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1 INTER ACTIONS URBAINES INTER ACTIONS URBAINES

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INTERACTIONS URBAINESINTERACTIONS URBAINES

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Mémoire de recherches

Barbara BELLIER

DSAA In Situ Lab,15 rue Lixenbuhl,

67400 Illkirch-Graffenstaden. 2015 - 2016

contact+336 69 03 48 99 [email protected]

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Mon père est un homme d’un mètre 92, aux épaules larges et au regard noir. Il est né et habite encore aujourd’hui dans un vil-lage de campagne dans le centre de la France. Chaque jour, il part travailler en voiture non loin de là. C’est en venant me rendre visite à Strasbourg que je le vis pour la première fois prendre les transports en commun, au milieu de la foule pressée.

Le tramway sonne à son arrivée sur le quai, les portes s’ouvrent et nous nous in-sérons dans la première rame. Mon père voit une place assise libre, dit bonjour à tous les autres occupants et s’y assoit.

Je fus la première étonnée de la réac-tion de mon père, et de celle des autres usagers qui l’ignoraient.

Ce mémoire est passé par bien des chemins pour aboutir à l’étude des interac-tions humaines en ville, ... mais tout est parti de là.

Bonne visite.

À Denis,

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avant-propos

introduction au thème -----------------------------------------

Discussion design- Prise de position -

Observations de terrain- Étude des rapports urbains -

Retour dans l’histoire- Les outils de l’interaction -

Philosophie morale et économie politique- Capitalisme et solidarité -

Regard sur l’économie- La société du co -

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annexes

Histoire d’un lieu de vie- Narration du quartier gare

Récits de voisinage- L’espace à raconteries

Anecdotes de voisinage- VDM

Projection- Analyse des récits

Croquis de recherches- Extraits du journal de bord

Musique- Playlists d’écriture

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bibliographie

remerciements

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Ce mémoire fait l’objet de recherches réalisées dans le cadre d’un Diplôme Supérieur en Arts Appli-qués en design global. Il se déploie et nourrit en simul-tané mon projet de fin d’études portant sur les interac-tions urbaines.1

Avant de rentrer dans ce sujet, et afin de mieux comprendre ma démarche de recherches en design, quelques explications s’imposent...

PARCOURS Ma pratique du design n’est peut-être pas commune. C’est d’abord, évidemment, par le biais des sciences économiques et sociales que j’ai débuté mes études supérieures. Par la suite, j’adopte un pro-fil différent et obtiens un BTS en Design de Produits2. Mes professeurs m’initient d’ores et déjà à «l’art» de l’éco-conception, pratique que je considère aujourd’hui incontournable dans ce domaine. Je me pose les ques-tions de la légitimité du design industriel. J’ai appris comment le pratiquer. Mais pourquoi le faire ? Je res-sens le besoin de recentrer mes productions sur les be-soins réels de l’Homme, et non sur les désirs qu’a fait naître en lui notre économie libidinale dont je serais complice. Je continue mes études à l’In Situ Lab3, en design global et design de services, où la conception du projet se réalise, enfin, sur le terrain, et aves les premiers concernés : les usagers.

1 Extraits du carnet de bord disponibles en annexes.

2 http://www.cite-raymond-loewy.ac-limoges.fr/aa/

3 http://www.lyceelecorbusier.eu/dsaa/

avant-propos

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MÉTHODOLGIE D’ÉCRITURE Cette année, je m’appuie sur un travail d’équipe pour nourrir ma réflexion. En octobre 2015, Marianna POULET, Charlène MARQUET, Manon LABUSSIÈRE et moi-même formons le groupe de tra-vail Mixité Culturelle. Vous trouverez ainsi de l’huile de coudes de notre chère équipe dans les pages qui suivent. Afin d’agrandir le champ des possibles, les re-cherches ont été menées de manière pluridisciplinaire. Je suis en effet persuadée, et nous en reparlerons, que la pratique du design gagne énormément lorsqu’elle croise le chemin des sciences humaines, sociales, et éco-nomiques. Les articles de recherches regroupés dans ce mémoire sont ainsi menées en adoptant le point de vue de différentes disciplines : Le design, mais aussi la socio-logie, l’histoire des arts, la philosophie et l’économie.

C’est avec cette étude protéiforme que je vous emmène dans ma réflexion autour d’un thème qui me tient à cœur. Les in-teractions urbaines, et avant tout humaines.

Journée de séminaire organisée par le collectif de travail

Mixité Culturelle.Format de conférence interactif.

2-3-4 mars 2016. Illkirch.

Barbara BELLIER, Marianna POULET,

Manon LABUSSIERE, Charlène MARQUET.

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INTERACTIONS URBAINES - et HUMAINES -

Une interaction est ‘‘intersubjective’’, c’est à dire qu’elle se fait entre des hommes pensant, capables de prendre en considération la pensée d’autrui dans leur propre jugement. C’est la ce qui m’intéresse. L’inte-raction interpersonnelle dévoile un premier besoin de communication pour exister, elle questionne très rapi-dement le rapport à l’autre, l’empathie que l’on cultive ou non pour un proche, un voisin, ou bien même un inconnu.

En parlant d’interactions urbaines, je mentionne tout type d’échanges d’un citadin à un autre. La liste des choses que nous pouvons nous ‘‘passer’’ est incomen-surable. Nous pouvons nous céder des messages par la communication physique, orale, corporelle, mais nous pouvons aussi nous transmettre des éléments externes : des objets, des services, ou bien des savoir-faire.

Ces différentes interactions forment ainsi les rela-tions humaines, elles sculptent notre rapport à autrui, mènent à l’entre-aide ou à contrario à l’omission de l’autre, à la solitude et à postériori à la dégradation d’un bon vivre ensemble.

introduction au thème

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QUESTIONNEMENTS

Les grandes villes sont des terrains de jeux où l’on peut se régaler de ces interactions, et à chaque minute. Des milliers d’individus sur si peu de km². Fantastique. Que d’opportunités. Mais, la quantité de nos relations en ville en amoindrit-elle la qualité ? Quel est réellement l’état actuel de notre rapport à l’autre dans les grandes villes de France  ? Quelle légitimité existe-t-il à vou-loir fédérer du lien interpersonnel en ville  ? Nous ne connaissons plus ou peu nos voisins d’immeuble. En aurions-nous un intérêt ? Le voulons-nous vraiment ?

Quels outils et astuces d’interactions ont dores et déjà été pensés ? Quels systèmes économiques favorisant l’échange non monétaire sont aujourd’hui mis en place ?

Pouvons-nous développer des solidarités de proximité par des interventions extérieures ? Le designer peut-il aider à créer des convergences d’intérêts locales ? Com-ment peut-il créer des outils qui permettent de mettre en relation le demandeur et le potentiel aidant ?

POUR QUOI FAIRE ?

Mieux comprendre les interactions urbaines pour ensuite ... - Rétablir la communication entre des individus sou-vent issus d’une grande mixité sociale et culturelle, et donc pour élever un facteur de tolérance. - Apaiser les relations urbaines conflictuelles. - Accompagner les personnes dans le besoin, seules et/ou âgées. - Relocaliser et créer des opportunités à chacun de

trouver ce dont il a besoin à deux pas de sa porte, sans débourser le moindre pécule.- Établir un bien-être global, une qualité de vie, et une bonne atmosphère de vivre ensemble dans un lieu délimité. - Faire jouer les citadins entre eux et les faire se sur-prendre !- Éviter d’aller acheter 6 œufs à Carrefour City, alors que la voisine d’en face peut nous en donner un.

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Discussion Design

Prise de position

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Prise de position

MUTATION DU DESIGN

POUR UNE PRATIQUE PLUS HUMAINE

Le design de produits est une pratique longtemps exer-cée dans une finalité d’industrialisation et de reproduc-tibilité en grande série. L’histoire des designers, et objets archétypaux, enseignées aux élèves dans cette formation le démontre : Parmis les plus grands, Raymond Loewy, Henry Ford, Eero Saarinen, Charles et Ray Eames, Jean Prouvé, Mickael Thonet … et plus récemment Philippe Starck, grande effigie du design français dans l’imagi-naire collectif.

Aujourd’hui, nous sommes forcés d’admettre que nous croulons sous nos propres productions, et que le de-sign et la production de manière générale, tels qu’ils ont été conçus jusqu’ici, doivent subir de réelles mu-tations. Les designers produisent toujours d’avantage, et les consommateurs sont inconsciemment piégés par leurs propres désirs, inlassablement manipulés par la puissante toile du Marketing. Cf économie libidinale. La cible de l’auteur, et il le redira en 1988 dans ses Commentaires sur la société du spectacle, c’est « le règne autocratique de l’économie mar-chande ayant accédé à un statut de souverai-neté irresponsable, et l’ensemble des nouvelles

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techniques de gouvernement qui accom-pagnent ce règne ».Guy Debord

“JAMAIS notre capacité à produire des richesses n’a été aussi grande et jamais notre incapacité à mettre cette prospérité au service du mieux-être de tous les hommes n’a été aussi flagrante.” Jacques Généreux, dans Manifeste pour l’économie hu-maine.1

Dans mon travail, l’idée de cette création puis produc-tion massive, industrialisée et commercialisée, m’aura souvent freiné. Probablement, est-ce le ressenti d’une urgence sociale, sociétale et environnementale, qui di-rige mes recherches sur des pratiques d’un design moins «névrosé», plus enclin à traiter des besoins humains considérables. Pour ces raisons, je questionne constam-ment la pratique du design et ses méthodes.

Victor Papanek, grand penseur et designer austro-amé-ricain du XX ème siècle, par le biais de ses lectures, m’a conforté dans cette idée. Ce dernier était contre les pro-duits industriels, qu’il jugeait peu sûrs, mal-adaptés et inutiles. Déjà en 1971, à l’écriture de son livre Design for a real world, il défendait une pratique du design plus juste et responsable d’un point de vue écologique et social :

«En tant que designers socialement et moralement engagés, nous devons répondre aux besoins d’un monde qui est au pied du mur.»1 [ Jacques Généreux – économiste français, né en 1956, engagé en politique dans le Parti de Gauche, opposé au libéra-lisme. Il écrit en 2000 le Manifeste pour l’économie humaine. ]

«Au siècle de la production de masse, où tout doit être planifié et étudié, le design est devenu « un outil à modeler les outils » qui permet à l’homme de transformer son environnement et, par exten-sion, sa personne. Cela exige de la part du desi-gner un sens aigu des responsabilités morales et sociales, et une connaissance plus approfondie de l’homme.»

Ces modes de pensée prônent donc une conception plus proche de leur environnement - et de ses occu-pants - , préalablement étudié sous différents aspects. En vient la question de la transdisciplinarité et d’un travail en équipe, pour une meilleure efficacité globale. Ainsi le designer, architecte, urbaniste, est amené à tra-vailler avec des acteurs des sciences sociales, tels que des sociologues, ethnologues, psychologues, éducateurs, …

C’est donc ainsi que je me positionne en tant que desi-gner, et souhaite toujours être dans la capacité de faire évoluer mon cadre d’action et de travail.

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Étude des rapports

urbains

Observations de terrain

Étude des rapports

urbains

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Étude des rapports

urbains RAPPORT À L’AUTRE EN VILLE- observations de terrain -

Ces petites narrations n’auront pas pour but de déce-ler des généralités. Elles relèvent plus particulièrement d’anecdotes notées sur le terrain, ayant retenues mon attention. Ces observations ont été menées au courant de l’été 2015, jusqu’à novembre de la même année.

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RENCONTRE DE MAHMOUD DANS LE MÉTRO PARISIEN.

- 15 septembre 2015. 10h30. Ligne 9 direction Nation. -

Nous sommes assis dans le métro avec un ami, il n’y a pas une foule très dense. Nous avons des discussions di-verses. À une station, les portes s’ouvrent et un vieillard rentre, octogénaire. Il nous demande gentiment de lui laisser une place. Je me lève aussitôt et nous continuons de discuter avec mon ami. Je sens le regard de ce mon-sieur sur nous, tendant également l’oreille pour nous écouter. Dix minutes plus tard, nous sortons à l’arrêt de mé-tro Nation, ce monsieur aussi. Aussitôt passé les portes de métro, il nous retient pour entamer une conversa-tion : « Il y a bien un remède de vieux pour les tâches blanches sur les ongles, cette maladie. Il faut éplucher des oignons, récupérer le jus, le mélanger avec de l’eau et le boire. » Surpris qu’il continue avec nous une conversation privée, nous conversons sur quelques pas, échangeons un peu, le remercions et continuons notre chemin. Il marche plus lentement que nous, nous le dépassons rapidement.20 mètres plus loin, il nous interpelle de nouveau. Il souhaite continuer cet échange. Il nous explique fina-lement qui il est, qu’il vient d’Algérie, qu’il s’appelle Mammoude et qu’il connaît ces remèdes des anciens du pays. Il nous fait des blagues. « Je suis Algeroi. Vous savez pourquoi ? Car il y a Roi dans Algeroi, et Rien dans Algérien. »Il finit par parler de nous « Vous n’êtes pas parisiens vous. Ils sont trop pressés les parisiens, ils s’enfuient si on leur demande l’heure. Vous êtes dijonnais de l’ai écouté. ».

Sur quelques blagues, notre chemin se sépare.

ANALYSE - Le métro parisien est un terrain très in-téressant pour interroger les relations urbaines, car le métro est le moyen de transport le plus utilisé et qu’il contraint chacun à être en présence d’autres individus, pour une durée de 1 minute à 2 heures de voyage. - J’ai souhaité noter cette interaction, car ce type de démarche envers des inconnus reste assez rare dans l’es-pace urbain, et car j’ai pu sentir une envie insatiable de communiquer, quel que soit le thème de l’échange. - Cette personne désirait, en effet, partager de ses connaissances, raconter un peu de son identité, et vou-loir apprendre des autres.- La différence de rythme entre cette personne âgée et le reste de la foule était notable. La vitesse de la ville et le rythme de vie des habitants est largement à considé-rer dans l’étude des relations urbaines. Il est possible de se sentir contraint par la vitesse de la foule : Lorsque

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l’on souhaite aller plus doucement, on peut sentir la pression de la foule que l’on semble gêner. Lorsque l’on souhaite aller plus rapidement, nous sommes gênés par le rythme marché de cette foule. Globalement, le rythme dans le métro parisien est celui d’une marche dynamique, rapide. - Bien qu’il habite la capitale depuis plusieurs années, Mahmoud, d’origine maghrebine, dé-plorait le comportement de la majorité des parisiens, trop pressés. Ils vont vite mais ne prennent pas le temps non plus, selon lui, d’échanger avec ceux qui les en-tourent.

La vitesse, et le rythme de la ville peuvent être un objet d’étude pour le projet. Il est envisageable de produire un objet prétexte qui ralentirait notre rythme ou qui permettrait de prendre le temps d’échanger. Ces objets peuvent être directement efficaces sur le terrain, ou sim-plement venir questionner l’usager qui voyage.

STRASBOURG : CONFLITS DANS LES TRANSPORTS EN COMMUN

- 15 octobre 2015. 10h. Ligne A. Porte de l’Hôpital -

Un homme d’une trentaine d’années, présentant à pre-mière vue un léger handicap, écoute de la musique avec son portable, sans écouteurs. Toute la rame peut profi-ter/subir sa radio. Toutes les places assises sont prises, il est placé sur l’une d’elle. La tension monte, on peut sentir un malaise dans la rame. Un homme d’une qua-rantaine d’années lui demande de couper sa musique, il refuse, et les échanges s’échauffent rapidement. Il n’en fera rien jusqu’à Howart, quelques arrêts plus loin. Le reste des passagers échange pour exprimer leur mécon-tentement. En sortant du tramway, la personne causant le trouble est violent, dans ses paroles et dans ses gestes, et frappe brutalement la vitre en sortant.

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ANALYSE - Il arrive que des situations à conflit se produisent dans les transports en commun, lieux qui peuvent obliger chacun à supporter la présence de quelqu’un qui lui semble désagréable. - Des conflits de ce genre mènent souvent à une créa-tion temporaire de « groupes » qui sont, par exemple, pour ou contre le faiseur de troubles. Ici, les usagers étaient globalement d’accord avec la personne qui est intervenue pour arrêter cet homme, quel que soit leur appartenance sociale. - L’interaction n’est pas toujours positive, au contraire elle peut être perçue come agressive si elle n’est pas vou-lue, désirée.

Il serait intéressant de penser des dispositifs qui per-mettent de nous mettre dans notre bulle, lorsque l’on souhaite ne pas être dérangé. En allant dans les ex-trêmes, il serait aussi possible d’imaginer un système indiquant notre disponibilité, notre désir d’interaction.

POLITESSE DANS LE TRAMWAY STRASBOURGEOIS

- 9 octobre 2015. Midi. Ligne A -

Nous sommes nombreux dans la rame, mais il n’y a pas de bruit. Quelques personnes âgées sont debout, des ados, assis, le restent. Une adolescente court sur une place tout juste vacante, face à un octogénaire debout. Personne ne s’en plaint. À première vue, la population du tramway ne semble pas minée. Une personne en fauteuil rentre, on lui laisse de la place, et on lui donne plus d’espace que nécessaire.

ANALYSE - De manière globale, les personnes âgées

se voient vite laisser une place assise dans les transports en commun de Strasbourg. Ici, le contraire m’a étonné. - Les trajets dans les transports en commun de Stras-bourg sont souvent d’une durée minime comparés à ceux de la capitale. Le temps resté dans ces lieux mo-biles est à considérer car il change le comportement des usagers : Ils sont plus polis s’ils savent qu’ils pourront aisément retrouver une place assise, ou s’ils sortent quelques arrêts plus loin. - Les personnes ayant un handicap physique perceptible sont très vite considérées par le reste de la rame. - Il me semble qu’il y ait assez peu de problème réel dans les transports en commun, de manière globale, les individus sont plutôt polis, « sages » et discrets.

LES CHAUFFEURS FONT DES SOURIRES AUX INCONNUS

- 21 novembre 2015. Midi. Parc de l’étoile -

Je marche en direction du passage piéton, j’esquisse un sourire, alors que je viens de raccrocher mon téléphone. Un bus tourne dans l’intersection, que j’attends de pou-voir franchir. Le chauffeur me regarde, et moi de même pour des questions de sécurité. Le conducteur me rend un grand sourire. Plus tard, je réitère l’expérience avec un conducteur de tramway, personnes qui ont l’habi-tude que les gens ne les voient pas. Je l’observe, nous échangeons nos regards et sourions.

ANALYSE - Ce genre d’échanges courts, simples et naturels me semble primordial dans la considération du projet. Ils peuvent constituer peu à peu un bien-être public. - Le contraire est également notable : Les regards per-

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vers en direction des femmes, par exemple. - Plusieurs situations furtives peuvent apparaître : Fuire le regard, le maintenir, sourire, rire, …

On pourrait imaginer des images furtives pour provo-quer ces réactions chez plusieurs individus simultané-ment : rire, surprise, questionnement, …

LA GÊNE DU HANDICAP EN PUBLIC

- 25 novembre, heures de pointe du matin. Tram A, direction Illkirch Lixenbuhl -

Un homme d’une quarantaine d’années rentre dans la rame à Bagersee. Le tramway est bondé de jeunes étudiants. Le monsieur parle tout seul puis se met à chantonner : Quelques interrogations, sourires puis échanges de regards se produisent dans la minute. Certains l’observent. Il semble avoir choisi une jeune fille pour discuter, et se met à lui chanter une chanson d’enfant. La jeune fille est gênée, et tente de se cacher derrière l’écran de son smartphone, en jetant de temps en temps un regard de SOS à son amie. Son regard sur la jeune fille est pesant. La scène peut paraître gênante mais personne ne dit rien.

ANALYSE - Dans une situation où la personne ne serait pas handicapée, quelle aurait été la réaction des passagers ? - Les citadins entre eux semblent parfois détachés, et ne prennent pas réellement conscience de l’autre. Ils préfèrent globalement se tourner et ne pas faire face à une situation qui leur paraît génante. - En poussant d’avantage ce constat, certaines situations peuvent être perçues comme non-assistance à personne en danger. Dans le métro parisien, beaucoup de cas

d’agression ont été constaté, où les personnes exté-rieures n’osaient pas intervenir dans le conflit. La peur est certainement l’une des raisons principales.Des jeux de prise de conscience de la présence de l’autre pourraient être un pas vers cette conscience de bien- être collectif. L’enjeux serait aussi d’amener à se faire face des personnes « éloignées », socialement, culturel-lement …

UNE PERSONNE AVEUGLE DEMANDE SON CHEMIN

- 30 novembre, milieu d’après-midi. Tram A, Arrêt Schlutfeld -

Je sors du tramway à cet arrêt. Une personne aveugle sort en même temps. Une autre m’inter-pelle en hâte pour me demander de guider cette dame. Ayant l’air désolée de ne pas pouvoir l’aider, l’interpelatrice s’excuse ne pas pouvoir le faire.Je guide donc cette dame, elle me prend la main naturelle-ment, et je l’accompagne jusqu’à ce qu’elle retrouve ses repères quelques dizaines de mètres plus loin.

ANALYSE - Le contact est tout à fait différent lors-qu’il s’agit de venir en aide à une personne dans le be-soin, surtout lorsqu’il est facile de le faire. Les individus semblent plus compréhensifs face à une personne en difficulté.

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- Les rapports de proximité sont logiquement diffé-rents, puisque l’on assure, par exemple, la sécurité de l’autre personne. La proxémie est différente en fonction de la personne à qui l’on s’adresse. (Peut-être prenons nous nos distances avec les SDF)Mettre quelqu’un dans une situation de difficulté pen-dant quelques minutes, peut lui donner conscience de l’importance de la présence des autres. Cette remarque peut-être un moteur pour mes projets, notamment en pratique plastique.Il serait aussi intéresser de tester la proximité que l’on entretient avec différents « types de personnes ».

RÉACTION FACE À LA MISÈRE - OBSERVATION D’UN MENDIANT HONGROIS

- 7 décembre 2015, début d’après-midi. Homme de Fer -

Je suis postée à une cinquantaine de mètres d’un men-diant pour observer la réaction des passants. Il a envi-ron cinquante ans, il est installé dans une grande rue passante. Il regarde au sol, agenouillé mais se tenant très droit, tout comme il pourrait l’être pour une prière. Devant lui, une pancarte en carton, écrit au feutre noir « Ma famille meurt de faim. Aidez-moi svp. » Il y a une foule, peu dense, peu de personnes s’arrêtent. 3 d’entre elles poseront une pièce en l’espace d’une petite dizaine de minutes. L’homme se lève, fais signe à un jeune homme, plus en arrière. Probablement son fils. Je vais le voir. Il ne veut pas que les photos que je viens de prendre soit sur internet. Il m’explique qu’il vient de Hongrie. Je pars rapidement. Le jeune prend ensuite sa place, avec la même position. Au cours des prises de

photos, un homme pose une pièce, puis continue la rue dans ma direction, en me faisant un clin d’oeil.

ANALYSE - Le vieil homme qui a déposé de l’argent me montre un signe de reconnaissance, indiquant alors que lui-même a fait un bon geste. - Les autres semblent gênés par cette forme de mendicité. Les passants pré-fèrent donc les éviter, ou s’excusent de ne pas leur don-ner. Les mendiants, eux, font tout pour demander la pitié des citadins.

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Les outils de

l’interaction

Retour dans l’histoire

Les outils de

l’interaction

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Les outils de l’interactionCréer de la distance

pour se rapprocher

LES PARADOXES

Les interactions humaines sont complexes et paradoxales. C’est en créant de la distance que certains éléments qui nous entourent jouent les intermédiaires, et facilitent la rencontre, le premier contact, l’approfon-dissement d’une relation.

Nous communiquons, nous échangeons et transmettons par le biais d’outils. Et c’est ce qui nous rend humain. Mais alors, quelles sont ces astuces, pen-sés par l’Homme, pour créer de l’interaction entre les Hommes ? Jusqu’ici, par quels procédés avons-nous amené les individus à interagir ? Comment ren-dons-nous l’expression et l’échange plus aisés ?

Ces iconographies sont tantôt des archétypes de l’histoire de l’Art, tantôt des images inconnues ti-rées de la toile incommensurable, et elles ne répondront pas entièrement à cette question. Cependant, chacune d’elle dévoile un facilitateur d’interactions, un secret pour la rencontre.

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PASSAGE PAR UNE TIERCE PERSONNE

La concierge aux lunettesRobert DOISNEAUPériode d’après-guerre. Paris, rue Jacob Photographie N&B 30 x 24 cm

Représentant de la photographie humaniste d’après-guerre, Robert Doisneau a capturé une série d’images de concierges du vieux Paris.

Celle-ci, postée dans son entrée, les deux jambes bien plantées dans le sol, semble assez emblématique de la gardienne d’immeuble des années 50. Elle est l’image de ces femmes bien en chair, à l’air autoritaire, une jupe longue sur laquelle est noué un tablier à tout faire, et des lunettes tombantes, semblant questionner le spec-tateur de passage. Ce regard dur, au centre, est valorisé par une mise en abyme du cadre de la porte dans la photographie. Un bout de vélo, un balai et une petite plante laissent entrevoir une vie d’immeuble, qu’elle en-tretient probablement elle-même.

Aujourd’hui, ces personnages se font de plus en plus rares. Tout ceci laisse entrevoir une nouvelle définition de ce format par rapport au rôle anciennement joué. La concierge assure non seulement l’entretien des locaux, mais est aussi une passeuse de messages : entre les dif-férents visiteurs, entre un habitant et ses proches, entre un locataire et son propriétaire, et inversement.

La concierge, la bignole, la pipelette ou la Cerbère, c’est le point de pivot des relations quotidiennes. Pour le bon vivre d’un co-logement.

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Crieur de journaux dans la rue, vers 1905Anonyme20e siècle MontréalPhotographie gélatine argentique8 x 12 cmMusée McCord de Montréal

Dans les rues des villes nord-américaines, au tournant du XXe siècle, de nombreux enfants travaillent comme vendeurs de journaux, messagers ou livreurs. À Mon-tréal, plusieurs jeunes sont forcés de travailler, souvent parce que le salaire de leur père est trop faible ou trop irrégulier pour subvenir aux besoins de la famille.

Cette photographie met en avant ces enfants travailleurs de la rue, qui étaient présents pour annoncer les nou-velles, et vendre les journaux à quiconque pourrait les entendre. Ici, l’enfant de face, vêtu de noir, dessine une verticale trés contrastée, au centre de l’image. Le pho-tographe le met en avant, au premier plan, journaux à la main et visage plissé par le cri. Un arrière plan, plus flou, nous indique qu’il se situe en centre ville, devant un large boulevard. L’indice de la Ford T, en fond, nous renvoie dans une autre ère : aux prémices de l’industria-lisation, au début du siècle.

Au XXIe siècle, les choses ont bien changé, le crieur public est une personne qui dévoile les messages des passants, en les récoltant dans une boîte avant la criée. Il a le rôle de porte-paroles des habitants, comme dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon, ou Gérald RI-GAUD a énoncé pendant quelques années et chaque semaine les messages qu’il recevait.

Le passage de messages par une tierce personne peut dé-lier les langues, et permet aux citadins une plus grande liberté d’expression, par le biais de l’anonymat.

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LES OBJETS COMMUNICANTS - PARLER À TRAVERS L’OBJET

Telephone, Model No. 302.Henry DREYFUSS pour Bell Telephone Laboratories.1937. New Jersey.Bakélyte, fils gainés, métal, composants électroniques.

Avec la multiplication et la présence envahissante des téléphones dans nos vies au XXe siècle, on en oublierait que cette technologie date d’il y a à peine un siècle. Le 25 janvier 1915, Alexander Graham Bell, l’inventeur, appelle son assistant à San Francisco, à partir de New York : “Mr. Watson, come here, I want to see you!” . Il s’agit du premier appel téléphonique intercontinental dans le monde.

20 ans plus tard, le célèbre designer Henry Dreyfuss est le premier à penser le design, puis industrialiser la production des téléphones fixes individuels. Le Model No. 302. devient emblématique de la communication à distance. Bien sûr, il n’y a pas encore le choix dans la consommation, ce qui rappelle le mouvement de pensée de Henry Ford à la même époque : « Les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur pour la Ford T, du mo-ment que c’est noir ».

Depuis, la course à l’innovation en matière de télépho-nie ne s’arrête pas. L’obsolescence programmée vient appuyer ce renouvellement constant de nos objets com-municants : téléphones fixes, puis portables, puis smart-phones. On compte également tous les appareils dérivés : tablettes, montres, ...

Quel que soit l’objet de communication numérique, c’est un outil facilitateur de l’interaction. Plusieurs éléments permettent des échanges plus décomplexés : L’éloignement, la non proximité d’autrui, mais égale-ment le côté éphémère et volatile de la parole.

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Le petit confessionnalde la série Parler à travers l’objetMelissa FILLION2015. Québec. Poterie émaillée

Melissa Fillion est une artiste peintre et potière québe-coise. Elle crée ce qu’elle appelle des objets communi-cants, ou bien des « petits confessionnaux ».

Cette poterie tricolore d’une cinquantaine de centi-mètres est entièrement creuse. Elle possède une entrée, et une sortie du son. L’ouverture supérieure, plus petite, est dédiée à l’orateur, la partie inférieure, plus ouverte, à l’oreille d’un bon entendant, ou bien au ventre d’une femme enceinte.

« Je crée des sculptures manipulables ayant notamment des références formelles aux téléphones ‘’d’autrefois’’. Objets à travers lesquels nous pouvons tout autant par-ler que nous confier. Je considère ces objets-sculptures à la fois comme des caisses de résonance, des amplifi-cateurs, des portes voix, des objets de rapprochements ou encore des petits confessionaux. Mes scupltures uti-litaires deviennent interactives en créant un lien direct avec le spectateur, qui devient lui même communica-teur et manipulateur. Ces objets posent la question des distances entre ce qui est dit et ce qui est perçu, entre ce qui est nommé et sous entendu évoquant la complexité de toute forme de communication.»

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LE POSITIONNEMENT DU CORPS DANS L’ESPACE

ConfidentXIXe siècleBois brut, tissu et marqueterie

Cette pièce, vendue aux enchères dans un ensemble de mobilier, montre une richesse dans la technique et la qualité des matériaux. Les piètements et le dossier portent un décor trés fin en balustres et croisillons tour-nés. La partie supérieure est incrustée de marqueterie géométrique de bois, d’os, d’ivoire et de nacre.

Un pied commun aux deux fauteuils amène nécessai-rement à un rapprochement des deux utilisateurs. Le confident permet des postures similaires à deux chaises se faisant face, mais donne aussi la possibilité se mettre dos à la partie opposée : Tout l’intérêt d’un dossier aux formes onduleuses, ne supposant pas une direction d’assise claire.

Ce mobilier entraîne ici un jeu de dualité. D’autres formes de fauteuils peuvent accueillir un plus grand nombre de personnes : « L’indiscret » comporte 3 places, il invite également à la communication et à la complicité. Des formes de confident infini ont aussi été dessiné, et sembleraient retracer un jeu de bouche à oreille infini.

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StuhlhockerbankYvonne FEHLING & Jennie PEIZ2009Banc public 14 places

Ces assises contemporaines semblent avoir figé un ins-tant où les utilisateurs seraient sortis d’une pièce après une rencontre entre amis. Mélange entre un banc et une multitude de chaises désordonnées, cette assise de plu-sieurs mètres invite les utilisateurs à la discussion, entre la réserve et l’ouverture.

« Designers, architectes et industriels conçoivent les équipements urbains comme des outils d’intégration fa-cilitant la vie quotidienne des citadins, tout en les inci-tant à se rencontrer, à s’informer et à découvrir l’espace architectural sous un angle nouveau. »Extrait de l’article « Lieu de vie » par Brice Tual, le 26 mai 2015 sur la revue de design canadienne egodesign.ca .

Ce genre de démarche semblerait lutter contre l’unifor-misation du mobilier urbain qui nous mène à être des fantômes de la ville. L’incrustation dans un banc mini-maliste de modèles de chaises d’intérieur renvoie à une atmosphère chaleureuse. La présence d’un dossier dé-muni d’accoudoirs permet une grande liberté des pos-tures et des positionnements face au reste des personnes assises.

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Nepomuk takes the confession of the queen of BohemiaGiuseppe LO SPAGNUOLO CRESPI (1665 - 1747)Style BaroqueExposition Turin, Galerie Sabauda

Comment se confesser ? Le pénitent attend à proximi-té qu’il y ait de la place, puis il s’agenouille dans un des compartiments de part et d’autre. Il se place devant le grillage et attend pour parler que le prêtre ouvre le portillon. « Pardonnez-moi car j’ai péché. »

Le confessionnal est une forme ancestrale d’échanges entre un pénitent et un représentant religieux. Ce mobilier, ici vétuste, est souvent composé d’une loge centrale, munie d’une porte, pour le prêtre, et de deux compartiments pour les pénitents qui sont garnis d’un agenouilloir, et d’une tablette. Dans la plupart des cas, un rideau permet une plus grande discrétion, voir l’anonymat. Une grille joue le rôle de séparation et de distanciation entre le prêtre et les parties extérieures.

Ici, la lumière se porte principalement sur le personnage religieux, vêtu de blanc et de bleu, contrastant avec les couleurs chaudes de son environnement. Il est mis en valeur car c’est un personnage de dieu. Il s’adresse à une femme en noir sans la regarder. L’échange est verbal, et la vision est obstruée par le grillage de séparation. Ces éléments marquent une intimité, une réserve, voir le récit d’un secret, afin d’expier ses péchés.

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LE RÔLE DU MASQUE

Anonymous-attaque-ennemiAnonyme. 2015. Paris.Photographie.67 x 38 cmhttp://www.journaldugeek.com/2015/01/20/charlie-hebdo-anonymous-vengeance-senegal/

« We are Anonymous. We are Legion. We do not for-give. We do not forget. Expect us. ». Le fameux mouve-ment Anonymous, né dans le début des années 2000, est une ligue d’hacktivistes, de défenseurs du droit à la liberté d’expression, sur Internet et en dehors.

Le masque de Guy Fawkes, dessiné par David Lloyd pour la bande dessinée V pour Vendetta, en 1986, est devenu un symbole de protestation du collectif Ano-nymous. Guy Fawkes était le membre le plus connu de la Conspiration des Poudres, une tentative échouée de destruction de la Chambre des Lords à Londres le 5 novembre 1605. Le masque montre un visage stylisé, avec un large sourire moqueur, des joues rosées et une grande moustache.

Ce déguisement procure une certaine assurance et sécu-rité à celui qui le porte. Il lui permet de s’exprimer en toute liberté. Il est aussi la trace d’une empreinte, d’une identité globale commune et montre une signature des actions du collectif.

Ce camouflage est double puisqu’il passe d’abord par le net, donc par une projection de notre identité sur un nouveau support, puis ensuite par un masque physique, cachant notre vrai visage. Ce mouvement montre éga-lement la puissance des actions de groupe, et le pouvoir de l’anonymat dans la liberté d’expression.

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Esquisse pour l’entrée au bal masqué Louis LEGRAND (1863-1951) Huile sur panneau35,5 x 30,5 cm

Afin d’analyser ce tableau, il suffit de le découper en trois plans disctincts : Le premier présente une dame élégante, l’élément prin-cipal, vêtue de couleurs chatoyantes et contrastées. Les trois hommes, légèrement en arrière, sont au contraire trés sombres, ils viennent courtiser cette femme, au visage en partie masqué. Un fond flou suppose que d’autres individus sont entrain de s’adonner au même jeu de courtoisie et de séduction dans le reste de la salle. Une colonne de pierre ornementée de dorures laisse en-trevoir la richesse et l’élégance des lieux. Déguisements pofinés et accoutrements étriqués se justifient dans une ambiance festive de la haute société.

On trouve trace des bals masqués dès le Moyen-Age, dans la noblesse, où les costumes ont souvent un sens allégorique complexe : formes de représentation indi-recte, qui emploie le costume comme un signe.

Le déguisement apporte en partie l’anonymat, par le biais d’une nouvelle identité, souvent porteuse de sens. Dès lors que l’on revêt un costume, il est facile d’adop-ter de nouveaux comportements. Ici, il semble que le masque définit un jeu de séduction qui serait proba-blement différent en son absence. Se cacher derrière le déguisement, et donc derrière l’image de quelque chose ou quelqu’un d’autre, est une façon de désinhiber l’ex-pression et les rapports directs.

Le masque est toujours utilisé dans des cadres festifs, de manière souvent plus excentriques : Lors du carnaval de Dunkerque par exemple, les participants adoptent la peau d’une nouvelle personne en se déguisant selon des thèmes ouverts ou énoncés.

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Échanges de messages sur ma-residence.frStrasbourg, le 15 décembre 2015Capture d’écran

Ma-residence.fr est un des nombreux réseaux de proxi-mité ayant emergé au-- courant des dernières années, en France et dans le monde entier. Ici, on y aperçoit un échange spontané entre deux femmes d’un même quar-tier, qui proposent de faire connaissance. La distance créée par l’outil numérique, et la part d’anonymat re-lative a permis aux usagers de se rapprocher. L’avatar est un moyen d’identatification et de distanciation.

En effet, une version contemporaine du masque est bel et bien l’avatar utilisé sur tout type de réseaux. Image demandée dès l’inscription sur un site, on y fait trans-paraître l’impression voulue. Chacun est en droit de choisir de montrer son visage, ou de garder un plus grand anonymat en le dissimulant par une autre image. Quand bien même l’usager choisit une photo de lui, il peut montrer une facette parfois déguisée de sa personne : Ne soyons plus étonnés de voir ces selfies de poupées remasteurisés, ils désignent les nouveaux masques du XXIe siècle.

Au même titre que le costume matériel, les utilisateurs des réseaux peuvent se cacher derrière une représenta-tion parfois fictive, et se sentent plus libre d’exprimer ce qu’ils souhaitent, à qui ils le souhaitent.

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Philosophie morale et économie politique

capitalisme et solidarité

Philosophie morale et économie politique

Capitalismeet solidarité

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Face à une crise planétaire de taille, le capita-lisme pur et dur semble avoir échoué. Indéniablement, une partie de l’économie que nous connaissons semble se tourner vers une tendance solidaire.

Ces dernières décennies, nous avons pu voir que le capitalisme joue largement en défaveur des en-jeux écologiques, sociaux et politiques, autrement dit, il ne soigne pas la défense d’un intérêt général et ne réponds pas à des urgences pourtant bien présentes. Cet ‘‘échec de bienfaisance’’ sur l’intérêt commun est du à la nature des ambitions du capitalisme. Celui-ci a pour objectif premier la recherche du profit, et donc ses décisions sont dirigées par les intérêts financiers et économiques, en d’autres mots, par la loi du Marché. Selon l’économiste Max WEBER, il est «identique à la recherche du profit, un profit toujours renouvelé, dans une entreprise continue, rationnelle et capitaliste. Il est recherche de la rentabilité.» Le philosophe Raymond ARON ajoute, en expliquant WEBER, qu’il «se définit par l’existence des entreprises dont le but est de faire le maximum de profit et dont le moyen est l’organisation rationnelle du travail et de la production.»

En 2016, nous sommes donc ancrés dans une société ou nous adoptons des comportements et us ca-pitalistes. Cependant, on observe une petite tendance

Capitalisme et solidarité

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croissante à l’anticapitalisme, en faveur de la coopéra-tion entre les acteurs. André COMTE SPONVILLE déclare lors du colloque ‘‘les Rencontres du Commerce Coopératif et Associé’’ en 2014 : «Le capitalisme est en crise. La morale est à la mode.» En effet, les citoyens des sociétés occidentales sembleraient avoir subitement gagné en solidarité et générosité face à ces ‘monstres’ de PDG et traders gourmands aux pratiques inhumaines. L’ancien président Nicolas SARKOZY affirmera même que la France a ‘besoin d’humaniser son économie’. Dans cette logique, j’ai remarqué qu’une majo-rité d’entre nous agit, souvent sans s’en rendre compte, dans une économie de plus en plus collaborative, du partage et même quelque fois complètement horizon-tale. BlablaCar, AirBnb, UberPop, mais aussi les paniers d’AMAP, l’utilisation de monnaies complémentaires, des échanges de services non monétaires, … etc.

Si de tels changements dans nos systèmes éco-nomiques sont entrain de se produire, c’est alors tout notre rapport à l’autre, nos comportements humains et la définition de nos priorités qui évoluent.

Je me pose alors la question : L’Homme est-il capable d’être constamment dans le partage et l’échange sans être absolument à la recherche de son propre pro-fit ? Quelle est la part de son intérêt individuel ? Faut-il absolument être plus solidaire ou plus généreux pour faire s’élever le bien commun  ? Faut-il au contraire parfaire une part d’égoïsme pour que le système global fonctionne  ? Devrait-on, comme beaucoup le crient, humaniser ce système, qui, jusqu’à maintenant, ne met-tait pas en avant l’Homme mais son Capital ? Ces questionnements rejoignent rapidement des notions liées au comportement humain  : l’indivi-

dualisme, la solidarité, la générosité et l’égoïsme. J’ai choisi d’interroger ces concepts en confrontant les idées de penseurs de différentes époques dans un contexte économique bien défini. Adam SMITH, Charles GIDE et Georg SIMMEL sont des penseurs issus du début du capitalisme puis de la société de consommation. André COMTE SPONVILLE1 et Christian NADEAU sont eux des philosophes contemporains. Ces acteurs se si-tuent entre les domaines de la philosophie morale et de l’économie politique.

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Nous sommes en 1903. Georg SIMMEL écrit Les grandes villes et la vie de l’esprit. Il se place alors comme un citadin observateur de sa Cité : « la grande ville pousse à l’existence personnelle la plus individua-lisée – ce qui ne veut pas dire qu’elle le fasse toujours à bon droit ni avec succès. » (p.149). Dans les grandes villes occidentales, «nous ne connaissons même pas de vue [nos] voisins.» (p.415). Il dépeint l’évolution des urbains vers une vie maussade, nerveuse, sous les obli-gations d’une ville qui agresse.

En effet, l’individualisme est un phénomène qui prend de l’ampleur au fur et à mesure que les villes grossissent et deviennent assez grandes pour que tous ses passants deviennent à nos yeux des inconnus. Il n’est pas réellement question d’échanges et de partage entre

1 André COMTE SPONVILLE Philosophe humaniste français (1952- )  Étudie des thèmes fondamentaux comme la quête de sens, la liberté, la sagesse …

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les individus, au contraire, chacun cherche à se préser-ver, à résister à la pression et à conserver son autonomie en voulant se détacher et se différencier du groupe.

Au cours de la même période, en 1900, Charles GIDE, penseur d’une économie sociale et di-rigeant historique du mouvement coopératif français, explique que les économistes libéraux voient la montée de l’individualisation comme une occasion d’être soli-daire avec autrui, d’appliquer la loi des échanges do-ut-des2. « Au fur et à mesure que chacun s’individualise et se spécialise, [...] il est de plus en plus contraint, pour vivre, à échanger ses produits et ses services contre les produits et les services d’autrui.» Cette logique est basée sur l’égalité et la réciprocité des services rendus, quelque soit l’aisance ou la difficulté de situation dans laquelle se trouve les partis prenantes.

Face à ce mode de pensée, GIDE explique que les solidaristes3 voient eux le contraire quant à la lo-gique de fonctionnement. Nous devrions être plus soli-daires les uns envers les autres en cherchant à atteindre une plus grande homogénéité sociale. L’individualisme n’aidant pas en cela, ils prônent donc l’idée de ce qu’ils appellent une association, à la recherche d’une unité sociale. «Elle (l’association) proclame que le fort doit aider le faible, le capable l’incapable, le riche le pauvre, que chacun doit donner ses facultés et recevoir selon ses besoins. C’est […] un communisme atténué, qui ressuscite sous un nom nouveau.» L’association «vise à l’unité du genre humain, fragmenté, mais qu’il faut re-constituer. Et l’association, à la différence de l’échange,

2 . donnant-donnant3 . Solidarisme - approche à la fois morale, philoso-phique et politique initiée par Léon Bourgeois – 1851-1925 – et Alfred Fouillée – 1838-1912

ne se borne pas à faire rencontrer les hommes une mi-nute pour les laisser après à ce qu’ils étaient avant.»

Par ces deux chemins, les économistes et les solidaristes, aboutiraient à une plus grande solidarité dans une société faite d’individus séparés, formant so-ciété. D’une part, les économistes cherchent à produire des échanges donnant-donnant entre acteurs aux be-soins variés et aux niveaux de richesse inégaux, d’une autre part, les solidaristes nous dirigent vers une société qui tend à être plus homogène après un partage géné-ral.

En réalité, le terme de solidarité semble avoir été un peu galvaudé, à cette époque comme de nos jours. Ces exemples montrent-il une solidarité  tron-quée dans une société toujours individualiste ? Sa signi-fication a-t-elle perdu de sa puissance à force d’être usée et traînée par qui veut se sentir au service de l’autre ? Le dictionnaire de philosophie de Jacqueline RUSS définit la solidarité de la manière suivante : «as-sistance mutuelle dans des circonstances difficiles. Dé-pendance réciproque des éléments dans un organisme, une société.» Le philosophe ALAIN désigne «une soli-dité entendue métaphoriquement, et qui lie notre sort à celui de tel et tel homme.» Charles GIDE déclare lui que ce mot vendeur est utilisé à tort. «On n’entend que lui. Tout ce qui se fait se fait en son nom. […] Néanmoins, à entendre ce mot aujourd’hui dans tant de bouches, et à le voir inscrit sur les bannières d’écoles qui, d’ordinaire, com-battent sous des drapeaux ennemis, nous ne pouvons nous défendre de quelque inquiétude ni nous empê-cher de nous demander si, par aventure, le succès ex-traordinaire de ce vocable n’aurait pas pour cause son

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indétermination. S’il agrée à tant de gens, ne serait-ce point simplement parce que chacun y met ce qu’il veut ?» Il ajoute également que «La solidarité sert de prétexte aux gens qui veulent jouir du labeur d’autrui … C’est tout simplement un nouveau nom donné à un genre d’égoïsme des plus malsains.»

En 2014, plus d’un siècle plus tard, l’enseignant et philosophe canadien Christian NADEAU annonce un point de vue beaucoup plus positif et nécessaire sur la notion de Solidarité. Dans son interview Liberté, Égalité, Solidarité, publiée par les AlterCitoyens, il an-nonce son importance dans la cohésion sociétale. «La conciliation de ces deux principes (liberté et égalité) passe par l’idée de solidarité. La solidarité c’est montrer que la Liberté et l’égalité sont deux composants égaux de la coopération équitable au sein de notre société.» Il conçoit alors que la liberté ne peut exister sans solidari-té, et que cette dernière dépend d’une certaine égalité. Il évoque une triangulation entre ces trois mots sans laquelle rien ne fonctionnerait. Il pense alors que l’interaction, et donc la soli-darité nous rend libre. Le meilleur moyen d’être un in-dividu autonome et responsable, c’est d’être protégé par l’ensemble d’entre nous. La solidarité, c’est ce qui nous permet d’être des individus qui peuvent se développer et affirmer ce qu’ils sont, ce qu’ils ont choisi et arriver à vivre libre.

La même année, André COMTE SPON-VILLE voit la Solidarité sous un angle encore bien dif-férent. Il amène, comme GIDE, l’idée qu’il y ait sou-vent des confusions liées à ce mot. Il la décrit d’abord comme une «convergence objective d’intérêts». La soli-darité n’est pas le contraire de l’égoïsme, car le contraire

est la générosité. Dans les deux cas, il s’agit de prendre en compte les intérêts de l’autre. La différence est que la générosité ne nous apporte rien en retour. «La généro-sité, c’est 1 euro à un SDF, c’est à dire, un euro de plus pour le SDF, un euro de moins pour vous.» La solidarité, elle, prend en compte les intérêts de l’autre car on les partage. En faisant du bien à l’autre, on se fait du bien à nous. C’est ce qu’on appelle le mar-ché. Il existe cependant des solidarités marchandes et non marchandes. «La solidarité c’est le fait qu’une boulangère préfère 90 cents qu’une baguette, et que le client dé-pense 90 cents car il veut une baguette pour se nourrir. La boulangère vend par intérêt, le client lui achète par intérêt.» Voici alors une convergence objective d’inté-rêts.« Si je comptais sur sa générosité pour avoir du pain, je mourrais de faim. Si elle comptait sur ma générosité pour avoir de l’argent, elle n’aurait rien. C’est le doux commerce.»

Dès lors, la solidarité pourrait correspondre à la première définition de Charles GIDE avec le point de vue des économistes : Chacun est en possession de biens ou de savoirs différents, donc ils se les échangent. Ils sont dans une convergence d’intérêts. En parallèle, et ce qui semble en tout point paradoxal, est que le point de vue des solidaristes correspond à la définition de générosité : Pour atteindre l’homogénéité des individus de la société, les plus puissants donnent aux plus faibles, les plus riches aux plus pauvres. (Pour-tant, le mot solidarité et non générosité est à la base du mouvement du Solidarisme !)

Alors que Charles GIDE compare ‘l’associa-tion’ des solidaristes à une forme de communisme, le

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recul d’André COMTE SPONVILLE lui permet de faire un constat sur ces systèmes économiques : - «Le communisme ne pouvait pas fonctionner car il ne fonctionnait pas à l’égoïsme. C’est pour ces raisons que l’utopie marxiste du 19e siècle est devenue hor-reur totalitaire du 20e. Il a fallu imposer très vite par la contrainte ce que la morale s’est avérée incapable d’obtenir. Cependant, l’égoïsme ne suffit pourtant pas à faire une civilisation.- Le capitalisme lui, fonctionne à l’égoïsme, c’est pour-quoi il fonctionne si fort. C’est la force motrice de tout être humain.» COMTE SPONVILLE désigne donc le capitalisme comme un coup de génie, car il ne demande rien d’autre pour bien fonctionner que l’égoïsme des citoyens.

Contrairement à ce que l’on croit, le mar-ché serait donc une machine à créer de la solidarité, parce qu’il fonctionne à l’égoïsme. La solidarité est la convergence des égoïsmes. «Elle n’est pas le contraire de l’égoïsme, car c’est sa régulation socialement efficace. Il s’agit d’être efficace ensemble et intelligemment.»

Finalement, ne faudrait-il pas plus chercher à provoquer une rencontre des intérêts individuels (par-fois égoïstes), et donc une forme de solidarité intéressée, plutôt que de forcer les individus à être généreux ? Bien entendu, la générosité est désintéressée, elle est donc socialement beaucoup plus respectable. Mais la solidarité, selon la définition d’André COMTE SPON-VILLE est socialement, politiquement et économique-ment plus viable.

Selon ces nouvelles définitions, la différence entre le capitalisme et l’économie sociale et solidaire paraît donc beaucoup plus fine. Elle se fait dans la hié-

rarchie des objectifs et moyens : «Est ce que c’est la so-lidarité et la convergence d’intérêts qui est un moyen au service du profit, ou le profit qui est un moyen au service de la solidarité  ? Dans le premier cas il s’agit évidemment du modèle capitalistique pur et dur, dans le deuxième, de l’économie sociale et solidaire.»

***

Les frontières entre les systèmes économiques collaboratifs et solidaires, et le système capitalistique classique, sont beaucoup plus poreuses que nous pou-vons le penser. La solidarité n’est pas la générosité. Il ne faut pas forcer la charité ni nier l’égoïsme que cha-cun porte en soi. Pour autant, une coopération, une association, une économie sociale, et une économie so-lidaire, est réalisable car elle peut correspondre à une convergence d’intérêts. Elle libère chaque individu de l’ensemble de la société, et se traduit donc obligatoire-ment en faveur de l’intérêt commun.

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Regard sur l’économie

La société du co-

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«Un Français sur deux a basculé dans l’économie collaborative.»

Jean-Jacques VALETTE, dans WeDemain, Publié le 5 Janvier 2015

La société du co-

C’est en poursuivant mon projet de design de services autour des questions d’échanges, d’entre-aide et de partage dans un voisinage, et donc aux solidarités de proximité, que je me suis intéressée petit à petit à ce que j’appellerai La société du Co-.

La société du Co-, c’est une montagne de notions plus ou moins proches, dépendantes ou complémentaires les unes des autres. Souvent, les non initiés à l’écono-mie, et donc, la plupart des français, font rapidement un amalgame entre ces différents termes : Ce serait à la fois une économie collaborative, contributive, cogérée, collective, communautaire, coopérative, mais aussi une économie basée sur l’humain, circulaire, participative, partagée, solidaire, éthique, équitable …

Bref, un fourre-tout.

Il m’a donc paru important de séparer ces termes et d’établir quelques définitions d’un point de vue écono-mique afin de comprendre les enjeux sociétaux de cette révolution en cours.

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PRISE DE CONSCIENCE

Nous serions donc en pleine révolution.Vous-même avez probablement participé à une économie en «co» sans vous en rendre compte. Avez-vous déjà utilisé un VéLib ? Ou bien les services de BlaBlaCar  ? Une nuitée chez un hôte Air Bnb ? Vous-êtes vous déjà endormi sur le canapé d’un couchsurfer  ? Cherché une location de voitures avec Drivy ou OuiCar pour vous y rendre ? Peut-être êtes-vous d’avantage impliqué en utilisant une monnaie lo-cale comme le Stück en Alsace, la Luciole en Ardèche, ou bien simplement la monnaie temps dans les S.E.L. (Services d’Échanges Locaux) ?

De nouvelles initiatives revendiquant des va-leurs de collaboration, de coopération, de solidarité et d’entre-aide se montent chaque jour en France. Ces modes de consommation dits «alternatifs» sont multi-présents dans de très nombreux domaines  : alimenta-tion, habitat, transport, éducation ... Ils requestionnent globalement la conception de nos modes de vie au quo-tidien.

DES MOTS QUI FONT RÊVER

«Economie collaborative, le terme sonne bien. On imagine une com-munauté d’utilisateurs, soudée, qui s’envoie de jolis messages pour partager des biens ou s’offrir des services. Tout cela orchestré par une jeune start-up à l’esprit telle-ment cool.» Hugues SIBILLE 1 dans l’article de L’obs-Rue89 L’économie collaborative accroît les inéga-lités patrimoniales.

Lorsque l’on ouvre la première page du livre La vie share d’Anne-Marie NOVEL, en collaboration avec le groupe OuiShare2, édité au début de l’année 2013, l’un des premiers logos qui y apparaît est celui de Bla-BlaCar, une petite Start-Up française devenue l’entre-prise leader mondiale du covoiturage longue distance, à

1 . Hugues SIBILLE est depuis longtemps engagé à titre professionnel et citoyen en faveur du développement de l’écono-mie sociale et solidaire. Il a été Vice Président du Crédit Coopéra-tif de 2010 à 2014 et préside la Fondation du Crédit Coopératif depuis 2015. Il préside l’Avise depuis sa création et le Labo de l’ESS. Auteur de l’article Ne laissons pas l’économie collabora-tive au capitalisme sauvage

2 . OuiShare, est un organisme, une communauté, un accélérateur d’idées et de projets dédié à l’émergence de la société collaborative: une société basée sur des principes d’ouverture, de collaboration, de confiance et de partage de la valeur. (Ouishare.net)

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la valeur de plus d’1 milliard d’Euros en 2016. Le mot Share est séduisant, et il veut bien dire partage.

«Si le partage de l’usage se fait contre rémuné-ration, pourquoi ne pas appeler cela de la loca-tion ?» «Louer signifie concéder contre paiement l’usage de quelque chose dont on est proprié-taire. Mais le terme de location est moins noble et plus mercantile, et renvoie à une éco-nomie de marché classique.» Christine BOKOBZA3

3 . Christine BOKOBZA, Présidente de la Fédération des professionnels parisiens de la chambre d’hôtes.

NE PAS TOUT CONFONDRE

«Je dénonce une certaine confusion de langage subtilement entretenue. Les gens utilisent de manière synonyme, économie collaborative, économie du par-tage et économie sociale et solidaire. C’est une erreur : ce ne sont pas les mêmes finalités.» Article L’écono-mie collaborative accroît les inégalités patrimoniales. Dans le mensuel Alternatives économiques. Hugues SIBILLE, le 20 janvier 2016. En effet, la fraîcheur de ces bouleversements de modèles économiques et la proximité certaine entre ces différents termes mène à des abus de langage récurrents. La définition d’économie collaborative n’apparaît pas ou encore très peu dans les dictionnaires d’économie, mais est souvent sujet de débats dans des articles jour-nalistiques. Pour ces raisons, je prend le parti de diffé-rencier distinctement trois termes trop souvent confon-dus : l’économie du partage, l’économie collaborative et l’E.S.S. (économie sociale et solidaire), en m’appuyant sur différents articles de l’année 2015 et 2016.

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L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE

1. Mise en commun de biens et services2. Absence de propriété collective3. Pas de partage du capital et des bénéfices4. Entre structure pyramidale et organisation horizon-tale5. Dépendantes des plate-formes en ligne 6. D’inspiration lucrative

L’ÉCONOMIE DU PARTAGE

1. Activités de pair à pair (peer-to-peer)2. Partage économique équitable, égal3. Propriété commune du bien ou service utilisé4. Organisation horizontale, égalité de pouvoir5. Génère peu de capitaux

L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

1. Coopératives, mutuelles, associations ou fondations à But Non Lucratif2. Pour l’intérêt général, l’utilité sociale et pour les plus démunis socialement ou économiquement3. Mode de gestion démocratique : 1 personne = 1 voix4. Répartition complète des revenus de l’activité

5. Ressources financières souvent publiques

«Gardons nous de nier ces diffé-rences et travaillons à des ferti-lisations croisées : la dynamique économique et la puissance d’in-novation de l’économie collabo-rative doit inspirer cette vieille dame qu’est l’ESS. L’éthique et la qualité sociale de l’ESS et de l’éco-nomie du partage doivent encou-rager l’économie collaborative à se doter d’un supplément d’âme.»

CYRIL KRETZSCHMAR pour le journal en ligne Lesechos.fr le 14/10/2015.

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Nous avons besoin de modèles économiques multiples pour répondre au bon fonctionnement de l’ensemble du système. L’économie collaborative, l’éco-nomie du partage et l’ESS ont des objectifs écono-miques différents : La valeur ajoutée, la répartition des profits, ou l’éthique économique. Ils présentent égale-ment des types de gouvernance totalement divergents : Hiérarchie pyramidale, organisation de pair à pair, ou démocratique.Enfin, l’objectif des usagers n’est pas le même : Re-cherche de services en commun, de bien commun ou d’intérêt général.

Le cadre d’un projet va donc dépendre de ces différents facteurs, souvent décidés par les porteurs de projet eux-même. Est-ce dans un cadre de bénévolat sur des petites pé-riodes ou dans le cadre d’une profession, et donc d’une recherche de profit minimum ? Suis-je en recherche de l’amélioration de l’intérêt général, ou de la correspon-dance d’intérêts individuels qui se rencontrent ? Suis-je seul décideur des décisions à prendre concernant le pro-jet ? Vais-je auto-financer mon projet ou le faire finan-cer par des acteurs publics ? ...

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ANNEXES

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Narration du quartier gare

------------------------------------------------------------------ Le quartier gare de Strasbourg est mon ter-rain d’études pour le projet. Je l’ai avant tout choisi car il est mon quotidien et que je le vis et l’observe au quotidien. ----------------------------------------------------------------

J’habite dans un appartement, dans un im-meuble, comme tous les logements qui juxtaposent le mien. Dans mon quartier, il y a beaucoup de personnes au m². Des alsaciens, assez peu, des étudiants, beau-coup. Pourtant je suis placée au cœur de Strasbourg, à deux pas de la gare SNCF, de la petite France, et du Musée d’Art Moderne et Contemporain.

C’est un quartier multiculturel, à le voir, rien que dans mon bâtiment : mon voisin d’en face est brésilien, son copain allemand. L’année dernière, celui du palier d’en dessous était indien, en face, il y avait une amie espa-gnole. Au dessus, il y a Madame Bapts. Tout le monde connaît son nom, mais très peu l’on déjà aperçue en dehors de chez elle. C’est au moins une octogénaire. Je ne suis jamais allée la voir pour lui demander des nou-velles. J’irais demain. Comme je dis toujours. Au Rez-de-chaussée, il y a ce monsieur qui est souvent à sa fenêtre, et qui semble être le premier à savoir tout ce qu’il se passe dans l’immeuble. Ça ne m’étonnerait pas qu’il soit alsacien, et qu’il ait vu des générations de collocations passer dans les couloirs carrelés au plafond

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à moulures. Du peu que je puisse voir de son appar-tement, il semble rempli d’une multitude de petites choses du plancher jusqu’au plafond.

Bien que je ne connaisse pas réellement ces personnes là, depuis un an j’ai pu en avoir un aperçu global, quant aux autres, je n’ai jamais su qui ils étaient. Mon im-meuble compte 4 étages avec 3 appartements par palier. Une quinzaine d’appartements. Je ne connais aucune autre personne du quartier.

Lorsque je passe le pas de la porte, je prends souvent les mêmes directions :

De nombreux matins, je prends la route de la boulan-gerie, à environ 32 pas de mon immeuble. La dame du matin est la patronne, celle du soir son employée, elle est peut-être aussi sa mère ou une amie. Je ne connais pas leur prénom. Elles ne connaissent pas le mien, mais savent un bout de la vie de tout le monde. Elles pourraient porter la casquette de concierge. Bref, il y a toujours du monde, l’entreprise semble tourner à plein régime. J’ai souvent croisé des habitués qui n’ont plus besoin de dire ce qu’ils souhaitent pour être servis.

Je prends aussi la direction du Carrefour City, de l’autre côté de la route, où l’on pourrait croire que le monde subit une crise monétaire insurmontable. Il ne s’agit plus d’une ou deux petites vendeuses qui vendent leur pain artisanal, mais de cette grosse chaîne de su-permarché qui profite de la fainéantise de la popula-tion pour vendre des produits de l’industrie et monter leurs prix. J’y vois toujours les mêmes vendeurs, mais nous n’échangeons jamais autre chose que des produits contre de la monnaie. Depuis les attentats du 13 no-vembre, il y a un mec baraque derrière la grande porte

vitrée. Je trouve ça ridicule pour un si petit magasin, les gens sont obligés de déposer leurs affaires à l’entrée. Il est probable que l’on croise souvent les mêmes per-sonnes sans même s’en rendre compte.

En face, il y a le pakistanais, peut-être turc. Mais on l’appelle le paki. Je n’ai jamais osé lui demander. Il doit trouver que les prix du petit carrefour ne sont pas assez élevés pour vendre ses produits à ce prix là. Il est rare que je vois le grillage de son entrée baissée, tout les gens du quartier ont un jour acheté quelque chose chez lui dans l’urgence. Lui, il est souvent au pas de sa porte à regarder tout ce qu’il se passe. Je sais qu’il me reconnaît, et qu’il sait ou j’habite, mais il ne m’a jamais rien dit d’autre que le prix de ma commande.

Ces lieux de vente, j’imagine que la plupart des habi-tants du quartier y passent plus ou moins régulièrement.

A côté de cela, il y a beaucoup de commerces : un bar à chicha, la poste, le vinophile, des tabacs, bars, kebabs, épiceries de nuits, des coiffeurs, pharmacies ...

Il y a aussi des lieux semi-privés et publics non com-merciaux : le musée d’art moderne avec sa place où des groupes multiples viennent s’installer à toute heure du jour et de la nuit. Juste à côté de mon bâtiment se trouvent les infrastructures des compagnons du devoir. Il y a également un établissement religieux, dont per-sonne ne semble connaître l’orientation. Probablement juive, en tout cas, caché derrière un mur gigantesque de briques rouges. Derrière le pâté de maison, il y a aussi une place avec des minis espaces verts pour se croire plus proche de la nature : le jour il y a des enfants qui jouent, la nuit des hommes ivres qui braillent gueule béante leur mécontentement sur la société.

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En somme, ce quartier fait preuve d’une grande mixité culturelle, où il semble y avoir de grandes opportuni-tés d’échanges dans la diversité. Il m’intéresse pour son côté hybride, proche de la petite France, avec ces mai-sonnettes aux loyers élevés, du musée d’Art moderne, image de la culture contemporaine, mais pourtant ins-tallé au milieu de cette rue qui voit de jeunes femmes exotiques défiler tard sur les trottoirs.

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L’espace à raconteries «Ces étrangers de l’autre côté du mur»

Cette série est constituée de récits écrits en ré-ponse à ma demande sur les réseaux sociaux en février 2016. Elle a eu pour objectif de prendre du recul sur mes expériences personnelles quant au rapport qu’en-tretient chacun, ou non, avec son voisinage.

Les réponses font preuve de diversité selon l’auteur, le lieu d’habitation, mais aussi le type de lien entretenu avec les voisins, ces «étrangers de l’autre côté du mur». Certaines sont bavardes, anecdotiques, ba-nales mais remarquables, d’autres effrayantes ou bien hilarantes. Plusieurs écrits semblent chuchoter des questionnements, des intentions, des envies, ou des manques, et parfois aussi, des appels au secours.

Ces récits sont les originaux, tantôt tapés à l’écoute d’une fine oreille, tantôt reçus directement par retour de messages Facebook, sms, ou mails.

Merci à tous les participants d’avoir pris le temps de poser leur conte sur un clavier.

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«Clé à molette» de Céline V

Lorsque j’ai emménagé à Nîmes pour trois mois, le temps d’un stage, j’ai dû emprunter un vélo pour pouvoir me rendre au travail. Or la personne l’ayant utilisé avant moi était un géant, et du haut de mon mètre soixante, mes pieds ne touchaient pas le sol une fois assise sur la selle de ce magnifique vélo Déca-thlon. Ne connaissant personne dans cette moyenne ville provençale et n’ayant absolument pas les outils adéquates dans mon appartement meublé, j’ai dû me résoudre à demander de l’aide à mes voisins. Or voilà. Toutes les portes se ressemblaient, comment savoir qui était équipé en matériel cycle ? Première ten-tative chez le concierge. Je prends mon courage à deux mains. Je sonne. J’attends. Personne. Je retente. Per-sonne. Je remonte les étages et sonne à quelques portes au hasard, essayant de tendre l’oreille pour dé-tecter un éventuel bruit qui indiquerait une présence. On est en plein après-midi, période de vacances sco-laires, personne ne me répond. Je remonte défaitiste sur mon palier, lorsque j’entends la télé de mon voisin crier à travers la porte. Je devine sans mal qu’il est en train de regarder les Anges de la télé … Je sonne. Un petit garçon d’à peine huit ans m’ouvre. Victoire ! Je sais qu’il a un vélo, je l’ai vu plusieurs fois en faire sur la terrasse au pied de l’immeuble, il sera équipé ! Je lui demande ce dont j’ai besoin, il part voir son père qui était visiblement en train de se raser au bruit de la tondeuse. Pensant certainement que je ne l’entendais pas, il lui répond qu’il ne veut pas prêter les

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outils à une inconnue et enchaîne par «T’as qu’a lui dire qu’on n’a pas !». Le petit garçon revient et s’excuse de ne pas avoir ce que j’attends. Je lui fais un léger sourire et après un «C’est pas grave, tant pis!» je lui souhaite une bonne journée. Légèrement contrariée, je vais à la porte d’en face et sonne avec entrain. Un monsieur d’une cinquan-taine d’années en jogging et tee-shirt sale apparaît. Je lui expose ma demande d’outils et me répond avec un grand sourire qu’il va regarder ce qu’il a. Il m’invite à descendre et à sortir mon vélo du local : il va m’aider à descendre ma selle. Une fois en bas, il arrive avec un maigre butin de clés à mollette absolument pas adaptées à l’écrou de ma selle. Loin de se démonter, il me demande de patienter : il connaît un voisin qui a forcément ce qu’il faut ! À peine deux minutes plus tard, le voilà qui redescend avec le petit garçon de huit ans et ses petites clés prévues pour l’entretien d’un vélo. Rougissant, il s’excuse avec un : «Je n’avais pas compris ce que tu voulais», je lui souris en lui répondant que je ne m’y connaissais pas trop au vélo ayant appris à en faire depuis 15 jours ! On s’est mis à discuter tout en abaissant ma selle, ils se sont bien marrés quand j’ai essayé d’en faire devant leur yeux pour tester la hauteur. Nous avons en-core papoté une dizaine de minutes, le petit garçon était fier de me donner des conseils pour faire du vélo tandis que le voisin était fier d’avoir enfin identifié la joggeuse qui s’étirait devant les fenêtres de son ami et voisin.

J’avais déjà hérité d’une réputation malgré moi dans le voisinage… Et moi qui me croyais discrète ! ...

«Faire un flop» de Lucie P.

Petite histoire avec ma voisine : Soirée chez moi, on boit quelques bières, et par politesse, on va au balcon, on se penche pour l’invi-ter à boire un coup. Sauf que, manque de bol, elle était en train de baiser avec son copain, volets ouverts... Du coup elle a pété un plomb et n’est pas venue à la soirée.

«Tomber» de Guillaume B.

J’ai pas tant d’anecdotes que ça. En fait, on se rend compte qu’on habite quoi ? Un an, deux ans, voir plus, à 3 mètres de personnes sans jamais les côtoyer ni même les rencontrer, et parfois même, en les évitant à certains moments (en ville en tout cas, à la campagne ça se passe peut être autrement). Est-ce que c’est une manière de se protéger en ville ou on est déjà bien en contact avec les autres ha-bitants de cette dernière ? Est ce que c’est par ce que on habite très proche qu’on essaye justement de garder une distance vis à vis d’eux ?

1_Bref, j’habitais encore chez mes parents en immeuble, et une fois je suis monté (par ce que j’étais énervé) très vite les cinq étages qui m’amenaient chez moi. Vu que je n’avais pas mangé je suis tombé dans les pommes (comme une merde). En me réveillant, je me souviens de la tête de ma voisine qui avait rejoint ma mère pour tenter de me réveiller.

2_Celle-ci elle est vraiment glauque.Toujours chez mes parents. Un matin très tôt j’étais dans ma chambre et un cri effrayant surgit de chez mon voisin de pallier. Je me souviens encore de ce cri

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qui m’a glacé le sang, vraiment, un cri de douleur, de terreur. Sa femme venait de sauter par la fenêtre de la cuisine, cette fenêtre qui jouxte la nôtre. Ce voisin, je ne le connaissais pas, et il me semble ne l’avoir jamais vu. Je sais juste qu’il a une pe-tite fille. En ce moment même j’imagine, si j’avais été à la fenêtre à cet instant là, à voir la scène … Je me demande alors le rôle des voisins dans ces cas là. Veiller les uns sur les autres, pouvoir déceler des dé-tresses, un mal-être ? ...

«Les chaussures de travail» de Fabien E.

Il y a quelques années , je vivais en coloc avec deux autres amis étudiants dans un appartement de 70 m² en haut d’un immeuble, à Clermont-Ferrand.

Quelques jours avant la nouvelle année, per-sonne encore n’avait de plan pour fêter le réveillon, on a alors décidé de faire une grosse soirée, en invitant le maximum de personnes possible, à venir faire la fête chez nous … nous n’avons pas été déçus. Plus d’une vingtaine de personnes étaient présentes. La fête bat-tait son plein, l’alcool, la musique, on dansait même jusqu’au balcon de notre appart. D’autres étudiants faisant la fête dehors et en-tendant le bruit depuis le balcon, ont demandé à ceux qui se trouvaient sur celui-ci s’ils pouvaient monter. Mes potes déjà bien imbibés on dit :  « Oui bien sur, venez, montez ! Au fur et à mesure plus d’une trentaine de personnes circulaient dans l’appartement, c’était dé-finitivement le bordel ! Mais quelle fiesta !

La soirée se termina bien tard dans la nuit,

quelque peu décousue dans mon esprit.

Quand le lendemain matin vers 9h -10 h, mon coloc me réveilla pour me dire que le voisin voulait me demander quelque chose, (comme si mon coloc n’était pas assez grand pour répondre à sa question, il voulait plutôt me refiler le colis). Bien sûr, les yeux pas encore très bien ouverts et la gueule de bois frappante, je viens à la rencontre de mon voisin qui me dit très gentiment : «Bonjour excusez-moi, je suis le voisin du palier d’en face, je sais que vous avez fait la fête hier, vous êtes jeunes, il n’ y a pas de problème, mais mes chaussures devant mon palier ont disparu, ce sont celles que je prend pour aller travailler. Oups, je me suis retrouvé à appeler mes amis de la veille, ainsi que les amis de mes amis (après avoir bien galéré pour les obtenir ^^), sans résultat. J’ai fait le tour de l’appartement, j’ai retrouvé une couronne de houe qui appartenait à la voisine du dessous, une plante qui appartenait à la voisine du rez de chausse, un placard à chaussures vide qui venait de je ne sais ou. J’ai vraiment halluciné en me réveillant et en découvrant tout ça, il y avait tout et n’importe quoi dans cet appar-tement sauf les chaussures de ce pauvre voisin. Évidem-ment, le reste des voisins n’avait pas l’air de nous porter dans leur cœur non plus.

Bref, j’ai fêté un premier de l’an chez moi.

«Le voisin suicidaire» de Mathieu V. Il faisait du bruit, du théâtre sur son balcon. Je lui disait que ce n’était pas cool, qu’il pourrait avoir des embrouilles. Je l’ai invité chez moi pour boire une

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bière. J’ai vite découvert qu’il avait des soucis psycholo-giques. (Il m’a donné son âge en binaire.) Plus tard, en rentrant de vacances, j’ai vu que sa porte était complètement défoncée. J’ai demandé à mes voisins ce qu’il en était. Ils m’ont expliqué qu’il avait tenté de se suicider, les pompiers sont venus, ont défoncé sa porte, et sont finalement passés par la fe-nêtre.

« Radio » de Mathieu V.

Un autre jour, j’ai claqué ma porte avec les clefs de l’appartement, dans l’appartement. En grand brico-leur, j’ai commencé à essayer d’ouvrir ma porte avec ma carte bancaire, mais elle était trop petite et trop épaisse. Des voisins sont passés dans l’escalier, je leur ai donc demandé de l’aide. Ils m’ont donné une pochette plas-tique avec laquelle j’ai pu rouvrir ma porte. Je les croi-sais de temps en temps dans l’immeuble, mais je ne les connaissais pas. Aujourd’hui, j’ai décidé de les inviter à boire un coup pour les remercier.

«Jean-Claude» d’Alain F.

Dans mon immeuble, il y a notamment un fou au 3 ͤ. Un … Je sais pas comment le qualifier. Il s’ap-pelle Jean-Claude, il est en très mauvais état, et il fait rien de sa vie. Il y aussi une dame, que je croise dans la rue en sortant de chez moi, qui me dit souvent «Ah j’ai prié pour vous à la messe aujourd’hui.». Il y a plein de gens bizarres. Hier, j’ai appris que Jean-Claude a planté un

SDF en bas de chez moi. L’histoire, c’est que Jean-Claude, il se faisait racketter par ce mec, enfin, il y a une histoire comme ça je sais pas bien. Et du coup, Jean-Claude l’a planté, et il est allé voir les flics ensuite.

Sinon ma voisine est très charmante. À chaque fois que je la croise, je trouve qu’elle a un sourire qui irradie.

« Le match » de Margot B.

Depuis mon arrivée dans mon immeuble, de temps en temps, le soir j’entends des cris. Au début, j’essayais de comprendre ce qu’ils disaient : «Va te faire foutre», «Tu fais rien» … etc. J’ai donc commencé à psychoter  : C’est peut-être un mari qui bat sa femme, je devrais peut-être appeler la police. En l’écoutant plus attentivement, je me suis rendu compte que cela n’arrivait que certains soirs, j’ai finalement dé-duis qu’il criait devant son poste de télévision, lors d’un match de foot ou autre.

J’espère toujours qu’il n’a pas de femme vu sa puissance vocale …

«Les voisines et le lard fumé» de Rémi P.

- J’ai quitté la région de Lyon pour Strasbourg. J’avais enfin l’occasion de changer d’air. Pour me sentir à l’aise dans mon nouveau chez moi, je rencontre mes nouvelles voisines. Au fil des discussions, ces vieilles dames m’échangeaient plus que des bonnes paroles : j’eus goûté pour la première fois du lard fumé de la

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Forêt Noire ! Puis des œufs de leurs amis fermiers ! Puis de la charcuterie d’un traiteur allemand ! Et en période de fête, quelques délicieux chocolats ! Mais je ne pou-vais pas rendre tout ça, c’est pourquoi j’ai récemment refusé leurs présents. Irène, me tendant des knacks, me dit chaleureusement : « Comment je fais, moi, si tu me refuses de te faire un cadeau ? (silence) Fais moi plaisir en les prenant. « « D’accord, mais attendez, je reviens. Voi-ci des poivrons confits que j’ai préparé. «

Mes voisines étaient un bout de ma famille, généreuses.

- Je les entends préparer à manger (lors-qu’elles utilisent le mixer pour leurs soupes). Si elles ont un truc à me dire, elles attendent que je sorte prendre mon vélo, sortir les poubelles, que je fasse du bruit avec mes clés pour ouvrir ma porte. On se voit, on s’entend, on vit dans la même maison. On écoute chaque vibration. Je pense qu’on partage plus ce qu’on peut s’imaginer. Je doit être une vague dans leurs vies.       Irène m’a proposé de me laisser le journal quoti-dien. Quand je rentre des cours, je le vois au pied de ma porte et je sais qu’elle a pensé à moi. Depuis plus d’un an, je vois les gribouillis qu’ils font dessus.      Plusieurs fois, en début de soirée, quelqu’un sonne. C’est encore Irène, et je sais qu’elle vient pour nous, souvent avec un paquet d’aluminium avec des bonnes choses dedans. À chaque retour de vacances, je sonne chez Irène et Raymond, rentre et discute. Elle me parle de son rythme de vie, ses corbeaux, les périodes de maladie, les aventures du quartier, son kiné Anna, etc. Je n’ai pas encore dîné avec elle. J’ai demandé à son mari de m’emmener voir ses chevaux, à la cam-pagne. Il m’a dit qu’il me fera monter. J’ai hâte d’avoir ce bol d’air frais.

« J’ai juste vomi m’sieur l’agent» de Pierre L.

Un matin, j’me réveille. J’ai la gueule de bois. Y a des mecs qui parlent québécois (j’habitais à Mon-tréal). J’ouvre les yeux : je suis tout habillé, j’ai du vomi sur moi, je suis dans mon canap’, y’a deux flics dans mon salon qui me regardent, et mon voisin derrière (un gros vieux chauve avec un accent incompréhensible). Le matin en sortant de chez lui, il avait remarqué que ma porte était entrouverte. Il a cru que je m’étais fait cambriolé, alors il a appelé les flics.

«Monter amoureux» de Léna V.

Au début de l’année, j’ai croisé mon voisin dans la cour, en fin de soirée. Il habite à l’étage au des-sus de mon appartement. Il avait un petit souci avec son antivol de vélo. La clé était restée coincée à l’intérieur. Il m’a demandé d’essayer de la débloquer. Sans succès. Il a donc monté son vélo dans son appartement avec mon

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aide, et m’a invité à boire un coup. Depuis on ne s’est jamais quitté. On a d’abord été un couple, puis il est devenu un de mes meilleurs amis. Je passe la moitié de mes soirées dans son ap-partement !

«Cambrioleur sur le départ»de Kerry G. 28 rue Saint Louis, Toulouse. Mon premier appartement pour une première année de master dans la ville rose. Je me souviens qu’il fallait passer la première porte du bâtiment, puis traverser la cour, et enfin grimper à l’étage par un escalier dont la peinture tom-bait en miette. J’avais des voisins au dessus, en dessous et à côté. Les murs étaient froids, le plancher n’était pas épais et les poutres au plafond grinçaient à toute heure. Mes voisins du dessous adoraient débattre vivement de politique avec leurs amis les soirs de se-maine, jusqu’à parfois deux heures et demi du matin. Ma voisine du dessus me réveillait fréquemment avec le bruit de ses talons sur le parquet à cinq heures du matin. Il m’arrivait de me demander s’il elle partait travailler ou s’il est rentrait simplement de soirée.

Mais la meilleure, c’était celle d’à côté. Nos portes étaient collées. Le couloir nous appartenait. Nous avions la même propriétaire. Nous ne nous connaissions pas. Jusqu’au jour et je me suis décidé à déménager (après 1 an dans l’appartement).

Lorsque j’ai commencé à déplacer des affaires pour quitter ce premier petit appart, j’ai laissé rentrer un inconnu dans la cour de l’immeuble. J’étais en train de déménager, ma voiture garée devant était rem-plie, et je partais déposer des affaires chez une amie. Une heure après, lorsque je suis rentrée, je suis arrivée en même temps que ma voisine. Nous avons traversé la cour ensemble et sommes arrivés devant nos portes. La sienne était défoncée et son appartement vidé. Le type que j’avais laissé entrer était le cambrioleur. Je le sais grâce à plusieurs détails un peu long à conter. (Mais je ne savais pas sur le coup !) Je devais rendre mes clefs le lendemain, un same-di à 11h, et rentrer sur Lyon dans la foulée (5h de route). Pourtant j’ai décidé d’accompagner ma voisine au commissariat afin de porter un témoignage. De 14h à 20h, j’ai attendu au commissariat. La plus longue at-tente de ma vie. Je devais patienter afin que ma voi-sine termine sa déclaration. Je suis sortie à 21h30, cla-quée, impossible de prendre le volant pour 5h de route. Plus de clefs d’appartement (état des lieux fait le matin). Alors, ma voisine m’a proposé de dormir chez elle, dans le salon, en face de la porte fraîchement fracturée. Hum. Le serrurier n’était pas encore pas-sé, c’était une situation comique et plutôt flippante. On a tenté de bloquer la porte comme on pou-vait, au cas ou il reviendrait. Parait-il que les cam-brioleurs ne reviennent que tous les deux ans en moyenne... On n’a pas beaucoup dormi cette nuit là. J’ai donc appris à connaître ma voisine le jour de mon départ. On s’envoie encore des news aujourd’hui.

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«Boule de neige» de Lydia C. Cela se passe à Besançon, hiver 2013, dans un immeuble des années 80, non loin de la gare. Il était 22h passé, j’éteignais tout, et m’apprêtais à aller me coucher. Plus de lumière, plus de radio, le silence total. Quand j’entendis un bruit étouffé sur la fenêtre, pro-venant de l’extérieur. Prise de peur, je rallume tout. Un deuxième coup. En regardant par la fenêtre, je vis mon voisin du dessus, se préparant à me lancer une troisième boule de neige sur la vitre. J’ouvre la fenêtre, lui demandant ce qui lui arrive à cette heure-ci. Le syndic’ venait de changer le code de la porte et il ne l’avait pas. «14-01-A !» lui lançais-je. J’entendis quelques minutes plus tard la porte s’ouvrir. Une nouvelle manière d’interpeller ses voisins : leur lancer des boules de neige au carreau. Je me demande aujourd’hui s’il avait fait cela uniquement pour le code de la porte d’entrée... Quelques jours plus tard, il recommençait. Jusqu’au jour où je lui ai gentiment demandé de s’arrêter.

«Bienveillance» de Barbara et Hélène K.

Ce matin, l’interphone se met à sonner. Je n’attends personne. Je décroche et cherche une réponse à l’autre bout du fil, à la porte du Rez-De-Chaussée. Rien.

Surprise, j’entends la voix de ma vieille voisine juste derrière la porte de l’appartement. Les seules fois où je l’aie vue étant dans des situations critiques, je

m’inquiète et ouvre vite la porte. Elle a probablement besoin de quelque chose.

Elle se tient face à moi, un peu courbée, et me remercie d’une voix tremblante de la lettre que je lui ai écrite. Je ne comprends pas, lui demande ce dont il s’agit. C’est en fait ma colocataire qui lui avait genti-ment transmis une lettre pour lui demander si le bruit de notre collocation au quotidien la dérangeait. Elle lui a également joint son numéro de téléphone portable en cas de besoin. Mme BAPTS ne savait pas nos prénoms. Elle semblait touchée par la démarche.

À moi, d’être surprise d’une pure bienveillance de ma colocataire envers cette vieille dame, et de me trouver bête ne pas avoir pensé plus tôt à le faire. Je pense dorénavant aller la voir plus souvent. Peut-être serait-il plus facile de trouver une excuse, pour lui rendre visite de temps en temps ?

«Résidence parisienne» de Nicolas T.

Je loge dans une résidence accessible seulement par des étudiants boursiers, et à priori, cela doit ressem-bler à un espace de fête et de convivialité. C’est effecti-vement un «a priori», la vie y est calme, respectueuse et parfois solidaire. Loin des clichés renvoyés par les films américains associant résidence et espace de non-droit, ici tout le monde à son appartement, comme dans n’importe quel autre immeuble dans Paris, avec un supplément d’espace aux normes et de salubrité.

Le rôle de la wifi : Dans la plupart des logements où j’ai vécu,

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s’arranger avec le voisin pour la wifi se fait dans les premiers jours. C’est un contact «admis» mais qui ne donne pas de suite particulière. Aujourd’hui, à la rési-dence, on partage une connexion pour deux.

L’aspirateur : Un aspirateur pour plusieurs personnes ça semble suffisant. Pourtant je n’ai pu avoir que 2/3 fois l’aspirateur d’un de mes voisins, c’est un outil délicat à négocier, s’il symbolise la propreté, il véhicule aussi l’idée d’un partage de la saleté. Un objet pas très fédé-rateur. J’aimerais un aspirateur en accès libre, avec un embout individuel ou un truc du genre. 

Mobilier : Il arrive que le mobilier et la vaisselle circulent entre les apparts, pour une soirée organisée par un étu-diant.

Santé et nourriture : Je suis tombé malade, grosse fièvre, pas d’éner-gie. Par hasard un soir mon voisin m’appelle pour sa wifi, et de fil en aiguille, me propose son aide si j’en ai besoin. Je lui demande alors s’il peut me faire une as-siette pour le soir, auquel cas je n’aurais pas pu manger.

Dans le même esprit, j’ai déjà prêté mon four les vacances à une voisine, offert des cookies à une autre, organisé un poulet partagé, et mon voisin m’a déjà ramené des confitures de Martinique.

Aussi, j’ai rencontré un voisin qui avait des pe-tits soucis, et suis allé lui chercher des médicaments à la pharmacie  ? J’ai ensuite appris qu’il avait juste une gueule de bois, il y avait de la cocaïne qui traînait chez lui. On est allé manger une pizza, c’était un gars à his-

toires de drogue en tout genre. Il a cru que l’on était meilleurs potes le lendemain. Je ne lui ai plus jamais reparlé.

Rencontre entre voisins : La véritable rencontre entre tous les voisins fut lorsque j’avais oublié mes clés à l’intérieur de l’appart. J’étais coincé devant ma porte, les gens de mon étage commençaient à rentrer chez eux et restaient à essayer d’ouvrir la porte. On s’est retrouvé à cinq/six, on a fini par réussir. Puis la semaine d’après nous avons mangé ensemble.

Quand quelqu’un oublie ses clés, il arrive que j’aille lui expliquer comment s’y prendre maintenant, après on boit un coup, et chacun rentre soi.

Sport : Piscine, course à pied, ça peut arriver entre nous. Maintenant il y à un Facebook où les gens pro-posent. Il y a la même chose pour les soirées, mais ça ne fonctionne pas trop, on reste des voisins, et pas for-cément des amis.

« Roues de vélo » de Pétronille C.

Histoire de ce soir, bonsoir. En arrivant dans mon immeuble cette année, je me retrouve dans un appartement qui donne sur la cour. Je me dis vite: je ne vais pas beaucoup connaître mes voisins. Je les croise de loin dans l’entrée, mais ja-mais les mêmes. Mais cet appart sur la cour a un avan-tage: je connais et je vois les vélos et leurs propriétaires. Sauf deux vélos, posés au fond de la cour qui

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pourrissent lentement depuis des mois. Jamais personne ne vient les déplacer. Or, pour un projet de design, je me retrouve à concevoir un chariot. Nous avons toutes les peines du monde à trouver des roues pour le tirer. Nous cherchons partout et un soir mes yeux se posent sur les deux vélos de ma cour. Je me dis: j’ai ces roues ! Mais je ne vais pas sonner à toutes les portes de tout l’immeuble pour bouger tous ces gens que je ne connais pas. Alors je passe une heure à copier une à une 20 cartes: «Bonjour j’habite l’immeuble et je me demande si les deux vélos qui pourrissent contre la porte en bois de la cour sont à vous. Ça m’intéresserait assez de ré-cupérer leurs roues pour un projet en design» et deux coches: «c’est à moi» ou «non». Je m’empresse de tout poster, le projet de design en question finit dans une semaine. Et aujourd’hui, 48 h plus tard, alors que je pensais que ça n’intéresserait personne, j’ai six réponses avec juste une croix, un nom, une explication, un smi-ley. Je n’ai pas retrouvé les propriétaires mais ça fait chaud au cœur ce premier vrai échange entre habitants!

«Réveil diurne» de Pierre L.

Un dimanche je rentre dans mon immeuble à Paris après avoir passé un long week-end à la maison à Lille. Je sors de l’ascenseur au 6ème, et là j’entends «TUT TUT TUT TUT TUT». C’est mon réveil qui sonne. Depuis vendredi matin. J’avance vers chez moi, et sur ma porte je vois que ma voisine m’a laissé un mot: Tu ne vis pas seul dans cet immeuble. Merci.

C’était il y a 6 ans, mon premier appart à Paris.

Depuis, j’ai déménagé 5 fois, mais j’ai toujours le mot accroché au dessus de la porte de ma chambre.

« Balle perdue » d’Eric S.

Je devais avoir treize ou quatorze ans, et dans le quartier ou j’ai grandi, entre deux immeubles on jouait au ballon. Au jeu de la pomme on appelait ça. C’est-à dire qu’on se passait la balle en touchant un mur entre chaque passe.

Et évidemment derrière ce mur quelqu’un vi-vait dans son appartement. Ce quelqu’un était vieux, genre soixante-dix, soixante quinze ans, et un jour, sû-rement à cause du boucan que devait faire le ballon contre le mur de son appartement, il a pété un câble, et nous a tiré dessus avec son fusil de chasse en hurlant.

Avec le temps, je pense qu’il avait visé en l’air, mais bon ça avait été bien flippant.

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«Petits vieux» de Christiane J. C’est l’inconvénient de vieillir, parfois les vieux sont difficiles. Comme mon amie oublie tout après 3 minutes, je surveille son chéquier et ses factures lorsque je peux. Elle a deux sœurs, une qui vient jamais et l’autre rarement. Heureusement, elle a un monsieur qui est con, mais qui vient la voir tous les jours. Elle ne lit pas facilement. Par contre, la mère d’une amie, 92 ans, lit 3 livres par semaine et est très agréable à visiter. Si tu as un peu de temps, va voir ta voisine. Sans aller si loin, regarde ta grand-mère, elle est top. Beaucoup ne savent pas se servir de l’internet Paul, comme ton père, refuse mais il voit très mal.

«Les 3 R» d’Alexandre M.

Il est rare de passer un week-end sans les croiser, sans qu’ils passent, sans que tu sois amené à t’y arrêter. À la campagne, tout le monde est sensiblement plus ou moins voisin.  Disons que la limite du voisi-nage ne s’arrête pas aux portes du palier, mais à une distance variable, applicable à chacun, et à chaque rue. L’arrivée des trois R, est une réflexion aussi anec-dotique, et peu importante, qu’elle est devenue régulière. Allez, il est 9h, le temps est au beau fixe, je décroche deux tréteaux, cherche un vieux morceau de planche,  une  paire  de serre-joint, ouvre le garage, et commence à bricoler. Le silence, tout d’abord, voilà ce qu’on apprécie à bricoler dans un petit village.

Mais voilà, le silence est relatif, tout comme le calme, le tumulte, le flux, l’agitation. C’est -presque- comme à la ville, à la différence que les sollicitations et le trafic sont celui des voisins  (amis)  de la rue. Et voilà que Robert arrive le premier. «J’ai enten-du la meuleuse, j’suis v’nu voir c’que tu bricolais encore « Et au tour de Raymond, qui a vu Ro-bert sortir, et qui est sorti à son tour. On attendra un peu, à discuter, et Roger ar-rivera.» J’me suis arrêté,  p’têtre  qu’il y allait avoir  quelq’un  ?». En fait il y a toujours quelqu’un. Ces voisins-là cultivent  l’opium, les vertus de l’oisiveté. Et c’est comme ça tous les week-ends où l’on bricole, et c’est peut-être pour ça que l’on continue, pour les attirer plus que pour travailler.

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VDM LES RÉCITS D’INTERNAUTES

Afin de ne pas centrer ma recherche uniquement sur mes proches, j’ai pu me baser sur de courts écrits d’in-ternautes mettant en avant des conflits anecdotiques de voisinage. Le fameux site VDM (Vie De Merde) 1fait évidemment ressortir des pépites de la vie en im-meuble, et le caractère blasé des citadins face à des si-tuations souvent incongrues …

1 http://www.viedemerde.fr/ http://voisins-de-merde.fr/

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Analyse des récits

et synthèse des recherches en sociologie

CONNAISSANCE AMOINDRIE DU VOISINAGE- Les récits montrent un maigre connaissance du voi-sinage.

- Souvent, on ne sait pas à qui on s’adresse, ou qui on croise. Voisin ? Ami du voisin ? Aide à domicile ? Réparateur ?

- Il est rare que nous sachions exactement où habite quelle personne, et encore moins quels sont les noms et prénoms des habitants de toute la propriété.

STATUT HYBRIDE DU VOISIN- Les habitants d’un même lieu sont menées à se croiser régulièrement sans pour autant se connaître.

- Une gêne peut s’installer entre ces «  passants  » qui sont tantôt des connaissances, tantôt des inconnus.

- Il y a un paradoxe entre la proximité géographique que nous avons et la prise de distance que nous pre-nons les uns les autres.

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DES PROFILS HÉTÉROCLITES- En discutant, les habitants montrent une dichotomie systématique des rapports de voisinage entre la ville et la campagne. Certains montrent une nostalgie «du temps où l’on connaissait tous ses voisins».

- Les centres d’intérêts sont rarement juxtaposables, mais les voisins peuvent se partager des éléments selon des thèmes : musique, livres, objets utiles, ...

- On observe une différence d’ouverture à l’échange et à l’entre-aide. Certains sont en demande de plus d’inte-ractions, d’autres veulent leur tranquillité.

- On ne sait pas chez qui sonner lorsque l’on a besoin de quelque chose. Ceci est pourtant fédérateur de mixité, car c’est le hasard qui dirige nos pas en direction d’une porte. Ne pas savoir à qui on va s’adresser, comme à l’Accorderie, permet une mixité sociale sans limite. La non connaissance du profil des voisins emmène à la mixité, la méconnaissance, elle mène aux jugements.

- Si elle connaît ses voisins, la personne dans le besoin ira en premier chez les personnes qu’elle considère les plus disponibles.

- Les personnes les plus discrètes, fragiles, âgées, ou à mobilité réduite, peuvent être exclues de la vie de voi-sinage.

DISTANCIATION ET VŒU D’ANONYMAT - Les habitants préfèrent parfois que leurs voisins restent des inconnus et ne souhaitent pas les rencontrer pour se

sentir en possession d’une plus grande liberté d’expres-sion. Si l’on ne connaît pas son voisin, on sera moins gêné de faire ce que l’on souhaite quand on le souhaite.

- Il arrive que les individus fassent en sorte de ne pas se croiser et s’évitent dans les couloirs.

QUASI-ABSENCE D’INTERACTION MAUVAISE COMMUNICATION / CONFLITS- Il y a peu d’échanges directs en dehors de ceux néces-saires. L’élan envers l’autre se fait principalement en cas de besoin.

- Des scènes narrées montrent une peur de l’inconnu, des voisins méconnus. On s’imagine des ‘choses’ … « Ils sont bizarres ». Tout ceci est souvent du au manque de communication inter habitats.

- Naissance de malentendus par manque de communi-cation directe.

- Un mauvais premier contact bloque souvent la suite sur de possibles échanges, et mène à un cercle vicieux. - Les causeurs de troubles se rendent souvent compte trop tard de leur gêne envers le reste du voisinage.

- Les troublés sur-réagissent à des gênes petites mais persistantes. Sentiment de fébrilité.

- Les voisins nient parfois leurs comportements négatifs lors d’un face à face.

- Parfois une meilleure communication n’est pas suf-

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fisante face à des conflits aux sources profondes, et à des personnes aux personnalités trop divergentes. Il est important de prendre en compte le passé du voisinage pour y débuter un projet nouveau.

INTIMITÉ ET GÊNE - Il y a une implication involontaire dans des moments intimes d’autrui : ébats amoureux, disputes, rythmes de vie ...

- La proximité dans l’espace peut rapidement être gê-nante au quotidien, et faire remonter des manques d’in-timité lourds à supporter sur le long terme.

- La nature des rapports dépend surtout des préfigu-rations du lieu de vie : Petit ? Isolé ? Dans un quartier calme ? Populaire ? Plutôt étudiant ?

ÉLAN VERS L’AUTRE/ CURIOSITÉ DE CONNAÎTRE - Les histoires tournent souvent aux ragots, racontées entre personnes d’un même immeuble ou quartier.

- Certains recherchent des excuses ayant pour but final la simple rencontre.

- À terme, il peut naître une curiosité d’en savoir plus sur la personne de l’autre côté du mur.

- Quelques personnes s’adonnent à des jeux de séduc-tion.

- Souvent, l’envie et la volonté de rencontrer n’est ja-mais dépassée. On en viendra souvent à se dire lors d’un

déménagement que l’on ne connaît toujours pas son voisinage.

- En parallèle, une première rencontre en entraîne sou-vent d’autres.

CURIOSITÉ DES SENS- Nous habitons, vivons et évoluons dans un espace où d’autres facteurs traversent les murs  : Les sons, les odeurs, l’air, la vue à partir des ouvertures …

- Les espaces communs sont, par définition, partagés. L’image du lieu, ses sons, ses odeurs, peuvent être source de conflits ou d’une dynamique positive.

- Dans un immeuble de ce type, les voisins sont vite menés à comprendre les rythmes et modes de vie des autres habitants. En quelque sorte, chacun en vient à rentrer dans la vie intime de la personne de l’autre côté du mur. Il peu y avoir une part de voyeurisme naturel et souvent non-assumé.

- Souvent un seul de nos sens rentre en jeu : On ne sait que ce que l’on voit par les fenêtres, ou ce que l’on en-tends à travers les murs. On devine le reste.

- Le fait de ne pas avoir tous les sens pour comprendre, on se méprend sur ce que l’on voit ou entend. Dispute ou film d’action ? ...

- L’espace semi-public est touché par les rythmes de vie qui vient de l’intérieur des espaces privés.

OUTILS DE MUTUALISATION/ NUMÉRIQUE

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- La boîte aux lettres semble être le support le plus uti-lisé pour transmettre les informations et demandes à l’ensemble des habitants d’un immeuble.

- Il y a cependant une absence d’espace ou d’outils de mutualisation des informations dans un immeuble : be-soins, envies, protestations, disponibilités.

- Les réseaux sociaux sont des outils de mise en com-mun parallèles, mais ils sont très peu mentionnés et ra-rement utilisés. - Dans le cas de la création d’un réseau par le numé-rique, il y a une exclusion des ‘non-connectés’. De nou-veau les personnes âgées.

RELATIONS INTER--GÉNÉRATIONNELLES- A contrario, des liens intergénérationnels de substitu-tion peuvent s’installer au fur et à mesure. On peut ain-si remplacer des rapports familiaux ou amicaux man-quants. Les grand-parents loin de leurs enfants, et les étudiants loin de leurs aînés par exemple.

- On observe une difficulté de trouver des créneaux ho-raires convenant à l’ensemble des habitants d’un im-meuble, surtout lorsqu’il y a des tranches d’âges très va-riées. Les personnes retraitées sont disponibles le jour, et les étudiants tard le soir.

TYPE D’ÉCHANGES- Les échanges les plus communs sont les services ren-dus lors des absences  : Arroser des plantes, garder un animal, remplacer l’étiquette du mois du parking sur

la voiture …

- Bien que ce soit rare, il arrive qu’il y ait une mutuali-sation, prêt ou dons d’objets qui rendent service sur le moment : Aspirateur, ventouse, sucre, farine, … Ces automatismes sont plus présents chez les étudiants qui sont moins complexés d’aller demander.

- Le partage de savoir-faire est d’autant plus rare, mais utile lorsqu’il rend service : Devoirs aux enfants, répa-ration de plomberie, électricité … On n’apprend pas à son voisin, mais on lui met à disponibilité son savoir pour l’aider.

- Des associations permettent à des étudiants de don-ner des cours à des jeunes dans leur quartier. Ceci reste du bénévolat et assez chronophage. Cette pratique est donc assez peu présente.

MOYENS D’ÉCHANGES- Lorsque l’on ose pas frapper à la porte ou que le voisin est absent, on peut glisser des éléments sous la porte, ou sous le paillasson.

- On peut aussi se servir des boîtes aux lettres pour des messages mais aussi des petits objets. Une clé ou de la monnaie par exemple.

- Les espaces communs sont parfois utilisés pour trans-mettre des informations aux autres habitants : Les murs du Hall d’entrée, les portes des habitants, les escaliers, la porte d’entrée principale, l’ascenseur.

-Un moyen non tangible mais réel reste le bouche à oreille, parfois plus efficace qu’une organisation sur pa-

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piers ou internet.

- Les voisins ‘concierges’, un peu ‘commères’, connaissent souvent mieux que tout le monde les informations sur le lieu et ses occupants.

DÉCLENCHEURS DE RENCONTRE- Des dérangements, gênes qui amènent le voisin à to-quer à la porte (échange souvent bref ) : trop de bruit à des heures incommodes, erreur sur le courrier, …

- Une situation de difficulté temporaire : l’impossibilité de rentrer chez soi, l’oubli ou la perte des clefs dans l’appartement, la perte du code d’entrée, la fuite d’eau, le cambriolage, …

- Une situation de difficulté à long terme : Vieillesse, problème de santé, incapacité à se déplacer …

- L’emprunt de gros matériel ou matériel précis : aspi-rateur, appareil à fondue, four, outillage, câbles de voi-ture, …

- Le partage de la connexion internet

- Un surplus, volontaire ou non, de nourriture faite maison.

- Des rencontres organisées  : fête des voisins, apéros d’immeuble, repas partagés …

- De simples croisements dans les espaces communs  : cage d’escaliers, salle des machines à laver, ascenseurs, jardins, …

- Une volonté commune de créer quelque chose dans le lieu : Un composte, un nouvel espace pour les pou-belles, un espace de rangements des vélos ...

LÉGITIMITÉ D’UNE DEMANDE/ ÉCHANGES À DOUBLE SENS- L’empathie et l’entre-aide se font lorsque les habitants sont dans une situation compliqué justifié. Des simples oublis répétés vont vite freiner l’aide.

- Les individus se sentent redevables après un prêt, un don ou un service reçu : La notion de don et de contre-don est présente avec un décalage temporaire. Lorsqu’il y a dette, le contre-don, n’est pas instantané.

- Des services unilatéraux répétés vont avoir tendance à s’essouffler s’il n’a pas de réponse.

SE RENDRE COMPTE DE … RÉALISER QUE … - Les habitants se rendent compte qu’ils ne connaissent pas les personnes de leur lieu de vie seulement lorsqu’on leur demande. Ils se disent ensuite qu’ils pourraient al-ler le faire. Seulement leur soumettre l’idée les activer énormément.

- Réaliser que l’on peut être utile à sa vieille voisine ou à son voisin étranger peut être un élément déclencheur.

- La bienveillance procure souvent le bien-être des deux côtés. Se sentir protégé et protecteur, aidé et aidant.

- Il y a une volonté d’aide face à la solitude, au mal-être, et à la vieillesse, mais les habitants réalisent qu’ils n’ont

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pas le temps, ou qu’ils ne sauraient pas quoi proposer.

- Les premières bonnes surprises en voient souvent de nouvelles s’enchaîner. Un premier d’objet posé dans la cage d’escalier peut générer une dynamique générale de partage au sein de l’immeuble.

e n q u e l q u e s m o t s . . .

Ces observations et analyses sur l’environne-ment qui m’entoure et dont je fais partie m’ont permis de mieux comprendre les relations urbaines ultra-lo-cales. Elles permettent la construction des scénarios de projet pour se projeter dans des utopies. L’erreur de courrier, le contre-don, ou les petits plats partagés en sont les débuts ... autant d’astuces pouvant être utili-sé pour repenser les interactions de proximité vers un mieux-être commun.

Un jour peut-être, nous ferons circuler des paniers pleins d’objets de cu-riosité, par tyrolienne, entre les immeubles des villes bondées, nous lâcherons des milliers d’origamis aux messages ca-chés dans les ruelles de notre ville,nous vidéo-projèterons ce que l’on souhaite par la lu-mière, de notre fenêtre, sur le mur d’en face, dans les arbres, ou bien plus haut encore.

À vous les premiers de repenser ces interac-tions, car vous êtes ces acteurs, ces voisins aux histoires si farfelues, mais aussi ces petites gens qui peuvent dé-poser la première pierre à l’édifice pour lancer des dyna-miques d’équipe. Nous sommes irrémédiablement tous voisins.

Première étape : emmener les habitants à OSER PLUS DE CHOSES.

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Extraits du journal

de bordde projet

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Playlists d’écriture

Musique sans paroles, musique pour se donner de la motivation,

Hans Zimmer - Yann Tiersen - The cinematic orchestra - Bonobo - Emancipator -Sigur Ros -40 minutes de classique - Fakear -Filastine - Alt-J (∆) - Nujabes - Ibeyi -Rising Appalachia - Stéphane Wrembel - Camille Saint-Saëns - (Aquarium)Rodrigo y Gabriela - (Stairway to Heaven live)TribeQa -Pygmy Lush - It’s A Good Day To Hide OURNER LORSQUE L’ON Y CROIT PLUS Brushy One String - Chicken in The CornASAP Rocky - Everyday.

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BIBLIOGRAPHIE

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PARTAGE & CAPITALISME

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- SIMMEL Georg. Les grandes villes et la vie de l’esprit. Paris. Éditions Payot & Rivages. 2013. Extrait de Philosophie de la modernité du même auteur. Paris. Éditions Payot. 1989. Traduit de l’allemand J.-L. Vieillard Baron.

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Je tiens à remercier,

Les membres du séminaire Mixité Culturelle, Manon LABUSSIÈRE, Charlène MARQUET et Marianna POULET, pour les heures de débats, discussions, échanges et prépara-tions qui ont enrichi mon travail,

L’équipe pédagogique de l’In Situ Lab,pour leur volonté incessante d’innover dans les méthodes pédagogiques,

L’accorderie, et Meriem GUETAT, pour l’apport humain lors de mes recherches,

Mes collègues de l’In Situ Lab et amis, pour leur énergie à nous pousser de l’avant.

… Et ceux qui ont pris le temps d’échanger sur ce sujet tout au long de l’année.

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Barbara BELLIER

DSAA In Situ Lab