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Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1 1 Mémoire de Fin d’Etudes Maître de mémoire : Pierre Médan Problématique : Comment la coordination des flux physiques et financiers permet-elle de maximiser les liquidités d’une entreprise pour assurer sa pérennité ?

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Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

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Mémoire de Fin d’Etudes

Maître de mémoire : Pierre Médan

Problématique : Comment la coordination des flux physiques et financiers permet-elle de maximiser les liquidités d’une entreprise pour

assurer sa pérennité ?

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire de fin d’études n’aurait pu aboutir sans une réelle collaboration et un

échange d’idées entre tous ceux qui y ont participé ; je tiens donc à les remercier.

Dans un premier temps ma reconnaissance s’adresse à mon maître de mémoire, Monsieur Pierre

Médan, Directeur de l’UFR de Gestion de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, pour sa

disponibilité et ses conseils.

Je tiens aussi à remercier Monsieur Jean-Marc Lehu, Responsable du Master Logistique, pour la

confiance qu’il a eu en moi lorsqu’il m’a accepté au sein de ce prestigieux Master.

Mes remerciements vont également à toute l’équipe Castrol Industrials au sein de BP France pour

l’expérience enrichissante, leur accueil sympathique et leur coopération professionnelle. Je tiens à

remercier particulièrement mon maître de stage, Laura Sechet, et Michel Reulet, responsable de

Castrol Industrials France, de m’avoir confié le poste de Business Analyst au sein de leur division,

de leur disponibilité et de leur soutien.

Ma reconnaissance va également à Christophe Ganguly, consultant manager au sein du cabinet Atos

Consulting et Mathieu Chrétien, consultant manager au sein du cabinet Erns&Young, tous deux

spécialistes dans le management du BFR, pour avoir partagé leurs connaissance et expertise qui ont

été précieuses pour guider mes réflexions sur le sujet.

Merci également aux anciens du Master qui m’ont accordé du temps pour partager leurs avis sur ma

problématique, ce qui a contribué à alimenter ma réflexion.

Je voudrais enfin exprimer ma reconnaissance envers mes amis et collègues qui m’ont apporté du

support moral et intellectuel tout au long de ma démarche.

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SOMMAIRE

Introduction..........................................................................................................................5

I. De la Supply Chain physique à la Supply Chain financière.........................................7

1.1. Des flux physiques aux flux financiers ................................................................. 7

1.1.1 La notion de flux dans les définitions de la logistique et la Supply Chain ... 7

1.1.2. Les évolutions récentes ..................................................................................... 11

1.1.3. La Supply Chain financière et la gestion du BFR............................................. 13

1.2. Le BFR comme lien entre la Supply Chain et la Finance dans la recherche de la

performance opérationnelle............................................................................................. 15

1.2.1. Dynamique de création des flux de valeur ........................................................ 15

1.2.2. La dynamique des flux financiers ..................................................................... 16

1.2.3. Cycle d’exploitation, supply chain et BFR ....................................................... 21

1.2.4. L’analyse du BFR par les ratios ........................................................................ 29

II. Comment optimiser la gestion des 3 composantes du BFR : client, fournisseur, stock 35

2.1. Enjeux, risques et impacts des postes clients-fournisseurs ...................................... 35

2.1.1 Profil et diagnostic client/fournisseur ................................................................ 35

2.1.2. Les enjeux et les risques clients/fournisseurs.................................................... 37

2.1.3. Organisation de la politique commerciale, d’achat et de crédit ........................ 42

2.2. Le poste stocks : typologie des stocks, enjeux et risques......................................... 47

2.2.1. Enjeux, risques et typologie des stocks............................................................. 47

2.2.2. Comment choisir le niveau de stock optimal .................................................... 51

2.3. La mise en place d’une Supply Chain collaborative comme levier d’optimisation du BFR

......................................................................................................................................... 57

2.2.1. L’informatisation des flux d’information.......................................................... 58

2.2.3. Collaboration externe et optimisation du BFR.................................................. 62

III. Mise en place et pilotage d’un projet d’optimisation du BFR ................................71

3.1. Comment mettre en place une culture « cash » au sein de l’entreprise.................... 71

3.1.1. D’une démarche ponctuelle vers une démarche durable en matière d’optimisation du

BFR ............................................................................................................................. 71

3.1.2. Le rôle clé d’un référent projet : vers le métier de cash manager ..................... 75

3. 2. La mise en place du projet BFR.............................................................................. 77

3.2.1. Diagnostic, définition des objectifs et du plan d’action .................................... 78

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3.2.2. Mise en la place d’un suivi régulier et collaboratif ...........................................82

Conclusion...........................................................................................................................87

Glossaire..............................................................................................................................90

Bibliographie ......................................................................................................................91

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Introduction Le temps vaut de l’or, « time is money », jamais cette expression a été aussi vrai par le passé que

dans le contexte de crise, voire de post-crise, actuelle. Les crédits se durcissent, les clients en faute

de paiement deviennent de plus en plus fréquents, les risques sont plus élevés, les actionnaires de

plus en plus exigeants en terme de cash (notamment du fait du développement des rachats par LBO

ou effet de levier), ce qui pousse les entreprises à chercher des sources de financement en interne et

à une course vers la génération du cash et ce dans les délais les plus courts, pour satisfaire les

actionnaires et notamment pour rembourser la dette d’acquisition lors des LBO. Ainsi, on voit

aujourd’hui une émergence d’une nouvelle génération « cash » au sein des entreprises. Très répandu

dans le monde anglo-saxon, le développement d’une culture cash dans les entreprises françaises est

devenu un sujet d’actualité.

Le coût du démarrage de l’activité d’une entreprise est trop souvent limité aux investissements

initiaux, qu’ils soient corporels ou incorporels. Le cycle d’exploitation d’une entreprise se

caractérise par un décalage entre les flux réels (de marchandise) et les flux financiers (encaissement

et décaissements) et implique aussi une immobilisation de ressources financières (les stocks). Ce

besoin de financement d’exploitation (appelé besoin en fonds de roulement ou BFR) généré par

l’activité courante est souvent ignoré, alors qu’il constitue un élément essentiel et permanent de la

gestion de l’entreprise. Des nombreuses entreprises pourtant bien positionnées sur des marchés

rentables, ont rencontré de graves difficultés, remettant en cause leur existence même, faute d’avoir

intégré ce besoin financier initial dans les prévisions financières. Ainsi, la performance

opérationnelle est aujourd’hui placée au cœur des préoccupations de l’entreprise. La réduction des

délais de transformation de liquidités potentielles (les créances clients et les stocks) en liquidités

réelles, est donc devenu un objectif fondamental pour maximiser les performances et la rentabilité

des entreprises. Ainsi, se tourner vers le cash déjà disponible dans l’entreprise en réduisant son

besoin en fonds de roulement est devenu une piste de plus en plus exploitée par les entreprises.

Une démarche d’optimisation du cash est transversale et nécessite une véritable coordination entre

les flux réels et les flux financiers. On voit apparaître ainsi la notion de supply chain financière qui

s’intéresse à la gestion des flux financiers tout au long de la chaîne de valeur de l’entreprise. La

coordination entre la supply chain physique et la supply chain financière, qui passe forcément par

une optimisation de flux informationnels, est devenu une source d’avantage compétitif pour les

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entreprises. Comment donc cette coordination des flux physiques et financiers permet-elle de

maximiser les liquidités d’une entreprise pour assurer sa pérennité ?

Dans une première partie, nous ferons un état des lieux de la gestion des différents flux au sein des

entreprises en mettant en avant les notions de supply chain physique et de supply chain finacière et

nous étudierons la notion de BFR comme lien entre les flux de matière et les flux financiers. Dans

une deuxième partie, nous analyserons les différents leviers d’action à mettre en œuvre pour

optimiser la génération de liquidités dans chaque composante du BFR (les postes fournisseur, client

et stocks). Finalement, dans une troisième partie nous expliquerons les éléments nécessaires pour la

mise en place d’un projet d’optimisation du cash et le pilotage de celui-ci.

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I. De la Supply Chain physique à la Supply Chain fi nancière

1.1. Des flux physiques aux flux financiers

1.1.1 La notion de flux dans les définitions de la logistique et la Supply Chain

L’entreprise a toujours évolué au sein d’un environnement. Cependant, dans un contexte de

globalisation et d’externalisation accrue, la multiplication des intermédiaires tout au long de la

chaîne ont entrainé une interdépendance accrue entre l’entreprise et ses différents partenaires

industriels, ce qui implique aussi la complexification des relations entre les différents départements

au sein même de l’entreprise. Ainsi, il est pertinent de considérer l’entreprise et son environnement

comme un écosystème au sein du quel différents acteurs interagissent dans un but commun : la

performance financière et la satisfaction du client. Ce nouveau mode de fonctionnement tend vers

un système multidimensionnel plus dynamique et moins linéaire qui nécessite une coordination sans

faille entre les acteurs et les différentes activités. L’interaction de ces différents acteurs et de ces

différentes activités peut être définie sous forme de flux. Ainsi, l’activité d’une entreprise est

constituée de différentes formes de flux : physiques, financiers ou informationnels.

Le rôle du Supply Chain Management est d’assurer la coordination, l’optimisation et l’intégration

de ces différents flux dans un objectif de satisfaction du consommateur final à travers un

enchainement de processus, allant des fournisseurs (voire des fournisseurs des fournisseurs en

remontant le plus en amont possible) aux clients (ou les clients des clients, le plus en aval possible).

Les définitions de la logistique et de la Supply Chain se comptent par dizaines ou par centaines,

nous choisirons quelques définitions pertinentes qui nous permettront de situer le cadre de ce

mémoire.

The Institute of Logistics définit la chaîne logistique comme « une séquence d’événements pour

satisfaire les clients. Elle peut contenir les activités d’approvisionnement, production, distribution et

gestion des déchets, avec les transport associé, le stockage et technologie informatique ». Cette

définition peut être complétée par une définition de Jacques Colin, Claude Fiore, Hervé Mathe et

Gilles Paché qui met en avant la notion de réduction de coûts et d’amélioration de niveau de

service, ainsi ils proposent de définir la logistique comme « une technologie de la maîtrise de la

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circulation physique des marchandises qui pour réaliser ses deux priorités de réduction de coûts et

d’optimisation du niveau de services, associe en un double mouvement un flux de marchandises,

régulé d’aval en amont par un flux d’information ».

Selon des chercheurs en sciences de gestion (Aurifeille 1997), « la démarche logistique est

transversale aux fonctions classiques de l’entreprise, elle est centrée sur la gestion des flux

physiques, informationnels, financiers, aussi bien en interne au sein des entreprises que dans les

relations entre entreprises partenaires d’une même chaîne de valeur. A ce titre, elle peut-être vue

comme une compétence de gestion et de pilotage des flux qui, pour optimiser le couple coût/niveau

de service, mobilise un certain nombre de ressources le long des processus de circulation ».

Toutes ces définitions nous permettent de ressortir quelques concepts clés : efficience, flux

marchandise, flux d’information, réduction des coûts, satisfaction client. A travers le temps, la

logistique, qui se limitait auparavant à une dimension opérationnelle, a acquis un rôle stratégique au

sein des entreprises. La logistique n’est plus considérée comme un département mais comme une

démarche en soi ayant une fonction transversale qui doit impliquer tous les départements de

l’entreprise. Heskett propose de modéliser le fonctionnement de l’entreprise autour de cette vision

d’une chaîne logistique combinant, synchronisant, coordonnant des flux physiques et d’information

autour d’objectifs de réduction de coûts, d’amélioration des niveaux de service au profit de la

stratégie de l’entreprise. Il ne s’agit plus de gérer les flux de l’entreprise mais de se doter d’une

représentation du fonctionnement de l’organisation à partir des flux dans une perspective de

pilotage.

Un autre concept qui est devenu essentiel dans la définition de la chaîne d’approvisionnement est la

notion de satisfaction client et du consommateur final. Auparavant, la logistique ne s’intéressait

qu’à la livraison de son client direct pour écouler sa production. Cependant, la supply chain étendue

intègre aujourd’hui les problématiques liées à la distribution jusqu’au consommateur final et sa

satisfaction. Ainsi, le site internet du Council of Logistics Management définit la logistique comme

« la partie du processus de la chaîne d’approvisionnement qui planifie, met en œuvre et contrôle le

transit et le stockage efficace et efficient des et des services ainsi que l’information adjacente, de

l’endroit de leur création jusqu’à celui de consommation, dans le but de répondre aux exigences des

consommateurs ».

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Néanmoins, nous pouvons remarquer que la notion de flux financiers n’est pas une priorité dans la

définition de la supply chain. On parle essentiellement de flux d’information qui permettent de

piloter des flux physiques. A part quelques chercheurs en sciences de gestion, l’aspect financier est

souvent négligé dans le concept de supply chain étendue. On peut cependant retenir une définition

proposée par The Logistics Institute qui permet d’intégrer une notion financière, et notamment les

entrées et sorties d’argent, dans la chaîne : « La logistique est une collection de fonctions relatives

aux flux de marchandises, d’informations et de paiement entre fournisseurs et clients depuis

l’acquisition des matières premières jusqu’au recyclage ou à la mise au rebut des produits finis ».

En effet, un flux physique doit forcément se traduire par un flux financier. Toutefois, une livraison

ou une réception de produit ou de service ne se traduit pas directement par un encaissement ou un

décaissement. De même, toute entreprise, quelque soit son activité (production, distribution,

service) doit à un moment donné stocker des matières (matières premières, encours, produits

finis…) et ce stockage représente une somme d’argent qui est immobilisée et qui pourrait être

utilisée autrement dans des activités génératrices de valeur. Toutes ces problématiques peuvent se

traduire par une dégradation de la qualité de service délivré au client final. Par exemple, si une

entreprise ne respecte pas les délais de paiement accordés avec ses fournisseurs, ceux-ci peuvent

délibérément ne pas respecter les délais de livraison de marchandises ou diminuer la qualité des

marchandises livrées, ce qui aurait un impact direct sur le consommateur final. Ainsi, la

coordination entre les flux physiques et financiers est indispensable pour garantir la rentabilité

d’une entreprise et la satisfaction des consommateurs afin d’assurer la pérennité de l’entreprise.

« Le bon produit, au bon moment, au bon endroit et à la bonne personne », c’est le crédo de la

logistique. Optimiser des process, minimiser les coûts, les délais, les stocks, satisfaire le client,

développer des relations durables avec les fournisseurs. Autant d’objectifs et des raisons pour

mettre en place un projet d’amélioration de la Supply Chain. Cependant, si toutes ces

problématiques liées à la logistique ne se traduisent par un enrichissement tangible de l’entreprise,

l’entreprise ne sera pas en mesure de survivre financièrement. Même dans une société où le client

est censé être le roi, ce qui pousse les entreprises à le mettre au cœur de sa stratégie, le but ultime

d’une entreprise est de générer des profits pour assurer sa pérennité. Il semble donc indispensable

d’inclure la notion de flux financiers dans la vision de supply chain. Ainsi, tout projet

d’optimisation de la supply chain doit être suivi d’une optimisation des flux financiers associés afin

que ses résultats soit durable.

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Figure 1. Typologie des flux au sein d’une supply chain globale

Ce schéma très simplifié de la chaîne logistique permet de mettre en évidence les trois flux qui la

composent. Ces trois flux ont des caractéristiques et des sens très différents.

- Le flux de produits peut être caractérisé comme « downstream », c’est-à-dire qu’il va de

l’amont vers l’aval. Cependant, avec le développement de la reverse logistics (recyclage,

articles en fin de vie, retour de produits défectueux…) les flux de produits du consommateur

vers le producteur tendent à s’accroître, ce qui implique que le flux de matériel est en train

de devenir un flux à deux sens. Le flux de produit peut aussi être un flux de service.

- Les flux d’information se font à deux sens : de l’aval vers l’amont (passations de

commandes, remontée d’information en provenance du consommateur…) et de l’amont vers

l’aval (en suivant les flux physiques) qui permettent de piloter la planification de la

production, la prévision des ventes, l’analyse de la satisfaction des consommateurs, l’étude

de nouvelles tendances…

- Les flux financiers se caractérisent comme « upstream » parce qu’ils vont de l’aval vers

l’amont. L’échange d’information financière se fait dans les deux sens, souvent de façon

électronique (appelés EDI, échange de données informatisé), mais le flux d’argent (ou cash-

flow) se fait au sens inverse, dans le sens de l’encaissement, le client paye le distributeur, le

distributeur paye le fabricant et le fabricant paye ses fournisseurs.

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1.1.2. Les évolutions récentes

"La bataille pour dominer le marché ne sera pas une bataille d'entreprises mais de chaînes

logistiques...". C'est ainsi que le Professeur Hau Lee, de l'Université de Stanford, décrivait le nouvel

enjeu des entreprises, et donc de la distribution, lors d’une conférence en septembre 2005. Au cours

des dernières années les entreprises ont concentré leurs efforts dans l’amélioration des processus de la

supply chain physique et des échanges d’information tout au long de celle-ci. En moins d'une

décennie, la gestion des flux de marchandises entre fabricants, transporteurs et distributeurs s'est

métamorphosée pour devenir un véritable levier stratégique de compétitivité. Elle ne constitue plus

une série d'opérations cloisonnées, mais un processus global et intégré qui relie tous les acteurs de

la chaîne d'approvisionnement. Concilier faible stock et bonne qualité de service, tout en réduisant

les coûts sont quelques-uns des enjeux du Supply Chain Management.

De plus, l’essor des nouvelles technologies et des différents ERP (Enterprise Ressource Planning,

ou progiciels de gestion intégré) ont permis d’évoluer vers une supply chain de plus en plus intégrée

et élargie grâce à une meilleure collaboration entre l’entreprise et ses fournisseurs et ses clients et

un meilleure partage de l’information. Des véritables progrès ont ainsi été achevés dans la matière :

réduction des délais de paiement, des stocks de plus en plus réduits, une meilleure réactivité face

aux aléas de la demande, des prévisions de ventes et des plannings de production de plus en plus

précises. Cependant les problématiques financières ont été jusqu’ici négligées et la gestion des flux

financiers n’a pas été en mesure de suivre les évolutions exponentielles en matière de flux

physiques et d’information.

Même si des efforts restent à faire en termes de maîtrise de flux physiques et d’informations, les

entreprises commencent à atteindre une certaine maturité dans ce domaine et il est de plus en plus

difficile de réaliser d’autres économies en jouant sur ces seuls facteurs. Ainsi, les entreprises

commencent à s’intéresser à l’aspect financier de la maîtrise des coûts dans la supply chain et une

nouvelle phase s’annonce dans l’évolution de la maîtrise des flux financiers.

Dans un contexte de mondialisation et d’externalisation accrue, le nombre plus élevé de partenaires

commerciaux, les distances plus longues entre les parties, et les règlementations différentes entre les

pays sont justes quelques uns des facteurs qui compliquent les opérations globales des chaînes

d'approvisionnements. Ainsi l'insuffisance de planification, d'exécution et de synchronisation dans

la gestion des finances, de la logistique, et des données peut mener à des surcoûts

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exorbitants. L’augmentation des coûts dans l’activité courante de l’entreprise (c’est-à-dire, le cycle

d’exploitation) se traduit inévitablement par un accroissement du besoin en fonds de roulement

(BFR) ou working capital en anglais.

Dans un premier temps nous définirons le BFR comme le décalage de trésorerie provenant de

l’activité de l’entreprise, c’est-à-dire le décalage dans le temps de la transformation du résultat en

cash. Le BFR est composé par deux éléments de l’actif circulant : les créances clients et les stocks,

et par un élément du passif circulant : les dettes fournisseurs, nous reviendrons par la suite sur une

définition plus détaillée de la notion de BFR.

Dans un contexte de crise, les crédits sont devenus de plus en plus rares et les défauts de paiements

deviennent de plus en plus fréquents. Cette évolution, marquée par une hausse de la pression des

actionnaires et des banques sur la capacité des entreprises à générer des liquidités, pousse les

entreprises à s’intéresser davantage à la gestion du cash. Ainsi, on observe que plusieurs entreprises

lancent des initiatives d’amélioration du BFR pour essayer d’augmenter leurs liquidités sans

dégrader leur structure de coûts. Malgré cela, une étude montre que si 51 % des entreprises

interrogées considèrent leur performance BFR en progression, 40 % restent insatisfaites du niveau

atteint. Alors que les BFR des sociétés du CAC 40 pèse plus de 40% du total de leurs bilan et il se

révèle souvent supérieur aux montants des immobilisations de la plupart des entreprises, l’absence

d’un vrai pilotage du BFR au sein des entreprises devient alarmante.1

1 Résultats de l’enquête « Le BFR, un réel enjeu pour l’entreprise » menée en 2007 par le cabinet d’audit et de conseil Ernst&Young

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Figure 2. The Financial and Physical Supply Chain2

Ce schéma met en évidence la complexité des flux au sein d’une supply chain plus ou moins

étendue (fournisseur-client) et les relations entre la supply chain physique et la supply chain

financière. D’un point de vue fournisseur-fabricant, la supply chain physique et financière se

retrouvent dans les dettes fournisseur et d’un point de vue fabricant-client, les deux chaîne se

retrouvent dans les créances clients. A ceci faudrait ajouter le poste stocks qui nécessite une

immobilisation de flux financiers.

1.1.3. La Supply Chain financière et la gestion du BFR

Le terme « Financial Supply Chain » commence à faire son apparition dans les entreprises,

essentiellement dans les pays anglo-saxons, précurseurs dans la matière.

Le groupe Aberdeen, groupe américain leader dans les études des TIC et la chaîne de valeur des

entreprises, distingue la supply chain à deux niveaux : la supply chain physique et la supply chain

2 PPL Corporation -2008

Contract/Order

ReceiveProducts or

Services

Requisition

WorkFlow/ Approval

Products /Services

Financial Settlement

ExceptionHandling

MonitoringControlsAccounting

ChangeOrders

Buyer

DynamicDiscount

1099Reporting

ShipAcknowled

gement

Contract/Order

Ship Productsor Services

Requisition

WorkFlow/ Approval

Products /Services

Financial Settlement

ExceptionHandling Monitoring

ControlsAccounting

Bank

ChangeOrders

Physical Supply Chain Financial Supply Chain

Seller

DynamicDiscount

ShipNotice

Financial Supply ChainPhysical Supply Chain

Receivable

Payable

Bill

Invoice

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financière. La chaîne d'approvisionnements financière (financial supply chain) est définie comme

« l’ensemble d’activités impliquées dans la planification et l'exécution des paiements entre les

partenaires commerciaux par divers instruments, y compris les taux de change, et les risques de

crédit liés aux pays. Elle implique la gestion des moyens de paiement, de la trésorerie, du ‘cash and

credit management’ et du BFR (Working Capital Requirement). » Le groupe décrit le La chaîne

d'approvisionnements physique (physical supply chain) comme « l’ensemble d’activités impliquées

dans la planification et l'exécution de la circulation des marchandises, y compris les services

d'approvisionnement, de fabrication, de stockage, et leurs documents respectifs (par exemple, bons

de commande, de transport, documents de douane, etc...). Elle implique la gestion des achats, de

l'approvisionnement, de production et de la logistique. »

Le Supply Chain Management (SCM) permet d’avoir une vision globale du cycle d’exploitation

d’une entreprise et des flux de biens et d’information. Le working capital est l’indicateur qui permet

de calculer le besoin de financement du cycle d’exploitation et son étude permet de mettre en

évidence les flux monétaires tout au long du cycle d’exploitation. En termes de flux financier, le

suivi du BFR est donc essentiel à la mise en place d’un programme d’optimisation des cash-flows

d’une entreprise.

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1.2. Le BFR comme lien entre la Supply Chain et la Finance dans la recherche de la performance opérationnelle

1.2.1. Dynamique de création des flux de valeur

La dynamique des flux dans l’entreprise est un aspect essentiel pour comprendre le déroulement de

l’activité d’une entreprise et pour mesurer sa performance. Elle est aussi un aspect essentiel du

diagnostic financier. « La notion de flux renvoie à celle de période et de durée. Le choix de

l’horizon est ici imposé par le cadre de l’exercice comptable. De manière traditionnelle les flux

s’analysent sur l’horizon annuel de l’exercice. »3

Quels sont ces types de flux ?

- La référence au compte de résultat conduit à faire tout d’abord référence aux flux

d’exploitation. Ce type de flux est caractérisé par le fait qu’il constitue un élément de coût

ou de produit

- Les flux de trésorerie s’analysent à partir de mouvements de liquidités et de leurs

conséquences sur le solde de trésorerie nette de l’entreprise. Ces flux sont soit des flux

d’encaissement, soit des flux de décaissement.

- Les flux de fonds sont les flux de ressources ou d’emplois que l’entreprise génère au cours

de l’exercice. Ces emplois et ressources traduisent une affectation de moyens que

l’entreprise réalise dans le cadre de décisions de gestion. Ces flux vont éventuellement se

traduire par des mouvements monétaires à un moment donné, ayant donc une incidence

directe sur la trésorerie de l’entreprise.

Pour assurer la pérennité d’une entreprise, la création de valeur et la mesure de la performance sont

des notions clés. Les méthodes de mesure de la performance d’une entreprise, c’est-à-dire la

richesse créée pour les actionnaires, les clients et les autres parties prenantes, peuvent être très

diverses et doivent être abordées d’un point de vue stratégique et opérationnel.

La finance d’entreprise se concentre essentiellement sur l’étude du « haut de bilan » et du « bas de

bilan » en laissant de côté, jusqu’à présent, celle du « milieu de bilan », c’est-à-dire le BFR (le

besoin en fonds de roulement), pourtant stratégique pour l’entreprise. En effet, le BFR des sociétés

3 VERNIMMEN P. et al., Finance d’Entreprise, Dalloz, 2005

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du CAC 40 pèse plus de 40% du total de leurs bilan et il est souvent supérieur aux montants des

immobilisations de la plupart des entreprise.

1.2.2. La dynamique des flux financiers

Le rôle de comptabilité financière est de fournir des informations sur la situation financière et

patrimoniale, sur la performance économique et financière et sur les flux de trésorerie de

l’entreprise. Au sein d’une entreprise on distingue trois états financiers : le compte de résultat, le

bilan et le tableau de flux de trésorerie.

� Les trois états financiers principaux :

Le compte de résultat retrace l’activité de l’entreprise pour une période déterminée (normalement

une année comptable). Son objectif est de refléter les flux économiques liés aux opérations

industrielles, commerciales ou de services réalisés par les entreprises. Le compte de résultat

récapitule l’ensemble de produits, des revenus qui sont à l’origine de flux d’entrées de ressources, et

des charges, dépenses qui sont à l’origine d’un flux de sortie de ressources, de la période écoulée.

Un concept clé du compte de résultat est l’excédent brut d’exploitation (EBE), qui représente le

surplus créé par l’exploitation de l’entreprise après rémunération du facteur de production travail et

des impôts liés à la production. L’EBE est mesuré avant les décisions d’amortissement et les

charges financières qui découlent des choix de financement de l’entreprise. Il apparaît comme le

solde entre, d’une part, des produits d’exploitation qui se sont traduit ou qui vont se traduire par un

encaissement, et, d’autre part, par des charges d’exploitation décaissées ou qui vont l’être. Il s’agit

d’un surplus monétaire potentiel et permet donc de mesurer la capacité de l’entreprise à générer des

ressources de trésorerie à partir de son exploitation. En ce sens, l’EBE est à la fois un solde

d’exploitation et la mesure d’un flux de fonds brut.

Le bilan est un état financier de synthèse, il représente le patrimoine ou la situation financière d’une

entreprise à un instant t. Le bilan fonctionnel donne une image économique de l’entreprise. L’actif

représente les emplois : actifs circulants ou de court terme (stocks, créances clients…) et emplois

stables (outils de production, terrains, brevets…). Le passif représente les ressources ou modes de

financement que l’entreprise possède pour financer ces emplois : passif circulant ou de cour terme

(dettes fournisseurs essentiellement) et ressources stables (Capital social, dettes financières à moyen

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ou long terme, réserves…). Le bilan fonctionnel s’articule autour des grandes fonctions de

l’entreprise : investissement (qui représente les ressources stables), financement (qui vient des

ressources stables) et exploitation (qui se traduit par le passif et l’actif de court terme : gestion des

stocks, créances client, dettes fournisseurs). Les décalages de trésorerie liés à l’activité

d’exploitation se traduisent au bilan sous forme de créances ou de dettes. Le dénouement des ces

trois cycles se traduit par un impact sur la trésorerie avec soit un excédent soit une insuffisance.

L’analyse financière de l’entreprise par l’étude de ces deux états financiers seulement représente

des limites. Aucun de ces documents ne permet a priori d’obtenir une vision dynamique de la

structure financière. En analysant un bilan on peut trouver une discordance entre l’augmentation de

la production et du chiffre d’affaire et l’évolution de la trésorerie de l’entreprise. Ainsi, l’analyse

financière doit s’accompagner d’un tableau expliquant l’évolution des flux de trésorerie au cours de

la période comptable, ce tableau de financement décrit comment les ressources dont a disposé

l’entreprise ont permis de faire face à ses besoins, et explique donc l’origine de la variation de la

trésorerie.

Le tableau de flux de trésorerie est un document de synthèse à part entière qui explique la variation

de trésorerie tout comme le compte de résultat explique la formation du résultat. La trésorerie

constitue un indicateur prépondérant pour la gestion et l’analyse financière. Ce tableau donne les

moyens d’évaluer les sociétés sur leurs capacités à générer des liquidités et à respecter leurs

engagements. Il présente l’avantage de fournir un indicateur objectif, la trésorerie, qui est

couramment utilisée dans les méthodes de valorisation de la firme. La trésorerie est aussi

fondamentale pour l’appréciation du risque de défaillance. En deux mots, le tableau des flux de

trésorerie ou cash-flow statement permet de mesurer la performance économique d’une entreprise

en termes de décaissement et d’encaissement.

� Equilibre financier, FR et BFR :

Il est indispensable de comprendre que l’entreprise doit être capable d’assurer un certain équilibre

financier. Cet équilibre résulte de la confrontation entre la liquidité des actifs (le temps de

transformation des actifs en monnaie) et l’exigibilité des ressources, c’est-à-dire que les emplois

doivent être financés par des ressources restant à disposition de l’entreprise pendant un temps au

moins égal à la durée de vie de ces emplois.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

18

Le Fonds de Roulement est l’excédent des capitaux permanents sur les immobilisations nettes. Il

représente la part des capitaux à terme avancée pour le financement du cycle d’exploitation. Il est

calculé à partir des ressources et des emplois stables :

Fonds de roulement = Capitaux permanents – Actif immobilisé

Pour fonctionner normalement une entreprise doit financer non seulement des immobilisations mais

aussi des actifs circulants (liés à l’activité d’exploitation). Elle a besoin d’un certain niveau de stock

(de matières premières, d’encours et de produits finis), elle accorde des délais de paiement à ses

clients. Cependant, pour la plupart des entreprises, les délais de paiement accordés par ses propres

fournisseurs, qui représentent une source de financement, ne suffisent pas à financer en totalité les

besoins issus du cycle d’exploitation.

Le besoin de financement de l’activité de l’entreprise comblé en partie par le Fonds de Roulement

est appelé le Besoin en Fonds de Roulement.

Le BFR possède deux composantes : le besoin en fonds de roulement d’exploitation (BFRE) et le

besoin en fonds de roulement hors exploitation (BFRHE) est constitué par le décalage de trésorerie

lié aux opérations hors exploitation (dettes sur investissement, dividendes à encaisser ou décaisser,

évènements exceptionnels…) qui, étant donné son importance marginale, n’a pas de signification

économique particulière. De nature conceptuelle pauvre, le BRFHE est difficile à prévoir et à

analyser, contrairement au BFRE qui est récurrent. Dans cette étude nous allons traiter

exclusivement le BFRE.

Le cycle d’exploitation correspond au déroulement de l’activité régulière et récurrente de

l’entreprise. Cette régularité entraîne des conséquences financières permanentes car couramment

renouvelées. La prise en compte de cette dynamique dans l’analyse financière est assurée par la

notion centrale de besoin de financement d’exploitation ou besoin en fonds de roulement

d’exploitation. Le BFR s’analyse donc comme un besoin financier lié à l’activité de l’entreprise qui

nécessite une ressource financière afin de le couvrir.

Le BFR d’exploitation est caractéristique du secteur d’activité, cependant, dans la plupart des

secteurs le solde habituel est positif, nous reviendrons plus tard sur les spécificités par secteur. La

notion de BFRE met ainsi en évidence le fait que les entreprises ne financent pas la totalité de leurs

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

19

emplois d’exploitation (besoins en stocks et en crédit clients) par des ressources issues du cycle

d’exploitation.

BFRE = Créances clients + Stocks – Dettes fournisseurs

Un autre élément qu’il convient de définir est la notion de trésorerie. La trésorerie nette à un

moment donné est égale à différence entre les valeurs disponible (à l’actif) et les dettes à court

terme bancaires (au passif). Les valeurs mobilières de placement (VMP) sont des actifs financiers

qui constituent un placement temporaire de liquidités, les disponibilités regroupent les moyens de

règlement dont dispose l’entreprise, ou l’argent déjà encaissé (solde des comptes bancaires). Au

passif, on trouve le montant des dettes financières à court terme qui doivent absolument être réglés

à l’échéance due. Le solde de la trésorerie est calculé par la le BFR diminué du FR, c’est l’argent, le

cash, dont l’entreprise dispose après le financement du cycle d’exploitation.

Trésorerie nette = Besoin en Fonds de Roulement – Fonds de roulement

Ainsi, plus le BFR est réduit plus la trésorerie est importante ce qui est synonyme d’une structure

financière solide.

� Analyse de la capacité de l’entreprise à créer de la richesse

La question qui se pose est ‘Faut-il privilégier les résultats opérationnels, opérationnels ou la

capacité d’autofinancement, les besoins en fonds de roulement ?’

Le bénéfice net du compte de résultat est un chiffre déclaré pour des raisons comptables à un

moment donné. Ce chiffre ne rend compte que partiellement de l’enrichissement de l’entreprise au

cours d’un exercice comptable car les dotations aux amortissements, qui constatent la dépréciation

des actifs, et les provisions pour dépréciation sont déduites mais ne sont pas réellement décaissées,

ce qui implique que ces deux éléments représentent des ressources potentielles. A l’inverse, les

reprises sur amortissements et provisions gonflent les résultats sans qu’il y ait une incidence sur la

trésorerie étant donné qu’elles ne traduisent qu’une diminution ou une annulation de provisions. Par

ailleurs, le chiffre d’affaire déclaré ne représente que les commandes enregistrées au cours de

l’année comptable, mais une commande passée par un client ne génère pas un encaissement

automatique.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

20

Le bénéfice déclaré ne traduit donc pas vraiment l’écart entre les recettes et les dépenses réelles

mais un écart entre des produits et des charges. Le bénéfice net inclut des éléments du BFR. Les

créances clients alimentent le bénéfice comptable alors qu’elles ne sont pas encore réglées. De

même, les stocks de produits finis augment les bénéfices alors qu’ils représentent des coûts de

revient. Une entreprise peut accroître son bénéfice grâce à un gonflement de ses stocks, mais la

période suivante elle peut avoir de difficultés à les écouler quitte à être obligé de faire de la

promotion même si ce n’était pas prévu.

La capacité d’autofinancement (CAF), calculée par le résultat net augmenté des dotations aux

amortissements et aux provisions, diminué des reprises et des plus-values sur les immobilisations

cédées, permet de refléter davantage la richesse de l’entreprise. Elle peut aussi se calculer à partir de

l’EBE en ajoutant les produits encaissables et les charges décaissables autres que ceux et celles

d’exploitation. La CAF représente le flux de fonds, c’est-à-dire des surplus monétaires potentiels,

qui reste à la disposition de l’entreprise pour s’autofinancer avant le versement des dividendes. Or

pour mesurer la véritable richesse d’une entreprise il est indispensable de connaître les flux de

trésorerie réels encaissés et décaissés effectivement au cours d’un exercice.

Figure 3. La dynamique des flux de la création de valeur4

En fait, une part substantielle de la CAF est absorbée par la variation du besoin en fonds de

roulement, il faut donc prendre en compte les décalages temporels liés aux variations de stocks et

aux crédits de règlement envers les clients et les fournisseurs. En retranchant à la CAF la variation

du besoin en fonds de roulement, on obtient le véritable enrichissement de l’entreprise entre deux

4 Denglos, Grégory, La Création de Valeur, Dunod, 2003

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

21

exercices comptables. Le BFR est un besoin financier qui résulte du décalage entre les sorties et

entrées d’argent provoqué par l’exploitation de l’entreprise, on pourrait donc le considérer comme

un besoin de court terme. Ce besoin financier entraîne un déséquilibre financier qu’il faut combler

par des ressources financières. Ainsi, l’analyse de la CAF et du BFR, composantes essentielles du

tableau de cash-flows, permettent d’intégrer des éléments du bilan et du compte résultat, ce qui

donne une approche plus dynamique et transparente de la richesse de l’entreprise. L’écart entre le

cash-flow et la CAF correspond à la valeur du besoin en fond de roulement.

Dans un contexte où les exigences en termes de cash sont devenus de plus en plus importants, les

grands groupes commencent à s’intéresser davantage et à mesurer leurs performances en fonction

du niveau de BFR, alors qu’auparavant elles privilégiaient largement les indicateurs du compte de

résultat comme le résultat net.

1.2.3. Cycle d’exploitation, supply chain et BFR

� Le cycle d’exploitation et besoin de financement d’exploitation

L’approche française part du principe que le besoin financier généré par l’exploitation est, au moins

pour une partie, un besoin permanent qu’il convient de financer par une ressource financière

permanente constitué par le Fonds de Roulement (FR). Il s’agit donc d’un besoin, donc a priori

d’une contrainte, qu’il faut satisfaire ou combler. « L’approche anglo-saxone est plus positive, on

parle de working capital (le capital qui travaille) qui constitue la ressource financière que

l’entreprise consacre au cycle d’exploitation. La logique voudrait ici que l’entreprise ne génère pas

plus d’activité que sa ressource en capital ne lui permet. On peut donc parler de Besoin en

Financement d’Exploitation ou Besoin Financier d’Exploitation (BFE). »5

Le bon fonctionnement du cycle d’exploitation exige la détention d’actifs physiques (stocks) et

financiers (créances). Cette détention pendant une certaine durée est nécessaire avant que

l’entreprise ne perçoive le résultat final de ses opérations sous forme de paiements monétaires. Or,

pendant ce temps, il faut financer la détention de ces actifs. Ce renouvellement, dans une activité

industrielle ou commerciale, est régulier et continu. Le financement à assurer est donc permanent.

5 BOBOT Lionel, VOYENNE Didier, Le Besoin en Fonds de Roulement, Economica, 2007

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

22

Le BFE résulte de l’existence initiale de décalages temporels entre les flux d’exploitation

(charges/produits) et les flux monétaires (encaissements/décaissements). Ces décalages sont

structurels, donc le BFE est permanent.

� La nature de décalages de flux

Le solde net des emplois et des ressources d’exploitation est appelé Besoin en Fonds de Roulement

d’Exploitation. Il est obtenu par l’addition des stocks (matières premières, marchandises, encours,

produits finis) et des créances d’exploitation (encours clients, avances versées à des fournisseurs)

diminuée des dettes d’exploitation (dettes vis-à-vis des fournisseurs et d’autres créditeurs

d’exploitation, avances reçues des clients).

Le BFE résulte de l’existence initiale de décalages temporels entre les flux d’exploitation

(charges/produits) et les flux monétaires (encaissements/décaissements). Ces décalages sont

structurels, donc le BFE est permanent.

Ces décalages sont de différentes origines:

- Ils proviennent d’abord du processus de production lui-même qui entraîne un délai de

fabrication séparant la sortie des matières premières du stock et l’entrée des biens en stock

de produits finis

- Le délai de stockage de produits finis représente le temps nécessaire à la commercialisation

des produits.

- La durée de crédit consenti aux clients introduit un retard à l’encaissement.

- L’entreprise bénéficie des délais de crédits consentis par ses propres fournisseurs, ce qui

constitue une ressource financière pour elle.

Les variations de stock sont prises en compte dans l’EBE comme étant un flux encaissable (ou

décaissable). Par exemple, s’il y a stockage de produits finis, ces éléments donneront lieu tôt ou tard

à un encaissement dans le cadre du déroulement normal du cycle d’exploitation. Au terme du délai

normal de rotation de stock, ils seront vendus, puis après le délai de règlement accordé aux clients,

ils seront encaissés. Cependant, en cas d’augmentation de stocks au cours de l’exercice, cet

encaissement est retardé et reporté à l’exercice suivant. Inversement, un cas de destockage de stocks

de produits finis signifie qu’il y a eu des encaissements plus importants au cours de l’exercice.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

23

Les crédits d’exploitation expliquent des décalages de trésorerie lorsqu’ils augmentent ou

diminuent. Ainsi, une augmentation des créances clients correspond à un retard à encaisser dont la

cause peut être un délai de crédit plus long qui leur est accordé. Même si le délai reste identique,

une augmentation des créances est possible en cas de développement des ventes de l’entreprise. Par

rapport à ces ventes, le flux d’encaissement effectif sera retardé du gonflement des postes clients

qui seront en attente de règlement. De même, un accroissement des dettes fournisseurs signifie une

hausse du décalage de décaissement et donc une hausse du flux de trésorerie.

� Les spécificités culturelles et sectorielles

Les pratiques en termes de gestion du BFR sont fortement influencées par la culture. Les habitudes

de paiement sont par exemple très différentes d’un pays à un autre. Ainsi, une entreprise doit

prendre en compte ces facteurs lors de l’évaluation d’un client ou d’un fournisseur et lors de mise

en place d’un projet cash. Les études montrent qu’il s’agit d’une différence culturelle qui oppose les

cultures latines et les cultures anglo-saxonnes. Une étude menée par Intrum Juticia en 2005 montre

la situation des délais de paiement en Europe.

Figure 4. Délais et retards de paiement des Etats européens6

Cette étude met en évidence la différence abyssale entre des délais de paiement inférieurs à 50

(délais plus retards) jours dans les cultures anglo-saxonnes, avec des délais accordés très serrés de

l’ordre de 20 jours (pays nordiques, Allemagne, Grande-Bretagne) et des délais pouvant dépasser

les 120 jours dans les pays méditerranéens. A noter que le Portugal est le seul pays où les retards de

paiement dépassent les délais de paiement, ce qui amène à un total supérieur à 140 jours. La France

6 Enquête Inum Juticia, février 2005

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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24

ce trouve entre les deux tendances, les délais accordés sont en moyenne de l’ordre de 50 jours, et le

niveau de retards est proches des bonnes pratiques anglo-saxonnes, de l’ordre de 20 jours.

Cette étude montre aussi les causes de retards de paiement. La première cause de retard de paiement

est les difficultés financières que peut rencontrer le client. Etant donné qu’il s’agit d’une cause lié à

la conjoncture économique, l’entreprise peut-être plus ou moins compréhensive vis-à-vis de la

situation financière du client. Cependant, ceci ne représente qu’un tiers des retards de paiement. Le

retard intentionnel est la deuxième cause et explique à hauteur de 27% les retards de paiement. Une

mauvaise qualité de service ou le non respect des délais de livraison, peuvent pousser les entreprises

à décider délibérément de repousser la date de paiement accordée par leurs fournisseurs.

Par ailleurs, en matière de gestion de stocks, les entreprises anglo-saxonnes et japonaises ont une

véritable longueur d’avance dans les techniques de lean management, ce qui explique une moindre

rotation des stocks et des niveaux de stocks plus élevés dans les entreprises françaises que dans

leurs contreparties anglo-saxonnes et japonaises.

Par ailleurs, le BFR a la particularité d’être caractéristique au secteur d’activité dans lequel

l’entreprise évolue, ce qui facilite la comparaison avec les différents concurrents. Ainsi, un écart

trop important par rapport à la moyenne du secteur peut être un signal d’alarme indiquant que la

sante financière de l’entreprise est en danger. En effet, les conditions d’exploitation relèvent des

habitudes commerciales, des pratiques financières, de spécificités d’organisation, d’aspects

concurrentiels et des structures capitalistiques, souvent très différents d’un secteur à un autre mais

assez similaires à l’intérieur d’un secteur spécifique.

De façon générale on peut distinguer les entreprises ayant un BFR négatif et les entreprises ayant un

BFR positif.

- Besoin de financement d’exploitation positif

Le BFR positif est caractéristique des entreprises industrielles dont le cycle d’exploitation marqué

par une première phase de production importante, c’est-à-dire qu’elles transforment les produits

qu’elles achètent et comprennent donc une période de stockage des en-cours égale à la durée de la

fabrication se trouvent en besoin structurel de financement. Le cycle d’exploitation d’une entreprise

industrielle comprend le temps de stockage de matières premières, des encours et des produits finis.

Les flux financiers de contrepartie sont décalés par rapport aux opérations d’exploitation. Les

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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25

fournisseurs de matières premières accordent un crédit de 6 semaines en moyenne, les frais de

fabrication sont réglés en moyenne 3 semaines après leur engagement. L’entreprise accorde à ses

clients un délai de règlement aux alentours de 4 semaines, ce qui implique que les entreprises

règlent presque la totalité des charges engagées dans le processus de production avant

l’encaissement des produits vendus.

Figure 5. BFE positif, entreprise industrielle7

Le BFE est ainsi égal au besoin de financement du cycle d’exploitation augmenté du besoin dû au

crédits accordés aux clients et diminué des ressources provenant des crédits accordés par les

fournisseurs.

- Besoin de financement négatif

Un BFR négatif est caractéristique du secteur de la grande distribution, du retail, d’hôtellerie-

restauration-loisir et du e-commerce. Dans le cas de la grande distribution, des retailers et de

l’hôtellerie et la restauration les clients paient comptant (poste clients nul), les délais fournisseurs

sont importants (en moyenne 60 jours en France) et la rotation des stocks est souvent rapide (de

l’ordre de 15 jours dans le cas de grande distribution). De même, le secteur du e-commerce

(Amazon, vente-privée…), bénéficie d’un BFR négatif car les clients paient comptant alors que la

livraison est différé (dans le cas de vente-privée les marchandises sont commandées à la fin de la

vente, donc après le paiement de la part des clients, cela ne concerne que les marchandises vendus

donc le poste stock est nul du fait que l’entreprise fonctionne en véritable flux tirés) et les délais

fournisseurs sont significatifs.

7 PILVERDIER-LATREYTE J., Finance d’Entreprise, Economica, 2002

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26

Figure 6. BFE négatif, secteur de la grande distribution, restauration, e-commerce

Ce besoin de financement négatif constitue donc une ressource de financement. Ces ressources à

court terme sont stables, parce qu’elles sont dues à la structure du marché et au fonctionnement du

secteur, elles peuvent donc financer des investissements en immobilisations.

En plus des différences en termes des flux financiers, dans certains secteurs la saisonnalité est un

facteur à prendre en compte. Dans les secteurs à forte saisonnalité (par exemple le textile,

production de manteaux ou maillots de bains ; la production de glaces…), le BFR peut être très

différent entre deux périodes. Une analyse statique du BFR limitée à la seule fin de période peut

donc être très éloignée de la réalité économique et financière de l’entreprise. Ainsi, ce type

d’entreprise peut connaître un pic dans la demande à une période de l’année, qui va se traduire par

une forte rotation des stocks. Il est donc nécessaire pour l’entreprise de disposer d’un niveau de

stock minimum tout au long de l’année, mais elle doit aussi être en mesure de prévoir ces

fluctuation de façon à pouvoir financer les cycles d’exploitation lors d’une hausse de l’activité de

production pour éviter les ruptures de stock. Dans ces cas, il est intéressant d’analyser l’évolution

de cet indicateur au cours de l’année.

� L’analyse du BFR par une approche cyclique : une approche complémentaire du

Supply Chain Management

Une fois l’entreprise a acquis les immobilisations indispensables à son activité de production, elle

va devoir financer ses besoins liés au cycle d’exploitation. Il existe en effet un décalage temporel

entre d’une part, les dépenses engagées par l’entreprise pour produire et les recettes issues de la

vente des biens ou des services qu’elle produit.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

27

L’entreprise a besoin de matières premières et autres biens ou services qui sont consommés dans le

temps selon la cadence de sa production. Cependant, elle bénéficie des délais de paiement accordés

par ses fournisseurs, ce qui lui permet de différer dans le temps le règlement de ses charges. De la

même manière, l’entreprise est amenée à attribuer des délais de paiement à ses clients, ce qui

implique des créances clients qui vont retarder l’encaissement des fonds liés aux ventes réalisées.

Le BFR résulte donc des décalages temporels entre les décaissements et les encaissements de flux

liés à l’activité d’achat-production-vente de l’entreprise. Dans cette optique, il peut être analysé par

une approche des cycles d’exploitation. La durée du cycle détermine la rapidité avec laquelle

l’argent est utilisé et la rapidité avec laquelle l’argent est généré. Plus le cycle est court, plus vite

l’argent gagné est encaissé et donc plus vite cette argent peut être réinvesti, en représentant donc

une nouvelle ressource interne pour le développement de l’entreprise.

Figure 7. BFR et cycles8

Les capitaux et emprunts permettent de financer une partie du cycle d’exploitation. Le BFR ralentit

le retour du cash investi et la génération du cash produit par l’activité. Au-delà des investissements,

les deux éléments majeurs qui absorbent ou immobilisent du cash sont les stocks et les créances

clients. Les trois principales sources de cash sont les dettes fournisseurs (et autres créditeurs), les

capitaux des actionnaires et les emprunts.

Chaque composante du BFR a deux dimensions : temps et volume. Plus la rotation des composantes

du BFR est grande et plus vite l’activité génère du cash. Si on peut faire tourner le cash plus vite à

l’intérieur du cycle (récupération plus rapide des créances clients) ou réduire les besoins de cash

(réduction du niveau de stock, retardement des délais de paiements fournisseurs), plus vite l’activité

générera de l’argent. A la base, les profits sont une source additionnelle de cash, à chaque fois que

8 BOBOT Lionel, VOYENNE Didier, Le Besoin en Fonds de Roulement, Economica, 2007

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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le cycle d’exploitation a abouti, lors de l’encaissement du client, le surplus financier lié à l’activité

de l’entreprise devient réel. Dans ce sens, le cash généré par les ventes reste bloqué dans le BFR

jusqu’à la dernière étape du cycle d’exploitation (l’encaissement).

Le besoin en fonds de roulement est en faite un maillon d’une chaîne qui lie en amont de

l’entreprise ses fournisseurs (et les fournisseurs des fournisseurs) et en aval ses clients (et les clients

des clients). Cette interdépendance nécessite donc une certaine entente entre les différentes parties

prenantes pour assurer le bon fonctionnement de la chaîne. De la même façon, le Supply Chain

Management est défini par l’APISC (Association Professionnelle Internationale de la supply chain)

comme un « ensemble de fonctions allant du fournisseur du fournisseur au client du client ». Cette

approche a donc des nombreux points communs avec l’approche du BFR : analyse des cycles de

l’entreprise, des stocks, des fournisseurs et des clients. L’analyse du BFR complète celle de la

supply chain par l’analyse des flux financiers et d’investissement, l’objectif des deux étant de

garantir le bon fonctionnement de chaque maillon de la chaîne à travers des contrôles de

performance tout au long de la chaîne afin d’assurer la satisfaction du client final et donc la

pérennité des avantages compétitifs de l’entreprise et de sa survie économique.

Figure 8. La durée du besoin de financement9

En Supply Chain Management, l’analyse du working capital, ou plus précisément le suivi d’un

indicateur synthétique le DWC (days of working capital), permet d’avoir une vue d’ensemble de la

supply chain étendue et des relations de l’entreprise avec ses partenaires idnustriels. L’étude du

working capital permet de faire le lien entre les activités d’approvisionnement vis-à-vis des

9 BOBOT Lionel, VOYENNE Didier, Le Besoin en Fonds de Roulement, Economica, 2007

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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fournisseurs et les activités de commercialisation vis-à-vis des clients. Cet indicateur permet de

faire un suivi et de comparer ces différents partenaires commerciaux.

1.2.4. L’analyse du BFR par les ratios

Comme vu précédemment, le BFR est constitué de trois « cycles » : le cycle fournisseur, le cycle

stock et le cycle client.

L’évaluation du BFE est une donnée nécessaire pour l’aménagement de la contrainte de l’équilibre

financier. En effet, connaissant le BFE en pourcentage du chiffre d’affaire, il est possible de prévoir

les ressources nécessaires pour couvrir ce besoin de financement et améliorer la solvabilité future de

l’entreprise. Le suivi et le pilotage du BFR passent par la mise en place de ratios. Les ratios liés aux

BFR permettent de juger l’équilibre financier et la solvabilité de l’entreprise. Ces ratios sont

construits utilisant des données du compte de résultat et des éléments du bilan. Ils permettent de

déterminer des vitesses de rotation ou des délais d’écoulement. Ces ratios sont multiples, nous

allons présenter ici quelques ratios représentatifs par poste.

� Le BFR et les ratios clients

Un des leviers pour réduire le BFE est de réduire le délai moyen de règlement des clients ce qui

permet de réduire le risque client. Le ratio de rotation des créances clients permet de mesurer le

degré de liquidité des créances clients. Il représente la durée moyenne du crédit accordé par

l’entreprise à ses clients, exprimée en jours. On parle de DSO (Days of Sales Outstanding) ou NJC

(Nombre de Jours de Crédit clients) ou encore DPM (Délai Moyen de Paiement).

DSO = Créances clients / Chiffre d’affaire TTC * Nombre de jours de la période

Le poste des créances clients peut varier d’une formule à une autre. Ainsi on peut prendre en

compte les critères suivants :

- Créances clients de fin de période

- Moyenne des créances clients de fin des mois de la période

- Créances clients non échues de fin de période

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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30

Le DSO reflète le crédit accordé aux clients, quantifie le risque clients et permet de préciser

l’efficacité des mesures de recouvrement d’une entreprise. Il existe de nombreuses méthodes de

calcul du DSO à la disposition des entreprises, certaines étant plus complexes que d’autres.

Cependant, le DSO étant très caractéristique du secteur et du pays, les entreprises qui traitent avec

des réseaux de clients aux conditions et habitudes de règlement différentes, il peut être intéressant

de calculer un DSO par secteur et/ou par pays.

On peut aussi mesurer le ratio de rotation des créances clients qui permet de mesurer le degré de

liquidité des créances clients :

Chiffre d’affaire / Créances clients

Plus le ratio est élevé plus le cycle de paiement des clients est court. En bonne gestion, la rotation

des créances clients ne devrait pas être moins rapide que celle de dettes fournisseurs.

� Le BFR et les ratios fournisseurs

Le DPO (Days of Purchase Outstanding ou Days of Payables Outstanding) représente l’encours

fournisseurs exprimé en nombre de jours d’achat. Le DPO reflète le crédit accordé par les

fournisseurs et permet de mesurer la qualité de règlement de l’entreprise. Son évolution permet

d’évaluer le risque et la performance du recouvrement.

DPO = Dettes fournisseurs / Achats TTC (ou COGS) * Nombre de jours de la période

Le montant des achats peut être remplacé par le coût d’achat des marchandises vendues ou COGS

en anglais (Cost of Goods Sold). Contrairement au DPO qui prend en compte les dettes fournisseurs

en fin de période, le délai moyen de règlement (DMR) prend en compte la moyenne des dettes

fournisseurs de fin des mois de la période, ce qui permet de mesurer le nombre moyen de jours

nécessaire à l’entreprise pour payer ses fournisseurs. En France le délai moyen est d’environ 60

jours. Un ratio dépassant 60 jours peut s’expliquer soit par des excellents acheteurs qui arrivent à

négocier de très longs délais de paiement au risque d’écraser ses fournisseurs, soit par le fait que

l’entreprise rencontre des difficultés de trésorerie et n’est pas à même de payer ses fournisseurs

dans les délais accordés.

On peut aussi calculer le ratio de rotation des dettes fournisseurs qui permet de mesurer le degré

d’exigibilité des dettes fournisseurs :

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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31

Achats TTC de la période / Dettes fournisseurs de fin de période

Plus le ratio est faible plus le cycle de paiement est long et peut être le signe d’une insuffisance de

trésorerie de la part des fournisseurs pour payer les factures ou des conditions de règlement très,

voire trop, favorables.

� Le BFR et les ratios de stock

Il existe plusieurs catégories de stocks (stocks de matières premières, encours de production,

produits finis…), et en fonction de ceci il faudra les rapporter aux achats ou aux ventes.

Le ratio de rotation de stocks mesure le nombre de fois où le stock a été renouvelé au cours de la

période :

Chiffre d’affaires HT de la période / Stock moyen de la période

Ce ratio est un bon indicateur de la qualité des marchandises en stock et de l’efficacité des pratiques

d’achat et de gestion des stocks. Dans une entreprise industrielle on calcule deux ratios de rotation :

la rotation des matières premières (donc rapportée aux COGS) et la rotation des produits finis (qui

est rapportée au chiffre d’affaire). Cependant l’interprétation de ce ratio et la comparaison avec

d’autres entreprises peuvent être biaisés par le fait le mode d’estimation de la valeur des stocks peut

varier d’une entreprise à une autre (FIFO, LIFO…).

Le stock moyen est souvent calculé par la somme du stock initial et du stock final divisé par 2.

Néanmoins, étant donné que le niveau de stocks de début ou de fin de période peut ne pas être

représentatif de l’ensemble de la période (variations saisonnières), on peut choisir de calculer le

stock moyen par la somme des stocks des fins de mois de la période rapporté au nombre de mois de

la période.

L’âge des stocks est un autre ratio qui permet d’estimer la qualité de gestion des stocks et complète

la notion de rotation de stock. Il s’obtient par :

Nombre de jours de la période / Rotation des stocks

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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32

L’âge des stocks permet d’évaluer le sur ou sous-stockage et sa faculté à se réapprovisionner. Il

permet aussi d’anticiper le risque de perte de valeur de son stock ainsi que sa dépendance vis-à-vis

des fournisseurs. Plus ce ratio est élevé plus les capitaux immobilisés sont bloqués longtemps.

Le délai moyen d’écoulement des stocks donne le nombre de jours d’activité commerciale rendus

possible par la quantité de marchandises en stock. On peut parler aussi de DIO (Days of Inventory

Outstanding) :

DIO = (Stocks + encours) de fin de période / CA HT * Nombre de jours de la période.

On peut aussi utiliser le stock moyen au lieu du stock en fin de période qui peut fausser l’analyse.

Pour le stock de matières premières le chiffre d’affaire (CA) peut être remplacé par les COGS. Une

diminution du DIO est synonyme d’amélioration dans la plupart des cas (sauf si cella provient

d’une opération de déstockage pas nécessairement rentable). Une mauvaise performance de cet

indicateur peut être liée à une mauvaise prévision des ventes ou à une mauvaise maîtrise de la

supply chain.

Finalement, le ratio qui rapporte le stock au montant du BFR permet de savoir si une trop forte

proportion du FR se trouve bloquée dans les stocks. Les stocks étant moins liquides que l’encaisse,

une trop grande quantité de biens en stock peut compromettre les disponibilités dont l’entreprise à

besoin pour faire face à ces obligations à court terme.

� Indicateur de synthèse : DWC ou CCC

Le BFR peut être analysé en jours de chiffre d’affaire ou DWC (Days of working capital), ce qui

permet de décrire combien de jours l’entreprise nécessite pour transformer l’argent immobilisé dans

le besoin de financement du cycle d’exploitation en revenu.

DWC = DSO + DIO – DPO

Cet indicateur permet de synthétiser l’efficacité du BFR, c’est-à-dire le nombre de jours où l’argent

est immobilisé par les stocks et les créances clients diminué par le nombre de jours qu’elle possède

comme ressource grâce au crédit accordé par les fournisseurs. On parle aussi de « cash conversion

cycle » (CCC) qui met plus l’accent sur le caractère cyclique du BFR.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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33

� Le DWC par secteur : étude comparative par secteur

Le cabinet de conseil REL a réalisé une étude comparative par secteur des principaux indicateurs de

BFR en 2008 auprès des 1000 plus grandes entreprises européens (secteur financier exclu). De

façon générale, cette étude montre que l’opportunité de cash-flow est supérieure à 800 milliards

d’euros. Même si on observe un resserrement des marges, probablement due à une hausse des cours

des matières premières et du pétrole, on observe une amélioration des ratios cash à tous les

niveaux : diminution des DSO (jours de créances clients), des DIO (jours de stocks) et une

augmentation des DPO (jours de dettes fournisseurs) qui se traduit par une diminution des DWC de

44,7 jours en 2007 à 42,5 jours en 2008. Cette amélioration dans le domaine de la gestion du BFR a

permis de libérer 38 milliards d’euros de working capital. Cependant cette évolution est en partie

due à une amélioration dans le secteur pétrolier qui surement due à la forte hausse du cours de

pétrole à la fin du premier semestre 2008. Si on prend le top 10 des entreprises en termes de chiffres

d’affaire, 4 parmi les 10 sont des entreprises pétrolières (Royal Dutch Shell, BP, Total et Eni) et

leur chiffre d’affaire pèse 13% de la somme du chiffre d’affaire des 1000 entreprises de l’enquête.

Si on observe les résultats par secteur, la spécificité des indicateurs selon le secteur est évidente. Ce

tableau représente les chiffres en 2008 de certains secteurs :

DSO DIO DPO DWC

Pharmaceutical Industry 67 45 35 77

Road and Rail Industry 33 3 28 8

Software Industry 79 1 19 61

Specialty Retail Industry 7 56 27 36

Oil and Gas Industry 35 17 27 24

IT Services Industry 89 2 33 58

Machinery Industry 74 65 35 104

Metals and Mining Industry 39 63 25 76

Hotels, Restaurants and Leisure Industry 15 4 34 -15

Food and Staples Retail Industry 11 20 33 -2Chemicals Industry 51 50 32 70

Figure 9. Résultats par secteur en 200810

Ce tableau nous permet de remarquer quelques spécificités par secteur :

- La grande distribution (Foods and Staples) et l’hôtellerie et la restauration sont les seuls

secteurs qui présentent un BFR en nombre de jours négatif, notamment grâce à un DSO très

réduit et une vitesse des rotations des stocks importante.

10 Enquête menée par REL Consultancy – REL Europe Working Capital Survey, 2009

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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34

- Les entreprises de l’industrie lourde (Machinery, Metals and Mining) ont un DIO très élevé,

ce qui peut être lié à la conjoncture économique (le ralentissement de la production entraîne

une rotation des stocks plus faible).

- Les activités de services informatiques se caractérisent par un stock quasi nul, ce qui

explique le très faible DIO. Cependant, le DSO est assez élevé du fait que lorsque ces

entreprises interviennent au sein d’une entreprise pour des projets informatiques, il s’agit

souvent des projets de plus ou moins longue durée (quelques mois) et impliquent donc un

encaissement très décalé par rapport au début du projet, ce qui explique un DWC très élevé.

Nous avons pu voir à travers cette partie que la coordination entre flux financiers et de

marchandises est indispensable pour le bon fonctionnement de la chaîne toute entière. Une

démarche d’optimisation de la supply chain doit donc forcément passer par une optimisation des

flux financiers pour que les résultats soient durables. Ainsi, l’étude du BFR et son optimisation

permet d’améliorer les performances opérationnelles de l’entreprise et d’améliorer la fluidité

tout au long de la chaîne. Cependant, chaque composante du BFR possède des spécificités et des

leviers d’actions qui nécessitent être gérées de façon approprié et séparée mais à la fois de façon

synchrone pour assurer le flux d’information tout au long de la chaîne.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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35

II. Comment optimiser la gestion des 3 composantes du BFR : client, fournisseur, stock

Comme vu précédemment, il existe aujourd’hui une prise de conscience de plus en plus forte du

poids du BFR dans le bilan et l’investissement des entreprises, mais surtout de la génération de cash

que sa gestion peut produire. La gestion du BFR implique une certaine prise de risque ce qui

entraîne un engagement financier à effet immédiat et futur. Les principales décisions ou actions

porteuses de risque sont : accorder/négocier du crédit commercial, déterminer un niveau de stock,

respecter et faire respecter les délais de livraison et de règlement.

Pour que la mise en place de programmes d’amélioration du BFR soit le plus efficace possible il

faut que ces programmes couvrent simultanément les trois composantes du BFR : clients, stocks et

fournisseurs. Ces trois postes sont fortement reliés entre eux notamment par le choix dans la

politique de gestion de stock.

2.1. Enjeux, risques et impacts des postes clients- fournisseurs

Pour mener à bien un projet de réduction du BFR, il est indispensable dans un premier temps de

connaître le mieux possible les clients et les fournisseurs de l’entreprise afin d’optimiser les

relations entretenues avec ceux-ci. Ceci nécessite la mise en place de dossiers clients et fournisseurs

exhaustifs avec des informations pertinentes afin de dresser un diagnostic dont l’objet est de

s’assurer de la pérennité de ces partenaires industriels et de porter des améliorations continues à leur

relation.

2.1.1 Profil et diagnostic client/fournisseur

Connaître le client implique dans un premier temps de rassembler toutes les informations

nécessaires et utiles pour définir et qualifier les relations entre l’entreprise et lui. Parmi ces

informations on peut trouver des informations intrinsèques telles que des informations juridiques,

des données générales (statuts…), des informations bancaires et notamment les CGA (Conditions

Générales d’Achat) et les CGV (Conditions générales de ventes). On doit aussi trouver des

informations relationnelles qui permettent de cerner davantage le coût et la qualité de la relation

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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36

avec le client en question, on peut citer : le nombre de visites et le compte rendu des visites, le

nombre de relance, l’évolution du profil payeur (historique des paiements pour le fournisseur),

l’évolution des limites de crédit (accordées au client ou par le fournisseur), le nombre de livraisons,

les quantités livrées, le respect des délais de livraison et de paiement.

Toutes ces informations doivent être présentées de manière synthétique dans des fichiers clients et

fournisseurs. Pour le choix des informations pertinentes il faut tenir compte des différents services

de l’entreprise qui utiliseront ces fichiers (commercial, logistique, production, marketing, achats,

finance…). Il est de même indispensable d’assurer une mise à jour régulière du fichier surtout au

niveau des informations relationnelles.

Ce fichier de base doit être un support aux traitements informatiques nécessaires à la gestion des

flux. L’informatisation du fichier implique la mise en place d’un work-flow qui doit être respecté

pour la création/suppression/modification d’un client ou fournisseur. « Un workflow est une chaîne

de traitement de travail qui lie les tâches à accomplir par différents acteurs dans un processus soit en

interne, soit en externe entre le fournisseur et son client, de manière à ce que ce traitement soit

continu et le plus efficace possible. »11

Ces fichiers clients et fournisseurs doivent constituer un axe majeur de la relation avec le client et le

fournisseur afin de pouvoir mener un diagnostic sur eux.

� Le diagnostic

La phase diagnostic implique une analyse détaillée de l’entreprise partenaire (client ou fournisseur)

et de sa capacité à conserver sa pérennité. Ainsi, dans le cadre de la gestion du BFR cette action

peut avoir plusieurs objectifs :

- Décider de l’ouverture ou non de la relation commerciale (notamment en termes d’intérêt

économique, du risque potentiel, de sa capacité de production et de la qualité de ses produits

pour ce qui est du fournisseur…)

- Décider d’une politique de gestion des stocks : de fixer d’une part la fréquence et les

quantités des livraisons et d’autre part le niveau de stock stratégique et/ou minimum

- Définit la politique de crédit au client : limite de crédit, mode de paiement

- Définir l’engagement maximum avec le fournisseur

11 BOBOT Lionel, VOYENNE Didier, Le Besoin en Fonds de Roulement, Economica, 2007

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37

- Définir une politique de couverture de risques

Le diagnostic se fait systématiquement avant l’ouverture d’une relation commerciale mais il doit

aussi être mené de façon régulière tout au long de la relation commerciale afin de pouvoir répondre

aux besoins des clients et fournisseurs et à ceux de l’entreprise, de gérer les risques clients et

fournisseurs (anticiper ou savoir être réactif en cas de survenance d’un évènement imprévu) et donc

d’assurer la pérennité de toute la chaîne.

2.1.2. Les enjeux et les risques clients/fournisseu rs

La chasse au gaspillage, la réduction des coûts et la recherche des économies d’échelles centralise

les approvisionnements et la production, ce qui certes permet de réduire les coûts mais réduit aussi

la réactivité de l’entreprise face à des imprévus. La sous-traitance de certaines fonctions de

l’entreprise et l’augmentation des intermédiaires au long de la Supply Chain réduisent le contrôle de

l’entreprise sur celle-ci. Ainsi, la globalisation, le recours à l’externalisation et l’interdépendance

accrue entre les différents acteurs de la Supply Chain de l’entreprise l’ont rendu plus flexible mais

aussi plus vulnérable. Cette multiplication des contraintes implique la nécessité d’un contrôle plus

minutieux tout au long de la chaîne. Une rupture même si ponctuel et à priori peu nuisible pour

l’ensemble de la chaîne, peut entraîner des graves conséquences qui pourraient se traduire par une

incapacité à répondre aux besoins de ses clients. L’entreprise ne peut plus se contenter de surveiller

ses performances exclusivement en interne mais elle doit désormais observer en détail et en

permanence les activités de ses partenaires industriels (fournisseurs, distributeurs…) pour assurer

leur pérennité et donc celle de la globalité de la chaîne. La diversité des partenaires complexifie les

relations inter-entreprise parce que l’entreprise doit s’adapter à des modes de fonctionnement très

différents (que se soit au niveau relationnel, culturel, mais aussi en termes de méthodes de

production ou de règlement) ce qui accroît considérablement les risques encourus.

� Enjeux et risques clients

- Les enjeux :

- Le choix d’un client pérenne est un enjeu majeur en B2B. L’entreprise doit faire une analyse

très fine de ces clients prospects avant de s’engager dans un contrat pour s’assurer de

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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38

solidité financière et sa capacité à respecter ses engagements afin de s’assurer que le client

soit à même de payer ces factures dans les délais accordés.

- La maîtrise des encours clients (relances téléphoniques, litiges..) représente une composante

stratégique dans la maîtrise du cash-flow opérationnel. Dans un contexte de marasme

économique, les crédits se rétrécissent ce qui rend l’accès au cash plus difficile, les défauts

de paiements deviennent de plus en plus fréquents et entraînent souvent un « effet domino ».

L’entreprise est donc obligé de s’adapter et de mettre en place de nouvelles politiques de

recouvrement.

Figure 10. Défaillances des entreprises françaises12

- Un autre enjeu lié à la gestion du poste client est la gestion du paiement et notamment la

généralisation des paiements électroniques et la dématérialisation des documents. La

dématérialisation des factures permet des véritables gains en termes de temps et de coûts

mais impliquent une certaine complexité de mise en place.

- Lorsque l’entreprise ne fabrique pas sur commander mais en fonction des prévisions des

ventes, l’entreprise doit assurer la fiabilité des remontées des flux d’informations venant des

clients.

- Le risque client :

Comme vu dans le paragraphe précédent, le risque client est de plus en plus présent.

- Le risque majeur lié au poste client reste le risque financier, donc le retard et dans le pire des

cas le défaut de paiement. L’entreprise doit mettre en place des indicateurs de suivi de la 12 Source : SFAC – Bulletin Economique – Eté 2008

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performance des ses clients comme le DSO (le nombre moyen de jours de crédit clients), le

nombre moyen de jours de retard, le nombre de litiges, entre autres, qui permettent de

quantifier le risque client, de préciser l’efficacité des mesures de recouvrement d’une

entreprise pour définir sa politique commerciale et de recouvrement.

- Le risque financier peut se traduire d’une part par une perte de marge. En fait, le retard de

paiement par rapport à l’échéance accordée, implique que l’entreprise doit porter

financièrement cette créance, et en cas de non paiement elle doit couvrir les coûts des

dépenses liés à une procédure de recouvrement à l’amiable ou contentieux, ce qui aurait un

impact au niveau du résultat en fin d’année. D’autre part, il peut se traduire par un risque de

liquidité ou de trésorerie. Si le client n’est pas en mesure de payer l’entreprise, celle-ci se

trouve dans l’impossibilité de transformer ses créances en cash, ce qui implique comme

conséquence directe une augmentation du BFR qui peut compromettre la capacité de

l’entreprise à payer ses propres fournisseurs.

- Le risque de marge peut aussi survenir lorsque le client se trouve en position de force face à

l’entreprise, c’est-à-dire que le client est davantage plus stratégique pour l’entreprise que

l’entreprise en tant que fournisseur pour le client. Dans le cas de la grande distribution

française, les grands enseignes qui se trouvent en position de force vis-à-vis de fournisseurs,

continuent à pratiquer des « marges arrières » (même sur risque de sanction juridique et

financière) que les fournisseurs sont obligés d’intégrer dans leurs coûts. Par crainte d’un

déréférencement, les fournisseurs (multinationales comme Unilever, Danone et autres

Nestlé, mais aussi les PME) acceptent ces conditions qui ont comme conséquences une

dégradation dans leurs marges.

- Le risque du respect de l’image de la marque

Ceci constitue une problématique marketing majeure. En industrie, l’entreprise n’est pas en

contact direct avec le consommateur final, elle doit donc faire confiance à son distributeur

pour s’assurer que l’image de la marque soit respectée dans le point de vente. Dans le cas de

la grande consommation on peut prendre l’exemple des marques qui négocient un

emplacement avantageux en linéaire auprès des chefs de rayon, mais si ceux-ci ne le

respectent pas, cela peut avoir un impact direct dans ses volumes de ventes de la marque.

La maîtrise du risque implique plusieurs modes de prévention:

- La fixation d’une limite de crédit accordée au client permet de fixer un risque maximum que

l’entreprise accepte de prendre sur l’encours de son client.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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40

- Le risque étant une perte financière potentielle, l’auto-couverture des risques consiste à

provisionner dans les comptes de l’entreprise le montant correspondant à la valorisation du

risque afin de pouvoir assumer les conséquences financières s’il devait se produire.

- L’assurance crédit est une police d’assurance destinée à couvrir un sinistre qui, dans le cas

des activités commerciales, correspond à la perte d’une créance.

- Le recours à l’affacturage ou « factoring » est une sorte d’externalisation du poste client. Il

s’agit d’une société financière qui gère, dans le cadre d’un contrat, le poste clients d’une

entreprise en achetant ses factures, recouvrant ses créances et en garantissant les créances

sur les débiteurs. Très répandu aux Etats-Unis, il se développe très fortement en France, en

2008 le marché de l’affacturage a atteint un chiffre d’affaires de 125 milliards d’euros13.

Certes cette technique confère plusieurs avantages : la garantie contre le risque

d’insolvabilité des clients, le financement des créances avant leur échéance est un moyen

d’alimenter le BFR et de donner donc plus de disponibilités à l’entreprise et une trésorerie

plus souple. Cependant, outre le coût de l’affacturage, l’inconvénient majeur est la perte au

moins d’une partie de la relation directe avec le client et l’image négative qui peut en

découler. C’est pour ceci que la plupart des entreprises qui font recours à des « factors »

sont souvent des entreprises ayant des difficultés de financement liées à problèmes de

liquidités.

� Les enjeux et risques fournisseurs

- Les enjeux fournisseurs :

- L’entreprise doit faire un suivi régulier des indicateurs financiers de ses fournisseurs pour

s’assurer de leur solidité financière. Dans le cas de produits techniques, qui nécessitent des

fournisseurs spécialisés ayant des compétences assez pointues en termes de technologie, le

choix du fournisseur est un enjeu primordial dans la stratégie de l’entreprise parce que si le

fournisseur n’était pas en mesure de répondre aux besoins de l’entreprise, la recherche d’un

nouveau fournisseur peut s’avérer très longue et compliquée.

- L’entreprise doit s’assurer de la capacité de production du fournisseur, sa capacité à

respecter les besoins de l’entreprise en termes de qualité et de délais de livraison.

13 Sources ASF – Janvier 2010

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41

- Dans le cas de l’outsourcing à l’international, l’enjeu du poste est d’autant plus important

parce que le contrôle sur celui-ci se fait plus difficilement.

- Les risques fournisseurs :

- Le risque le plus important est le risque d’approvisionnement. Sans que le crédit de

l’entreprise cliente soit en cause, le fournisseur peut refuser ou être dans l’impossibilité

d’approvisionner celle-ci du fait par exemple d’une pénurie de matières premières, d’une

forte demande, d’engagements vis-à-vis d’autres clients. La non livraison de matières

premières ou des composants nécessaires à la production de l’entreprise peuvent entraîner

des retards dans la production qui va jusqu’au retard de livraison client. Dans un

fonctionnement en flux tendus, qui vise à minimiser la possession de stocks, des

marchandises qui ne sont pas livrées au bon moment peuvent entraîner un arrêt de la

production et donc un manque à gagner pour l’entreprise, et dans le pire des cas une perte de

confiance de la part de ses clients et le passage de ceux-ci vers la concurrence. Le risque

peut être de nature quantitative (livraison non-conforme en termes de quantité) ou

qualitative (qualité non-conforme avec le cahier de charges.

- Par le passé les grandes entreprises industrielles, cherchaient à contrôler toutes les

opérations de sa supply chain. Cela leur permettait d’avoir une visibilité sur l’ensemble de la

chaîne grâce à un flux d’information continu qui permettait d’optimiser les processus de

production. Cependant, ce modèle de « ownership » nécessite des investissements très

élevés (équipements, usines, personnel …) et éloigne l’entreprise de son cœur de métier.

Dès lors, certaines entreprises font recours à l’externalisation (ou outsoucing), ce qui leur

permet de réduire considérablement leurs coûts opérationnels, tout en étant source de cash

étant donné que ce n’est plus l’entreprise qui investit dans les équipements mais elle fait

appel à un spécialiste qui possède déjà les compétences et matériels nécessaires. Dans un

contexte de mondialisation accru, où les entreprises font de plus en plus recours à

l’outsourcing de certains composants ou services aux quatre coins du monde, le risque

d’approvisionnement devient plus important. Ceci implique un contrôle plus difficile de ces

activités et des approvisionnements, l’entreprise ne contrôle plus cette partie de la chaîne, ce

qui peut se traduire par des problèmes de qualité ou de respect des délais de livraison.

- Le risque d’approvisionnement peut entraîner un risque de marge surtout dans les situations

où le fournisseur est en position de force. En cas de pénurie de matières premières, le

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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42

fournisseur peut accepter d’approvisionner l’entreprise mais en négociant un prix plus élevé

que le prix prévu.

- Finalement, le risque de trésorerie est de même un risque important à prendre en compte. La

réduction, voire la suppression du crédit accordé par le fournisseur à l’entreprise représente

une perte de ressource financière du cycle d’exploitation qui déséquilibre le BFR et oblige à

l’entreprise à trouver une nouvelle ressource de financement qui aura forcément un coût

(comme un financement bancaire, une dette à court terme qui implique souvent des taux

d’intérêt élevés).

La maîtrise du risque fournisseur doit surtout se faire en amont, lors du choix du fournisseur

l’entreprise doit définir un cahier de charges très détaillé afin de s’assurer de la capacité du

fournisseur à répondre aux attentes de l’entreprise. Cependant, une fois le contrat signé, l’entreprise

doit suivre régulièrement les indicateurs de performances de ses fournisseurs afin de mieux gérer les

risques et s’assurer de la solidité financière de l’entreprise.

Comme pour le fournisseur et pour le client, la maîtrise du risque doit passer par la mise en place de

politiques commerciales, de crédit et d’achat qui soient cohérentes avec les réalités de l’entreprise et

de ses partenaires. Ces politiques sont les bases de la relation entre l’entreprise et ses partenaires

industriels. Les CGV (conditions générales de vente) et CGA (conditions générales d’achat)

représentent l’aspect juridique de ses relations, et c’est sur quoi l’entreprise peut s’appuyer en cas

de difficultés.

2.1.3. Organisation de la politique commerciale, d’ achat et de crédit

Afin de pouvoir optimiser les entrées et sorties de trésorerie, l’entreprise doit bien maîtriser la

politique d’achat mené auprès des fournisseurs et la politique de crédit menée auprès de ses clients.

Les politiques commerciale et d’achat conditionnent sa politique de crédit et réciproquement. Il est

indispensable qu’elles soient en cohérence parce qu’elles constituent toutes les trois les éléments

fondamentaux de la génération du BFR.

La politique commerciale de l’entreprise définit le couple produits/marchés et les objectifs

quantitatifs et qualitatifs à atteindre dans la matière. Elle détermine la clientèle visée et permet de

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définir les moyens nécessaires pour y parvenir (investissements matériels et humains, organisation

de la production, budget marketing et commercial, financement).

Cette politique commerciale conditionne d’une part la politique d’achat : choix des fournisseurs,

objectifs quantitatifs et qualitatifs, négociation des prix et des volumes ; et d’autre part elle

détermine aussi la politique de crédit de l’entreprise. Cette politique de crédit détermine les

conditions de règlement et les niveaux des encours clients et fournisseurs que l’entreprise souhaite

atteindre dans ses relations avec ses partenaires afin de limiter les risques inhérents à ces relations et

d’assurer l’équilibre financier de son cycle d’exploitation.

� Stratégie et politique commerciale et politique d’achat :

La stratégie commerciale définit les objectifs commerciaux à atteindre tels que les parts de marché

visées, les pays et les réseaux de distribution, les niveaux de ventes. Ces objectifs ont un impact

significatif sur le niveau de BFR de l’entreprise. En effet, le choix de la stratégie commerciale peut

conditionner directement la politique de crédit et le niveau de BFR. Par exemple, une stratégie de

conquête de clients nécessite un BFR plus élevé (délais accordés plus longs, limites de crédit plus

généreuses…) que le simple entretien d’un portefeuille de clients/fournisseurs existants.

La politique commerciale définit les tactiques de la stratégie commerciale : fixation des tarifs par

type de clientèle (prix, remises et ristournes…), communication et actions publicitaire, conditions

de règlement, mode de livraison (quantités et délais) qui permettent d’organiser le planning de

production en fonction de celui-ci.

En fonction de la stratégie commerciale et les besoins qui en découlent, la politique d’achat qui

porte sur le choix des fournisseurs doit s’adapter. Ce choix doit porter sur les prix (plus les remises

et ristournes éventuelles) mais sur tout sur la garantie d’approvisionnement. Le risque

d’approvisionnement étant un risque inhérent du poste fournisseur, l’entreprise doit vérifier la

solidité financière du fournisseur et doit fixer avec lui les modalités et les processus de

livraison (cadencement, délais, stocks déportés/tampon…).

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44

� La politique de crédit :

La politique de crédit doit être en phase avec les politiques commerciales et d’achat de l’entreprise.

Ainsi, en absence de rapport de forces favorable, l’entreprise ne pourra pas imposer sa politique ; de

même le contexte et les habitudes peuvent la conditionner. Selon la nature des clients ou des

fournisseurs, leur implantation géographique, leur culture, leur environnement légal et juridique,

leurs habitudes et pratiques en matière de délais et supports de règlement, la quantité et la qualité

d’informations, l’entreprise doit adapter sa politique de crédit à ce contexte.

La politique de crédit doit aussi être cohérente avec les moyens financiers d’une entreprise. Si

l’entreprise décide de payer ses fournisseurs de façon anticipée pour bénéficier d’un escompte qui

peut paraître intéressant, elle doit s’assurer que cette perte de ressource de financement du cycle

d’exploitation ne perturbe pas son équilibre financier : ainsi elle doit faire un arbitrage entre les

gains liés à l’escompte et le coût de financement opérationnel alternatif.

Dans cette optique, la méthode du « reverse factoring » devient intéressante. Cette technique

financière consiste à un financement inversé par rapport à celle de l’affacturage classique. Au lieu

de financer les créances clients, on finance les créances des fournisseurs via un contrat tripartite

entre l’acheteur, le ou les fournisseurs et le factor. Le besoin en fonds de roulement de l’entreprise

est ainsi financé par son compte fournisseur sans avoir à utiliser de délais de paiement auprès des

fournisseurs. L’avantage pour le fournisseur est d’être payé au comptant après livraison de sa

marchandise. Pour l’acheteur, l’intérêt est de conserver des délais de paiement fournisseurs sans

peser sur la trésorerie de ces mêmes fournisseurs, ce qui est important notamment pour les

fournisseurs stratégiques et réguliers, et le paiement comptant peut aussi servir d’argument pour

négocier un escompte ou une remise.

La politique de crédit fixe les choix fondamentaux de l’entreprise en matière de crédit et de

relations financières avec ses clients et fournisseurs qu’elle doit reprendre dans ses condition

générales de vente (CGV) et conditions générales d’achat (CGA). Cette politique doit prendre en

compte des éléments liés aux relations financières (conditions et délais de règlement, fixations des

escomptes, méthodes de recouvrement, limites de crédit, modes de financement…) mais aussi des

éléments opérationnels (modalités de fixation des niveaux de stocks minimum, tampon, déportés,

délais, quantités et modes de livraison…).

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45

Il convient dans cette partie de définir la notion de crédit-interentreprises. Il s’agit du crédit que les

entreprises s’accordent entre elles implicitement à travers les délais de paiement accordés. C’est une

source de financement du cycle d’exploitation, qui a donc une incidence directe sur le niveau du

BFR. En termes de délais de paiement ont peut distinguer les pays de l’Europe du Sud, qui

accordent souvent des délais de règlement plus longs, et ceux du Nord (comme l’Allemagne et

l’Angleterre) dont les délais sont beaucoup plus courts. Ceci se traduit par une différence très

marqué au niveau du poids des créances clients et des dettes fournisseurs dans le total du bilan, par

exemple en France les créances représentent en moyenne 25% du total de l’actif en France contre

8% en Allemagne. Dans les pays du sud, du fait que les délais accordés sont plus longs, le poids des

créances et des dettes est plus important, ce qui implique aussi un risque plus élevé parce que la

capacité à mesurer la solvabilité du client n’est pas toujours évidente. En France le crédit inter-

entreprises est la première source de financement du cycle d’exploitation, il s’élève à plus de 604

milliards d’euros, alors que le crédit bancaire s’élève à 295 milliards d’euros14.

Le crédit accordé par l’entreprise à son client ou celui accordé par le fournisseur à l’entreprise se

définit en termes de délais et modes de paiement et par la détermination d’une limite de crédit. Le

choix du délai de paiement peut se faire à partir d’une analyse des pratiques concurrentielles, la

relation de confiance entre l’entreprise et son client et il est de plus en plus sujet à des contraintes

législatives. En France, les délais de paiement est nettement supérieur à la moyenne européenne, ce

qui a poussé à la mise en place de la loi LME (loi de modernisation de l’économie) dont l’une des

mesures principales est la réduction des délais de paiement à 60 jours nets maximum à l’horizon

2012, ce qui devrait modifier durablement le paysage du crédit interentreprises en France.

Pour ce qui est de la limite de crédit, qui représente le risque maximum que l’entreprise accepte de

prendre sur l’encours de crédit que le client peut avoir vis-à-vis d’elle, on doit prendre en compte

son encours client (l’engagement financier du client vis-à-vis de l’entreprise) et la position

stratégique du client dans le portefeuille clients de l’entreprise.

� Les relations commerciales traduites en work-flow

Toutes ces différentes politiques commerciales, d’achat et de crédit permettent de définir les bases

sur lesquelles les relations avec les fournisseurs et les clients seront bâties, d’où la nécessité de les

14 Sources: AFDCC, 2007

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définir avant d’aborder l’importance de la relation inter-entreprise comme levier stratégique

d’amélioration du BFR. Pour optimiser la fonction commerciale il convient de mettre en place des

work-flow permettant d’optimiser les processus liés à la relation commerciale de l’entreprise avec

ces partenaires industriels : comme la passation ou réception des commandes.

Par exemple, au sein de la branche lubrifiants industriels de BP France, un work-flow a été défini

pour la saisie des commandes. Il permet de voir tous les acteurs qui doivent intervenir, à quel

moment et sur quelle tâche: le service commercial au siège, les commerciaux, la fonction finance et

la supply chain. Ce schéma est une façon synthétique de représenter tout le flux aval qu’une

commande implique. (voir Annexe 1)

Le flux part du client qui transmet son besoin au service client directement par différents biais, soit

par fax, téléphone qui restent encore les canaux des communications les plus utilisés par les clients,

ou par mail ou EDI (échange de données informatisées), qui sont des modes de passation de

commande qui sont en train de se développer fortement grâce aux évolutions des TIC. Dans les cas

d’une relation commerciales plus étroite avec le client, l’entreprise peut-être amenée à placer des

collaborateurs en permanence chez les clients afin que ceux-ci gèrent à 100% les besoins en

matières de lubrifiants industriels ; ainsi la commande peut être aussi exprimée par la force de vente

qui se trouve chez le client. Par la suite, le service commercial doit faire valider le contrôle du client

en termes d’encours, de ligne de crédit, de litiges, par le département financier. Ensuite, la

commande est passée à la supply chain qui procède à la livraison du client. Si la livraison est

conforme avec la commande, le client doit renvoyer un bon de réception, et à partir de cette date le

délai de règlement est comptabilisée et l’encaissement se fait à l’arrivée de l’échéance de cette

créance; et si elle n’est pas conforme elle passe sous processus de réclamation.

Le poste client et le poste fournisseur représentent des sorties et des entrées d’argent et de

marchandises qu’il convient d’optimiser. Le flux de matière implique la présence de stocks à

différents niveaux de la chaîne. Cependant, la possession de stock coûte de l’argent et représente

des montants immobilisés assez importants. Les actions d’urgence sont souvent menées aux

niveaux de ces deux postes, et notamment le poste client qui permet de rendre liquides les créances

plus facilement que réduire le capital immobilisé dans les stocks. Cependant, dans une optique à

moyen terme, l’optimisation de la gestion des stocks peut représenter une libération de cash assez

conséquente et des réductions des coûts non négligeables grâce à une optimisation générale du

processus de production.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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47

Les relations de l’entreprise avec ses clients et ses fournisseurs doivent donc permettre d’optimiser

ses niveaux de stocks en aval et en amont de façon à minimiser l’argent immobilisée tout en étant

capable de livrer son client en temps et en heure les quantités accordés.

2.2. Le poste stocks : typologie des stocks, enjeux et risques

2.2.1. Enjeux, risques et typologie des stocks

On entend souvent dire que « le stock est un mal nécessaire ». Pour les non initiés, un stock élevé

est souvent considéré, à tort, comme un moyen pour éviter une rupture dans une référence qui

pourrait avoir un impact direct sur le niveau des ventes et des marges réalisées. Les stocks sont le

résultat d’une différence entre les flux entrants de biens et les flux sortants. Ils représentent les biens

achetés, transformés, consommés et/ou à vendre dans l’entreprise à un moment donné. Ainsi, on

peut définir les stocks comme un ensemble d’actifs physiques en attente d’utilisation qui

interviendront à différents stades du cycle de production: il peut s’agir de matières premières,

emballages, encours de production, des composants venant des sous-traitants, produits finis ; et qui

nécessitent d’être financés. Plus la valeur immobilisée des stocks est élevée, plus l’impact négatif

sur le BFR est important.

� Les risques liés à la gestion du stock

La possession de biens en stock implique des coûts physiques (liés au frais de stockage) et des coûts

financiers (le stock représente un manque à gagner du fait qu’une somme d’argent est immobilisée)

il s’agit d’un manque à gagner et il est calculé en fonction du taux de rentabilité que cette somme de

capitaux gelés aurait pu rapporter si elle avait été investie ailleurs, on parle de coût d’opportunité du

stockage. D’autres coûts sont associés aux stocks : le coût de lancement d’une commande (frais

administratives qui ont vu leur montant diminuer drastiquement grâce aux nouvelles technologies,

comme l’utilisation de l’EDI), le coût de pénurie (en cas de rupture de stock, cela implique un

manque à gagner) et le coût des invendus.

- La détention de stock représente tout d’abord un risque de marge : il représente des coûts

ayant un impact direct sur le compte de résultat et donc sur la marge. Plus le volume stocké

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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48

est important, plus les coûts de stockage (location d’un entrepôt, électricité…) et de

maintien sont élevés qui va réduire la marge nette de l’entreprise.

- Du point de vue de la valeur immobilisée dans le stock, celui-ci représente un risque de

trésorerie ou de liquidité parce qu’il nécessite l’immobilisation de capitaux qui ne rapportent

rien. Comme pour les créances clients, l’entreprise doit être capable de rendre liquide son

stock pour pouvoir le transformer en cash.

- Le risque de rupture : Une rupture de stock peut intervenir à deux niveaux. La rupture en

amont, donc des biens nécessaires à la production des produits finis et la rupture en aval

chez le distributeur (rupture de stock en linéaire dans le cas de la grande distribution). En

amont, cette rupture peut ralentir, voir stopper la production, ce qui rendrait l’entreprise

incapable de livrer ses clients ; d’où l’intérêt du stock de sécurité. En aval, on trouve le plus

souvent le cas de la grande distribution, on parle alors de « rupture en linéaire ». Dans le cas

où le consommateur ne trouve pas son produit habituel en rayon, il peut se tourner vers un

produit de la concurrence, ce qui constitue un manque à gagner et une perte potentielle de la

fidélité du consommateur pour le fabricant, ou une abstention d’achat, ce qui implique un

manque à gagner pour le fabricant et pour le distributeur.

- Le risque de dépréciation : Il est fonction du type de produit et des éléments qui le

composent. S’agissant de matières premières le risque de dépréciation est très élevé du fait

de la volatilité des prix.

- Le risque d’obsolescence est particulièrement important dans le cas de produits ayant un

cycle de vie très court comme c’est le cas des produits high-tech et les produits de modes et

les produits alimentaires à une date de péremption (DLC : date limite de consommation)

assez réduite (produits frais). Ceci se traduit par un manque à gagner pour l’entreprise : soit

elle est obligé de brader les produits obsolètes ou démodés, soit elle est obligé de les jeter

(surtout dans le cas des produits périmés).

� Les enjeux de la gestion des stocks :

- L’enjeu principal d’une politique de gestion de stocks est optimiser les niveaux de stocks

dans une optique de réduction de coûts, tout en améliorant la qualité de service et donc la

satisfaction du client. Alors qu’auparavant les responsables de production pensaient que la

réduction du stock conduisait à la dégradation du taux de service, les entreprises ont compris

aujourd’hui qu’il est indispensable de jouer sur ces deux leviers qui passent d’être

contradictoires à complémentaires.

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49

- Les stocks intermédiaires doivent assurer une certaine fluidité dans le cycle de production

tout en évitant des goulots d’étranglement qui pourraient le ralentir. Dans une optique du

Just-à-Temps (JAT), l’entreprise doit être capable de rationnaliser le flux de matières tout au

long du processus de production afin d’éliminer ou du moins minimiser les tâches qui

n’apportent pas de valeur ajoutée au produit (c’est-à-dire les activités pour lesquelles le

client ne pas prêt à payer : le temps de changement de série, le transport de matériel, le

stockage, le nettoyage…), ce qui permet un processus plus flexible et une réduction des

coûts.

- Le surstockage peut conduire à bénéficier de l’économie d’échelles, que se soit au niveau de

la production (la production en masse d’un seul article nécessite des coûts moins élevés en

termes de règlement et maintien des équipements) ou en termes d’achat (une grande quantité

acheté permet de négocier des meilleurs prix unitaires). Cependant si l’entreprise n’arrive

pas à vendre ces stocks ou à les intégrer dans le cycle de production afin de les transformer

en cash, le coût de stockage (coût physique et coût financier) peut s’avérer supérieur aux

économies d’échelles réalisées.

- Un autre enjeu qui devient de plus en plus stratégique dans la gestion des stocks est la

prévision de la demande et notamment le flux d’information que celle-ci nécessite. Une

prévision de la demande le plus proche possible de la réalité devrait permettre de gérer les

stocks au plus juste tout en étant assez réactif pour éviter une rupture de stock.

- Finalement, dans une optique de Supply Chain étendue, les enjeux liés à la collaboration et

au partage de risque entre l’entreprise et ses partenaires est devenu primordiale. Cette

collaboration sera abordée dans une deuxième partie.

En une phrase, on peut dire que l’enjeux de la gestion de stock est d’avoir suffisamment de

stock pour pouvoir répondre correctement aux besoins et pas trop pour ne pas avoir à supporter

les différents coûts de stock.

Les stocks sont présents par tout, et ce tout au long de la chaîne : que ce soit en amont chez le

fournisseur, en entrepôt (interne ou externe), tout au long du cycle de production (stocks

intermédiaires et stocks de produits finis en fin de production), ou en aval, dans des entrepôt

propres à l’entreprise, appartenant à des prestataires, chez le grossiste, chez le client (en entrepôt

et/ou en magasins).

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Figure 11. La présence de stock tout au long de la chaîne

� Typologie et rôle des stocks

La typologie des stocks peut être abordée de différents points de vue : leur nature, leur

fonctionnalité, leur usage… Cependant, il convient dans un premier temps de classer les stocks

par nature, parce que c’est l’élément commun à toutes les entreprises. En effet, leur rôle et leur

importance stratégique peut diverger d’une entreprise à une autre, et essentiellement en fonction

du secteur. Ces stocks des stocks achetés ou produit.

On distingue donc quatre type de stock :

- Les stocks de matières premières : représentent des biens achetés à des fournisseurs en vue

d’être transformés. S’agissant souvent du point de départ du cycle productif, leur gestion et

donc leur disponibilité est indispensable au bon démarrage, au bon fonctionnement et à la

fluidité du cycle de production.

- Les produits semi-finis : ils sont composés des encours de production (internes) et des

composants achetés chez le fournisseur (externes). Le processus de production est la plupart

du temps constitué de multiples opérations qui sont rarement synchronisées et qui

impliquent des « stocks intermédiaires » entre chaque opération. La planification des

besoins de ce type de stock peut être complexe mais est essentielle à éviter des ruptures dans

la chaîne de production ou des goulots d’étranglement à différents stades de production.

- Le stock de produits finis (le cas des fabricants) ou de marchandises (cas des entreprises

commerciales) : constituent les articles que l’entreprise peut livrer au client. Dans le sens où

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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on est passé d’une logique de flux poussés (l’entreprise pousse les produits vers le client

même si la demande est inexistante) à une logique de flux tendus (l’entreprise fabrique en

fonction de la demande), la capacité à modéliser la demande de produits finis est

indispensable pour organiser le cycle de production (déterminer le PIC, Plan Industriel et

Commercial ou S&OP pour déterminer après le PDP, Plan de Production ou MPS, Master

Production Schedule). Les stocks de produits finis peuvent être stockés dans l’usine de

production, dans des entrepôts appartenant au fabricant, des entrepôts partagés ou

directement chez le client (on parle de « stocks dépotés » ou « de consignation »).

2.2.2. Comment choisir le niveau de stock optimal

� La finalité et niveaux des stocks

Dans le meilleur des mondes possibles, où la demande est constante et pas sujette à des aléas, où le

facteur risque en général (approvisionnement, technique, juridique, financier…) est égal à zéro et le

partage d’information entre les différents intermédiaires de la supply chain se fait en totale

transparence, le niveau idéal de stock est zéro. Cependant, étant donné que au sein de la supply

chain globale le risque zéro n’existe pas, il est nécessaire de fixer des niveaux de stocks

indispensable au bon fonctionnement de la chaîne, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas les

réduire.

Le stock a trois finalités essentielles :

- Le stock de transaction : lié directement au processus de production et à la vente. Etant

donné que les opérations nécessaires au cycle de production sont rarement synchronisées, le

rôle des stocks est d’assurer un meilleur équilibre entre les ressources et les capacités. Le

stock d’alerte permet de fixer une quantité qui détermine le déclenchement de la commande,

la fixation du niveau de stock d’alerte (appelé aussi point de commande ou ROP, re-order

point, en anglais) dépend de la vitesse d’écoulement de celui-ci (donc de la demande

moyenne) et des lead-times (du délai de réapprovisionnement). Dans les cas des activités

saisonnières, le niveau de stock d’alerte peut-être différent d’une période à une autre du fait

que la vitesse d’écoulement serait plus importante pendant les périodes de pic de production.

Pour répondre à ce décalage de flux, l’entreprise peut aussi constituer des « stocks

déportés » en amont proche de son site de production ou en aval proche de la demande (en

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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entrepôt ou chez le client). Nous reviendrons sur la notion de stock déportés dans la partie

qui traite l’importance de la collaboration entre l’entreprise et ses partenaires industriels.

- Le stock de sécurité ou de précaution : le stock doit assurer la flexibilité de la chaîne et sa

capacité à faire face à l’incertitude. L’incertitude peut être liée à la demande (une hausse non

prévue) et au cycle productif (retard de livraison, panne, problème de transport….). Ainsi,

comme pour niveau de stock d’alerte, la fixation d’un niveau de stock de sécurité est

fonction de la demande moyenne et du lead-time mais intègre aussi la volatilité de la

demande à travers l’écart-type de celle-ci. Dans une optique d’amélioration du niveau de

service, le calcul du niveau de stock de sécurité est modélisé sous forme de loi normale qui

permet d’intégrer le taux de service visé.

- Le stock économique lié aux économies d’échelles potentielles réalisables soit grâce à un

effet volume qui permet de négocier des meilleurs prix unitaires ou au caractère spéculatif

du bien acheté (anticiper une hausse de prix, c’est souvent le cas des matières premières).

Dans un contexte économique de plus en plus incertain, le prix des matières premières est

devenu extrêmement volatile. C’est ainsi que les entreprises constituent souvent des stocks

stratégiques en anticipant une hausse de prix.

Figure 12 : Evolution des cours des matières premières15

Cependant, il faut contrôler que le coût de stockage ne soit pas plus élevé que les gains de

rentabilité espérés et atteints.

15 Source : Fonds Monétaire International

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� La réduction des stocks

Selon une étude du cabinet Hayes Argon, 14% du coût logistique est lié à la possession du stock

et à son obsolescence, en incluant le coût d’entreposage, le stock représente jusqu’à 25% du

coût logistique d’une entreprise.

Les objectifs et les avantages de la réduction des stocks sont multiples :

- La réduction des stocks vise à libérer du cash grâce à un besoin de financement

d’exploitation réduit et donc une moindre immobilisation des capitaux que ceux-ci

nécessitent. Elle a donc un impact positif sur la trésorerie de l’entreprise qui peut utiliser ce

cash autrement, dans des activités génératrices de valeur (investissements, développement

de projets…)

- Elle permet aussi de réduire les coûts liés au stockage et donc d’améliorer les marges

(impact positif sur le P&L)

- La réduction de stocks vise aussi à optimiser le processus de production, notamment grâce à

une réduction des stocks intermédiaires qui permet une meilleure fluidité des flux de

matières tout au long du cycle de production

Une politique de réduction des stocks doit respecter un objectif mais aussi une contrainte de niveau

de service. Une démarche d’optimisation des stocks ne se limite pas à la réduction de ceux-ci. Une

telle démarche exige de trouver un juste équilibre entre la maîtrise des coûts logistiques (le coût de

gestion et de détention du stock) et l’accroissement de la disponibilité des produits qui correspond

au niveau de service que l’entreprise souhaite atteindre ou à celui exigé par ses clients.

� Fixation des niveaux de stock

La fixation du niveau optimal de stocks nécessite une analyse préalable des processus internes pour

identifier les causes d’excès de stock et de leur impacts (en termes financiers mais aussi au niveau

du processus de production) et donc de trouver une solution adaptée au problème.

Avant de passer à l’action, il est indispensable de déterminer les enjeux et de prioriser les stocks sur

lesquels on souhaite agir. La méthode ABC (issue de la loi des 20/80 ou loi de Pareto) est

particulièrement utile dans les grandes entreprises qui gèrent une multitude de références

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appartenant à différentes catégories (matières premières, encours, produits finis…). Cette méthode

permet de faire une classification des stocks d’articles en fonction de plusieurs critères comme les

quantités, les valeurs, leur vitesse de rotation ; et ressortir 3 segments en fonction de leur

importance stratégique. Cette méthode permet de focaliser plus de temps et de ressources aux

produits stratégiques (classe A) et donc d’éviter le gaspillage de temps et de ressources à cause

d’une gestion trop fine des produits de plus faible importance (classe 1).

La gestion des stocks implique les directions supply chain (logistique, production et

approvisionnement), commerciales et marketing (clients et prévisions des ventes) et financières.

Ainsi, l’analyse nécessite une réflexion commune entre les trois départements. Cette réflexion sur

un niveau de stock minimum doit permettre de définir les besoins annuels et leur saisonnalité afin

de déterminer un stock « optimal » par nature (matières premières, composants et produits semi-

finis, produits finis…) qui sera suivi et affiné mensuellement.

Cette démarche avant-projet doit permettre de définir le cadre d’action, mettre en évidence les

dysfonctionnements, et les opérations et le temps sans valeur ajoutée afin de déterminer les leviers

sur lesquels on peut agir.

� Les moyens pour réduire les stocks

Il existe nombreux moyens permettant de réduire les stocks sans dégrader la qualité de service et la

satisfaction des clients, voire même en l’améliorant.

- Des moyens à court terme

L’approche court terme se pratique souvent en cas d’urgence, crise financière, ralentissement

économique généralisé. Par exemple, entre 2008 et 2009 la réduction des niveaux de stock aurait été

très importante. Cependant, plus que la mise en place de véritables politique d’optimisation de

stocks, ceci serait du au contexte de crise économique qui aurait poussé les entreprises, resserrement

du crédit et ralentissement de la demande obligent, à écouler leurs stocks avant de se remettre à

produire au même rythme qu’auparavant.

L’analyse des stocks et des cycles de production doit permettre la détection et la valorisation des

stocks à très faible rotation. Ces stocks « dormant » (ou « slow-movers ») du fait de leur faible

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rotation ont des difficultés à devenir liquides facilement et immobilisent donc des montants

importants qui pourraient être utilisés autrement. Dans une optique de court terme, l’entreprise peut

mener une action de déstockage pour se débarrasser de ces produits et les transformer en cash.

Cependant, d’un point de vue plus stratégique, il convient de mener une réflexion sur une éventuelle

rationalisation du nombre de référence de l’entreprise. Cette tâche nécessite de trouver des produits

qui pourraient substituer les « slow-movers » pour ne pas impacter les clients qui commandent ces

produits. Cette rationalisation devrait permettre de concentre les efforts liés à la gestion de stocks

dans des produits plus stratégiques et qui se transforment en cash plus facilement, ce qui aurait un

impact positif sur la trésorerie de l’entreprise.

L’approche cout terme ne suffit et elle n’est jamais optimale. Pour mettre en place une véritable

politique de réduction de stocks l’entreprise doit mettre en place des actions à moyen et long terme

qui permettent de gérer les stocks de façon continue et durable.

- L’approche à moyen terme

Une approche à moyen terme est plus complexe, elle implique un traitement différencié en fonction

du type de stock et de l’importance de celui-ci. Ainsi, on peut déterminer de manière plus fine un

niveau de stock de sécurité par article ou type d’article, des paramètres d’approvisionnement

optimaux (quantités économiques ou EOQ, périodicité…). Plusieurs types d’action de moyen-long

terme peuvent être mises en place en vue d’une réduction des stocks :

- La différentiation retardée ou « mass customization » au sein d’une gamme de produits

consiste à standardiser un maximum de composants et d’intégrer les éléments différenciant

le plus en aval possible. Les composants standards étant de moindre valeur ajoutée, le

montant total du stock est automatiquement moins élevé. L’avantage de la différenciation

retardé est d’une part de bénéficier des économies d’échelle liées à la production en masse

dans la première partie de la ligne de production, et d’autre part, de gagner en flexibilité et

réactivité face à une demande diversifiée grâce à une capacité à personnaliser le produit en

bout de chaîne sans avoir à changer le tout en début de processus. Ce processus est devenu

incontournable dans l’industrie automobile, les constructeurs cherchent à utiliser le plus de

composants communs possibles entre différents modèles (comme le châssis, la caisse, le

boîtier de vitesses…) et à retarder les éléments différenciant (comme la couleur, les

options…) le plus en aval de la chaîne possible.

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56

- De façon générale, le JAT, qui repose sur une logique de flux tendus, et les méthodes issues du

JAT (Kanban, le takt-time, SMED…) sont fondés sur le principe de la flexibilité où la

production d’un composant est déclenchée par la demande d’un centre de décision demandeur et

non pas par un programme préétabli, ce qui permet de réduire les stocks tout au long de la

chaîne. A titre d’exemple, on peut prendre la méthode SMED qui repose sur le fait de fabriquer

des lots réduits afin de pouvoir faire face à une demande très diversifié et en faible quantité sans

augmenter les coûts de revient. La méthode SMED (Single Minute Exchange of Die) mise au

point par l’un des fondateurs du Toyota Production System, Shigeo Shingo, consiste à réduire

les temps de mise en route et de réglages des opérations composant un processus de production ;

ce qui permet de fabriquer des lots de taille plus réduite et donc d’assurer un meilleur flux en

éliminant les goulots d’étranglement du fait d’une minimisation des stocks intermédiaires. Ceci

permet une meilleure flexibilité tout au long de chaîne afin de pouvoir faire face aux variations

de la demande et de libérer du cash grâce à une nette diminution des stocks intermédiaires.

- Revoir la stratégie industrielle et de production : la mise en ligne des ateliers permet de

fluidifier les flux de marchandises grâce à l’élimination des stocks tampon entre les postes et

l’équilibrage des débits.

- Revoir la stratégie de distribution : la réduction du nombre d’entrepôts pourrait permettre de

réduire le niveau de stock de sécurité (le stock de sécurité dans un seul entrepôt étant moins

important que la somme des stocks de sécurité des petits entrepôts).

- Améliorer la qualité de la prévision de la demande : la prévision des ventes doit permettre

d’anticiper les besoins pour mieux acheter et pour mieux gérer les stocks. Une situation

économique instable qui entraîne une forte variabilité de la demande et des

approvisionnements rend plus difficile la mise en place de mécanismes de prévision

pertinents. La qualité de la prévision de la demande passe par la mise en place d’un système

d’information performant qui puisse intégrer en temps réel les informations les plus

récentes. Elle nécessite aussi une remontée d’information en temps réel et le plus

transparente possible tout au long de la supply chain globale afin d’éviter des asymétries

d’information qui pourraient avoir des effets néfastes comme le Bullwhipp effect.

- L’optimisation des stocks et des processus doit aussi passer par une meilleure collaboration

entre l’entreprise et ses partenaires industriels (fournisseurs et clients) voire même avec

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certains de ses concurrents. Dans la partie suivante, nous étudierons plus en détail

l’importance du partage d’information et la collaboration entre les acteurs.

C’est dans cette optique que les trois postes du BFR sont interdépendants et nécessitent une

collaboration entre l’entreprise et ses partenaires en amont et en aval. En intégrant les

problématiques liées à la gestion des fournisseurs et à la gestion des clients, on parle de supply

chain étendue. Ceci implique une interdépendance entre les différents acteurs, les risques ne

dépendent pas que de l’entreprise elle-même mais aussi de ses partenaires externes (actionnaires,

clients, fournisseurs, sous-traitant…). Ainsi toute politique de gestion du risque doit inclure et

contrôler les différents intervenants à tous les niveaux de la chaîne afin de minimiser la

vulnérabilité de celle-ci.

Afin de maîtriser ses risques et d’être capable de réagir en cas de survenance du risque, l’entreprise

doit d’une part mettre en place des politiques commerciales et d’achat adaptées à sa structure

financière et à celle de ses partenaires ; et d’autre part assurer la fluidité des échanges d’information

tout au long de la chaîne. Ceci dans un objectif de mettre en place une véritable collaboration pour

assurer des relations durables avec ses clients et fournisseurs.

Les relations de l’entreprise avec ses clients et ses fournisseurs doivent permettre d’optimiser ses

niveaux de stocks en aval et en amont de façon à minimiser l’argent immobilisée tout en étant

capable de livrer son client en temps et en heure les quantités accordés. Nous allons donc analyser

dans la partie suivante, l’importance de la mise en place d’une véritable stratégie de SRM (Supplier

Relationship Management) et de CRM (Customer Relationship Management). Dans cette partie,

nous étudierons certaines formes de collaboration qui ont une incidence sur la politique de gestion

de stock.

2.3. La mise en place d’une Supply Chain collaborat ive comme levier d’optimisation du BFR

La fluidité des échanges entre le fournisseur et son client est indispensable pour assurer la

prévention de toute rupture dans la Supply Chain et donc assurer son bon fonctionnement.

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58

Ainsi, les tâches à accomplir en amont chez le fournisseur, entre le fournisseur et le client, et en

aval chez le client, doivent suivre un work-flow prédéfini de façon à ce que le traitement des

différentes tâches nécessaire au processus se fasse de manière continue et le plus efficace possible.

En B2B, ce work-flow se base sur :

- L’anticipation des évènements (la prévision anticipe la commande, la commande la

livraison, la livraison la facture et la facture le règlement)

- La conformité (vérification si la livraison est conforme à la commande, si la facture

correspond à la réception…). Les critères de conformité doivent permettre la validation d’un

évènement et le passage à l’étape suivante.

- L’exécution des évènements tels que l’envoie de marchandise, l’émission de la facture…

Ce work-flow, qui doit être garant de la bonne gestion et coordination des flux de marchandises et

des flux financiers, nécessite donc une fluidité optimale des échanges d’information tout au long de

la chaîne.

Le partage d’information se fait de plus en plus de manière informatisée. On peut parler de work-

flow à valeur ajoutée qui permettent de dématérialiser les flux et les process. Cette relation

informatisée avec les systèmes internes et externes à l’entreprise permet d’accélérer le flux

d’information tout au long de la chaîne de valeur et donc d’accélérer aussi les processus inhérents.

2.2.1. L’informatisation des flux d’information

Le work-flow client/fournisseur nécessite des échanges de données informatisées (EDI) entre

l’entreprise et ses partenaires (clients et fournisseurs) et des supports de paiement dématérialisée. Il

requiert également une sécurité des transmissions, notamment sur l’émission/acceptation des

commandes, des bons à payer et des ordres de règlement à la banque ; et sur validation et/ou la

signature électronique.

� La dématérialisation des factures et du process to order

La facturation est un processus présent dans toutes les entreprises qui est souvent mal traité et peu

optimisé, mais qui représente un véritable potentiel en termes de réduction de coûts. L’émission de

factures manuelles représente un risque d’erreur de saisie et un appauvrissement de l’information

potentielle, et engendre surtout un coût non négligeable du fait que cela nécessite des ressources

humaines dédiées à la tâche.

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La production de la facture doit, à l’idéal, découler automatiquement de système de production ou

de gestion des commandes/livraisons afin d’assurer la cohérence entre le fait physique et sa

traduction en facturation. Elle doit aussi assurer la traçabilité de l’opération à toutes les étapes

suivies dans l’entreprise, voire le plus en amont possible (au fournisseur de son fournisseur,

essentiellement dans le domaine agroalimentaire et pharmaceutique) afin de résoudre plus

facilement un litige lié au paiement ou à la qualité des marchandises. Toujours dans un souci de

traçabilité, il est important que l’archivage permet de retrouver facilement une facture ou de la

réémettre sous forme de duplicata, notamment à travers la conservation sous forme d’image

électronique indexée dans une GED (Gestion Electronique des Documents).

Dans ce contexte, la dématérialisation des factures et l’automatisation de leur traitement tout au

long de la chaîne sont devenus un enjeu majeur en termes de gains de productivité au sein des

entreprises. Les avantages sont multiples : optimisation du processus (rapidité d’émission et de

transmission, réduction des coûts de traitement), enregistrement et rapprochement avec le bon de

commande/ bon de réception automatiques, facilité d’archivage et de stockage, traçabilité,

optimisation du partage d’information en interne (entre les différents services) et en externe (avec

les partenaires).

On trouve deux niveaux de dématérialisation. La facture numérisée concerne une dématérialisation

interne. Le principe est de scanner la facture papier émise par le fournisseur pour créer

automatiquement un fichier grâce à une lecture automatique de documents (LAD) que les progiciels

comptables ou achats pourront lire afin d’enregistrer et rapprocher la facture avec l’engagement. Le

flux physique peut, le cas échéant, être doublé par un flux électronique pour alimenter le système

informatique, mais la numérisation n’est que la copie électronique d’un document. L’archivage de

l’original doit donc se faire sous forme papier. La facture EDI ou facture électronique est dès sa

création sous forme électronique et arrive chez son destinataire sous forme d’image ou de

données. L’archivage est réalisé sous forme électronique chez le client et chez le fournisseur.

Le processus est totalement optimisé lorsque le process de traitement est rationnalisé et qu’il repose

sur un work-flow totalement dématérialisé de l’engagement au règlement de l’opération. Ceci

nécessite d’une part une collaboration étroite avec les clients capables de traiter un fichier EDI, et

d’autre part, la mise en œuvre d’un système de gestion commerciale (gestion des commandes,

facturation…) interfacé ou intégré avec les systèmes de production et de livraison.

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60

� Un système d’information intégré

La maîtrise, l’échange et la rapidité des flux d’information sont devenus des éléments

indispensables dans la recherche de performance tout au long de la supply chain. Le développement

des TIC a permis de façon générale un meilleur partage de l’information et une nette amélioration

dans la fluidité des échanges d’information, entre les différents départements de l’entreprise mais

aussi entre l’entreprise et ses partenaires externes. L’intégration des systèmes d’information (SI)

doit permettre d’interfacer les différents maillons de la chaîne afin de maximiser la création de

valeur tout au long de la chaîne. On parle ainsi de systèmes d’information intégrés : ERP

(Enterprise Resource Planning) ou les PGI en français qui met plus l’accent sur le caractère intégré

du système (Progiciel de Gestion intégrée). L’organisation du SI doit permettre au groupe de

satisfaire les attentes de ses clients finaux, depuis l’expression de leurs besoins jusqu’à la livraison

finale.

En matière de gestion du BFR, ce type de progiciel peut permettre de répondre en partie à ces

besoins, notamment sur la gestion de stocks. Cependant il doit souvent être complété par des

progiciels spécifiques, surtout pour la gestion de créances clients.

Ainsi, le SI doit mettre en relation les différents intervenants au cours du cycle

d’approvisionnement, d’entreposage et de distribution des produits et des services afin d’assurer

une coordination des différents flux physiques, financiers et informationnels tout au long de la

chaîne : la remontée de l’information sur l’ensemble de la chaîne jusqu’au premier maillon est

indispensable.

Si les flux d’informations ne sont pas gérés de façon continue et transparente tout au long de la

chaîne, les décalages informationnels peuvent avoir comme conséquence des effets néfaste sur la

chaîne. Le ‘Bullwhip effect’ illustre bien les effets de l’asymétrie d’information : il s’agit un

gonflement excessif des stocks de sécurité suite à un manque de visibilité sur l’ensemble de la

chaîne du à soit à un manque de précision dans les prévisions des ventes soit à un manque de

confiance des informations transmises de l’aval vers l’amont qui poussent à chaque maillon à

constituer un stock de sécurité. Le «fameux « Bullwhip effect » a largement été étudié dans la

littérature logistique et constitue l’une des difficultés majeures du passage d’une logistique

cloisonnée (limitée aux flux à l’intérieur de l’entreprise) à une vision de supply chain globale. Le

« Bullwhip effect » réduit l’efficience de la supply chain parce qu’il entraîne des goulots

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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61

d’étranglement et un surstockage tout au long de la chaîne, ce qui implique une hausse de coûts

ayant un impact direct sur la trésorerie et sur le service client (le surstockage conduit à une perte de

réactivité et de flexibilité).

Pour contrer à ce problème la qualité des prévisions de la demande est devenu indispensable.

Cependant, le fabricant a rarement une vision pertinente et proche de la réalité de la consommation

réelle et ses fournisseurs encore moins, les prévisions sont donc souvent faites en fonction des

commandes et pas en fonction des consommations réelles. Le distributeur est le seul à connaître la

consommation réelle du marché ; d’où l’importance du partage de l’information et la collaboration

entre les différents maillons de la chaîne pour planifier les besoins à chaque niveau en fonction

d’une vision le plus proche possible de la réalité.

� Le rôle des prévisions des ventes

La fiabilité et la justesse des prévisions de la demande sont devenues des axes stratégiques dans la

recherche de performance dans l’entreprise. Cependant, près d’une entreprise sur cinq (22%)16

n’utilise pas les prévisions des ventes comme paramètre de la gestion des stocks, alors qu’une

meilleure prévision de la demande permet de mieux planifier la fabrication et de mieux anticiper les

besoins d’approvisionnement et de stocks. Ceci permet une réduction des stocks et encours qui

implique une moindre immobilisation des capitaux, et une meilleure fluidité tout au long de la

chaîne ce qui implique moins de ruptures et une meilleure satisfaction des clients.

Le pilotage efficient du BFR passe par la mise en place de prévisions de ventes fiables et revues de

manière période. Ces prévisions permettent en principe d’anticiper les volumes de ventes et le

chiffre d’affaire, cependant, elles permettent indirectement de calculer les encaissements, les

consommations, les achats et donc les décaissements, c’est-à-dire, tous les éléments qui font varie le

BFR.

Le processus de planification et de prévisions nécessite une forte collaboration interne entre

différents département : les finances, les ventes, le marketing, la production et la logistique. C’est

ainsi qu’on voit la généralisation des processus S&OP (Sales and Operations Planning) dans les

grandes entreprises. Le S&OP doit intégrer les plans financiers, commerciaux et opérationnels afin

16 Résultats de l’enquête « Le BFR, un réel enjeu pour l’entreprise » menée en 2007 par le cabinet d’audit et de conseil Ernst&Young

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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62

de déterminer les différents types de besoins dans le but d’équilibrer la demande, les capacités de

production et le mix-produit.

John T. Mentzer évoque la nécessite d’une gestion fine de la demande, c’est-à-dire d’une

planification de la demande et des prévisions des ventes. Il considère que le « demand planning »

peut entraîner des réductions de coûts considérables tout au long de la supply chain mais que ceci

nécessite une collaboration avec tous les partenaires de l’entreprise :

« An aspect of demand management is supply chain relationship management,

which is the management of relationship with partners to match performance with

measurements and rewards so that all companies in the supply chain are fairly

rewarded for overall supply success (measured as cost reduction and increased

customer satisfaction.”17

Ainsi il est indispensable de mettre en place une chaîne collaborative fournisseur-entreprise-client

qui facilite l’échange d’informations en temps réel entre l’entreprise et ses partenaires. Ceci

implique une meilleure anticipation des besoins qui permet d’optimiser et de coordonner les flux

physiques et financiers de l’entreprise.

2.2.3. Collaboration externe et optimisation du BFR

� Le Supplier Relationship management : Vers une relation win-to-win

Le reproche qu’on fait souvent à la gestion par le BFR et la trésorerie, est l’approche courtermiste

de ces méthodes. Si on s’arrête à l’horizon annuelle, le meilleure moyen de réduire le BFR du côté

du poste fournisseur est de négocier des délais de paiement les plus longs possibles de façon à

rallonger l’existence de cette dette fournisseur comme moyen de financement du cycle

d’exploitation. Ainsi, la relation avec les fournisseurs est souvent mal optimisée, négligée, voire

même contre-productive. En termes de relation avec les fournisseurs, l’objectif imposé aux

acheteurs, souvent perçus comme des négociateurs durs et intraitables, a longtemps été de négocier

les prix les plus bas, les délais les plus longs, quitte à faire jouer un rapport de force « gagnant-

perdant », un jeu dans lequel le fournisseur était toujours perdant.

17 Mentzer J.T., Moon M.A., Sales Forecasting Management: A demand management approach, Sage Publications, 2005.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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63

Cependant, les grandes entreprises ont compris aujourd’hui le rôle stratégique de leurs fournisseurs

dans la qualité de leur produit, l’optimisation des processus et de la satisfaction du client final ; et

que l’optimisation du processus d’achat passe par une meilleure collaboration avec les fournisseurs

et par une bonne appréhension des délais nécessaires (commande, production, livraison, paiement).

De plus, la globalisation des échanges commerciaux a profondément transformé la dynamique de la

supply chain ; les réseaux d’approvisionnement géographiquement étendus impliquent de plus en

plus de contributeurs et d’acteurs dans le processus. Cette complexification de la supply chain

implique aussi une complexification des flux financiers et une augmentation des risques du fait

d’une perte de visibilité et de contrôle sur l’ensemble de la chaîne. En effet, la diversité et le nombre

de partenaires (fournisseurs et prestataires) croissante, les tarifications douanières, les différents

modes de transport, le rallongement de délais de livraison et des lead-times, les réglementations

internationales et de sécurité, entre autres, rendent la gestion des flux financier et du cash plus

compliquée. Une visibilité accrue sur l’ensemble de la Supply Chain globale devrait permettre de

contrôler et d’optimiser les flux physiques, informationnels et financiers sur l’ensemble de la chaîne

de valeur de l’entreprise.

Ainsi, la mise en place d’un processus de Supplier Relationship Management (SRM), au même titre

qu’une stratégie de CRM (Customer Relationship Management), est indispensable. Il s’agit de

construire des relations de confiance entre l’entreprise et ses fournisseurs permettant des gains

réciproques pour les deux parties dans une optique de création de valeur pour le client ou

consommateur final.

La base de toute relation de confiance passe par le partage d’information en toute transparence entre

les deux parties. Il est donc nécessaire de mettre en place des processus qui permettent le partage de

l’information en temps réel tout au long du réseau d’approvisionnement. En fluidifiant

l’information l’entreprise devrait être capable de déterminer des work-flows clairs avec ses

différents partenaires afin d’automatiser les tâches à faible valeur ajoutée et de réduire le coût et le

temps passé sur les tâches administratives, comme la gestion des commandes et des paiements.

Grâce à une transparence accrue, l’entreprise peut mieux contrôler les performances de ses

fournisseurs, et ce à tous les niveaux de la chaîne. De plus, du fait d’une remontée de l’information

de l’entreprise vers ses fournisseurs, ceux-ci auront une meilleure visibilité de ce qui se passe tout

au bout de la chaîne en aval et donc être plus réactifs face aux fluctuations du marché.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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64

Les bénéfices de la mise en place des pratiques SRM sont multiples :

- Une meilleure communication et partage de l’information sur l’ensemble de la chaîne :

meilleure coordination des délais, réductions des stocks du à une meilleure prévision des

besoins

- Réduction des coûts : automatisation des tâches à faible valeur ajoutée (amélioration des

marges), une meilleure gestion du BFR et une amélioration de celui-ci grâce à une réduction

des stocks tampon et de sécurité

- Une meilleure réactivité : la visibilité en temps réel qui permet d’accélérer la prise de

décision, optimisation des processus

Dans cette optique de Supply Chain collaborative, on peut citer comme exemple la plateforme

collaborative entre Airbus et ses fournisseurs. L’e-Supply Chain est un Hub de collaboration entre

Aerolia, filiale de Airbus, et ses fournisseurs. Cet outil de collaboration permet de suivre les

indicateurs de performances chez le fournisseur en direct. Le fournisseur est capable de connaître

les besoins de l’entreprise toutes les semaines. Ainsi, il peut répondre aux besoins d’Aerolia de

façon précise et dans les bons délais. Et du côté du fabricant, Aerolia peut anticiper d’éventuels

problèmes chez ses fournisseurs et donc les aider à y faire face, parce qu’il est souvent plus rentable

pour l’entreprise de s’impliquer dans l’organisation de ses fournisseurs afin de construire des

relations durables que de changer de fournisseur, surtout dans le cas des produits très techniques et

spécialisés.

A travers le SRM, la dépendance mutuelle augmente entre l’entreprise et ses fournisseurs mais au

profit d’une meilleure synchronisation des deux parties qui améliore grandement la fluidité de la

chaîne à tous les niveaux : informationnel, matériel et financier.

Le SRM et le CRM sont évidemment liées, puisque dans une relation industriel-distributeur,

l’industriel (le fournisseur) pratique du CRM avec le distributeur (son client) et le distributeur

pratique du SRM avec l’industriel.

� Du CRM traditionnel au CRM collaboratif et l’ECR

Le Customer Relationship Management ou gestion de la relation client (GRC), est défini comme

« la mise en place de systèmes de gestion plus ou moins personnalisés de la relation commerciale

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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65

qu’une marque souhaite entretenir avec ses clients. L’objectif est de parvenir à fidéliser ces clients

en répondant le mieux possible à leurs attentes. »18

Le CRM nécessite un système d’information performant pour pouvoir analyser la valeur et les

besoins du client au niveau le plus fin. La constitution de bases de données exhaustives est donc

indispensable à une bonne gestion de la relation client.

Une stratégie de CRM peut être définie à trois niveaux :

- Opérationnel : l’approche opérationnelle implique un ensemble produits, services et

capacités opérationnelles qui fonctionne comme support pour les business process en « front

office ». Ceci est utilisé essentiellement par le département marketing et commercial pour

avoir accès aux informations relatives aux clients (historique de ventes, localisation,

historique des visites…). Cependant cette approche n’inclue pas des informations venant

directement des clients, mais de la force de vente qui s’occupe du client en question.

- Analytique : l’approche analytique implique stratégies et les outils qui permettent de prendre

des décisions liées aux clients et de porter des analyses sur leur rentabilité, leurs capacités de

paiements, entre autres. Cette approche analytique doit permettre aussi de mettre en place

des méthodes de prévisions de ventes.

Figure 12. Du CRM opérationnel au CRM analytique19

La limite de ces deux approches c’est le manque d’incapacité à inclure des données venant

directement des clients, qui permettent d’avoir une visibilité plus proche de la réalité, du

consommateur final. Ainsi ces deux approches doivent être complétées par une approche

collaborative.

Comme évoque précédemment, le distributeur est le seul à connaître la consommation réelle du

marché, ce qui rend indispensable une interaction directe de l’entreprise avec ses clients.

18 LEHU J-M, L’encyclopédie du Marketing, Editions d’Organisation, 2004 19 Source : CRM Today

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66

L’objectif principal d’une démarche collaborative avec le client est une réduction des coûts grâce à

une meilleure anticipation des besoins qui permet une meilleure planification des

approvisionnements et de la production, et une amélioration du niveau de service pour le

consommateur finale. Le CRM collaboratif est une partie essentielle dans la recherche d’un

« Efficient Consumer Response » (ECR).

L’ECR « désigne l'initiative conjointe industrie-commerce destinée à apporter une réponse

optimale au consommateur. Elle exprime la volonté des entreprises qui y adhèrent de mieux

organiser l'ensemble de la chaîne de commercialisation et d'approvisionnement, en rendant les

systèmes d'échange plus efficients, moins coûteux et plus réactifs aux attentes des

consommateurs »20. Ainsi, l’objectif de l’ECR est d’optimiser la chaîne d’approvisionnement

grâce à une meilleure gestion de la demande.

Depuis ces dernières années, l’ECR a bouleversé les rapports entre la grande distribution et ses

fournisseurs. La gestion de la production par la demande permet le passage d’une logique de flux

poussés à une logique de flux tirés par cette demande, ce qui permet une réduction des coûts et un

meilleur pilotage des flux tout au long de la chaîne.

Différents types de collaboration existent, l’entreprise doit choisir celui qui s’adapte le mieux à ces

besoins, à sa structure et aux produits en question et aux besoins et à la structure de son client et

surtout à l’importance stratégique de celui-ci au sein de son portefeuille clients.

- Le cross-docking :

Il s’agit d’un type de préparation de commandes permettant de se passer des phases de stockages de

produits en entrepôt et du picking (prélèvement des unités de valeur (UV) de leur meuble de

stockage pour préparer une commande). Les colis sont regroupés par commande sur une plate-

forme où ils ne font que transiter. Ils passent donc du transport amont au transport aval dans un

délai très court (rarement plus de 24 heures). Cette méthode permet une réduction des coûts de

détention de stock très importante (frais liés à la manutention de stock) et une réduction du BFR

grâce à une importante réduction des capitaux immobilisés. Le gain de temps de stockage permet

aussi d’augmenter la disponibilité et la durée de vie du produit en linéaire, ce qui est

particulièrement intéressant pour les produits à DLC réduite comme les produits frais. Finalement,

le cross-docking permet aussi une réduction des coûts de transport, au lieu de livrer différents points

20 ECR - France

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67

de ventes avec des camions à moitié vides, tout est livré par les différents fournisseurs dans la plate-

forme de cross-docking et la démassification des flux est faite par la suite, ce qui permet de faire un

seul trajet avec des camions complètement remplis, ce qui constitue aussi l’un des avantages de la

GPA mutualisée.

Figure 13. Le cross-docking21

- Le VMI :

Le VMI ou gestion des stocks en consignation est une méthode de gestion des localisations et des

niveaux de stock, basée sur les consommations réelles des produits en surface de vente, dont la

gestion du flux, depuis les sites de production jusqu’à la mise en place dans les linéaires des

magasins est pilotée par le fournisseur. En effet, les stocks sont physiquement chez le client, mais

demeurent propriété du fournisseur tant que le client ne s’est pas servi de ces stocks. Cette méthode

est particulièrement utilisée dans la Grande Distribution, cependant elle est de plus en plus utilisée

en industrie. Ce mode de gestion de stock implique un désavantage financier pour le fournisseur,

étant donné que c’est lui qui doit porter la charge financière des stocks alors qu’ils sont déjà chez le

client, cependant cela représente un avantage et un gain en termes de BFR pour le client, puisqu’il

possède un stock, ce qui lui permet d’éviter toute rupture, mais qu’il ne finance pas avec ses propres

ressources financières. Ainsi, cette méthode pour que cette méthode ne soit pas pénalisante pour le

fournisseur, elle nécessite une grande rigueur de la part de celui-ci, qui doit assurer de l’évolution

21 The Geography of Transports Systems - Department of Global Studies and Geography at Hofstra University, New-York

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68

du stock, et qui doit donc faire des inventaires de façon régulière afin de contrôler les

consommations du client ; et nécessite aussi un forte degré de confiance entre les deux partenaires

étant donné que le fournisseur lui confie le stock à son client son que celui-ci soit payé.

- La Gestion Partagée des Approvisionnements :

La GPA est une méthode de collaboration logistique entre un industriel et un distributeur où la

gestion des réapprovisionnements est partagée par les deux parties et tirée par la demande. La GPA

permet le passage de la réception traditionnelle d'une commande passée par un client (le

distributeur) à un processus de réapprovisionnement en continu. Les propositions de commande

sont élaborées par le fournisseur et réalisées sur la base des sorties en entrepôt ou des sorties

caisses. Ainsi, cette méthode permet une amélioration du taux de service (moins de ruptures) et une

réduction des stocks grâce à une meilleure visibilité des stocks dans la chaîne et des variations

quotidiennes de la demande, ce qui permet de lisser les commandes entre le fournisseur et le

distributeur. La réduction des niveaux de stocks, des délais de réapprovisionnement et

l’optimisation du transport permet une réduction du coût total de la supply chain.

Coca-Cola a mise en place, depuis 1998, un système de GPA avec ses distributeurs.

Pour Coca Cola Entreprise, cela consistait à prendre directement en charge le stock de

ses propres produits chez le distributeur et à gérer à distance l'approvisionnement et la

mise en linéaire des nouveaux produits dans les meilleurs délais. Pendant la nuit, les

distributeurs communiquent à l’entreprise par EDI l'état de leurs stocks ainsi que les

sorties consolidées vers les points de vente, les encours de livraisons et les produits en

rupture de stock. Tous les matins, des propositions de commande à destination des

clients sont envoyées. Après validation, le délai de réapprovisionnement est de J+4. En

2004, environ 50% du chiffre d'affaires grande distribution de Coca Cola Entreprise

passait par la GPA.

- La GPA mutualisée ou GMA (Gestion Mutualisée des Approvisionnements) :

La GPA mutualisée part du même principe que la GPA, mais c’est à un ensemble de

fournisseurs que la gestion des réapprovisionnements est confiée. Lorsque les volumes livrés

aux entrepôts régionaux ne sont pas suffisamment important pour optimiser le transport par

camion, des fournisseurs peuvent s’associer afin d’optimiser la charge des camions. En plus

d’une réduction des stocks, et des coûts de transport la GPA mutualisée permet de répondre à

des contraintes environnementales (moins de camions, donc moins de pollution).

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- Le CPFR : Collaborative Planning and Forecasting Replenishment

Le CPFR implique un degré de collaboration plus élevé que la GPA parce qu’il intègre la

planification et l’élaboration des plans commerciaux dans le processus collaboratif. Sur le site

de GS1-France, le CPFR est défini « comme une approche d’intégration globale de la supply

chain réunissant les concepts de l’offre et de la demande développés dans une démarche ECR.

Il repose sur le principe de prévision unique et partagée issue de la collaboration entre les

fonctions commerciales des entreprises partenaires. » Le CPFR permet ainsi, un meilleur taux

de service, une optimisation de la production et une réduction des coûts, grâce à une meilleure

qualité des prévisions des ventes qui permet une nette réduction des stocks tout au long de la

chaîne et de mieux répondre aux consommateur.

Chez France Télécom Orange, le CPFR a été mis en place avec trois gros fournisseurs

de mobile. Ce CPFR permet aux fournisseurs d’avoir son avis sur les commandes et de

fait de réguler sa production, il limite donc ainsi les incapacités de livraisons de ses

produits. Les produits sont donc disponibles en entrepôt aux bons délais et aux bonnes

quantités, ce qui permet de réduire les ruptures de stocks tout en limitant les stocks. La

mise en place d’un CPFR avec les gros fournisseurs permet un échange d’information

permanant de façon à optimiser les relations entre les deux parties, et ce qui se traduit

par une réduction des coûts et une meilleure qualité de service pour le consommateur

final.

Toutes ces méthodes issues de l’ECR permettent des véritables gains en termes de fluidité tout

au long de la chaîne :

- La facilité et la rapidité accrue des échanges d’information (notamment grâce aux EDI)

permet une gestion des flux financiers (processus lié à la gestion des commandes) plus

en phase avec les flux physiques grâce à une meilleure gestion des flux d’information,

parce que les échanges se font sur un même système.

- La gestion de la production par la demande dans une logique de « demand chain

management », permet de travailler en flux tendus et donc de diminuer de façon

significative les niveaux de stocks tout au long de la chaîne et d’optimiser les

processus de production, les fonctions d’approvisionnement et de distribution et donc

de diminuer considérablement le BFR de façon générale.

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Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

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- La collaboration rend la supply chain plus flexible et réactive ce qui lui permet

d’assurer la satisfaction des consommateurs.

- Des relations collaboratives avec la concurrence

Dans une optique de réduction des coûts et de création de valeur pour le consommateur final,

de plus en plus d’entreprises, sont enclines à mettre en place des relations collaboratives avec

leurs concurrents directs. En termes d’optimisation des approvisionnements, Henkel, Colgate

et Reckitt-Benckiser ont récemment mis en place une démarche de GPA mutualisée vis-à-vis

de Carrefour qui devrait leur permettre de passer d’un taux de remplissage des camions de

75% en moyenne à 100% et devrait permettre une amélioration du niveau de service.

En termes d’optimisation du cycle de production et de réalisation d’importantes économies

d’échelles tout en réduisant les stocks, PSA et Toyota ont décidé de travailler ensemble pour

concevoir des mini-citadines pour répondre à une demande croissante en Europe, à travers la

construction d’une usine commune en République Tchèque. Une politique d’alliances inter-

entreprises permet à tous les participants de bénéficier des économies d’échelles, de regrouper

des moyens financiers plus importants pour des projets de grande envergure et de bénéficier

du savoir-faire des autres partenaires-concurrents.

Dans un contexte de concurrence accrue et de globalisation, la collaboration est devenue un

élément incontournable de toute entreprise qui souhaite assurer sa pérennité financière et le

développement d’avantages concurrentiels durables. Le pilotage du BFR doit donc se faire en

tenant compte de tous les partenaires de l’entreprise et de sa relation avec ceux-ci. Cependant,

avant de mettre en place des démarches de collaboration en externe, la collaboration en interne

est un facteur clé dans la réussite d’un projet de réduction de BFR.

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71

III. Mise en place et pilotage d’un projet d’optimi sation du BFR

3.1. Comment mettre en place une culture « cash » a u sein de l’entreprise

3.1.1. D’une démarche ponctuelle vers une démarche durable en matière d’optimisation du BFR

� Evolutions actuelles

La crise économique a bouleversé l’environnement économique des entreprises et leur mode de

fonctionnement, en ramenant à l’ordre du jour l’importance de la gestion du cash au sein des

entreprise. Avec le resserrement des lignes de crédit bancaires, les faillites de plus en plus

courantes, la hausse des prix de matières premières et la réduction des marges, les entreprises ont de

plus en plus des difficultés pour trouver des ressources de financement pour leur cycle

d’exploitation.

Par ailleurs, le boom des opérations de LBO (« Leveraged Buy Out », ou achat par effet de levier)22

incite à une focalisation sur le cash, notamment pour rembourser la dette d’acquisition, principe

même du LBO. Technique souvent critiquée par son caractère « tyrannique » du cash, elle a tout de

même permis une sensibilisation accrue à l’optimisation du cash et donc du BFR. La France est le

troisième marché au monde en termes d’opérations LBO, la valeur globale des transactions aurait

atteint 31,5 milliards d’euros pour 215 opérations réalisées.23

Cette sensibilisation accrue par rapport au cash, dans le cadre notamment d’opérations LBO, a

entraîné une meilleure prise en compte du BFR, source potentielle et considérable de cash, et de son

optimisation. Selon étude sur le « Cash Management » en 2009, menée par le cabinet d’audit

KMPG, plus d’un quart (28%) des 350 CFO (Chief Financial Officer) ayant répondu à l’enquête,

considèrent la gestion du cash comme la priorité numéro un, et plus de la moitié la considèrent

parmi les priorités principales du business global. 22« Un LBO ou Leveraged Buy Out est le rachat des actions d'une entreprise financé par une très large part d'endettement. Concrètement, un holding est constitué, qui s'endette pour racheter la cible. Le holding paiera les intérêts de sa dette et remboursera celle-ci grâce aux dividendes réguliers ou exceptionnels provenant de la société rachetée. » - Dictionnaire Financier Vernimmen.net 23 Source : Etude Barclays Private Equity/Deloitte & Touche -2007

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Même si certains considèrent que l’engouement pour la gestion du cash n’est qu’un effet passager

lié à la crise, et qu’une fois l’activité revenu au niveau normal, la gestion du cash n’aura plus sa

place dans les « top » priorités des entreprises ; d’autres considèrent que la gestion par le cash va

s’imposer durablement comme critère de gestion. Cependant, pour arriver à cette fin, il faut changer

les comportements des acteurs de l’entreprise, ce qui implique une démarche de fond liée à la

sensibilisation à la gestion du cash plus qu’une simple démarche ponctuelle.

� La nécessité d’une optimisation permanente des flux de trésorerie et du besoin en

fonds de roulement

L’optimisation du BFR est encore considérée par un bon nombre d’entreprise comme une démarche

ponctuelle pour répondre à une situation difficile lorsque le besoin de « cash » devient vital. Dans

ces cas, la démarche d’un projet « cash » est essentiellement orienté vers le poste client qui permet

de dégager des liquidités le plus rapidement : relance auprès des clients en retard de paiements,

accélérer les procédures de résolution de litiges… ou à la négociation de rallongement des délais de

paiement fournisseurs. Cependant, il existe d’autres leviers, comme la gestion de stock ou le

développement de relations durables avec les fournisseurs et clients, qui s’inscrivent dans une

démarche à moyen terme mais qui permettent de gains plus durables. Une action par exemple sur

l’amélioration de la gestion des stocks et la réduction de ceux-ci, en plus de dégager des liquidités

grâce à une moindre immobilisation des capitaux, peut permettre d’optimiser le processus de

production et de réduire les coûts opérationnels, ce qui aurait un impact positif sur les marges.

La sensibilisation accrue sur des problématiques liées au « cash » et des bénéfices qu’un projet

d’optimisation du BFR peut apporter, incitent de plus en plus d’entreprise à l’anticipation par une

démarche permanente d’optimisation du BFR. Selon une étude menée par l’Institut du

Benchmarking, le cabinet Enodia et l’AFDCC (Association Française des Crédit Managers et

Conseils) réunissant 13 grands groupes24, après les premiers améliorations dans la gestion du cash,

on constate un effet d’essoufflement. Une fois le niveau de liquidités retrouvé, la pression sur le

besoin de cash est automatiquement moins importante, ce qui entraîne un relâchement progressif

24 Le groupe de travail « Optimisation permanente du BFR : les bonnes pratiques » a été animé par André Foissey et Alain Ricateau-Pasquino de France Télécom, Jean-Philippe Perbost du cabinet ENODIA, David Leclercq, vice-président de l'Institut du Benchmarking, avec le soutien de Jean-Louis David, secrétaire général de l'AFDCC. Les membres du groupe de travail : Arkema, Bayer, Carbone Lorraine, EDF, Eurocopter, Europcar, France Télécom, La Poste, Lafarge, Schneider Electric, Sodexho France, Total, Veolia Eau.

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des efforts et une stagnation des progrès réalisés. Le changement de priorités dans l’entreprise et un

manque de collaboration entre les équipes mobilisées pour la mise en place du projet, poussent à un

retour aux habitudes du passé.

Les leviers de réduction du BFR sont connus par la plupart des grandes entreprises, qui n’ont

souvent pas de difficultés majeures à mettre en place des projets ponctuels. Cependant, la difficulté

majeure se trouve dans le fait de mettre en place une démarche durable à la recherche permanente

de performance vis-à-vis du BFR permettant de dégager toujours plus de liquidités. Pour que les

progrès s’inscrivent dans une démarche durable, la prise en compte de la gestion du cash dans les

processus quotidiens de l’entreprise afin de développer une véritable culture « cash » associant

l’ensemble des acteurs, est indispensable. Ainsi, un suivi des « bonnes pratiques » dans le long

terme peut être très utile.

� Vers une culture cash

La gestion du cash comme nouveau sujet de préoccupation pour les entreprises, à mis les DAF

(Directeurs Administratifs et Financiers) et les trésoriers en première ligne. Même si à la base, un

projet « cash » est mené par un membre du département financier, le DAF, le trésorier, contrôleur

de gestion ou un crédit manager, la gestion du cash est une affaire de tous les employés dans

l’entreprise.

La mise en place d’une culture « cash » nécessite un changement dans l’organisation et dans les

comportements. C’est toute l’entreprise qui doit se mobiliser et pas uniquement la direction

financière.

La culture cash concerne toutes les entreprises, quelque soit leur taille, leur mode de financement ou

leur mode de management. Pour les entreprises en difficulté financière et de trésorerie, un projet

« cash », plus qu’un choix, est une nécessité pour assurer sa survie. Cependant, pour une entreprise

relativement stable financièrement, un projet « cash » peut représenter une façon d’optimiser ses

flux financier et de libérer du cash « gratuitement » sans avoir à faire recours à ses actionnaires ou à

des endettements bancaires. Leur solidité financière et leurs ressources peuvent permettre la mise en

place d’un projet d’envergure qui touche les différents leviers de génération de cash de façon à

atteindre des améliorations spectaculaires, grâce à des résultats concrets mais aussi grâce à une

capacité à mieux anticiper et à mieux gérer les risques.

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La culture « cash » doit être propre à chaque entreprise, cependant on peut définir deux objectifs

principaux : l’amélioration du flux de trésorerie généré par l’exploitation et la sécurisation des

financements à court-terme et à moyen et long-terme grâce à une diminution du besoin de

financement. Les actions à mener pour atteindre ces objectifs passent par : l’amélioration de la

gestion du BFR, qui est complémentaire à des actions sur les marges et les coûts, et des actions sur

les capitaux investis (externalisation de certaines fonctions qui ne représentent pas le cœur de métier

de l’entreprise).

L’évolution vers une culture « cash » doit passer par une forte implication de la direction générale.

Etant donné son caractère transversal, même si le pilote naturel est la direction financière, un tel

projet nécessite une collaboration directe avec les directions opérationnelles et commerciales.

� La direction financière comme catalyseur de la culture « cash » au sein de l’entreprise

Le projet « cash » est un projet transversal car il repose sur l’amélioration des processus, tant de

production qu’administratifs et commerciaux. Etant donné que les motivations de ce type de projet

sont d’ordre financière (amélioration des liquidités et des marges) la direction financière est le

pilote naturel du projet. Elle va devoir proposer des actions qui vont impliquer des changements

dans les autres fonctions, ce qui nécessite donc une collaboration directe, notamment avec les

directions achats (relations avec les fournisseurs), production et supply chain (optimisation de la

production et de la gestion des stocks), commerciale (recouvrement clients, ouverture de contrats…)

et marketing (prévisions des ventes). La transversalité du projet nécessite donc un soutien de la

direction générale indispensable.

La mise en place d’une démarche collaborative en interne passe par plusieurs actions :

- Le point de départ est la prise de conscience en interne des enjeux et de l’importance à

accorder au cash. La direction financière, et notamment la personne en charge du projet

« cash », doit être capable d’expliquer de manière simplifiée la démarche à l’ensemble des

services impliqués et de mettre en avant la contribution de chaque fonction à l’amélioration

de la trésorerie et de la marge. Le jargon financier étant parfois incompréhensible aux non

spécialistes, il est de « vulgariser » la notion du BFR afin de le rendre compréhensible à

l’ensemble des acteurs de l’entreprise. Ainsi, faire adhérer les acteurs impliqués par le projet

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

Master 2 Logistique – Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

75

passe par leur capacité à comprendre les enjeux du projet et à se sentir valorisés, notamment

en comprenant comment leur travail permet d’aider à atteindre les objectifs de l’entreprise.

- La formation aux notions clés du BFR est indispensable pour sensibiliser les opérationnels

aux enjeux du BFR. Elle doit inclure notamment les commerciaux, le service marketing, les

acheteurs, la supply chain et la production, mais aussi tous les collaborateurs du service

financier. En plus d’une plus grande implication dans le projet, la formation permet aux

différents acteurs de mieux comprendre les indicateurs qu’on leur demande de suivre et les

objectifs définis et surtout de mieux les piloter. Par exemple, au sein de la branche

Lubrifiants Industiels BP France, une attention particulière est donnée à la mise en place de

formations cash pour l’ensemble de l’équipe ; l’objectif étant de mieux appréhender les

enjeux liées à la gestion du cash, comprendre les leviers d’actions sur lesquels chaque

département peut agir pour réduire le BFR et en quoi cette démarche est indispensable pour

assurer la pérennité du business.

- Il est aussi très important de mettre en avant le fait qu’il ne s’agit pas d’un projet purement

financier, dont les bénéfices ne sont que financiers, mais que le projet peut apporter des

bénéfices sur l’ensemble de processus de l’entreprise (une meilleure gestion des stocks

permet d’optimiser le processus de production, une meilleure relation avec les fournisseurs

permet de diminuer les risques d’approvisionnement…) et surtout en termes de satisfaction

pour le client final grâce à une meilleure gestion des processus en interne.

3.1.2. Le rôle clé d’un référent projet : vers le m étier de cash manager

� La définition d’un responsable clé chargé de la mise en place du projet

Comme évoqué précédemment, le pilote naturel d’un projet d’optimisation du BFR doit être

quelqu’un issu de la direction financière. Dans une petite ou moyenne structure, le chef de

projet peut être par définition le directeur administratif et financier (DAF). Cependant, dans une

grande structure, le DAF a souvent des responsabilités qu’il ne peut pas déléguer afin de

consacrer son temps au projet « cash ». Dans ces cas le responsable projet peut être le contrôleur

financier, le trésorier ou le crédit manager. En fonction de l’entreprise, des enjeux liés à la

trésorerie et à la situation dans laquelle se trouve l’entreprise, la création d’un poste de « cash

manager » (ou BFR ou working capital manager) peut être envisageable.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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76

L’objectif principal du « cash manager » est de réduire le cash investi dans l’activité

d’exploitation de l’entreprise. La production ou consommation du cash résulte de flux qui part

du fournisseur pour arriver au client en passant par l’entreprise. Ainsi ces objectifs sont

multiples : assurer la liquidité du poste client (donc être garant des créances clients), optimiser

le crédit fournisseur, réduire les besoins financiers liés à l’exploitation (notamment en matière

de gestion de stock), contribuer à développer l’activité commerciales de l’entreprise et assurer

une bonne image financière de l’entreprise à l’extérieur. Il est donc amené à être en relation

avec les différents responsables de flux amont (fournisseur et production) et aval (commerciaux

et service client).

Le responsable projet doit constituer autour de lui un réseau qui doit regrouper des responsables

des services qui vont intervenir sur tout ou partie du projet. Il peut donc s’appuyer d’un

responsable supply chain pour la partie stocks, d’un responsable achats pour la partie

fournisseurs et d’un responsable commercial pour la partie client. Le rôle de chaque acteur du

réseau est de communiquer auprès de son équipe les objectifs du projet, les plans d’actions et le

suivi des résultats et d’être en constante communication avec le chef de projet.

� Le rôle du chef de projet BFR

Etant donné qu’il s’agit d’une mission transversale qui va impliquer des changements au sein de

plusieurs fonctions et qui peut donc entraîner des affrontements de pouvoir entre le département

financiers et les autres services, le responsable du projet doit être capable de sensibiliser la

direction générale et de s’assurer de son soutien inconditionnel sur le sujet.

Pour mener à bien le diagnostic et le plan d’action, le financier doit être en contact direct avec

les opérationnels en charge des principaux flux : achats, gestion des stocks et ventes. Son rôle

est de suivre la mise en place des plans d’actions déterminés au préalable et de challenger les

opérationnels sur leurs résultats. N’ayant pas un véritable pouvoir hiérarchique sur celles-ci, la

communication avec les directions opérationnelles peut parfois être source de conflit. Le

responsable du projet doit donc être un très bon communicant et doit être toujours à l’écoute de

ses interlocuteurs afin de pouvoir exercer une « autorité naturelle » sur les autres directions sans

devoir toujours faire appel à la direction générale lorsque certains arbitrages s’imposent.

Souvent jugé trop loin du terrain et parfois déconnecté de la réalité, le financier doit faire preuve

des ses connaissances et son intérêt pour les enjeux opérationnels. Il doit être suffisamment

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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convaincu et convaincant, avoir suffisamment de légitimité afin d’impliquer les opérationnels

sur lesquels il n’a pas d’autorité hiérarchique. Ainsi, il doit être conscient que le logisticien et le

commercial, étant par définition très proches du terrain, peuvent lui apporter une nouvelle vision

de la réalité du business et d’être plus en phase avec les contraintes opérationnelles. Cette

collaboration permet une prise de décision plus optimale, plus pragmatique et plus flexible.

D’ailleurs, une bonne partie des solutions doivent être élaborées avec eux.

Par ailleurs, il doit être capable de communiquer les objectifs et les enjeux du projet afin de faire

adhérer ses interlocuteurs à la démarche dans un esprit plus collaboratif qu’une démarche

imposée par la direction générale. Par exemple, il doit faire comprendre au logisticien que le fait

de le challenger sur l’immobilisation de stocks, c’est-à-dire qu’il va lui demander de faire aussi

bien, voire mieux, avec des moyens plus réduits, permet à la chaîne de production de se délester

de certains éléments superflus, ce qui permettra une production plus fluide et donc plus réactive.

Le fait d’avoir un responsable pour l’ensemble des leviers d’optimisation du BFR permet de

centraliser tous les éléments, de consolider tous les indicateurs issus de chaque fonction et de

mener un pilotage cohérent du projet.

Le rôle du responsable est donc d’assurer la mise en place du plan d’action à chaque étape du

projet et de communiquer les résultats de façon régulière à l’ensemble des acteurs afin de mettre

en évidence l’avancement du projet et la contribution de chacun des intervenants. Son rôle est

donc aussi de savoir motiver tous les intervenants et d’éviter donc la généralisation d’un

sentiment d’essoufflement qui peut arriver à différentes étapes du projet.

3. 2. La mise en place du projet BFR

Selon l’enquête menée par l’Institut du Benchmarking, le cabinet Enodia et l’AFDC l’un des

constats fait par certains des participants ayant mené une démarche d’optimisation réussi, le

fonctionnement en mode projet est l’une des clés de la réussite. Le mode projet assure la mise en

place d’une démarche plus claire, avec une fixation d’objectifs, une conduite de plans d’actions, la

communication des points d’avancement régulière ; ce qui permet un pilotage plus cohérent grâce à

une priorisation des tâches à accomplir.

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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78

3.2.1. Diagnostic, définition des objectifs et du p lan d’action

� Diagnostic et analyse

La première phase du projet BFR doit consister à faire une analyse, un diagnostic de la situation

actuelle de l’entreprise. Dans le cas où l’entreprise se trouve face à un véritable problème de

liquidité, cette étape doit être menée rapidement et doit aboutir à des solutions d’urgences ayant un

impact sur la trésorerie, même si à long terme ce n’est pas de solutions optimales. Cependant,

lorsqu’il s’agit d’une démarche de fond, il convient d’accorder plus de temps à cette étape.

Le diagnostic doit être mené par le responsable du projet essentiellement. Cependant, au cours du

diagnostic il doit se rapprocher des fonctions opérationnelles afin de mener un diagnostic le plus

proche de la réalité possible et aussi pour commencer à établir un lien avec ses futurs collaborateurs

au sein du projet BFR.

- Le diagnostic des coûts

L’objectif principal du projet BFR est de réduire les coûts globaux sur l’ensemble du processus

d’exploitation afin de dégager des liquidités. Dans une optique de « dégraissage » (si on reprend la

terminologie des techniques du lean), l’un des intérêt principaux de la phase de diagnostic est

d’identifier tous les coûts qui interviennent sur le cycle d’exploitation et ceux qui seraient

susceptibles d’être réduits ou éliminés, c’est-à-dire, les coûts liés à des activités ou tâches qui

n’apportent pas de la valeur ajoutée au produit final.

Le contrôle des coûts est souvent fait par les contrôleurs de gestion dans leur bureau loin de

l’activité d’exploitation de l’entreprise. Ce contrôle est fait grâce à des systèmes d’information qui

intègrent les différents éléments comptables lorsqu’une opération est comptabilisée ; chaque coût

possède une dénomination comptable telle que les charges de personnel, achats de matières

premières, d’emballages, charges liées aux facturations d’électricité, téléphone, prestataires, entre

autres. On parle ici de coûts visibles ; selon H. Zavall et V. Zardet, ces coûts possèdent trois

caractéristiques particulières : ils ont un nom précis et normalisé, ils sont mesurés selon des règles

précises et reconnues et ils font l’objet d’une surveillance régulière.

Cependant, tout au long du cycle d’exploitation on peut repérer des coûts qui ne sont pas

comptabilisés par le système informatique tels qu’une panne d’une machine qui coupe le cycle de

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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79

production, l’absentéisme, un fort taux de rotation des salariés qui oblige à « perdre du temps » dans

la formation des nouveaux arrivants. On parle ici de coûts « cachés » qui sont difficiles à repérer

parce qu’ils ne ressortent pas sur les écritures comptables de l’entreprise, contrairement aux coûts

« visibles » qui possèdent une dénomination comptable. Cependant, il est indispensable de les

mettre en évidence pour la mise en place d’actions correctives.

« Les coûts cachés désignent les coûts non repérés par les systèmes d'information classiques dont

dispose l'entreprise (budgets, comptabilité générale ou analytique, tableaux de bord financiers...)

par opposition aux coûts visibles qui possèdent une dénomination comptable tels que charges de

personnel ou achats de matières premières. Les coûts cachés ne sont donc ni quantifiés, ni

surveillés. Ils ont pourtant une incidence sur le résultat de l'entreprise mais, comme ils sont cachés,

ils ne sont pas pris en considération lors de la prise de décision de management. » 25

Ainsi, un coût caché est un coût que supporte l’entreprise du fait de dysfonctionnements dans son

activité. H. Zavall et V. Zardet distinguent 5 types : absentéisme, accidents du travail, rotation du

personnel, non qualité, sous-productivité directe.

Ce sont soit de surcharges, donc des coûts supplémentaires (sursalaire, surtemps, surconsommation)

ou des non produits, des manques à gagner, qu’on peut qualifier des coûts d’opportunité. Dans le

cycle d’exploitation c’est coûts peuvent être très importants. Il convient de mesurer leurs impacts

tout au long de l’activité de production afin de pouvoir mieux les maîtriser.

Cette approche par les coûts peut être comparée au TPS (Toyota Production System) dont la chasse

aux gaspillages est l’un des piliers. Une activité qui ne génère pas de la valeur ajoutée génère un

coût d’opportunité. Par exemple, le temps perdu dans les déplacements de matières à l’intérieur de

l’usine représente un coût qui n’est pas vraiment comptabilisé, alors qu’un délai trop important peut

ralentir la vitesse des flux sur l’ensemble de la chaîne, et peut aller jusqu’à l’interruption du flux de

production en compromettant ainsi la livraison finale du produit. Plus précisément, l’analyse des

coûts cachés aide à mettre en évidence les coûts, et les différentes méthodes issues du TPS (telles le

système d’étiquetage ou Kanban, le SMED, le Takt-Time26…) peuvent être mises en œuvre afin

d’éliminer ou réduire ces coûts. Du côté client, le recouvrement des créances échues implique d’un

25 Institut de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations : ISEOR 26 Le takt time donne la cadence de travail de l’ensemble du processus de production et permet d’alerter les opérateurs qui prennent du retard. D’après, Jeffrey Liker (2003), The Toyota Way: 14 Management Principles from the World's Greatest Manufacturer, First edition, McGraw-Hill

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part le coût liée au litige, et d’autre part un coût lié à la perte de temps que ceci implique. Ainsi, il

convient de prévoir ce risque en amont, cela peut passer par exemple par une relance téléphonique

avant la date d’échéance de la créance.

Dans cet aspect, la collaboration du financier avec la supply chain et avec le service commercial

devient indispensable. Le fait de passer du temps sur le terrain ou du moins d’être en contact avec

des opérationnels, peut lui permettre d’avoir une meilleure vision du flux et des processus de

production, d’approvisionnement et des flux vers les clients, afin d’avoir une vue critique sur

l’ensemble des coûts, au-delà des coûts issus de son système de comptabilité.

� Définition des objectifs et du plan d’action

Suite à une analyse exhaustive des processus liés au cycle d’exploitation et des coûts qui en

découlent, le chargé du projet BFR serait en mesure de porter un diagnostic sur l’ensemble du cycle

et d’identifier des leviers d’actions. Cependant, avant de mettre en place des plans d’action, il est

indispensable de définir les objectifs du projet, et ceux avec l’ensemble des intervenants dans la

démarche d’optimisation du BFR.

La fixation des objectifs est le point de départ du plan d’action. Ces objectifs doivent être chiffrés et

réalisables. Par exemple, en début d’année, des indicateurs clés (KPI) cibles peuvent être

communiqués en début d’année à l’ensemble des intervenants afin de les sensibiliser à la démarche

BFR. Par exemple, au sein d’Unilever, en début d’année des objectifs de working capital sont

communiqués à l’ensemble des équipes, comme la part du working capital dans le chiffre d’affaire,

et notamment pour les services qui sont directement impliqués, des indicateurs plus précis (tels que

le DPO, DSO ou DIO, ou des indicateurs de rotation) peuvent aussi être communiqués.

Des objectifs peuvent aussi être fixés de manière individuelle, comme pour les commerciaux. On

pourrait penser à intégrer la performance du BFR dans la rémunération. Par exemple, au lieu de

fixer la partie variable du salaire uniquement sur le chiffre d’affaire réalisé, il pourrait être

envisageable de fixer des objectifs de chiffre d’affaires encaissé en fonction desquels seraient

indexés la part variable de la rémunération des commerciaux. Certes, cette pratique peut être d’une

efficacité redoutable car les commerciaux vont faire pression sur leurs clients afin d’assurer leur

part de rémunération variable ; cependant, elle peut aussi être vue d’un très mauvais œil du fait que

le non paiement des clients n’est pas entièrement la faute du commercial (si l’entreprise est en

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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81

faillite et elle n’arrive pas à payer sa créance, le commercial verra sa rémunération directement

impactée).

De façon générale, les objectifs doivent être fixés par le responsable du projet en collaboration avec

les opérationnels, qui doivent valider la réalisabilité de ses objectifs.

Une fois les objectifs fixés, le chef de projet et le réseau d’opérationnels qu’il aura constitué

peuvent passer à l’étape suivante : la mise en place des plans d’actions. On ne peut pas généraliser

les différents types de plan d’actions, ceux-ci seront vraiment fonction de la situation décrite lors du

diagnostic et de la structure de l’entreprise. Le plan d’action doit comporter des actions de court

terme afin d’augmenter le cash rapidement en cas de difficulté, et surtout des actions à moyen terme

qui vont permettre de pérenniser la démarche BFR et la culture cash au sein de l’entreprise.

On ne peut pas généraliser les différents types de plan d’actions, ceux-ci seront vraiment fonction

de la situation décrite lors du diagnostic et de la structure de l’entreprise ; mais on peut citer

quelques exemples d’actions à mener sous forme de sous-projet.

- Rationalisation du portefeuille client : ceci permettrait à l’entreprise de se concentrer

sur ces clients les plus profitables (qui dégagent une meilleure marge) et se

« débarrasser » des clients moins profitables, sauf s’il s’agit d’un client stratégique et

solide qui passe par une mauvaise période il pourrait être important de le garder.

- L’externalisation de certaines fonctions permettrait à l’entreprise d’une part de se

concentrer sur son cœur de métier et d’autre part de faire appel à des spécialistes dans le

domaine en question. Certaines activités requièrent des investissements très important

(comme l’achat d’une nouvelle machine) qui peinent à devenir vite rentables ; or, si

l’entreprise fait appel à un sous-traitant, celui-ci possède déjà tout ou la plupart de

l’équipement, ce qui lui permettra d’utiliser ces capitaux dans d’autre projets.

- La rationalisation du portefeuille produit. Par exemple, au sein de la branche lubrifiants

industriels de BP, un projet de rationalisation de la gamme produit est en train d’être

mené. L’objectif étant d’une part de se concentrer sur les produits qui ont une meilleure

rotation (notamment les fast-movers) et de se délester des produits les moins rentables et

qui coûtent le plus en termes de stockage du fait de leur faible rotation. Ceci conduit à

une réduction du nombre de formulations nécessaires à l’ensemble de la gamme produit,

ce qui permettra une meilleure fluidité dans le processus de production, dans lequel il y

aura moins de formules différentes qui interviendront. Ainsi, les capitaux avant

Mémoire de fin d’études Carmen ROUANET

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82

immobilisés par ces stocks « dormants » pourront être utilisé autrement comme dans des

projets de R&D. D’autre part, cette rationalisation permet aussi une simplification et une

meilleure cohérence de l’offre produit, dont le nombre de références dépasse le millier,

ce qui permet une vision plus claire de la gamme en interne, en facilitant donc sa

gestion, et surtout pour le client, qui pourra trouver plus facilement le produit dont il en

a besoin.

Les moyens pour agir sur le BFR sont multiples, tout dépend du poste visé, de la situation de

l’entreprise, de son mode de management et de sa structure financière. Cependant, il est

indispensable que les actions menées dans les trois postes du BFR soient parfaitement

synchronisées. Pour ceci, le suivi de la mise en place des plans d’actions est indispensable pour le

pilotage du BFR.

3.2.2. Mise en la place d’un suivi régulier et coll aboratif

Après la définition des plans d’actions, il faut définir les KPI qu’on souhaite suivre, la fréquence

avec laquelle on souhaite faire le suivi et la définition d’un outil et d’un type de reporting (un

reporting entièrement dédié au BFR ou intégré dans d’autres reporting).

� La définition des KPI

« L’indicateur de performance est une information devant aider un acteur, individuel ou collectif, à

construire le cours d’une action vers l’atteinte d’un objectif ou devant lui permettre d’en évaluer les

résultats »27. L’objectif des KPI est d'améliorer la gestion et les résultats de l'entreprise et d’être un

support à la prise de décisions. Le diagnostic et l’analyse se traduisent par des objectifs, les

objectifs se traduisent en plans d'action et les KPI, permettent la mesure du résultat des plans

d'actions Calculés une première fois avant le lancement du projet, les KPI et leur évolution

permettent de suivre l’avancement du projet et des différents plans d’actions.

Une approche qui permet de décrire les caractéristiques clés d’un KPI pertinent est l’approche

SMART : un KPI doit être « Simple, Measurable (mesurable), Achievable (faisable), Realistic

(réaliste) and Time bound (avec une échéance) ». Les KPI doivent aboutir à la création de tableaux

27 Les Assises de la Logistique - Octobre 2009

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de bord permettant de ressortir rapidement les points à améliorer et les causes de dérive de coûts,

des délais ou de la qualité.

Les KPI doivent être pertinents et adaptés aux utilisateurs. Le chef du projet BFR va surement

utiliser des KPI très sophistiques pour des analyses pointues mais qui ne vont pas parler aux

opérationnels. Ainsi, le responsable doit donc choisir des indicateurs de gestion compréhensibles

par ses interlocuteurs et adaptés à chaque poste. Il faut que l’utilisateur comprenne l’intérêt de

l’indicateur qui lui est demandé afin de mieux le piloter. Ainsi, il doit mettre en place ces KPI avec

les opérationnels afin de pouvoir les former au même temps, en leur expliquant l’intérêt du KPI qui

leur est demandé.

Les KPI étant souvent calculés de façon différente d’une filiale à une autre, les différences peuvent

être très importantes. Ces indicateurs doivent donc être standards au sein de l’entreprise, selon une

méthode de calcul unique et commune, ce qui permet de faire un benchmark interne pertinent. Par

exemple le DPO (days of purchase outstanding) évoqué en première partie peut être calculé soit à

partir des COGS (Costs of Goods Sold) soit à partir du chiffre d’affaire, ce qui change radicalement

le résultat, il faut donc définir une règle pour le calcul de ce ratio.

Parmi la multitude d’indicateurs de performance du BFR et ses composantes, il convient de retenir

particulièrement les indicateurs suivants, dont la définition des termes a été évoquée dans la

première partie :

Clients Production Fournissuers BFR

DSO DIO DPO DWC

DSO/DMPSORotation des

stocksDélai moyen de

règlement fournisseursBFR/CA

Taux d'impayés Stocks cibles CGA/Délai effectif

Taux de retards Stocks dormantsDélai moyen de

traitement de factures

Taux de créances Taux de rupture

Taux de litiges Taux de service

Délai moyen de facturation

Figure 14. Indicateurs clés liés au BFR28

28 BOBOT Lionel, VOYENNE Didier, Le Besoin en Fonds de Roulement, Economica, 2007

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Par ailleurs, pour impliquer les acteurs davantage dans le projet BFR et les faire adhérer au projet,

on pourrait mettre en place une mécanique de rémunération, de préférence volontaire et

indépendante du niveau de rémunération actuel, indexée sur l’atteinte des objectifs fixés. Un KPI

doit inciter à l’action, l’action liée au suivi des KPI ne doit pas s’arrêter à un simple constat. Les

indicateurs de constat ou de mesure d’écart sont inutiles si des actions correctives ne sont pas

prévues derrière. Ainsi, les KPI permettraient d’évaluer la performance de chaque acteur impliqué

dans le projet. Ceci encouragerait à chaque acteur à faire un suivi régulier de ses plans d’actions, de

mieux piloter ses indicateurs et de réaliser des actions correctives afin d’atteindre l’objectif fixé.

Dans une optique de démarche collaborative, il pourrait aussi être envisageable de fixer des

objectifs croisés qui rendraient nécessaire la collaboration entre différents services afin de les

atteindre.

� La mise en place d’un reporting du BFR

Selon l’enquête sur le BFR menée par Ernst&Young citée précédemment, même si 76% des

entreprises interrogées déclarent disposer d’une politique de gestion du BFR, seulement 57%

affirment avoir un reporting dédié.

Dans une optique d’optimisation permanente, le pilotage du BFR doit être considéré comme un axe

stratégique et une démarche transverse à l’entreprise. Ainsi, il est indispensable de créer un

reporting dédié qui sera organisé par le chef de projet BFR afin de mesurer les progrès accomplis et

identifier les situations bloquantes ou de dérive à mettre sous contrôle. Ce reporting doit regrouper

différents indicateurs qui permettent de répondre aux besoins d’information des différents acteurs

impliqués dans le projet.

Par ailleurs, il doit faire l’objet de réunions périodiques afin de faire un suive du projet et des mises

au point entre les différents acteurs. L’objectif de ces réunions serait la présentation des résultats

obtenus, une mise au point de l’état de l’avancement du projet et des plans d’action, les difficultés

rencontrées, les actions correctrices à mener ou qui ont été menées, et l’éventuel définition de

nouveaux objectifs. Afin que ces réunions soient vraiment efficaces et source d’avancement dans le

projet BFR, elles doivent impliquer la totalité des acteurs concernés par le projet.

Afin de faire un suivi plus régulier mais plus concis, de par son caractère transversal et de son

impact sur le cycle d’exploitation, il pourrait être intéressant d’inclure un suivi du BFR dans l’ordre

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du jour du S&OP. L’objectif du S&OP est de « concilier sur le moyen terme le plan de ventes avec

les capacités de l’entreprise en respectant les objectifs de service et les objectifs financiers en vue de

proposer un plan unique et réalisable ».29 Le processus S&OP implique la participation des

responsables de différents services au sein d’une entreprise : des responsables marketing, demand

planning, supply chain, essentiellement, mais si le degré de maturité du processus au sein de

l’entreprise est élevé, il peut aussi impliquer tous les autres responsables liés au cycle d’exploitation

de l’entreprise comme les achats, le customer service, la finance (notamment le contrôle de

gestion).

L’un des points faibles des entreprises qui mettent en place le S&OP est le manque d’implication du

contrôle de gestion (soit ils ne sont pas présents soit ils ne sont pas invités), alors que les décisions

prises lors des réunions impliquent des investissements conséquents ou une modification des flux de

trésorerie et donc du BFR. Dans le cadre d’un projet d’optimisation du BFR, la présence du chef de

projet lors des réunions S&OP est donc indispensable pour qu’il soit au courant de toutes les

décisions et pour faire un point sur l’avancement du projet BFR avec l’ensemble des personnes

présentes dans la réunion qui sont, pour la plupary, les personnes impliquées par le projet BFR. Le

fait d’inclure le suivi des indicateurs liés au BFR dans les réunions mensuelles du S&OP, permet

d’en faire un suivi régulier et d’impliquer tous les acteurs.

Un processus S&OP géré de manière efficace est une véritable source d’amélioration des

performances de l’entreprise, en termes d’utilisation des capacités, de maîtrise des stocks et du taux

de service. Cependant, les entreprises ayant atteint un fort degré de maturité dans la matière ne sont

pas nombreuses du fait du niveau élevé de collaboration entre les différents services que le

processus implique. La mise en place d’un projet BFR nécessite, elle aussi, un tel niveau de

collaboration interne. Ainsi, vu que cette collaboration est essentielle à une recherche

d’amélioration de la performance, l’entreprise peut inclure ceci dans une démarche de gestion du

changement afin de trouver des méthodes de renforcer cette collaboration : fixation d’objectifs

communs entre services, réunions régulières, formation des opérationnels par l’équipe financière.

L’optimisation du BFR doit s’inscrire dans une démarche d’optimisation permanente qui considère

le BFR comme un axe stratégique et transversale de l’entreprise. D’où, la création d’une fonction de

« cash manager » ou d’un responsable de projet BFR, qui devrait reporter directement à la direction

29 S&OP, de la théorie à la pratique : quelques écueils à éviter, Gellé Nicolas, Aron Fabien, Supply Chain Magazine N°38, Octobre 2009

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86

générale ou au directeur financier, est indispensable à la réussite d’une démarche d’optimisation du

BFR. Ainsi, l’implication du dirigeant est fondamentale.

La réussite doit passer par une bonne gestion du changement puisque, étant la transversalité du

projet, il nécessite une modification des comportements des acteurs de l’entreprise qui passe par le

développement d’une culture « cash » au sein de l’entreprise. Un projet « cash » est d’autant plus

difficile d’être mené en France, où l’importance du cash ne fait pas partie des piliers de la culture

des entreprises, contrairement aux entreprises anglo-saxonnes. L’adhésion de l’ensemble des

acteurs constitue donc un véritable défi dans un projet de réduction du BFR qui nécessite la

compréhension de la part des acteurs de leur intérêt collectif et individuel à le faire. La pérennité du

projet doit aussi passer par la mise en place de bonnes pratiques à partager entre les différents

acteurs et entre les différentes filiales si le projet est mené de façon plus globale.

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Conclusion

Durant le cycle d’exploitation, les sociétés procèdent à l’acquisition de différents biens, se livrent à

des opérations de marketing ou d’exploitation (achat matières premières, production, stockage…),

puis livrent et facturent leurs produits ou services. Toutes ces opérations n’ont pas pour contrepartie

un flux financier immédiat. Des décalages dans le temps entre les différents flux du cycle

d’exploitation conduisent ainsi à l’existence de stock, de créances clients et des dettes fournisseurs

qui génèrent pour la grande majorité un besoin de financement qu’il convient d’optimiser.

Une démarche d’optimisation du BFR, passe par l’analyse de chaque poste du BFR (fournisseurs,

stocks et clients) et par une optimisation du fonctionnement de chacun de ces postes. Pour mettre en

avant l’aspect cyclique du BFR on peut le définir sous forme de cycle :

- Le cycle fournisseur : Concernant le poste fournisseurs ou achats, la massification des flux

et la meilleure prise en compte de la demande permettent de réduire les coûts. Ce poste

représente un risque majeur : le risque d’approvisionnement, qui peut avoir un impact direct

sur l’ensemble de la chaîne et remettre en cause la satisfaction du client final (notamment en

cas de rupture ou problème de qualité). L’évaluation des besoins, le processus de sélection

des fournisseurs et la rationalisation de la base fournisseurs sont des facteurs qui permettent

une meilleure gestion de ce poste. Les termes et les conditions de paiement font l’objet d’un

arbitrage entre le prix négocié (et l’escompte obtenu en cas de paiement plus rapide ou

immédiat) et l’impact sur le cash (le coût de se priver d’une source de financement

d’exploitation que représente le délai de paiement accordé par le fournisseur). La

dématérialisation de l’information et des processus de facturation et passation de

commandes, permettent aussi des gains substantiels en termes de temps nécessaire à

exécuter ce type de tâche et de coûts. Sur le long terme, la création de relations durables

avec ses fournisseurs est un facteur clé de succès pour optimiser le poste fournisseur car ceci

permet de mutualiser certains coûts, certains risques, de mieux partager et faire remonter

l’information afin de mieux planifier les besoins du cycle d’exploitation.

- Le cycle client : L’un des indicateurs clés pour assurer l’optimisation de ce poste est la

qualité du service. Si le client n’est pas content du produit ou service, il peut ne pas payer

son fournisseur, quitta à entrer en litige, cependant, s’il s’agit d’un client stratégique,

l’entreprise à tout un intérêt à garder une bonne relation avec lui. Comme pour le poste

fournisseur, la dématérialisation de l’information et des paiements est un axe majeur de

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réduction de coûts. La fluidité du flux d’information, notamment en termes de prévisions de

ventes, est indispensable pour assurer la disponibilité des produits en aval. Ainsi, la

collaboration avec les clients et tout aussi fondamentale que la collaboration avec le

fournisseur.

- Le cycle stock : Le poste stocks implique une relation entre l’entreprise et le poste

fournisseur et le poste client. Optimiser les stocks passe par un taux de disponibilité et un

niveau de service client à respecter. Ceci passe par une bonne segmentation des références

produit et la mise en place de paramètres de gestion pour chacune d’entre elles. La qualité

des prévisions, la fiabilité des fournisseurs et l’efficacité des processus productifs, sont

décisifs pour répondre au mieux à la demande réelle et pour mieux définir les niveaux de

stocks optimaux. Une optimisation des stocks nécessite une forte collaboration entre les

différents intervenants tout au long de la chaîne afin d’assurer un remontée fluide et presque

en temps réel des informations liées à la demande finale afin que fabricant et fournisseurs

prévoit au mieux leur besoin en production.

Nous avons vu tout au long de cette étude que l’optimisation du BFR nécessite une forte

collaboration de l’entreprise avec ses partenaires industriels. Cependant, la collaboration en interne

et tout aussi, voire plus importante. Pour que les résultats d’un projet BFR soient durables, il faut

que les acteurs de l’entreprise adoptent à une culture « cash » au sein de l’entreprise. Pour ceci il

faut qu’ils comprennent l’intérêt collectif et individuel d’une telle démarche et leur rôle dans cette

démarche. D’où l’intérêt de mener un véritable projet « cash » qui passe par la définition

d’objectifs, de plans d’action, par une conduite du changement, un reporting dédié et la création

d’un référent projet, issu du département finance, qui sera en charge de l’avancement de celui-ci et

qui sera forcément en relation constante et étroite avec les différents services opérationnels (supply

chain, service commercial, achats…).

L’objectif d’un tel projet est d’analyser chaque poste de la chaîne de valeur de façon à l’étapiser et à

repérer les activités qui ne créent pas de valeur ajoutée, afin de les minimiser ou de les éliminer.

Cette démarche doit s’inscrire dans un processus d’amélioration continue grâce à un suivi régulier

des différents indicateurs de performances. Dans cet aspect, cette approche qui souhaite délester le

cycle d’exploitation des activités superflues non-génératrices de valeur peut s’apparenter à la

méthode du Lean Management, issue des méthodes japonaises du TPS (Toyota Production System)

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qui vise à « dégraisser » le processus et les flux liés à l’activité d’exploitation en éliminant toute

sorte de gaspillage et rendant l’ensemble de la chaîne plus fine et plus fluide (plus « lean »).

Etant donné la nécessite de coordination entre flux physiques et flux financier, mise en évidence

dans la première partie, il pourrait donc être intéressant de mener en parallèle un projet

d’optimisation du BFR lors de la mise en place d’un projet lean, ce qui pourrait permettre des

résultats plus durables, de mettre en évidence l’existence d’éventuelles synergies entre les deux

projets et qui impliquerait davantage d’acteurs issus de différents services au sein de l’entreprise.

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Glossaire

BFE: Besoin en Financement d'Exploitation

BFR: Besoin en Fonds de Roulement

BFRE: Besoin en Fonds de Roulement d'Exploitation

BFRHE: Besoin en Fonds de Roulement Hors Exploitation

CAF: Capacité d'Autofinancement

COGS: Costs of Goods Sold

CPFR: Collaborative Planning and Forecasting Replenishment

CRM: Customer Relationship Management

DIO: Days of Inventory Outstanding

DMR: Délai Moyen de Règlement

DPM: Délai Moyen de Paiement

DPO: Days of Payables Outstanding

DSO: Days of Sales Outstanding

DWC: Days of Working Capital

EBE: Excédent Brut d'Exploitation

ECR: Efficient Consumer Response

FR: Fonds de Roulement

GMA: Gestion Mutualisée des Approvisionnements

GPA: Gestion Partagée des Approvisionnements

P&L: Profit and Losses (Compte de résultat)

S&OP: Sales and Operations Planning

SCM: Supply Chain Management

SRM: Supplier Relationship Management

TPS: Toyota Production System

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Bibliographie Ouvrages :

- BOBOT L., VOYENNE D., Le Besoin en Fonds de Roulement, Economica, 2007

- BRAULT David, SION Michel, Objectif Cash, Dunod, 2008

- DE LA BRUSLERIE Hubert, Analyse Financière, 3e édition, Editions Dunod, 2006

- Denglos, Grégory, La Création de Valeur, Dunod, 2003

- FORGET Jack, Gestion Budgétaire, Editions d’Organisation, 2005

- GIARD Vincent, Gestion de la production et des flux, Economica, 2003

- GRUA Hervé, SEGONZAC Jean-Michel, La production par les flux, Dunod, 2003

- HORNGERN Charles, DATAR Srikant, Contrôle de gestion et gestion budgétaire, 3e

édition, Pearson Education, 2006

- LEHU Jean-Marc, L’Encyclopédie du Marketing, Editions d’Organisation, 2004

- LIKER Jeffrey, The Toyota Way: 14 Management Principles from the World's Greatest

Manufacturer, Première edition, McGraw-Hill, 2003

- MEDAN Pierre, GRATACAP Anne (2008), Logistique et Supply Chain Management,

Dunod, 2008

- MEDAN Pierre, GRATACAP Anne, Management de la Production, 3e édition, Dunod,

2009

- MENTZER J.T., MOON M.A., Sales Forecasting Management: A demand management

approach, Sage Publications, 2005.

- MOCELLIN Fabrice, et al., Pratique de la gestion des stocks, Dunod, 2003

- PILVERDIER-LATREYTE J., Finance d’Entreprise, Economica, 2002

- SAVAL Henri, ZARDET Véronique, Maîtriser les coûts et les performances cachées,

Economica, 2003

- VALLIN Philippe, La logistique : Modèles et méthodes du pilotage des flux, Economica,

2006

- VERNIMMEN Pierre et al., Finance d’Entreprise, 6e Edition, Dalloz, 2005

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Articles et autres documents :

- Améliorer son BFR par un programme d’optimisation des stocks, DE NODREST Mathieur,

SALAMON Yvan, Supply Chain Magazine N°37, Septembre 2009

- Beyond CRM : The Critical Path tou Successful Demand Chain Management, CHASE

Peter, CRMAdvocate, 2007

- Cash-to-Cash Analysis and Management: Useful Performance Measures for Improving

Profitability Profitability, HUTCHINSON Paul, ANDERS Susan, The CPA Journal, Août

2007

- Comment réduire encore son besoin en fonds de roulement, GAROUSTE Frédéric, Option

Finance n°922, Mars 2007

- Coordonner réduction de coûts et amélioration du BFR, PRAUD Jean-François, SCHLUP

Cyril, Revue Echanges, Février 2009

- Defining Supply Chain Management, MENTZER John, Journal of Business Logistics, Vol.

22, N°2, 2001

- Et si l’on reparlait de gestion de stocks?, BOMY Jean Marie, Supply Chain Magazine N°29,

Novembre 2008

- Flux Financiers et Supply. ROUGIER Pierre, Logistiques Magazine N°242, Septembre

2009

- La Culture Cash, TRONEL Bernard, Les Echos, Mars 2009

- Managing risk to avoid supply chain breakdown, Chopra S., Sodhi M, MIT Sloan

Management Review, 2004

- S&OP, de la théorie à la pratique : quelques écueils à éviter, Gellé Nicolas, Aron Fabien,

Supply Chain Magazine N°38, Octobre 2009

- Suppliers Relationship, STEWART Shelley, Inside Supply Chain Management, Vol. 21,

Avril 2010

- Supply chain risk management: outlining an agenda for future research, Jüttner U., Peck H.,

Christopher M., International Journal of Logistics, 2003

- The Supply Chain Management Effect, KOPCZAK Laura, JOHNSON Eric, MIT Sloan

Management Review, Printemps 2003

- Vers le métier de cash manager, La lettre du trésorier N° 226, Juin 2006

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Etudes :

- Cash Management: Cash is back in fashion but is it here to stay – Insights from 2009

research into cash and working capital managemen – ASHBY Andrew, BAYLY Roger,

Etude KPMG, 2009

- Financial Flows and Supply Chain Efficiency, Etude de Visa Commercial Solution (Visa

International), 2007

- Le BFR, un réel enjeu pour l’entreprise, Enquête Ernst &Young, 2007

- Les enjeux pour les enterprises et exemples gagnants d’optimisation du BFRd’optimisation

du BFR, Etude Ernst&Young, Avril 2009

- Optimisation permanente du BFR : les bonnes pratiques, Atelier de travail animé par André

Foissey et Alain Ricateau-Pasquino de France Télécom, Jean-Philippe Perbost du cabinet

ENODIA, David Leclercq, vice-président de l'Institut du Benchmarking, avec le soutien de

Jean-Louis David, secrétaire général de l'AFDCC, 2007.

- REL Working Capital Survey 2008, Etude du cabinet REL Consultancy auprès des 1000

plus grandes enterprises en Europe, 2008

Interviews :

- Christophe Ganguly, Manager expert en working capital et crédit management, Atos Consulting

- Mathieu Chrétien, BFR Manager, Ernst&Young Webographie :

- www.physicalsupplychains.com – Le magazine web des expertises et actualités Supply Chain

- www.finance.sia-conseil.com – Le portal des services financiers de Sia Conseil - www.relconsultancy.com – Cabinet spécialiste dans la gestion du working capital - www.distributique.com - www.cfo-news.com - www.relationclientmag.fr - www.faq-logistque.com - www.ecr-institute.org - www.logistiqueconseil.org - www.gs1.fr - www.vernimmen.net - www.e-marketing.fr

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