Mémoire Eurosceptiques
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INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE PARISCYCLE SUPÉRIEUR D’ÉTUDES POLITIQUES
LES ORGANISATIONS EUROSCEPTIQUES : CONSTITUTION DE RÉSEAUX ET RECHERCHE D’UNE IDENTITÉ POLITIQUE
Valéry-Xavier LENTZ
Mémoire présenté pour le DEA d’Etudes politiques
Directeur du mémoire :Mme. Elisabeth Dupoirier
1998
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Introduction
Le Parlement Européen abrite depuis 1994 un groupe parlementaire intitulé « Groupe des
Indépendants pour l’Europe des Nations », plus communément nommé « Europe des Nations »
(EDN selon l’abréviation utilisée par l’administration du Parlement). Il rassemble dix-sept
députés élus dans quatre pays : danois, français, britannique et néerlandais, et issus de cinq
partis, se fixant pour objectif de « combattre le super Etat européen préparé par Maastricht et
Amsterdam, et de promouvoir une Europe respectant les démocraties nationales »1.
Ainsi, l’on observe que des mouvements politiques qui se sont créés ça et là afin de s’opposer au
processus de construction européenne et que certains ont atteint une audience et une organisation
suffisante pour obtenir des élus. Au delà de ce constat, on remarque plus particulièrement la
spécificité de ces mouvements. En effet, ils ne semblent pas a priori véritablement défendre une
idéologie, une vision du monde, un programme politique global, mais se sont spécialisés dans
une thématique précise. L’essentiel de leur argumentation et de leur action a en effet pour objet
ce rejet des institutions communautaires et plus particulièrement du Traité de Maastricht.
Cette mouvance ne se limite pas au groupe parlementaire, où n’appartiennent que les
mouvements qui ont obtenus des sièges. Le secrétariat du groupe héberge aussi un réseau
international, constitué en association, nommé « The European Anti-Maastricht Alliance »
(TEAM). Cette organisation, constituée en 1992 lors du sommet d’Edinburgh et formalisée en
1997 à Copenhague, regroupe trente et un mouvements dans onze pays. Le TEAM rassemble
non seulement des partis, mais aussi toute sorte d’associations qui partagent, soit comme objectif
principal, soit comme élément important de leur activité, l’opposition à l’Union européenne.
Cependant, par leurs tailles, leurs modes d’organisation, et leurs parentés idéologique, on
constate rapidement une grande diversité.
1 http://www.europarl.eu.int/edn/presentation.html
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Nous allons dans ce travail chercher à mieux connaître ces mouvements politiques
« eurosceptiques ». Nous définirons leur organisation, leur mode d’action et les caractéristiques
qu’ils partagent, les encourageant à coopérer internationalement. Partagent-ils une identité
politique propre qui les rassembleraient et les distingueraient d’autres familles politiques ? Nous
chercherons aussi à percevoir la vision de l’Europe et de ses nations qu’ils proposent comme
alternative à celle qui fonde jusqu’ici la construction européenne.
Les organisations eurosceptiques : proposition de définition
Le champ d’étude retenu est la mise en place d’organisations rassemblant des adversaires de
l’intégration européenne. La presse britannique d’abord, puis occasionnellement celle du
continent, a utilisé le terme « eurosceptique » pour les désigner. Nous pensons utiliser également
ici ce néologisme journalistique, qui offre en effet un raccourci parlant, même s’il est imprécis.
Il nous faut donc avant tout commencer par en proposer notre propre définition et l’usage que
nous comptons en faire.
En effet, si les journalistes britanniques appliquent généralement ce terme aux adversaires de
l’intégration européenne au sein du parti conservateur britannique, nous ne nous intéressons pas
à eux directement en tant qu’individus. En revanche, les associations spécialisées dans la
promotion de cette vision nous intéressent. Elles accueillent d’ailleurs parfois ces mêmes
personnes lorsqu’elles déploient leur activité hors du parti et s’insèrent dans des réseaux
d’opposants à l’Union européenne, mais pas seulement. C’est l’action collective organisée au
service de l’euroscepticisme et non pas l’euroscepticisme en général qui constitue le sujet de
notre recherche. L’enjeu est alors considéré suffisamment important pour que l’on y investisse
des ressources spécifiques. Il n’est pas seulement l’un des aspects d’une action politique plus
vaste, mais l’objet même de l’action.
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L’usage que nous faisons de cette appellation diffère donc de celui communément admis en ce
que il est ici un qualificatif qui recouvre une catégorie d’organisations que nous entendons
construire de manière précisément délimitée du fait d’une série de caractéristiques particulières
qui les différencie du reste des mouvements politiques.
Par « euroscepticisme » nous entendons une attitude d’opposition et de rejet face au
développement l’intégration européenne, c’est à dire plus précisément aux Communautés
européennes, au Traité de Rome et à ceux qui l’ont suivis et réformés, en particulier celui dit de
Maastricht, qui a donné naissance à l’Union européenne.
Cette attitude se manifeste sous plusieurs formes, que l’on retrouve souvent ensemble, mais que
nous distinguons ici car ils correspondent à des modes d’action différents, et parce que il ne leur
est pas accordé nécessairement la même priorité :
∑ Par l’appel au rejet de nouveaux traités. Ce fut le cas à l’époque du processus de
ratification du Traité de Maastricht. C’est le cas actuellement à propos du Traité
d’Amsterdam. On considère que la construction européenne est déjà allé trop loin
dans le sens de l’intégration et l’on refuse son approfondissement par l’ajout de
nouvelles compétences ou par des réformes institutionnelles supranationales.
∑ En exigeant un retour à la pleine souveraineté des Etats, en revendiquant l’annulation
d’un certain nombre de mesures, politiques et institutionnelles mises en place au
niveau européen, et caractéristiques d’une logique supranationale. On demande ainsi
notamment que la loi nationale ait une valeur supérieure au droit européen et que
chaque gouvernement dispose systématiquement d’un droit de veto. Le projet de
monnaie unique doit aussi être dans cette perspective abandonné. Il faut donc réviser
ou même en abroger certains, notamment celui de Maastricht. L’Union n’aurait plus
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alors qu’un rôle réduit et perdrait sa spécificité par rapport aux organisations
internationales classiques.
∑ Par la critique, presque systématique, des initiatives communautaires et destinées à
renforcer la construction européenne. Etant opposé à la prise de décision au niveau
européen, on rejette par conséquent la plupart des projets de directive ou de
règlement issus des institutions communautaires en application des Traités. Cette
attitude se caractérise plus particulièrement par une hostilité vis-à-vis de la
Commission européenne, institution supranationale qui symbolise les atteintes à la
souveraineté que l’on dénonce. La Cour de Justice est également critiquée, car elle
interprète souvent les Traités dans le sens d’une plus grande centralisation.
∑ Enfin, certains vont jusqu’à poser la question de l’appartenance de leur pays à l’Union.
C’est par exemple le cas chez certains « eurosceptiques » britanniques ou danois pour
qui il va de l’intérêt national de quitter les Communautés et de se soustraire aux
obligations imposées par le droit européen. Des mouvements originaires de pays
n’ayant pas adhéré à l’Union participent également au TEAM. Ces mouvements font
alors campagne dans leur pays pour que les citoyens refusent cette adhésion, parfois
avec succès comme lors du référendum norvégien de 1994.
Comme on le voit, le discours eurosceptique a plusieurs aspects, et toutes les organisations ne les
partagent pas nécessairement. Nous tenterons de déterminer quels sont les points de divergence,
par exemple l’alternative entre l’abandon de l’Union ou sa réforme radicale, et quel est la partie
commune à tous.
Il est nécessaire de distinguer le plus nettement possible cette démarche que nous appelons ici
eurosceptique de celle consistant à avoir un discours critique sur les évolutions et les politiques
de l’Union européenne, tout en en acceptant ce cadre et ses institutions. Cette approche consiste
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à discuter des politiques menées, de la mise en oeuvre du projet européen et non pas de remettre
en cause celui-ci. On peut ainsi s’opposer à l’adoption d’une directive en faisant appel à des
arguments de fond sur l’opportunité de celle ci, en fonction de ses conséquences économiques et
sociales, voire de l’intérêt d’un pays ou d’une région, et non pas parce que l’on refuse la
compétence de l’Union dans ce domaine. En acceptant les instances politiques de l’Union
comme cadre pour le débat, on contribue à légitimer ces dernières. On distingue donc ici les
polémiques relatives à des thèmes et à des politiques européennes de celles relatives à l’existence
même de ces politiques. Par exemple, on peut contester les dates d’ouvertures de la chasse fixées
par le droit européen sans rejeter l’idée qu’il est nécessaire que la chasse aux oiseaux migrateurs
soit réglementée au niveau européen.
Ainsi, l’ensemble des discours décrivant de manière négative l’administration de la Commission,
le nombre trop important de textes adoptés au niveau européen, l’éloignement et
l’irresponsabilité des fonctionnaires, ne caractérisent pas nécessairement une opposition véritable
à l’intégration européenne. En effet, ce type de discours est fréquent chez l’ensemble des
responsables politiques, y compris chez les auteurs et les promoteurs des Traités et dans les
gouvernements. La lettre commune du Chancelier Kohl et du Président Chirac qui demandait
récemment la convocation d’un sommet extraordinaire sur la réforme institutionnelle, lequel
aura lieu en octobre 1998 en Autriche, faisait ainsi également appel à ce type de discours.
Par ailleurs la question de la frontière entre ces mouvements eurosceptiques et les mouvements
nationalistes se pose également. Il est moins aisé d’y répondre directement. En effet, si les
eurosceptiques cherchent à se distinguer de l’extrême-droite, en déclarant notamment refuser le
racisme et la xénophobie, on peut s’attendre à trouver certains points communs en ce qui
concerne notamment le rôle de l’Etat national et les conséquences de ces idées sur le
construction européenne. Nous examinerons ce point délicat de manière plus approfondie
comme nous confronterons le discours eurosceptique au clivage droite/gauche.
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Enfin, nous soulignerons ici que les appellations retenues ne sont évidemment pas neutres. C’est
l’un des dangers inhérents à la constructions de catégories et de typologies. Les mots utilisés
« sont des mots sociaux qui, comme tels, sont constamment l’objet d’investissements
contradictoires et l’enjeu de luttes sociales »2. Les eurosceptiques sont donc qualifiés par leurs
adversaires de « nationalistes » ou « anti-européens », ce qu’ils nient avec vigueur, du fait de la
connotation négative de ces termes. Eux-mêmes préfèrent se faire appeler « euro-critiques » ou
« euro-réalistes » afin de souligner la légitimité et le sérieux de leur point de vue. Nous avons
donc retenu le terme le plus courant mais devrons néanmoins garder à l’esprit cette difficulté
dans notre travail.
La forme d’organisation retenue : parti ou association ?
Les eurosceptiques peuvent mettre en avant leurs idées de plusieurs manières :
∑ La plupart choisissent de demeurer dans les partis traditionnels, et d’y exprimer leur
opposition dans les cadres prévus par ces derniers. Ils tentent alors d’orienter la
politique du parti dans un sens qui leur est favorable. C’est par exemple le cas au sein
du parti conservateur britannique, ou du RPR en France, et de la plupart des partis
scandinaves. L’Europe est alors un enjeu de débat interne au parti, et souvent un
facteur de division. Ce débat reste cependant la plupart du temps un élément marginal
qui ne remet pas en cause l’appartenance au parti. Il peut aussi y avoir une stratégie
des uns ou des autres, et en particulier de la direction, visant à estomper les
différences sur ce thème en adoptant des positions peu précises et consensuelles, afin
de préserver l’unité du parti.
∑ Les adversaires de l’intégration appartiennent aussi à certains partis dont l’idéologie est
traditionnellement contradictoire avec l’intégration européenne. Cette opposition fait
2 Michel OFFERLE. Les Partis politiques. Paris : PUF, 1987, p.16.
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consensus, elle figure dans le programme du parti et est parfois mise en avant selon le
contexte. Rentrent par exemple dans cette catégorie les partis d’extrême-gauche et
d’extrême-droite. Le rejet de l’économie de marché pour les uns et le nationalisme
pour les autres font de l’Union européenne une cible logique. Cette hostilité n’est
cependant pas l’objet principal de l’existence du parti, ce qui les distingue des
mouvements que nous étudions ici.
∑ Certains, tout en demeurant actif dans les partis traditionnels, créent parallèlement des
associations, des organisations visant spécifiquement à défendre leurs idées sur
l’Europe. Ils disposent ainsi d’instruments opérationnel leur permettant de militer
activement, sans cesser de jouer un rôle politique effectif par la participation à des
partis de gouvernement. C’est le cas notamment pour les « eurosceptiques » du parti
conservateur britannique.
∑ Enfin, renonçant à faire prévaloir leur opposition à l’intégration européenne dans le cadre
de partis existants, quelques-uns décident de la création d’un nouveau parti politique
destiné à mettre en avant de manière prioritaire cet euroscepticisme.
∑ Par ailleurs, il est essentiel de souligner ici qu’il existe aussi des associations partageant
des objectifs semblables dont les membres ne sont majoritairement pas affiliés à des
partis politiques. Il s’agit d’associations de citoyens qui proclament représenter la
base, l’opinion, indépendamment du personnel politique. Si des passerelles se créent
avec les élites eurosceptiques, elles n’en sont pas nécessairement à l’origine
ouvertement.
C’est à ces trois derniers cas de figure que nous nous intéressons ici plus particulièrement. C’est
en effet dans là que l’on retrouve ceux qui font de l’opposition à l’Union européenne un enjeu
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essentiel et autonome, justifiant un investissement de leur ressources politiques dans des
organisations spécialisées.
Nous devons néanmoins les traiter ensemble dans une seule catégorie, celle des organisations
eurosceptiques. En effet, si notre idée de départ était de s’intéresser aux organisations partisanes,
il nous a été impossible de persévérer dans cette voie. En effet, nous sommes confrontés ici à un
nombre considérable d’associations très diverses qui forment des réseaux, interagissent, se
recoupent, et où agissent parfois les mêmes individus. En outre, il ne nous a pas semblé que la
forme d’action choisie détermine fondamentalement l’identité de ces mouvements. Enfin, on
peut aussi s’interroger sur le véritable nature de certaines organisations qui, tout en s’intitulant
« parti », ne correspondent pas nécessairement à cette catégorie selon les critères de la science
politique.
Le choix opéré par les eurosceptiques pour leur forme d’action dépend en grande partie du
système politique dans lequel ils se situent. Il est en effet plus ou moins difficile, en fonction,
par exemple du mode de scrutin ou des lois sur le financement des campagnes électorales, de
faire émerger un nouveau parti politique. Par ailleurs, certains partis donnent une plus grande
place à la démocratie interne et laissent toute latitude aux courants minoritaires pour s’exprimer
et influencer la position du parti. Il est alors possible d’agir au sein du parti et de se contenter
d’une simple association ou d’un club pour exprimer ses idées. Au contraire, dans d’autres
partis, les partisans d’une ligne dissidente sont poussés à s’exprimer en dehors du mouvement.
Ils sont alors incités si l’enjeu leur semble suffisamment important, à créer leur propre
organisation partisane. Pourtant, il n’est pas toujours certain que l’objectif soit véritablement de
concourir pour des postes de pouvoir politique. Il semble être souvent plutôt d’utiliser l’élection
comme une occasion de propager un message. Le terme de « parti » peut-il être alors
légitimement utilisé ? Nous ferons appel notamment à la définition proposée par La Palombara
et Weiner afin d’examiner cette question.
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Pour toutes ces raisons, il nous a apparu nécessaire de ne pas restreindre nos recherches aux
partis. Ces derniers s’associent en effet nationalement et internationalement à des mouvements et
associations qui ne participent pas dans leur propre pays à la compétition pour des postes de
pouvoir politique, mais se comportent plus comme des lobbies ou des clubs. Cette étude est donc
consacrée aux « organisations » eurosceptiques et non pas aux « partis ».
Si notre approche est donc plus large que nous l’avions envisagé initialement, nous écartons en
revanche les partis politiques qui, tout en s’opposant à la construction européenne, n’en font pas
le thème principal de leur discours. Leur critique s’insère dans une idéologie et un discours plus
vaste. L’opposition à l’Europe est alors une conséquence des valeurs et idées du parti mais n’est
pas l’un des motifs de la création du mouvement.
On s’intéresse ici au contraire aux mouvements rassemblant des personnes qui ont considéré leur
opposition à l’Europe comme étant un point suffisamment important et distinctif pour susciter
une action collective spécifiquement destinée à mettre en avant ce thème. Cette opposition est
alors au coeur de leur discours et semble caractériser une vision particulière de l’identité
nationale et européenne.
Nous avons pu au début de notre étude envisager d’approcher la question selon la théorie des
clivages. En effet, il le premier constat est que l’opposition à l’intégration européenne ne peut
s’expliquer par le dualisme droite/gauche : la ligne de partage ne recoupe généralement pas
l’agencement habituel des formations politiques.
Or, les typologies multidimensionnelles proposées, dans la lignée des réflexions de Stein Rokkan
par Daniel-Louis Seiler, n’offrent pas directement d’explication de cette division sur la
thématique européenne3. Elle peut alors être expliquée par plusieurs hypothèses, si l’on se
s’inscrit dans une telle approche. La première est que le clivage sur l’Europe correspond à l’un
3 Daniel-Louis SEILER. Les Partis politiques. Paris : Armand Colin, 1993, p.69.
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des clivages préexistant. Une étude sur le référendum en Norvège selon l’approche de Rokkan
ne semble cependant pas confirmer une telle suggestion : « Du fait que tous les clivages sous-
jacents étaient mobilisés pour ou contre l'Europe, les partis politiques furent gravement divisés
sur le problème ». Ce que nous connaissons du débat sur l’Europe dans d’autre pays ne nous a
pas non plus encouragé dans cette voie. La seconde hypothèse, que nous privilégions, est donc
que ce partage sur l’Europe est la résultante d’une combinaison des autres clivages structurant
les systèmes politiques, combinaison qui varie selon les lieux et les époques où la question
européenne se pose. Ceci peut notamment s’expliquer par l’aspect politique global de l’Union
européenne, où l’on retrouve traités la plupart des thèmes qui ne concernaient autrefois que la
politique nationale. Une étude relative à la manière dont se construit cette ligne de fracture sur
l’Europe nécessite une connaissance approfondie du contexte dans lequel ce débat se déroule et
dépasse le cadre de notre travail.
Nous n’avons donc pas poursuivi notre étude dans cette voie. La structure des réseaux
eurosceptiques et des organisations qui y participent est loin, nous le verrons, d’avoir la solidité
et la cohérence qui pourrait permettre une telle étude. Il ne s’agit pas tout d’abord de véritables
organisations partisanes dans la plupart des cas, ces organisations ne sont pas non plus
confrontée à une opposition organisée spécifiquement autours de la question européenne. Enfin,
d’autres clivages existe au sein de cette famille « eurosceptique », qui viennent affaiblir sa
cohérence. Notre travail se situe en amont d’une éventuelle recherche ou réflexion sur la
possible naissance d’un clivage sur l’intégration européenne. Il consiste pour l’essentiel à
approfondir la connaissance des modes d’organisation de ces mouvements, de leur mise en
réseau et de réfléchir à ce qui les rassemble, constitue leur identité politique et leur vision
commune d’une Europe des nations.
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Limites du sujet et difficultés méthodologiques
La première limite est justement dans cette distinction. On pourrait également mettre en parallèle
le discours sur l’Europe des uns et des autres. Il n’existe probablement que peu de différences
fondamentales entre l’argumentaire anti-européen d’un militant d’un parti nationaliste et celui
d’un parti étudié ici. Néanmoins, ce dernier s’y consacre presque exclusivement et explique la
plupart des problèmes sociaux, économiques et politiques par l’appartenance à ce « super-Etat »
en devenir qu’est selon lui l’Union européenne. Le premier fera au contraire appel à d’autres
facteurs (l’immigration, le déclin des valeurs traditionnelles, le socialisme, etc.). L’un des enjeux
de notre travail sera de déterminer si, pour un mouvement donné, l’opposition à l’intégration
européenne est un élément essentiel ou accessoire de son identité politique.
Une autre difficulté de l’étude du champs que nous avons tenté de délimiter ci-dessus est que la
plupart de ces organisations sont très minoritaires et marginales. Si certaines ont pu obtenir des
élus, en particulier au Parlement Européen, la plupart ont une audience très faible.
Nous avons donc fait appel à quelques travaux sur l’étude des « petits » partis, ou plus
précisément ici de « micro-partis » ou « proto-partis ». En effet, comme nous l’avions
brièvement indiqué plus haut, certains de ces partis ne semblent pas avoir véritablement vocation
à exercer à terme le pouvoir politique et ne répondent pas aux critères du parti politique que l’on
trouve dans la théorie. L’introduction aux actes d’un colloque organisé par le Centre de
Recherches Administratives, Politiques et Sociales (CRAPS) de Lille en 19964 soulignait que
peu d’études sont consacrées à ces formations.
Enfin, une autre difficulté relative à ce sujet est son aspect transnational. Les publications du
groupe « Europe des Nations » et du TEAM sont disponibles en anglais. En revanche, la barrière
linguistique se dresse dès que l’on s’intéresse aux organisations nationales. Nous ne pouvons
donc accéder à des sources directes que dans les cas de mouvements britanniques ou français.
4 Annie LAURENT, Bruno VILLALBA (dir.). Les Petits partis. Paris ; Montréal : L’Harmattan, 1997.
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Pour les autres, essentiellement scandinaves, nous n’avons à notre disposition que des articles
écrits pour le magazine du TEAM, These Tides, ou quelques pages de présentation en anglais qui
figurent parfois sur des pages Web.
Les sources
Il ne semble pas exister véritablement de travaux consacrés au sujet qui nous intéresse.. C’est
pourquoi nous avons essentiellement recherché à réunir des sources directes, c’est à dire des
publications des organisations étudiées : brochures, manifestes, tracts... Pour le réseau TEAM,
nous avons utilisés les trois numéros disponibles du magazine de l’organisation : « These Tides :
for all those working for a post-EU Europe », publié en association avec le groupe EDN. Nous
avons aussi à notre disposition des exemplaires de la lettre d’information du TEAM et de celle
du groupe EDN. En outre, beaucoup d’organisations disposent d’un site sur le World Wide Web.
Nous y avons également puisé beaucoup d’informations. Par soucis de fiabilité, nous n’avons
cependant utilisé sur Internet que les sites des organisations pour lesquelles nous disposions
également d’autre sources. Les documents utilisés seront à chaque fois précisés. Ils nous ont été
en partie procurés par les organisations concernées, suite à des demandes de documentation, soit
par relation. Nous avons également tenté d’obtenir des entretiens de la part des membres du
groupe EDN, sans qu’il soit donné suite à nos demandes.
Plan du mémoire
La nature du sujet nous impose dans une première partie de faire un état des lieux des
mouvements étudiés. A partir d’un recensement que nous avons effectués, nous avons cherché à
construire des catégories permettant de se repérer dans la grande diversité des organisations
participant au réseau TEAM ou en relation avec celui-ci. Nous pouvons ainsi mieux connaître
d’une part les circonstances dans lesquelles ces organisations se créent et agissent ainsi que leur
mode d’organisation et le type d’activité qu’elles déploient.
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Dans une seconde partie, nous analysons les argumentaires, discours, manifestes des
organisations eurosceptiques, et cherchons à en repérer les constantes et les variables.
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Première partie :
Etat des lieux des organisations eurosceptiques
I L’apparition et le développement d’organisations eurosceptiques
La création et le développement des Communautés européennes n’a dans un premier temps pas
soulevé d’oppositions majeures dans l’opinion. En effet, les premiers traités étaient au départ
d’une portée limitée et apparaissaient comme des accords commerciaux spécialisés. La portée
politique de l’entreprise, quoique annoncée dès la déclaration Monnet-Schuman du 9 mai 1950,
laquelle soulignait l’objectif de « la fédération européenne », n’était pas clairement exprimée
dans les textes.
Néanmoins, il existait des opposants déterminés, notamment en France les Communistes et les
Gaullistes. C’est en France en effet qu’a eu lieu le premier grand débat politique relatif à la
construction européenne et à sa finalité, à l’occasion du processus de ratification de la
Communauté Européenne de Défense (CED)5. Pourtant, en dépit de la durée et de la vivacité de
ce débat, la discussion est restée circonscrite aux formations politiques existantes. En effet,
l’opposition entre les principaux partis de l’époque était forte et la diversité des opinions bien
représentée au Parlement. C’est donc dans le cadre des partis et des assemblées que le débat s’est
essentiellement déployé, même si l’opinion était prise à partie et sollicitée sur ce thème, il ne
semble pas y avoir eu à l’époque de tentative de la mobiliser dans une action collective
spécifique hors des structures partisanes préexistantes.
5 cf. Raymond ARON (dir.) : La querelle de la CED, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris, 1956
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En outre, les éléments déterminants de ce débat ne se trouvaient pas seulement dans la
perspective de « construire l’Europe » mais surtout dans le contexte de la guerre froide, de
l’Union soviétique de Staline, et de la perspective d’un réarmement de l’Allemagne.
C’est donc dans un second temps de la construction européenne que c’est développé le
phénomène que nous étudions ici. Nous avons isolés trois moments forts qui ont suscité à chaque
fois des mobilisations organisées en vue de s’opposer au processus d’intégration :
∑ le premier élargissement, et en particulier l’adhésion du Danemark, et du
Royaume-Uni aux Communautés en 1972 ;
∑ le processus de ratification du Traité de Maastricht, notamment au Danemark et
en France, puis sa mise en oeuvre ;
∑ les référendums de 1994 en Finlande, Suède et Norvège relativement à
l’adhésion à l’Union européenne.
A chacune de ces étapes correspond la création de certaines des principales organisations que
nous avons identifiées et qui poursuivent aujourd’hui leurs activités, notamment dans le cadre du
TEAM.
Le Folkebevægelsen, (Mouvement Populaire contre la Communauté européenne) a été fondé au
Danemark en vue du référendum du 2 octobre 1972 sur l’adhésion afin de regrouper les
opposants. Il a joué un rôle important dans la campagne, ainsi que dans celles des référendums
de 1992 sur le Traité de Maastricht et de 1998 sur celui d’Amsterdam. Ce mouvement a aussi
présenté des candidats et obtenus des sièges lors de chaque élections européennes. Ses deux élus
au Parlement Européen siègent au groupe « Europe des Nations ».
Au Royaume-Uni, c’est en 1976, peu de temps après l’adhésion, et le référendum qui a suivi,
qu’est né la Safeguard Britain Campaign. Ce nom fut changé en British Anti-Common Market
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Campaign en 1983 puis à nouveau en 1989 pour devenir la Campaign for an Independant
Britain.
Enfin, en Norvège, Nei til EU (Non à l’UE) déclare exister aussi depuis 1972, où une campagne
avait été menée avec succès pour la première fois contre l’adhésion. Cependant, l’organisation
qui existe aujourd’hui sous ce nom n’a été fondée qu’en 1988.
Le processus de ratification du Traité de Maastricht a été marqué, à nouveau au Danemark, par
le succès des partisans du « non » lors du référendum du 2 juin 1992. Parmi les partisans du
maintien du pays dans la Communauté, certains étaient tout à fait hostiles au nouveau traité. Ils
furent rejoints par les plus modérés des partisans du Mouvement Populaire, toujours favorable
au retrait. De nouvelles organisations furent crées en dehors du Folkebevægelse pendant la
campagne. Après le référendum, il y eut une scission et la création du « Mouvement de Juin »,
JuniBevægelsen, lequel accepte l’appartenance à la Communauté tout en défendant la
souveraineté des Etats et en s’opposant à l’Union. Chacun des deux mouvements a obtenu deux
élus aux européennes de 1994, qui siègent ensemble au groupe « Europe des Nations ».
La création de l’Union européenne a aussi donné lieu à de nombreux débats au Parlement
britannique ou les eurosceptiques du parti conservateur firent pression sur le gouvernement de
John Major, en utilisant le fait que celui-ci ne disposait que d’une faible majorité à la Chambre
des Communes. Il s’appuyaient sur des associations dans et hors du parti, dont beaucoup furent
créées à l’époque.
Enfin, en France, le succès de la campagne des adversaires du traité a encouragé certains de ceux
qui s’étaient autonomisés de leur parti en vue de mener campagne contre l’Union à persévérer et
à tenter de capitaliser l’hostilité à Maastricht à leur profit, notamment à l’occasion des élections
européennes de 1994, et dans la perspective de l’élection présidentielle de 1995.
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Néanmoins, l’entrée en vigueur du nouveau Traité n’a pas suffit à faire cesser l’action des
organisations eurosceptiques. En effet, la mise en place par étapes de la monnaie unique a pu
permettre de remobiliser à diverses occasion ses adversaires tout au long du processus. Les
élections européennes de 1994 furent une première occasion : des candidats eurosceptiques
furent présentés, outre ceux des partis traditionnellement hostiles à l’intégration européenne, au
Royaume-Uni, en France, au Danemark, en Suède et en Finlande.
Au Royaume-Uni, des associations se sont constituées dans la perspective des élections
générales de 1997. Certaines visaient, au sein du parti conservateur, à influencer la direction en
vue de la voir adopter un programme plus hostile à l’Union et en particulier à l’UEM, afin de se
différencier nettement des travaillistes, et de profiter des réticences de la population envers la
monnaie unique. D’autres visaient à présenter des candidats soit pour tenter de recueillir les voix
des électeurs de tout bord déçus par l’attitude conciliante des principaux partis (United Kingdom
Independance Party), soit, dans le cas le Referendum Party, afin de faire pression pour obtenir
l’engagement d’une consultation populaire sur l’Europe, ce qui fut réalisé avec succès. Depuis
élections, les différents mouvements tentent de se rassembler justement dans la perspective de
gagner à terme un référendum sur l’entrée dans l’euro.
En Suède, l’action des organisations opposées à la monnaie unique, ainsi que l’état de l’opinion,
ont fait reculer le gouvernement sur cette question. En dépit de son engagement, le pays ne
participeras pas à la première vague de l’euro. Les organisations qui ont vues le jour en Suède et
en Finlande, à l’image de celles existant au Danemark et en Norvège, à l’occasion des
référendums sur l’adhésion tentent donc toujours de poursuivre leur action. La question de la
monnaie unique étant toujours d’actualité, elles conservent ainsi un peu du momentum que la
consultation de 1994 leur avait donné. Dans le cas de la Norvège, c’est la participation du pays à
l’accord de Schengen qui fournit à Nej til EU un nouveau thème de campagne.
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Les principales organisations eurosceptiques ont donc vues le jour d’une part à l’occasion du
débat sur l’adhésion dans les nouveaux Etats-membres, et d’autre part du fait de l’adoption du
Traité de Maastricht et du processus de mise en place de la monnaie unique qui leur a permis de
s’implanter dans la durée.
Il s’agit donc pour l’essentiel d’un phénomène très récent, datant des années 1992-1994. Les
élections européennes de 1994 ont permis à certains mouvements d’obtenir des élus, non plus
seulement au Danemark, où le phénomène est ancien, mais aussi en France, où une partie des
électeurs de la majorité de l’époque ont préférés exprimer leur hostilité à l’Union plutôt que de
soutenir la liste officielle des partis au gouvernement. Les eurosceptique ont pu ainsi disposer
d’un groupe parlementaire et donc de moyens d’agir au niveau internationale, dont profite
indirectement le réseau TEAM, formalisé pour sa part dans la perspective de la signature du
Traité d’Amsterdam.
II Panorama des organisations eurosceptiques aujourd’hui
Le point de départ de ce travail a été le constat de l’existence du groupe « Europe des Nations »
et du réseau international TEAM. Nous avons ensuite procédé à une tentative de recensement,
non seulement des organisations membres mais aussi de celles avec lesquelles elles coopèrent ou
sont en contact. En tout, nous avons identifiés plus d’une cinquantaine d’organisations dans
quatorze pays. Nous avons dans chaque cas cherché à recueillir un maximum d’informations sur
ces organisations. Nous n’avons alors pas tenu compte des mouvements où il nous a été
impossible d’obtenir plus que son nom : c’est le cas notamment des dizaines d’associations
britanniques affiliées à la « Campagne pour sauver la Livre ». Lorsque plus de documentation
était disponible, nous avons cherché à les synthétiser et de déterminer les principales
caractéristiques de chaque mouvement, l’état de ses forces, et ses modes d’action. Le résultat de
cette recherche figure dans l’annexe 5.
20
A La répartition géographique des organisations eurosceptiques
On constate que c’est essentiellement dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni que se sont
développées de fortes organisations eurosceptiques. Ces pays ont pour caractéristique principale
de ne pas être membre fondateur des Communautés européennes. Royaume-Uni et Danemark on
adhérés en 1972, Suède et Finlande en 1994. En outre, tous ces pays ont pour point commun
d’avoir eu recours à des référendums relativement à l’appartenance à l’Union européenne, et
aujourd’hui à la ratification du Traité d’Amsterdam dans le cas des pays nordiques.
1 La force de l’euroscepticisme dans les pays de l’élargissement
De nouveau pays membres d’abord : l’aspect très progressif de la construction européenne a en
effet permis de lancer les premières Communautés européennes sans que l’opinion soit
véritablement associée à la décision. Ainsi, la Communauté européenne du charbon et de l’acier
a pu être considérée, en dépit de la déclaration Schuman, très explicite quant à l’objectif de la
démarche, comme un accord sectoriel technique. La Communauté économique européenne était
elle perçue surtout comme un accord commercial, et a été présenté comme tel aux Britanniques
lorsque la question de l’adhésion fut posée, ce que dénoncent d’ailleurs aujourd’hui les
eurosceptiques de ce pays. La nature politique et l’ambition de la construction européenne n’ont
donc pas véritablement fait l’objet de débats publics approfondis dans les pays de l’Europe des
six avant la signature du Traité de Maastricht, à l’exception de l’épisode de la Communauté
européenne de défense. Même à l’époque, c’est plus la question du réarmement allemand et des
relations de la France avec l’Union soviétique et les Etats-Unis qui avaient été discutés plus que
la perspective de « faire l’Europe ». Par conséquent, on peut faire l’hypothèse que les citoyens
des pays fondateurs ont pu s’adapter progressivement à ce nouveau cadre politique.
En revanche les pays de l’élargissement ont étés confrontés à l’« acquis communautaire » qu’il
leur est demandé d’accepter dans son intégralité. Le nouvel Etat-membre doit intégrer
rapidement dans sa législation un très grand nombre de lois nouvelles afin de se mettre en
21
conformité avec le droit communautaire. Certaines peuvent être particulièrement étrangère aux
habitudes d’un pays. Il est ainsi assez aisé de comprendre par exemple les réticences face à
l’introduction de la TVA là où elle n’existait pas. Il est donc manifeste, dès l’adhésion aux
Communautés, que cette décision comporte de nombreuses conséquences qui concernent tous les
citoyens. Ceci est aujourd’hui particulièrement manifeste avec l’Union européenne qui affiche
clairement sa nature politique et sa volonté d’intégration. Alors que les opinions des pays
fondateurs ont découvert l’Europe au fur et à mesure où elle se construisait, les citoyens
Britanniques, Danois et Irlandais devaient déjà prendre la décision d’adhérer à une solide union
douanière avec des politiques communes. On demandait enfin aux Suédois, Finlandais,
Autrichiens et Norvégiens d’adhérer en outre à une Union politique, avec la perspective à terme
d’une politique étrangère et de sécurité commune, et d’adopter une nouvelle monnaie. Plus
tardive est l’adhésion, plus lourde de conséquences est la décision. Au delà d’une adhésion de
principe à la coopération entre les pays européens et à l’amitié entre les peuples, les
Communautés européennes et l’Union européenne comportent des éléments très concrets et
divers, requièrent de se soumettre à des disciplines collectives, à un droit nouveau, à des
politiques contraignantes. Les motifs d’insatisfaction et de refus sont certainement plus
nombreux lorsque l’on est confronté à un ensemble de politique très vaste que lorsqu’il s’agit
seulement de ratifier un simple accord commercial.
On peut alors se demander la raison de la faiblesse ou de l’absence de mouvements
eurosceptiques dans les autres nouveaux Etats-membres : Grèce, Espagne, Portugal. Il semble
exister une dimension Nord-Sud dans la répartition des mouvements eurosceptique. Nous
pouvons ici avancer plusieurs hypothèses qui nous semblent pertinentes.
- Les avantages matériels de l’adhésion sont plus évident lorsque le pays bénéficiera directement
des fonds de solidarités du budget communautaire. Lorsque un pays est contributeur net, il est
beaucoup plus compliqué d’expliquer les avantages de l’adhésion. Il faut alors passer par des
22
démonstrations économiques et commerciales pour souligner que en dépit des solidarités
financières avec les régions les moins développées de l’Union, il reste avantageux pour un pays
de participer au marché unique. Cette idée est valable en outre pour l’Irlande et l’on a souvent
expliqué ainsi, sans doute trop rapidement, l’ampleur de l’adhésion à l’idée européenne dans ce
pays (alors que la relation particulière avec le Royaume-Uni est aussi un facteur important).
- Dans le cas des élargissements méditerranéens existait aussi une dimension politique et
symbolique forte. Ces pays sortaient de la dictature et de l’isolement. L’adhésion à une solide
communauté de nations démocratiques représentait à la fois l’espoir de renforcer et d’achever la
transition et de sortir de cet isolement. En revanche, les pays d’Europe du nord et des îles
britanniques avaient délibérément choisis de se tenir à l’écart et voient plus comme un
affaiblissement de leur système démocratique l’appartenance à l’Union.
Les Eurobaromètres nous montrent que les mouvements eurosceptiques sont plus nombreux dans
les pays où l’opinion est plus réservée par rapport à l’intégration européenne. Ainsi, les quatre
pays où le soutien à l’euro est le plus faible sont la Suède, la Finlande, le Danemark et le
Royaume-Uni, de 34 à 29 %. L’Allemagne atteint, fin 1997 (enquête n°48) 40%. On retrouve les
opinions de ces pays comme étant les plus réservées dans la plupart des questions. Cependant,
les résultats sont parfois faibles également en Autriche, en Allemagne ou en Belgique et en
France, même si cela est moins systématique et de moindre ampleur. L’état de l’opinion est donc
un facteur explicatif, mais n’est pas déterminant semble-t-il, pour la constitution d’organisations
eurosceptiques dans un pays.
2 L’effet de la procédure référendaire
Le référendum semble être également un facteur déterminant dans la constitution de
mouvements eurosceptiques durables.
23
En effet, les questions européennes ne sont en général pas abordées dans le débat politique. Elles
sont en effet pour beaucoup encore considérée comme de la politique étrangère, et à ce titre, une
moindre priorité leur est accordé par les médias et le personnel politique. En outre, leur aspect
souvent technique n’en fait pas un thème de débat aisé pour une discussion publique. Enfin, dans
la plupart des pays, la construction européenne fait l’objet d’un consensus dans les partis dits
« de gouvernement ». Quant aux choix essentiels sur les nouvelles étapes de la construction
européenne, c’est dans le cadre parlementaire qu’ils se sont fait. Les parlements eux-mêmes
n’étaient généralement associés que marginalement, étant donné l’aspect les procédures
diplomatiques qui régissent la construction européenne, et par conséquent le rôle déterminant du
pouvoir exécutif dans ce processus.
Par conséquent, la convocation d’un référendum sur ce thème offre une opportunité rare de
s’exprimer aux opposants de l’Union. L’attention de l’opinion et des médias est mobilisée de
manière inhabituelle. C’est pourquoi ce peut être une opportunité pour des personnalités
politiques de second rang de se faire mieux connaître en se différenciant de leurs leaders. Alors
que ceux qui aspirent à gouverner ne peuvent véritablement marquer leur opposition au
processus communautaire de manière ouverte : ils auront à terme à exercer des responsabilités
dans ce cadre, ceux qui n’occupent dans un parti que des places subalternes peuvent voir dans un
tel débat public une chance de briller et d’augmenter leurs ressources politiques en rassemblant
autours d’eux une partie des militants et de l’électorat d’un parti. Il est toujours possible par la
suite, une fois un rang plus important atteint, de nuancer les propos anti-Union européenne que
l’on a pu tenir auparavant.
Cette interprétation ne peut expliquer entièrement le fonctionnement des mouvements que nous
avons identifiés. En effet, si l’initiative vient souvent, nous l’avons vus, de personnalités
politiques, sous la forme d’un mouvement « dissident » dans un parti, la formation
24
d’organisations multi-partisanes, fréquente dans le cas des mouvements nordiques, doit pouvoir
s’expliquer autrement.
En effet, dans le cas des trois pays scandinaves ayant procédés à un référendum en 1994, s’est
formé à chaque fois un mouvement unique rassemblant l’ensemble des organisations et des
particuliers rejetant l’adhésion. Il serait nécessaire de se pencher de manière plus approfondie sur
ces cas particulier pour déterminer de manière certaine l’explication la plus pertinente. Il serait
nécessaire pour cela de maîtriser la langue de ces pays afin d’être en mesure de travailler sur des
sources directes, et de reprendre le détail de ces campagnes. Nous pouvons néanmoins avancer
ici une hypothèse, sur la base des documents dont nous disposons, qui est celle du mode de
financement et de l’organisation des campagnes référendaires. En effet, nous avons observé dans
le cas de la Norvège que le Parlement a voté une subvention au mouvement « Non à l’UE » afin
d’équilibrer la campagne gouvernementale. Les opposants de l’Union ont toujours tentés de
démontrer que l’information financée par des fonds publics n’avaient pas l’objectivité qu’ils
souhaitaient mais renforçait au contraire les arguments des partisans du « oui ». L’existence
d’une organisation susceptible de faire usage de ces fonds, plutôt que d’individus et
d’associations dispersées a pu s’avérer utile.
En Irlande, les anti-Maastricht n’ont pu obtenir gain de cause à l’époque devant la justice6 sur ce
même point. Cependant, Patricia McKenna, membre du Parlement Européen pour les
écologistes, a pu obtenir, après une série d’échec, un jugement de la Cour Suprême lui donnant
raison : « il est presque évident en soi que dans une démocratie telle qu’elle est inscrite dans
notre Constitution, il n’est pas possible pour le gouvernement de dépenser de l’argent public
durant une campagne référendaire qui bénéficie à un camp plutôt qu’à l’autre ». Ce jugement a
été obtenu par Mme McKenna à l’occasion d’un référendum sur le divorce mais devrait
s’appliquer lors des prochaines consultations sur l’Union.
6 Anthony COUGHLAN, « Funding and Fiddling in Irish Referenda », in These Tides, numéros 2, p.11.
25
Le temps de parole dans les médias est un autre enjeu. En France, en 1992, les temps de parole
étaient répartis entre les partis politiques - en fonction des règles relatives aux campagnes
électorales habituelles, et sans prendre véritablement en compte leur position quant à la question
du référendum, les partisans du « non » dans d’autres pays ont pu obtenir un meilleur équilibre.
Il en est de même, Irlande mais les dirigeants de la National Platform ont portés plainte contre la
domination du « oui » dans ce domaine et espère un jugement similaire à celui qui a été obtenu
relativement au financement des campagnes.
Les référendums ne se déroulent pas exactement dans les même conditions selon les pays. La
France a ainsi vu se former en 1992 de nombreux comités d’un côté ou de l’autre de l’axe
droite-gauche, mais aucun mouvement unifié. En revanche, du côté du « oui », le Mouvement
Européen a réussi à réunir sur les mêmes tribunes des partisans du Traité de Maastricht issus à la
fois du gouvernement et de l’opposition.
3 Les élections européennes :
Le référendum est certes un catalyseur puissant pour la formation de fortes organisations
eurosceptiques. Néanmoins, une fois le vote acquis se pose la question de leur inscription dans la
durée. En France, les groupement qui s’étaient formés en 1992 n’ont généralement pas poursuivi
leur activités. Cependant, se sont formés autours de Philippe de Villiers d’une part et de Jean-
Pierre Chevènement d’autre part deux nouveaux partis politiques se caractérisant notamment par
leur opposition au Traité de Maastricht qui subsistent encore aujourd’hui. Pour ces deux partis
alors en gestation, les élections européennes de 1994 furent une occasion de tenter de recueillir
les votes des électeurs anti-Maastricht de 1992.
Au Danemark, en Finlande et au Royaume-Uni, des listes et candidats se sont également
présentés sur un programme spécifiquement eurosceptique. Ils étaient à cette occasion en
concurrence avec ceux des partis traditionnels qui ont choisis également de s’opposer à l’Union.
26
Nous avons détaillés dans le chapitre consacré au groupe « Europe des Nations » et dans les
annexes consacrées à ces mouvements, dans quelles circonstances en furent élus ces députés.
L’élection européenne demeure une élection intermédiaire, sans enjeu direct pour la vie politique
nationale. La faible perception du rôle et des pouvoirs du Parlement Européen en fait en outre
une institution marginale et y être élu n’est pas véritablement un atout dans une carrière
politique. Enfin, le mode de scrutin permet aux tendances minoritaires d’y participer dans de
bonnes conditions. Les opposants de l’Union ont donc une possibilité, non seulement d’exprimer
leurs idées hors du cadre des partis traditionnels -lesquels accordent à cette élection une moindre
importance- mais aussi d’y obtenir parfois des élus.
Un succès aux élections européennes est une fin en soi pour les mouvements eurosceptiques
danois : leur action s’y trouve validée par la population, leurs leaders acquièrent une légitimité.
On observe une configuration aux élections européennes fort différente de celle des élections
nationales, du fait des résultats importants des listes anti-européennes.
Cependant, le succès en France de la liste de Philippe de Villiers ne lui a pas permis de faire du
MPF un mouvement politique fort. Il y a donc là aussi une déconnexion entre l’élection
européenne et les résultats des élections nationales. Il sera intéressant d’observer en 1999 si une
éventuelle liste eurosceptique réussira ou non à s’imposer. On pourrait alors s’orienter vers un
cas de figure similaire au Danemark où le thème de l’Europe bouleverse à cette occasion les
comportements électoraux.
B Les formes d’actions et d’organisation retenues
1 La nature particulière des « partis » eurosceptiques
Cette section ne peut s’achever sans une réflexion sur les formes d’actions adoptées par les
organisations eurosceptiques. Nous avons en somme, dans le cadre du champs que nous avons
définis, identifiés trois type d’attitudes :
27
∑ la plus courante est la création d’associations destinées à mener des campagnes
d’opinions contre l’intégration européenne. Elles peuvent ou non y associer des élus
ou des militants politiques, mais se tient à l’écart de la lutte électorale.
∑ une seconde option est de ne participer à la lutte électorale que dans le cas des élections
européennes. En effet, le mouvement étant spécialisé dans son action et les thèmes
qu’il développe, il ne cherche pas à devenir un parti politique à part entière. C’est le
cas des mouvements Danois et Finlandais et ce fut le cas aussi en Suède, même si
cette stratégie semble avoir été abandonnée.
∑ enfin, certains ont choisis de cherche à créer des partis politiques qui présentent des
candidats à toutes les élections. Il s’agit de faire évoluer la politique nationale en
participant au pouvoir. Le thème de l’Europe reste fort dans le discours, mais le parti
se dote d’un programme plus large. Il peut alors perdre à terme sa spécificité, c’est à
dire la manière dont il cherchait à se différencier par son opposition à l’Union
européenne, et devenir un parti généraliste : même s’il conserve ses options sur
l’Europe, celles-ci ne sont plus l’élément déterminant de son identité politique.
L’appellation de « parti » est-elle pertinente pour les mouvements que nous avons identifiés ?
Une définition restrictive nous conduirait à répondre par la négative pour la plupart d’entre eux
si l’on en appliquait les critères de manière systématique. Ainsi, celle que proposaient en 1966
La Palombara et Weiner7 :
« une organisation durable, c’est à dire une organisation dont l’espérance de vie politique est
supérieure à celle de ses dirigeants en place » : ce critère permet déjà d’éliminer le Referendum
Party, lequel s’est dissout après les élections générales en Grande-Bretagne. Son ambition était
essentiellement de faire pression sur les dirigeants politiques, en leur nuisant électoralement, afin
7 cités par Michel OFFERLE, Les partis politiques, P.U.F., Paris, 1987, p.19.
28
d’obtenir d’eux l’engagement d’organiser un référendum sur l’Union européenne. En dépit de
son nom, l’objectif n’a jamais été de constituer un parti politique. Le mouvement suédois
Sverige ut ur EU a pour sa part, suite aux élections européennes de 1995 où il avait souhaité
présenter des candidats, s’est fondu dans l’organisation Nej till EU, laquelle n’avait pas choisi la
voie électorale. Le MPF et le MDC en France se caractérisent tout particulièrement par le rôle
extrêmement important qu’y tiennent leurs présidents-fondateurs. Il reste à démontrer qu’ils
demeureront. Le Folkebevægelse danois peut prétendre correspondre au critère de la durée. Il a
en effet été fondé en 1972, lors du premier référendum sur l’adhésion du pays aux
Communautés. Il a aussi présenté des candidats à toutes les élections européennes. Le UKIP,
bien plus récent, a cependant eu depuis sa fondation au moins trois dirigeants différents.
« une organisation locale bien établie et apparemment durable, entretenant des rapports
réguliers et variés avec le niveau national » : nous manquons de données précises pour établir la
réalité de l’implantation des mouvements que nous étudions ici. La plupart affirment avoir des
réseaux solides dans l’ensemble du pays. Le UKIP n’a cependant été en mesure de présenter des
candidats que dans 24 circonscriptions sur 84 en Grande-Bretagne, ce qui suggère une faible
implantation locale.
« la volonté délibérée des dirigeants nationaux de prendre et d’exercer le pouvoir, seuls ou avec
d’autres, et non pas -simplement- d’influencer le pouvoir » : seuls les dirigeants du MPF, du
MDC et du UKIP affichent une telle ambition, et seuls les deux premiers peuvent espérer
participer à des coalitions de gouvernement (comme c’est d’ailleurs le cas pour le mouvement de
Jean-Pierre Chevènement). Le Referendum Party, nous l’avons dits, se voulait seulement un
instrument de pression. Nous avons aussi cité le programme du Folkebevægelse pour qui
l’élection européenne est seulement un moyen de mesurer l’attitude de la population envers
l’Union. Ne présenter des candidats qu’au Parlement Européen est significatif que l’objectif
29
n’est pas la conquête du pouvoir, puisque cette institution ne participe pas jusqu’ici au choix de
l’exécutif européen. Il s’agit donc plus d’influencer les gouvernements que d’y participer.
« le soucis enfin, de rechercher le soutien populaire à travers les élections ou de toute autre
manière » : ce critère, s’il permet de distinguer les partis des coalitions électorales ponctuelles,
est ici moins déterminant. En effet, si l’objectif n’est pas la conquête du pouvoir, il est
clairement pour toutes ces organisations de rechercher le soutien populaire, notamment afin de
démontrer que les dirigeants politiques sont dans l’erreur en choisissant de contribuer à
l’intégration européenne, contre l’opinion.
Rares sont donc les organisations qui correspondent à cette définition du parti politique. Elles
pourraient en revanche, correspondre à une définition plus ouverte : « un parti est d’abord une
entreprise de représentation participant à la compétition politique (dont les formes légitimes
sont historiquement variables) » résume Michel Offerlé, citant Weber8. En effet, leur point
commun est de chercher à imposer leurs choix politiques (quitter l’Union européenne ou
renoncer au traité de Maastricht) à ceux qui détiennent le pouvoir. Les formes d’actions sont
aussi déterminées par le contexte et non pas par la nature du mouvement : ainsi, le mode de
scrutin britannique encourage plutôt à agir au sein des deux grands partis plutôt qu’à se présenter
contre aux alors que les chances de réunir un nombre significatif de voix sont fort réduites. Il
s’agit donc d’une stratégie et non pas du refus par principe de l’action électorale comme outil
politique. L’ambition est cependant bel et bien de « représenter » en soulignant le décalage entre
l’opinion publique, laquelle serait hostile à l’Europe, et les dirigeants politiques.
En toute hypothèse, nous n’aurions ici affaire qu’à des « petits partis » jouant donc un rôle
marginal dans le système politique de leurs pays respectifs. Les travaux qui leurs sont consacrés
sont rares. En terme de niveau électoral, Daniel Boy9 propose trois types de partis : les « grands
8 ibid. p. 21.
9 Daniel BOY, « Les petits partis : niveau, structure et sens » in Annie LAURENT, Bruno VILLALBA (dir.) : Les petits partis, L’Harmattan, Paris, 1997, p. 47.
30
partis », qui atteignent régulièrement le seuil des 15% ; les « petits partis », dépassant toujours
les 3% mais inférieurs à 15% ; les « micro-partis » en dessous de 3%. Cette dernière catégorie
regroupe les partis d’extrême-gauche, des groupes de dissidents d’une formation politique (à
l’exemple des partisans de Philippe de Villiers) ou encore des candidats représentants des
intérêts catégoriels (à l’exemple des chasseurs du CPNT).
Beaucoup des organisations que nous avons citées se situeraient plutôt selon cette approche dans
cette dernière catégorie. Le cas des élections européennes ne peut, nous l’avons vus, refléter
véritablement l’importance d’une organisation partisane dans un système politique. En outre, à
l’exception du Danemark, la plupart de ces mouvements ne présentent des candidats que depuis
les dernières élections européennes et ne peuvent faire l’objet d’études dans la durée d’un point
de vue électoral.
2 Proposition de regroupement des organisations eurosceptiques
Confronté à l’aspect hétéroclite de TEAM et des organisations eurosceptiques en général, nous
allons tenter les regrouper par catégories plus homogènes. Nous profiterons des articles publiés
relativement aux mouvements n’ayant pas adhérés au réseau, ainsi qu’aux documents que nous
avons pu rassembler par ailleurs, afin de déterminer s’ils pourraient également figurer dans l’une
ou l’autre des catégories que nous proposons. Nous devrions par ce procédé mieux nous repérer
dans la grande diversité idéologique et organisationnelle de tous ces groupements, en vue de
comprendre ce qui détermine et motive leur création et leur existence.
Le critère de départ que nous retenons dans la construction de catégories est la forme d’action
revendiquée : un mouvement peut se voir avant tout comme un groupe de pression, destiné à
influencer les décideurs ou encore comme l’organisateur de campagnes d’opinion, cherchant à
sensibiliser le grand public aux thèmes qu’il défend. Il peut aussi à participer à la compétition
politique sous une forme ou une autre, soit en prétendant se constituer en parti politique à part
31
entière, avec les limites que nous avons vu, soit, en ne présentant de candidats qu’aux élections
européennes et donc en assumant sa « spécialisation » thématique.
On se distinguera donc tout d’abord les organisations qui présentent des candidats : certaines
prétendent constituer de véritables partis politiques, c’est à dire cherchent à participer à toutes
les élections. Afin de les distinguer des partis traditionnels, on se demandera si l’euroscepticisme
est le thème essentiel qui a déterminé la création du parti et motive ses activistes, ou bien si il
n’est que l’un des aspects du programme du parti. D’autres se spécialisent en ne présentant des
candidats qu’à l’occasion des élections européennes. Ce qui particularise ces organisations est le
choix de participer à la compétition électorale.
En ce qui concerne les organisations non-partisanes, il convient d’abord de déterminer quelles
sont leurs relations avec les partis politiques d’une part, et comment elles se situent
politiquement d’autre part. En effet, certaines organisations eurosceptiques sont issues de partis
politiques existant et rassemblent certains de leurs adhérents désireux d’avoir une action
collective, dans le parti et/ou hors du parti, contre l’Union européenne. Par ailleurs, d’autre
mouvements se réfèrent à une idéologie sans nécessairement être lié à un parti particulier. on
retrouve ainsi dans TEAM à la fois des organisations d’extrême-gauche ou des mouvements
conservateurs.
Enfin, certains mouvements disent dépasser les clivages politiques afin de se consacrer
exclusivement à leur action « eurosceptique ». Nous tenterons alors de les étudier en fonction
des formes d’actions qu’ils préconisent : campagnes d’opinion ou action visant un public
spécialisé.
a Les partis « généralistes »
Parmi les membres du TEAM, et les diverses organisations « eurosceptiques » que nous avons
identifiés, figurent des partis traditionnels, c’est à dire ayant leur propre programme et idéologie
32
et dont la création n’a pas nécessairement été motivée par l’opposition à l’Union européenne.
Néanmoins, certains d’entre eux sont proches, du fait de la vigueur de leur opposition, du réseau
TEAM et de ses membres.
Ainsi, participent au TEAM le Parti Communiste autrichien, à titre d’observateur, le Parti du
Centre norvégien, ou le Parti Vert suédois. These Tides a de plus publié des articles relativement
au Mouvement des Citoyens de Jean-Pierre Chevènement ou au Parti Communiste Français. En
revanche, les activistes eurosceptiques s’efforcent d’éviter tout amalgame avec les organisations
d’extrême-droite et il n’y est jamais fait référence comme faisant partie de la « famille »
eurosceptique.
Ces partis « généralistes » nous intéressent moins ici et n’entrent pas directement dans le cadre
de cette étude. En effet, leur opposition s’inscrit dans une tradition idéologique plus vaste.
Certains travaux s’interrogent d’ailleurs sur la manière dont ces traditions déterminent leurs
prises de position sur l’Europe, et dans quelle mesure des considérations stratégiques ou
tactiques les poussent dans certaines circonstances à mettre en avant les thématiques européennes
dans leur activité.
Le Parti Communiste Français peut ainsi trouver intérêt à faire de son opposition à l’euro un
thème de campagne. Il se distingue ainsi de ses alliés plus modérés de la coalition
gouvernementale et se rapproche de l’extrême-gauche, laquelle a connu quelques un succès
récent. Le PCF a donc édité une brochure « Euro : quelques questions qu’il vaut mieux se poser
avant » appelant à une manifestation nationale le 18 janvier 1998. Il se positionnait ainsi comme
porte-parole de la gauche anti-Maastricht.
L’opposition à la construction européenne est aussi un thème de l’extrême-droite. Les partis
nationalistes mettent cependant en avant des questions de société, et plus indirectement l’Europe.
Ainsi, la revendication du retrait de l’Union européenne n’est que très brièvement évoquée dans
33
les brochures du British National Party, alors que c’est pourtant un thème porteur au Royaume-
Uni comme l’indique le très grand nombre d’organisations eurosceptiques dans ce pays10 et les
enquêtes d’opinion.
Il est néanmoins nécessaire dans certains cas de se pencher de manière plus approfondie sur
certains mouvements. En effet, la frontière entre ce que nous appelons ici une organisation
« eurosceptique », et donc spécialisée , d’un parti « généraliste », n’est pas toujours distinctes.
Ainsi, le cas du Mouvement des Citoyens : le MDC semble ainsi a priori appartenir au champ de
notre étude. Il est nécessaire à ce stade de s’intéresser à ce qui est dit dans les documents
politiques du parti. Le MDC se constitue en 1992 mais son existence en tant que parti politique
autonome débute officiellement au congrès de Saint-Egrève 1993, à la suite des élections
législatives. La différenciation première avec le reste du Parti Socialiste semble en effet être son
opposition à la construction européenne telle que la conçoivent les partisans du Traité de
Maastricht. L’historique du parti11 indique que le courant de Jean-Pierre Chevènement au sein du
Parti Socialiste « a refusé le tournant libéral pris en 1983 » : en effet, « il a refusé "l'alibi"
utilisé par les socialistes pour habiller leur conversion en sociaux-libéraux : l'Europe libérale,
c'est-à-dire la construction européenne, telle qu'elle a été retenue par François Mitterrand. (...)
Ce différend s'est retrouvé au moment de la signature du traité de Maastricht puis du
référendum sur sa ratification ». Comme la plupart des organisations eurosceptiques « de
gauche », le MDC assimile l’Union européenne au libéralisme économique et la rejette de ce
fait.
Le troisième Congrès de ce parti, en octobre 1996, a réuni 400 délégués. La motion d’orientation
adoptée alors accorde une grande place à l’opposition à l’Union. Cependant , les documents de
présentation du parti ne font pas de cette opposition une priorité. Ainsi, il est d’abord mis en
10 Where we stand, dépliant du British National Party, Londres, 1997.
11 http:// www.mdc-france.org/mouve.html
34
avant « l'accomplissement de la République dans tous les domaines ». Il se réclame de
« l'héritage de la Révolution française et du mouvement socialiste, le Mouvement des Citoyens
ne considère pas le capitalisme comme la fin de l'histoire ». Le MDC affirme ensuite seulement
son attachement à la Nation, à l’emploi, et à la solidarité et n’aborde qu’enfin le thème de la
construction européenne : « le Mouvement des Citoyens oeuvre pour la construction d'une
Europe confédérale ouverte à l'Est et solidaire du Sud, respectueuse des nations qui la
composent ».
C’est pourquoi il nous apparaît que, si l’euroscepticisme est une partie importante de son action,
son programme et de son discours, le MDC ne semble pas appartenir véritablement au champ
que nous avons définis pour cette étude. En effet, une partie importante de son identité partisane
est liée à une tradition républicaine jacobine très spécifique et le rejet de l’Union européenne
issue du Traité de Maastricht semble n’être qu’une conséquence de cette orientation idéologique
et non pas un facteur essentiel de l’identité du mouvement. En effet, il admet se rapprocher par
cet aspect du Parti Communiste ou d’autres organisations de gauche et ce n’est donc pas par son
discours sur l’Europe qu’il entend se différencier.
En outre, le MDC se tient à l’écart des réseaux d’organisations eurosceptiques que nous avons
identifiés. Si des mouvements d’extrême-gauche participent au TEAM, les liens de celui-ci avec
le groupe « Europe des Nations » dont les membres français sont les élus du MPF peuvent
expliquer cette distance. Néanmoins, les animateurs du TEAM reconnaissent le MDC comme
étant favorable à leurs orientations sur l’Europe, et ont publiés dans These Tides un article sur le
mouvement12. Ils y soulignent néanmoins que la nomination de Jean-Pierre Chevènement
comme ministre de l’intérieur pourrait être un « cadeau empoisonné » pour les anti-Maastricht
en France, dont l’un des leaders va être conduit à mettre en oeuvre les accords de Schengen et la
citoyenneté de l’Union.
12 These Tides, numéro 2, p.9.
35
b Les mouvements ayant choisis la démarche électorale
En conservant à l’esprit les précautions que nous avons prises quant à la nature véritablement
partisane des diverses organisations dont nous traitons, nous ne pouvons que définir une
catégorie assez vaste tenant compte avant tout du choix de participer sous une forme ou sous une
autre à la compétition électorale, sans préjuger de leur vocation à devenir ou non des partis
politiques authentiques, ou à de leur capacité à obtenir des postes de pouvoir politique ou à
rassembler les suffrages.
Cette catégorie rassemble d’une part des organisation ayant la prétention de devenir de véritables
partis politiques, et cherchant à participer par conséquent à toutes les élections politiques, et
d’autre part celles ne présentant des candidats qu’aux élections européennes. Cependant une telle
distinction, si elle est formellement juste, les deux démarches diffèrent nettement, ne nous
apprend guère. En effet ne correspondraient à ce premier volet, si l’on écarte définitivement le
MDC, que le MPF (Mouvement pour la France), et le UKIP (United Kingdom Independance
Party). Or ces deux partis n’ont rien de semblable. Le MPF est dirigé par une personnalité
politique connue, Philippe de Villiers, lequel a participé à un gouvernement et a présidé une
collectivité territoriale. Il s’appuie sur un réseau d’élus locaux et nationaux qui, tout en étant
faible en comparaison des principaux partis français, n’en a pas moins un fondement solide. Le
MPF est en effet fondé à la suite d’une scission de partis de la droite modérée et ses animateurs
disposent d’un capital politique de départ conséquent. Les perspectives de développement du
MPF sont limitées : ses résultats électoraux en témoignent, mais le parti trouve sa place dans le
système partisan, comme partenaire potentiel des grands partis. Ses fondateurs ont su en outre
obtenir une dizaine d’élus au Parlement Européen.
Le UKIP en revanche est lui groupusculaire. Son fondateur est un universitaire et il rassemble
des militants déçus et des citoyens mécontents. Il ne compte pas dans ces rangs de personnes
ayant une expérience politique solide. Sans élus, il ne peut non plus s’appuyer dans son action
36
sur aucune structure institutionnelle. Sans personnalités, sa présence médiatique est réduite.
Enfin, il n’a pas su trouver un électorat significatif à ce jour, alors que le score des Verts lors des
élections européennes de 1989 a montré que ce n’étais pas toujours impossible en dehors des
trois principaux partis. Sans exclure des chances de succès à venir pour le UKIP, force est de
constater la faiblesse de ses ressources.
En revanche, les mouvements ne présentant de candidats qu’aux élections européennes forment
un ensemble homogène. En effet, il semble que l’expérience du Mouvement Populaire danois a
servi d’inspiration aux autres organisation dans les pays scandinaves. C’est pourtant seulement
au Danemark que des sièges ont été obtenus par le Folkebevaegelsen et le JuniBevaegelsen (les
détails relatifs à ces organisations figurent en annexe). En Finlande, Vaihtoehto EU a tenté sans
succès la même expérience. En Suède, la question de la participation à l’élection européenne a
causé une scission au sein du mouvement qui avait mené la campagne du « non » à l’adhésion, le
Folkrörelsen nej til EU, avec la création de Sverige ut ur EU.
c Les organisations issues de partis politiques
Certains partis politiques sont extrêmement divisés relativement à la construction européenne. Il
arrive alors soit que le parti laisse à ses membres la liberté de s’engager pour ou contre l’Union,
soit que une minorité eurosceptique décide de s’engager hors du parti sous la forme
d’organisations autonomes, mais réunissant des membres du parti et s’y référant explicitement.
On trouve ce type d’organisations au Royaume-Uni comme dans les pays scandinaves. Ainsi, le
Parti du centre en Suède a vu naître une organisation rassemblant ses membres favorables à
l’adhésion et une autre rassemblant les opposants, qui menèrent chacune campagne de leur côté.
Le «Centre pour le Non à l’UE » subsiste encore et adhère au TEAM. Son objectif est
essentiellement d’agir au sein du parti pour promouvoir la vision eurosceptique et influencer le
programme. En Angleterre, les « Conservateurs contre une Europe Fédérale » (CAFE) semblent
37
jouer un rôle similaire et organisent des conférences en parallèle aux Congrès du parti
conservateur. Des travaillistes ont également formés une association opposée à l’euro.
Cette formule permet de conserver les avantages que procure une structure partisane forte tout
en se donnant les moyens de promouvoir sur les questions européennes un point de vue
différent. Il s’agit à la fois d’un instrument de lobbying interne au parti et d’une manière de
marquer publiquement sa différence vis-à-vis de la direction. Cela nécessite cependant que le
parti dont ces organisations sont issus admette des courants divergeants en son sein.
d Les organisations « progressistes » et « conservatrices
De nombreuses organisations eurosceptique, quoique ne se réclamant pas d’un parti politique
particulier, défendent néanmoins une idéologie politique, et peuvent être facilement situées sur
l’axe droite-gauche. Nous aborderons leurs discours particulier dans la seconde partie de ce
travail. Il est possible cependant de souligner d’entrée de jeu leur appartenance aux courants les
plus radicaux.
Nous trouvons donc ainsi dans le TEAM, mais aussi surtout en dehors, de nombreux
« Comités » d’extrême-gauche luttant contre les Traités de Maastricht et d’Amsterdam. Ils
assimilent la construction européenne au capitalisme et à la mondialisation, lesquels
empêcheraient le progrès social. La plupart de ces comités sont assez informels et regroupent des
membres d’organisations diverses. C’est ainsi le cas du « Mouvement contre l’Europe de
Maastricht et la globalisation économique » en Espagne ou du « Comité national pour
l'abrogation du traité de Maastricht » en France. C’est essentiellement au sud de l’Europe que
l’on trouve ce genre de réseaux (Espagne, France, Italie, Grèce) qui tente de forger des
passerelles entre l’extrême-gauche, les partis communistes et une partie des militants de la
gauche modérée.
38
On compte ainsi des organisations conservatrices ou libérales. L’Europe est alors une nouvelle
forme de l’étatisme et du socialisme. Ces organisations, essentiellement britannique, mais pas
uniquement, se réclament ainsi volontiers de Margaret Thatcher. On y retrouve ainsi le « Groupe
de Bruges », ou la Freedom Association.
e Les organisations de campagne non-partisanes ou transpartisanes
A l’occasion des référendums relatifs à l’adhésion à l’Union européenne en 1994, se sont formé
dans les pays scandinaves des organisations non-partisanes ou transpartisanes en vue de
promouvoir un vote négatif. Ces organisations ont subsisté suite aux référendums, demandant
cette fois le retrait de leur pays de l’Union. L’argumentation repose essentiellement sur le fait
que les référendums auraient été biaisé par des informations infondées et des campagnes
inéquitables. La relance du TEAM a été proposée par les leaders de l’organisations norvégienne
Nei til EU, l’une des plus ancienne et la seule qui ait réussie, qui tente aujourd’hui de convaincre
ses compatriotes que l’existence de l’Union est en elle-même nuisible au pays, puisque, par
l’intermédiaire de l’Espace économique européen et des accords de Schengen, elle continue à
vouloir imposer sa loi à la Norvège.
En Grande-Bretagne, la Campaign for an Independant Britain tente de jouer un rôle similaire.
Mais de très nombreuses associations, se sont formées, s’efforçant ensuite de se regrouper, en
vue de mener des campagnes d’opinion contre l’appartenance à l’euro ou plus généralement à
l’Union européenne. Ces regroupements sont notamment l’Anti-Maastricht Alliance et sa Save
the Pound Campaign.
L’avantage de cette formule est qu’elle permet de rassembler, autours d’un message simple, un
maximum de personnes, en particulier des citoyens non politisés que une organisation partisane
aurait rebuté. Il s’agit donc de mobiliser l’opinion autours d’une grande cause nationale au delà
des clivages habituels. Un tel rassemblement n’est possible que face à un danger extérieur grave.
39
Ces organisations n’hésitent généralement donc pas comme nous le verrons en étudiant leur
discours à dramatiser l’enjeu, mettre en valeur le péril et donc la nécessité d’agir collectivement
en vue de préserver les intérêts de la nation grâce à une grande coalition.
f Fondations, clubs et organismes académiques
Outre les mouvements destinés à mener campagne, existent aussi de nombreux clubs ou « think-
tanks » destinés à mener des analyses détaillées et à publier des études sur l’Union européenne,
en vue notamment de fournir des arguments précis et scientifiques aux eurosceptiques. La
European Foundation ou European Research Group mènent de tels travaux en associant
notamment des parlementaires spécialisés dans les affaires européennes de plusieurs parlement
nationaux, et des députés européens eurosceptiques, ainsi que des universitaires et des experts.
III La mise en réseau au niveau international des organisations eurosceptiques
Nous terminons cet état des lieux en présentant ce qui nous a servi de point de départ dans notre étude : les réseaux internationaux d’organisations eurosceptiques. Ils sont de création récente : le groupe « Europe des Nations » qui offre un soutien institutionnel est né en effet seulement après les européennes de 1994, grâce au succès de la liste De Villiers en France.
A Au Parlement Européen
Les élections européennes sont une occasion privilégiée pour les mouvements politiques
eurosceptiques pour s’exprimer. En effet, même si les thèmes nationaux demeurent la plupart du
temps prépondérants, les thèmes européens y sont plus présents qu’à l’accoutumée. Il est donc
possible plus directement de faire valoir sa différence par rapport aux partis traditionnels. En
outre, la proportionnelle permet plus facilement que dans d’autres compétitions électorales
d’obtenir des élus.
Ces élus se sont rassemblés dans un groupe parlementaire, le « Groupe des Indépendants pour
une Europe des Nations » (EDN). Nous mentionnerons également le « DAVID group » qui
rassemble les députés eurosceptiques de plusieurs partis nordiques.
40
Par ailleurs nous avons soulignés l’existence d’une organisation intitulée « The European Anti-
Maastricht Alliance » (TEAM) qui publie le magazine « These Tides : for all those working for
a post-EU Europe» qui est l’une des sources importante de notre recherche. Le magazine est
publié « en association avec le groupe EDN ». Il est enregistré en Angleterre mais son adresse
est au Parlement européen. Le groupe offre donc un soutien logistique au réseau et certain élus y
participent activement.
1 Le Groupe des Indépendants pour une Europe des Nations
Le groupe « Europe des Nations » est composé de députés de quatre pays de l'Union
européenne : 4 danois, 10 français, 1 britannique et 2 néerlandais13 :
Les députés élus en France l’ont été sur la liste « La Majorité pour l’autre Europe » dirigée par
Philippe de Villiers. Elle a obtenu 12,33% des suffrages exprimés, se plaçant ainsi en troisième
position, et obtenant 13 sièges14. De Villiers était alors membre du Parti Républicain. Sa liste
était financée en grande partie par l’homme d’affaire franco-britannique James Goldsmith,
décédé depuis. Suite à ce décès, et à l’élection de Philippe de Villiers à l’Assemblée Nationale
lors des élections législatives anticipées de juin 1997, Eric Pinel et Stéphane Buffetaut sont
devenus à leur tour membres du Parlement Européen. Ils sont tous deux membres du
Mouvement pour la France, fondé par Philippe de Villiers en 1997, comme les autres élus de sa
liste, à l’exception de Thierry Jean-Pierre, aujourd’hui trésorier de Démocratie Libérale.
Les membres danois du groupe sont eux issus de deux mouvements politiques : Jens-Peter
Bonde, le président, et Ulla M. Sandbaek sont élus du JuniBevaegelsen, le « Mouvement de
Juin », fondé suite au référendum de juin 1992 sur le Traité de Maastricht. Il a obtenu 15,2% des
voix, se plaçant ainsi en quatrième position lors des élections européennes au Danemark. Les
deux autres élus danois, Ole Krarup et Lis Jensen, sont issus du Folkebevaegelse, « Mouvement
13 http://www.europarl.eu.int/edn/membres.html
14 John GAFFNEY, « France », in Juliet LODGE (dir.), The 1994 elections to the European Parliament, Grande Bretagne : Pinter, 1996, p. 100.
41
populaire contre l’Union européenne », fondé en 1972 à l’époque du premier référendum sur
l’adhésion aux Communautés européennes, lequel avait obtenu, en 1989, 18,9% des voix et 4
élus. Il obtient en 1994 10,3%. A eux deux, les mouvements spécifiquement eurosceptiques ont
regroupés 25,5% des voix (avec un taux de participation de 52,5)15.
Les autres élus apportent un appoint au groupe. Nous détaillons ici brièvement leur origine, car
les mouvements dont ils sont issus ne s’inscrivent pas directement dans le cadre que nous nous
sommes fixés. Une présentation du MPF et des deux mouvements danois figure en annexe.
A l’opposé des principaux partis des Pays-Bas, les petites formations ont généralement adopté
une attitude anti-Union européenne lors de la campagne des élections européennes de 199416.
Les élus néerlandais, Johannes Blokland et Rijk van Dam, sont issus d’une coalition de partis
protestants de droite, dits « chrétiens orthodoxes »17, ou « fondamentalistes calvinistes »18,
formée en vue des élections européennes : le Staatkundig Gereformeerde Patij (SGP), le
Gereformeerd Politiek Verbond (GPV) et le Reformatorische Politieke Federatie (RPF). La liste
commune de ces partis qui avait déjà obtenu un élu en 1989 avec 5,9%, a obtenu 7,8% et un élu
supplémentaire, contre 4,8% aux élections générales la même année19. A la différence des
élections nationales, il est nécessaire d’obtenir 4% des voix, et non pas 0,67% pour obtenir un
siège. Ceci explique la formation de listes communes. Les partis en question n’avaient pas
réussis à se mettre d’accord en 1979, lors de la première élection au suffrage universel du
Parlement Européen. Le RPF souhaitait que « la voix de la Réforme » s’y exprime mais le GPV
craignait un affaiblissement de son identité partisane. Néanmoins, un plus grand nombre
d’alliances au niveau local et régional a permis la formation de listes communes lors des
15 Hans Jorgen NIELSEN, « Denmark », in in Juliet LODGE (dir.), ibid., p. 59.
16 Bart VAN DEELEN, « Benelux », in Juliet LODGE (dir.), ibid., p. 48.
17 Eric OPPENHUIS, « The Netherlands : Small Party Evolution », in Cees VAN DER EIJK et Mark N. FRANKLIN (dir.), Choosing Europe, Etats-Unis : University of Michigan Press, 1996, p. 211.
18 John GAFFNEY, op.cit., p.102.
19 Bart VAN DEELEN, ibid., p.49.
42
élections européennes ultérieures. Néanmoins, chaque parti affirme nettement sa différence. Les
fondateurs du SGP (1918) et du GPV (1944) étaient divisés par des désaccord religieux
aujourd’hui moins importants. Les élections européennes ont encouragées la coopération entre
ces partis en général20. Comme nous le voyons, la principales caractéristique de l’« Eurofractie »
est confessionnelle. Néanmoins, les élus parlementaires affirment que leurs partis rejettent l’idée
d’une Europe fédérale, laquelle vise uniquement la puissance politique et économique et non pas
les intérêts des peuples, ce qui est incompatible avec les valeurs de ces partis. « Comme la
plupart des eurosceptiques », leur opposition à l’Union est motivée par la recherche d’une plus
grande coopération internationale qui se fasse dans le respect de « l’autonomie nationale,
culturelle et démocratique »21.
Enfin, l’arrivée de James Nicholson, élu d’Irlande du Nord pour le Ulster Unionist Party, a
permis à EDN de conserve le nombre d’élus requis pour former un groupe au Parlement
Européen. Il siégeait auparavant au groupe du Parti Populaire Européen (PPE)22.
2 « SOS Démocratie »
Les députés appartenant au groupe EDN se répartissent dans les diverses Commissions qui
structurent le travail du Parlement Européen. En outre, ils ont été à l’initiative d’un « appel »
intitulé « SOS Démocratie » contre le Traité d’Amsterdam pour lequel ils ont recueillis les
signatures de députés d’autre groupes. Le texte a pour but « d'alerter les peuples européens sur
la réduction de leurs pouvoirs de décision et de contrôle découlant du traité d'Amsterdam ». En
effet, le Traité « affaiblirait gravement la démocratie en Europe ». Il a été présenté par Georges
Berthu le 10 mars 1998 à Strasbourg. 35 membres du Parlement Européen l’avaient signés au
1er avril dernier23. Ce sont ainsi joints aux membres du groupe EDN le français Philippe Martin,
20 Eric OPPENHUIS, op.cit., p. 224.
21 These Tides, numéro 3, Bruxelles, 1998, p.13.
22 Neill NUGENT, « The United Kingdom », in Juliet LODGE (dir.), op.cit., p.178-179.
23 http://www.europarl.eu.int/edn/sos.html
43
RPR, élu sur la liste De Villiers, et siégeant au groupe UPE, neuf élus suédois, un finlandais, une
écologiste irlandaise, un grec, deux portugais, membres du CDS, et trois travaillistes
britanniques.
3 Le « groupe David »
Le « groupe David » est un groupe informel au sein du Parlement Européen qui rassemble des
députés danois, finlandais et opposés au Traité de Maastricht. Ces liens sont le prolongement de
la coopération trans-partisane au niveau nationale entre les opposants à l’Union. L’objectif du
groupe est de coordonner les activités de ces députés dans leur travail au Parlement Européen
dans une optique « nordique ». Le groupe se rencontre une fois par mois durant les sessions
plénières à Strasbourg. Les assistants des députés appartenant au groupe se rencontrent deux fois
par mois à Bruxelles24.
Ses membres danois sont les élus du groupe EDN. Les Suédois sont Jonas Sjöstedt, Marianne
Eriksson et Jörn Svensson (Vänsterpartiet, Parti de la Gauche), Per Gahrton, Malou Lindholm,
Ulf Holm, Inger Schörling (Miljöpartiet, Parti Vert), Hans Lindqvist (Centerpartiet , Parti du
Centre). Soulignons que ce dernier a été « chairman » de Nej till EU, organisation membre du
TEAM. Enfin, le Finlandais Esko Seppänen (Alliance de Gauche) participe également.
B TEAM : The European Anti-Maastricht Alliance
Le groupe « Europe des Nations » est associé à un réseau international nommé « The European
Anti-Maastricht Alliance » (TEAM), lequel a son secrétariat au Parlement Européen. En effet,
les deux partis danois du groupe sont membre de l’organisation.
TEAM a été fondé le 11 décembre 1992, à l’occasion d’un contre-sommet organisé lors de la
réunion du Conseil européen à Edimbourg. Une déclaration avait alors été adoptée par les
organisations représentées mais le réseau n’était alors pas structuré. C’est en 1996 et 1997 que
24 http://www.eusceptic.org/welcome.html
44
TEAM a été relancé, à l’initiative de Kristen Nygaard, alors dirigeant de l’organisation
norvégienne « Non à l’Union Européenne ». Une conférence réunie à Copenhague le 3 mars
1997 a permis l’adoption de statuts et l’élection d’un bureau25. 47 organisations y étaient
représentées26.
L’article 1 des statuts de TEAM indique que son objectif est de « travailler à une Europe où
coopèrent des nations démocratiques et contre une Europe fédérale qu’implique le Traité de
Maastricht sur l’Union européenne. Les membres de TEAM sont des organisations ou des
groupes organisés qui ont déclarés leur accord et leur support à la déclaration d’Edinburgh ».
Ces objectifs sont explicités dans l’article deux. Nous reviendrons à ces objectifs dans la seconde
partie de ce travail.
Le TEAM accepte à la fois des organisations membres et des observateurs. L’Assemblée
générale annuelle décide relativement aux candidatures. Chaque pays dispose de douze voix.
Ainsi, des organisations différentes issues d’un même pays se partagent ces voix. Le Bureau peut
proposer l’exclusion d’une organisation qui ne respecterait pas les statuts de l’organisation.
L’Assemblée générale est composée de représentants des associations membres. Le Conseil,
lequel se réunit entre temps, est lui composé de une personne par pays. Les organisations
membres venant d’un même pays doivent nommer ensemble cette personne. Enfin, le Bureau est
composé de six personnes élues par l’Assemblée générale. Il est animé par un « Coordinateur ».
Les statuts de l’association indiquent que l’on s’efforce de prendre les décisions d’un commun
accord. Ils prévoient néanmoins une procédure de vote. On remarque dans les statuts de
l’organisation le soucis de donner un fondement national au réseau avec une stricte égalité des
différents Etats où sont présents les organisations-membres. En outre, la taille de ces dernières
25 These Tides, numéro 1, Bruxelles, mai 1997, p.6.
26 Le nombre d’organisations représentées lors de cette rencontre varie entre 40 et 47 selon les articles (cf. These Tides, numéro 2, p.25. En toute hypothèse, seules huit d’entre elles ont choisies de participer en tant que membres fondateur à la création de l’association, dont il est vrai, un réseau d’associations britannques. Cf. These Tides, numéros 1, p.6.
45
n’est pas non plus prise en considération. Enfin, on s’efforce d’éviter de nommer un président,
en adoptant le terme plus neutre de coordinateur, soulignant ainsi l’aspect décentralisé et peu
formel du réseau.
On soulignera ici à nouveau l’aspect peu formel du réseau puisque, quoi que le MPF
n’appartienne pas à TEAM, l’un de ses députés européen, monsieur Fabre-Aubespy, est membre
du Bureau de l’organisation. Le secrétariat de l’association étant situé au siège du groupe Europe
des Nations au Parlement Européen, cette participation souligne aussi à nouveau les liens entre
le groupe et l’association.
Suite à l’Assemblée générale de Londres, l’organisation compte désormais 31 organisations de
11 pays différents, dont trois ne sont pas membres de l’Union (Islande, Norvège et Suisse). Six
de ces organisations n’ont cependant qu’un statut d’observateur.
Seconde partie :
Le discours des organisations eurosceptiques : une vision alternative de l’identité européenne
Nous avons, dans la première partie de ce travail, fait un état des lieux des organisations
eurosceptiques en Europe. Elles sont très diverses dans leur organisation, leurs modes d’action,
et leurs objectifs. Néanmoins, elles ont constituées entre elles des réseaux, nationalement et
internationalement. Il existe donc sans doute un certain nombre de caractéristiques communes à
ces organisations qui les incitent à être en contact régulier, voire à travailler ensemble, à tel point
que des eurosceptiques britanniques ont lancés des appels publics afin de récolter des fonds pour
les mouvements menant la campagne du « non » lors du référendum sur le Traité d’Amsterdam
au Danemark. Nous allons ici, sur la base des publications des organisations que nous avons
identifiées, tenter de déterminer quels sont ces caractéristiques communes et dans quelles
46
mesures elles peuvent permettre de singulariser et de différencier un comportement, une identité
politique que nous avons appelé ici « eurosceptique ». Bien évidemment, nous examinerons
aussi ce qui différencie ces organisations entre elles. Par ailleurs, nous tenterons de rendre plus
distincte cette vision de l’Europe qui est proposée par le discours eurosceptique, comme
alternative à celle des partisans de l’Union, des institutions communautaires et des
gouvernements. Enfin, nous tenterons de situer cette mouvance dans la perspective de la
construction progressive d’un hypothétique espace politique européen autonome.
IV Les organisations eurosceptiques dans l’axe droite/gauche
Le premier thème qu’il convient d’éclaircir est celui du positionnement des organisations
eurosceptiques sur l’axe droite-gauche. En effet, nous avons opéré cette distinction dans la
première partie de l’étude. Elle est légitime puisqu’elle reflète, au-delà de leur auto-
positionnement, leur situation dans un espace politique déterminant leurs alliances, leurs réseaux
et leur public. Enfin, elle détermine l’existence d’un discours spécifique reflétant une tendance
idéologique.
Nous conservons à l’esprit les réserves que certains chercheurs ont pu soulever quant à la
pertinence du dualisme droite-gauche, notamment dans un cadre comparatiste. « En réalité, ces
mots revêtent des acceptions différentes en fonction des situations et de l’évolution historique »
résume Daniel-Louis Seiler27. Il serait donc délicat de procéder à un classement de toutes les
organisations eurosceptique en Europe en ne prenant compte que du clivage socio-économique
qui s’est longtemps confondu partiellement avec le clivage droite-gauche. En outre, positionner
précisément ces organisations sur un axe droite-gauche, lequel offre plus de nuances,
nécessiterais une connaissance approfondie des systèmes politiques des pays dont elles sont
issues, ce qui dépasse les limites du présent travail. On verra cependant parfois dans la
27 Daniel-Louis SEILER, Les partis politiques, Armand Colin, Paris, 1993, p. 44.
47
description de certaines organisations (en annexe) une tendance dominante : ainsi, la « gauche »
danoise est très présente dans les mouvements eurosceptiques. Une telle approche serait rendue
encore plus hasardeuse par le caractère transpartisan de ces mouvements, ou leur volonté de
dépasser les clivages habituels en vue de rassembler sur l’opposition à l’Union.
Nous nous intéresserons donc dans cette section essentiellement au discours des organisations
qui s’opposent à l’Union précisément du fait de leur affiliation idéologique. L’ensemble du
champs politique n’est pas représenté. On n’y retrouve en effet pour surtout deux tendances
représentants des options radicales de part et d’autre d’un clivage socio-économique. D’une part
ce que l’on appelle généralement l’« extrême-gauche », au sens large, est très présente, c’est à
dire une gauche qui n’a pas renoncé à transformer profondément la société et refuse les
concessions faites à l’économie de marché par les partis sociaux-démocrates et socialistes
modérés. L’Union est un instrument du capitalisme contre les travailleurs, lesquels sont mieux
protégés dans le cadre des Etats. Elle est une manière d’imposer la mondialisation économique.
D’autre part, des organisations regroupent les partisans d’un libéralisme économique radical.
L’Union est alors une nouvelle incarnation de l’Etat qui entrave par ses lois la libre-entreprise.
A La gauche contre une « Europe du grand capital »
L’Union européenne symbolise pour la gauche anti-Maastricht le triomphe de la « pensée
unique », c’est à dire la nouvelle hégémonie culturelle du libéralisme économique. C’est
pourquoi elle est la cible des critiques, tout comme le FMI, la banque mondiale et le G7. Elle est
un moyen pour les partisans de l’économie de marché de justifier des sacrifices sociaux par la
contrainte extérieure et les nécessités de la mondialisation économique. La monnaie unique est
en particulier l’objet de la contestation : elle imposerait en effet une sorte de « constitution »
économique, laquelle rendrait légalement impossible la réalisation de véritables politiques de
48
gauche, les Etats étant désormais privés des instruments budgétaires et monétaires pour ajuster
leurs économies aux besoins de leurs populations.
Cette constatation amène naturellement à se distinguer fondamentalement de la gauche modérée,
laquelle partagerait avec la droite ces options : « la majorité des syndicats et de ce que l’on
appelle la « gauche » sont, en général, en pleine communion avec l’architecture générale du
« projet européen », sans aucune réserve quoi qu’il en soit sur le fait que l’essence même de ce
projet reflète les intérêts des élites économiques »28. La « pensée unique » est alors non
seulement une certaine vision, dominante depuis la fin de la guerre froide, mais avant tout
l’expression des intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir économique et politique.
Le Traité de Maastricht serait imposerait de ce fait des sacrifices sociaux et des réformes au
service du libéralisme économique : il organise les restructurations-licenciements au nom de « la
compétitivité de l'industrie » afin d’« accélérer l'adaptation de l'industrie aux changements
structurels ». Il oblige à la privatisation de services publics au nom de la concurrence. Il affaiblit
les droits des travailleurs sous prétexte de favoriser leur libre-circulation. Ainsi, « la Cour
européenne de justice enjoint la France de renoncer à l'interdiction légale du travail de nuit des
femmes dans l'industrie »29. La jeunesse se voit imposer un travail précaire sous prétexte de
« politiques de formation professionnelle » et en vue de « stimuler la coopération entre
établissements d'enseignement et d'entreprises » offre aux chefs d’entreprise une main d’oeuvre
bon marché. En somme, la plupart des politiques relatives à l’entreprise et au travail seraient
imposées par les Traités européens, aux dépens des travailleurs.
En outre, le « volet social » du Traité d’Amsterdam ne permettra en réalité que de mettre en
oeuvre jusqu'au bout la politique de déréglementation, de destruction du droit du travail, des
Codes du travail, des conventions collectives, en vue d’améliorer la flexibilité du travail et en
28 Ramón Fernández DURAN : « A New Social Movement is forcing its way on the Spanish scene » in These Tides, numéros 1, p.23.
29 Source : site internet du « Comité pour l’abrogation du Traité de Maastricht ».
49
raison des nouvelles formes de travail naissantes. Sous couvert de faire une « Europe sociale »,
on cherche en fait à imposer par le haut de nouvelles conditions de travail qui ne correspondent
pas aux intérêts des travailleurs.
Enfin, la mise en oeuvre de la monnaie unique, et en particulier les critères de convergences
définis par le Traité sur l’Union européenne en vue de réaliser l’union économique et monétaire
sont de graves atteintes à la souveraineté de l’Etat. Elles rendent impossible une véritable
politique de gauche. « C'est au nom de cet article que le gouvernement ferme les classes, les
écoles, démantèle les hôpitaux... » : la réduction des déficits publics requis en vue de se
conformer à ces critères ne seraient nécessaire que du fait du Traité. L’austérité budgétaire est
imposée par l’Europe et se fait au détriment des services publics et de la présence de l’Etat.
« L'Europe ne sera synonyme de démocratie, de progrès et de paix, que lorsque le traité de
Maastricht aura été abrogé, le traité d'Amsterdam repoussé, la monnaie unique rejetée ». On
critique le manque de transparence : les décisions sont imposées alors que ceux qui les prennent
n’ont pas de mandats pour le faire, n’ont pas annoncés leurs attentions et qu’il n’existe pas de
moyens démocratiques pour les en empêcher.
En somme, les principaux arguments expliquant l’opposition de gauche à l’intégration
européenne sont les suivants :
∑ la gauche modérée est alliée à la droite dans la défense d’une « pensée unique » qui ne
reflète que les intérêts des détenteurs du pouvoir économique et politique ;
∑ l’Union européenne est un instrument pour imposer la mondialisation économique ;
∑ l’union économique et monétaire est un carcan qui empêche de réaliser nationalement
de vraies politiques de gauche ;
∑ l’Union européenne impose des sacrifices sociaux ;
50
∑ l’Union européenne se construit sans transparence et sans démocratie.
B La critique libérale : un retour par le haut du pouvoir de l’Etat
L’euroscepticisme libéral est diamétralement à l’opposé de cette vision. Selon Christian
Bergqvist, du BUUSK : « L’UE est de plus en plus dominée par les idées « socialistes » et, en
particulier avec le Traité de Maastricht, l’UE a fait un pas de géant dans la mauvaise
direction »30. Chris R. Tame, s’exprimant dans un article pour le Groupe de Bruges31, explique
que « le caractère politique de l’euroscepticisme est généralement celui du libéralisme, au sens
le plus large, que ce soit un conservatisme orienté en faveur du marché, une pensée libre-
échangiste, un libéralisme classique ou un libertarisme radical ». C’est une erreur de penser que
le marché est le fondement de l’intégration européenne : il n’a été que le prétexte à la
construction d’un super-Etat. L’Union européenne n’est pour lui que du mercantilisme et du
néo-corporatisme et non pas une véritable économie libérale.
Il convient pourtant ici de souligner que cette approche assez radicale du libéralisme n’est pas
nécessairement partagée par tous les mouvements eurosceptiques que l’on pourrait classer à
droite : on retrouve ici les caractéristiques nationales. La critique de l’Union au nom du
libéralisme économique est essentiellement du fait de mouvements britanniques, et parfois
scandinaves, minoritaires. Il s’agit d’une approche héritée de la politique de Margaret Thatcher,
et donc assez spécifique. En revanche, le Mouvement pour la France, par exemple, ne partage
pas du tout cette vision. Ainsi, concernant la politique commerciale, sa position est que
« l’orientation libre-échangiste donnée par la Commission » a aboutie « aux dérives
actuelles »32. Le MPF se situe plus dans la perspective de la critique du libre-échangisme, et
donc du GATT et de l’AMI et dans la défense des services publics et du pouvoir de l’Etat que
30 These Tides, numéros 2, p.16.
31 Chris R. TAME : « The Meaning of Euro-Scepticism », sur le site Internet du Groupe de Bruges.
32 Bruno ERHARD-STEINER : « La défense commerciale de la Communauté » in L’Europe des Nations et la CIG, Paris, 1996. Compte-rendu d’un colloque au Sénat publié par le groupe « Europe des Nations ».
51
dans une perspective libérale radicale. Il partage cette caractéristique avec l’essentiel de la droite
française dont il est issu.
Par ailleurs, rappelons ici à nouveau que l’ensemble des mouvements eurosceptiques, mais tout
particulièrement ceux orientés à droite, cherchent à se distinguer nettement du nationalisme et de
l’extrême-droite. Les valeurs de référence proclamées sont la démocratie, la transparence, la
liberté et la coopération internationale. Afin de se différencier de l’extrême-droite on rejette
explicitement racisme, xénophobie et même nationalisme ; tout en affirmant son attachement
fort à la nation. Mais il est vrai aussi que les mouvements d’extrême-droite eux-mêmes,
lorsqu’ils prétendent participer au jeu démocratique et recueillir des suffrages, ne se proclament
pas non plus xénophobes.
V La critique de l’Union européenneLe plus grand nombre des grandes organisations eurosceptiques affirment pour leur part ignorer
ou dépasser le clivage politique dominant afin de rassembler et de défendre avant tout les
intérêts du pays et de ses citoyens contre l’Union, laquelle représente un danger global,
puisqu’elle empêche de décider nationalement de la politique à mener, et rend le débat politique
autours du dit clivage peu pertinent, les vrai décisions étant prises ailleurs.
L’idéologie distinguent entre elles certaines organisations eurosceptiques. Les autres font appel à
des arguments spécifiques à leur pays. Néanmoins, on peut identifier une constante dans la
manière d’exprimer ce genre d’argument qui est elle commune à la plupart des organisations
étudiées. Nous allons maintenant tenter de détailler les grands thèmes de cette critique :
∑ l’identité nationale est menacée par l’existence de l’Union ;
∑ les intérêts nationaux, ou plus spécifiquement de certaines catégories de la population
selon les mouvements, sont atteints ;
52
∑ l’Union européenne est le résultat d’une tromperie ;
∑ elle est un super-Etat fédéral en devenir ;
∑ et met en péril la démocratie.
A La défense de l’identité nationale
L’Union met en péril l’essence même de l’identité nationale. Dans chaque pays, les adversaire
de l’Union soulignent les spécificités nationales qui seraient menacées afin de mobiliser contre le
péril étranger et destructeur que serait l’Union. Il s’agit ici de souligner combien l’intégration
européenne est étrangère à la culture politique nationale et comment l’intégration fait courir le
risque de voir les nations se fondre dans l’Union et disparaître.
Le Royaume-Uni est le pays ou il est le plus fait appel à ce type d’argumentation. On admet
même parfois que si l’Union pourrait être un système valable pour les Etats du continents qui la
souhaitent, elle est en toute hypothèse incompatible avec la vocation et les caractéristiques
particulière du Royaume. On fait appel à « l’esprit de Dunkerke », on affirme que « la Grande-
Bretagne est différente ». Des références fréquentes sont faites à la seconde guerre mondiale où
la Grande-Bretagne est restée seule face à Hitler : « Des gens sont morts pour sauvegarder la
démocratie dans ce pays ; ils ont protégés nos libertés dans deux guerres mondiales. Nous ne
sommes pas préparés à trahir leur sacrifice à à abandonner ce pays juste parce que les
dirigeants politiques successifs de la Grande-Bretagne ont été manoeuvrés par des politiciens
continentaux et des bureaucrates » proclame le UKIP33. Le mode de vie britannique est menacé :
le UKIP a publié un tract dénonçant l’imposition du système métrique : « pounds, ounces, feet,
inches, yards, miles, pints, gallons font tous partie de notre culture : ne les laissez pas nous les
retirer ».
33 www.independenceuk.org.uk
53
La vocation mondiale du pays et son appartenance au Commonwealth sont rappelés et valorisés,
en particulier afin de démontrer que le pays serait loin d’être isolé hors de l’Union, car il a son
propre réseau commercial et politique fondé sur son histoire. Il entretient de même des relations
privilégiées avec les Etats-Unis d’Amérique, ce qui conditionne son point de vue sur notamment
les questions de sécurité.
Par ailleurs, la monarchie serait elle-même menacée, comme Rodney Atkinson, de la Campaign
for United Kingdom Conservatism a tenté de le démontrer dans « Treason at Maastricht ». Les
ministres ayant signés le Traité sur l’Union européenne se seraient rendus coupables selon lui de
haute trahison. En effet, l’institution d’une citoyenneté de l’Union ferait par exemple de la Reine
le sujet d’une puissance étrangère.
Enfin, on souligne les dangers que l’Europe fait courir à l’unité nationale en liant l’intégration
européenne au processus d’autonomie des différentes nations de l’île avec la « dévolution ». Les
référendums en Ecosse et au Pays de Galles autorisant la création d’assemblées pour ces régions
sont considérés comme étant le prolongement d’un processus voulu et orchestré dans la
perspective de briser l’unité nationale et de favoriser la construction d’une « Europe des
régions ». C’est donner des pouvoirs spécifiques aux régions leur permettant de traiter
directement avec « Bruxelles » et de court-circuiter ainsi le Parlement de Westminster. Le
Comité des Régions est souvent l’objet de critiques comme étant à la fois inutile, car dépourvu
de pouvoir, coûteux et dangereux car il est une première étape vers la dissolution des Etats et la
constitution d’une seconde chambre européenne sur le modèle du Sénat américain34. Le nouveau
mode de scrutin pour les élections européennes, où les députés seront élus non plus dans le cadre
de circonscriptions uninominales mais sur des listes dans des circonscriptions régionales, est un
autre argument afin de démontrer ce danger.
34 John WALKER : « Provinces of the new promised land », in These Tides, numéro 3, p. 6.
54
En Scandinavie, le discours dominant fait appel aux « valeurs nordiques » que l’Union, dominée
par de grands Etats les ignorant, est incapable de préserver et de mettre en oeuvre. Ces valeurs
seraient une approche plus ambitieuse de la démocratie, de la transparence et de la protection de
l’environnement. Les partisans de l’adhésions à l’Union avaient expliqués qu’il serait possible,
en participant à ses institutions, de l’influencer afin qu’elle s’imprègne de ces valeurs.
Néanmoins, suite à la signature du Traité d’Amsterdam, les Eurosceptiques soulignent que cet
espoir est vain. Pour l’ancien leader de Nej till EU, : « L’appartenance à l’UE est incompatible
avec la tradition suédoise de gouvernement démocratique et d’autodétermination ainsi qu’avec
ses politiques de neutralité et de contrôle national de ses ressources naturelles »35.
En Irlande, c’est à la neutralité que l’on est particulièrement attaché. La perspective d’une
politique étrangère et de sécurité commune risque de la remettre en cause. « La neutralité a
traditionnellement été une valeur politique essentielle pour le public irlandais et est très
populaire » souligne Antony Coughlan de la National Platform36.En outre, l’intensité des
relations avec le Royaume-Uni fait craindre que se rapprocher du reste de l’Europe, en
particulier en participant à l’euro, puisse nuire aux échanges commerciaux avec la Grande-
Bretagne.
B La défense d’intérêts nationaux ou catégoriels particuliers
La critique se fait parfois plus concrète et s’attache à trouver dans les politiques communautaires
et les projets de l’Union des points qui nuiraient gravement aux intérêts des populations et de
l’économie du pays. Ainsi, le danger d’un euro faible est dénoncé par les britanniques (c’est
aussi un thème fréquent en Allemagne, mais cette opposition à l’euro ne se transforme que
rarement en rejet de l’Union et nous n’avons pas à ce jour identifié de mouvement
« eurosceptique » pouvant être assimilés à ceux que nous étudions dans cette
35 Hans LINDQVIST : « The Swedish situation », in These Tides, numéro 1, p.14.
36 Antony COUGHLAN : « Ireland and Amsterdam », in These Tides, numéro 3, p.12.
55
recherche).Inversement, certaines organisations dénoncent la politique d’une monnaie forte et
voient dans les critères de Maastricht un facteur nuisible à la croissance et à l’emploi. L’accord
se fait sur l’idée que la monnaie unique, en l’absence d’une zone monétaire optimale et en raison
de la rigidité des critères, provoquera une catastrophe économique et que seul les Etats doivent
avoir le contrôle de la monnaie.
La PAC (politique agricole commune) est aussi dénoncée : le Royaume-Uni a en effet une
agriculture qui occupe dans son économie une place moins importante que d’autres grands pays
de l’Union. La PAC est donc considérée comme coûteuse et ayant pour conséquence les prix
élevés de l’alimentation pour le consommateur. Enfin, les Britanniques s’estiment victimes
d’une coalition franco-allemande permanente qui permet de les mettre en minorités lors des
votes au Conseil. Bernard Connolly, ancien haut fonctionnaire de la Commission européenne,
explique dans These Tides que les décisions les plus importantes sont, selon lui, prises à l’avance
à Paris et à Bonn : « Pour la France et l’Allemagne, le Traité de l’Elysée a une plus grande
valeur que le Traité de Rome »37.
Dans les « petits pays », les eurosceptiques mettent l’accent sur le danger de voir l’Union
dominée par les plus grands. Ce thème est développé en Irlande, au Danemark, en Finlande. « la
proposition du Traité d’Amsterdam (...) d’une clause dite de « flexibilité ». Elle permettrait à
certains membres de détourner à leur profit les lois européennes et les institutions de la
Communautés pour leurs propres buts (...) au désavantage inévitable des plus petits et des moins
influents Etats-membres »38.
Les questions de sécurité sont aussi préoccupantes : au contraire de certains Etats qui ont des
intérêts à défendre outre-mer, les pays d’Europe du Nord n’ont aucun intérêt à voir l’Union
mener une politique de puissance. La France est notamment visée, qui viserait à saboter l’OTAN
37 Bernard CONNOLLY : « The lies of the Euromancers » in These Tides, numéro 2, p.4.
38 Antony COUGHLAN, op.cit.
56
en utilisant l’Union. On dénonce la perspective selon laquelle une politique européenne de
défense pourrait avoir pour conséquence d’envoyer au combat des individus au nom de l’Europe
alors que leurs pays n’a aucun intérêt à défendre.
Dans l’ensemble, la plupart des politiques de l’Union offre matière à critique et elles sont
exploitées systématiquement dans les publications des organisations eurosceptiques, souvent de
manière approximative et caricaturale, mais aussi parfois avec une argumentation très sérieuse et
documentée. C’est le cas notamment dans les travaux du groupe « Europe des Nations ». Nous
avons choisis de ne pas rentrer ici dans les détails techniques de ces critiques sectorielles.
Retenons néanmoins qu’elles sont présentes et apportent au discours eurosceptique des éléments
« techniques » venant démontrer l’inaptitude le l’Union européenne à résoudre les problèmes
auxquels sont confrontés les citoyens, voire sa tendance à les aggraver dangereusement.
C L’Union européenne est imposée par la tromperie
Il existe en dépit des méfaits de l’Union européenne un certain soutien populaire à l’idée de la
construction européenne en général. Pour les eurosceptique, ceci s’explique parce que les
partisans de l’intégration n’ont pas dit la vérité à leurs concitoyens sur sa nature et sa finalité.
L’Union est « un marché de dupe », une « tromperie », une « tricherie ». Alors qu’elle est
présentée comme un simple outil économique, elle a en fait une vocation politique et fédérale.
On dénonce donc le double-discours des dirigeants politiques qui apaisent les inquiétudes de
citoyens soucieux de l’indépendance nationale en sous-estimant la portée des engagements pris
par les Traités.
Les eurosceptiques britanniques visent tout particulièrement Edward Heath, le Premier Ministre
conservateur qui avait fait adhérer le Royaume aux Communautés européennes, lequel affirmait
en 1971 : « la Communauté n’est pas une fédération... il n’est pas question d’éroder notre
57
souveraineté nationale »39. Il y a donc eu « fraude », ce qui permet de justifier l’annulation des
engagements pris autrefois par le pays, ces derniers n’ayant pas été contractés sur la base de
mauvaises informations. « Nous ne nous étions jamais attendus ni n’avions voulus ce nouveau
pays appelé « Union européenne » qui signifie en fin de compte la perte totale de la
souveraineté et de l’indépendance britannique. L’Union européenne est une escroquerie qui
saigne à blanc le pays » selon un document électoral de l’UKIP.
James Goldsmith se réfère aux écrits de Jean Monnet dans les termes que l’on utiliserait pour
dénoncer un complot : « Son plan d’action, lui aussi, était très clair. Il pensait que les nations
européennes devaient être conduites subrepticement à ce super-Etat sans que les peuples aient à
comprendre ce qui se passait. Il pensait que cela pouvait être fait par petits pas successifs,
chacun d’eux se déguisant sous un objectif purement économique, mais qui, pris ensemble,
mènerait inéluctablement et de manière irréversible à un Etat fédéral »40.
D La construction d’un super-Etat fédéral
Le principal danger de l’Union européenne est qu’elle est un « super-Etat à vocation impériale »
en devenir et fait courir le risque d’un « euro-nationalisme ».
Selon James Goldsmith, l’Union est déjà extrêmement avancée dans la vois du fédéralisme. En
effet, le droit européen est désormais supérieur au droit national, même postérieur. La politique
économique est dictée par le Traité de Maastricht, même pour la Grande-Bretagne dont l’« opt-
out » ne concerne que la troisième phase de l’UEM et non pas les deux premières. En cas de
désaccord, c’est la Cour de Justice européenne qui tranche : « une cour politique avec des
objectifs politiques ». Enfin, le principe de subsidiarité n’affecte pas l’« acquis communautaire »
et est donc illusoire.
39 cité dans The Truth about a federal Europe, dépliant publié par la Freedom Association.
40 James GOLDSMITH : « Le projet du parti du referendum », in L’Europe des Nations et la CIG, op.cit.
58
L’ensemble des organisations eurosceptique s’accorde dans ses documents à dénoncer la
perspective d’un fédéralisme européen. Le Traité de « Maëstricht » « dégrade la France
- comme les autres nations européennes- pour la ramener au niveau d’un Etat assujetti, membre
de ce qui constitue virtuellement des « Etats-Unis d’Europe », comme le Texas ou la Virginie
sont membre des Etats-Unis d’Amérique »41.
Le fédéralisme est dégradant pour de vieilles nations mais il est aussi dangereux car en
s’attaquant aux nations, il provoque de violentes réactions nationalistes. On donne ainsi
l’exemple de la Yougoslavie : « lorsque plusieurs nations sont incluses de force dans un Etat
global qui forme une prison des peuples, faut-il condamner le peuple qui cherche à briser les
barreaux de sa cellule ? Le principe fédéral fait apparaître une nouvelle cause de conflit et l’on
voit naître des guerres de sécession »42.
E L’Union est un danger pour la démocratie
Les lois européennes s’imposant aux lois nationales, les politiciens n’ont plus le droit de
gouverner. Les Parlements nationaux ont abdiqués leur droit de gouverner en fonction des
intérêts de leur pays, puisque la politique économique et commerciale est décidés ailleurs par des
« technocrates étrangers ». Par conséquent, les élections n’ont aucun sens. « Quelque soit le
parti que vous portiez au pouvoir, le prochain gouvernement sera constitué d’hommes de
paille »43.
En outre, le débat démocratique est faussé par l’intervention de la Commission : « Au total, les
frais de propagande, ou de prétendue « communication », prévus au budget communautaire
pour 1996, s’élèvent à 1,76 milliards de francs »44. Son objectif est de forger artificiellement une
conscience européenne et d’imposer l’idée que l’intégration est la seule voie possible. Les
41 Henri DE LESQUEN : « A quoi servent les souverainetés nationales ? », ibid. p.19.
42 ibid.
43 James GOLDSMITH, op.cit.
44 James GOLDSMITH, op.cit.
59
institutions européennes viseraient en priorité les jeunes et des programmes visent à endoctriner
les écoliers. Les enseignants se voient proposer des documents pédagogiques gratuitement. Les
eurosceptiques y voient une tentative de manipulation des esprits. Un récent dépliant du
Referendum Movement est illustré par l’image d’un jeune garçon blond, en chemise brune,
faisant le salut hitlérien, portant des insignes et brandissant un drapeau aux couleurs de l’Europe.
Il dénonce une « propagande » dans les écoles digne des régimes autoritaires.
Enfin, l’Union est un danger pour la démocratie parce que elle serait gouvernée par de hauts
fonctionnaires non élus, qui produisent un nombre jugé considérable de textes s’imposant aux
Etats-membres : « 7000 directives par an » pour l’UKIP. C’est donc une bureaucratie
irresponsable qui règne sur l’Europe, au détriment du pouvoir politique et du contrôle des
citoyens et de leurs représentants dans les Parlements nationaux.
On affirme que ce qui distingue les adversaires de l’Union de ses partisans est le respect de la
démocratie et la défense des libertés. L’Union est donc présenté comme étant un lieu de décision
ou la démocratie est absente, ou les libertés sont réduites et ou les décisions sont prises de
manières cachées et « technocratique », c’est à dire sans dialogue, sans débat et sans lien avec les
réalités telles que la vivent les citoyens. Le discours consiste donc à s’affirmer comme les
dénonciateur d’un processus antidémocratique et comme les défenseurs des libertés et de
l’indépendance nationale.
VI L’offre identitaire des organisations eurosceptiques
A Une mouvance diverse, mais qui partage une vision commune
Les organisations membres du TEAM n’ont ainsi pas de doctrine commune sur l’appartenance
ou non à l’Union de leur pays. Certains prônent la sécession : ainsi le UKIP souhaite voir le
Royaume-Uni « quitter l’Union européenne ». Il affirme que c’est là sa différence avec les
60
autres partis, « notre opposition » ainsi qu’avec le Referendum Party. Les mouvements suédois
et finlandais, ayant échoués lors des référendums de 1994 demandent aujourd’hui que il soit mis
fin à l’expérience, les promesses ayant été faites alors aux électeurs ayant été déçues. Le retrait
de l’Union est aussi le point qui divise les deux mouvements danois qui participent au groupe
« Europe des Nations ». Néanmoins, le « Mouvement de Juin » n’a pas de position officielle sur
ce point. Il affirme rassembler des partisans et des adversaires de l’appartenance à l’Union.
D’autres demandent une réforme en profondeur : le MPF veut voir l’UE redevenir une
association d’Etats souverains et donc demande des modifications aux traités qui permettent de
le garantir. La plupart des associations eurosceptiques britanniques ne demandent pas non plus
directement le retrait de l’Union, mais seulement au cas où elle s’avérerait ne pas pouvoir être
réformée dans un sens qui leur soit favorable.
Pourtant, il existe bien une vision commune aux organisations eurosceptiques. C’est pourquoi
elles peuvent collaborer dans le cadre du TEAM ou du groupe EDN. Les dirigeants des
mouvements eurosceptiques appellent à soutenir leurs homologues dans leur lutte politique
contre l’intégration européenne : les Britanniques ont lancés un appel afin de financer la
campagne pour un « non » au référendum danois sur le Traité d’Amsterdam.
« Grâce au Traité sur l’Union européenne, il est maintenant inévitable que nous nous
organisions politiquement sur une base pan-européenne ». Sur le référendum au Danemark :
«nous essayons par conséquent légitimement d’exercer une influence indirecte ».
Jens-Peter Bonde, du « Mouvement de Juin », tire de l’expérience de l’accord d’Edinburgh,
lequel avait permis la ratification par le Danemark du Traité de Maastricht, la leçon suivante :
« Nous devons travailler ensemble avec ceux qui critiquent Maastricht dans d’autre pays afin
que le Traité soit rejeté dans plusieurs pays à la fois. Nous pouvons gagner, mais plus seulement
dans un seul pays ».
61
Un autre élément rapproche les eurosceptiques : le sentiment d’être seul contre tous. Dans tous
les pays, les adversaires de l’Union se présentent comme étant dans une forte infériorité par
rapport aux partisans de l’Union européenne, dans le rôle de David contre Goliath : ils sont sans
ressources face à des adversaires déployant des moyens énormes. « Le mouvement pour le nom a
très peu d’argent et n’a pas de salarié. Tout est fait bénévolement » explique une responsable de
Vaihtoeto EU45.
Le camp du « oui » rassemble en effet les élites politiques, les milieux d’affaires, l’industrie, les
médias, le gouvernement et les institutions supranationales et parfois même les syndicats. C’est
donc l’establishment qui fait face à une mobilisation populaire. « Le danger n’est pas une armée
étrangère mais notre propre classe politique » dit le manifeste du UKIP, alors que les
adversaires de l’Union sont « des gens ordinaires ». En Finlande : « le camp du « oui » est
représenté par les élites politiques, l’industrie et la plupart des médias. En outre, il y a les
institutions de l’UE (...) qui ont leur propre bureau de campagne »46. Enfin, en Irlande, le
référendum était « une compétition entre l’establishment politique de l’Irlande et ses forces
populaires et démocratique : une lutte inégale »47.L’accord fréquent entre les principaux partis
politiques sur les questions européennes semblent aux animateurs des mouvements
eurosceptique extrêmement suspect. « A notre avis beaucoup de politiciens britanniques veulent
voir les Etats-Unis d’Europe à cause de la perspective d’obtenir des postes de pouvoir surs et
bien payés pour eux-mêmes » déclare un candidat du UKIP dans sa profession de foi48.
Par conséquent, le débat est biaisé et les référendums peu équitables. En effet, les informations
diffusées par les gouvernements ou les institutions européennes sont considérées comme étant de
la propagande. Nous avons vus les difficultés rencontrées en revanche par les mouvements en
45 Ulla KLOTZER : « Finland’s alternative » in These Tides, numéro 1, p.25.
46 ibid.
47 Antony COUGHLAN : « Funding and Fiddling in Irish referenda », op.cit.
48 Peter SANDELL, Back Britain, not Brussels, circonsription de Bath, Batheston, 1997.
62
faveur du « non » afin d’obtenir un financement public de leurs activités. Dans un article de
These Tides, Anthony Coughlan explique pourquoi le référendum ne garantis pas un débat
équitable sur les questions européennes. « Les gouvernements ne convoquent des référendums
que s’ils pensent pouvoir les gagner » dit-il. « C’est le gouvernement qui décide de la question
du référendum. Il a une grande influence sur les radio et télévision publiques, et est même
capable d’utiliser de l’argent public poussant les gens à voter comme il le veut »49.
Enfin, les arguments utilisés ne sont pas loyaux : ce sont des « promesses vides » et des
« menaces ridicules »50.Les partisans de l’adhésion auraient, en 1994, expliqués que le pays
serait condamné à la catastrophe économique et à l’isolement en cas de rejet, alors que
l’appartenance à l’Union aiderait l’emploi. Les eurosceptique s’efforcent de démontrer que ces
arguments sont faux. La Norvège est prise en exemple : l’économie du pays est en bonne
situation en dépit du refus de ses citoyens de rejoindre les Quinze. En revanche, on ne note pas
d’amélioration sensible de l’emploi depuis que la Finlande ou la Suède sont membres de l’UE.
Dans ces circonstances, on déclare ne pas s’étonner des résultats favorables à l’Union des
référendums. Le vote positif du référendum en Irlande « ne compte presque pas » et on peut
considérer « un tiers de votes négatifs comme un résultat remarquable » pour Anthony
Coughlan. Par ailleurs, on ne craint pas de remettre en cause le vote populaire. En effet, la
campagne ne s’étant pas déroulée dans des conditions équitables, et les arguments des partisans
de l’Union étant manifestement faux et infondés, il est nécessaire de consulter à nouveau les
citoyens afin qu’il puissent enfin se prononcer en connaissance de cause. Les eurosceptiques
suédois demandent donc par exemple un nouveau référendum en vue de permettre aux citoyens
après avoir constaté que les promesses n’ont pas été tenues avec l’adhésion du pays à l’Union, de
revenir sur leur décision.
49 Antony COUGHLAN, op.cit.
50 Ulla KLOTZER, op.cit.
63
B Les Nations, fondement de l’identité européenne
Outre leur positionnement spécifique dans le débat politique, les organisations eurosceptiques
partagent également une vision particulière de la souveraineté nationale et du rôle des nations en
Europe, qui détermine leurs orientations relativement à l’intégration européenne.
Une Europe supranationale menacerait les liens sociaux et la solidarité qui fondent la
communauté nationale, alors qu’elle ne propose en échange que la « coquille vide » de la
citoyenneté européenne51. C’est l’existence de cette communauté qui permet à la démocratie
d’exister. « La démocratie ne fonctionne que dans un cadre relativement homogène de valeurs
fortes partagées ». affirmait George Berthu, membre du groupe EDN, lors d’un contre-sommet
en 1996. La tentative de créer une soi-disant démocratie européenne n’aboutirait selon lui qu’à
« une vaste confusion de manipulation et de frustration ». Par conséquent, les décisions ne
peuvent être prises que de deux manières : par un système majoritaire au niveau des démocraties
nationales, et par des négociations menant à un consensus entre les représentants des nations au
niveau européen.
Le fédéralisme ne peut donc fonctionner que dans le cadre d’une nation, comme l’Allemagne, et
non pas au niveau supranational. Ce qu’il faut réussir à accomplir, c’est la coopération librement
consentie entre des nations qui cherchent à préserver leurs propres valeurs.
La nation étant le seul cadre possible pour l’exercice d’une démocratie véritable, elle est aussi
par conséquent le seul cadre où s’exerce la souveraineté. « La souveraineté ne se partage pas, en
ce sens qu’il ne peut y avoir en un même lieu qu’une seule puissance souveraine »52. L’idée de
« partage de la souveraineté » ou de « transferts de souveraineté » à l’Union est donc
inacceptable. La nation, identifiée à l’Etat, est un fait politique, de ce fait antérieur et supérieur
51 Georges BERTHU : « Europe needs these Nations » in These Tides, numéro 1, op.cit., p.9.
52 Henri DE LESQUEN, op.cit.
64
au droit. Or les Communautés européennes se fondent sur le droit, et sur une conception erronée
de l’Etat de droit, contre le politique.
C Les alternatives à l’Union
Les organisations eurosceptique se sont constituées dans un mouvement d’opposition, en
réaction à un projet auquel elles étaient confrontées. Il est plus difficile cependant de proposer
des alternatives à ce projet. L’opinion a dans la plupart des pays un a priori favorable à l’idée
européenne. Il y a en outre une réticence au changement qu’ont tentés d’exploiter par exemple
les partisans du Traité de Maastricht en soulignant qu’il était dans la continuité de la
construction européenne telle que nous la connaissons depuis quarante ans et que un vote négatif
serait tirer un trait sur tout cela et nous précipiterais dans l’inconnu. La tâche des adversaires de
l’intégration consiste don à montrer que leur approche n’est pas uniquement critique mais qu’ils
sont porteur d’un projet alternatif pour l’Europe.
Ils abordent donc généralement le thème de l’« Europe des Nations » comme solution de
remplacement de l’Union européenne à vocation fédérale qui est imposée aujourd’hui.
Cependant, certains refusent cette approche. Pour le UKIP, « l’alternative au suicide est
simplement de ne pas se suicider (...) l’alternative à l’appartenance à l’UE est simplement de ne
pas en être membre, en d’autre mots d’être un Etat normal, qui se gouverne lui-même (...)
comme la Suisse (qui ne souhaites pas rejoindre l’UE) ». Un tel discours est rare et la plupart
ressentent le besoin de proposer une analyse plus détaillée d’une Europe différente.
Les membres du groupe EDN ont adoptés des prises de position sur la réforme de l’Union
européenne qui détaillent extrêmement précisément les mesures qui selon eux devraient être
mises en oeuvre afin de restaure pleinement la souveraineté nationale des Etats-membres. Mais
cette « Europe des nations » est définie surtout en creux, en exprimant ce qu’il faut écarter des
traités européens :
65
∑ il faut limiter les transferts de compétences, et dresser une liste limitative des
compétences de l’Union ;
∑ il faut le consensus et non pas que la volonté d’une majorité soit imposée de force à la
minorité. Il faudrait donc inscrire le compromis de Luxembourg dans le traité. Au
contraire, les gouvernements s’oriente vers une extension du vote à la majorité
qualifiée ce qui signifie un projet d’Europe autoritaire ;
∑ il faut restaurer la primauté du droit national. Le projet de « Charte du droit des
peuples » proposé par le groupe EDN pour l’Union indique que « les Constitutions
nationales représentent les normes les plus élevées de l’Union »53. Le droit dérivé
serait ainsi soumis au contrôle de constitutionnalité ;
∑ le principe selon lequel l’Union ne concerne que les Etats et non pas directement les
citoyens doit être affirmé ;
∑ seuls les Etats doivent décider des compétences de l’Union et l’article 235 doit être
abrogé (cet article a pu permettre aux Communautés de conclure qu’il existait des
compétences implicites accordées par le Traité de Rome).
∑ les Etats-membres doivent conserver le contrôle de leurs frontières. La libre-
circulation ne doit en effet pas mettre en péril la sécurité .
∑ le Conseil est la principale institution de l’Union et la Commission doit être ramenée
« au rang d’organe subordonné »54 ;
∑ les parlements nationaux doivent être directement impliqués et ils doivent pouvoir
rejeter une loi européenne au nom de la subsidiarité.
53 L’Europe des Nations et la CIG, op.cit., p.222.
54 Philippe DE VILLIERS, ibid., p.16.
66
Cette énumération constitue le tronc commun des ceux qui souhaitent voir l’Union transformée
en vue de restaurer la souveraineté nationale. C’est le point de vue exprimé par les élus au
groupe EDN. Certaines organisations soulignent, selon les pays, certains points plus
particulièrement. Ainsi, les britanniques s’en prennent notamment à la Cour de Justice des
Communautés Européennes et souhaitent redonner aux tribunaux nationaux leur pleine liberté
d’action et d’interprétation. En outre, ils insistent sur la souveraineté du Parlement alors que les
Français soulignent surtout le rôle protecteur que devrait avoir leur constitution. En outre,
certains insistent sur la possibilité de construire une Europe à « géométrie variable » où chaque
Etat choisirait les politiques auxquelles il souhaite participer, par opposition aux « cercles
concentriques » des fédéralistes.
Cette approche critique de l’Union nous permet donc d’imaginer une « Europe des Nations » qui
ne serait en fin de compte pas si différente du Conseil de l’Europe actuel, c’est à dire un forum
diplomatique où seraient déterminés des conventions auxquelles les Etats décideraient ou non
d’adhérer et qu’ils pourraient ensuite dénoncer si elles ne leur convenait plus. Nous n’avons
donc pas là véritablement de projet original alternatif mais plus simplement semble-t-il une
tentative de faire revenir l’Europe au statu quo d’avant la création des Communautés.
Dans les pays de l’élargissement, les organisations eurosceptiques affirment la même vision de
l’Europe : une simple coopération entre Etats nationaux entièrement souverains, mais demandent
plus directement l’abandon de l’Union européenne, laquelle ne serait pas réformable.
67
Conclusion
La construction européenne a été à plusieurs reprise l’objet de vifs débats politiques. Ce fut ainsi
le cas en France à l’époque de la CED où la plupart des partis furent divisés. Ce fut le cas
également lors de l’adhésion du Danemark, puis de la Grande-Bretagne. Cependant ce clivage
n’a pas laissé de traces durables dans la vie politique de ces pays, où les affrontements habituels
sur des thèmes nationaux ont repris une place dominante. En dépit de l’intensité des oppositions,
l’enjeu européen n’a pas eu d’effet durable.
Néanmoins, on assiste ces dernières années, notamment depuis la signature du Traité sur l’Union
européenne, à la naissance à travers l’Europe d’une mouvance organisée rejetant l’idée
d’intégration européenne. En effet, le Traité de Maastricht a malgré ses limites affirmé la
vocation politique de celle-ci de manière bien plus explicite que par le passé. Cette démarche est
symbolisée par la transformation de la « Communauté économique européenne » en
« Communauté européenne ». La monnaie, attributs essentiel de la souveraineté étatique, va
devenir européenne. Défense et sécurité intérieure peuvent désormais être aussi discutées au
niveau de l’Union. La finalité politique de la construction européenne, quoique encore imprécise
dans l’esprit de ses promoteurs, est rejetée par certains citoyens et responsables politiques. Ils se
sont donc dotés d’organisations afin de mener une action collective destinée à stopper ce
processus.
Une mouvance hétérogène
Cette attitude que nous avons appelés ici « eurosceptique » ne se traduit pas de manière
homogène. Au contraire, on retrouve parmi ces organisations de nombreuses nuances.
68
Si tous rejettent l’Union, cette opposition est motivée de manière multiple. Ces raisons se
combinent parfois, mais peuvent aussi s’opposer ou se contredire :
∑ l’attachement à un projet de la société, à une idéologie, qui serait incompatible avec
l’Union tel qu’elle se construit ;
∑ la conviction que des intérêts nationaux ou catégoriels sont menacés gravement par
l’existence de l’Union, ou par ses politiques ;
∑ la crainte de voir des puissances étrangères utiliser l’Union pour imposer leur vision
du monde et leur politique ;
∑ la peur de voir la démocratie menacée, d’une part parce que les procédures de
décisions communautaires et les institutions européennes manquent de légitimité, et
d’autre part parce que la distance entre le gouvernant et le gouverné devient
excessive dans un ensemble si vaste ;
∑ l’attachement à cette forme d’organisation politique particulière qu’est l’Etat-nation,
et à sa souveraineté, lesquels sont remis en cause par l’intégration européenne.
L’intensité de l’opposition à l’Union est également variable, selon les organisations et parfois au
sein même de certaines organisations. Plusieurs attitudes coexistent :
∑ l’idée d’intégration européenne est condamnable dans ses fondements même. Il ne
peut exister que des Etats pleinement souverains. L’Union et les Communautés
européennes ne peuvent être réformées utilement et doivent cesser d’exister. Le
projet est dangereux, y compris pour les Etats tiers ;
∑ sans renoncer à l’Union et aux Communautés, il faut les transformer radicalement, en
y rétablissant la pleine souveraineté des Etats. Elles doivent devenir des
69
organisations internationales visant à une simple coopération, et non pas à
l’intégration ;
∑ les Communautés européennes et le marché unique étaient de bonnes idées d’un point
de vu économique. En revanche l’Union européenne va trop loin dans le sens de
l’union politique. Le Traité de Maastricht doit donc être abrogé ;
∑ l’Union européenne n’est pas dangereuse en soit, et certains Etats peuvent y trouver
un intérêt, mais il n’est pas dans l’intérêt du pays d’origine de l’organisation d’y
participer. Il ne doit donc pas en faire partie.
Un attachement commun à l’Etat national
Au delà de ces différences, il nous semble cependant qu’il existe un tronc commun fort qui
rassemble ces organisations et leur permet de constituer des réseaux en vue de coopérer. Il s’agit
de l’idée que le seul cadre légitime et possible où doit résider le pouvoir politique est l’Etat
national tel qu’il existait avant que la construction européenne ne vienne restreindre sa
souveraineté.
Par conséquent, il convient de rétablir la pleine liberté d’action de l’Etat, soit en abandonnant
soit en transformant les organisations et institutions européennes actuelles. Nulle autorité
extérieure ne doit lui être supérieure et les institutions nationales sont seules compétentes pour
décider de la loi qui s’applique en son sein. Il a seul la maîtrise de sa monnaie, sa justice et sa
défense.
Une coopération entre des Etats souverains, notamment entre Etats européens, est pleinement
envisageable mais à chaque étape, à chaque décision, il doit donner son accord, et peut revenir
sur son engagement s’il l’estime nécessaire.
70
On comprend que ces options sont nettement incompatible avec la démarche qui est celle des
promoteurs et des partisans des Communautés européennes, quelque soit leur degrés
d’engagement ou leur vision de l’avenir de l’intégration européenne. Les adversaires des
eurosceptiques ne sont donc pas seulement les fédéralistes, mais aussi ceux qui se satisfont de
l’état actuel de la construction européenne.
Le discours eurosceptique propose aux citoyens une vision de l’identité européenne alternative à
celle proposée par les partisans de l’intégration. Leur récit identitaire55 s’oppose point par point à
celui des fédéralistes. Selon Michelat, l’individu se trouve « toujours à l’intersection de
plusieurs groupe d’appartenance, il a le choix de se rattacher aux uns et aux autres, la
possibilité de faire varier l’intensité avec laquelle il se reconnaît en être ». Les partisans de
l’Union tentent de valoriser l’idée de multi-appartenance et d’assumer ainsi cette diversité, dans
la lignée de Denis de Rougemont proclamant que le fédéralisme est « l’amour de la
complexité », et privilégient ce qui rassemble les Européens. Les eurosceptiques, dans une
perspective nationaliste, soulignent au contraire l’attachement exclusif de l’individu à sa nation,
et ne reconnaissent comme caractéristique commune aux Européens que cet attachement à leur
propre patrie. C’est parce que l’on aime son pays que l’on peut seulement commencer à aller
vers l’autre car l’on comprend alors véritablement l’attachement que celui-ci porte à sa propre
patrie.
Le mythe qui organise le monde dans cette perspective est l’antithèse de celui qui explique et
justifie la construction européenne. Nous présentons ici une vision simplifiée de ce dernier,
lequel est diversifié et complexe, en ne retenant que les éléments les plus significatifs, qui sont
aussi les plus radicaux. Cette approche nous permet de mieux mettre en valeurs par opposition
les différents moments du récit identitaire que proposent les eurosceptiques.
55 Cf. Denis-Constant MARTIN (Dir.), Cartes d’identité, Presses de la FNSP, Paris, 1994.
71
L’âge d’or est pour ces derniers celui des nations pleinement souveraines. Il s’agit d’un passé
réinterprété où l’Etat-nation est survalorisé et idéalisé. Il est le résultat d’un long processus où
les anciens conflits ont été maitrisés et où une forme d’organisation politique stable répondant
aux besoins des peuples a enfin été construite. Les Etats-nations maîtrisaient leurs destins et
leurs politiques. Il ne connaissait pas de contrainte extérieure. La démocratie pouvait s’y exercer
dans les meilleures conditions. Dans le récit identitaire des partisans du fédéralisme européen, se
référant à un passé tout aussi mythique, l’âge d’or est au contraire pré-national. C’est l’époque
de la Pax Romana ou du Saint-Empire. La chrétienté était rassemblée, le latin permettait de
communiquer, l’or servait de monnaie unique, l’on pouvait voyager sans passeport. C’est aussi
l’époque de la Renaissance (les noms des programmes communautaires : Erasmus ou Leonardo
sont significatifs de ce symbolisme), où l’Europe était à son apogée à la fois culturellement et
politiquement.
Le péché originel est alors la construction de l’Etat-nation qui a séparé artificiellement les
Européens et a provoqué des guerres civiles épouvantables. Sa nature est « tendanciellement
totalitaire »56. L’Europe a donc connu le déclin, et a commis le génocide. Pour les
eurosceptiques, ces conflits avait d’autres causes, et la nation ne dégénère pas nécessairement en
nationalisme. C’est au contraire leur négation qui le provoque. La cause des difficultés actuelles
du sombre avenir qui nous menace est alors le complot des fédéralistes qui ont, subrepticement
commencés à confisquer la souveraineté des Etats et la liberté des nations, sans associer les
peuples à ce processus. Le Traité de Maastricht n’est que l’aboutissement et l’accélération de ce
processus. L’indépendance est perdue, le démocratie en péril, les lois imposées de l’étranger, et
les Etats en voie de devenir les provinces d’un Empire multinational où une identité européenne
artificielle est imposée par la propagande.
56 Bernard BARTHALAY, Le Fédéralisme, PUF, Paris, 1981, p.12.
72
Les fédéralistes croient en des « lendemains qui chantent » avec l’éclosion d’une démocratie
supranationale. Les « Pères fondateurs » de l’Union (ce vocabulaire visant à évoquer la création
des Etats-Unis d’Amérique est parfois repris malgré eux par les eurosceptiques) ont eu le
courage de permettre la construction d’une souveraineté politique européenne qui permettra de
résoudre des problèmes désormais trop vastes pour les Etats pris isoléments, et de restaurer le
rang de l’Europe dans le monde. A terme, il s’agit de réaliser par le droit l’idéal kantien de paix
perpétuelle57. Les adversaires de l’intégration rêvent pour leur part d’un retour à cet Etat-nation
souverain qui seul peut éviter les conflits promis par le super-Etat multinational. Le retour de la
souveraineté permettra enfin à des peuples libres et se respectant mutuellement de coopérer sans
contraintes et en toute bonne volonté pour construire l’Europe des Nations.
Cette primauté donnée à la souveraineté nationale ne constitue nullement une caractéristique
exclusive des organisations eurosceptiques. Néanmoins, ce sont les seules qui assument
pleinement les conséquences de cette position. Des partis politiques font en effet parfois figurer
une telle approche dans leur programme, parce qu’elle correspond à la vision du monde
traditionnelle de leur famille politique. Ils ne mènent pourtant pas de politiques anti-européennes
une fois au pouvoir, car le pragmatisme les pousse à s’accommoder de l’existence de l’Union et
de ses mécanismes. Par ailleurs, il existe aussi des partis politiques ou ce nationalisme
idéologique s’accompagne d’un nationalisme culturel et ethnique, lequel n’est pas
nécessairement partagé par les organisations eurosceptiques.
La distinction avec d’une part les mouvements politiques appelés à exercer le pouvoir qui
acceptent peu ou prou l’Union européenne, et d’autre part les mouvements nationalistes, a donc
encouragé la création d’organisations spécifiquement destinées à propager ce message anti-
européen de manière autonome.
57 Cf. Emmanuel KANT, Vers la paix perpétuelle, Paris, PUF, 1958.
73
La constitution de réseaux qui investissent un espace politique en devenir
Enfin, nous avons observé la mise en réseau au niveau européen de ces organisations. Cette
démarche pourrait paraître étonnante au premier abord puisqu’elles professent que la nation est
le seul cadre possible d’exercice de la démocratie. Cependant, elle procède assez logiquement de
la perception de l’Europe actuelle que partagent ces mouvements.
L’Union est déjà selon eux allée très loin vers ce super-Etat fédéral qu’ils redoutent. Une partie
du pouvoir politique a donc déjà été transféré au niveau européen. L’action commune à ce
niveau est par conséquent rendu nécessaire par cette situation. On doit alors entrer dans la
logique de l’intégration afin de mieux la combattre, faute de ne pas mener son action au niveau
approprié. On doit donc s’installer dans cet espace politique européen afin d’y apporter la
contestation, et imposer le débat. On doit aussi trouver des alliés sous peine de se retrouver seul
et isolé face à un adversaire puissant et déterminé. Plusieurs pays doivent ensemble rejeter
l’intégration afin de disposer des ressources nécessaires pour stopper la marche de l’ensemble de
l’Union.
Le coeur du dispositif est le groupe parlementaire à Strasbourg. Il est le résultat à la fois de la
contrainte institutionnelle qu’est le réglement de l’assemblée, et de cette volonté de porter
l’action contre l’Union européenne au niveau international. Il a été jugé utile de relayer l’action
du groupe en formalisant quelque peu les contacts entre les diverses organisations eurosceptiques
à travers l’Europe qui avaient déjà été pris auparavant. Cependant, afin de bien marquer sa
différence, le réseau TEAM est fondé sur des procédures souples et des structures légères. Il n’a
pas pour ambition de formuler des politiques ou d’orienter l’action de ses membres, comme s’y
efforcent sans grand succès les fédérations européennes de partis politiques, mais seulement de
mettre en commun des expériences et quelques ressources, notamment en terme d’information.
Quel peut être l’avenir de cette mouvance ?
74
Son inscription dans la durée semble probable. En effet, l’intégration européenne n’est pas
achevée. Les réformes à venir ne manqueront pas de susciter des débats, et les nouveaux traités
des référendums. Les organisations eurosceptiques ont alors une opportunité de se faire entendre,
ce qui est leur vocation première, et parfois avec succès, comme dans le cas de la Norvège.
En revanche, l’ampleur de l’audience et la solidité de ces organisations dépend de facteurs
qu’elles ne maîtrisent pas entièrement. C’est par exemple le cas de l’évolution de l’opinion. Si
l’aspect récent de l’adhésion a pu brusquer les citoyens des nouveaux Etats-membres, on peut
envisager que cette hostilité perde en intensité, privant ainsi les eurosceptiques du soutien de la
population qu’ils cherchent à représenter. Par ailleurs, si des réformes restent à faire, le rythme
de la construction européenne peut aussi se ralentir. Une nouvelle période d’« eurosclérose »
offrirait bien moins d’occasions de mobiliser contre l’Union, et affaiblirait donc les mouvements
dont c’est l’objectif : on peut constater en Norvège avec la perte d’audience de l’association qui
avait mené la campagne contre l’adhésion à l’Union et tente avec difficulté de la reconquérir sur
le thème des accords de Schengen.
Néanmoins, il existe de bonnes bases pour la poursuite de leurs activités. Si les tentatives
d’imposer des candidats porteurs d’un message essentiellement eurosceptique lors d’élections
nationales ont presque toujours échouées, il subsiste toujours de réelles possibilités de succès
lors des élections européennes à venir.
Le cas du Danemark, où l’élection des membres du Parlement européen est, depuis 1979,
l’occasion d’exprimer un vote spécifiquement opposé à l’intégration européenne, avec le quart
des voix, et où les résultats diffèrent sensiblement des résultats des élections européennes, est le
plus avancé dans cette voie. Il reste à confirmer, et le développement de ces organisations est
trop récent pour le faire aujourd’hui, que ce n’est pas là un phénomène purement national mais
peut s’étendre à d’autres pays. Le succès de la liste dirigée par Philippe de Villiers en France en
75
1994 montre qu’il existe une réelle possibilité d’inciter les électeurs à se détacher des partis qui
dominent habituellement la politique nationale afin d’apporter leurs voix à des mouvements qui
se différencient de ces derniers en affirmant nettement leur opposition à l’Union. Ceci doit
cependant être nuancé en rappelant que la construction européenne n’était pas nécessairement la
motivation principale d’un tel vote58. Les élections de 1999, lesquelles se dérouleront pour la
première fois dans les quinze pays de l’Union simultanément, seront une occasion intéressante
d’observer l’évolution de la situation.
Cet espace politique européen embryonnaire pourrait alors se réaliser véritablement. On
s’acheminait vers un débat politique européen relativement autonome qui se ferait autours de
thèmes spécifiques, du fait de la particularité de l’Union et de ses compétences limitées.Dans cet
espace, pourrait se reconstituer un nouveau clivage centre/périphérie entre les partisans de
l’Union et les défenseurs des droits des Etats. Les partis eurosceptiques, tout en continuant à ne
rassembler les voix des citoyens de l’Union qu’à l’occasion des élections européennes, auraient
alors la perspective de s’installer dans la durée et d’y jouer un rôle important. Cependant, cette
hypothèse implique également la participation des autres courants politiques. Or, en dépit de la
constitution de fédérations européennes de partis, telles que le PSE ou le PPE, les partis
nationaux n’accordent aujourd’hui qu’une importance marginale au niveau européen. A la
différence des mouvements eurosceptique, la question européenne ne figurent pas en tête de
leurs préoccupations et des thèmes qu’ils choisissent de privilégier. Les élections européennes au
suffrage universel direct n’ont pas à ce jour réalisés les espoirs des fédéralistes qui en avaient été
d’ardents partisans, c’est à dire permettre au politique de s’emparer des questions européennes.
Elles restent des élections intermédiaires et secondaires où les thématiques nationales dominent.
Cependant, une montée en puissance des eurosceptique peut contribuer à recentrer le débat sur
l’Europe, car il devient alors nécessaire de prendre position par rapport à eux.
58 Cf. Pascal PERRINEAU : « L’élection européenne au miroir de l’hexagone » in Pascal PERRINEAU, Colette YSMAL (Dir.), Le Vote des Douze, Presses de la FNSP, Paris, 1995, p.235.
76
D’autres facteurs peuvent contribuer à la réalisation de ce scénario de la constitution d’un espace
public européen, et influer sur la stratégie des organisations eurosceptiques. Une législation sur
les partis politiques européens comme le propose l’assemblée de Strasbourg, pourrait ainsi les
encourager à renforcer leurs liens internationaux afin d’en bénéficier. En l’absence d’une telle
incitation institutionnelle, il est en revanche improbable que leur coopération aille plus loin,
étant donné la diversité de ces organisations que nous avons soulignés, et la faiblesse de leur
identité commune, laquelle se définit avant tout négativement, par le rejet de l’Union, plutôt que
par un projet commun solide.
En un sens, il nous apparaît que les organisations eurosceptiques contribuent paradoxalement à
la constitution d’une identité politique européenne. En effet, leur action cherche à démontrer
l’extrême importance à leurs yeux de l’enjeu européen, lequel est généralement sous-estimé par
les mouvements politiques. Ils contribuent donc partiellement à faire de l’Europe un enjeu du
débat politique et, en agissant au niveau européen, à le légitimer comme espace politique
nouveau. En choisissant le Parlement européen comme lieu privilégié de leur action, ils
introduisent dans les campagnes un véritable débat sur l’Europe, qui n’aurait pas nécessairement
eu lieu autrement. Les citoyens sont donc mieux sensibilisé et se voient offrir une véritable
alternative. La présence d’élus eurosceptique dans l’assemblée européenne accroit en outre sa
représentativité. Enfin, en utilisant le Parlement pour demander des comptes à la Commission et
exiger une plus grande transparence dans le fonctionnement de l’Union, ils se retrouvent parfois
aux côté des fédéralistes dans la contestation du « déficit démocratique ». Les organisations
eurosceptiques apportent donc peut-être malgré elles leur pierre à la construction d’une
démocratie européenne.
Bibliographie
Documents issus des organisations étudiées :
∑ These Tides , numéros 1, 2 et 3, Bruxelles : TEAM, 1997-1998
∑ The Truth about a federal Europe , dépliant publié par la Freedom Association.
∑ Peter SANDELL, Back Britain, not Brussels, manifeste électoral pour les élections
générales dans la circonsription de Bath, Batheston, 1997.
∑ Team Newsletter , numéro 4, Bruxelles, avril 1998, p.2.
∑ Where we stand , dépliant du British National Party, Londres, 1997.
∑ Europe des Nations , lettre des députés français du groupe Europe des Nations au
Parlement européen. Paris, 1998.
Etudes sur les partis politiques, les élections européennes :
∑ Daniel-Louis SEILER. Les Partis politiques. Paris : Armand Colin 1993.
∑ Michel OFFERLE. Les Partis politiques. Paris : PUF, 1987.
∑ Annie LAURENT, Bruno VILLALBA (dir.). Les Petits partis. Paris ; Montréal :
L’Harmattan, 1997.
∑ Pascal PERRINEAU, Colette YSMAL (Dir.). Le Vote des Douze. Paris : FNSP, 1995
∑ Juliet LODGE (dir.). The 1994 elections to the European Parliament. Grande
Bretagne : Pinter, 1996.
∑ Cees VAN DER EIJK et Mark N. FRANKLIN (dir.). Choosing Europe. Etats-Unis :
University of Michigan Press, 1996.
∑ Raphael BODIN. Le Discours européen des partis politiques français lors de la
campagne des élections législative 1997. Mémoire de DEA en Sciences de
l’Information et de la Communication, CELSA, 1998.
Autres ouvrages utilisés :
∑ Denis-Constant MARTIN (Dir.). Cartes d’identité. Paris : FNSP, 1994.
∑ Raymond ARON (dir.). La Querelle de la CED. Paris : FNSP, 1956.
∑ Bernard BARTHALAY. Le Fédéralisme. Paris : PUF, 1981.
∑ Paul SABOURIN. Les Nationalismes européens. Paris : PUF, 1996.
Liste des sigles utilisés
ADIEU : Analysis of the Dangers In the European Union (Royaume-Uni)
AFL : Anti-Federalist League (Royaume-Uni)
AMA : Anti-Maastricht Alliance (Royaume-Uni)
BUUSK : Borgerlige Unge UnionsSkeptikeres Klub (Danemark)
CAEF : Campaign Against European Federalism (Royaume-Uni)
CAFE : Conservatives Against a Federal Europe (Royaume-Uni)
CED : Communauté Européenne de Défense
CEE : Communauté Economique Européenne
CIB : Campaign for an Independant Britain (Royaume-Uni)
CPNT : Chasse, Pêche, Nature, Tradition (France)
EDN : Groupe des Indépendants pour une Europe des Nations
ERG : European Research Group
GPV : Gereformeerd Politiek Verbond (Pays-Bas)
MDC : Mouvement des Citoyens (France)
MPF : Mouvement Pour la France (France)
PAC : Politique Agricole Commune
PPE : Parti Populaire Européen
PSE : Parti des Socialistes Européens
RP : Referendum Party (Royaume-Uni)
RPF : Reformatorische Politieke Federatie (Pays-Bas)
RPR : Rassemblement Pour la République (France)
SGP : Staatkundig Gereformeerde Patij (Pays-Bas)
TEAM : The European Anti-Maastricht Alliance
UE : Union Européenne
UEM : Union Economique et Monétaire
UKIP : United Kingdom Independance Party (Royaume-Uni)
Annexe 1
Répartition des organisations eurosceptiques par pays et par orientation politique
Pays Gauche Droite
Danemark Folkebevaegelsen mod EF-Unionen
JuniBevaegelsen
Unge Mod Unionen
Enhedslisten (alliance rouge et verte)
Borgerlige unge Unionskritikere (BUUSK)
Espagne Movimiento contra la Europa de Maastricht
France Mouvement des Citoyens (MDC)
Comité pour l’abrogation du Traité de Maastricht
Mouvement Pour la France (MPF)
Demain la France
Finlande VaihtoehtoEU
Italie Italian Left Against Maastricht
Irlande National Platform
Peace and Neutrality Alliance
Pays-Bas Platform Naar een Ander Europa
Eurofractie SGP/GPV/RPF (partis protestants)
Royaume-Uni
Anti-Maastricht Alliance, (AMA) :
Campaign for an Independant BritainUnited Kingdom Independance Party (UKIP)Scotland Against Being Rules By EuropeCampaign for a British Referendum
The Green Party
Labour Euro- Safeguards Campaign
Campaign against Euro-federalism
The Brugges Group
Conservatives Against a Federal Europe (CAFE)
Campaign for UK Conservatism
The Freedom Association
The European Foundation
Referendum Movement
The New Alliance
The Critical European Group
Suède Folkörelsen Nej till EU
Unga mot EU
EU-kritiska Radet
Sverige ut ur EU
Miljöpartiet de Grôna
Progressive EU Opponents
Centernej til EU
Suisse Forum pour la démocratie directe
Estonie Estonian European Research Group
Islande Samstada um ohad Island
Lituanie National Democratic Movement for Lithuanian Independance
Norvège Nei til EU
Ungdom mot EU
Centerpartiet
Annexe 2 : Le TEAM
VII Les organisations membres du TEAM
Autriche :
∑ Mouvement pour la neutralité (observateur)
∑ Parti Communiste (observateur)
Danemark :
∑ Folkebevaegelsen : « Mouvement populaire contre l’EU » (créé en 1972), membre
fondateur du TEAM.
∑ JuniBevaegelsen : « Mouvement de Juin » (1992), membre fondateur du TEAM.
∑ « Les Jeunes contre l’UE »
∑ Folkebevaegelsen Ungdom : mouvement de jeunesse du Mouvement Populaire.
∑ Alliance Rouge et Verte (observateur).
Finlande :
∑ VaihtoehtoEU : « Alternative à l’UE » (1991), membre fondateur.
Islande :
∑ Samstada um ohad Island : « Solidarité pour une Islande Indépendante »
Irlande :
∑ National Platform
∑ Peace and Neutrality Alliance : « Alliance pour la paix et la neutralité »
Pays-Bas :
∑ « Vers une Europe différente »
Norvège :
∑ Nei til EU : « Non à l’UE » (1972), membre fondateur
∑ « Parti du Centre » (observateur)
∑ « Alliance électorale Rouge » (observateur)
Espagne :
∑ Movimiento contra la Europa de Maastricht :« Mouvement contre l’Europe de
Maastricht »
∑ Collective of Divergent Women
Suède :
∑ « Le Centre pour le Non à l’UE »
∑ Unga mot EU : « Les Jeunes contre l’UE » (Suède)
∑ « Parti Vert » (Suède)
∑ EU Critical Council (Suède)
∑ Sverige ut ur EU : « La Suède hors de l’UE »
∑ Folkörelsen Nej till EU : « Mouvement du Peuple pour le Non à l’UE » (observateur)
Suisse :
∑ « Forum pour la Démocratie directe »
Royaume-Uni :
∑ Campaign for an Independant Britain : « Campagne pour une Grande-Bretagne
Indépendante »
∑ Campaign against Euro-federalism « Campagne contre le fédéralisme européen »
(Royaume-Uni)
∑ United Kingdom Independance Party (UKIP)
∑ Youth against the EU
∑ The Bruges Group
∑ New Alliance
∑ Labour Euro-Safeguard Campaign (observateur)
N.B. : cette liste est présentée ici sous la forme adoptée dans les publications les plus récentes du
TEAM, rédigées en anglais. Nous avons donc reproduit ces noms dans cette langue lorsqu’il nous a
été impossible de retrouver le nom original de l’organisation.
En outre, se sont exprimés où ont été le sujet d’articles dans « These Tides », les mouvements
suivants :
∑ Analysis of the Dangers in the European Union (ADIEU), Royaume-Uni, University of
London, 1997
∑ « Marches Européennes », Paris, France
∑ « Comité Luxembourgeois pour les Marches européennes », Luxembourg
∑ « Mouvement Pour la France » (MPF), France
∑ National Democratic Movement for Lithuanian Independance, Lituanie
∑ Eurofractie SGP/GPV/RPF, Pays-Bas
∑ Progressive EU Opponents, Suède
∑ European Research Group (ERG), international
∑ The Freedom Association, Royaume-Uni
∑ Conservatives Against a Federal Europe (CAFE) , Royaume-Uni
∑ The European Foundation, Royaume-Uni
∑ Anti-Maastricht Alliance, (AMA) , Royaume-Uni
∑ Referendum Party, Royaume-Uni
∑ « Parti Communiste Français », (PCF), France
∑ « Mouvement des Citoyens » (MDC), France
∑ The Green Party, Royaume-Uni
∑ BUUSK , « Jeunes Eurosceptiques Anti-Socialistes », Danemark
∑ Campaign for UK Conservatism, Royaume-Uni (Rodney Atkinson)
∑ DAVID Group, Parlement Européen
∑ Estonian European research Group, Estonie
VIII Le bureau du TEAMLors de la dernière Assemblée générale de l’organisation, à Londres les 6 et 8 mars 1998, 60
personnes ont participé, représentant 33 organisations et 15 pays. Le bureau est composé de :
∑ Anthony Coughlan, de la « National Platform » irlandaise, Coordinateur.
∑ Hervé Fabre-Aubespy, France, Trésorier
∑ Anna Ólafsdóttir Björnsson, Islande
∑ Håkan Larsson, Suède
∑ María José Aubet, Espagne
∑ Nigel Spearing, Royaume-Uni
∑ Ulla Klötzer, Finlande
∑ Boleslaw Rok, Pologne, observateur
Annexe 3 : Groupe des Indépendants pour l'Europe des Nations :
Texte figurant sur la page de présentation du site Internet : http://www.europarl.eu.int/edn/index.html
Le Groupe des Indépendants pour l'Europe des Nations au Parlement européen a été constitué à la
suite des élections de juin 1994. Il s'est donné pour objectif de combattre le super Etat européen
préparé par Maastricht et Amsterdam, et de promouvoir une Europe respectant les démocraties
nationales.
Une Europe pour les peuples
Les peuples, dans le monde futur que nous voulons, doivent avoir le droit de maintenir leurs
identités, leurs traditions, leur culture, leur langue. Ils doivent avoir le droit de choisir leurs lois et
leur mode de vie. Ils doivent avoir le droit de défendre leur emploi selon les moyens qu’ils jugent
appropriés.
Mais pour qu'ils puissent exercer librement ces choix, il faut d'abord qu'ils soient reconnus et
respectés en tant que tels. C'est pourquoi l'Europe pour les peuples est d'abord une Europe par les
peuples.
Cette Europe obéit aux principes suivants :
S'appuyer sur les nations : l'Union européenne n'a pas à connaître les citoyens directement, elle doit
rester une association d'Etats ; la volonté de chaque peuple représente le droit supérieur de l'Union ;
le contrôle démocratique est prioritairement exercé par les Parlements nationaux ; les impôts sont
nationaux, et l'Union vit de "cotisations" des Etats.
Laisser les Etats choisir leurs coopérations : une coopération à cinq membres, et qui fonctionne,
vaut mieux qu'une coopération à vingt cinq qui ne fonctionne pas. Voilà résumé en une phrase la
vérité simple que l'on désigne parfois sous le nom de "géométrie variable". Mais l'application de ce
principe sous-entend :
1) que les nations soient souveraines et,
2) que l'on répudie le dogme, dominant à Bruxelles, de l’unité institutionnelle".
Annexe 4 : Les élus au Parlement Européen
Le groupe « Europe des Nations » est composé de députés de quatre pays de l'Union européenne : 4
danois, 10 français, 1 britannique et 2 néerlandais59 :
∑ Coprésident : Jens-Peter BONDE (DK)
∑ Coprésident : Georges BERTHU (F)
∑ Coprésident : Johannes BLOKLAND (NL)
∑ Vice-Président : Hervé FABRE-AUBRESPY (F)
∑ Vice-Président : Ole KRARUP (DK)
∑ Vice-Président : James NICHOLSON (GB)
∑ Trésorier : Thierry JEAN-PIERRE (F)
∑ Stéphane BUFFETAUT (F)
∑ Rijk van DAM (NL)
∑ Charles de GAULLE (F)
∑ Lis JENSEN (DK)
∑ Edouard des PLACES (F)
∑ Marie-France de ROSE (F)
∑ Ulla M. SANDBAEK (DK)
∑ Françoise SEILLIER (F)
∑ Dominique SOUCHET (F)
∑ Frédéric STRIBY (F)
59 http://www.europarl.eu.int/edn/membres.html
Annexe 5 : Présentation des organisations
Danemark
Folkebevægelsen mod EF-Unionen et JuniBevægelsen
Deux « partis » eurosceptiques se présentent lors des élections européennes au Danemark. Le
Folkebevægelsen mod EF-Unionen, « Mouvement Populaire contre la Communauté européenne »
devenu « Mouvement Populaire contre l’Union européenne » rassemblait autours du cinquième des
voix lors des élections européennes. Ce mouvement demande que le pays se retire de l’Union. Le
JuniBevægelsen, « Mouvement de Juin », s’est également présenté en 1994. Il a des revendications
plus modérée et soutien l’appartenance aux Communautés européennes tout en refusant le Traité de
Maastricht et l’accord d’Edinburgh, qui a permis la ratification par le Danemark en accordant des
exemptions au pays. Ils ont également fait campagne contre le Traité d’Amsterdam lors du
référendum du 28 mai 199860. Les deux mouvements s’affirment non-partisans. Ils appartiennent
tous deux au réseau TEAM depuis sa fondation.
Les élections européennes produisent au Danemark des résultats très différents des élections
nationales. On a même pu écrire qu’il existait un système de partis distinct, en raison du clivage
relatif aux Communautés européennes qui n’influence pas le choix partisan des électeurs lors des
élections nationales mais a un impact considérable pour le choix des élus au Parlement Européen61.
Si la candidature aux Communautés en 1961, faisait l’objet d’un consensus entre les partis
politiques, il est apparu dix ans plus tard, à l’approche de l’adhésion, une opposition dans le pays.
C’était un mouvement « inattendu, peu organisé, anti-establishment (...) sans le soutien d’aucun
60 Team Newsletter, numéro 4, Bruxelles, avril 1998, p.2.
61 Torben WORRE, « Denmark : Second-order containment », in Cees VAN DER EIJK et Mark N. FRANKLIN (dir.), op.cit., p.97.
parti ou organisation important »62. Le Folkebevægelsen, (Mouvement Populaire contre la
Communauté européenne) a été fondé en 1972 à l’occasion du référendum du 2 octobre sur
l’adhésion pour regrouper ces opposants. Le « oui » l’emporte cependant par 63%.
Les principaux partis politiques danois sont favorables à l’appartenance aux Communautés, même si
la plupart comptent des dissidents. Les partis dits « bourgeois » (Conservateurs, Libéraux, Centre-
Démocrate et Parti Populaire Chrétien) sont de plus généralement partisans d’une plus grande
intégration. En revanche, les autres partis préfèrent le statu quo, et s’efforcent de préserver les
compétences des Etats-membres en rejetant de nouveaux transferts de souveraineté. Ce sont les
Radicaux, les Sociaux-Democrates et le Parti du Progrès. Enfin, le Parti Populaire Socialiste et les
petits partis de gauche sont farouchement opposés à l’adhésion danoise à la CEE, comme d’ailleurs
à l’OTAN. La CEE n’est pas démocratique, elle est centralisée et supranationale, et sert avant tout
les intérêts du capitalisme. Enfin, elle empêche la coopération nordique et avec le reste de l’Europe,
selon le manifeste du Parti Populaire Socialiste.
Les élections européennes permettront aux nombreux danois hostiles à la CEE puis à l’Union
européenne de s’exprimer, principalement en votant en faveur du Folkebevægelse. Elles ont toutes
depuis 1979 donné des résultats qui ne correspondent pas aux résultats des élections nationales,
même très rapprochées. L’électorat n’étant pas tenté par les partis d’extrême-gauche, c’est le
Mouvement Populaire contre la Communauté européenne qui a profité de ce phénomène. Il tente de
faire de chaque élection européenne une sorte de référendum, pour ou contre la CEE. La profession
de foi du mouvement63 disait en 1978 : « L’élection européenne n’est pas l’affaire des partis mais
une occasion de démontrer l’attitude du peuple face à la Communauté européenne » et « Il est
62 Torben WORRE, op.cit., p. 98.
63 Programme électoral du Mouvement Populaire contre la Communauté européenne adopté par la conférence nationale des 28-29 octobre 1978 à Odense, cité par Torben WORRE, op.cit., p.105.
important de souligner que le Folketing aujourd’hui ne représente pas l’opinion populaire envers la
Communauté européenne ».
Le mouvement regroupait des membres de plusieurs partis et ne défendait qu’un seul thème : le
retrait de la CEE. Il n’avait donc pas de programme général et ses députés européens devaient
s’abstenir lors de la plupart des votes.
La nomination des candidats a posé des difficultés vis-à-vis des partis traditionnels opposés à la
Communauté. En fin de compte, le Folkebevægelse a non seulement présenté des dissidents des
grands partis et des indépendants, mais aussi des membres de ces partis, y compris, en 1979, un
communiste. Ces derniers candidats étaient donc en compétition avec leur propre parti. Le parti
communistes a décidé de ne pas se présenter mais a appelé à voter pour son candidat sur la liste du
Folkebevægelse, ce que fit aussi le Parti de la Justice en 1984. Plus qu’un mouvement cohérent, le
Folkebevægelse apparaît donc plus comme une coalition de dissidents et de membres de petits
partis. Il semble que ce soit essentiellement à gauche que le transfert de vote se fait à l’occasion des
élections européennes, car les partis « bourgeois », favorables à l’intégration, conservent un score
comparable à celui qui est le leur habituellement alors que les autres partis fléchissent.
Le FolkebevægelseI a obtenu 21% des voix, soit 1% de moins que le parti arrivé en tête, en 1979 et
0,1% de moins en 1984. A l’occasion des européennes, le mouvement est donc la seconde formation
du pays. Ce fut le cas également en 1989 avec 19% et quatre élus.
Les opposants à l’adhésion demandent un nouveau référendum, espérant qu’une hostile aux
Communautés, que semblent révéler les enquêtes d’opinion, se dégagera. Toute nouvelle étape vers
plus d’intégration doit aussi être soumise à référendum. Pourtant, celui relatif à l’acte unique
européen en 1986 voit celui-ci approuvé par 56% des électeurs, affaiblissant ainsi considérablement
le camp des adversaires de l’appartenance à la CEE.
En outre, la création de l’Union européenne et le référendum du 2 juin 1992 (ou le « non » l’a
emporté par 50,7%) a fait apparaître un nouveau clivage sur l’Europe. En effet, parmi les partisans
du maintien du pays dans la Communauté, certains étaient tout à fait hostiles au Traité de
Maastricht. Ils furent rejoints par les plus modérés des partisans du Mouvement Populaire contre la
Communauté européenne, qui avaient finis par se résigner à la participation danoise à la
construction européenne, mais étaient prêt à se mobiliser contre le nouveau traité. De nouvelles
organisations furent crées en dehors du Folkebevægelse comme « Danemark ‘92 ». Après le
référendum, il y eut une scission et la création du « Mouvement de Juin », JuniBevægelsen, dont
trois des députés européens. Le JuniBevægelsen accepte l’appartenance à la Communauté tout en
défendant la souveraineté des Etats et en s’opposant à l’Union, alors que le Folkebevægelse
demande toujours le retrait du pays.
Chacun des deux mouvement a obtenu deux élus en 1994, qui siègent ensembles au groupe EDN,
avec 15,2% des voix pour les premiers et 10,3% pour les seconds. Les deux élus du Mouvement de
Juin étaient membres du Parlement européen depuis 1979 pour Jens-Peter Bonde et 1989 pour Ulla
Sandbæk.
Borgerlige Unge UnionsSkeptikeres Klub
Traditionnellement, l’opposition à l’intégration européenne au Danemark était plutôt marquée à
gauche alors que la droite était plutôt favorable à l’adhésion. En revanche, lors du référendum de
1992, le clivage sur l’Europe ne recoupait plus le clivage gauche/droite. Le 28 février 1997, une
association a été créée afin de regrouper des jeunes militants de droite opposés à l’Union : les
« jeunes eurosceptiques anti-socialistes » (BUUSK), lesquels n’hésitent pas à se référer à Margaret
Thatcher64.
64 These Tides, numéro 1, p.23.
Espagne
Movimiento contra la Europa de Maastricht
Le « Mouvement contre l’Europe de Maastricht et la globalisation économique » est une
organisation espagnole membre du TEAM depuis sa fondation. Fondé en avril 1996, il rassemble
des mouvements très divers, selon Ramón Fernández Durán, l’un de ses animateurs, qui a été
membre du premier bureau du réseau international. Les organisations associées ne sont pas
nommées et il semble plus s’agir d’un collectif d’individus que d’une plate-forme d’association.
L’article de These Tides précise que participent notamment des membres de Izquierda Unida, c’est
à dire des communistes. Ce mouvement se situe nettement à gauche, dans la tradition de ceux qui
s’étaient opposés sans succès à l’appartenance à l’OTAN lors du référendum. Il s’associe en outre à
des actions contre le FMI et la Banque Mondiale.
Estonie
Groupe de Recherche Européenne d’Estonie
Parmi les participants aux différentes réunions du TEAM, on trouve aussi des personnes
représentant des organisations en Europe centrale et orientale, en particulier des pays baltes
nouvellement indépendants. Arne Otter, militant de centre-droit et président du Conseil National de
la Jeunesse d’Estonie, a présenté dans le premier numéro de These Tides une association qu’il a
contribué à lancer, le 20 août 1996, après avoir participé aux rencontres du TEAM. L’objectif est de
coordonner les activités des « euro-critiques » du pays.
Autre pays Balte, La Lituanie : These Tides a publié dans son numéro 3 des articles relatifs au
« Mouvement National Démocrate pour l’Indépendance de la Lituanie », lequel menait campagne
pour le candidat conservateur Rimantas Smetona, le seul faisant campagne sur le thème du refus de
l’adhésion à l’Union.
Finlande
Vaihtoehto EU
« Alternative à l’UE » a été fondé en 1991 comme association trans-partis et a participé très
activement à la campagne lors du référendum d’octobre 1994 sur l ’adhésion de la Finlande à
l’Union. L’objectif de l’association était d’obtenir des référendums également relativement à
l’adhésion à l’euro et au traité d’Amsterdam. Dans cette perspective, une pétition national aurait été
lancée65. Ulla Klötzer, chairman du mouvement, souligne le peu de moyens dont il dispose, il ne
fonctionne en effet que par l’action de bénévoles, au regard de ceux bien plus considérables dont
bénéficient les partisans de l’Union.
« Alternative à l’UE » a pris part aux élections européennes d’octobre 1996, laquelle devait élire les
seize députés européens finlandais, suite à l’adhésion du pays. Une liste rassemblant des membres
de plusieurs partis a été présentée. Il a fallu pour cela réunir 10.000 signatures de soutien dans tout
le pays. La liste comprenait deux personnes du « Parti du Centre », une de la « Coalition
Nationale », une du Parti Populaire Suédois », une du « parti Communiste », une de la « Ligue des
Verts », une du « Parti écologiste » et en fin trois personnes non affiliées à un parti. La liste a
obtenu 2,1% des voix et ambitionne de renouveler l’expérience en 1999. Néanmoins, soulignent les
responsables du mouvement, les candidats opposés à l’Union ont réunis 37,8% des voix et cinq
sièges : trois pour le « Parti du Centre » et deux de l’« Alliance de la gauche ». L’un de ces derniers,
Esko Seppänen, est le seul Finlandais dans le groupe « David » où sont associés les élus
« eurosceptiques » nordiques au Parlement Européen. Il ne semble donc pas y avoir véritablement,
hors du mouvement, de coordination entre les eurosceptiques finlandais.
65 These Tides, numéro 1, p.24.
L’« Alternative à l’UE » semble donc s’orienter plutôt vers les mouvements danois qui, à part des
actions de campagne contre l’Union, notamment à l’occasion de référendums, tente de profiter des
élections européennes pour se faire entendre de manière plus permanente.
France
Le Mouvement Pour la France
Au contraire des mouvements danois, le MPF présente des candidats aux élections nationales. Il
revendique outre ses députés européens, deux députés : Philippe de Villiers et Dominique Caillaud,
un sénateur : Philippe Darniche, quatorze conseillers régionaux, et 800 élus locaux : conseillers
généraux, maires et conseillers municipaux ainsi que 11000 adhérents à jour de cotisation 66. Les
trois élus au Parlement français sont vendéens, mais le parti affirme avoir des fédérations actives
dans tous les départements métropolitains.
Le MPF a été fondé en 1994, suite au succès de la liste dirigée par Philippe de Villiers aux élections
européennes cette année là. En effet, la liste RPR-UDF était dirigée par deux personnalités connues
pour leur engagement en faveur du Traité de Maastricht, Dominique Baudis et Hélène Carrère
d’Encause. Même si ceux-ci avaient dus renier toute velléité de fédéralisme pour satisfaire aux
eurosceptiques de la majorité de l’époque, cette situation a donné la possibilité de réactiver le
clivage révélé par le référendum de 1992 et de tenter ainsi d’attirer les suffrages d’une partie de
l’électorat de droite qui avait alors choisi un vote négatif. C’est dans cette perspective que Philippe
de Villiers, alors membre du Parti Républicain, avait monté, avec le soutien financier de Jimmy
Goldmith67, la liste « La Majorité pour l’Autre Europe ».
66 http://www.mpf-villiers.org/qui.html
67 Le coût de la campagne de la liste « La Majorité pour l’Autre Europe » a été estimé à 27 millions de francs, contre 15 millions pour la liste du PS et 20 millions pour la liste RPR-UDF. Cf. John GAFFNEY, op.cit., p.105.
Comité pour l’abrogation du Traité de Maastricht
Le « Comité national pour l'abrogation du traité de Maastricht », constitué le 1er février 1997 à
l'initiative notamment de membres du PCF, du Parti des Travailleurs et du Mouvement des
Citoyens, ainsi que de syndicalistes, revendique 50.000 adhérents. A l’origine, quarante et une
personnes ont lancé ensemble, sans engager leurs organisations respectives, un appel pour
l’abrogation du Traité de Maastricht, le rejet de la monnaie unique et la non-ratification du Traité
d’Amsterdam. Le 16 mai 1998, une manifestation a eu lieu à Paris qui aurait regroupé, selon les
organisateurs, « des dizaines de milliers de personnes ». Une première manifestation semblable
avait eu lieu le 31 mai 1997.
Demain la France
Charles Pasqua, qui avait été l’un des leaders de la campagne pour le « non » au Traité sur l’Union
européenne en 1992, a relancé en juin 1998, et Transformé ce club de réflexion lancé en 1992 en
« mouvement d’action ». qui pourrait mener campagne contre le Traité d’Amsterdam,
éventuellement en liaison avec le MPF de Philippe de Villiers68.
Irlande
National Platform
La National Platform a participé aux campagnes lors des divers référendums relatifs à l’Union
européenne en Irlande.
Norvège
Nei til EU
L’organisation norvégienne « Non à l’UE » a été fondée comme un groupe informel en 1988, et
constitué en association en août 199069. Nei til EU est la seule organisation trans-partisane qui 68 Le Monde, numéro 16661, 21 août 1998, Paris, p.5.
69 http://www.uio.no/~kajh/nteu/
rassemble les adversaires norvégiens à l’adhésion à l’Union. Elle a été particulièrement active
durant la campagne du référendum de novembre 1994. Nei til EU se définit comme une organisation
politique dont le seul but est que la Norvège reste hors de l’Union. Néanmoins, elle a développé un
programme politique relatif à la démocratie, à l’environnement et à la solidarité internationale.
L’organisation a commencé à partir de 1990 à constituer des sections locales et régionales. Elle
revendiquait 15.000 membres fin 1990 et 145.000 en novembre 1994, soit 5% de l’électorat, avec
des sections dans chaque commune. Néanmoins, l’organisation était mieux implantée dans les zones
rurales que dans les grandes villes.
Le Parlement ayant accordé une subvention importante à l’organisation, afin d’équilibrer la
campagne d’information gouvernementale, Nei til EU a imprimé un livre de 140 pages à 1,8
millions d’exemplaires, lequel comprenait 20 pages d’argumentaires ainsi que des contributions
d’une trentaine d’auteurs et de poètes connus.
Les adversaires de l’adhésion de la Norvège à l’Union tentent maintenant de faire rejeter la
ratification de l’accord de Schengen par le Parlement. En outre, ils demandent le retrait de l’Espace
Economique Européen, lequel impose au pays une partie des directives communautaires.
Cependant, la victoire le référendum a été suivi par une démobilisation importante et le non-
renouvellement de l’adhésion d’un très grand nombre de membres.
Pays-Bas
Coalition pour une Europe différente
L’organisation néerlandaise membre du TEAM a organisé notamment, tout comme d’ailleurs les
fédéralistes de leur côté, un contre-sommet à Amsterdam, durant la réunion du Conseil Européen où
a été décidé le nouveau traité. L’union économique et monétaire est visée comme étant la cause de
l’augmentation du chômage. L’Union européenne est en outre coupable de réduire les droits des
travailleurs et d’être un instrument pour imposer la mondialisation.
Royaume-Uni
Le United Kingdom Independance Party
Le cas du UKIP nous semble ici particulièrement intéressant car il est sans ambiguïté une
organisation créée spécifiquement afin de s’opposer à l’Union européenne, dans un pays-membre, et
qui se veut un acteur de la compétition politique à part entière.
« Le seul (parti) qui dit que la Grande-Bretagne doit quitter l’Union européenne et rejeter les
Traités de Rome et de Maastricht » a succédé le 3 septembre 1993 à la « Ligue Anti-Fédéraliste »
(Anti-Federalist League, AFL) créée en novembre 1991 par le Dr.Alan Sked à la London School of
Economics (LES) en vue de présenter des candidats anti-Maastricht aux élections générales de
199270. 20 candidats s’étaient alors présentés. Le leader, Alan Sked, s’opposait au « chairman » du
Parti Conservateur, Chris Patten à Bath. Cependant, ils n’eurent pas alors de couverture médiatique.
En 1993, lors d’élections partielles à Newbury et Christchurch, il arriva quatrième de 19 et 14
candidats respectivement, à 500 voix du candidat travailliste. Ces résultats l’encouragèrent à fonder
le parti.
Le UKIP dispose maintenant de sections locales, d’un siège national à Regent Street et d’une lettre
d’information : UK Independence News. A l’occasion des élections européennes de 1994, le UKIP a
présenté des candidats dans 24 circonscriptions71 (sur 84, le Royaume-Uni ayant adopté le scrutin
uninominal à un tour, et donc ayant une circonscription pour chaque député européen, à l’exception
des trois élus pour l’Irlande du Nord) qui ont obtenus au total 157000 voix, c’est à dire environ 1%
des voix, mais 3,3% dans les circonscriptions qu’il disputait, soit un peu plus que le Green Party et 70 http://www.independenceuk.org.uk/version2/page7.html
71 24 selon le site internet du UKIP, 25 selon Neill NUGENT, op.cit., p.174. Le Parti Vert et le Parti de la Loi Naturelle ont eux réussis à présenter des candidats dans toutes les circonscriptions de Grande-Bretagne.
a dépassé les 5% dans quatre circonscriptions (seuil qui permet le remboursement de la caution de
1000£ requise pour présenter une candidature)72.
Le 28 octobre 1995, le parti a réuni sa première conférence annuelle à la LSE, réunissant « plus de
500 délégués de tout le Royaume-Uni ». La seconde conférence, le 12 octobre 1996, au Westminster
Central Hall, a réuni « presque 1000 délégués » et aurait été couvert par la télévision.
Une préoccupation importante des dirigeants du parti semble être d’éviter l’infiltration par des
extrémistes. Les membres et en particulier les candidats doivent signer une déclaration certifiant
qu’ils n’ont pas de passé criminel, de maladie mentale, ou de liens avec des groupes politiques
d’extrême droite ou d’extrême gauche.
Le UKIP présente des candidats aux autres élections, à la différence des « mouvements »
eurosceptiques danois. Il proclame être le quatrième parti du pays car il a obtenu, lors d’élections
législatives partielles, de meilleurs résultats que le Green Party, et est arrivé juste derrière les trois
grands partis à plusieurs reprises. Il participe à toutes les élections partielles et espère percer à
l’occasion des européennes de 1999. Les faibles résultats jusqu’ici doivent être expliqués, selon les
argumentaires du parti, la jeunesse du mouvement, qui n’a pas encore eu le temps de s’imposer.
Mais la proximité des principaux partis sur l’Europe : tous acceptent l’appartenance du pays à
l’Union, lui fait espérer que sa différence lui permettre de rencontrer le succès. Les faiblesses du
parti admises par sa documentation sont le financement et la couverture médiatique.
Le 1er mai 1997, lors des élections générales, les candidats du UKIP étaient en compétition avec
ceux du Referendum Party de James Goldsmith, ce que beaucoup de militants ont regrettés. Suite à
la dissolution du RP, il y a eu des candidatures communes lors d’élections partielles, ainsi le 20
novembre 1997 à Winchester, avec l’étiquette « Referendum/UK Independence Alliance »73.
72 Neill NUGENT, op.cit., p. 181.
73 Craig MAC KINLAY, « Down to work ! » in Independance, numéro 23, UKIP, novembre 1997.
L’objectif est désormais de « ne plus jamais diviser le vote anti-Maastricht ». Le UKIP fait partie
du TEAM, de l’« Alliance Anti-Maastricht » (Anti-Maastricht Alliance : AMA) et de la « Campagne
pour sauver la Livre » (Save the Pound Campaign), un réseau regroupant près d’une trentaine
d’associations britanniques. Il n’est donc pas opposé au travail en commun avec d’autres
organisations, mais tient à conserver sa spécificité : en effet, le Referendum Party, quoique composé
d’adversaires du Traité de Maastricht, ne se donnait officiellement pour objectif que d’obtenir un
référendum sur l’intégration européenne, sans prendre officiellement position. Au contraire, le
UKIP a non seulement une position très tranchée sur la question, mais rejette le qualificatif de
« single-issue party » : il a en effet développé une ébauche de programme, où, dans la plupart des
domaines, tout est conditionné au retrait de l’Union européenne.
Le Referendum Party
Le Referendum Party (RP) a été créé par Sir James Goldsmith en vue des élections générales de mai
1997 au Royaume-Uni. Il a été cependant annoncé à l’avance que le « parti » serait dissout après les
élections, avec seulement une vague perspective de le voir poursuivre sous la forme d’un
Referendum Movement. Pour les animateurs du TEAM, le RP ne fait donc pas parti du mouvement
anti-UE en général74. Ils le reconnaissent néanmoins comme étant proche d’eux. C’est aussi le
sentiment des animateurs du UKIP dans divers articles relatif à la coopération avec les anciens
membres du RP suite aux élections générales. Une rencontre a eu lieu le 7 juin 1997 à Basingstoke
afin d’organiser leur coopération75. On lui reconnaît le mérite d’avoir permis de mettre la question
de l’Union au coeur du débat politique en Grande-Bretagne, d’avoir poussé les deux principaux
partis à s’engager à un référendum sur la participation à la monnaie unique (même si cela est
considéré comme insuffisant), d’avoir réduit l’influence de la direction nationale du Parti
Conservateur sur ses élus, et enfin d’avoir fait s’engager en politique de nombreux citoyens
74 These Tides, numéro 1, p.12.
75 Margaret EVANS, « Let us go forward together », in These Tides, numéro 2, p.14.
autrefois inactifs. Un vibrant hommage est d’ailleurs rendu à l’action de James Goldsmith après le
décès de ce dernier76. La New Alliance a été lancée en vue de rassembler les anti-fédéralistes suite
aux divisions lors des élections générales de 1997.
The New Alliance
La New Alliance a été fondée à Basingstoke le 7 juin 1997 lors d’une conférence rassemblant des
militants déçus par l’opposition des candidats du RP et du UKIP lors des élections du mois
précédent77. L’objectif est d’éviter que les voix soient à nouveau dispersées. En vue des prochaines
élections au Parlement Européen, elle vise la constitution d’une liste unique qui se place sous la
bannière du groupe « Europe des Nations ». Ses statuts se réfèrent également au TEAM. Il ne s’agit
pas véritablement donc d’une organisation partisane mais plutôt d’une confédération d’organisations
et de personnes désireuses de mener leur action dans le cadre électoral.
Conservatives Against a Federal Europe
Lancé à l’occasion de la conférence annuelle du Parti Conservateur britannique, à Bournemouth en
1996, le CAFE revendique 4.000 cotisants, dont de nombreux membres du Parlement. Deux pairs
ont acceptés les postes de vice-présidents et Lord Pearson of Rannoch préside l’organisation. Le
CAFE s’efforce de dénoncer « ce qui se passe réellement à Bruxelles » auprès des politiques et des
médias et de réorienter le parti, lequel est toujours dominé par des pro-européens selon lui. Les
parlementaires membres du CAFE ont à plusieurs reprises fait des propositions de loi en vue de
rétablir la prééminence de la loi nationale sur la loi communautaire, remettant ainsi en cause la
principale caractéristique du droit européen.
Cependant, il est souligné que le CAFE est une organisation indépendante et que y adhérer ne
constitue pas une adhésion au Parti Conservateur.
76 These Tides, numéro 3, p.26.
77 http:// www.users.dircon.co.uk/~iits/newalliance/const.htm
Labour Euro-Safeguards Campaign
L’association regroupe des membres du parti Travailliste britannique opposés à la participation du
pays à l’union économique et monétaire. Elle participe aux réseaux qui se sont constitués dans ce
but mais agir essentiellement au sein du parti.
Campaign against euro-federalism
Fondée en 1991, la « Campagne contre le fédéralisme européen » (CAEF)vise le mouvement
syndical. En effet, la perspective d’une Charte sociale au niveau européen a rallié une grande partie
des syndicats à l’idée européenne. En 1996, le Trade Union Council (TUC) a voté le soutien à
l’adhésion du Royaume-Uni à l’UEM. Le Parti Travailliste a pour sa part laissé ouverte cette
possibilité. En revanche, un certain nombre de syndicats ont pris position contre l’euro, en
particulier le plus grand d’entre eux, l’UNISON, qui rassemble les salariés du secteur public.
La CAEF cherche a faire valoir son point de vue dans le mouvement ouvrier britannique et à
répondre aux arguments des partisans de l’Union. L’Union européenne serait en effet au service du
« grand capital »78.
L’association fait partie des membres-fondateurs du TEAM. Elle publie un bimensuel intitulé « The
Democrat ».
Le groupe de Bruges
The Bruges Group a été créé en 1989 en référence au discours inaugural prononcé par Margaret
Thatcher au Collège d’Europe de Bruges en 1988. L’ancien Premier Ministre britanniques est
président honoraire du groupe. Elle avait à cette occasion dénoncé le retour de l’autorité étatique
qu’elle avait combattu au Royaume-Uni à travers l’intervention des Communautés européennes. Le
Groupe de Bruges s’efforce par ses publications d’influencer l’opinion conservatrice. Le Groupe se
présente plus comme un think-tank que comme une organisation de campagne. Des rencontres sont
78 These Tides, numéro 1, p.15.
organisées à l’occasion des conférences du Parti Conservateur. Le 23 novembre 1997, un colloque
à King’s College à Londres a bénéficié d’une grande couverture médiatique. Le Groupe se félicite
également d’avoir poussé la BBC à reconnaître avoir exprimé des opinions pro-européenne lors
d’un reportage au lieu d’un point de vue impartial. Membre du TEAM, le Groupe de Bruges invite
des personnalités eurosceptiques du reste de l’Europe pour ses conférences tel que Jens-Peter
Bonde, député européen danois du groupe Europe des Nations79.
The Freedom Association
Fondée à l’origine, en 1975, afin de défendre les libertés individuelles, la Freedom Association
semble être devenue essentiellement une organisation eurosceptique. Elle n’est pas membre du
TEAM mais participe à l’AMA (Anti-Maastricht Alliance) et à la campagne « Save the Pound »80.
L’association reconnaît avoir un point de vue conservateur, tout en n’étant pas liée à un parti
particulier. Elle a publié des dépliants anti-fédéralistes détaillées.
Campaign for United Kingdom Conservatism
La « Campagne pour le Conservatisme au Royaume-Uni » est l’organisation « anti-UE » fondée par
Rodney Atkinson, l’un des auteurs de « Treason at Maastricht », où il détaillait des arguments selon
lesquels les ministres ayant signés le Traité sur l’Union européenne se seraient rendus coupables du
crime de Haute Trahison contre la Couronne, faisant notamment de la souveraine un « sujet » d’une
puissance étrangère du fait de la création d’une citoyenneté de l’Union. Monsieur Atkinson a
participé en mars 1997 à la réunion du TEAM à Copenhague. Néanmoins, il a refusé de participer à
l’organisation : « avec des règles, des élections, procédures de vote, comités de direction, et des
statuts, avec le même collectivisme qui, dans l’Union européenne, a causé tellement de friction et la
perte de la souveraineté que le TEAM cherche justement à rétablir »81.
79 These Tides, numéro 3, p.16.
80 Source : Mouvement Européen britannique.
81 These Tides, numéro 2, p.25.
Campaign for an Independant Britain
La « Campagne pour une Grande-Bretagne indépendante » (CIB) demande l’abrogation de l’Acte
sur les Communautés Européennes de 1972 selon lequel le droit communautaire est supérieur à la
loi nationale.
La Campagne se définit comme étant trans-partisane. Parmi ses responsables, des Membres du
Parlement et des Pairs Conservateurs et Travaillistes. Mais la plupart des membres sont « des gens
ordinaires de tout le pays »82.
L’organisation s’est constituée en 1976 sous le nom de Safeguard Britain Campaign. Ce nom fut
changé en British Anti-Common Market Campaign en 1983 puis à nouveau en 1989.
Les formes d’actions sont celles des campagnes politiques ainsi que la publications de brochures
thématiques détaillant l’argumentaire de la CIB.
Un vote postal permet d’élire au Comité National onze personnes. En outre, le Comité comprend
également des représentants des organisations associées : Labour Euro Safeguards Campaign,
Campaign against Euro Federalism, Conservatives against a Federal Europe, et Cheaper Food
League. La présence à la fois d’organisations se réclamant du parti Travailliste et du parti
Conservateur souligne l’aspect trans-partis de la Campagne.
Anti-Maastricht Alliance
L’AMA est essentiellement un forum des principales organisations eurosceptiques britanniques, ou
« euro-réalistes » selon sa documentation. L’AMA n’a donc pas d’adhérents directs. Elle a été créée
à Edimbourg lors du contre-sommet de décembre 1992. La CIB est l’un des piliers de l’AMA mais
il suffit pour y participer de souscrire à sa déclaration de principe. L’AMA organise environ quatre
meetings par an à la Chambre des Lords.
82 http://www.bullen.demon.co.uk/cibhp.htm
La « Campagne pour sauver la Livre » qu’elle a lancé rassemble en outre de nombreuses autres
organisations : The Anti-Common Market league, British Housewives League, Bruges Group,
Campaign against Euro-federalism, Campaign for an Independent Britain, Campaign for United
Kingdom Conservatism, Cheaper Food League, Conservatives Against a Federal Europe,
Conservatives for an Independent Britain, European Foundation, European Research Group,
Federation of Small Businesses, Freedom Association, Labour Euro-Safeguards Campaign,
Libertarian Alliance, New Britain, Save Britain's Fish, Scotland Against being Ruled by Europe,
UK Independence Party, Young UK Independence Party, Youth Against European union, European
Anti-Maastricht Alliance, Referendum Movement, Green Party. Un rassemblement a été organisé à
York en mars 1998 auquel a participé 700
The European Foundation
La fondation a été fondée en octobre 1993. Elle reconnaît que la plupart des Britanniques souhaitent
que leur pays demeure membre des Communautés européennes83. La Fondation se veut un forum
visant à développer le libre-échange et la coopération entre des Etats indépendant dans une
Communauté élargie, et à lutter contre la création d’un Etat fédéral européen unifié. Dans cet
objectif, elle organise des conférences à travers l’Europe et publie de nombreux documents, en
particulier The European Journal, dix fois par an. Le chairman de la Fondation est Bill Cash, un
Membre du Parlement conservateur qui s’était vigoureusement opposé à la ratification du Traité de
Maastricht en 1993 et avait organisé une pétition nationale à cette occasion, qui aurait récolté
350.000 signatures.
European Research Group
Le « Groupe de Recherche Européen » rassemble des élus de trente-cinq partis de centre-droit dans
vingt-quatre pays. Les conférences et publications de cette organisation visent à proposer des
83 These Tides, numéro 3, p.17.
alternatives à l’UEM et à lutter contre l’influence de la Cour de Justice des Communautés
Européennes. L’ERG a publié plusieurs travaux : « The Legal Agenda for A Free Europe », « The
Business Agenda for a Free Europe », « Labour’s Federal Agenda for Europe », « A Europe of
Nations », ainsi que des propositions relatives à la CIG.
Une vingtaine de députés français ont participés le 24 janvier 1997 à une conférence à l’Assemblée
nationale relative à la monnaie unique et à la réforme institutionnelle organisée par l’ERG.
Analysis of the Dangers in European Union
ADIEU est une association fondée en octobre 1997 dans le cadre de l’Union des étudiants de
l’Université de Londres, lancée par Mark Lester et Paul Sharp, membre du UKIP84. Organisée
comme les autres associations étudiantes, elle vise à dénoncer les absurdités de la législation
bruxelloise et à s’opposer à la European Society pro-Union européenne.
personnes.
Suède
Centernej til EU
Le Parti du Centre, de centre-droit, a été divisé à l’époque des négociations sur l’adhésion de la
Suède à l’Union. Au printemps 1992, des membres du parti ont décidés d’organiser l’opposition à
l’appartenance à l’Union au sein du parti, en liaison avec Birgitta Hambraeus, la seule parlementaire
partageant cette vision, laquelle avait organisée trois auditions sur la question85. Une réunion, le 22
octobre 1992, dans la circonscription de la député à Orsa, a réuni dix-sept membres du parti qui
adoptèrent une déclaration et lancèrent une lettre d’information et un réseau. « Le Centre pour le
Non à l’UE » a été lancé publiquement par une conférence de presse le 7 septembre à Stockholm.
84 These Tides, numéro 3, p.24.
85 Source : site Internet de l’organisation.
Selon ses promoteurs, l’Union serait incompatible avec les valeurs du parti : écologie, humanisme et
décentralisation. La neutralité de la Suède et la démocratie représentative seraient en péril.
Début 1993, les animateurs du réseau lancèrent la « Fondation pour une information critique sur
l’Union européenne » afin de pouvoir recevoir des subventions gouvernementales dans la diffusion
de leur message.
La convention extraordinaire du parti au printemps 1994 a décidé de soutenir l’adhésion à l’Union.
Les opposants rejoignent alors le réseau afin de continuer à agir tout en demeurant dans le parti.
Le « Centre pour le Non à l’Union » a participé à la fondation du « Mouvement Populaire pour le
Non à l’Union européenne », lequel regroupait les partisans du « Non » lors du référendum de
septembre.
L’objectif de l’association est d’agir au sein du parti et d’influencer sa position. Tous ses membres
sont donc des membres du Parti du Centre. Après une victoire du « oui » par 52%, ses animateurs
poursuivent leur action et tentent d’exploiter l’opinion anti-Union européenne qui demeure forte
dans le pays. Il demande, sur la base des sondages donnant aujourd’hui une majorité d’opinions
négatives, le retrait du pays.
Le parti aurait aujourd’hui retrouvé un consensus contre la participation à l’union économique et
monétaire.
Folkrörelsen Nej til EU
Comme ses homologues scandinaves, le « Mouvement Populaire pour le Non à l’UE » a été lancé
en vue de s’opposer à l’adhésion du pays et a mené la campagne pour le « Non » lors du référendum
de 1994. Elle se proclame indépendante des partis politiques. Contrairement aux mouvements
danois et finlandais, l’organisation, a refusé de présenter une liste lors des élections européenne.
Une scission a donc eu lieu en 199586. Sverige ut ur EU, « La Suède hors de l’UE » a été fondé dans
le but de présenter une liste et a regroupé jusqu’à 1.500 membres. Ce nouveau mouvement a
cependant rejoint le Folkrörelsen nej til EU par la suite. Ensemble, les deux organisations ont lancé
une pétition demandant un référendum sur le retrait de la Suède et auraient récoltés plus de 350.000
signatures.
Suisse
Forum pour la Démocratie Directe
A la différence de la plupart des mouvements « eurosceptiques » se réclamant de la gauche, le
Forum se définit comme étant « de centre-gauche »87. Il intervient dans les campagnes à l’occasion
des « votations politiques » en vue de défendre ses options. La Suisse a, suite à un référendum, le 6
décembre 1992, Déjà rejeté l’adhésion à l’Espace Economique Européen. Cependant, le
« mouvement du 7 décembre » et d’autres organisations regroupées dans le « Nouveau Mouvement
Européen Suisse » en 1998 poursuivent la campagne pour l’adhésion à l’Union.
86 These Tides, numéro 3, p.4.
87 These Tides, numéro 1, p.24.
LES ORGANISATIONS EUROSCEPTIQUES : CONSTITUTION DE RÉSEAUX ET RECHERCHE D’UNE IDENTITÉ POLITIQUE
Table des matières
Introduction.........................................................................................................3
Les organisations eurosceptiques : proposition de définition.......................................3La forme d’organisation retenue : parti ou association ?.............................................7Limites du sujet et difficultés méthodologiques........................................................12Les sources............................................................................................................... 13Plan du mémoire....................................................................................................... 14
Première partie : les organisations eurosceptiques et leurs réseaux
I- L’apparition et le développement d’organisations eurosceptiques.........................15II- Panorama des organisations eurosceptiques aujoud’hui.......................................19
A- La répartition géographique des organisations eurosceptiques.......................191- La force de l’euroscepticisme dans les pays de l’élargissement.................192- L’effet de la procédure référendaire..........................................................223- Les élections européennes.........................................................................24
B- Les formes d’action et d’organisation retenues..............................................251- La nature particulière des « partis » eurosceptiques..................................252- Proposition de regroupement des organisations eurosceptiques.................28
III- La mise en réseau au niveau international des organisations eurosceptiques.......36A- Au Parlement Européen.................................................................................36
1- Le groupe des indépendants pour une Europe des Nations........................372- « SOS Démocratie »................................................................................393 Le « groupe David »..................................................................................40
B- Le TEAM : The European Anti-Maastricht Alliance......................................40
Deuxième partie : l’offre identitaire des mouvements eurosceptiques
I- Les organisations eurosceptiques dans l’axe droite/gauche....................................43A- La gauche contre une « Europe du grand capital ».........................................44B La critique libérale : un retour par le haut du pouvoir de l’Etat.......................46
II- La critique de l’Union européenne.......................................................................47A- La défense de l’identité nationale...................................................................48B- La défense d’intérêts nationaux ou catégoriels particuliers.............................50C- L’Union européenne est imposée par la tromperie.........................................52D- La construction d’un super-Etat fédéral.........................................................53E- L’Union est un danger pour la démocratie.....................................................54
III- L’offre identitaire des organisations eurosceptiques...........................................55A- Une mouvance diverse, mais qui partage une vision commune......................55B- Les Nations, fondement de l’identité européenne...........................................58C- Les alternatives à l’Union..............................................................................59
Conclusion.........................................................................................................62
Bibliographie.....................................................................................................72
Liste des sigles utilisés....................................................................................74
Annexes.............................................................................................................75
Annexe 1 : Tableau des organisations eurosceptiques par pays et par orientation politique................................................................................................................................. 75Annexe 2 : Le TEAM............................................................................................... 77Annexe 3 : Le Groupe des Indépendants pour une Europe des Nations.....................80Annexe 4 : Les élus membres du groupe EDN..........................................................81Annexe 5 : Présentation des organisations par pays..................................................82