz liés au courant de

secteur. Par un montage référentiel, utilisant pour référence une seule électrode ou un

moyennage commun d’électrodes, on assiste à une amplification des artefacts et des

anomalies intercritiques sur les électrodes à distance de la source du paroxysme. Pour cette

raison nous avons réalisé l’analyse des données sur un montage bipolaire qui annule ce

problème et qui offre une plus haute spécificité spatiale de l’ordre de 3 mm (Lachaux et al.

2003, Jerbi et al. 2009). Chaque contact a donc été re-référencé avec son contact voisin sous

Matlab.

L’ensemble des données de l’étude a été acquis à distance de toute crise épileptique

avec le respect d’au moins 12 heures après une crise comitiale, afin de limiter l’impact de

l’activité épileptique sur le tracé EEG et les fonctions cognitives du patient. Le protocole se

déroule les premiers jours de l’exploration vidéo-SEEG également dans le but d’obtenir des

données avant une dégradation du signal EEG au fur et à mesure du sevrage en traitement

anti-épileptique et de la répétition des crises. Une analyse visuelle permet ensuite le rejet des

artefacts d’électrodes et des anomalies épileptiques. La fenêtre de lecture choisie est similaire

à celle utilisée en clinique par l’équipe médicale pour analyser les tracées EEG et en déduire

le réseau critique et la localisation des activités paroxystiques intercritiques. La fenêtre de

lecture comprenait donc 30 secondes de signal en abscisse, entre 30 et 40 « contacts

31

bipolaires » en ordonnée et une amplitude moyenne de 400 microvolts/cm. Ont été rejetés

avant l’analyse des données tous les contacts montrant des artefacts (artefacts d’électrodes

principalement) et tous ceux avec présence d’au moins une anomalie paroxystique évocatrice

d’une anomalie épileptique. Ce choix entraine évidemment le rejet de nombreux contacts,

souvent en zone d’intérêt comme les zones temporales internes, mais limite le risque

d’analyse d’un signal obtenu en tissu malade.

5. Analyse spectrale et décomposition temps-fréquence

Nous avons utilisé deux techniques d’analyse spectrale des enregistrements

neuronaux :

1- d’abord une décomposition temps fréquence par ondelettes pour obtenir les Event

related spectral perturbations (ERSP) et ainsi avoir une vision globale de la

dynamique sur la fenêtre temporelle d’intérêt au travers des différents essais et sur

chaque contact d’enregistrement.

En électroencéphalographie, le modèle classique de potentiels évoqués (event related

potential ou ERP) a souvent montré ses limites pour étudier des dynamiques cérébrales

complexes. Les ERP sont une mesure de l’amplitude et de la latence (non constante et

dépendante de l’activité EEG en cours) de pics post-stimulus sur une moyenne d’essais EEG

par rapport à un stimulus ; ils représentent une combinaison complexe de la synchronisation

de phase du signal EEG provoquée par un stimulus et de l’augmentation de l’amplitude

spectrale. C’est pour ces différentes raisons que les techniques de décomposition spectrale du

signal comme les event related spectral perturbations (ERSP) sont désormais développées

depuis deux décennies (Makeig et al. 1993, 2004).

Elles consistent en la représentation des changements moyens de puissance spectrale

en réponse à un stimulus, comparativement à une ligne de base (c'est-à-dire par rapport à un

état de référence). Là où les potentiels évoqués vont se focaliser uniquement sur le domaine

temporel, l’approche par ERSP va permettre de caractériser des dynamiques cérébrales

complexes à la fois dans le domaine fréquentiel et dans le domaine temporel. L’ERSP

consiste en un moyennage du spectre de puissance dans des fenêtres temporelles, qui

s’effectue sur de multiples essais « centrés » par rapport à un stimulus. Les ERSP sont donc

des représentations à trois dimensions : le temps, la fréquence et la puissance (figure 9). Pour

des raisons de lecture, ils sont généralement représentés sous 2 dimensions avec des cartes

représentant en ordonnée la fréquence et en abscisse le décours temporel. La variation de la

32

puissance du signal après décomposition spectrale est alors représentée par une échelle de

couleur à différents points temps- fréquence.

Figure 9 : exemple de carte ERSP à partir du signal EEG de l’électrode T8-T9 d’un sujet.

L’image du haut représente l’enregistrement électro-encéphalographique numérisé d’un sujet. En ordonnée sont

représentées les différentes électrodes, référencées par rapport à leur contact voisin (montage bipolaire). L’amplitude du

signal est de 400 microvolts/cm. L’abscisse correspond au temps. Des triggers (barres verticales colorées) apparaissent au

cours de la tâche. Est représentée une époque avec 5 secondes de fin de question et 11.5 secondes de rappel. Le 0 correspond

à la fin de question et au tout début du rappel.

L’encadré rouge correspond au signal EEG du contact T8-T9. Sur ce contact est effectuée une décomposition

temps-fréquence du signal puis une division par rapport à une ligne de base pour obtenir un ERSP (figures du bas). Les

ERSP sont initialement des représentations à 3 dimensions. Ils sont convertis en cartes à 2 dimensions pour plus de facilité

de lecture. La puissance du signal apparait alors selon une échelle de couleur (unité Décibel).

La décomposition spectrale du signal s’est faite à partir du découpage du signal EEG

en fenêtres temporelles (ou époques), centrées sur un trigger qui dans notre travail est la fin de

la question. Les époques choisies sont de durée assez longue : 16.5 secondes (avec 5 secondes

de question suivies de 11.5 de recherche). Le temps de recherche du souvenir pouvait être

parfois plus court. Mais des époques longues apportent l’avantage de nous renseigner sur les

33

corrélats même du rappel, en permettant d’avoir toute une dynamique de récupération des

traces mnésiques. Certains essais épisodiques réussis comprenaient un temps de recherche

beaucoup plus long, mais ce temps de 11.5 secondes a été retenu pour permettre de retenir

suffisamment d’essais. On obtient donc trois ensembles d’époques après un découpage

(manuel via Matlab EEglab Toolbox) : un pool pour les essais épisodiques autobiographiques

retenus, un pour les essais sémantiques réussis, un pour les calculs mentaux réussis.

Nous avons effectué une décomposition du signal par ondelettes de Morlet avec un

nombre de cycles allant de 1 pour la plus basse fréquence et augmentant linéairement jusqu’ à

15 pour la plus haute fréquence (à l’aide de la fonction timefreq de Matlab, Eeglab toolbox).

Les ondelettes de Morlet sont fréquemment utilisées pour l’analyse de signaux EEG (Tallon

Baudry et al. 1997, Braboszcz et al. 2009). Nous avons utilisé 256 points temps (par seconde)

espacés linéairement et une série de 50 fréquences espacées de 1 à 100 Hz.

Pour obtenir des variations de puissance du signal dans les différentes gammes de

fréquence lors de la question et du rappel, le signal doit être comparé par rapport à un état de

référence où le sujet effectue une activité cognitive réduite. La ligne de base a été choisie sur

une période de cinq secondes avant chaque question (décrite plus haut). Différentes méthodes

de normalisation par rapport à la ligne de base existent (Grandchamps et Delorme 2011).

Nous avons choisi le gain model (détaillé dans Delorme and Makeig 2004) qui est l’un des

plus utilisé. Suivant ce modèle pour chaque bande de fréquence, la puissance de chaque point

temps fréquence pendant les temps question + rappel est divisée par la puissance spectrale

moyenne dans la période de ligne de base à la même fréquence. Deux mesures sont ensuite

obtenues : une mesure ERSP absolue et une mesure ERSP après transformation

logarithmique (ERSPlog). Pour des signaux asymétriques comme les signaux

électroencéphalographiques, la distribution logarithmique du signal apparait plus normale que

le signal original. Elle permet la visualisation de plus larges bandes de variations de puissance

et l’affichage des petites amplitudes. Nous avons choisi ce type de représentation. Par

définition, l’unité des ERSPlog est le décibel. Cette mesure est régulièrement utilisée dans la

littérature (Delorme et al. 2007).

2- puis une décomposition par transformée de Hilbert sur des bandes de fréquence

d’intérêt choisies au préalable en fonction des réponses ERSP.

Nous avons donc calculé par transformée de Hilbert, l’amplitude instantanée (l’enveloppe)

du signal EEG dans différentes bandes de fréquence d’intérêt moyennée sur l’ensemble des

34

essais. L’intérêt de la transformée de Hilbert est de pouvoir s’intéresser à l’amplitude du

signal en extrayant et dissociant d’un signal EEG, composite et sinusoïdal, la phase et

l’amplitude. Les différences de puissance du signal lors des étapes question et rappel ont pu

être comparées entre conditions (sémantique, calcul et autobiographique) à l’aide d’un test

des rangs signés de Wilcoxon (test utilisé par d’autres équipes en EEG intracrânien, Ossandon

et al. 2012) dans des bandes de fréquence limitées et choisies à partir des résultats des ERSP

afin de diminuer la complexité des données et donc d’obtenir une plus haute puissance

statistique. Le test de Wilcoxon était suivi d’une correction par False Discovery Rate (taux de

fausses découvertes) afin de limiter le nombre de faux positifs dans ces longues séries

temporelles de données nécessitant de multiples tests (Genovese et al. 2002). La transformée

de Hilbert et les calculs statistiques ont été effectués à l’aide du logiciel Matlab.

L’équivalence des deux méthodes, ondelettes et transformée de Hilbert, dans l’étude de

signaux EEG intracrânien a déjà été démontrée (Le Van Quyen et al. 2001). Multiplier les

méthodes de décomposition du signal est donc un moyen de valider nos résultats, comme des

études en SEEG l’ont déjà appliqué (Ossandon et al. 2012).

RESULTATS

I. Caractéristiques des patients et résultats comportementaux

Le traitement du signal EEG a pu s’effectuer sur 5 des 6 patients (3 hommes et 2

femmes, âge moyen=38.6 +/- 7.2 ans). Leurs caractéristiques cliniques et leurs performances

aux trois tâches sont résumées dans le tableau 1. La première patiente a été exclue pour

plusieurs raisons : une activité épileptique intercritique intense avec un signal comportant de

nombreux paroxysmes épileptiques et un ralentissement sur la majorité des électrodes ; un

quotient intellectuel trop bas et des troubles du caractère empêchant la réalisation des tâches

contrôles (calcul mental et mémoire sémantique) ; un nombre trop faible d’essais épisodiques

pour l’analyse spectrale des données. Chacun des 5 sujets restants a pu réaliser entre 4 et 7

blocs de quinze questions. Dans la mesure où les questions autobiographiques portent sur eux-

mêmes, la tâche est bien acceptée par les patients. Elle est également bien comprise, en

35

particulier les différentes phases du rappel du souvenir et l’utilisation du boîtier de réponse.

La durée d’un bloc se situe aux alentours de 20-30 minutes en comptant le débriefing après

chaque question.

Tous les patients avaient une implantation temporale médiane gauche (FS, CT et CG)

ou droite (GB, CG) mais en raison d’une activité épileptique intercritique importante, les

données n’ont pu être traitées dans cette région que pour un seul patient (GB). Tous

possédaient au moins une électrode frontale, GB avait la particularité de posséder une

électrode dans le gyrus cingulaire antérieur.

patient FS CG CT GG GB sexe H F F H H âge 46 41 40 32 28

profession niveau culturel

aide soignant ASH

niveau baccalauréat

travaille en CAT. niveau d'étude=

5ème

boulanger et chef d'entreprise

cuisinier

latéralité manuelle A D G D D âge début épilepsie 3ans 8 ans 12 ans adolescence 9 ans

zone épileptogène Temporale

mésiale gauche

Temporale mésiale gauche

Temporomésiale gauche

Temporale mésiale gauche

Temporale mésiale

droite

étiologie encéphalite post

vaccinale cryptogénique cryptogénique

dysplasie corticale

cryptogénique

IRM sclérose

hippocampique gauche

normale

atrophie temporale droite

anomalie d’enroulement

hippocampe gauche

dysplasie corticale

temporale gauche

anomalie développement

pôle temporal droit

TACHE AUTOBIOGRAPHIQUE

essais totaux 31 25 40 34 38

essais réussis 14 20 22 25 34

essais conservés pour analyse 9 11 11 14 32 nombre de souvenirs

rappelés par période de vie

0-17 ans 7 4 3 1 17

18-30 ans 3 1 6 7 3

>30 ans 2 1 0 1 0 <5ans 5 5 3 5 6

<1an 3 7 12 12 8 CALCUL

essais totaux 31 24 35 25 35

essais réussis et conservés 19 17 25 24 21 TACHE SEMANTIQUE

essais totaux 31 25 30 34 35

essais réussis 12 17 17 28 20

essais conservés pour analyse 10 12 7 - 14

Tableau 1 : caractéristiques cliniques et résultats obtenus aux trois tâches pour les 5 patients dont les

données EEG ont pu être analysées.

36

II. Reproductibilité des résultats entre les patients au sein du cortex

cingulaire postérieur

Trois patients (FS, CG, CT) possédaient une électrode traversant le cortex pariétal

latéral gauche (gyrus supramarginal ou gyrus angulaire) et se terminant au sein du gyrus

cingulaire postérieur gauche (figure 10). L’utilisation du référentiel de Talairach a permis de

confirmer que les contacts les plus internes de ces électrodes se trouvaient en substance grise

au sein du cortex cingulaire postérieur gauche dans l’aire de Brodmann 23 (BA 23): FS (-4, -

29, 22, BA 23) , CT (-5, -31, 22, BA 23) et CG (-4, -30, 18, BA 23).

Figure 10 : localisation des plots d’intérêt au sein cortex cingulaire postérieur pour les 4 patients.

Les plots des trois patients implantés sur l’hémisphère gauche sont au sein de l’aire 23 de Brodmann.

FS (-4, -29, 22, BA 23), CT (-5, -31, 22, BA 23) et CG (-4, -30, 18, BA 23). Le plot de GB (2, -27, 15) est positionné un

peu plus bas dans l’espace de Talairach.

A gauche, les tâches de mémoire à long terme sémantique et autobiographique, sont

responsables d’une activité électrophysiologique différente de la tâche de calcul, mais dont le

pattern apparait nettement reproductible entre les patients pour chaque tâche. Pour les trois

patients CT, FS et CG, nous obtenons des ERSP semblables. Notre méthode fonctionne et

apparait reproductible. Nous avons donc pu cumuler les différents essais réussis de chaque

patient dans un pool d’essais correspondant au cortex cingulaire postérieur gauche pour

chaque tâche. Une moyenne pondérée des ERSP a été réalisée en affectant un coefficient

correspondant au nombre d’essais réussis par patients pour chacune des trois tâches pour le

cortex cingulaire postérieur gauche. GB possédait une électrode proche du cortex cingulaire

postérieur droit mais plus basses que les électrodes gauches (2, -27, 15), il a donc été analysé

individuellement.

37

Figure 11 : Cartes ERSP obtenues lors des trois tâches pour les quatre patients au sein du CCP.

En haut sont représentées les cartes ERSP pour les patients implantés sur le CCP gauche. Il existe une nette reproductibilité des

résultats entre les trois patients pour chacune des trois tâches. Le pattern lors du calcul apparait nettement différent de celui des tâches

mnésiques avec une hypoactivation dans la bande gamma et une hyperactivation dans les bandes alpha (8-12 Hz) et thêta (4-8 Hz) pendant

les temps de question et de calcul. Le pattern apparait opposé lors de la tâche autobiographique, avec une hypoactivation dans les basses

fréquences thêtas et dans la bande alpha ; on note une hyperactivation gamma lors de la bascule attentionnelle.

Une moyenne pondérée est réalisée pour chacune des trois tâches, au sein du CCP gauche. Cette hyperactivité gamma lors de la

bascule attentionnelle apparait alors nettement et uniquement pour la tâche autobiographique, dans la bande gamma 30-100 Hz.

En bas sont représenté les résultats pour le patient GB, où il n’est objectivé aucune hyperactivité gamma, notamment pendant la

bascule attentionnelle autobiographique. Il faut souligner que ce patient présente un plot plus bas que les plots précédents, en dehors de la

BA 23.

38

III. Dynamique du signal au moment de la bascule attentionnelle au sein du

cortex cingulaire postérieur

Définie plus haut, nous nommerons « bascule attentionnelle », cette courte phase de

transition entre la fin de la phase de question et le début du rappel d’une seconde, allant

d’environ 500 ms avant la fin de la question et 500 ms seconde après.

Nous avons appliqué un test des rangs signés de Wilcoxon sur la puissance du signal

EEG dans différentes bandes de fréquence de 0.5 à 100 Hz sur l’ensemble des essais des

patients et dans chaque tâche. Les décompositions suivantes ont été appliquées : 1-4 Hz pour

la bande delta, 4-8 Hz pour la bande thêta, 8-12 Hz pour la bande alpha, 13-30 Hz pour la

bande bêta, 30-100Hz pour la bande gamma et plusieurs sous décompositions au sein de la

bande gamma (figure 12). Les principales modifications significatives du signal par

rapport à la ligne de base apparaissent dans la bande gamma, lors de cette bascule

attentionnelle.

Sur les ERSP, il apparait nettement une augmentation d’activité dans la bande gamma

et plus précisément dans deux sous-bandes aux alentours de 40-50 Hz et 60-100 Hz. Après

transformée de Hilbert et application d’un test des rangs signés de Wilcoxon, on note une

augmentation de puissance gamma significative lors de la bascule dans les sous-bandes 40-60

Hz, 60-80 Hz et 80-100 Hz dans la tâche autobiographique par rapport au calcul.

Il n’y a toutefois pas de différence significative dans la bande gamma entre les

conditions sémantiques et autobiographiques après transformée de Hilbert et application d’un

test des rangs signés Wilcoxon. Mais si on manque probablement de puissance statistique, il

apparait visuellement sur les ERSP une nette différence entre les tâches sémantique et

autobiographique : cette augmentation d’activité dans la bande gamma n’apparait que pour la

tâche autobiographique.

Il semble également exister une hypoactivation dans les fréquences plus basses (thêta

et alpha notamment) au moment de cette bascule attentionnelle lors du rappel

autobiographique. Elle est donc associée à une augmentation d’activité dans les plus hautes

fréquences. Cette tendance à une diminution de puissance du signal dans les fréquences alpha

et thêta est retrouvée après transformée de Hilbert, mais n’apparait pas statistiquement

significative.

39

Figure 12 : Dynamique du signal lors de la bascule attentionnelle dans le CCP gauche. Au milieu sont représentées les cartes ERSP correspondant aux moyennes pondérées pour les trois tâches, pour les patients CT +

CG + FS. Une décomposition du signal est effectuée par transformée de Hilbert, dans une fenêtre de -500 ms (question) à +500 ms (début

du rappel) correspondant à la bascule attentionnelle, dans les bandes thêta (4-8 Hz), alpha (8-12 Hz) et gamma ( sous-bandes 40-60 Hz, 60-

80 Hz et 80 Hz). Les tâches sont comparées entre elles (test des rangs signes de Wicoxon) et les différences significatives de signal entre

conditions apparaissent sur l’axe des abscisses sous forme d’un trait rouge (- = p<0.05).

Lors de la bascule attentionnelle, il existe une activité gamma significativement plus élevée pendant la tâche autobiographique

par rapport au calcul. Il n’est pas retrouvé de différence significative entre les conditions sémantique et autobiographique dans la bande

gamma.

Les cartes ERSP affichent une hypoactivation dans les bandes thêta et alpha par rapport au calcul, avec un pattern qui semble

anti-corrélé. Toutefois ces différences ne sont pas significatives après application d’une autre méthode de décomposition du signal par

transformée de Hilbert.

40

IV. Dynamique du signal avant la bascule attentionnelle et après lors du

rappel

Les ERSP affichent une baisse de puissance du signal dans les bandes thêta et alpha

pendant l’ensemble de la période couvrant les 5 dernières secondes de question et le début du

rappel lors de la tâche autobiographique. Les ERSP ne montrent pas de diminution de

puissance dans les bandes thêta et alpha lors du calcul. Toutefois ces modifications du signal

n’apparaissent pas significatives après transformée de Hilbert et application d’un test des

rangs signés de Wilcoxon (risque alpha à 0.05, correction par FDR). En revanche il existe lors

du rappel et de la question des différences significatives dans la bande gamma entre les

conditions autobiographique/sémantiques et le calcul mental.

41

Figure 13 : activités électrophysiologiques au sein du CCP gauche lors du rappel en mémoire autobiographique, comparé

par rapport au temps de calcul et au temps de recherche en mémoire sémantique. L’illustration représente les analyses de la puissance du signal lors d’un temps de rappel pris entre 2 et 5 secondes après la fin de

la question. Cette puissance du signal est obtenue après transformée de Hilbert. Les conditions mémoire autobiographique (vert) et calcul

(orange), et les conditions mémoire sémantique (rouge) et mémoire autobiographiques (vert) sont comparées entre elles. Ces comparaisons

sont effectuées dans différentes bandes de fréquence (gamma 40-60 Hz, 60-80 Hz, 80-100 Hz ; thêta 4-8 Hz, alpha 8-12 Hz). Un test des

rangs signés de Wilcoxon est réalisé. Les différences de puissance du signal significative apparaissent sur l’axe des abscisses en rouge

(p<0.05). L’activité dans la bande gamma 40-100 Hz reste significativement plus importante pendant tout le temps de rappel

autobiographique par rapport à la tâche mathématique où il existe une hypoactivité gamma persistante. Bien qu’un pattern d’aspect

anticorrelé appraissent sur les ERSP entre le calcul et la mémoire autobiographique, il n’y pas de différence dans les basses fréquences

thêta et alpha.

42

V. Spécificité de ce pattern électrophysiologique au CPP gauche

Afin de prouver que cette augmentation de puissance gamma pendant la bascule

attentionnelle lors de la tâche autobiographique était spécifique au CCP, nous avons analysé

les patterns électrophysiologiques des régions proches, comme le cortex pariétal externe

(analysé par les plots externes de la même électrode) et des régions plus distantes.

L’augmentation significative de la puissance dans la bande gamma lors de la bascule

semble spécifique au CPP puisqu’aucune différence significative n’apparait dans le cortex

pariétal externe (figure 14). Il n’y a pas de différence significative de puissance du signal

entre la tâche autobiographique et le calcul mental au sein du cortex pariétal externe. Il n’a

également pas été retrouvé de différence significative dans les autres gammes de fréquence

entre les trois conditions.

Figure 14 : Activités électrophysiologiques au sein du cortex pariétal externe gauche.

Aucune hyperactivité gamma n’est observée lors de la bascule attentionnelle lors du rappel autobiographique

sur ces cartes ERSP (moyenne pondérée des résultats des patients FS + CG + CT).

De plus les patterns sont différents par rapport au CCP gauche pour les trois tâches. Ces résultats prouvent une

validité de notre méthode d’analyse du signal : des régions cérébrales différentes connues pour des fonctions

différentes (cortex pariétal externe et CPP) affichent des activités différentes. De plus ils prouvent une spécificité

de cette hyperactivité gamma lors de la bascule attentionnelle au sein du CCP.

VI. Activités électrophysiologiques des autres régions cérébrales : exemple du lobe

temporal externe et de l’hippocampe

Les autres régions cérébrales affichent une dynamique des oscillations différentes du

CCP. Une large zone temporale externe montre une augmentation de puissance dans la bande

43

alpha immédiatement au début du rappel ou du calcul mental chez les quatre patients. Pour

CG, GG et FS, plusieurs plots temporaux externes gauches montrent une augmentation de

puissance alpha immédiatement au début du rappel et du calcul (figure 15 pour le cas de

CG). Cette augmentation de puissance est significativement plus importante pour les tâches

de mémoire sémantique et autobiographique, par rapport au calcul. Il n’a pas été observé en

revanche de différence significative entre les tâches sémantiques et autobiographiques. L’un

des plots où cet effet est particulièrement marqué est situé dans le gyrus temporal supérieur,

où il est observé une augmentation de puissance gamma pendant toute la phase de question

40-100 Hz associée à une baisse de puissance significative dans les bandes alpha et thêta

(figure 15). Au moment de la réponse ces variations de puissance s’inversent avec une

activation dans la bande alpha et thêta, et arrêt de l’augmentation de puissance dans la bande

gamma. Cet effet est significativement plus important pour les tâches de mémoire

autobiographique et sémantique dans les bandes thêta et alpha par rapport au calcul chez CG

dans le gyrus temporal supérieur gauche.

Figure 15 : activités électrophysiologiques au sein du gyrus temporal supérieur gauche de CG. En haut sont représentées les cartes ERSP. En bas, les deux graphiques représentent une comparaison entre

conditions (calcul vs tâche autobiographique, et tâche sémantique vs tâche autobiographique) après transformée de Hilbert

et application d’un test des ranges signés de Wilcoxon. Les différences significatives de signal entre conditions apparaissent

sur l’axe des abscisses sous forme d’un trait vert (- = p<0.05).

Il existe une transition entre deux états cérébraux lors des phases de question puis de rappel. Une nette

augmentation de l’activité alpha est observée dès le tout début du rappel autobiographique. Cette activité est

significativement supérieure par rapport au calcul. Elle tend à être également plus forte que lors de la tâche sémantique,

avec toutefois absence de différence statiquement significative.

44

Chez GB, dont l’implantation temporale interne a pu être analysée (figure 16). Une

augmentation significative de la puissance dans la bande thêta est observée pendant le rappel

au sein de l’hippocampe antérieur droit, de l’amygdale droite et plusieurs contacts temporaux

externes (antérieur et inférieur). Cette augmentation de puissance dans la bande thêta est

retrouvée pour les trois tâches immédiatement à la fin de la question, diminue

progressivement en restant élevé pendant la tâche.

Figure 16 : Activités électrophysiologiques au sein de l’hippocampe antérieur droit (patient GB). On note une activation thêta nette lors du rappel autobiographique, mais aussi lors du calcul au sein de l’hippocampe

antérieur droit. Cette activité thêta lors du rappel n’a pas été retrouvée au sein du CCP mais était en revanche attendue au

sein de l’hippocampe lors des tâches mnésiques (cf. discussion).

DISCUSSION

Notre travail apparait validé par l’obtention de résultats reproductibles. Nous discuterons dans un premier

temps nos résultats au cours du rappel et montrerons que nous observons des états cérébraux différents en

fonction des tâches, en accord avec des précédents travaux de la littérature. Nous nous attendions à obtenir une

activité au sein du CCP lors de la bascule attentionnelle en mémoire autobiographique. Nous montrerons que

nos résultats appuient cette hypothèse avec l’obtention d’une activité qui apparait spécifique au CCP lors de

cette bascule attentionnelle.

I. Des résultats reproductibles.

Notre méthodologie est validée par l’obtention de résultats reproductibles au sein

d’une même tâche mais également convergents entre les trois patients possédant une électrode

dans la même région (aire 23 du CCP gauche). De plus, l’application de deux méthodes

différentes de traitement du signal, une décomposition du signal par ondelettes et une

transformée de Hilbert, donnent des résultats cohérents.

45

II. Activité électrophysiologique pendant le rappel autobiographique

Nous observons les principales modifications significatives du signal dans le CCP

gauche au sein de la bande de fréquence gamma. Plusieurs études ont démontré que l’activité

dans une large bande gamma, induite par une tâche, était le reflet d’une augmentation de

l’activité neuronale locale (Lachaux et al. 2005, Jensen et al. 2007, Manning et al. 2009).

Tout d’abord, nos résultats vont dans le sens des nombreux articles sur le DMN en

montrant qu’au sein du CCP, l’activité neuronale est significativement plus élevée pendant les

tâches de repos et les tâches d’introspection, que lors de tâches avec une demande

attentionnelle forte (comme le calcul mental) qui montrent une désactivation. Une

désactivation lors du calcul a en effet déjà été observée dans une étude en IRMf où l’activité

BOLD était plus élevée pendant les tâches de repos et de référence au self dans le cortex

postéro-médial (Kennedy et al. 2008). Une anti-corrélation entre ces deux réseaux, cohérente

avec les données en IRMf (Fox et al. 2005), a déjà été montrée sur des analyses

électrophysiologiques intracrâniennes. Ossandon et al. (2011) confirmaient la présence de

deux réseaux anti-corrélés d’augmentation (repos) ou de décroissance (durant une tâche

attentionnelle visuelle) d’activité dans une large bande gamma.

Une étude par électrodes subdurales dans le cortex postéromédial (incluant CPP et

CRS) chez 4 patients épileptiques, a ajouté à l’étude du calcul et du repos, une tâche dite

autobiographique (Dastjerdi et al. 2011). Les sujets devaient lire des phrases du type « j’ai

travaillé sur un ordinateur aujourd’hui » et répondre vrai ou faux. Les auteurs retrouvent un

antagonisme entre une hyperactivation gamma lors de cette tâche « autobiographique » (chez

2 de leurs patients seulement pour 2 électrodes proximales par rapport au CRS) et une

hypoactivation gamma lors du calcul. Nous obtenons le même antagonisme dans notre étude

entre notre condition autobiographique et notre condition calcul.

Toutefois, si on peut admettre que la tâche de Dastjerdi et al.(2011) fait référence au

self de l’individu, ils n’ont pas étudié le processus de rappel en mémoire autobiographique ou

même apporté des preuves de réminiscence d’un souvenir par les sujets. Cette tâche n’était

pas comparée à une autre tâche de mémoire déclarative à long terme, comme la mémoire

sémantique. Peu d’éléments sont donc apportés sur le rôle du CCP au sein même du réseau de

la mémoire.

46

III. Activité électrophysiologique pendant la bascule attentionnelle

a. Une augmentation significative d’activité au sein d’une large bande gamma

Nous avions émis l’hypothèse d’un rôle du CCP pendant la bascule attentionnelle lors

du rappel en mémoire autobiographique. Or dans ce travail, nous observons les principales

modifications significatives du signal dans le CCP gauche dans la bande de fréquence gamma

lors de la tâche autobiographique pendant cette bascule. Notre étude apporte donc la

précision que le rappel en mémoire autobiographique s’accompagne d’une hyperactivation

significative gamma dans la bande 40-100 Hz au moment de la bascule question/rappel au

sein du CCP. L’activité électrophysiologique affiche par ailleurs un pattern différent de la

tâche de calcul dès le stade de la question. Cet état initial ne diffère pas de l’état de repos. Il

semble donc que les sujets soient dans un « état préparatoire », avant même le rappel

autobiographique, qui s’apparente au DMN. Mais le rappel autobiographique semble

surimposer une activité gamma au moment de la bascule question/rappel sur « cet état

électrophysiologique préparatoire ».

b. Profil temporel et spécificité fonctionnelle de l’augmentation d’activité dans une

large bande gamma.

La modification la plus significative du signal au sein de la large bande gamma

apparaît au moment de la bascule question/rappel, environ 500 millisecondes avant le début

du rappel avec une activité gamma plus importante que pour le reste du temps de question et

de recherche du souvenir. Notons que notre ligne de base est équivalente à la tache de repos

de l’étude de Dastjerdi et al. Il est difficile d’être plus précis sur l’intervalle temporel, le

trigger de fin de question est déclenché manuellement par l’examinateur, et le sujet a très

probablement déjà débuté sa recherche du souvenir avant le tout dernier mot de la question.

Dastjerdi et al. (2011) ont montré une hyperactivité gamma au sein du cortex

postéromédial lors d’une tâche de repos. Mais l’un des éléments les plus intéressants est la

présence d’un pic d’activité gamma apparaissant avec une très courte latence après la

présentation de l’indice annonçant le début de cette tâche. Ce pic se répète d’une façon

stéréotypée entre les différents essais et les différentes électrodes répondant au repos. Ils font

donc l’hypothèse que plutôt qu’être associée à un contenu cognitif, cette activité gamma

pourrait être le signal d’un désengagement attentionnel.

Dans notre travail l’activité gamma ne diffère pas significativement de l’état de repos

(ou ligne de base) au cours du rappel suivant cette phase de bascule attentionnelle. On peut

donc également émettre l’hypothèse que ce pic d’activité gamma apparaissant uniquement

47

lors de la bascule n’est probablement pas à relier à un contenu cognitif comme la

manipulation de représentations mnésiques. Mais il pourrait correspondre à une forme de

signal d’engagement dans un processus, ici le rappel autobiographique, vis à vis d’autres

régions cérébrales. Ce caractère très transitoire de l’augmentation d’activité gamma

illustrerait la nature dynamique du réseau pour faciliter une bascule rapide entre différents

états attentionnels. Ce caractère hautement transitoire des modulations dans la bande gamma a

déjà été souligné en EEG intracrânien au sein du DMN (Ossandon et al. 2011).

L’idée est compatible avec les conclusions avancées par l’étude de Fornito et al.

(2012) en IRM fonctionnelle. Une opposition binaire permanente entre le DMN et ce vaste

réseau attentionnel externe (EAS) vis à vis des stimuli environnementaux apparaît aujourd’hui

trop simpliste. On l’a vu précédemment, le DMN et l’EAS ne fonctionnent pas comme des

entités homogènes mais se décomposent en subrégions distinctes qui s’activent en fonction de

la tâche (Vogt et al. 2005, Leech et al. 2012 dans le cas du CCP). Fornito et al. (2012)

montrent ainsi qu’un antagonisme important entre l’activité du DMN et l’EAS n’est pas

toujours associé avec une meilleure performance et qu’il existe une coopération entre les deux

réseaux pour la réalisation de certaines tâches. Ce passage d’un antagonisme à une

coopération entre les deux systèmes deviendrait possible grâce à une ségrégation

fonctionnelle du DMN et EAS en plusieurs sous régions, avec par exemple au sein de l’EAS :

le réseau cingulo-operculaire, le réseau fronto-pariétal gauche et le réseau fronto-pariétal

droit. Ainsi certaines tâches provoqueraient le passage d’un état intrinsèque d’antagonisme

entre les deux systèmes à un état d’interaction coopérative entre certaines de leurs sous

régions pour améliorer les performances. Le CCP droit serait une sous-région pivot dans la

recollection. Il permettrait cette bascule entre un état antagoniste de base (DMN vs EAS), à

une intégration fonctionnelle entre une sous-région de l’EAS, le réseau frontopariétal droit

(pour les processus de contrôle et d’évaluation du rappel) et le DMN (pour le stockage et

recollection des associations contextuelles). Cette bascule aboutirait à une recollection plus

rapide.

Le CCP participerait donc à la réorganisation des interactions à grande échelle entre

ces deux grands systèmes en fonction de la tâche. Ce rôle de régulateur cognitif du CCP a

aussi été proposé par Leech (2012) avec un CCP dorsal qui pourrait réguler une sorte de

balance entre la cognition dirigée vers le monde interne (introspection) et celle dirigée vers le

monde externe (environnement).

48

Toutefois il reste certains points à approfondir nous incitant à poursuivre nos travaux.

Tout d’abord nous observons ce pic d’activité gamma à gauche lors de la bascule entre

question et rappel, là où l’équipe de Fortino attribue un rôle de régulateur de la recollection au

CCP droit. Leur tâche épisodique n’était toutefois pas autobiographique et il s’agit de données

d’IRMf avec une moins bonne résolution spatiale. Nous avons également insuffisamment de

données au sein du CCP droit.

c. Absence de différence significative entre les tâches sémantique et

autobiographique

D’autre part, bien qu’une tendance à une plus forte augmentation gamma du signal

apparaisse en faveur de la mémoire autobiographique sur les ERSP et que l’activité gamma

haute n’était pas significative par rapport à la ligne de base au cours du rappel sémantique, les

différences n’apparaissent pas statistiquement significatives entre les tâches sémantique et

autobiographique. Ce qui au premier abord apparait contradictoire avec le fait que le CCP, et

notamment l’aire 23, appartient au réseau mis en jeu lors des activités cognitives en lien avec

le self d’un individu. Nous pouvons émettre différentes hypothèses. Est-ce lié à un nombre

trop faible d’essais pour suffisamment de puissance statistique? Est-ce lié à une analyse

restreinte de cette large bande gamma à 40-100 Hz en raison d’une limitation par notre

matériel d’échantillonnage? Les effets observés dans l’étude de Dastjerdi et al. (2011)

apparaissent en effet au sein d’une bande de 30-180 Hz. Il en est de même dans l’étude

d’Ossandon et al. (2011) où les modulations significatives de l’activité gamma étaient

observées au sein d’une bande gamma haute 40-160 Hz. Une autre hypothèse est que notre

tâche sémantique n’est pas adaptée. C’est en tout cas la plus difficile à réaliser par les

patients, celle qui donne le moins d’essais réussis. Peut-être utilisent-ils des moyens de

recollection faisant intervenir leur self pour trouver les bonnes réponses. S’assurer au moment

du débriefing que le patient ne s’est pas aidé de souvenirs personnels permettrait de ne garder

que les essais sans lien avec le self du sujet. Il faudrait donc augmenter le nombre d’essais.

L’autre hypothèse est celle proposée par Baddley en 1984 et récemment montrée par

Buraniova et al. (2010) en IRMf : l’existence d’un large réseau commun au rappel en

mémoire déclarative, à savoir l’activation de régions communes pour les mémoires

sémantique, épisodique et autobiographique. Les gyri cingulaires antérieur et postérieur

appartiendraient à ce large réseau nécessaire à la recherche en mémoire déclarative.

Cependant il apparaît important de revoir notre tâche sémantique avec de nouveaux

essais avant de s’orienter vers cette dernière hypothèse.

49

IV. Un pattern d’activité électrophysiologique spécifique au CPP

Les électrodes hors du cortex cingulaire postérieur affichent un pattern d’activité

électrophysiologique différent. C’est en particulier le cas au niveau du cortex pariétal latéral

où il n’est plus observé de désactivation gamma lors du calcul ni de pic d’activité gamma

pendant la bascule pendant la tâche autobiographique.

Sur quatre patients, plusieurs électrodes temporales externes affichent un pic d’activité

alpha et thêta immédiatement au début du rappel et de la tâche de calcul qui décroit

progressivement au cours de la recherche mentale. Pour trois patients dont l’implantation était

gauche, le pic d’activité alpha est significativement plus important pour les tâches de mémoire

que pour la tâche mathématique. Pour GB, dont l’implantation était droite, cette augmentation

de l’activité alpha ne diffère pas entre les conditions mnésiques et de calcul. Peu d’études se

sont focalisées sur les relations entre mémoire et ondes alpha, que l’on sait impliquées dans

les synchronisations longue distance et les processus top-down (Von Stein et al. 2000).

Klimesh et al. (2007, 2010) proposent qu’une augmentation de puissance alpha reflète en

réalité une inhibition. Il s’agirait d’une « inhibition active » et d’un processus sélectif requis

pour inhiber et rendre silencieuses des activités neuronales inutiles à la tâche. Une

augmentation de puissance alpha était également observée lors de la transition entre deux

états attentionnels différents, lors du passage d’un état du sujet dit « perdu dans ses pensées »

à un état où le sujet était concentré sur sa respiration, dans l’étude de Braboszcz et Delorme

(2011). Cette augmentation d’activité alpha pourrait donc être un marqueur de bascule

attentionnelle entre deux états requérant un niveau de concentration différent. Ainsi,

Angelakis et al. (2004) suggéraient que l’augmentation d’activité alpha reflétait un état de

« préparation cognitive ». Par exemple, on peut émettre l’hypothèse que cette augmentation

d’activité alpha sur l’électrode du gyrus temporal supérieur de CG correspond à une inhibition

des zones auditives (actives durant la question) afin de permettre au sujet de se concentrer sur

son « monde interne » pour le rappel et d’être moins gêné par l’environnement.

V. Une activation gamma mais sans activation thêta dans la BA 23 gauche

Le caractère transitoire de l’activation gamma que nous observons se distingue du

pattern de l’activité gamma retrouvée par l’étude de Steinvorth et al. (2009) lors du rappel

autobiographique, au sein d’une autre région cérébrale, le cortex entorhinal. Dans leur étude,

une augmentation prononcée de l’activité gamma apparaissait dans les couches à projection

50

hippocampique environ 200 ms après la présentation de l’indice pour le rappel du souvenir et

se poursuivait environ 12 secondes. Ils émettent l’hypothèse que cette augmentation de

puissance gamma reflèterait les processus permettant d’obtenir la correspondance entre la

phrase indice et les représentations de la mémoire à long terme, pour que celles-ci soient

réexploitées pour la reminiscence. Nous ne pouvons attribuer le même rôle à cette

augmentation de puissance gamma au sein du CCP, puisqu’elle ne dure que le temps de la

transition question-rappel.

Nous nous attendions à retrouver une augmentation d’activité dans la bande thêta lors

du rappel mnésique au sein du CCP, qui aurait pu illustrer des liens dynamiques du CCP avec

les cortex associatifs et le lobe temporal médial. Nous l’avons exposé plus haut : le rôle des

activités thêtas est désormais bien caractérisé pour coordonner l’ensemble des activités

hippocampiques (Buzsaki 2002). Les activités thêtas permettent la synchronisation d’aires

cérébrales distantes pour des processus top down (Von Stein et al. 2000). Et l’association

d’une activation gamma et thêta a été démontrée par Steinvorth et al. (2009) dans le cortex

entorhinal lors du rappel autobiographique, avec un rôle différent attribué à chaque bande de

fréquence. Nous retrouvons d’ailleurs de façon cohérente une augmentation de puissance dans

la bande thêta 4-8 Hz pendant le rappel autobiographique au sein de l’hippocampe et de

l’amygdale droits de GB.

L’étude de Foster et al. (2012) en EEG intracrânien avec électrodes subdurales dans le

cortex postéromédial révèle que l’activité au sein de cette région prédomine dans la bande

thêta aux alentours de 4-5 Hz lors d’une tâche de repos spontanée (cette tâche de repos diffère

de l’étude de Dastjerdi dans laquelle les patients fixaient une croix pendant 5 secondes). Cette

activité thêta modulerait l’activité de la bande gamma par un phénomène de couplage phase-

amplitude. Elle serait même la signature électrophysiologique de la région par rapport aux

régions adjacentes (puisqu’une augmentation de l’activité alpha est prédominante au sein des

régions occipitales proches du CCP par exemple).

Mais nous n’observons pas d’augmentation d’activité thêta dans les zones très proches

ou au sein de l’aire 23. Certes, Foster et al. n’ont pas étudié la mémoire autobiographique. Ils

se sont focalisés sur un état relatif à l’activation du DMN dont on a vu précédemment la

superposition avec le réseau de la mémoire autobiographique. Mais ils ont enregistré

l’ensemble d’une aire postéro-médiale sans tenir compte des subdivisions fonctionnelles de

cette région. Nous revenons donc à notre hypothèse que ce pic d’activité gamma apparaissant

uniquement lors de la bascule n’est pas à relier à un contenu cognitif comme la manipulation

51

de représentations mnésiques. Mais il correspondrait à une forme de signal d’engagement

dans le processus de rappel autobiographique, vis à vis d’autres régions cérébrales. Il est donc

possible qu’une activité thêta soit prédominante dans d’autres subrégions qui interagissent

directement avec le lobe temporal médial, comme le CRS (Andrews-Hanna et al. 2010, leur

modèle est cité plus haut).

VI. Des résultats compatibles avec une hétérogénéité fonctionnelle du CCP ?

Les travaux cités précédemment (Vogt et al. 2005, Dastjerbi et al. 2011, Leech et al.

2012) ont montré la ségrégation fonctionnelle et anatomique de plusieurs sous régions du

CCP. En faisant une analyse sur l’ensemble d’une large région postéro-médiale, Dastjerdi et

al. (2011) ne retrouvaient pas de différence significative d’activité gamma entre la tâche

autobiographique et les autres conditions. En revanche en prenant les électrodes séparément,

pour 2 patients, 2 électrodes montraient une augmentation significative de l’activité gamma

pendant la tâche autobiographique. Ces dernières étaient proches du cortex rétrosplénial.

Donc des électrodes répondaient sélectivement aux stimuli autobiographiques, d’autres au

repos mais jamais aux deux conditions.

Nous manquons de données pour obtenir une véritable cartographie fonctionnelle du

CCP et étayer l’hypothèse que l’activité électrophysiologique lors du rappel autobiographique

doit être différente en fonction des sous régions du CCP. Nos résultats ne vont toutefois pas à

l’encontre de cette hétérogénéité fonctionnelle : nous observons le même pattern

d’hyperactivation gamma pour les trois patients dont les électrodes sont très proches de l’aire

23, dans le cortex cingulaire postérieur gauche. En analysant les coordonnées stéréotaxiques

du plot interne droit de GB, celui-ci apparaît en revanche plus bas que cette aire 23. Et aucune

hyperactivité gamma ni différence entre conditions au sein de cette large bande de fréquence

n’est enregistrée dans cette région.

Il apparaît également difficile de faire des extrapolations à une éventuelle latéralisation

hémisphérique des fonctions du CCP : nous avons trop peu de patients avec surtout une

hétérogénéité des groupes (3 implantations gauches pour une implantation droite) et les

coordonnées stéréotaxiques ne sont pas symétriques. De plus, plusieurs données de la

littérature sont contradictoires. Dans l’étude en IRM fonctionnelle de Maddock (2001), une

distinction est faite entre les deux hémisphères puisque c’est la partie caudale du cortex

cingulaire postérieur gauche qui était la région cérébrale montrant l’activation la plus

importante et la plus constante lors du rappel réussi de souvenirs autobiographiques entre les

sujets. Tandis que Fornito et al. (2012) attribuent un rôle pivot au cortex cingulaire postérieur

52

droit dans la bascule d’un état intrinsèque correspondant au DMN à un état correspondant à la

recollection. Mais il pourrait être intéressant de s’intéresser à cette possible différence

interhémisphérique sur le plan électrophysiologique en multipliant les données sur d’autres

sujets à l’avenir.

VII. Une ligne de base valide ?

On peut discuter le choix de notre ligne de base. Un des débats récurrents dans les

recherches sur le DMN en imagerie fonctionnelle a longtemps été la meilleure définition de la

ligne de base (Buckner et al. 2008). Richard Frackowiak en 1991 disait “to call a free

wheeling state or even a state where you are fixating on a cross and dreaming about anything

you like, a control state is too my mind quite wrong“.

Nous voulions un état neutre n’obligeant pas à l’introspection ni à une attention

soutenue vis à vis de stimuli externe. Nous avons choisi une ligne de base qui s’est avérée a

posteriori être l’équivalent d’une tâche considérée comme du repos par d’autres études

cherchant à étudier le resting-state (Dastjerdi et al. 2011). Cette condition est discutable dans

notre cas comme dans l’étude de Dastjerdi : dans les deux cas nous cherchons à comparer une

activité autobiographique à un état où il est difficile de contrôler les pensées du sujet qui peut

malgré tout se laisser aller à une activité introspective. Mais l’obtention de résultats

reproductibles entre sujets et de données significativement différentes entre conditions

apportent une validité à ce choix méthodologique.

Ce choix apparaît acceptable quand on considère les résultats et hypothèses de l’étude

de l’étude de Fornito et al. (2012). Bien que le DMN et le réseau de la mémoire

autobiographique soient superposés, c’est une réorganisation des interactions entre sous-

modules du DMN et de l’EAS qui favorise une recollection rapide. Notre choix

méthodologique souligne les modifications du signal propres à la tâche autobiographique par

rapport au fonctionnement intrinsèque du DMN. Cette limite pourra de plus être contournée à

l’avenir en utilisant différentes lignes de base (comme par exemple une moyenne de

l’ensemble des activités sur l’ensemble des conditions) puis en comparant les données.

VIII. Limites de l’étude

Nos analyses ont été effectuées sur un faible nombre de patients et d’essais limitant la

puissance de nos statistiques. Mais les données en EEG intracrânien in vivo sont des données

rares voire exceptionnelles et la plupart des publications se font sur peu de patients

(Steinvorth et al. 2009 : 1 patient, Dastjerdi et al. 2011 : 4 patients etc.). Un rapport

53

signal/bruit élevé dans cette technique intracérébrale autorise des analyses sur un faible

nombre d’essais. Braboszcz et Delorme (2011) ont réussi à démontrer des états

électrophysiologiques différents en fonction du niveau attentionnel du sujet en analysant

seulement 13 à 52 époques par sujets en EEG de surface, pourtant plus artéfacté que l’EEG

intracrânien.

Notre tâche comportementale ne peut aboutir à plus d’une trentaine d’essais réussis

autobiographiques en raison de la fatigabilité des sujets et des conditions de recueil des

données en milieu hospitalier. Valider un souvenir sur le plan de l’épisodicité nécessite que le

rappel soit allé à son terme pour obtenir suffisamment de données au débriefing. Nous

souhaitons étudier la dynamique d’un rappel génératif et ses contraintes attentionnelles. Ce

qui n’a pas été fait dans l’étude de Steinvorth (2009) où, bien que le design expérimental

s’approche du nôtre, le rappel ne durait que 6 secondes par patients pour des indices sur

lesquels avait déjà été interrogé préalablement le sujet. Leur étude explorait donc surtout la

réminiscence du souvenir.

Enfin étudier le rappel autobiographique sans étudier les interactions entre différentes

régions notamment avec le lobe temporal interne, et la dynamique des oscillations sur de

larges échelles apparaît insuffisant. Nous avons pour objectif de poursuivre nos analyses et

d’y apporter d’autres méthodes comme du couplage de phase entre électrodes de régions

différentes ou du couplage phase amplitude entre différentes gammes fréquentielles au sein

d’une même région. Le couplage phase amplitude pourra en effet être intéressant pour étudier

cette hypoactivité thêta et alpha observée lors de la bascule attentionnelle, qui n’existe pas

lors du calcul. Bien qu’elle n’apparaisse pas significative par rapport au calcul (après

transformée de Hilbert et application d’un test de Wilcoxon), il sera intéressant de rechercher

d’éventuels liens avec l’activité gamma lors de la bascule.

Dans cette perspective, des données ont été enregistrées dans de multiples autres

régions cérébrales chez nos différents sujets, afin d’approfondir les interactions dynamiques

du CCP avec d’autres régions cérébrales.

54

CONCLUSION

Notre étude montre une augmentation significative d’activité gamma pendant la bascule

question/rappel lors d’une tâche autobiographique au sein du CCP, région impliquée dans le réseau par

défaut. Absente lors d’une tâche de calcul, nous confirmons un rôle du CCP dans la bascule

attentionnelle lors du rappel en mémoire autobiographique. Cette activité gamma n’apparaît que le

temps de cette bascule entre deux états et se surimpose à un pattern électrophysiologique présent avant

le début du rappel, dont les caractéristiques (opposées à une tâche demandant des efforts attentionnels

comme le calcul) sont compatibles avec le DMN. Ce pattern apparaît différent des activités gamma

observés dans d’autres régions du réseau de la mémoire autobiographique : il n’est pas prolongé

comme dans le cortex entorhinal (Steinvorth et al. 2009) et n’est pas associé à une activité thêta

prolongée. Survenant au moment de la transition entre deux états différents avec un caractère très

transitoire, ce pic d’activité gamma n’est probablement pas à relier à un contenu cognitif comme la

manipulation de représentations mnésiques. Il pourrait correspondre à une forme de signal

d’engagement dans un processus, ici le rappel autobiographique, vis à vis d’autres régions cérébrales.

Cette hypothèse est compatible avec une étude récente qui a montré une reconfiguration dynamique et

transitionnelle de l’architecture fonctionnelle du DMN pour faciliter la recollection, faisant du CCP

droit un nœud central dans la commande de cette reconfiguration (Fornito et al. 2012).

Cette étude reste un travail préliminaire. Le CCP est une région faite de multiples sous

régions. Nous devons améliorer notre tâche contrôle sémantique et acquérir une meilleure appréciation

des liens avec le self. D’autres données doivent être obtenues, notamment au sein du CCP droit et dans

d’autres sous régions du CCP pour une meilleure cartographie de la région, car nos principaux

résultats sont dans l’hémisphère gauche. Des données ont été enregistrées dans plusieurs autres aires

cérébrales chez nos différents sujets au cours de cette année, afin de pouvoir analyser les interactions

dynamiques du CCP avec d’autres régions cérébrales.

Ce travail en électrophysiologie s’inscrit dans le cadre d’un projet global cherchant à

caractériser cette bascule attentionnelle permettant le rappel autobiographique, y compris sur un plan

comportemental. Les sujets ont tendance à dévier leur regard immédiatement au début de la recherche

du souvenir. Dans l’hypothèse que cette bascule du regard puisse être un marqueur comportemental de

la bascule attentionnelle pour le rappel d’épisodes en mémoire autobiographique, nous souhaitons

appliquer notre tâche chez des sujets sains avec oculométrie et EEG de surface. Un script a été mis au

point au cours de cette année de master 2 pour les paramétrages de l’eye-tracker. Des sujets pilotes ont

déjà pu passer la tâche.

55

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