Mémoire de dernière année du Magistère de Juristes...
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Mmoire de dernire anne du Magistre de Juristes daffaires
de lUniversit Paris II - Assas
sous la direction de M. de Vauplane
Sujet : La prsomption de lgitimit au regard de labus de
march ou le safe harbor en droit franais
Arnaud Roulhac de Rochebrune
Etudiant en 3me anne du Magistre DJCE
de lUniversit Paris II - Assas
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2
"L'universit Panthon-Assas (Paris II) droit - conomie - sciences sociales, n'entend
donner aucune approbation, ni improbation, aux opinions mises dans ce mmoire. Ces
opinions doivent tre considres comme propres leur auteur".
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Sommaire
Introduction p. 7
Chapitre 1 : Le safe harbor en application de la rglementation europenne des
abus de march p. 10
Introduction
Section Prliminaire rappel quant llaboration de la norme communautaire :
le plan global daction europenne pour les services financiers p. 11
A) La norme de niveau 1 : la Directive abus de march
B) Les normes de niveau 2 : les directives et rglements dapplication
1) Rglement n 2273/2003 de la Commission du 22 dcembre 2003 sur
les programmes de rachat et de stabilisation dinstruments financiers
2) Directive n 2004/72/CE de la Commission du 29 avril 2004. Directive
portant modalits dapplication de la Directive n 2003/6/CE en ce qui concerne les
pratiques de march admises
3) Directive n 2003/124/CE
C) La norme de niveau 3 : le rapport du CESR
Section 1 Le safe harbor est une exception un principe p. 18
1 Le principe dinterdiction p. 18
A) Linterdiction de manipuler le cours
1) La manipulation de cours
2) Lidentification des manipulations
a) Les trois exemples de la Directive abus de march
b) Les signes prendre en compte lors de lexamen dune opration
B) Le prsuppos : les oprations sur instruments financiers propres sont
susceptibles de causer des manipulations de cours
1) La formation des cours
2) Latteinte au march
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2 Lexception : la lgitimit dune pratique p. 24
A) Lintervention est lgitime
B) Lintervention relve dune pratique de march admise
1) les pratiques de march admises
2) un mini safe harbor ?
C) Lintervention lgitime par le safe harbor
1) Le safe harbor au sens communautaire
2) Une protection absolue
Section 2 Le safe harbor est un mode de rgulation innovant p. 30
1 Un mode de rgulation dorigine amricaine p. 30
A) Le safe harbor bas sur la volont des intervenants
1) Le safe harbor un refuge
2) Le safe harbor : un guide
a) Libre volont des intervenants dy recourir
b) Limites
B) Mise en uvre du safe harbor amricain
1) Conditions de mise en oeuvre
a) Manner of purchase condition
b) Timing condition
c) Price condition
d) Volume condition
2) Information : la disclosure
2 Un mode de rgulation avantageux repris par le droit communautaire p. 35
A) Une rglementation plus souple et adapte pour le rgulateur
B) Un outil pour le lgislateur
C) Une meilleure scurit pour lintervenant
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Chapitre 2 : Le safe harbor lpreuve de la transposition franaise p. 37
Introduction
Section prliminaire rappel du traitement des manipulations de cours en droit
franais p. 38
1 Historique de la Manipulation de cours p. 38
2 Un double rgime rpressif de la manipulation de cours p. 39
A) La manipulation de cours sous langle du droit pnal
B) La manipulation de cours sous langle du droit administratif
Section 1 Une transposition qui vide de son intrt le safe harbor p. 43
1 Une plus grande scurit pour les oprateurs p. 43
A) Un encadrement plus protecteur
1) Des conditions claires
2) Une prsomption irrfragable de lgitimit
B) Un encadrement qui rigidifie le systme
2 Le risque que les acteurs sen dtournent au profit des pratiques de march
p. 48
A) Les pratiques de march sont exclusives du safe harbor
1) Deux pratiques de march
2) Ne relevant pas du safe harbor
B) Au risque que les intervenants prfrent les pratiques au dtriment du safe
harbor
3 Une application respectueuse p. 51
A) La dcision Eurazeo : une application juste du safe harbor
B) Dans une hypothse spciale de manipulation formelle
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Section 2 Le safe harbor : une nouvelle faon dapprhender la manipulation de
cours ? p. 54
1 La protection du march ou du prix ? p. 54
A) Lacception traditionnelle : la protection des prix ?
B) Lapproche moderne par le march
2 Le droit de la concurrence laide de la rpression de la manipulation de cours
p. 57
A) De lapport du Droit de la concurrence
B) Labus de domination
1) La manipulation de cours, un abus de domination
2) La preuve de labus
Conclusion p. 63
Bibliographie p. 65
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Introduction
" Vous vendez, n'est-ce pas ? " demanda Moser Salmon.
Mais le muet sourire de ce dernier fut si aiguis de finesse, qu'il en resta anxieux,
doutant maintenant de cet ultimatum de l'Angleterre, qu'il ne savait mme pas avoir
invent 1.
Zola aprs La Cure, o il narre lenrichissement foudroyant du dnomm Saccard sur le
march immobilier parisien la fin du XIX sicle, sattaque aux spculations de ce
dernier sur le march boursier. Il se fait lcho dune bruyante et relle affaire qui frappa
la conscience collective2 : la faillite de lUnion Gnrale en 1882, qui entrana la chute et
la condamnation de lhomme daffaires Eugne Bontoux. Faillite retentissante, car elle
ruina un grand nombre de petits porteurs qui avaient mis lensemble de leurs conomies
dans ce projet. Projet dautant plus attrayant quil prsentait monts et merveilles au vu de
ses perspectives financires. Faillite retentissante, car cause par les agissements
purement spculatifs de quelques uns3. Ces oprations qui, par utilisation de manuvres
sur le cours de Bourse, ont fait croire la sant financire de la compagnie.
Cette affaire rvle les prmisses de la criminalit en col blanc qui sera dnonce au
XX sicle aux Etats-Unis4. Ce type dagissements a peu peu fait lobjet dune
rpression, car il contrevenait lordre et la morale publique, en effet la spculation a
depuis longtemps t vue comme nfaste lordre public conomique5. Il nen demeure
pas moins que les sanctions pnales ou administratives prononces lencontre des
auteurs de manipulations de march sont excessivement rare 6, car sans forcment
1 E. ZOLA, LArgent, 1891. 2 M-C. de NAYER, Le rachat daction, Bull. Joly Bourse, 01 septembre 1998, n 5, p. 597. 3 Notamment les banquiers ROTHSCHILD, V. larticle Wikipedia sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/LArgent. 4 E. SUTHERLAND, White-collar criminality, address at the president during the sociological meeting of
1939. American sociological review, 1940, p. 1. 5 Cf. la faillite de la Compagnie des Indes, la banqueroute du systme LAW en 1721 et enfin les cinq
reproches de CALONNE la spculation. 6 M. TOMASI, Vers un renouveau de la lutte contre les manipulations de cours : lapport de la Directive
abus de march, Mlanges AEDBF France IV, p. 439.
http://fr.wikipedia.org/wiki/L'Argent
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mener la faillite, ce sont des pratiques fugaces, multiformes et peu voyantes . Par
consquent plus difficilement rprhensible. La manipulation de cours est alors devenue
un dlit qui vise apporter une sanction des altrations apportes volontairement par
certains metteurs au processus de formation des cours de bourse 7.
Depuis la faillite de lUnion Gnrale, les marchs financiers se sont muts
profondment et ce changement ncessite du juriste non plus une approche purement
juridique (plus prcisment pnaliste), mais aussi une apprhension des manipulations
sous un angle conomique. En outre louverture europenne, la mondialisation des flux
financiers, le dveloppement exponentiel des nouvelles technologies requirent une
vision globale du phnomne de manipulation de cours. Si le doute persiste, il nest qu
voir le dveloppement du March unique dans le cadre de lUnion europenne.
Dabord construite sur le principe de la libert de circulation des marchandises et des
personnes, lUnion europenne a ensuite pris la voie de la libre circulation des capitaux.
Ds lors, tout un chacun a la possibilit de faire circuler ses capitaux dans les Etats
membres et donc dinvestir dans les titres financiers cots sur les places europennes.
Cependant deux risques majeurs risquent dentraver lharmonisation recherche, savoir
dune part la disparit des rglementations antrieures entre chaque pays et dautre part
lapplication non uniforme par chaque tat des rgles europennes.
La Directive 89/592/CEE du Conseil du 13 novembre 19898, a fond le cadre juridique
communautaire de la lutte contre les Abus de march, mais plus particulirement contre
les dlits dinitis et non contre les manipulations de cours. En outre, labsence et/ou la
grande diversit de rglementation entre les tats9, le dveloppement des changes
commerciaux et de l'information, louverture toujours plus grande du March unique
ainsi que de rcents scandales financiers dans les annes 200010 ont entran une remise
7 D. OHL, Le droit des socits cotes, d. Litec, n529. 8 JOCE n L 334 du 18/11/1989 p. 30 - 32. 9 Considrant n 11 de la Directive abus de march. 10 Cf. la dnonciation faite des pratiques de la socit Vivendi Universal en octobre 2001, dans le Rapport
au Snat 104-309 sur http://www.senat.fr/rap/l04-309/ et aussi N. RONTCHEVSKY, Une raction des
institutions communautaires face aux rcents scandales financiers : ladoption de la Directive relative aux
abus de march, RTD Com., 2003, n3, p. 53.
http://www.senat.fr/rap/l04-309/
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jour du traitement des Abus de march. La construction du March Unique europen
se fonde sur lharmonisation des rgles rgissant les diffrentes places financires au
sein de lUnion. Cette rgulation visant protger tant le petit investisseur assimil au
consommateur, que linvestisseur important qui jongle entre les bourses.
Cest au travers de la Directive abus de march du 23/01/200311 que les institutions
europennes ont entendu rgler le problme des abus de march. Abus de march
constitus par les dlits dinitis, mais aussi par les manipulations de march, c'est dire
au sens communautaire la fois la manipulation de cours et la diffusion de fausses
informations. Ltude, ici propose, nentend sintresser qu la manipulation de cours
et non la fausse information, mme si la frontire entre les deux peut apparatre
poreuse.
La manipulation de cours est une entrave lefficience du march, elle est difficile
cerner et dfinir et le lgislateur pourrait tre tent dinterdire par principe toute forme
de manipulation. La ralit est nanmoins plus nuance et certaines manipulations
savrent bnfiques aussi bien pour lintervenant, c'est dire loprateur qui agit
lachat ou la vente, que pour le march. Une interdiction gnrale nest donc pas
efficace, il faut admettre des exceptions.
Ces exceptions sont clairement mises en place par la Directive abus de march qui
introduit un mode de rgulation nouveau via linstauration dun safe harbor et de
pratiques de march admises. Safe harbor selon lequel lintervenant sur le march, sil
suit certaines conditions, bnficiera de lexception. Il ne sera pas pour autant
responsable dune manipulation au cas o il ne se conformerait pas au safe harbor, tant
quil peut dmontrer la lgitimit de son intervention. Pratiques de march admises selon
lesquelles le rgulateur national nonce des pratiques qui seront, sauf preuve contraire,
rputes lgitimes.
11 JOUE, 12 avril 2003, L 96/16.
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10
Ce texte communautaire devait tre transpos en droit franais avant le 12 octobre
200412. Nanmoins le concept de safe harbor dorigine anglo-saxonne droge aux modes
de rgulations traditionnels utiliss en France, o il a t transpos au travers dune
prsomption irrfragable de lgitimit qui nest pas voque par la Directive abus de
march. Ds lors de manire gnrale cette tude cherchera vrifier la ralit du safe
harbor en droit franais ?
Pour rpondre cette interrogation il y a lieu de saisir les termes du dbat en
auscultant au regard de la rglementation europenne des abus de march la notion de
safe harbor (Chapitre 1) puis dans un second temps il sagira de vrifier la conformit de
la notion lpreuve de la transposition franaise (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Le safe harbor en application de la rglementation europenne des
abus de march
Le 11 mai 1999 la Commission europenne adopte par une Communication13 le plan
daction pour les services financiers, visant rendre plus efficace llaboration de la
norme communautaire. Et, cest loccasion du Conseil europen de Lisbonne en mars
2000 puis ensuite lors du Conseil europen de Stockholm, en mars 2001, que les chefs
d'Etat ou de gouvernement ont demand que ce plan daction respecte un calendrier avec
pour objectif : lintgration des marchs financiers europen en 200514. Le plan daction
vise lachvement du march unique pour les services financiers et offrir par l mme
un niveau de scurit et defficacit identique dans tous les tats membres. Enfin,
imposer des rgles de surveillance prudentielle de niveau lev15. En effet le risque
europen dun abus de march existe bien, soit directement en cas de multi cotations,
soit indirectement de par ses effets secondaires.
12 Article 18 de la Directive abus de march. 13 Communication de la Commission n 232 du 11 mai 1999, Mise en uvre du cadre daction pour les
services financiers : plan daction. 14 Cf. pour un expos plus exhaustif les observations gnrales sous le Projet de dcision de la
Commission du 6 juin 2001 instituant le comit europen des valeurs mobilires. 15 Communication de la Commission n 232 du 11 mai 1999 prcite.
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Si la volont tait bien prsente encore fallait-il une mthode rapide dlaboration de la
norme. Cette mission a t confie A. Lamfalusy et au Comit des sages sur la
rgulation des marchs europens des valeurs mobilires institu par le Conseil europen
du 17 juillet 2000. Ce comit a rendu son rapport final en fvrier 2001, qui a t entrin
par le Conseil europen de Stockholm en mars 2001. Il a mis en place une mthode
originale16 avec des dates de mise en uvre rapproches17.
Il sagit dune mthode pragmatique, prenant en compte le dsir selon lequel la directive
doit rester gnrale et le rglement entrer dans le dtail. Plus prcisment il sagit dune
approche rglementaire quatre niveaux, dont lefficacit semble avre. Les
institutions europennes se flicitent dans divers rapports de leffet positif de ce
processus et rflchissent dj le renouveler et llargir dautres domaines18.
Cest au travers de ce processus qua t labor le concept de safe harbor, il sagit
dabord de rappeler le processus dlaboration de la norme communautaire (Section
prliminaire), pour ensuite voir quil sagit dune exception un principe (Section 1),
traduisant un mode innovant de rgulation (Section 2).
Section Prliminaire rappel quant llaboration de la norme communautaire :
le plan global daction europenne pour les services financiers
Cette section prliminaire sera exclusivement descriptive, elle a pour but de rappeler
lorigine du concept de safe harbor, replac dans llaboration de la norme
16 Cf. un rappel chronologique dans les Considrants n 3 6 de la Directive abus de march. 17 Pour mmoire on rappelle le calendrier de transposition des Directives adoptes :
- Directive abus de march 12 octobre 2004
- Directive prospectus 1er juillet 2005
- Directive Marchs dinstrument financiers 30 avril 2006
- Directive OPA 20 mai 2006
Ainsi la Directive abus de march est la premire des Directives du plan daction bnficier du processus
LAMFALUSSY. Runion dinformation presse de lAMF en date du 21 octobre 2004, Transposition de la
Directive abus de march : enjeux et impacts pour la place financire, p. 4. 18 Cf. les diffrents rapports sur le site : http://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do et la nouvelle
consultation pour dventuelle proposition damlioration du processus LAMFALUSSY, Commission
europenne, communiqu IP/04/1384 du 19 novembre 2004.
http://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.dohttp://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/04/1384&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=frhttp://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/04/1384&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr
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communautaire en matire financire et non de rentrer dans le dtail. Un bon schma
tant souvent plus efficace quun long discours le tableau suivant rsume les
dveloppements ci-aprs prsents19 :
19 Rapport n 2351 du 30 mai 2005 devant lAssemble nationale sur le Projet de Loi (n2281) portant
diverses dispositions dadaptation au droit communautaire dans le domaine des marchs financiers, R.
MALLIE, rapporteur gnral, dput.
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13
A) La norme de niveau 1 : la Directive abus de march20
Dans cette hypothse lensemble des parties intresses est amen intervenir. La
Commission, aprs consultation des comits comptents, adopte un projet de proposition
examin par le Parlement europen et le Conseil qui vont laborer une directive cadre.
Ces directives ne visent qu dcrire les principes gnraux de la rgulation ainsi qu
donner des dfinitions des concepts en jeu et elles relguent le dtail aux niveaux
suivants. Dans la matire objet de cette tude, cest la Directive abus de march qui est
la norme de niveau 1. Elle vise adopter un corps de rgles communes pour combattre
la fois les oprations dinitis et les manipulations de march 21, tout en instituant le
concept de safe harbor22.
La Directive abus de march nonce le principe dinterdiction de manipuler le cours et
les exceptions acceptables23. Elle est applicable toute personne physique ou morale en
application de larticle 5 de la directive qui ne distingue pas selon la qualit. Larticle 2-
2 prcisant logiquement que quand une personne morale est en cause, la rglementation
sapplique aussi aux personnes qui prennent la dcision pour le compte de la personne
morale.
En outre, la directive sapplique tout instrument financier rentrant dans une des
catgories ci-dessous dfinies :
Linstrument est admis la ngociation sur un march rglement dau moins un tat
membre24.
Linstrument fait lobjet dune demande dadmission la ngociation sur un march
rglement dau moins un tat membre25.
Linstrument nest pas admis sur un march rglement mais sa valeur dpend dun
instrument financier cot sur un march rglement26.
20 JOUE, 12 avril 2003, L 96/16. 21 Considrant n 12 de la Directive abus de march. 22 Article 8 de la Directive abus de march. 23 Article 1 de la Directive abus de march. 24 Article 9 de la Directive abus de march. 25 Idem. 26 Article 2,3 et 4 de la Directive abus de march.
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B) Les normes de niveau 2 : les directives et rglements dapplication
Des directives et des rglements sont pris en application des directives cadres, ils ont
pour but de fixer les modalits et les mesures dexcution. A ce niveau, seule la
Commission est invite participer. Ainsi on parle de directive ou rglement de la
Commission. Cependant les tats sont consults via leurs rgulateurs propres rassembls
au sein du comit des rgulateurs des valeurs mobilires (ci-aprs le CESR selon ses
initiales en anglais). Du reste, un Comit indpendant est consult, cest le comit
europen des valeurs mobilires (ci-aprs le CEVM). Enfin la crainte dune
rglementation purement bureaucratique est tempre par un contrle offert au
Parlement qui tout moment peut prendre des rsolutions pour sopposer si besoin tait
en dclarant que la norme relve du niveau 1 et donc ncessite son intervention.
1) Rglement n 2273/2003 de la Commission du 22 dcembre 2003 sur
les programmes de rachat et de stabilisation dinstruments financiers
Le Considrant n 1 du Rglement n 2273/200327 rappelle que larticle 8 de la
Directive abus de march offre un safe harbor aux intervenants sur le march qui ont
pour objectifs soit la stabilisation dinstruments financiers, soit la mise en place dun
programme de rachat dactions et qui remplissent certaines conditions (afin dviter
toute rptition, ces conditions seront vues et commentes par la suite Chapitre 2,
section 1, 1).
Larticle 2-3 du rglement prcit ne donne pas de dfinition des programmes de
rachat dactions, il ne procde qu un renvoi aux articles 19 24 de la Directive
77/91/CE28. La problmatique du rachat de ses propres actions par lmetteur, est une
problmatique qui relve du droit des socits. Elle se doit de rpondre un subtil
dosage entre interdiction de sauto dtenir, pour des raisons de garantie des cranciers, et
autorisation de principe, pour des raisons davantage conomique notable. Les articles
27 JOCE, n L 336, du 23 dcembre 2003. 28 Deuxime directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 dcembre 1976, JOCE n L 026 du 31/01/1977, p. 1
13. Celle-ci fait actuellement lobjet dune proposition de modification.
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15
19 et 24, dont il a t fait rfrence, ci-dessus sont issus dune directive qui avait pour
objectif dharmoniser au sein de lUnion europenne les garanties offertes par les
socits anonymes leurs cranciers. Ici la problmatique est quelque peu diffrente
puisquil sagit de la matire boursire. La problmatique se situe ente le fait que le
rachat massif de droits sociaux en bourse peut avoir un effet vident sur le cours et
devrait donc tre prohib et la ncessit dautoriser les programmes de rachat. Cest
pourquoi le Chapitre 2 du rglement prcise les conditions que doit remplir le
programme de rachat pour tre valide et ainsi bnficier du safe harbor.
La stabilisation dinstruments financiers signifie tout achat ou offre dachat de
valeurs concernes [] ralis par des entreprises dinvestissement ou des
tablissements de crdit dans le contexte dune distribution significative de telles
valeurs, dans le seul but de soutenir leur prix sur le march pendant une dure
prdtermine en raison dune pression la vente sexerant sur elles 29. Autant un
programme de rachat naura pas obligatoirement pour effet de manipuler les cours,
autant la stabilisation ne vise qu manipuler le cours. La dfinition implique en effet
que le cours ne serait pas un niveau tel si la stabilisation ntait pas pratique.
2) Directive n 2004/72/CE de la Commission du 29 avril 2004. Directive
portant modalits dapplication de la Directive n 2003/6/CE en ce qui concerne les
pratiques de march admises
Les objectifs de cette directive de niveau 2 poursuivent la mise en uvre de la
Directive abus de march, puisquen effet, elle vise en donner les modalits
dapplication. Cependant de manire plus prcise, cette directive nonce le rgime
applicable aux pratiques de march admises. Le CESR a t amen prciser ce quil
fallait entendre par pratiques de marchs . En effet du terme anglais de practices
venait la confusion, signifiant la fois les pratiques condamnables et lactivit dite
ordinaire. En effet le CESR a par un avis invit les oprateurs faire la distinction entre
29 Article 2-7 du Rglement n2273/2003.
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16
les pratiques et lactivit dordinaire ne relevant pas de la rgulation des abus de
march30.
Dans un but minemment pragmatique, la Directive distingue entre les bonnes et les
mauvaises pratiques de march et ne rejette pas par principe toutes les pratiques de ct.
Ainsi dans son Considrant n1, la Commission fait-elle la distinction entre les pratiques
susceptibles de nuire lactivit normale du march et son intgrit et les pratiques
qui amliorent sa (le march) liquidit . Une autre preuve de ralisme du lgislateur
europen est la prise en compte dvolution rapide des pratiques pour sadapter aux
besoins des investisseurs 31. Ce qui explique en partie pourquoi la Directive sempche
de dfinir elle mme les pratiques qui doivent tre admises et laisse alors aux autorits
de chaque tat membre la libert de dcision. En effet il relve des autorits comptentes
d valuer lacceptabilit dune pratique 32.
Ceci tant prcis, une pratique avant dtre opposable par lintervenant doit dabord
tre admise. En outre avant mme de prononcer son admission lautorit comptente doit
procder lvaluation de la pratique. Larticle 2 de la Directive 2004/72/CE en son
premier alina numre sept critres cumulatifs de base prendre en compte, auxquels
peuvent sajouter des critres la discrtion de lautorit comptente.
Les sept critres sont dans lordre de larticle 2 : le degr de transparence de la pratique,
le libre jeu de loffre et de la demande, limpact de la pratique sur la liquidit du march,
la possibilit pour les intervenants de ragir la pratique, lintgrit des marchs des
autres tats membres, les enqutes pralables sur la pratique en cause et les
caractristiques structurelles du march.
Lvaluation au vu des sept critres nest pas suffisante, encore faut-il que lautorit
comptente suive une procdure spciale, tel que lnonce larticle 3 de la directive qui
fait renvoi aux dispositions de la Directive abus de march. Enfin lautorit de dcision
30 An AMP is only relevant when a particular practice appears to fall within the Directive's definition of
market manipulation and many everyday business practices would not fit within this Avis du CESR/ 03-
212c la commission. 31 Considrant n1 de la Directive n 2004/72/CE de la Commission du 29 avril 2004. 32 Considrant n4 de la Directive n 2004/72/CE de la Commission du 29 avril 2004.
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17
doit rendre publique ses dcisions et les faire connatre aussi rapidement que possible au
Comit europen des rgulateurs. Il faut en outre prciser que lautorit a une obligation
dordre didactique qui est de prciser clairement ce quil entend par cette pratique.
3) Directive n 2003/124/CE
La Directive n 2003/124/CE du 22 dcembre 200333 donne la dfinition et la manire
de procder aux publications des informations privilgies ainsi que la dfinition des
manipulations de march, elle porte modalits d'application de la Directive 2003/6/CE.
Cette directive concerne la dfinition de linformation privilgie, mais surtout le
faisceau d'indices permettant d'identifier les pratiques constitutives d'une manipulation
de march ainsi que les signaux permettant d'identifier les manipulations consistant
recourir des procds fictifs ou toute forme de tromperie ou d'artifice.
C) La norme de niveau 3 : le rapport du CESR
Il sagit ici dun des domaines principaux dintervention du CESR, savoir que les
rgulateurs au sein du comit dlivrent des interprtations. Bien plus que la prise de
positions communes les rgulateurs doivent rellement collaborer pour obtenir une
application cohrente des normes de niveau 1 et 2 au sein de lUnion. Une norme
harmonise doit sappliquer dans tous les Etats pour quil ne suffise pas de franchir
une frontire pour y chapper 34.
Le rapport du CESR/ 04-505b relatif aux pratiques de march admises (Accepted
Market Practices) confirme linterprtation, dans son Chapitre II, selon laquelle les
pratiques de march admises ne sont pas des safe harbor et prcise ensuite que la
dcision dun rgulateur dautoriser une pratique de march admise na deffet qu
lgard de ltat pour lequel il prend sa dcision.
33 JOCE, n L. 339 du 24 dcembre 2003, p. 70. 34 Interview de F. DEMARIGNY, secrtaire gnral du CESR, Les Petites Affiches, 21 juillet 2004, n
154, p. 4.
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18
Au Chapitre III, le CESR fournit un tableau de lecture pour procder ladmission
dune pratique de march en suivant les sept critres ncessaires mais non exhaustifs.
Au chapitre IV, le CESR nonce les pratiques quil considre comme constituant des
manipulations de march et au Chapitre V ce qui peut tre traduit par les signaux ou plus
justement les indices (signals en anglais) rvlateurs dune manipulation de march.
Il est intressant de voir quune rgulation financire commune se met en place et
quun mouvement semble poser les premires pierres dun rgulateur commun lUnion
europenne, savoir le CESR35. Le principe de lutte contre les Abus de march tant le
premier de ces exemples.
Section 1 Le safe harbor est un rgime dexception un principe
Le safe harbor est une exception un principe dinterdiction de manipuler les cours
sur le march (1). Celui qui en bnficie peut alors agir sur le march, il ne risque pas
pour autant la condamnation puisquelle est juge lgitime (2).
1 Le principe dinterdiction
Linterdiction est de manipuler le cours (A) car cela porte atteinte lintgrit du
march , or il y a lieu de constater que par essence les interventions dun metteur sur
ses propres titres sont fortement susceptibles dinterfrer sur le libre jeu de loffre et de
la demande (B).
A) Linterdiction de manipuler le cours
35 G. RAMEIX, Les risques de rgulation, Vers une culture de rgulation financire commune, Presses de
sciences po. et Dalloz, p. 119.
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19
Linterdiction ncessite de dfinir ce quil faut comprendre par manipulation puis
saisir comment celles-ci sont caractrises.
1) La manipulation de cours
La Directive abus de march dfinit la manipulation de march par ses effets, ce qui a
pour avantage de laisser une marge dapprciation notable. Une dfinition trop stricte
aurait pour risque de ne pas tre exhaustive et ainsi ne pas englober lensemble des
situations possibles.
Larticle 1-2-a) de la Directive abus de march envisage les oprations qui dune part
donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur loffre,
la demande ou le cours dun instrument financier ou qui dautre part fixent le cours
dun ou plusieurs instruments financiers un niveau anormal ou artificiel (
savoir le price positionning anglo-saxon) par laction dune ou plusieurs personnes
agissant de manire concerte.
Larticle 1-2-b) de la Directive abus de march nonce une infraction purement
matrielle qui consiste effectuer des oprations ou (d)mettre des ordres qui
recourent des procds fictifs ou toute autre forme de tromperie ou dartifice .
La Directive dfend ici un impratif de moralit, en effet il est dusage de dire que la
fraude corrompt tout et il ne serait pas acceptable que lintervenant puisse user de
procds artificiels.
Un auteur y voit un effet redondant, larticle 1-2-a) tant daprs lui suffisant pour
englober lensemble des manipulations 36. Cet opinion est nanmoins critiquable, le b)
est utile et marqu dune spcificit. Lintervenant a la possibilit dapporter la preuve
de la lgitimit de son intervention pour justifier la manipulation laquelle il procde, or
cette preuve nest recevable qua lgard du a) et non lgard du b), dont le caractre
36 M. TOMASI, Vers un renouveau de la lutte contre les manipulations de cours : lapport de la Directive
abus de march, Mlanges AEDBF France IV, p. 448.
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fictif supprime toute possibilit de justification. La qualification peut alors tre
importante et changer la dfense de lintervenant.
Finalement ces dfinitions visent assurer lefficience des marchs, mais
lidentification des manipulations restant complexe la Directive y a suppl.
2) Lidentification des manipulations
Il est patent quil y a une vraie difficult identifier les manipulations 37, cependant la
Directive abus de march et la Directive n 2003/124 donnent un ensemble de signaux
qui permettent au rgulateur de mettre en exergue plus aisment les manipulations de
march. Plus prcisment il sagit de trois exemples de manipulations ralisables et de
nombreux signaux.
a) Les trois exemples de la Directive abus de march
Larticle 1-2-c nonce successivement trois exemples tendant illustrer ce que le
droit communautaire entend par une manipulation de march. Le troisime exemple ne
concerne pas directement le sujet trait et relve plus particulirement du manquement
relatif la fausse information. Ces exemples sont non-exhaustifs, la manipulation
pouvant prendre de nombreuses formes.
Cest le cas o une personne ou plusieurs personnes agissant de manire concerte
s'assurent une position dominante sur l'offre ou la demande d'un instrument financier,
avec pour effet la fixation directe ou indirecte des prix d'achat ou des prix de vente ou la
cration d'autres conditions de transactions inquitables.
Cest la situation dans laquelle lintervenant achte ou vend des instruments
financiers au moment de la clture du march, avec pour effet d'induire en erreur les
investisseurs agissant sur la base des cours de clture .
37 M. TOMASI, Vers un renouveau de la lutte contre les manipulations de cours : lapport de la Directive
abus de march, Mlanges AEDBF France IV, p. 443.
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b) Les signes prendre en compte lors de lexamen dune opration
A loccasion de tout type dopration le rgulateur est inviter prendre en compte sept
signaux. Ils sont numrs par la Directive n 2003/12438, ils permettent de dterminer le
caractre abusif dune intervention sur le march sans pour autant caractriser en soi la
manipulation de cours. Ici encore la liste est non limitative et le rgulateur qui procde
une vrification est libre de prendre en compte tous autres lments qui seraient relevant.
Lopration en question reprsente une proportion importante du volume quotidien et
par l mme pourrait entraner une variation sensible du cours.
Lopration effectue par une position longue ou courte significative influe de faon
sensible sur le cours.
Lopration nentrane aucun changement de propritaire.
Lopration est effectue lors de la dtermination du cours de rfrence et entrane une
variation du cours.
Lopration se traduit par des renversements de position et concernant un volume
dinstruments important.
Des ordres sont mis et modifie le carnet dordre puis sont annuls avant excution.
Un nombre doprations est concentr dans une courte priode et entrane une
variation de cours qui sinverse par la suite.
A loccasion de mise en place de procds fictifs par lintervenant, le rgulateur est
invit porter son attention sur les signaux suivants qui sont indiqus par la Directive
abus de march :
Les oprations effectues par une personne ont t prcdes ou suivies de la diffusion
par la mme personne dinformations fausses ou trompeuses.
Lopration survient avant ou aprs la diffusion de travaux de recherche dont la
vracit a t elle mme manipule.
38 Article 4 de la directive 2003/124/CE du 22 dcembre 2003
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Linterdiction est donc explicitement dfinie et sous tendue par des exemples et
signaux prcis. Il faut ajouter que la Directive abus de march ajoute un prsuppos, qui
est que les actions sur instruments financiers propres sont fortement susceptibles de
causer une manipulation de cours.
B) Le prsuppos : les oprations sur instruments financiers propres sont
susceptibles de causer des manipulations de cours39
Lintervention par un metteur sur ses propres actions peut avoir un effet sur la
formation des cours et risquer de porter atteinte au cours de bourse.
1) La formation des cours
Il rsulte de la confrontation constante ou rgulire des ordres dachat ou de vente une
valorisation de linstrument financier en cause. En thorie, nombre dinformations sont
la disposition des investisseurs, ces derniers tirant de celles-ci des prvisions de
lorientation du cours pour se dcider. Le prix dun instrument financier est donc le
reflet dinformations relatives au sujet desquelles elles se rapportent. Ce nest rien
dautre que ce qunonce le Considrant n1 de la Directive 2003/124/CE : Les
investisseurs raisonnables fondent leurs dcisions d'investissement sur les
informations dont ils disposent dj . Lanticipation que chaque investisseur ralise
va donc orienter la valorisation de linstrument financier avec un ala selon lequel
linstrument va soit sapprcier soit se dprcier.
Le caractre raisonnable des intervenants peut certaines occasions paratre
thorique, en effet le mythe de Panurge semble pouvoir sappliquer aux marchs
financiers. La manipulation de cours ne serait pas une ralit si les investisseurs taient
si raisonnables, car elle joue sur leffet dimitation et non lobtention dune information
certaine. Loprateur surveille les signes dorientation des cours et le moindre
mouvement mme infond peut se transformer en rajustement de sa part. Est-ce dire
39 H. de VAUPLANE et J-J. DAIGRE, commentaire de la dcision AMF du 16 septembre 2005, Banque
et Droit n 105, janvier fvrier 2006.
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que la protection des cours nest finalement pas ncessaire ? Non, la recherche constante
dun march efficient ncessite cette protection40.
Linformation joue donc un rle essentiel dans la dtermination des cours et cest pour
cela que celle ci doit tre vridique. Le Considrant n 15 de la Directive abus de march
dispose qu une transparence intgrale et adquate du march, qui est un pralable
indispensable aux oprations pour tous les acteurs conomiques intervenant sur des
marchs financiers intgrs . La transparence autorisant lanticipation permet la
spculation. Cest pourquoi la Directive abus de march se fait une obligation dassurer
cette transparence. Cette disposition permettant de protger le march en garantissant la
pleine confiance des investisseurs dans ce dernier41. Enfin, lmetteur tant le principal
fournisseur dinformations au march, son intervention peut porter atteinte au march
2) Latteinte au march
Il sagit de comprendre cet intitul sous deux angles. Le premier est une acception
concurrentielle des marchs, la manipulation de cours tant une atteinte loffre et la
demande42 (cette question sera approfondie par la suite). Le second consiste expliciter
le prsuppos nonc ci-avant : les oprations sur ses propres titres sont susceptibles de
porter atteinte au march.
Qui mieux que la socit elle mme connat le cours de ses actions ? Elle surveille au
jour le jour lvolution de ses cours, elle bnficie dinformations propres avoir une
influence sur le cours et elle peut mme en partie connatre lactionnariat qui compose
son capital. Bnficiant naturellement dune position privilgie, son intervention sur ses
propres titres peut de facto paratre suspecte, la socit pouvant bnficier de son
avantage pour procder des rachats au prix qui avantage ses objectifs. Plus encore ses
objectifs peuvent mme tre explicitement de manipuler le cours.
40 Sur la notion defficience des marchs cf. H. de VAUPLANE et J.P. BORNET, Droit des marchs
financiers, 3me d., d. Litec, n345, p. 342. 41 Considrant n12 de la Directive abus de march. 42 M. TOMASI, Vers un renouveau de la lutte contre les manipulations de cours : lapport de la Directive
sur les abus de march, Droit bancaire et financier, Mlanges AEDBF, IV, 2004, p 441.
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Le cours est un reflet de la sant financire de la socit, cest pourquoi cette dernire
peut tre tent de maquiller ses atours. En outre, cette connaissance exhaustive peut tre
mise profit pour raliser de substantielles plus value sur lachat revente de ses propres
titres.
Ces risques sont donc prsents, mais pourtant il ne faut pas interdire tous les rachats, et
accepter ceux qui apparaissent lgitimes.
2 Lexception : la lgitimit dune pratique
Au prsuppos, une exception est admise. En effet lintervenant reste libre de
dmontrer que son intervention est lgitime (A). En effet larticle 1-2-a) de la Directive
abus de march nonce que lintervenant effectuant certaines oprations tombera sous la
qualification de manipulation de cours moins que la personne ayant effectu les
oprations ou mis les ordres tablisse que les raisons qui lont pousse le faire sont
lgitimes et que ces oprations ou ces ordres sont conformes aux pratiques de march
admises sur le march rglement concern . Lintervenant est nanmoins aid dans
sa dmonstration par llaboration de pratiques de march admises par les
rgulateurs nationaux (B). En outre, lexception ne paraissant pas suffisante elle a t
complte par larticle 8 de la Directive abus de march qui institue un safe harbor (C)
dans le cadre duquel la lgitimit de lopration naura mme pas tre tablie si
lintervenant remplit les conditions ncessaires.
A) Lintervention est lgitime
Le caractre lgitime signifie que lintervention sur le march est digne dtre prise
en considration, non seulement comme conforme aux exigences de la lgalit ou aux
rgles de droit, mais comme fonde sur des donnes tenues pour normales relativement
un certain niveau moral et social 43. Mais dfinir plus prcisment la notion de
lgitimit nest pas ais il est possible de dire que la lgitimit est la qualit de ce qui
43 G. CORNU, Vocabulaire juridique, d PUF.
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est consacr par la loi 44. Est ce tout ? Non, il semblerait que ce terme signifie plus
prcisment en droit communautaire la conformit de la pratique de march des
oprations juges bnfiques ltablissement dun march concurrentiel de services
financiers45. Dans une conomie dite librale et de libre concurrence la pratique lgitime
sera celle qui vise ou linstauration dune plus grande concurrence ou le dveloppement
conomique46. Le fait quune manipulation soit considre comme lgitime nest pas
nouveau, ainsi le droit franais admet depuis longtemps que lobjectif de rgularisation
des cours de bourse peut tre profitable47.
Il sagit ici dtre pragmatique avant tout. Pourquoi par principe interdire une
opration qui par ailleurs sous certains angles et dans certains cas peut tre bnfique
lensemble des acteurs ? Linterdiction vise la protection des acteurs du march, mais
ces acteurs ne requirent aucune protection ds lors que lopration leur sera
gnralement favorable. Peuvent ainsi tre favorable au march : lamlioration de la
liquidit, qui permet de faire ressortir la profondeur du march et la vivacit dun titre,
ou encore la possibilit pour la socit de procder une croissance externe par change
de titres, qui va valoriser les titres et permettre le regroupement dentreprises,
La lgitimit ne doit pas pour autant tre dtourne de sa finalit. Le recours une
pratique de march admise ou au safe harbor ne doit en tout tat de cause pas constituer
un abus de droit48. En effet il est interdit de dguiser des oprations frauduleuses sous
lapparence dune intervention lgitime.
Une question dinterprtation demeure. La Directive abus de march en son article 1-
2-a) nonce ainsi que lintervenant peut apporter la preuve que les raisons qui lont
pouss le faire sont lgitimes et que ces oprations ou ces ordres sont conformes aux
pratiques de march admises sur le march rglement concern . La conjonction de
coordination et semble mal venue, elle restreint alors considrablement le champ des
44 Le droit de A Z, Dictionnaire juridique pratique, Editions juridiques europennes, 3me dition 1998, p.
358. 45 Cette dfinition se rapproche de celle de saint Thomas dAquin qui voit dans la lgitimit ce qui est
susceptible dapporter le bien tous. cf.http://www.ledroitpublic.com/droit_constitutionnel/legitimite.php. 46 Considrants n 12 et 33 de la Directive abus de march. 47 Article 217-2 de la Loi du 24 juillet 1966, devenu article L 225-209 du Code de commerce. 48 Considrant n 20 de la Directive abus de march.
http://www.ledroitpublic.com/droit_constitutionnel/legitimite.php
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possibles. Dune part, elle impose lintervenant de prouver la lgitimit et encore, que
sil se situe dj dans le cadre dune pratique de march admise. Dautre part, il exclut
toute innovation tant que celle-ci ne serait pas reconnue par le rgulateur.
Il y a lieu desprer quil ne sagit l que dune erreur rdactionnelle, car sinon le
principe mme de safe harbor serait vid de son sens. En effet, la souplesse qui le
caractrise est en partie du au fait que lintervenant mme sil sort des conditions nen
est pas pour autant responsable per se dune manipulation de cours. A suivre la directive,
il appartient lintervenant de prouver la lgitimit de son intervention et il y aurait une
quasi prsomption dillgitimit ne pas se plier au safe harbor ou une pratique de
march admise49. C'est dire par un raisonnement a contrario dduire quun programme
dont la finalit est diffrente de celle prvue, constitue de fait une manipulation de
cours50. En outre, ce et soppose la Directive 2004/72/CE qui invite en son article
2-2 ce que les pratiques de march [] ne soient pas considres comme
inacceptables par lautorit comptente du simple fait quelles nont pas encore t
formellement reconnues sur le march . Ceci explique pourquoi des rgulateurs,
comme lAMF, ont suivi cette deuxime interprtation et autorise dans tous les cas un
intervenant prouver la lgitimit de son intervention51.
B) Lintervention relve dune pratique de march admise
Les activits dun intervenant nont pas par principe de caractre abusif si ces
oprations ou ces ordres sont conformes aux pratiques de march admises sur le
march rglement concern .
1) les pratiques de march admises
Les pratiques de march admises sont des pratiques qui sans autres prcisions seraient
susceptibles de relever des manipulations de cours et tre sanctionnes ce titre.
49 Article 1-2-a) de la Directive abus de march. 50 S. TORCK, Le rachat dactions aux fins de gestion financire du capital sous linfluence du droit
communautaire, Bull. Joly bourse, 01 fvrier 2005, n 2 p. 112. 51 Document interprtatif de lAMF, La mise en uvre du nouveau rgime de rachat dactions propres,
publi dans la Revue AMF de mars 2005, n 12 p. 83 et consultable sur le site de lAMF.
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Cependant les institutions communautaires ont permis que des pratiques soient
officiellement acceptes par le rgulateur de chaque tat.
Finalement ladmission dune pratique de march nest que la conscration dune
lgitimit reconnue suivant un consensus partag. En effet, le rgulateur, qui admet une
pratique, aura dans les faits entendu les acteurs des marchs financiers et cette pratique
est bnfique tant lattrait du march qu son efficience.
2) un mini safe harbor ?
Cet intitul de mini safe harbor peut paratre tonnant premire vue, mais pourtant
justifi. Le safe harbor, en droit communautaire et amricain a pour originalit de laisser
son bnficiaire avoir ventuellement recours une autre pratique sans pour autant que
celle-ci soit juge illgitime per se. Or la Directive 2004/72/CE en voulant favoriser
lmergence de nouvelles pratiques susceptibles dtre admise nonce en son article 2-2
que les pratiques de march [] ne soient pas considres comme inacceptables par
lautorit comptente du simple fait quelles nont pas encore t formellement
reconnues sur le march . Ds lors loriginalit de cette rgulation, laissant place
linnovation, est assure par les pratiques de march admises.
Mais le safe harbor restera mini . Le second effet au regard du safe harbor est une
protection absolue selon laquelle lintervenant ne peut voir sa responsabilit engage. Or
les pratiques de march admises tablissent une protection qui peut tre renvers par le
rgulateur qui tablirait lillgitimit de lopration.
Cette remarque tend souligner que le lgislateur communautaire entend laisser la
porte ouverte limagination et la crativit des oprateurs, sans pour autant leur
octroyer une dfense absolue.
C) Lintervention lgitime par le safe harbor
1) Le safe harbor au sens communautaire
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Le Considrant n 33 de la Directive abus de march nonce que des raisons
conomiques peuvent justifier le recours par un metteur au rachat de ses propres
actions, elles ne devraient donc pas tre assimiles, en tant que telles, des abus de
march .
Les notions de rachat dactions et de stabilisation ont t dfinies ci-avant, il ne sagit
pas de revenir dessus, mais il sagit de comprendre pourquoi ces deux oprations
peuvent bnficier de la protection du safe harbor ?
Les socits cotes recourent frquemment la mise en place de programme de rachat
dactions pour des buts divers. La rglementation europenne en retient deux types dans
le cadre du safe harbor52. Il sagit :
Du rachat ayant pour objectif de procder une rduction de capital.
Du rachat ayant pour but dhonorer des obligations lies des titres de crance
convertibles en titre de proprit ou la distribution dactions aux salaris.
A lexemple des Etats-Unis, les lgislateurs europens ont admis la possibilit pour les
socits de procder au rachat de leurs actions propres53. Les raisons sont nombreuses, le
rachat peut tre ncessaire en cas de rduction de capital non motiv par des pertes, ou
pour faire grimper le ratio du bnfice net par action. Le rachat risque alors de faire
grimper le cours de bourse, ce qui peut permettre de stabiliser lactionnariat ou encore
servir de lutte anti-OPA54.
La stabilit est par essence rassurante et linstabilit cause dangoisse. Cependant,
linstabilit ne doit pas se confondre avec la variabilit. Que le cours dune action soit
variable est lessence mme du march, mais le risque est rel que lors dune mission
de titres les fluctuations soient grandes. La sensibilit du cours ce moment peut
ncessiter le recours par lmetteur la stabilisation afin dassurer un bon droulement
52 Considrant n 5 du Rglement n 2273/2003 de la Commission du 22 dcembre 2003 sur les
programmes de rachat et de stabilisation dinstruments financiers 53 Cf. en France, le rapport Esambert la COB en janvier 1998, Le rachat par les socits de leurs propres
actions. 54 P. MERLE, Droit commercial, Socits commerciales, Prcis Dalloz, 9me d., n 279, p. 321.
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de lmission et que celle-ci soit un succs55. Cest pourquoi le seul objectif de la
stabilisation doit tre de soutenir le prix dune mission de valeurs mobilires.
Pour autant, il nest pas discutable quen soi la stabilisation est une manipulation de
cours, puisque tel est son but. Lexistence mme du march boursier nen est pas moins
conditionne par lopportunit pour les metteurs de pratiquer des missions de titres
lors de lintroduction sur le march ou lors dune augmentation de capital. Un vritable
risque existe tout de mme cest pourquoi il faut que la stabilisation soit limite dans le
temps. Ces limites sont56 :
Lors dune introduction en bourse, la stabilisation ne peut perdurer au del de 30 jours
aprs de la mise en ngociation des instruments financiers sur le march secondaire.
Lors dune offre secondaire, cest encore un dlai de 30 jours, compter de la date
dallocation des instruments financier, qui met fin toutes interventions par lmetteur
sur les valeurs concernes.
Enfin lmetteur doit se soumettre des obligations dinformation du march pour
rendre compte de lactivit gnre par ses interventions.
2) Une protection absolue
Hors le cas de la fraude, lintervenant qui respecte les conditions de mise en uvre est
assur de ne pas voir sa responsabilit engager au titre dune manipulation de cours. La
rglementation ce sujet ne lui est pas applicable. Cela ne signifie pas pour autant que
lintervenant ne peut pas se rendre coupable dautres faits dlictueux.
Cette protection est trs forte et explique pourquoi les conditions de mise en uvre sont
strictes. Pour autant ntant pas en principe un rgime obligatoire, il faut voir dans cette
protection une invitation aux intervenants y adhrer. Le respect de la libre volont des
oprateurs semble tre la meilleure faon de les inviter une forme dauto rgulation.
55 H. de VAUPLANE et J.P. BORNET, Droit des marchs financiers, 3me d., Litec, n1059. 56 Article 8 du Rglement 2273/2003/CE.
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Le safe harbor savre donc tre une exception un principe. Il est cependant plus
quune exception, puisquil laisse libre loprateur de sy conformer. Cest un nouveau
mode de rgulation qui apparat ici.
Section 2 Le safe harbor est un mode de rgulation innovant
Le safe harbor nest pas une invention de la Commission europenne ce concept
juridique tait dj utilis en droit amricain (1), et dot de nombreux avantages,
lUnion Europenne en a fait son moyen dextraire certaines pratiques qui en principe
auraient du relever de la manipulation de cours (2).
1 Un concept original dorigine amricaine
Le concept de safe harbor nest pas nouveau, il trouve son origine aux Etats-Unis o il
tait dj utilis en matire financire57. Il repose fondamentalement sur la volont des
intervenants (A) et doit rpondre une mise en uvre prcise (B).
A) Le safe harbor bas sur la volont des intervenants
Les intervenants sur le march financier amricain auront recours au safe harbor si ils
recherchent un refuge et un guide.
1) Le safe harbor un refuge
Le Safe Harbor est une notion qui prend sa source dans le droit amricain et plus
particulirement dans le droit financier. Ltude de la notion sous cet angle se rvle
intressante car le systme communautaire sen inspire beaucoup. La notion est traduite
57 Dans le cadre du 1934 Act, Senat Report, n 1455, 73rd, congress, 2nd session, 81, 1934.
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par certains comme la rgle refuge 58, cette traduction trs littrale nen est pas moins
vraie et permet denvisager pleinement le concept qui est dfini juridiquement en anglais
comme A provision (as in a statute or regulation) that affords protection from liability
or penalty 59. Dautres auteurs le traduisent comme la rgle protection 60 car, en
effet, il sagit galement dune forme dimmunit61 contre les poursuites en
responsabilit. Inconnu jusqualors par nos institutions, le droit communautaire la
introduit au travers de la Directive abus de march afin de proposer une forme de
rgulation apparemment plus souple et pragmatique.
Il faut souligner que par principe le safe harbor nest, en droit amricain, pas impratif,
ds lors une personne qui ne remplirait pas toutes les conditions pour bnficier du
refuge ne commettrait pas par la mme une manipulation de march.
Cette notion est expressment mise en exergue dans le Securities Exchange Act 1934,
propos des manipulations de march dans la Rule 10b-1862, plus particulirement
propos du rachat par une entreprise de ses propres actions63.
2) Le safe harbor : un guide
a) Libre volont des intervenants dy recourir
Au mme titre que lon peut dcider de partir en randonne avec un guide qui vous
assure de vous emmener destination sans problme, on peut aussi faire le choix de se
passer de lui, mais alors on ne bnficie plus de son assurance. Appliqu au march
financier leffet de la Rule 10b-18, intitul Purchases of Certain Equity Securities by
the Issuer and Others , est le mme. Il offre lmetteur qui sy conforme, un safe
58 A. FELIX, La transposition par lAMF de la Directive abus de march en matire de rachat dactions :
que reste-t-il du safe harbor, Revue de Droit bancaire et financier, sept oct. 2005, p.51. 59 Blacks Law Dictionary, 8me edition, Thomson West. 60 F. DANGEARD, Le droit financier amricain : droit et pratique des marchs financiers aux Etats-Unis,
d. Feduci, 1990. 61 Cause dimpunit qui tenant la situation particulire de linfraction au moment o il commet celle-ci,
soppose dfinitivement toute poursuite , G. CORNU, Vocabulaire juridique, d PUF. 62 Release n 34-19244, 17 novembre 1982. 63 Preliminary notes to Rule 240.10b-18.
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harbor ayant pour consquence que celui-ci ne peut tre condamn au titre dune
manipulation64.
b) Limites
Le safe harbor amricain est encadr par des limites qui ne se retrouve pas dans la
mise en uvre communautaire. La protection offerte par le safe harbor amricain nest
pas absolue, la diffrence de du safe harbor communautaire. En effet si lintention
formelle de lintervenant est duser des conditions uniquement pour chapper la
condamnation au regard de la manipulation de cours, alors le bnfice de cette protection
ne lui sera pas accord sans mme quune fraude nait tre prouver. Ensuite, il faut
signaler que le champs dapplication est restreint aux actions ordinaires et ne stend pas
aux actions de prfrence alors que les actions de prfrence sont viss par le dispositif
europen. Enfin le safe harbor ne bnficie pas au rachat dans le but de couvrir les plans
dactionnariat des salaris, ce qui en revanche est admis par lAutorit des Marchs
Financiers (ci-aprs lAMF) comme une pratique de march.
B) Mise en uvre du safe harbor amricain
Pour bnficier du safe harbor encore faut-il que lintervenant se soumette certaines
conditions et respecte des obligations dinformation.
1) Conditions de mise en oeuvre
La section b. de la Rule 10b-18 nonce quatre conditions qui sont relatives la
personne, lpoque des achats, au prix de lachat et aux volumes dachat. Conditions
qui se retrouvent dans le dispositif europen de manire plus ou moins marqu.
a) Manner of purchase condition
64 Rule 10b-18 provides an issuer with safe harbor from liability for manipulation , Preliminary
Notes to Rule 240.10b-18.
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Le rachat de ses propres actions ne peut pas tre effectu par nimporte qui, ainsi
lintervenant ne doit recourir au service que dun seul broker or dealer quivalent du
prestataire de services dinvestissement en droit franais 65.
Cette condition a pour but de faciliter lanalyse de la mise en uvre des autres
conditions. Il est plus facile de surveiller les activits dun intervenant sil na recours
qu un seul intermdiaire, plutt quil ne brouille les pistes en dmultipliant les
intermdiaires et les degrs dintermdiation. Du reste cet intermdiaire, encourant lui
mme un risque de mise en responsabilit, simposera les limites quil ne doit pas
dpasser pour ne pas sortir du bnfice du safe harbor.
b) Timing condition
Cette condition66 relative au temps permet de contrer une des principales
manipulations. Il sagit en fait de restrictions quant aux heures dintervention sur le
march. Ainsi de faon succincte, lintervenant doit sabstenir dagir de faon fixer le
cours douverture et il doit suspendre ses activits 30 minutes avant la clture des
cotations.
Par cette condition, la SEC sassure que ce nest pas lintervenant qui fait les cours
douverture et de clture, qui sont des cours de rfrence. Cours de rfrence largement
pris en compte tant par les analystes financiers que par le boursicoteur occasionnel. Le
risque de manipulation du cours est donc, par cette condition, largement rduit.
c) Price condition
Cette condition67 essentielle est extrmement importante et dune simplicit
dconcertante. Les ordres de rachat ne doivent pas excder le prix propos par un autre
acteur du march de lintervenant en faisant rfrence la dernire transaction
indpendante effectue68.
65 Rule 10b-18, b, 1 et pour le droit franais article L 531-1 du Code montaire et financier. 66 Rule 10b-18, b, 2. 67 Rule 10b-18, b, 3. 68 The last independent transaction price , Rule 10b-18, b, 3.
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Sauf fraude, le rgulateur sassure que les transactions se ralisent au prix du march et
non au prix dsir par lintervenant, lefficience du march est ainsi protge dun
objectif manipulatif. La seule limite est alors que le prix de rfrence ne soit pas
rellement indpendant.
d) Volume condition
La condition de volume instaure une limite selon laquelle lensemble des interventions
ne doit pas dpasser 25 % de la moyenne quotidienne des transactions au cours des
quatre semaines prcdentes. Ensuite il faut souligner que pendant longtemps le safe
harbor ne bnficiait pas la ngociation de bloc, savoir les block trades 69, mais
une rforme rcente a supprim cette disposition et lachat de bloc doit respecter
lensemble des conditions prcites70.
2) Information : la disclosure
Au del de la mise en uvre des conditions techniques, une condition formelle est
ncessaire, cest la rvlation de tout lment important, c'est dire lobligation de
disclosure. La traduction qui respecte plus ce terme serait la transparence qui est un
des leitmotive de la Directive abus de march, cest dire que les diffrents intervenants
ont la possibilit de connatre de manire exhaustive ltat financier de la socit et
lensemble des oprations qui peuvent affecter cet tat. Cette obligation consiste dans la
rvlation de tout lment qui pourrait avoir une influence notable sur les cours71.
69 A savoir lacquisition de plus de 200 000$, ou de plus de 50 000$ et 5 000 actions (Rule 10b-18, a, 5) et
V. F. DANGEARD, Le droit financier amricain : droit et pratique des marchs financiers aux Etats-
Unis, d. Feduci, 1990, p.85. 70 Securities and Exchange Commission, 17 CFR Parts 228, 229, 240, 249, 270, and 274, [Release Nos.
33-8335; 34-48766; IC-26252; File No. S7-50-02], Purchases of Certain Equity Securities by the Issuer
and Others. 71 Disclosure of all material terms and conditions: revealing everything important, with a substantial
likelihood, to which an investor would attach importance in determining whether to purchase, Cours de
3me anne du Magistre DJCE de droit financier amricain, dispens par N. MARCHAND.
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La rgulation amricaine en fait un outil de bonne gouvernance des entreprises, qui
volontairement adhreront celui-ci et volontairement se plieront aux conditions strictes
daccs au bnfice du safe harbor, car cette rgulation est avantageuse.
2 Un mode de rgulation avantageux repris par le droit communautaire
Les raisons pour lesquelles ce mode de rgulation a t repris par les instances
communautaires tiennent principalement aux avantages considrables du safe harbor.
Ces avantages ont t particulirement mis en valeur par un auteur72, il sagira de
sappuyer sur son tude en la compltant et la rorganisant.
A) Une rglementation plus souple et adapte pour le rgulateur
Du point de vue du rgulateur, les avantages de ce mode de rgulation sont
consquents et le safe harbor apprciable par sa souplesse.
Tout dabord, le rgulateur en charge de la lutte contre les manipulations pourra se
contenter de vrifier que les conditions du safe harbor sont biens remplis et il ne sera
plus tenu de procder un examen individuel fastidieux et coteux. Ensuite, au cas o il
voudrait faire application de la rglementation sur les manipulations de march, il ne
sera pas enferm dans une dfinition forcment trop restrictive de linfraction. En
revanche le rgulateur est tenu de deux obligations, dune part, rester en harmonie avec
les autres rgulateurs europens et dautre part, jouer un rle didactique en expliquant
clairement comment il entend mettre en uvre le safe harbor.
B) Un outil pour le lgislateur
Le lgislateur europen et national doit remplir deux objectifs, savoir en premier lieu
assurer aux oprateurs une rgulation claire et efficace et en second lieu que sa
rglementation soit concurrentielle. En scurisant les transactions via le safe harbor, le
72 A. FELIX, La transposition par lAMF de la Directive abus de march en matire de rachat dactions :
que reste-t-il du safe harbor, Revue de Droit bancaire et financier sept oct. 2005, p. 52.
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lgislateur offre une meilleure attractivit ses places financires. Objectif de scurit
qui est atteint par linstauration de conditions prcises.
En outre, en compltant le safe harbor par des pratiques de march admises le
lgislateur europen assure une trs grande souplesse. En effet le lgislateur national qui
constate une distorsion a alors la possibilit de procurer une rponse rapide et approprie
son march, soit en ajoutant, soit en largissant le champ des pratiques de march
admises. Du reste, ni le lgislateur ni le juge ne seront pas entravs par une dfinition
trop restrictive, qui empcherait une vritable marge dapprciation.
C) Une meilleure scurit pour lintervenant
Du point de vue de lmetteur agissant sur le march deux avantages sont relever. En
premier lieu, le safe harbor ne fige pas la situation des oprations que peut exercer
lmetteur. En effet, au mme titre quen droit amricain et en application du
Considrant n 2 du Rglement europen n 2273/2003, lmetteur qui agit en dehors
des conditions du safe harbor nen est pas pour autant derechef responsable dune
manipulation de cours. Comme le souligne A. FELIX le safe harbor confre un droit
que tout metteur peut, par dfinition, choisir de ne pas exercer 73. Labsence de
caractre impratif est le principal avantage de ce type de rgulation qui assure un
niveau lev de scurit pour les intervenants sur le march et suffisamment de
souplesse pour les metteurs.
En second lieu, le safe harbor est un facteur de scurit juridique grandement
recherch par les acteurs conomiques. En effet, la personne qui accepte de se plier aux
conditions requises est assure de ne pas encourir de responsabilit au titre de la
manipulation de march. Le chemin est balis et il mne bon port mais ne pas
lemprunter ne signifie pas que lon tombera de Charybde en Sylla.
73 A. FELIX, La transposition par lAMF de la Directive abus de march en matire de rachat dactions :
que reste-t-il du safe harbor, Revue de Droit bancaire et financier sept oct. 2005, p. 52.
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Innovant ! Lgitime ! Voil des qualificatifs apprciables, lis la notion de safe
harbor tel qulabor par le droit communautaire. Cest une rgulation positive qui
claire sur ce que peut faire lintervenant et non comme usuellement en nonant ce qui
ne peut pas tre fait. Cependant, si la transposition dans un tat membre ne devrait pas
thoriquement poser de problme, il y a un vritable dfi dans larticulation entre
rgulation europenne et rgulation nationale , ds lors que diffrents niveaux sont
invits intervenir74. La question est alors de savoir si la transposition franaise na pas
ni le caractre original du safe harbor ?
Chapitre 2 : Le safe harbor lpreuve de la transposition franaise
Les Etats membres taient tenus de transposer la Directive abus de march avant le 12
octobre 2004, la France a us de la voie rglementaire75 et lgislative76 pour y procder.
La rglementation en matire de manipulation de cours est relativement ancienne
(Section prliminaire), nanmoins le principe de safe harbor est bien nouveau. Or,
comme tout concept nouveau impos par une norme suprieure, la question est de savoir
si la France par sa transposition na pas enlev tout effet au safe harbor ? Pour y
rpondre deux angles dattaque sont envisageables. Dune part, il faut vrifier que la
transposition ne vide pas de son sens le safe harbor (Section 1), dautre part il faut
constater que le safe harbor offre une nouvelle apprhension de la manipulation de cours
(Section 2).
74 J. P. JOUYET, Les risques de rgulation, Articulation ou dsarticulation des rgulations ?, Presses de
sciences po et Dalloz, p. 120. 75 Cf. Rglement gnral de l'AMF. 76 Cf. Loi n 2005-842 du 26 juillet 2005, Journal Officiel du 27 juillet 2005
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Section prliminaire rappel du traitement des manipulations de cours en droit
franais
Il sagit ici de faire un bref rappel historique de la manipulation de cours en droit
franais (1) pour envisager la rponse actuelle qui repose sur un double rgime
rpressif (2).
1 Historique de la Manipulation de cours77
La manipulation de cours est depuis longtemps sanctionne en France par les anciens
articles 419 422 du code pnal. Plus particulirement larticle 419 ne visait que
lagiotage et non le dlit boursier78. La rforme tait donc ncessaire, la premire est
issue de la Loi du 3 dcembre 1926. Elle est qualifie d anctre lgislatif commun du
droit de la concurrence moderne et du dlit actuel 79 car par un article 419-2 elle
incriminait les manuvres frauduleuses . Cependant des manques et oublis de cette
rglementation apparaissent et appellent encore une nouvelle rforme. Rforme
dautant plus pressante que larticle 419-2 a t abrog par lordonnance sur les prix du
1er dcembre 1986, sans tre remplac. Mais ce nest que pour mieux renatre de ses
cendres peines refroidies ! Puisquen 198880, le dlit de manipulation de cours devient
une infraction propre au droit boursier avec larticle L 465-2 du Code montaire et
financier.
Dun point de vu administratif cest le Rglement de la Commission des oprations de
bourse (ci-aprs la COB) n 90-04 relatif ltablissement de cours (notamment son
article 3) qui rgissait cette matire. Cependant, des problmes dimprcision
mergeaient car le Rglement ne visait que le rsultat et non la manipulation elle mme.
Un certain degr dimprcision est certes ncessaire pour englober tout type de
manipulation, mais un risque pour la scurit juridique tait prsent.
77 H. de VAUPLANE et O. SIMART, La notion de manipulation de cours et ses fondements en France et
aux USA, Revue droit bancaire, n 56 juillet - aot 1996. 78 H. de VAUPLANE et J.P. BORNET, Droit des marchs financiers, 3me d., d Litec, n 1044. 79 M. TOMASI, Vers un renouveau de la lutte contre les manipulations de cours : lapport de la Directive
abus de march, Mlanges AEDBF France IV, p. 444. 80 Loi n 88-70 du 22 janvier 1988 sur les valeurs mobilires.
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Le Rglement de la COB a t remplac par le Rglement gnral de l'AMF81. Cette
succession donnant lieu lheure actuelle des dcisions de lAMF relatives
lapplication de la loi dans le temps pour savoir notamment si la prsomption de
lgitimit doit sappliquer des situations passes 82 ? La solution retenue semblant tre
linstar du droit pnal de faire application de la rtroactivit in mitius83.
Mais le concept, objet de cette tude, qui a t transpos sous la forme dune
prsomption irrfragable de lgitimit, est-il totalement neuf en droit franais ? En effet,
des auteurs ont put crire que la COB a dailleurs tabli une prsomption de lgitimit,
inspire des safe harbour rules anglo-saxonnes 84. Il ne sagit cependant que dune
inspiration , leffet principal du safe harbor selon lequel lintervenant bnficie dune
protection absolue contre toute mise en responsabilit, nest pas tabli.
2 Un double rgime rpressif de la manipulation de cours
Un double rgime rpressif sanctionne la manipulation de cours, il sagit du dlit pnal
et du manquement administratif, le lgislateur a rcemment tent dharmoniser ces deux
rgimes, en faisant prvaloir le droit pnal pour les infractions les plus graves85. Le
double rgime rpressif pourrait poser un problme au vu de la rgle non bis in idem
telle que consacre par larticle 4 du protocole additionnel n 7 la Convention
Europenne de Sauvegarde des Droits de lHomme et des Liberts Fondamentales.
Cependant cette question ntant pas directement lie cette tude il ne faut pas
sattarder dessus86. Il doit seulement tre prcis que cette rgle interdit la double
condamnation criminelle, et non le cumul dune condamnation criminelle et
81 En application de larticle L 621-6 du Code montaire et financier. 82 Dcision AMF du 14 avril 2005, publi dans la Revue AMF, mai 2005, p. 51, notes : N.
RONTCHEVSKY, RTD com. juillet/septembre 2005, p. 567, et S. TORCK Bull. Joly bourse, 01
novembre 2005, n 6 p. 770, relative lapplication de la prsomption de lgitimit. 83 Pour une critique de ce type de dcision : C. DUCOULOUX-FAVARD, Dbuts critiquables de la
commission des sanctions de lAMF, Bull. Joly bourse, 01 mai 2005, n 3 p. 238. En outre il faut souligner
le risque de condamnation de la France par la Cour Europenne des Droits de lHomme en application de
sa jurisprudence CEDH 21/02/1984 Oztrk contre Allemagne, srie A, n 73. 84 H. de VAUPLANE et J.P. BORNET, Droit des marchs financiers, 3me d., d Litec, n 1060. 85 Rapport n 2342 du 30 mai 2005 devant lAssemble nationale sur le Projet de Loi (n2249) pour la
confiance et la modernisation de lconomie, G. CARREZ, rapporteur gnral, dput. 86 Pour un approfondissement V. H. de VAUPLANE et J.P. BORNET, Droit des marchs financiers, 3me
d., d Litec, n 1073.
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administrative87. En outre, la jurisprudence88 nonce que lapplication du principe ne
trouve pas sappliquer en lespce, la condamnation au pnal (A) ayant un fondement
distinct de la condamnation administrative89 (B).
A) La manipulation de cours sous langle du droit pnal
Le droit pnal est, en considration du droit communautaire, laiss lapprciation de
chaque tat. En effet, cette matire ne relve pas encore des domaines harmoniss. La
France a depuis longtemps fait le choix de sanctionner pnalement ce type de
comportement pour des raisons datteinte au prix90. Larticle L 465-2 du Code montaire
et financier donne une dfinition de la manipulation comme le fait, pour toute
personne, dexercer ou de tenter dexercer, directement ou par personne
interpose, une manuvre ayant pour objet dentraver le fonctionnement rgulier
dun march rglement en induisant autrui en erreur . Le champ dapplication de
la manipulation de cours a t rcemment rduit. Il portait avant sur tout march
dinstruments financiers , mais les autres infractions boursires (dlit diniti et fausses
informations) ne concernaient que le march rglement. Le lgislateur a fait le choix
daligner ces diffrents rgimes, cette modification vise la mise en cohrence des
champs d'application respectifs de la rpression pnale et de la rpression
administrative 91. Ainsi, le droit pnal naurait vocation sappliquer quaux faits les
plus graves, alors que les manquements administratifs concerneraient tout comportement
ayant un effet ou un objectif rprhensible.
Sagissant dun dlit il faut caractriser llment matriel qui consiste lemploi de
manuvres frauduleuses. Cest un dlit formel car dfini par rapport son objet et non
par rapport son effet 92. La notion de manuvre nest pas en soi dfinie par le
87 Dcision du Conseil constitutionnel DC n89-260 du 28 juillet 1989, relative la COB. 88 Cass. crim. 1er mars 2000. 89 Cf. les critiques sur ce point releves dans H. de VAUPLANE et J.P. BORNET, prcit n 1073. 90 Cours de 3me anne du Magistre DJCE de droit des marchs financier, dispens par H. de
VAUPLANE. 91 Rapport n 2342 du 30 mai 2005 devant lAssemble nationale sur le Projet de Loi (n2249) pour la
confiance et la modernisation de lconomie, G. CARREZ, rapporteur gnral, dput. 92 H. de VAUPLANE et J.P. BORNET, Droit des marchs financiers, 3me d., d Litec, n 1073.
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lgislateur, ceci laissant au juge une marge dapprciation plus vaste93. Selon un auteur il
y a lieu de comprendre par ce terme plus quun mensonge : des moyens, des
agissements, quelque chose dorganis, de dissimul 94.
Par ailleurs, llment moral ne semble plus en soi ncessaire, la Loi du 2 Juillet 1996
ayant abrog le terme sciemment . Il y a ici une volont de retirer tout lment
intentionnel cette infraction, pour permettre une rpression plus aise de ce type de
comportements dlictueux qui sont particulirement complexes caractriser. Il faut
sinterroger sur la pertinence de cette volont. Comment quelquun pourrait-il en
pratique exercer des manuvres sans en tre conscient ? Il semble que llment
intentionnel soit intrinsque la manipulation de cours, la notion de manuvre tant
indissociable du caractre intentionnel 95. Cependant une difficult souleve par
nombre dauteurs demeure, celle de la preuve96. Un dol spcial doit tre prouv, savoir
la volont dinduire autrui en erreur . Quant la difficult de la preuve de lintention
une proposition sera faite ultrieurement (V. Chapitre 2 Section 2 1 B).
La sanction pnale tant souvent longue venir, il a sembl plus efficace de recourir
la sanction administrative. Une condamnation dcale et une sanction contre temps
nayant pas leffet rdhibitoire escompt sur les autres intervenants du march.
B) La manipulation de cours sous langle du droit administratif
La sanction administrative doit remplir un impratif de rapidit, cest une rponse sans
doute plus approprie ce type de comportements. En outre, au del de laspect
pratique, ce type de sanctions est impos par la Directive abus de march97. Directive qui
oblige les tats membres se doter dun rgulateur pour soccuper de ce type
93 J-H. ROBERT et H. MATSOPOULOU, Trait de droit pnal des affaires, d. PUF droit, Collection
droit fondamental, n 287, p. 463. 94 T. BONNEAU et M-F. DRUMMOND, Droit des marchs financiers, d. Economica, 2me d. 2005, p.
463. 95 J. H. ROBERT et H. MATSOPOULOU, idem trait prcit, n 287, p. 465. 96 D. SCHMIDT, Les dlits boursiers, Revue de jurisprudence commerciale, novembre 2001, p. 71, ou
encore M. TOMASI, Vers un renouveau de la lutte contre les manipulations de cours : lapport de la
Directive sur les abus de march, Droit bancaire et financier, Mlanges AEDBF, IV, 2004, p. 440. 97 En application du Considrant n22 de la Directive abus de march.
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dinfraction. LAMF existant dj en France et soccupant auparavant de ce type de
contentieux, a naturellement continu exercer ce rle 98.
LAMF est une autorit administrative indpendante disposant de pouvoirs divers et
notamment du pouvoir de sanction vis--vis des intervenants qui contreviendraient aux
rgulations applicables au march99. Elle dicte son propre Rglement100. Ainsi le
rgime de la manipulation de cours est-il contenu dans le Titre III du Rglement gnral
de lAMF. Larticle L 631-1 du Rglement gnral de l'AMF nonce linterdiction selon
laquelle : Toute personne doit sabstenir de procder des manipulations de
cours .
Ce mme article poursuit sur le modle de la Directive abus de march101 et donne une
dfinition de la manipulation en cause : Constitue une manipulation de cours :
1 Le fait deffectuer des oprations ou dmettre des ordres :
a) Qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou
trompeuses sur loffre, la demande ou le cours dinstruments financiers ou ;
b) Qui fixent, par laction dune ou de plusieurs personnes agissant de manire
concerte, le cours dun ou plusieurs instruments financiers un niveau anormal
ou artificiel, moins que la personne ayant effectu les oprations ou mis les
ordres tablisse la lgitimit des raisons de ces oprations ou de ces ordres et leur
conformit aux pratiques de march admises sur le march rglement concern ;
2 Le fait deffectuer des oprations ou dmettre des ordres qui recourent des
procds donnant une image fictive de ltat du march ou toute autre forme de
tromperie ou dartifice .
Il faut prciser que lAMF, lorsquelle exerce son po