MELANIE MILBURNE Sous le joug · MELANIE MILBURNE Traduction française de LOUISE LAMBERSON....

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MELANIE MILBURNE Sous le joug de son ennemi

Transcript of MELANIE MILBURNE Sous le joug · MELANIE MILBURNE Traduction française de LOUISE LAMBERSON....

  • MELANIE MILBURNE

    Sous le jougde son ennemi

  • Sous le joug de son ennemi

    MELANIE MILBURNE

    Traduction française deLOUISE LAMBERSON

  • HARPERCOLLINS FRANCE83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75646 PARIS CEDEX 13Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47

    www.harlequin.fr

    ISBN 978-2-2803-7927-4 — ISSN 0993-4448

    Titre original :HIS MISTRESS FOR A WEEK

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    Collection : Azur

    © 2016, Melanie Milburne.© 2018, HarperCollins France pour la traduction française.

    Ce livre est publié avec l’autorisation de HARLEQUIN BOOKS S.A.

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    Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence.

    Le visuel de couverture est reproduit avec l’autorisation de :

    HARLEQUIN BOOKS S.A.

    Tous droits réservés.

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    1.

    Clem venait d’installer les précieux volumes reliés de cuir brun en vitrine — une édition originale des œuvres complètes de Dickens —, lorsqu’un homme de haute taille poussa d’une main ferme la porte de la librairie.

    Un frisson la parcourut de la tête aux pieds.Il ne te reconnaîtra pas. Tu as trop changé.Elle avait perdu ses kilos en trop et s’était débarrassée

    de son acné, avait réussi à dompter ses cheveux fous et s’était même fait des reflets acajou, pourtant, au fond d’elle-même, Clem se sentait toujours aussi gauche et susceptible qu’à seize ans.

    — Je peux vous aider ?Alistair Hawthorne la toisa d’un air sévère. Comme

    autrefois. Il l’avait toujours regardée de haut, au sens propre comme au figuré. Il mesurait un mètre quatre-vingt-treize et elle un mètre soixante-sept, et vu qu’elle ne portait pas de talons, il devait forcément baisser les yeux pour s’adresser à elle.

    — Où est ton frère ?Plutôt direct, comme entrée en matière. Et pas très

    amical. Non qu’elle se soit attendue à ce qu’il lui saute au cou, après le calamiteux incident survenu dix ans plus tôt.

    Pourquoi, au retour de cette horrible fête, était-elle allée se réfugier dans l’ancienne chambre d’Alistair ? Certes, c’était la pièce la plus tranquille de la maison et disposant d’une salle de bains que personne n’utilisait plus depuis

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    qu’il avait quitté la maison familiale, mais elle n’aurait pas dû y rentrer. Seulement, c’était l’endroit idéal pour se remettre du choc épouvantable qu’elle venait de subir. Quand elle avait découvert qu’un garçon, profitant de sa naïveté, avait fait le pari de coucher avec « la grosse », elle avait cherché à se cacher.

    Elle n’avait pas raconté l’incident à Alistair, bien sûr. De toute façon, il ne lui en avait pas laissé la possibilité. Quand il l’avait trouvée dans sa chambre, recroquevillée en position fœtale sur le lit et vêtue d’une seule serviette de bain, il avait tout simplement pensé qu’elle s’était mis en tête de le séduire.

    « Espèce de garce ! Tu es bien la fille de ta mère ! »Ses propos la faisaient encore frémir. Personne ne lui

    avait jamais parlé ainsi. Même pas les effrayants petits amis de sa mère. Dix ans après, ces paroles blessantes restaient gravées douloureusement dans sa chair, dans son cœur.

    — Pourquoi désires-tu savoir où est Jamie ? demanda Clem d’un ton neutre.

    En réalité, elle s’efforçait de ne pas se laisser impres-sionner par l’allure à la fois chic et décontractée d’Alistair, les effluves de son eau de toilette. Un mètre les séparait, mais elle y décelait une note d’agrumes, rehaussée d’une fragrance plus épicée, boisée, exotique. Mystérieuse.

    — Ne joue pas les innocentes avec moi, répliqua-t-il sèchement. Je sais que vous mijotiez cela depuis long-temps, tous les deux.

    Elle haussa un sourcil, fière du petit air snob que cela lui conférait, mi-libraire sérieuse, mi-aristocrate hautaine.

    — Cela ? releva-t-elle du bout des lèvres.Un éclair dur passa dans les yeux bleus. Manifestement,

    il s’agissait d’un avertissement.— Ma demi-sœur, Harriet, s’est enfuie avec ton frère.Impossible ! Comment Jamie aurait-il pu être en contact

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    avec un ou une proche d’Alistair ? C’était inimaginable ! Catastrophique !

    — Pardon ?— Inutile de feindre la surprise. Je ne partirai pas d’ici

    tant que tu ne m’auras pas dit où ils sont.Clem contempla les bras croisés sur le torse imposant.

    Les jambes fermement plantées. Erreur. Sous le pantalon élégant — sans doute signé Tom Ford —, elle devinait la puissance des cuisses. Elle dut même s’empêcher d’ima-giner ces jambes musclées refermées autour d’elle. Leurs corps nus enlacés…

    Totalement absurde, vu qu’elle songeait rarement au sexe. Cela ne faisait pas partie de ses préoccupations. Ayant grandi avec une mère qui changeait d’homme comme de chemise, elle en avait gardé une sorte de « retard » sur le plan sexuel. Quant à cet épisode humiliant vécu à seize ans, il n’avait fait que renforcer son manque de confiance en elle et ses complexes vis-à-vis de son corps. Et pour-tant, le simple fait de regarder les cuisses d’Alistair faisait naître une pulsation traîtresse et incontrôlable en elle.

    Se forçant à reprendre ses esprits, elle se concentra sur sa bouche sensuelle. Nouvelle erreur. Pire encore. Il pinçait les lèvres d’un air si dur, si sévère, qu’elle frémit intérieurement.

    Ses yeux ? Oh ! Seigneur… Ils passaient soudain du bleu au gris. Froids, emplis d’ombres mouvantes…

    — Eh bien ? J’attends !L’intransigeance de sa voix la fit sursauter. Et Clem le

    détesta davantage. Elle avait lutté longtemps, farouchement, pour ne plus se laisser intimider. Surtout par les hommes imbus de leur personne qui pensaient avoir le droit de la traiter comme une moins que rien, parce qu’elle avait une mère dépourvue de toute moralité.

    — Dans ce cas, tu vas attendre longtemps, dit-elle en redressant le menton. Parce que j’ignore de quoi tu parles.

    Il serra encore davantage les lèvres, à tel point qu’elles

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    devinrent exsangues. Soudain, Clem réalisa qu’elle ne l’avait jamais vu sourire. Mais à l’époque, il n’avait pas vraiment de raison de sourire : alors que sa mère vivait ses derniers jours dans un service de soins palliatifs, son père la trompait.

    Et il la trompait avec la mère de Clem…— Il vit avec toi, n’est-ce pas ?Mieux valait sans doute ne pas lui révéler qu’elle n’avait

    pas vu Jamie depuis bientôt une semaine. Et qu’il n’avait répondu à aucun de ses SMS, ni réagi aux messages laissés sur sa boîte vocale. Peut-être parce que, une fois de plus, il avait épuisé son forfait. Mais son silence signifiait aussi qu’il ne voulait pas qu’elle se mêle de ses affaires. Depuis qu’il avait dix-huit ans, il regimbait et refusait de l’écouter. Ou d’écouter quiconque.

    — Tu es bien renseigné, manifestement, dit-elle avec calme. Tu fais surveiller tous les enfants abandonnés par ton père ?

    — Dis-moi où il est, ordonna-t-il en détachant chaque syllabe.

    Clem lui adressa un sourire faussement indulgent.— Tu sembles un peu tendu, Alistair. Aurais-tu des

    problèmes avec tes… petites amies, en ce moment ?Ses yeux bleu-gris flamboyèrent, avant de s’assombrir

    et de prendre une nuance de ciel orageux.— Tu as beau avoir maintenant l’air à peu près présen-

    table, tu restes toujours la petite chatte sauvage sournoise d’autrefois.

    Comment cela, à peu près ? Elle dépensait une fortune — enfin, tout était relatif… — pour avoir l’air présentable. Si elle en avait eu les moyens, elle se serait acheté des vêtements plus chic, évidemment. Mais, pour assurer le quotidien, elle devait faire attention côté dépenses, d’autant qu’elle avait Jamie à sa charge. Or il était hors de question qu’elle laisse son demi-frère prendre le mauvais chemin et suivre l’exemple de son salaud de père. Non que son

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    père à elle fût plus recommandable. Clem disait à tout le monde qu’il était mort, pour ne pas avoir à expliquer qu’il croupissait dans un quartier de haute sécurité.

    Conclusion : la meilleure défense à adopter était de changer de sujet.

    — J’ignorais que tu avais une demi-sœur.Une lueur courroucée traversa le regard d’Alistair.— C’est récent. Sa mère l’a laissée à mon père quand

    elle l’a quitté pour un autre homme.— Quel âge a-t-elle ?— Seize ans.L’âge qu’elle avait elle-même lorsque sa mère s’était

    engagée dans une liaison brûlante avec le père d’Alistair. Clem se souvenait encore du sentiment d’abandon. De l’impression d’être en trop. De gêner. En réaction, elle ne leur avait certes pas facilité la vie !

    — Pourquoi ton père ne part-il pas à sa recherche ? Ce n’est pas à toi de t’en occuper…

    Un petit muscle tressaillit au coin de la bouche d’Alistair.— Mon père l’a laissée à ma charge parce qu’il a

    mieux à faire, apparemment, répondit-il avec amertume.En fait, Clem se trouvait exactement dans la même

    situation, avec son demi-frère.— J’aimerais bien t’aider, mais comme je n’ai jamais

    entendu parler…— Tu ne vas tout de même pas me dire que tu n’étais

    pas au courant de leur relation ? l’interrompit-il avec impatience.

    Le regard sombre fouilla le sien, la faisant tressaillir tout entière. Personne ne l’avait jamais regardée ainsi. Ne l’avait jamais vraiment regardée. Ni aussi longtemps ni avec une pareille intensité. Comme si Alistair cherchait à lire au plus profond d’elle-même.

    — Je n’en crois pas un mot ! lança-t-il soudain avec mépris.

    Elle carra les épaules.

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    — Tu me traites de menteuse ?La belle bouche sensuelle remonta au coin. Mais il

    ne s’agissait pas d’un sourire. Plutôt une sorte de moue condescendante.

    — Tu es incapable de discerner le vrai du faux, lâcha-t-il.En dépit des modèles auprès desquels elle avait grandi,

    Clem n’avait aucun penchant pour la violence. Mais à cet instant précis, elle brûlait de lever la main pour lui flanquer une bonne gifle. Deux, même.

    Comment osait-il douter de son intégrité ? La sincérité représentait au contraire sa plus grande faiblesse. Elle était désespérément franche, ce qui lui avait causé une foultitude d’ennuis.

    — Si tu n’es pas sorti d’ici à cinq secondes, j’appelle la police, dit-elle en plissant les yeux.

    Ceux d’Alistair prirent une teinte orageuse.— Vas-y, je t’en prie. Cela m’évitera d’avoir à leur

    signaler le vol de ma voiture — au volant de laquelle ton frère est parti se balader avec sa copine, qui se trouve être ma demi-sœur. Ou presque, puisqu’en réalité il n’y a aucun lien de parenté entre elle et moi.

    Clem sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine. Si c’était vrai, comment Jamie avait-il pu lui faire une chose pareille ? S’enfuir avec la presque demi-sœur d’Alistair Hawthorne ? Il devait bien savoir que celui-ci ne le laisserait pas tranquille tant qu’il n’aurait pas récupéré sa voiture et sa protégée ! Alistair était riche, puissant, impitoyable.

    Mon Dieu, Jamie allait se retrouver devant le juge. Or Clem n’avait pas les moyens de faire appel à un bon avocat. Par conséquent, il finirait en prison, entouré d’hommes aussi néfastes que son père. Ou, pire encore… que son père à elle.

    La gorge nouée, elle déglutit avec difficulté.— Comment sais-tu que c’est lui qui a… pris ta voiture ?— Il ne l’a pas prise, il l’a volée, corrigea Alistair en

    la regardant droit dans les yeux.

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    — Ta demi-sœur l’avait peut-être autorisé à le faire. Elle lui aura donné les clés, en lui disant que tu étais d’accord…

    — Inutile d’enjoliver les faits, coupa-t-il avec mépris. Ton frère est un vulgaire voleur : non seulement il a volé ma voiture, mais aussi une somme d’argent substantielle.

    Cette fois, Clem vacilla légèrement.— Com… combien, au juste ?— Si je te le disais, tu serais horrifiée.En effet. Alors, autant ne pas le savoir.— Non mais franchement, comment peut-on être assez

    stupide pour laisser de l’argent traîner n’importe où ? Il y a des banques, non ?

    En réalité, elle cherchait à gagner du temps, pour se ressaisir. La tête lui tournait. Ses pensées s’agitaient dans tous les sens. Elle devait absolument retrouver Jamie avant Alistair.

    — Je tiens à récupérer tout mon argent, répliqua-t-il, ignorant sa remarque. Et si ma voiture est abîmée, il faudra y ajouter le coût des réparations.

    — Je remarque avec intérêt, mais sans étonnement, que tu es plus préoccupé par ton argent et ta voiture que par le sort de ta demi-sœur.

    Un éclat argenté traversa le regard d’Alistair.— Ah, mais c’est là que tu interviens…— Pa… pardon ? bredouilla-t-elle, en proie à une

    sorte de vertige.— Tu vas partir à leur recherche avec moi.Un signal d’alarme se déclencha dans son esprit.— Je n’irai nulle part avec toi.Les mâchoires crispées, il sortit un téléphone portable

    de la poche de sa veste.— Il suffit que j’appelle la police pour que ton frère

    soit arrêté en un rien de temps.Soudain, Clem eut du mal à respirer.

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    — Tu me fais du chantage, si je comprends bien, riposta-t-elle, avec le plus de mépris possible.

    La bouche d’Alistair s’incurva de nouveau.— Disons plutôt que je t’incite à m’accompagner.— Je préférerais plonger dans une piscine infestée

    de requins !— Combien de temps te faut-il pour fermer la librairie ?— Tu n’as pas entendu ce que je viens de dire ?

    rétorqua-t-elle, les mains posées sur les hanches. Je ne partirai pas avec toi. Point final.

    Lentement, Alistair parcourut du regard les rayonnages recouvrant les murs du sol au plafond et sur lesquels étaient alignés les livres anciens classés avec soin, puis il baissa les yeux sur les cartons ouverts posés à même le sol, tout juste arrivés d’une demeure dont le propriétaire était décédé récemment.

    — Depuis quand es-tu libraire ?— Deux ans.— Et avant ?— Je travaillais dans une bibliothèque municipale.

    Dans le Kent.Toujours avec lenteur, il laissa descendre son regard sur

    le cou de Clem, sa gorge… Elle n’était pas belle au sens classique du terme. Pas belle du tout, même. Sa mère ne lui avait pas transmis son corps sublime, parfait. Ni ses traits superbes ou ses cheveux blonds. Clem avait seulement hérité, d’on ne sait qui, de l’intelligence ainsi que d’une chevelure épaisse et indisciplinée, d’un châtain banal. Toutefois, elle ne regrettait nullement de ne pas posséder le genre de physique attirant tous les regards mâles. Pas du tout. En outre, elle avait l’habitude de passer inaperçue. Cependant, elle avait l’étrange impression qu’Alistair la déshabillait du regard.

    Un frémissement la parcourut, ses mamelons se durcirent sous la dentelle de son soutien-gorge…

    — La boutique t’appartient ?

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    Sa question irrita Clem. Il ne savait pas lire ? L’enseigne était suffisamment claire, pourtant : « Librairie ancienne Dougal McCrae — Livres rares, éditions originales ». Alistair cherchait uniquement à lui faire sentir qu’elle n’était qu’une simple employée. Quant à son rêve de posséder sa propre librairie un jour… Ce n’était que cela : un rêve, qui ne deviendrait jamais réalité.

    — Non. À mon patron, Dougal McCrae.— Tu penses pouvoir obtenir un congé ?— Non.Il souleva ostensiblement son portable.— Tu en es sûre ?Clem serra les mâchoires.— Je ne peux pas m’absenter en ce moment.En vérité, Dougal lui aurait sans doute volontiers

    accordé quelques jours de congé, d’autant qu’elle n’en prenait jamais. À quoi bon partir en vacances et dépenser de l’argent pour se retrouver à lire quelque part, seule ? Autant rester à la maison.

    — Si c’est l’argent qui te pose…— Non.Plutôt mourir que de reconnaître qu’elle avait du mal

    à boucler ses fins de mois.— Tu as vingt-quatre heures pour t’organiser, dit-il

    en remettant son téléphone dans sa poche. Je passerai te prendre ici demain à la même heure. Emporte le néces-saire pour deux ou trois jours. Une semaine au maximum.

    Une semaine ? En compagnie d’Alistair Hawthorne ? C’était hors de question !

    — Où comptes-tu aller, puisque tu ne sais pas où est ta demi-sœur ?

    — J’ai de bonnes raisons de penser qu’elle se trouve sur la Côte d’Azur, sans doute à Monte-Carlo.

    — Normal, quand on a seize ans et de l’argent à claquer, murmura Clem.

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    — C’est mon argent qu’elle claque, répliqua vivement Alistair. Avec l’aide de ton cher frère !

    Il inclina brièvement la tête.— À demain.Quand il se détourna pour s’avancer vers la porte, elle

    le suivit, hors d’elle.— Tu es sourd, ma parole ! Je t’ai dit que je ne partirai

    pas avec toi !Il fit volte-face avant qu’elle n’ait le temps de s’arrêter,

    si bien qu’elle le heurta de plein fouet. Seigneur… La sensation des grandes mains chaudes refermées sur ses bras la traversa de part en part, comme un courant déli-cieux. Ils se touchaient pour la première fois. Et c’était étrangement… excitant, d’avoir les paumes appuyées sur ce torse ferme comme un roc, avec la seule chemise blanche comme barrière entre leurs peaux.

    Levant les yeux, Clem vit qu’Alistair la contemplait en plissant le front.

    — Tu peux me lâcher, maintenant, dit-elle d’une voix si rauque qu’elle la reconnut à peine.

    Il était… fabuleusement mâle. Mais pas d’une virilité primaire, plutôt urbaine, sophistiquée et incroyablement sexy. Avec ses cheveux brun foncé qu’elle devinait repoussés en arrière d’une main nonchalante, son eau de toilette subtile et raffinée, sensuelle et mystérieuse, un costume à la fois élégant et décontracté, la veste négligemment ouverte sur la chemise en lin…

    Il écarta les mains, puis recula d’un pas.— Si tu n’es pas prête à m’accompagner quand je

    viendrai te chercher demain, j’irai droit au commissariat, Clementine. Tu m’as bien compris ?

    Elle détestait qu’on l’appelle par son prénom officiel. Durant des années, tout le monde avait chantonné ou siffloté Oh my darling Clementine dès qu’elle apparaissait, lui donnant à chaque fois envie de hurler. Mais quand elle manifestait son irritation, les gens faisaient bien sûr

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    exprès de l’appeler Clementine. Elle avait bien songé à choisir son deuxième prénom, mais celui-ci étant encore plus ridicule, elle y avait vite renoncé.

    — Appelle-moi Clem, ou Mlle Scott, dit-elle en redressant le menton.

    Il haussa imperceptiblement les sourcils.— Très bien, mademoiselle Scott, dit-il en s’inclinant

    devant elle d’un air moqueur. À demain. Ciao !

    Une fois installé dans la voiture de location et la cein-ture de sécurité bouclée, Alistair alluma le contact. Il avait perdu un temps précieux, mais il était ravi, et même excité, à la perspective d’entraîner Clementine Scott dans cette aventure. Elle avait changé. Énormément. Sans ces yeux noisette aux reflets fauves et cette bouche mutine, il l’aurait à peine reconnue. À seize ans, elle était d’une beauté timide, gauche, mais qui l’attirait déjà, bien qu’il ait refusé de l’admettre à l’époque. Mais il ne s’était certes pas attendu à se retrouver face à une jeune femme superbe, à la beauté… épanouie. Pas le genre de beauté voyante de sa mère, non. Une beauté subtile, tranquille. Le charme qui émanait de Clementine était de ceux qui vous saisissent à la gorge, s’insinuent en vous et vous captivent tout entier.

    L’adolescente empruntée et godiche avait totalement disparu. Elle en avait gardé le tempérament, mais son corps avait subi une véritable métamorphose, s’affinant et développant des courbes superbes que les vêtements amples et sombres qu’elle portait ne parvenaient pas à dissimuler. En outre, elle avait maintenant une peau sublime et, rassemblés en un élégant chignon, ses cheveux châtains aux reflets acajou mettaient en valeur son cou fin et gracieux. Elle ne portait quasiment aucun maquillage, mais au lieu de diminuer son charme ce naturel ne faisait que l’accentuer. Quant aux longs cils épais et les sourcils

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    au dessin un tantinet insolent, ils renforçaient encore la finesse des traits, et l’intelligence du regard noisette.

    C’était sa bouche, surtout, qui avait fasciné Alistair. Ses lèvres en forme de cœur, sensuelles, pulpeuses, couleur framboise…

    Toutefois, il n’avait pas l’intention de sortir avec Clementine Scott. Impossible de frayer avec la fille de celle qui avait détruit le couple que formaient ses parents.

    Dix ans plus tôt, Lionel, le père d’Alistair, avait entamé une liaison passionnée avec la mère de Clementine, prénommée Brandi — alors que sa femme vivait ses derniers moments à l’hôpital. Brandi s’était carrément installée chez son amant avec ses deux enfants, vivant aux crochets de celui-ci, à un moment particulièrement difficile pour Alistair. Il était conscient de la part de responsabilité de son père, évidemment, mais la présence de Brandi et de ses gosses insupportables avait encore aggravé sa détresse et son chagrin.

    Il s’interdit de repenser au passé. Et à la métamor-phose subie par Clementine. Même s’il lui suffisait de songer à ces courbes ravissantes pour sentir aussitôt sa libido réagir.

    La priorité était de retrouver Harriet et de la ramener en Angleterre, avant de l’expédier en pension. Il n’était pas responsable d’elle. Son propre père non plus, d’ailleurs. Mais, tant que la mère de la jeune fille ne reviendrait pas la chercher, Alistair se devait de s’occuper d’elle.

    Et puis, il comptait bien récupérer sa voiture — achetée à peine deux mois plus tôt — avant que le frère de Clementine ne fasse des bêtises avec. Il aurait pu appeler la police et leur confier l’affaire, mais il était forcé de reconnaître que le jeune homme n’avait pas vraiment bénéficié d’une éducation dans les règles. Par conséquent, il était hors de question qu’Alistair prenne le risque de voir sa demi-sœur embringuée dans des ennuis qui pourraient bien la conduire en prison.

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    Au départ, il avait prévu de partir seul à sa recherche, mais la présence de Clementine — enfin, de Clem, si elle y tenait… — lui faciliterait la tâche : elle se chargerait de Jamie pendant que lui s’occuperait d’Harriet. Et chacun serait gagnant, dans l’affaire.

    Le feu passant au vert, Alistair redémarra.En outre, il avait un vieux compte à régler avec

    « Mlle Scott ».

  • MELANIE MILBURNE

    Sous le jougde son ennemiClem déteste Alistair Hawthorne depuis toujours. Ou, plus précisément, depuis le moment funeste où il l’a cruellement humiliée, dix ans plus tôt. Pourtant, lorsqu’il exige qu’elle l’accompagne à Monte-Carlo – où son frère et la demi-sœur d’Alistair ont fui en secret –, Clem n’a d’autre choix que d’accepter. Mais, sur place, dans ce décor de rêve et de luxe, elle découvre Alistair sous un tout autre jour – élégant et prévenant – et se sent vaciller. Au point qu’elle fi nit par commettre l’irréparable en succombant au désir dans les bras de son ennemi…

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