Mémoire de fin d'études UE 5.6 S6 Analyse de la qualité et ...

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NAIT BOUHOU Yassine IFSI La Croix Rouge Française Mantes la Jolie Mémoire de fin d’études UE 5.6 S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles Directrice de Mémoire Mme Line HUTIN Remis le 07 Juin 2013 Soutenance passée le 21 Juin 2013 Promotion AVICENNE 2010/2013

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NAIT BOUHOU Yassine IFSI La Croix Rouge Française Mantes la Jolie

Mémoire de fin d’études

UE 5.6 S6 Analyse de la qualité et traitement des données

scientifiques et professionnelles

Directrice de Mémoire

Mme Line HUTIN

Remis le 07 Juin 2013

Soutenance passée le 21 Juin 2013

Promotion AVICENNE 2010/2013

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Introduction :

Dans le cadre de notre formation en soins infirmiers conduisant au diplôme d’état, nous

sommes amenés à réaliser un travail de fin d’études au regard d’une thématique.

Au cours de nos trois ans d’études, nous avons rencontré de nombreuses situations de stage et

nous avons choisi de développer notre réflexion sur l’une d’entre elles qui présente pour nous

un intérêt professionnel. La situation que nous avons choisi de présenter porte sur le thème de

la relation d’aide auprès du patient âgé. En effet, l’espérance de vie augmentant avec le temps

nous sommes amenés à rencontrer de plus en plus de patients âgés dans les différents services

de soins. La qualité de la prise en soin de ces patients est donc un enjeu en matière de santé.

De plus, le vieillissement est souvent source de détresse psychique. La relation d’aide apparait

donc comme un soutien fondamental. Cependant il n’y pas vraiment de temps accordé à celle-

ci et elle n’apparait pas dans le projet de soin. Comme le dit Marie-Claude Daydé, « bien

qu’inscrite dans les soins depuis plus de vingt ans, la relation d’aide constitue une part

invisible de l’activité infirmière1 ». Nous allons donc essayer de comprendre comment celle-ci

se met en place.

Afin de mener à bien notre réflexion, nous décrirons tout d’abord notre situation d’appel, qui

aboutira à notre questionnement. Nous présenterons alors notre intérêt professionnel. Nous

développerons dans notre cadre conceptuel, les champs disciplinaires et les concepts en lien

avec notre thématique. Nous exposerons ensuite notre analyse des entretiens effectués par

rapport à notre partie théorique qui aboutira à notre hypothèse de recherche.

I. De la situation d’appel à la question de départ.

1. Description de la situation d’appel.

La situation que j’ai choisi d’étudier s’est déroulée au cours de mon stage en cardiologie,

durant ma deuxième année de formation. J’avais en charge Mme F, une patiente âgée de 94

ans, admise pour altération de l’état général dans un contexte de broncho pneumopathie.

Elle présentait une altération de la mobilité physique liée à son infection bronchique et à son

âge se manifestant par des douleurs à la mobilisation, l’incapacité totale de réaliser seule ses

soins d’hygiène et de confort, et l’incapacité de se vêtir et se dévêtir.

1 ARGENTY, Jean, MAUFOUX-IMMERGOUT, Régine. Précis de soins relationnels. France : Lamarre. Juin

2012, page 28.

3

Je réalisais donc sa toilette au lit tous les matins ainsi que ses pansements d’escarres droit et

gauche tous les deux jours. Mme F ne présentait pas de troubles cognitifs et communiquait

facilement. Lors des soins, elle était très algique, il était difficile de la mobiliser durant la

toilette et durant la réfection de ses pansements. Ses douleurs se manifestaient par des plaintes

lors des mobilisations et par des expressions faciales. De plus, sa douleur avait tendance à

majorer son anxiété qui se manifestait par des tremblements.

A travers les soins que je pouvais réaliser auprès d’elle, j’essayais d’être à l’écoute, en

observant ses réactions afin de ne pas rendre les soins traumatiques et diminuer sa douleur. Je

veillais également à la faire participer aux soins afin de préserver son autonomie. Elle se

lavait le ventre, la poitrine et le visage, puis se penchait pour que je lui lave le dos.

En raison de l’altération de son état, elle nécessitait également une aide pour les repas. Je

l’aidais donc à manger le midi. Durant tous ces moments, nous avions de nombreuses

conversations au cours desquelles Mme F exprimait souvent son anxiété, son épuisement car

elle se sentait diminuée. Elle disait : « je n’arrive plus à rien ». J’essayais de la rassurer en lui

montrant que j’étais disponible, à son écoute et en la faisant participer.

Durant mon stage, j’ai pu accompagner Mme F dans la réalisation des actes de la vie

quotidienne. Au fur et à mesure de la prise en soin, une relation d’aide s’est établie entre elle

et moi. Cette relation se définit comme « un moyen d’aider le patient à vivre sa maladie et les

conséquences sur sa vie personnelle 2 ». Elle est fondée sur une relation de confiance et vise à

accompagner le patient dans le respect de ses valeurs, de ses choix et de son rythme. Il y avait

un réel échange entre Mme F et moi. Je l’écoutais, elle se confiait, me disait ce qui lui faisait

mal, me parlait d’elle, de sa famille, de sa vie. Elle était soulagée à l’idée de savoir que j’allais

m’occuper d’elle les jours ou j’étais en stage. De plus, je l’accompagnais quotidiennement, je

connaissais donc bien ses habitudes. Lorsque le temps me le permettait j’allais la voir pour

discuter quelques minutes avec elle. J’ai pu remarquer que la notion du temps était importante

dans la prise en soin. Elle appréciait ces moments que je prenais avec elle qui rendaient le

temps moins long comme elle le disait si souvent. Au cours de la prise en soin, j’ai également

pu rencontrer son fils et sa fille qui lui rendaient visite régulièrement. J’ai pu discuter avec

eux et en apprendre davantage sur le quotidien de Mme F. Ils m’ont décrit leur mère comme

une femme autonome qui aimait gérer ses journées avant son hospitalisation.

2 MANOUKIAN, Alexandre, MASSEBEUF, Anne. La relation soignant-soigné. 3e édition. France: Lamarre.

2008. (Soigner et accompagner), page 56.

4

Après le traitement de son infection bronchique et une amélioration de son état cardio-

pulmonaire, Mme F a été transférée en soins de suite et de réadaptation. Elle en a été informée

par le cardiologue du service et a bien acceptée cette nouvelle.

2. Questionnement.

Ce qui m’a interpelé dans cette situation est l’impact que pouvait avoir la mise en place de la

relation d’aide dans la prise en soin de Mme F. Au fil de mon stage, j’ai pu me rendre compte

des effets bénéfiques que cette relation pouvait avoir sur le moral de la patiente, sur sa façon

d’envisager son hospitalisation, sur sa douleur morale et physique.

Grâce à cette prise en soin, j’ai également pu me rendre compte de l’engagement

qu’impliquait une telle relation pour le soignant et les bénéfices que celle-ci pouvait lui

apporter.

Ainsi à travers cette situation et les observations que j’ai pu faire je suis venu à me poser

plusieurs questions :

Tout d’abord, en quoi la relation d’aide représente un soin ? Comment s’établit-elle auprès du

patient ? Quels sont les bénéfices de sa mise en place pour le soignant et pour le soigné ? Quel

est l’impact sur le moral du patient ? Quels sont les limites de la relation d’aide ? Y a-t-il une

distance particulière à adopter pour le soignant ?

Toutes ces questions et réflexions m’ont amenées à la question de départ suivante :

Comment l’infirmier instaure une relation d’aide pour permettre au patient âgé

de mieux vivre son hospitalisation ?

3. Intérêt personnel et professionnel.

Au cours de ma formation et durant mes stages, j’ai rencontré de nombreux patients avec

lesquels des relations différentes se sont créées. Ces relations m’ont permis de murir en tant

que soignant et également en tant qu’individu. Je me suis toujours intéressé à l’autre et j’ai

toujours veillé à maintenir l’autonomie des patients que j’avais en charge. Au fur et à mesure

de ma formation, je me suis progressivement rendu compte de l’importance que prenait la part

relationnelle. Dans la prise en soin de Mme F, je me suis rendu compte que la mise en place

5

de la relation d’aide ne s’improvisait pas. Elle représente un élément important de notre

profession et fait partie intégrante de la prise en soin des patients hospitalisés. En tant que

futur infirmier, le questionnement relatif à cette relation présente pour moi un intérêt. En effet,

la mise en place d’une telle relation est basée sur « la considération positive, l’authenticité,

l’empathie, l’absence de jugement3 »

et l’écoute qui sont des valeurs importantes dans notre

profession et indissociables de la prise en soin quotidienne. De plus, la relation d’aide repose

sur un savoir faire qui nécessite des compétences particulières à la fois techniques et

relationnelles de l’infirmier ; « il s’agit pour le soignant d’adapter ses interventions en

fonction de ses observations et de proposer un accompagnement adapté à la personne

soignée 4». La relation d’aide est au cœur du soin infirmier, comme le dit Rosette Poletti

« c’est dans la relation avec la personne soignée, dans les soins qui prennent en compte l’être

humain dans sa totalité, dans ses dimensions biopsychosociales, que se situe notre action ».

J’ai donc choisi de traiter ce thème dans le cadre de mon travail de fin d’études. Pour se faire

je vais tout d’abord présenter mon cadre conceptuel que je confronterai plus loin à la pratique

dans ma partie exploratoire.

II. Cadre conceptuel.

1. La relation d’aide, un soin parmi les autres.

1.1 La relation soignant/soigné.

Avant de définir la relation d’aide, il convient tout d’abord de définir la notion de relation.

Selon le dictionnaire Le Robert, la relation se définit comme « tout ce qui dans l’activité d’un

être vivant implique une interdépendance, une interaction dès lors qu’une modification de l’un

entraîne une modification de l’autre ».

La relation soignant/soigné est « une rencontre singulière et unique, elle relève de la prise de

conscience de l’existence de la présence d’un autre5 ». Elle s’établit préalablement à la mise

en place de la relation d’aide. Elle est fondée sur une relation de confiance et implique un

3 MANOUKIAN, Alexandre, MASSEBEUF, Anne. La relation soignant-soigné. 3e édition. France: Lamarre.

2008. (Soigner et accompagner), page 56. 4 PITARD, Laurence, PERUZZA, Elisabeth. Soins de confort et de bien être, soins relationnels, soins palliatifs

et de fin de vie. Elsevier Masson. 2010, page 161. 5 DA SILVA J. Cours sur la distance thérapeutique. UE 4.2 Semestre 6. 01/02/2013.

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échange entre le soignant et le soigné. Elle comporte tous les mots, moyens de

communications, gestes, mimiques, et attitudes qui envoient au patient un message particulier

et l’informe de notre statut. D’autres facteurs interviennent dans cette relation comme l’âge, la

culture, et l’affectivité du patient qu’il faut prendre en compte dans la prise en soin. De plus

cette relation présente plusieurs aspects que nous allons maintenant décrire.

1.1.1 Les différents types de relations.

Il existe plusieurs aspects de la relation soignant/soigné qu’il est important de présenter; la

relation de civilité, la relation fonctionnelle et la relation de soutien.

La relation de civilité est « la base de la communication et concerne toutes les

relations interpersonnelles. Elle s’inscrit dans un rituel social dans la volonté de

comportement agréable, d’une convivialité dans l’échange.6 » Elle est marquée par une

distance relationnelle qui permet aux personnes en relation de se protéger et de ne pas trop

s’impliquer. Il s’agit d’une relation spontanée marquée par le respect et la politesse. Elle

correspond à la relation que l’on peut entretenir avec des inconnus en société.

La relation fonctionnelle a une fonction précise : « elle permet au soignant de recueillir

des informations concernant le patient dans un domaine spécifique (pathologie, symptômes,

habitudes de vie, données familiales et socioprofessionnelles)7 ». Toutes ces informations sont

indispensables à la prise en soin. Dans cette relation, le patient connait la fonction du soignant

auquel il s’adresse et c’est ce que le soignant mettra en place dans celle-ci qui déterminera le

devenir de la relation avec le patient. Elle est orientée vers l’action et vise l’exécution des

soins. Elle correspond au début de la relation soignant/soigné. Ainsi dans le début de la

relation que j’entretenais avec Mme F, à travers la communication et nos échanges je

veillais à recueillir les informations que je jugeais nécessaire à la prise en soin (ses

habitudes de vie, ses gouts alimentaires par exemple), tout ceci permettant également de

mettre en place une relation de confiance.

6 DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007. Page 28. 7 Id.

7

Dans la relation de soutien, le patient est considéré comme partenaire de soins. Il

identifie sa problématique et l’infirmier met alors en œuvre des attitudes d’écoute et de

réceptivité. Dans cette relation, le professionnel de santé a tendance à apporter des réponses et

des solutions contrairement à la relation d’aide qui vise le développement des ressources du

patient pour qu’il trouve lui-même ses propres réponses. Nous allons donc maintenant définir

la relation d’aide et voir ce qui la différencie de ces trois types de relations.

1.2 La relation d’aide :

1.2.1 Définition :

Le concept de relation d’aide a été introduit par le psychologue Carl Rogers dans les années

1950. Celui-ci a également fondé la psychologie dite centrée sur la personne.

Selon Carl Rogers, la relation d’aide consiste en « une interaction particulière entre deux

personnes, l’intervenant et l’aidé, chacun contribuant à la recherche et à la satisfaction d’un

besoin d’aide chez ce dernier. Cela suppose que l’intervenant adopte une façon d’être et la

communique en fonction des buts poursuivis8 ». Elle nécessite la mise en place d’une relation

de confiance qui permettra au patient de se confier et d’exprimer ses émotions.

Dans la relation que j’entretenais avec Mme F, il y avait un réel échange, elle me parlait, se

confiait, je l’écoutais et veillais à la rassurer.

La relation d’aide repose également sur un savoir faire qui nécessite des compétences

particulières à la fois techniques et relationnelles de l’infirmier ; « il s’agit pour le soignant

d’adapter ses interventions en fonction de ses observations et de proposer un

accompagnement adapté à la personne soignée 9». Celui ci cherche à offrir au patient les

conditions lui permettant de trouver ses propres solutions face aux problèmes qu’il rencontre.

La relation d'aide est travail d'accompagnement qui va permettre au patient sur le moment ou

sur la distance d'analyser sa situation, afin de modifier ses ressentis, ses émotions, ses affects,

ses pensées, pour aller vers un mieux être. Il ne s’agit pas pour le soignant de décider ou

d’agir à sa place. Dans la prise en soin de Mme F, je veillais donc à respecter ses choix et

son rythme lors des soins de confort et des pansements. J’apportais une écoute et une

attention particulière aux émotions qu’elle manifestait.

8 PITARD, Laurence, PERUZZA, Elisabeth. Soins de confort et de bien être, soins relationnels, soins palliatifs

et de fin de vie. Elsevier Masson. 2010, page 162. 9 Id p.161.

8

Lorsqu’elle disait « je n’arrive plus à rien », je veillais à maintenir son autonomie en la

faisant participer et en mobilisant ses ressources pour la rassurer sur ses capacités.

Au regard des caractéristiques présentés ci-dessus, je faisais bien de la relation d’aide dont

nous allons maintenant présenter le cadre législatif.

1.2.2 Données législatives :

Le cadre réglementaire est important à connaitre pour l’infirmier car il définit son champ de

compétences et lui permet ainsi de savoir si la relation d’aide s’inscrit bien dans celui-ci.

Dans le décret n°93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la

profession d’infirmier, « l’aide et soutien psychologique » et la « relation d’aide

thérapeutique » ont été définit comme relevant du rôle propre infirmier.

Dans la dernière version du décret n°2004-802 du 29 juillet 2004 inséré dans le code de santé

publique, la « relation d’aide thérapeutique » a été supprimé au profit de « l’aide et soutien

psychologique ».

D’après l’article R4311-5 du CSP du 29/07/2004, « dans le cadre de son rôle propre,

l’infirmier accomplit les actes ou dispense les soins suivants : aide et soutien psychologique ».

Au vu du cadre légal, la relation d’aide tient une place importante dans l’exercice de la

profession. Elle présente un intérêt professionnel et entre dans le champ de compétences de

l’infirmier. Il parait donc légitime d’en faire l’étude. Afin de mieux comprendre comment

celle-ci s’établit nous allons maintenant présenter les différents mécanismes qui se mettent en

place dans cette relation d’aide.

1.2.3 Les mécanismes de la relation d’aide :

La relation d’aide nécessite des attitudes et habiletés particulières qu’il convient de présenter :

L’écoute

L’écoute est une condition indispensable à la mise en place de la relation d’aide. «Ecouter,

c’est se rendre disponible physiquement, intellectuellement et affectivement pour percevoir

par tous ses sens les informations dites et non dites par l’interlocuteur dans un esprit de

bienveillance véhiculé par sa propre attitude10

».

10

BERTRAND, Julie. Cours sur la communication. UE 4.2 Soins relationnels. 08/02/2011.

9

Ainsi, lorsque je communiquais avec Mme F durant les soins et pendant nos

conversations, je me centrais sur ce qu’elle disait, je veillais à lui montrer que j’étais

disponible et que je m’intéressais à elle, à son histoire.

L’empathie

Elle passe par l’écoute du patient de manière verbale, par ce qu’il exprime et de manière

physique, par les signaux qu’il renvoie. Elle est « le résultat d’une relation suffisamment

proches entre deux personnes pour qu’elles ressentent, de l’intérieur, le vécu de l’autre11

».

Durant mon stage, j’ai pu prendre en soin quotidiennement Mme F et ainsi apprendre à la

connaitre. Une relation de confiance s’est progressivement installée. Elle se confiait à moi, je

l’écoutais et essayais de la comprendre. J’adoptais une attitude d’écoute pour percevoir

toutes ses émotions, ses réactions, ses craintes, ses besoins et ainsi comprendre ce qu’elle

ressentait sans vivre sa situation. Lors des soins, je manifestais mon empathie par le

toucher en respectant ses choix et son rythme et en veillant à lui communiquer ma

compréhension.

L’authenticité

L’authenticité est « la faculté d’être en accord avec ce que le soignant pense ressentir et

exprimer12

». En effet, il est important de rester soi même et qu’il y ait une concordance entre

ce que l’on pense et ce que l’on communique au patient. Il faut se montrer ouvert à l’autre et

sincère toujours dans le but que celui-ci exprime ses émotions. Pour cela, il est nécessaire de

s’exprimer à la même hauteur que celui-ci afin de lui montrer une attitude d’écoute et de

disponibilité. Lors des repas, je m’asseyais toujours à coté de Mme F et l’aidais à

manger. Je profitais également de ces moments pour discuter avec elle et en apprendre

davantage sur ce qu’elle ressentait. L’authenticité du soignant peut être bénéfique au patient

et à l’établissement d’une relation de confiance, deux éléments nécessaires à la mise en place

de la relation d’aide.

11

MANOUKIAN, Alexandre, MASSEBEUF, Anne. La relation soignant-soigné. 3e édition. France: Lamarre.

2008. (Soigner et accompagner), page 59. 12

PITARD, Laurence, PERUZZA, Elisabeth. Soins de confort et de bien être, soins relationnels, soins palliatifs

et de fin de vie. Elsevier Masson. 2010, page 164.

10

La reformulation

La reformulation « consiste à dire avec d’autre mots ce qu’a exprimé la personne, ce que le

soignant a entendu, perçu13

». Elle témoigne de l’intérêt que le soignant peut porter au patient

afin de mieux comprendre ce qu’il traverse. La reformulation peut également permettre au

patient d’identifier ses émotions. Lors des soins et durant nos conversations, je veillais à

montrer à Mme F que je l’écoutais attentivement en reprenant ce qu’elle me disait, tout

ceci dans le but qu’elle se sente écoutée, et comprise.

Tous ces mécanismes sont primordiaux à l’établissement d’une relation d’aide efficace. Ils

peuvent être réalisés durant toutes les étapes de la relation d’aide que nous allons maintenant

détailler.

1.2.4 Les étapes de la relation d’aide.

La relation d’aide se met en place en 4 étapes, la phase initiale, la phase de collaboration et

d’approfondissement, la phase active et la fin de la relation d’aide.

La phase initiale est une phase d’identification ou l’infirmier détermine quel est le

besoin du patient à travers son comportement. Il fait connaissance avec le patient et développe

une confiance mutuelle. C’est une phase essentielle où le patient s’ouvre au soignant : « il

s’agit de lui faire reconnaitre par lui-même un besoin d’aide. Le soignant l’encourage, par son

attitude d’ouverture, sa présence, sa disponibilité ; sans chercher à créer, à faire naitre ce

besoin d’aide14

». Dans cette phase, à travers l’écoute, l’observation et la communication,

je manifestais à Mme F ma disponibilité et mon intérêt afin de percevoir ses difficultés.

La phase de collaboration et d’approfondissement se met en place une fois que la

relation de confiance s’est installée entre le soignant et le soigné. Dans ma situation, Mme F

exprimait son anxiété, et disait qu’elle se sentait diminuée. Je veillais à la rassurer et à

reformuler ce qu’elle disait afin de lui manifester ma compréhension.

13

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 35. 14

Id, p.80.

11

La phase active comme son nom l’indique est marquée par l’implication de l’aidé.

Dans cette phase, je veillais à maintenir l’autonomie de la patiente en la faisant

participer aux soins, en avançant à son rythme et selon ses choix. Dans celle-ci, le

soignant évolue au même rythme que le soigné afin de l’aider à affronter les difficultés et à

trouver les solutions adaptées par lui-même. Il « est un soutien pour la personne dans l’action

lorsqu’il a décidé d’agir en l’aidant à connaitre et utiliser ses forces15

».

La fin de la relation d’aide s’évalue par l’état de mieux être du patient. Dans la prise

en soin de Mme F, la diminution de son anxiété était un indicateur de ce mieux être. Elle

se manifestait lors de nos échanges par un discours apaisé, des expressions souriantes et

par sa participation active aux soins.

Cette évaluation passe par l’observation du soignant et la compréhension des émotions du

patient. Afin de mieux comprendre la complexité du patient âgé et les enjeux de la relation

d’aide, nous allons maintenir décrire la physiologie du vieillissement ainsi que les besoins du

patient âgé.

2. Le patient âgé, un acteur de soin.

L’espérance de vie augmentant avec le temps nous sommes amenés à rencontrer de plus en

plus de patients âgés dans les différents services de soins. En effet, face à la baisse de la

natalité, la population âgée se développe. « Les personnes âgées de plus de 60 ans

représentent aujourd’hui environ 21% de la population française globale et celles de plus de

75 ans approximativement 7.8%16

». La connaissance des processus liés au vieillissement et

leurs conséquences sur l’organisme est donc primordiale à acquérir pour prendre en soins ces

patients de manière adaptée. De plus, les personnes âgées souffrent souvent de nombreuses

pathologies, ils nécessitent donc une certaine attention dans la prise en soin.

15

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 80. 16

MANOUKIAN, Alexandre. Les soignants et les personnes âgées. 4e édition. France: Lamarre. 2007. (Soigner

et accompagner), page 3.

12

2.1 Physiologie du vieillissement.

D’après le Larousse, le vieillissement désigne l’ensemble des phénomènes qui

marquent l’évolution d’un organisme vers la mort. Il s’agit d’un processus multifactoriel, lent

et complexe. Selon l’OMS17

, sont considérées comme des personnes âgés tous les individus

de 65 ans et plus.

Les phénomènes du vieillissement sont caractérisés par des modifications physiologiques,

physiques et psychiques. Du point de vue physiologique, « le vieillissement provoque une

diminution progressive de chacune de nos fonctions18

». Plusieurs organes sont touchés par

celui-ci. Pour le système nerveux central, le vieillissement physiologique « s’accompagne de

difficultés à se concentrer et à apprendre de nouvelles choses. Le vieillissement pathologique

entraine des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de

parkinson19

». Concernant l’activité cardiaque, « la diminution de l’activité du cœur et la

rigidification des artères agissent sur la vascularisation des tissus de l’organisme qui sont

alors moins bien oxygénés20

». L’accident vasculaire cérébral et l’infarctus du myocarde

peuvent survenir en cas d’hypertension artérielle. La capacité respiratoire est également

touchée lors du vieillissement et se manifeste par une diminution des performances à l’effort.

L’ostéoporose fait également « partie du vieillissement physiologique liée à la carence

hormonale […] elle s’accompagne d’une sarcopénie, c'est-à-dire une diminution

physiologique de la masse musculaire. Si elle n’est pas compensée, l’ostéoporose se

complique de douleurs et de fractures21

».

Sur le plan physique, le vieillissement entraine une perte d’autonomie. Avec l’âge le corps se

modifie et les fonctions physiologiques deviennent moins performantes. L’organisme se

fragilise et devient plus vulnérable. Des sources de difficultés peuvent apparaitre et entrainer

une certaine dépendance. Le vieillissement physiologique intervient également sur le

vieillissement physique et l’infirmier doit pallier à ces déficits. A travers les soins qu’il

prodigue et son soutien il représente une aide pour le patient. Il intervient face aux difficultés

que celui-ci peut rencontrer pour satisfaire au mieux ses besoins, tout en respectant ses

habitudes de vies et ses choix.

17

http://www.who.int/topics/ageing/fr/index.html 18

PERLEMUTER, Léon. PERLEMUTER, Gabriel. Cycles de la vie et grandes fonctions. Elsevier Masson.

2010, page 306. 19

Id. 20

Ibid. 21

Ibid.

13

Toutes ces modifications physiques entrainent des répercussions sur le plan psychologique.

Le vieillissement s’accompagne d’une vulnérabilité. En effet, face aux pertes d’autonomie

peut apparaitre un syndrome dépressif et une altération de l’image corporelle et de l’estime de

soi qui font partie du vieillissement pathologique. Selon Wood house, « les sujets fragiles sont

des patients de plus de 65 ans, souvent institutionnalisés et dépendants pour les activités de la

vie quotidienne qui regroupent les capacités de l’individu à se laver, s’habiller, se déplacer au

domicile, à être continent et à s’alimenter seul22

».

Cette fragilité « résulte de l’interaction entre des facteurs liés à l’âge (qui sont non évitables)

et des facteurs liés à la maladie […] et à l’environnement (qui sont corrigeables)23

».

Sur le plan émotionnel, le sentiment de solitude et d’inutilité peuvent également survenir. Il

est donc impératif pour le soignant de surveiller ces symptômes et d’agir de façon à rassurer

le patient, restaurer son estime et maintenir son autonomie. Tout ceci passe par la satisfaction

des besoins du patient âgé que nous allons maintenant présenter.

2.2 Les besoins du patient âgé.

Le besoin se définit comme « une nécessité vitale que la personne doit satisfaire afin de

conserver son équilibre physique, psychologique, social et/ou spirituel et d’assurer son

développement24

». Virginia Henderson a travaillé sur la notion de besoin dont l’un de ses

principes est que « l’être humain a des besoins fondamentaux qui doivent être satisfaits, sous

peine de voir apparaitre des problèmes pouvant exiger l’intervention d’autrui jusqu’à ce que la

personne puisse se reprendre en main25

». L’objectif principal dans la relation d’aide est

d’aider le patient à mobiliser ses ressources personnelles pour satisfaire ses besoins. Selon

Abraham Maslow, « les besoins humains sont organisés selon une hiérarchie et représentés

sous forme d’une pyramide de cinq étages. Il considère qu’il existe des besoins qui visent à

combler des manques. Lorsque tous ces manques sont comblés la personne peut alors se

dépasser, s’accomplir et se réaliser pleinement26

». Parmi ces besoins, nous trouvons le besoin

physiologique, le besoin de sécurité, le besoin d’appartenance, le besoin de considération et le

besoin d’accomplissement personnel.

22

DRAME, Moustapha. La fragilité du sujet âgé : actualité – perspectives. Gérontologie et société. 2004/2 n°

109, p. 31-45. 23

Id. 24

HUTIN, Line. Cours sur les concepts fondateurs. UE 3.1 Raisonnement et démarche clinique. 25

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 18. 26

Id.

14

Hiérarchie des besoins selon Maslow27

Tout d’abord le besoin physiologique regroupe les besoins fondamentaux comme le besoin

de respirer, boire et manger. Ces besoins sont dans la plupart du temps comblés. Concernant

Mme F, elle nécessitait une aide pour les repas, je l’aidais donc à manger et ainsi satisfaire ce

besoin naturel.

Le besoin de sécurité passe par la communication, la disponibilité du soignant qui lui

montre sa présence et son attention. En effet, face aux changements dont il fait l’objet et aux

souffrances psychologiques qu’ils peuvent engendrer, le patient âgé présente un besoin de

communication. La communication « est basée sur l’échange d’un émetteur et d’un

récepteur ; c’est aller au delà, partager. La communication peut être verbale ou non. Quand

elle passe par le corps elle est non verbale : nos mimiques, notre façon d’être. Toutes ces

choses parlent à notre récepteur28

». Il s’agit d’un besoin propre à chaque individu et celui-ci

peut être décuplé lors d’une hospitalisation.

En effet, le caractère intrusif des soins de confort et de bien être est difficile à vivre pour le

patient âgé en plus de la perte d’autonomie et la dépendance. Son corps et son intimité sont

exposés au soignant, à son regard. Il est donc primordial que le soignant communique avec le

patient, le réconforte et l’accompagne dans le respect de son intimité, de sa pudeur et de sa

dignité. Elle suppose le respect de l’intégrité physique et psychique du patient. L’objectif

principal est de conserver son humanité. « Respecter une personne âgée, c’est prendre en

compte sa vie passée, présente et future ; ce n’est pas voir uniquement ses défauts mais aussi

27

http://www.partages-et-questionnements.fr/article-les-modules-comportementaux-biologiques-mis-en-lumiere

par-l-ethologie-4-4-112577171.html 28

BERTRAND, Julie. Cours sur la communication. UE 4.2 Soins relationnels. 08/02/2011.

15

ses capacités : c’est tolérer sa présence, peu importe le moment. La personne âgée dépendante

est plus fragilisée que la personne indépendante, par le fait qu’elle a toujours besoin d’une

tierce personne pour accomplir les gestes de la vie quotidienne. Ce dernier individu va en

permanence pénétrer son intimité, cela peut être une situation humiliante, le respect est alors

d’autant plus important29

». Ainsi, dans la prise en soin, je veillais toujours à écouter Mme F, à

la rassurer. Lors des soins, je l’encourageais afin de maintenir son autonomie, préserver sa

dignité et satisfaire son besoin de considération.

La communication passe également par le toucher lors des soins. « Toucher c’est s’engager,

s’impliquer dans la relation avec l’autre. Le toucher relationnel établie une entrée en relation

juste et vrai. Il permet le rapprochement entre le soignant et le soigné, et la mise en place

d’une relation de confiance et d’un engagement réciproque dans la relation d’intimité entre le

patient et le soignant30

». A travers ce rapprochement et cet engagement, il permet de

satisfaire le besoin d’appartenance du patient qui se sent entouré.

Le toucher est un outil de la relation d’aide qui permet d’accompagner l’autre, de

l’encourager, d’apporter du réconfort, et de prendre en compte sa réalité. Le geste peut parfois

se substituer à la parole quand l’émotion l’emporte ou quand la parole n’est plus possible.

Comme nous avons pu le dire précédemment, il est important que le soignant respecte

l’intimité du patient, d’autant plus à travers le toucher. En effet, « impliquant de fait une

réciprocité, il appartient à celui qui touche l’autre de s’assurer que celui qui reçoit n’y est pas

opposé. Par sa nature même, il implique les deux participants dans une relation d’intimité31

».

Ainsi dans la prise en soin, je veillais toujours à respecter les choix de la patiente, à

travers les soins que je pouvais réaliser auprès d’elle, j’essayais d’être à l’écoute, en

observant ses réactions.

L’un des principaux besoins du patient âgé concerne l’autonomie que l’on pourrait situer dans

le besoin d’accomplissement personnel dans la pyramide de Maslow.

L’autonomie consiste à disposer de soi même selon ses propres choix et désirs. Elle désigne

un pouvoir de décision sur sa propre vie. Ce concept est étroitement lié à celui de la

29

BAUER, Michel. Le respect de la personne âgée dépendante en institution. VST - Vie sociale et traitements,

2005/2 no 86, p. 116-134. 30

BERTRAND, Julie. Cours sur le toucher. UE 4.2 Soins relationnels. 08/02/2011. 31

PITARD, Laurence, PERUZZA, Elisabeth. Soins de confort et de bien être, soins relationnels, soins palliatifs

et de fin de vie. Elsevier Masson. 2010, page 157.

16

dépendance qui désigne « l’incapacité où se trouve la personne, d’adopter des comportements

appropriés ou d’accomplir elle même, sans aide, les actions qui lui permettraient, en fonction

de son état, d’atteindre un niveau acceptable de satisfaction de ses besoins32

». En effet, le

vieillissement entraine des difficultés pour les personnes âgées sur le plan mental et physique

et il est courant qu’elles nécessitent une aide dans la réalisation des gestes quotidiens (repas,

soins de confort et de bien être, déplacements) comme ce fut le cas dans la prise en soin de

Mme F. Il est difficile pour eux d’accepter cette situation de dépendance ; « la démotivation

de la personne âgée, même si elle survient en l’absence de troubles cognitifs, est un handicap

majeur quand celle-ci est dépendante ou handicapée car elle ruine l’investissement du projet

de soin, confinant la personne dans une soumission à toujours plus de dépendance et de

désavantage33

». La prise en soins revient donc à travailler conjointement sur la compensation

ou la suppléance des déficiences et sur l’autonomie, en utilisant les registres à notre

disposition : les soins, la relation d’aide et la notion du temps que nous allons maintenant

présenter.

2.3 La notion du temps.

A travers les soins et les différents échanges que j’ai pu avoir avec la patiente, je me suis

rendu compte que la notion du temps était importante dans la prise en soin. Il faut « dans un

premier temps, penser à la place de l’autre, l’impact de la perte et de la dégradation. Il nous

faut reprendre le fil de l’histoire afin de décondenser les expériences et l’accumulation de

celles-ci lors du vieillissement. Le temps de la séance est un temps qui s’arrête, un temps où

se rassembler34

». En effet, face au vieillissement et à l’hospitalisation, il peut être courant de

voir le patient âgé submergé par la tristesse et la solitude et il suffit d’un moment, ou de

quelques instants au cours d’une journée pour apaiser cette souffrance. Le temps que l’on

passe auprès du patient n’est pas significatif de la qualité de l’échange qu’il peut y avoir entre

le soignant et le soigné. Il est difficile pour le patient d’accepter cette nouvelle situation et de

s’approprier un environnement différent du sien. En conséquence, le patient se repli sur lui-

même et se centre sur son corps. Ainsi « les diverses manifestations somatiques (troubles

digestifs, douleurs, céphalées…) ont pour double fonction d’exprimer la difficulté à vivre et

32

HUTIN, Line. Cours sur les concepts fondateurs. UE 3.1 Raisonnement et démarche clinique. 33

HAZIF-THOMAS Cyril, THOMAS Philippe. La démotivation du sujet âgé. Gérontologie et société. 2007/2 n°

121, p. 125. 34

COLPE Dominique. La relation soignant-soigné devant le travail de l'âge : vieillir. Cahiers de psychologie

clinique. 2007/1 n° 28, p. 257-270.

17

de renouer un lien avec l’extérieur. Les plaintes envahissent alors les échanges35

». Le fait de

se montrer disponible au patient, lui témoigner notre intérêt et notre écoute favorise les

échanges et permet de diminuer son angoisse. Malgré la présence, et les visites de la famille et

des proches, les journées sont longues pour les patients.

Ainsi lorsque le temps me le permettait, durant mon stage, je prenais quelques instants

pour discuter avec Mme F qui se confiait. Elle appréciait ces moments que je prenais

avec elle qui rendaient le temps moins long comme elle le disait si souvent.

2.4 Les droits du patient en institution.

La charte des droits et libertés de la personne âgée en situation de handicap ou de dépendance

de 1987 « a pour objectif de reconnaître la dignité de la personne âgée devenue dépendante et

de préserver ses droits 36

».

D’après celle-ci, « toute personne âgée dépendante doit conserver la liberté de communiquer,

de se déplacer et de participer à la vie en société. La prévention des handicaps et de la

dépendance est une nécessité pour l’individu qui vieillit. Le maintien des relations familiales

et des réseaux amicaux est indispensable à la personne âgée en situation de handicap ou de

dépendance. Toute personne âgée en situation de handicap ou de dépendance doit avoir accès

aux conseils, aux compétences et aux soins qui lui sont utiles. Les soins et les aides de

compensation des handicaps que requièrent les personnes malades chroniques doivent être

dispensés par des intervenants formés, en nombre suffisant, à domicile comme en institution

La recherche multidisciplinaire sur le vieillissement, les maladies handicapantes liées à l’âge

et les handicaps est une priorité. C’est aussi un devoir Toute personne en situation de

vulnérabilité doit voir protégés non seulement ses biens mais aussi sa personne. Toute

personne âgée devenue handicapée ou dépendante est libre d’exercer ses choix dans la vie

quotidienne et de déterminer son mode de vie37

».

35

MANOUKIAN, Alexandre. Les soignants et les personnes âgées. 4e édition. France: Lamarre. 2007 (Soigner

et accompagner), page 115. 36

GRAPIN-DAGORNO, Christine. Cours IFSI Les droits de l’homme. Jeudi 2 Décembre 2010. 37

http://www.social-sante.gouv.fr/documentation-publications,49/ouvrages-pratiques-chartes,1348/handicap

personnes-âgées,1688/charte-des-droits-et-des-libertés,9190.html

18

D’après la loi du 04 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de

santé, « tout individu doit avoir accès à la santé, et doit être traité avec le respect de sa

dignité38

».

La nécessité du consentement du patient aux soins est également indispensable. D’après

l’article 16 du Code Civil, « le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement

hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à

même de consentir39

». Le patient dispose « du droit à l’information concernant tous les

risques liés à la maladie et aux traitements. Il dispose aussi du droit au secret médical. En

effet, tout professionnel qui intervient auprès du patient ne peut dévoiler à des tiers les

informations qu’il recueille en soignant son malade. Tout patient dispose également du droit à

la qualité des soins. Il a le droit de recevoir les soins les plus appropriés, et des thérapeutiques

dont l’efficacité est reconnue. Il a également le droit de recevoir des soins visant à soulager la

douleur : douleur qui doit être prévenue, évaluée, prise en compte et traitée40

».

3. La place de l’infirmier dans la relation d’aide.

3.1 Cadre législatif.

L’exercice de la profession est régi par le code de la santé publique et plus précisément par le

décret n°2004-802 du 29/07/2004.

D’après l’article R.4311-3 du code de la santé publique du 29/07/04 « relèvent du rôle propre

de l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la

vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution

d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes. Dans ce cadre, l'infirmier ou

l'infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu'il juge

nécessaires conformément aux dispositions des articles R.4311-5 et R.4311-6 ».

D’après l’article R.4312-26, « l’infirmier ou l’infirmière agit en toute circonstance dans

l’intérêt du patient ». Il identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier,

formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue.

D’après l’article R.4312-2, « l’infirmier ou l’infirmière exerce sa profession dans le respect de

la vie et de la personne humaine. Il respecte la dignité du patient et de la famille ».

38

GRAPIN-DAGORNO, Christine. Cours IFSI Les droits de l’homme. Jeudi 2 Décembre 2010. 39

Id. 40

Ibid.

19

Les termes « aide et soutien psychologique » font partie de son rôle propre. La relation d’aide

est une dimension indissociable des soins infirmiers dans le domaine des soins de base,

techniques, préventifs, ou éducatifs. Elle repose sur le prendre soin dont nous allons

maintenant décrire les spécificités.

3.2 Le prendre soin.

La mise en place de la relation d’aide ne s’effectue pas au hasard et repose sur les habiletés du

soignant.

Le prendre soin est un concept qui s’inscrit dans le fondement de la relation d’aide ; « il s’agit

là de l’art du thérapeute, celui qui réussit à combiner des éléments de connaissance,

d’habileté, de savoir-être, d’intuition qui vont permettre de venir en aide à quelqu’un dans sa

situation singulière41

».

Il désigne l’attention portée à quelqu’un dans le but de lui venir en aide. Il nécessite

« attention, écoute, tact, et discrétion afin de préserver le sens et la justesse des décisions

adoptées dans la concertation42

». Il repose sur les compétences de l’infirmier. En effet, « les

compétences à la relation d’aide des infirmières s’avèrent nécessaires pour prendre soin de la

personne et répondre à ses attentes43

». « Prendre soin vise au-delà de la technicité du geste, à

soulager les symptômes, diminuer la souffrance et donc favoriser l’autonomie et le confort de

la personne44

».

Comme le dit Virginia Henderson, « c’est par la profondeur de sa compréhension que

l’infirmière saura s’attirer la confiance du malade et de sa famille et qu’elle pourra l’aider à

surmonter certains effets psychologiques de la maladie45

». En effet, chaque rencontre est

unique et exige une bonne connaissance de la personne et des bases de communication. Avec

chaque patient, c’est la découverte d’une nouvelle relation, où le soignant développe sa

compétence relationnelle. Être en relation sous-entend la mise en place de qualités humaines,

c'est à dire pouvoir être soi-même, se manifester à l'autre, reconnaître sa différence et son

importance.

41

HASBEEN, Walter. Prendre en soin à l’hôpital. Editions Masson. 1997, page 35. 42

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 22. 43

Id p.1. 44

Ibid p. 22. 45

Ibid p. 38.

20

«La relation d’aide étant un mode d’être, elle implique un développement personnel, mais

aussi un développement de compétences, dans une pratique autour d’une dimension

éthique46

».

Le développement personnel est primordial à la mise en œuvre de la relation d’aide. Il passe

par une bonne connaissance de soi. En effet par cette connaissance, l’infirmier pourra prendre

conscience de ses ressources, de ses capacités, de ses limites et ainsi établir une relation

d’aide de qualité. Le prendre soin passe également par le respect des distances dont nous

allons maintenant faire la description.

3.3 La distance.

Entrer en relation avec l’autre pose d’emblée la question du rapport au corps et de la distance

physique imposée par le soin. Se questionner sur la manière d’entrer dans le champ intime de

la personne que l’on soigne est un préalable à toute approche, pour ne pas violer son intimité.

La distance est un élément non verbal primordial dans la communication soignant/soigné.

Edward T.HALL47

propose la description suivante des distances :

La distance intime ou privée (0 à 15cm) est la distance où le contact est de peau à peau. C’est

la distance de l’acte sexuel et de la lutte, celle aussi où l’on soigne et protège.

La distance intime de mode éloigné (15 à 40cm) est la distance où les corps sont disjoints,

mais assez proches pour se toucher. C’est un espace privé où seuls les proches sont autorisés à

entrer ;

La distance personnelle (45 à 75cm) est la distance maximum acceptable par chaque

individu ; La distance personnelle mode lointain (75 à 125cm) est la distance des relations

professionnelles ;

La distance sociale (1.20 à 2.10m) où aucun contact n’est possible ; La distance sociale mode

lointain (2.10 à 3.60m) est la distance de recul, d’observation ;

La distance publique (3.60 à 7.50m) est la distance qui concerne plus le groupe que

l’individu ; La distance publique, mode lointain (7.50m et plus) est la distance des

personnages officiels.

46

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 44. 47

Id p.33.

21

« Cette description est à considérer comme un ensemble d’indications permettant de fixer des

repères et non des normes 48

». Le respect des distances présuppose la communication

soignant/soigné à travers laquelle le soignant se centre sur les choix du patient pour ne pas

être étouffant et respecter son intimité. Ainsi dans la prise en soin de Mme F, je veillais

toujours à respecter une certaine distance durant les pansements et durant la toilette pour ne

pas rendre les soins intrusifs. La distance soignant/soigné permet également au soignant de

pouvoir se protéger afin de gérer ses émotions.

3.4 Les émotions du soignant.

La rencontre impliquée par la relation d’aide est « lourde d’une intense charge

émotionnelle49

» et implique une bonne connaissance de soi pour pouvoir comprendre ce que

vit le patient et ainsi l’aider. Dans cette rencontre, « le soignant peut être déstabilisé par ses

émotions, mais aussi en souffrance par ce qu’il reçoit de l’autre (agressivité, angoisse, peur,

identification)50

».

Il est normal d’être émus devant certaines situations pénibles et il se peut que nous soyons

troublés au-delà de ce que nous voudrions manifester.

Tout ce que nous ressentons comme émotions n’est pas nécessairement bon à exprimer, mais

il n’est pas déplacé de laisser voir au patient qu’une situation nous émeut. En effet, comme le

dit Carl Rogers, dans la relation d’aide « l’aidant reconnait sincèrement que dans une certaine

mesure, il s’implique émotionnellement dans cette relation […] mais que cette implication

doit strictement se limiter au bien du patient51

». Ce n’est pas une faiblesse. Cela ne signifie

pas que nous devons pleurer avec les patients, mais que nous devons être capables de nous

émouvoir. Comme nous avons pu le voir précédemment, la relation d’aide repose sur

l’authenticité du soignant et être en accord avec ses émotions permettra à celui-ci de mettre en

place un vrai lien de confiance. Cependant, lorsque nous sommes dépassés par nos émotions,

nous ne sommes pas très aidant. Lorsque cela s’avère nécessaire il faut donc passer le relais à

un collègue. Cette notion d’aidant renvoie à celle des bénéfices que nous allons maintenant

présenter.

48

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 34. 49

Id, p. 9. 50

Ibid, p. 31. 51

ROGERS, Carl. La relation d’aide et la psychothérapie. ESF Editeur. 2008, page 94.

22

3.5 Les bénéfices de la relation d’aide.

La relation d’aide permet à l’infirmier de réfléchir sur sa pratique et également de s’enrichir,

d’apprendre sur lui-même, et sur ses émotions. Cette analyse s’inscrit dans la durée car elle lui

permet de progresser dans sa relation au patient et d’optimiser la prise en soin des autres

patients. « La confrontation à la souffrance, au handicap, à la maladie, à la mort interroge, et

permet de cheminer52

». Elle s’inscrit dans le parcours personnalisé du patient et dans un

partenariat soignant/soigné ou l’infirmier accompagne le patient, à son rythme et l’aide à

cheminé.

La confiance du patient est également gratifiante pour le soignant qui le voit évoluer. Durant

la prise en soin de Mme F, j’ai pu rencontrer sa famille. Elle m’a alors présenté à eux comme

« le garçon qui s’occupait bien d’elle ». La considération du patient est importante pour le

soignant, elle lui permet de se réaliser en tant que professionnel et de se sentir reconnu. De

plus, la relation se construit à deux et ne laisse pas de place à la routine. Elle ne repose pas sur

des protocoles comme pour un soin technique mais laisse libre cours à l’infirmier de

développer ses compétences relationnelles. Elle permet également de développer le travail

d’équipe par le partage d’expériences entre professionnels. En effet, « elle permet des

échanges autour des valeurs, des limites de chacun, du rôle et de la place des différents

professionnels53

». Elle permet ainsi à l’infirmier de se protéger et d’extérioriser ses émotions

en équipe, tout ceci permettant d’améliorer la qualité de la prise en soin. En effet, « la prise de

conscience de nos propres schémas de pensée, de nos automatismes de réaction, de nos

jugements, ouvre la voie, par ricochet, à une meilleure compréhension d’autrui, qu’il soit

souffrant ou non54

». Cependant la relation d’aide présente aussi des limites que nous allons

maintenant identifier.

3.6 Les limites.

Au-delà des bénéfices, la relation d’aide présente également des limites pour l’infirmier. Tout

d’abord la surcharge de travail et le manque de temps peuvent être des obstacles à la mise en

place de la relation d’aide. En effet, le rythme soutenu et la charge de soins techniques à

réaliser peuvent mettre de côté cet aspect qui n’apparait pas dans le projet de soin.

52

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 102. 53

Id p. 103. 54

GROUSSET, Sylvie. La relation soignant/soigné. Soins, la revue de référence infirmière. Décembre 2003,

n°681, page 31.

23

La peur pour l’infirmier de trop s’investir dans la relation et de s’épuiser peut également être

un frein à la relation d’aide. L’histoire personnelle du soignant peut aussi constituer une limite

à la relation et renvoyé à une situation difficile ou similaire qu’il aurait vécu. Dans ce genre

de situation, il peut être possible de passer le relais à un autre soignant lorsque cela s’avère

nécessaire. Le manque de formation ou d’expérience constitue également un obstacle. En

effet, « l’infirmière parce qu’elle débute ou change de service peut se sentir démunie ou

déstabilisée par des demandes auxquelles elle n’a pas l’habitude d’être confrontée55

».

D’après l’article R.4313-10 « pour garantir la qualité des soins qu’il dispense et la sécurité du

patient, l’infirmier ou l’infirmière a le devoir d’actualiser et de perfectionner ses

connaissances professionnelles ». Au regard de ce perfectionnement, Patricia Benner a décrit

5 étapes de l’apprentissage professionnel ; novice, débutant, compétent, performant et expert.

Selon elle, « pour pouvoir résoudre efficacement un problème, il faut s’impliquer et croire à

ce que l’on fait […] L’expertise dépend de l’engagement de la personne dans une situation

donnée. L’experte appréhende rapidement le problème en faisant le rapprochement avec des

situations similaires ou contraires déjà vécues. A l’inverse, la débutante ne doit compter que

sur l’examen de très nombreuses variables. Dépasser les connaissances formelles explicites et

l’analyse froide de signes mesurables permet de développer la recherche créatrice, et la

sensibilité aux indices, qui résultent de l’implication. Abandonner le pouvoir du relationnel,

c’est trahir un idéal, se défaire de sa propre identité, et nier ses propres qualités56

». Par son

implication dans la relation d’aide, le soignant pourra ainsi développer ses compétences

relationnelles et franchir les étapes de l’apprentissage professionnel.

55

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 83. 56

http://www.sideralsante.fr/bibliotheque/benner.pdf

24

III. Enquête de terrain.

1. Présentation du dispositif et des modalités exploratoires.

1.1 Choix et construction de l’outil d’enquête.

Afin de compléter notre question de départ et enrichir notre recherche, nous avons choisi

d’effectuer des entretiens semi directifs auprès de deux infirmières possédant des expériences

auprès de la personne âgée. Ces entretiens nous permettront tout d’abord de mesurer l’écart de

prise en soin des patients dans des structures différentes et également de nous rendre compte

des réalités du terrain et des différences qu’il peut y avoir entre la théorie et la pratique. De

plus, ils nous permettront d’avoir un échange interactif avec les infirmières et ainsi de

recueillir des réponses diverses et variées.

Pour cela, nous avons réalisé un guide d’entretien. Celui-ci nous permettra de confronter notre

question de départ aux apports théoriques et empiriques. Nous réaliserons alors une grille

d’analyse à partir de ce que nous avons pu développer dans notre recherche documentaire.

Nous analyserons tout d’abord les réponses que nous avons recueillies question par question.

Nous mettrons en évidence les points communs, les points divergents et les nouveaux

éléments apparaissant par rapport au cadre conceptuel. Pour finir, nous analyserons

l'ensemble des réponses données pour chaque infirmière afin de déterminer les compétences

nécessaires dans la mise en place de la relation d’aide. Une fois toutes les données analysées,

nous formulerons notre question de recherche.

1.2 Choix des lieux et des populations.

Comme nous venons de le dire précédemment, nous avons recueilli deux témoignages

d’infirmières. Nous avons interrogé une infirmière ayant travaillé durant deux ans en maison

de retraite dans un service de long séjour et une autre travaillant depuis trois ans en neurologie

dans un service de courte durée afin de mesurer l’écart de prise en soin dans des services

différents. Chacune d’entre elles présentant une expérience avec les patients âgés afin

d’enrichir la qualité des réponses recueillies. Nous avons choisi d’enregistrer les entretiens

pour mieux retranscrire les réponses, avec l’accord préalable des professionnels et le respect

de leur anonymat.

25

1.3 Modalités de réalisations.

Les deux entretiens se sont déroulés dans les services de soins de chacune des infirmières

durant leur temps de pause pour ne pas gêner leur organisation. Dans un souci d’authenticité

des réponses, les infirmières ont répondu seule dans une pièce à l’écart de l’équipe soignante.

2. Analyse des données recueillies.

Les réponses des deux infirmières que nous avons interrogées sont détaillées dans un tableau

en annexe. Pour l’analyse des données recueillies, nous avons choisi de classer les réponses

par thème. Pour se faire, nous traiterons tout d’abord la vision que les professionnels de santé

peuvent avoir de la relation d’aide, les avantages et les inconvénients de sa mise en place.

Nous analyserons ensuite la place qu’elles confèrent au patient âgé dans cette relation. Pour

finir nous verrons comment elles mettent en place cette relation d’aide et les limites qu’elles

lui trouvent.

2.1. La relation d’aide comme un soin.

Les deux infirmières que j’ai pu interroger durant mes entretiens ont défini de façon assez

similaire la relation d’aide. L’infirmière de neurologie la définit comme un soutien qui permet

de rassurer le patient et de lui rendre son autonomie. L’infirmière de maison de retraite la voit

plutôt comme une écoute basée sur le respect des besoins, et des désirs du patient pour le

guider au mieux et pour soulager une souffrance psychique voir physique. En effet, à partir

des recherches documentaires que j’ai effectué, la relation d’aide a été définit comme « une

interaction particulière entre deux personnes, l’intervenant et l’aidé, chacun contribuant à la

recherche et à la satisfaction d’un besoin d’aide chez ce dernier. Cela suppose que

l’intervenant adopte une façon d’être et la communique en fonction des buts poursuivis57

».

Nous constatons donc que les professionnels de santé maitrisent bien ce sujet qu’elles

considèrent d’ailleurs comme un soin. En effet, selon elles, la relation d’aide est un soin à

part entière. Cependant elles le voient plus comme un soin complémentaire qui se fait avec

l’administration des traitements ou durant les soins d’hygiène et de confort par exemple.

Au vu des réponses recueillies, la relation d’aide apparait donc comme un élément

incontournable qui s’inscrit dans la prise en charge des patients.

57

PITARD, Laurence, PERUZZA, Elisabeth. Soins de confort et de bien être, soins relationnels, soins palliatifs

et de fin de vie. Elsevier Masson. 2010, page 162.

26

Les avantages de la relation d’aide :

Selon les deux infirmières, la mise en place de la relation d’aide auprès de patients inquiets ou

angoissés permet d’améliorer la qualité des soins qu’elles peuvent dispenser et de gagner

du temps dans les soins. Selon l’infirmière travaillant en neurologie, « plus le patient est

autonome, plus la relation d’aide diminue ». En effet, par la relation d’aide que l’infirmier met

en place il va rassurer le patient qui participera davantage aux soins et recouvrera plus

rapidement son autonomie. De plus, « nous savons désormais que la prise en charge précoce

des situations de fragilité réduit le risque de perte d’autonomie, le nombre d’hospitalisations,

[…] et au bout de compte limite les coûts de santé58

». L’infirmière de maison de retraite

évoque le caractère personnalisé de la relation d’aide qui tient compte du patient, de ses

besoins, et de ses désirs. Cette connaissance permet d’améliorer les soins et d’augmenter la

participation du patient comme le dit l’infirmière de neurologie ; « je pense que d’un côté si tu

connais le patient c’est bien parce que tu sais ou l’aider ». En effet, comme nous avons pu le

voir dans notre cadre conceptuel, dans la relation d’aide, « il s’agit pour le soignant d’adapter

ses interventions en fonction de ses observations et de proposer un accompagnement adapté à

la personne soignée59

».

Les inconvénients de la relation d’aide :

La frustration du soignant a été évoquée à plusieurs reprises. L’absence d’évolution

apparait difficile à gérer pour les infirmières ; « le fait que ça n’avance pas le soignant peut

être un peu frustré, du fait que tu fais tout le temps la même relation d’aide, c'est-à-dire qu’il

n’y a pas vraiment d’amélioration du coup pour le soignant ça peut être un peu frustrant car il

a beau aider […] on a l’impression que la relation d’aide n’est pas efficace du coup ». En

effet, nous avons pu voir précédemment que la rencontre impliquée par la relation d’aide est

« lourde d’une intense charge émotionnelle 60

». Il est donc important pour le soignant de

prendre du recul par rapport à cette relation pour ne pas s’épuiser et il peut être utile de passer

le relais lorsque cela s’avère nécessaire. Le second inconvénient évoqué par les infirmières

concerne le temps. L’infirmière de maison de retraite insiste sur le fait que la mise en place

d’une relation d’aide demande beaucoup de temps, « ça prend du temps, il faut le temps

58

JEANDEL Claude. Les différents parcours du vieillissement. Les Tribunes de la santé, 2005/2 n°7, page 34. 59

PITARD, Laurence, PERUZZA, Elisabeth. Soins de confort et de bien être, soins relationnels, soins palliatifs

et de fin de vie. Elsevier Masson. 2010, page 161. 60

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 9.

27

d’être disponible ». En effet, « il nous faut reprendre le fil de l’histoire afin de décondenser les

expériences et l’accumulation de celles-ci lors du vieillissement. Le temps de la séance est un

temps qui s’arrête, un temps où se rassembler61

» Ainsi la gestion du temps dans la prise en

soin apparait comme un élément important à considérer.

2.2. Le patient âgé comme « partenaire ».

Les infirmières que j’ai pu interroger considèrent toutes les deux le patient âgé comme un

acteur de soin dans la mesure où ce sont ses capacités qui vont lui permettre de recouvrir son

autonomie avec l’aide de celles ci. Elles le considèrent comme « un partenaire de soin ». Elles

insistent également sur son implication. En effet, selon elles une relation d’aide ne peut se

faire sans implication de l’aidé. Elles soulignent l’importance d’une bonne connaissance du

patient comme nous avons pu le voir précédemment ; « Si tu ne connais pas le patient c’est

plus difficile de faire une relation d’aide ». En effet, comme le dit Virginia Henderson, « c’est

par la profondeur de sa compréhension que l’infirmière saura s’attirer la confiance du malade

et de sa famille et qu’elle pourra l’aider à surmonter certains effets psychologiques de la

maladie62

». Par cette connaissance, le soignant saura comment faire participer le patient et

l’aider à satisfaire ses besoins et recouvrir son autonomie.

2.3. L’infirmier au cœur de la relation d’aide.

Ce qui est souvent ressorti au cours des ces deux entretiens est la notion du temps. En effet,

selon les infirmières interrogées, la mise en place de la relation d’aide implique du temps. Les

moyens qu’elles utilisent pour mettre en place cette relation sont principalement l’écoute, la

communication et le toucher. Comme le dit l’infirmière de neurologie, « chez les personnes

âgées ya beaucoup le toucher souvent pour les rassurer, leur caresser la main, […] après faut

essayer de leur parler doucement, se mettre en face d’eux pour bien communiquer, ya aussi le

calme dans la chambre parce dès qu’il y a quelque chose on arrive plus à les aider, si y a un

soin à faire ou qu’il y a quelque chose à faire faut prendre leur attention ». En effet, la relation

d’aide repose sur les habiletés et la disponibilité du soignant.

Selon les infirmières interrogées, la relation d’aide s’apprend sur le terrain et se fait

progressivement, au rythme du patient. L’infirmière de maison de retraite insiste sur

61

COLPE Dominique. La relation soignant-soigné devant le travail de l'âge : vieillir. Cahiers de psychologie

clinique. 2007/1 n° 28, page 257-270. 62

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide en soins

infirmiers. Edition Masson, 2007, page 38.

28

l’importance de ne pas stresser le patient. Elles considèrent toutes les deux que la prise en soin

et la relation d’aide se font en équipe et que cela permet d’optimiser la prise en charge.

L’infirmière de neurologie donne l’exemple de son service où elle travaille conjointement

avec l’orthophoniste pour les patients qui ont des troubles du langage, et qui sont aphasiques,

les kinésithérapeutes pour les conseils de mobilisation et les assistantes sociales pour la

gestion des retours à domicile.

La principale limite évoquée par les infirmières concerne le refus du patient. En effet, la mise

en place de la relation d’aide repose sur la volonté et la participation du patient. Si celui-ci

refuse l’aide du soignant la relation d’aide ne peut pas se mettre en place. La famille est

également mentionnée comme une limite à l’établissement de la relation d’aide. Pour

l’infirmière travaillant en neurologie, la famille a souvent tendance à faire les choses à la

place du patient et constitue un frein à l’autonomie de celui-ci. La prise en soin revient donc à

travailler conjointement avec la famille afin d’améliorer le quotidien du patient et celui de ses

proches.

3. Synthèse.

La principale difficulté que nous avons pu rencontrer dans la réalisation de ces entretiens

concerne la disponibilité des soignants. En effet, il a été difficile de trouver un créneau horaire

qui puisse satisfaire les professionnels et convenir avec nos horaires de cours ou de stage.

Nous souhaitions interroger une infirmière qui travaillait en maison de retraite depuis neuf ans

mais l’entretien n’a finalement pas pu se faire. Nous avons donc finalement interrogée une

infirmière travaillant en maison de retraite avec moins d’expériences. Au vu des recherches

documentaires effectuées et des entretiens menés, nous constatons que la relation d’aide que

l’infirmier instaure auprès du patient âgé nécessite de nombreuses compétences. Elle repose

sur la disponibilité, l’écoute active, l’empathie et l’authenticité du soignant. Le toucher tient

une place importante dans cette relation comme les professionnels ont pu le mentionner. Il

permet d’accompagner le patient, de l’encourager et d’apporter du réconfort. Cependant, la

mise en place de la relation d’aide s’effectue en plusieurs étapes, au rythme du patient et selon

ses choix. Elle implique une bonne gestion du temps de la part du soignant. En effet, d’un

coté la mise en place de la relation d’aide permet de gagner du temps dans les soins mais d’un

autre sa mise en place en nécessite beaucoup. L’expérience du soignant joue un rôle

déterminant dans la mise en place de cette relation. A travers cette expérience, il peut détecter

29

les messages subliminaux exprimés par le patient et mieux répondre à ses besoins. De plus,

par son implication dans la relation d’aide, le soignant pourra aussi développer ses

compétences relationnelles et franchir les étapes de l’apprentissage professionnel.

Au regard de mes recherches et entretiens effectués, j’aboutis à l’hypothèse de recherche

suivante :

L’expérience de l’infirmier influe la qualité de la relation d’aide qu’il met en place auprès

du patient âgé.

4. Conclusion.

Ce travail de recherche fut très intéressant à réaliser. Il nous a permis de comprendre une

partie des mécanismes qui se mettent en place dans la relation d’aide. Bien que constituant

une part invisible de l’activité infirmière, elle s’inscrit dans la prise en soin quotidienne des

patients. Souvent méconnue et mise de côté au profit des soins techniques, elle repose sur de

nombreuses compétences et constitue un intérêt majeur dans l’exercice de la profession. Au

cours des entretiens que nous avons pu effectuer, nous avons constaté que les professionnels

considèrent la relation d’aide comme un soin à part entière. En plus des entretiens, ce travail

nous a permis de mener de nombreuses recherches documentaires et de confronter nos apports

théoriques à la pratique quotidienne des soignants. Nous avons pu compléter nos

connaissances et nous interroger sur la place de la relation d’aide dans la prise en soin. Nous

nous sommes rendu compte qu’elle ne s’improvisait pas et qu’elle reposait sur les

compétences relationnelles du soignant et sur son expérience. Nous nous sommes également

rendu compte que la prise en soin du patient âgé s’avère complexe en raison des différents

mécanismes liés au vieillissement. En tant que futur professionnel, nous pensons que la

connaissance de ces processus est indispensable pour une prise en soin de qualité. Les

compétences de l’infirmier évoluent tout au long de sa carrière et nécessitent une perpétuelle

remise en question et le renouvellement de ses connaissances pour optimiser la prise en soin

des patients. Au cours de ce travail, nous avons constaté que la principale limite à

l’établissement de la relation d’aide concernait la gestion du temps. Nous pensons donc qu’il

serait intéressant d’approfondir cette recherche afin de comprendre en quoi la notion du temps

constitue une difficulté dans la mise en place de la relation d’aide.

30

Bibliographie

Ouvrages :

ARGENTY, Jean, MAUFOUX-IMMERGOUT, Régine. Précis de soins relationnels. France :

Lamarre. Juin 2012. 122 pages.

DAYDE M-C, LACROIX M-L, PASCAL C, SALABARAS CLERGUES E. Relation d’aide

en soins infirmiers. Edition Masson, 2007. 168 pages.

HASBEEN, Walter. Prendre en soin à l’hôpital. Editions Masson. 1997. 195 pages.

MANOUKIAN, Alexandre. Les soignants et les personnes âgées. 4e édition. France:

Lamarre. 2007. 205 pages. (Soigner et accompagner).

MANOUKIAN, Alexandre, MASSEBEUF, Anne. La relation soignant-soigné. 3e édition.

France: Lamarre. 2008. 223 pages. (Soigner et accompagner).

PERLEMUTER, Léon. PERLEMUTER, Gabriel. Cycles de la vie et grandes fonctions.

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PITARD, Laurence, PERUZZA, Elisabeth. Soins de confort et de bien être, soins

relationnels, soins palliatifs et de fin de vie. Elsevier Masson. 2010. 246 pages.

ROGERS, Carl. La relation d’aide et la psychothérapie. ESF Editeur. 2008. 235 pages.

Revues :

BAUER Michel. Le respect de la personne âgée dépendante en institution. VST - Vie sociale

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COLPE Dominique. La relation soignant-soigné devant le travail de l'âge : vieillir. Cahiers

de psychologie clinique. 2007/1 n° 28, p. 257-270.

DRAME Moustapha. La fragilité du sujet âgé : actualité – perspectives. Gérontologie et

société. 2004/2 n° 109, p. 31-45.

GROUSSET, Sylvie. La relation soignant/soigné. Soins, la revue de référence infirmière.

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HAZIF-THOMAS Cyril, THOMAS Philippe. La démotivation du sujet âgé. Gérontologie et

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JEANDEL Claude. Les différents parcours du vieillissement. Les Tribunes de la santé, 2005/2

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31

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http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&d

http://www.sideralsante.fr/bibliotheque/benner.pdf

http://www.social-sante.gouv.fr/documentation-publications,49/ouvrages-pratiques

chartes,1348/handicap personnes-agees,1688/charte-des-droits-et-des-libertes,9190.html

http://www.partages-et-questionnements.fr/article-les-modules-comportementauxbiologiques-

mis-en-lumiere par-l-ethologie-4-4-112577171.html

http://www.who.int/topics/ageing/fr/index.html

Apports théoriques :

BERTRAND, Julie. Cours sur la communication. UE 4.2 Soins relationnels. 08/02/2011.

BERTRAND, Julie. Cours sur le toucher. UE 4.2 Soins relationnels. 08/02/2011.

DA SILVA, José. Cours sur la distance thérapeutique. UE 4.2 Soins relationnels. 01/02/2013.

GRAPIN-DAGORNO, Christine. Cours IFSI Les droits de l’homme. Jeudi 2 Décembre 2010.

HUTIN, Line. Cours sur les concepts fondateurs. UE 3.1 Raisonnement et démarche clinique.

Textes de lois :

Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires)

du code de la santé publique disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr

Charte des droits et libertés de la personne âgée en situation de handicap ou de dépendance de

1987 disponible sur http://www.social-sante.gouv.fr

Note complémentaire :

Photo de la page de garde issu du site internet : http://www.elide-

formation.com/soins_soignants/relation_juste_distance

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Sommaire des annexes.

Annexe 1 : Guide d’entretien