Mécaniques de création de contenu au sein des communautés en ligne entre marques et utilisateurs.

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UNIVERSITE DE PARIS IV - SORBONNE CELSA Ecole des hautes études en sciences de l‟information et de la communication Master 1 ère année Mention : Information et Communication Spécialité : Marketing, Publicité et Communication Mécaniques de création de contenu au sein des communautés en ligne entre marques et utilisateurs. Le cas I AM NIKON Préparé sous la direction du Professeur Véronique RICHARD Paley, Sylvain Promotion 2010-2011 Option Marketing et Communication Soutenu le 4 juillet 2011 Note du mémoire : Mention :

description

Cette étude a pour objectif d‟interroger les concepts modernes de contenu de marque en ligne, de contenu généré par les utilisateurs et de communauté de marque en ligne. Ce travail de recherche pose la question des mécaniques de création de contenu pour la marque au sein de communauté en ligne et explore les phénomènes technologiques et les bouleversements socio-économiques qui ont permis la mise en place d'une telle situation.

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CELSA

Ecole des hautes études en sciences de l‟information et de la communication

UNIVERSITE DE PARIS IV - SORBONNE

CELSA

Ecole des hautes études en sciences de l‟information et de la communication

Master 1ère

année

Mention : Information et Communication

Spécialité : Marketing, Publicité et Communication

Mécaniques de création de contenu

au sein des communautés en ligne

entre marques et utilisateurs.

Le cas I AM NIKON

Préparé sous la direction du Professeur Véronique RICHARD

Paley, Sylvain

Promotion 2010-2011

Option Marketing et Communication

Soutenu le 4 juillet 2011

Note du mémoire :

Mention :

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REMERCIEMENTS

Il serait injuste de ne pas remercier les personnes qui ont permis de mener à bien ce

travail d‟études et de recherche.

Je tiens tout d‟abord à remercier mon rapporteur universitaire, Elena Mouratidou, pour

son temps, son écoute, ses remarques constructives et sa compréhension.

Je remercie également Pauline R., pour son temps et ses conseils précieux, et Bruno

Chery, pour son humour et son professionnalisme.

Enfin je remercie Razer, pour leurs claviers de si bonne facture qu‟ils endurent sans

broncher les 118 000 signes que vous vous apprêtez à lire.

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TABLE DES MATIERES

Remerciements .............................................................................................................. 2

Introduction .................................................................................................................. 5

I. Importance du contenu de marque, analyse des objectifs, et détermination

de la méthodologie adaptée ........................................................................................ 11

1. Le brand content : contexte d’émergence et enjeux pour les marques ... 11

1.1 Structurer le savoir : Savvy-consumer et marketing content .......................... 11

1.2 Tous experts a l‟aune de la démocratisation des outils .................................. 14

2. Objet d’analyse : la page facebook de nikon global .................................. 15

2.1 L‟hégémonie facebook ................................................................................... 15

2.2 Nikon : une marque orientée vers le contenu ................................................. 16

3. Méthodologie ................................................................................................. 18

3.1 Rappel des objectifs ........................................................................................ 18

3.2 Définition du corpus ....................................................................................... 18

3.3 Méthode .......................................................................................................... 19

3.4 Limites ............................................................................................................ 20

II. Mutation des notions de communautés : du groupe primaire à la

plateforme numérique ................................................................................................ 21

1. La communauté sous influence du contexte socio-économique ................ 21

1.1 Du groupe primaire à la Gemeinschaft ........................................................... 21

1.2 Post-modernité et nostalgie ............................................................................ 24

2. Communauté de marques et évolutions à l’heure du numérique ............ 27

2.1 Consommation et communauté ...................................................................... 28

2.2 La révolution technologique du « web social » .............................................. 30

3. La plateforme technologique en tant que lieu communautaire ................ 33

3.1 Différentes plateformes pour différents usages .............................................. 34

3.2 Facebook, la norme communautaire ............................................................... 36

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III. La création de contenu au sein des communautés de marque en ligne : le

cas I AM NIKON ........................................................................................................ 38

1. I AM NIKON, place à l’interaction ............................................................ 38

1.1 Nikon, une marque historique ........................................................................ 38

1.2 I AM NIKON, l‟utilisateur au cœur de l‟image ............................................. 38

2. Contraintes technologiques et discours de marque : jalons de la

production ............................................................................................................... 42

2.1 Facebook, un fonctionnement normé ............................................................. 42

2.2 Une page construite dans la coercition ........................................................... 44

3. Applications et onglets : officialiser les pratiques informelles ................. 45

3.1 Les solutions de différenciation ...................................................................... 45

3.2 Une invitaton au partage ................................................................................. 47

Conclusion ................................................................................................................... 49

Bibliographie ............................................................................................................... 51

Annexes ........................................................................................................................ 53

Annexe 1 : Prints de la campagne I AM NIKON ................................................. 54

Annexe 2 : Spot TV de la campagne I AM NIKON ............................................ 60

Annexe 3 : écosystème digital de la campagne I AM NIKON ............................ 61

Annexe 4 : Frise chronologique des prises de paroles de Nikon sur la page

facebook I AM NIKON ........................................................................................ 62

Annexe 5 : Les différents onglets de la page facebook I AM NIKON ................ 63

Annexe 6 : Extrait des conditions d‟utilisation de Facebook à propos des

concours ................................................................................................................ 71

Annexe 7 : Entretien semi-directif avec avec Bruno Chery ................................. 72

Résumé......................................................................................................................... 79

Mots-clefs ..................................................................................................................... 80

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INTRODUCTION

L‟entrée de l‟humanité dans l‟ère de l‟information ne s‟est pas faite sans heurts.

Fracture numérique, protection de la vie privée, copyright, redéfinition de l‟industrie

culturelle et communicationnelle, bouleversement dans le secteur des mass-medias et même,

plus récemment, jusque dans nos dictionnaires ; nombreuses sont les sphères touchées par

cette révolution qu‟est le numérique, ou Ŕ dans le sens anglo-saxon du terme Ŕ le digital. Les

évolutions positives sont elles aussi indéniables. Technologiquement, la communication est

toujours plus aisée, le savoir est à portée de main, tout comme la culture et le divertissement.

Coté glissements, transformations et redéfinitions, la sphère sociale n‟est définitivement pas

en reste : les individus n‟ont jamais été aussi proches, sans être aussi loin, les notions de

groupe n‟ont plus rien à voir avec la définition des grands courants sociologiques et les

interactions sociales sont plus que jamais à éclairer à travers le nouveau prisme de la

sociologie numérique. Nombreux sont ces sociologues « du numérique » fascinés par les

regroupements virtuels, qu‟ils soient sur des plateformes de collaboration comme les wikis, au

sein d‟univers virtuels comme Habbo Hotel1 ou dans le monde des jeux-vidéos avec le

désormais célèbre World Of Warcraft2. Les regroupements sur internet, et donc sur le web,

prennent de multiples figures, se forment autour de centres d‟intérêts, de passion, d‟œuvre

collective ou de style de vie.

La sphère économique, et en particulier le marketing et la publicité, est parmi celle qui

a fait preuve d‟une des plus impressionnantes capacités d‟adaptation, du moins de la part de

ses meilleurs représentants. En observant ses consommateurs Ŕ plutôt devrait-on parler

d‟utilisateurs Ŕ la plupart des agences ont réagi en adoptant une posture qui place les

interactions sociales, la participation volontaire et active, et la notion de « conversation »

avant toutes autres sortes de communication sur le digital. Pionniers du « web 2.0 », où la

communication se fait d‟égal à égal, les marques ont su identifier menaces et opportunités,

pour entrer dans une nouvelle ère de la publicité : celle de l‟interactivité, de la conversation,

du réseau social et bien évidemment, celle de la communauté. En effet, on le verra, gérer sa

communauté en ligne est devenu pour la marque un enjeu économique et publicitaire.

L‟époque où l‟on pouvait se passer d‟interagir avec ses consommateurs, de faire du

relationnel est révolue.

1Une messagerie instantanée graphique où chacun est représenté par un personnage qu‟il peut déplacer à

loisirs : http://www.habbo.com/ 2 Le plus grand jeu en ligne massivement multi-joueurs : http://eu.battle.net/wow/fr/

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La notion de communauté, dans sa définition traditionnelle, hors du digital, est

extrêmement complexe. La notion de communauté est un axe sensible autour duquel se

développent différents niveaux de discours et différents types de réflexions sur la société

notamment. La communauté n‟est pas l‟apanage d‟une seule discipline comme la sociologie

par exemple. Sa caractéristique est justement de se déployer à travers un très grand nombre

d‟extensions catégorielles qui rendent laborieux la saisie claire et immédiate de ses contours.

On retrouve des références à la notion de groupe primaire, dont la communauté semble

représenter une forme élaborée. Mais les typologies que l‟on retrouve autour de ces concepts

sont multiples : sectes, tribus, associations, confréries, compagnons, bandes, clans, etc. Autant

de types de structure qu‟il devient complexe à embrasser pour comprendre la notion de

communauté dans toute sa mesure, chaque terme étant de plus doté de valeur sémantique

euphorique et dysphorique. Celle-ci passe donc au crible de nombreuses disciplines telles que

la sociologie bien évidemment, mais aussi la psychologie, la psychanalyse, l‟ethnologie et

l‟anthropologie. Si l‟on élargit encore le faisceau, on retrouvera des emplois du terme du côté

du journalisme, des experts du marketing et autres acteurs du web notamment. Beaucoup de

confusions autour de cette définition qui voit ses limites éclater à chaque bouleversement

socio-économique, comme récemment avec l‟essor des nouvelles technologies de la

communication. Longtemps construite dans l‟opposition au concept de société, la notion de

communauté a encore évolué à l‟âge de la consommation, en se développant rapidement aux

côtés des premières marques au XXème siècle.

De nos jours, nos sociétés sont devenues des sociétés de consommation et nombre de

chercheurs s‟accordent à dire que notre consommation et notre relation avec les marques

peuvent parfois être plus significatives que notre statut social, autrefois pivot autour duquel

s‟organisait la communauté. Dès lors, personne ne s‟étonne de retrouver des regroupements

autour des valeurs et de l‟image d‟une marque, d‟un produit ou d‟une entreprise. Au-delà de

la méfiance qu‟inspire généralement un discours consumériste ou publicitaire, de plus en plus

de marques arrivent à fédérer des groupes de consommateurs qui partagent leurs valeurs et

leurs idées. Ces communautés de marque sont bien plus évidentes et observables à l‟ère du

numérique où l‟on peut se regrouper virtuellement avec une facilité déconcertante.

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Ces territoires numériques, Agoras3 virtuelles s‟il en est, où chacun peut prendre la

parole, s‟écouter, collaborer et partager, sont devenus le modèle de beaucoup de services en

ligne. Qu‟on les appelle réseaux sociaux, plateformes collaboratives, wikis, forums ou sites

2.0, tous ces services ont en commun la particularité d‟avoir mis au centre le contenu et son

créateur (et/ou utilisateur, comme nous l‟expliquons plus bas). Le contenu, car le web de par

sa structure et la façon dont il s‟est construit, est définitivement organisé autour du partage et

de la création du contenu. C‟est le bien le plus précieux, le graal de l‟internaute : le contenu

original, pertinent, informatif ou divertissant est, sur le web, objet de toutes les convoitises

autour duquel se déroulent les guerres acharnées du copyright et du droit d‟auteur. Un service

qui héberge du contenu intéressant est un service qui génère du trafic et qui est donc rentable.

Bien évidemment, la problématique principale reste celle du prix : tout le monde ne peut

s‟accorder les services de journalistes, photographes, cinéastes ou graphistes. La particularité

du web dit « social » est justement de démocratiser et de mettre à disposition des outils et du

savoir susceptibles de transformer des utilisateurs passifs en créateurs de contenu. D‟où la

nécessité pour ces services de proposer la meilleure expérience utilisateur possible, afin de

faciliter la création de contenu sur leur plateforme. Ce concept repose donc sur un

compromis : en échange d‟outils et d‟hébergements, les utilisateurs fournissent un contenu

susceptible d‟attirer du trafic. Ce contenu généré par les utilisateurs Ŕ User Generated

Content (UGC) Ŕ est un des modèles majeurs du web ces dernières années.

Communauté, digital, marque, contenu et utilisateur sont donc les maitres-mots de la

présente étude. Un regroupement d‟individus autour d‟une marque est-il réellement ce que

l‟on peut appeler une communauté ? Quel est l‟état des lieux de ces communautés à la lumière

des nouveaux outils et fonctionnements du web moderne ? Les marques accordent-elles de la

valeur au contenu généré par les utilisateurs ? Le concept de communauté n‟est-il pas encore

une fois un simple phénomène de mode, survendu par des marketers avides de concepts à

vendre aux entreprises ? Autant de questions auxquelles nous nous attacheront à répondre.

Pour répondre le plus clairement à toutes ces interrogations, il apparait nécessaire de

concentrer nos études autour d‟un cas concret : d‟une marque et d‟une plateforme. La

désormais reconnue universalité du réseau social Facebook4

fait de lui l‟espace

incontournable de toute marque souhaitant interagir avec sa communauté. Extrêmement

3 Dans la Grèce Antique, l‟agora était le lieu de rassemblement de la cité, ciment de la démocratie selon

Aristote. On y trouvait les institutions démocratiques, judiciaires (tribunal populaire), législatives et religieuses.

On lui donne souvent le forum comme équivalent romain. 4 http://facebook.com

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restrictive en termes de personnalisation et de conditions d‟utilisation, la plateforme ne laisse

pas la part belle aux marques, concentrant encore une fois ses efforts autour de l‟expérience

de l‟utilisateur. De par ses particularités ergonomiques et son importance en termes de volume

(Facebook est le deuxième site le plus visité au monde après Google5), il apparait pertinent de

choisir cette plateforme comme terrain de recherche afin d‟étudier en profondeur les

interactions de la marque avec ses consommateurs, et la façon dont le contenu est créé puis

récupéré. Afin d‟observer un cas pertinent, il nous a semblé évident de choisir une marque qui

d‟abord possède un potentiel fédérateur, dans le but de réunir un maximum de consommateurs

autour d‟elle et donc d‟augmenter les interactions observables entre les membres, mais

également une marque qui par son activité facilite la création de contenu par les utilisateurs.

Nous avons donc jeté notre dévolu sur la marque d‟appareils photographiques numériques

professionnels et semi-professionnels Nikon, et ceci pour trois raisons principales. La

première, comme on vient de le voir, est une raison logique. Puisque nous mettons un point

d‟honneur à étudier la création de contenu par les utilisateurs, quoi de plus sensé que d‟étudier

les possesseurs d‟un produit qui leur permet directement de créer du contenu : des

photographies. La seconde raison est l‟axe publicitaire autour duquel la marque construit sa

communication. Avec la campagne I AM NIKON, la marque met l‟accent sur la

personnalisation et l‟appropriation des valeurs par les consommateurs. Le choix de cet axe se

reflète alors logiquement sur la stratégie digitale que la marque met en place sur Facebook.

Enfin, la dernière raison est une des plus fortes. Comme on le développera avec plus de

profondeur par la suite, on observe souvent que les communautés de marques les plus solides

sont celles qui se structurent dans l‟opposition à une autre. On retrouve ce modèle des

« frères-ennemis » dans énormément de cas de figure : Pepsi vs. Coca-cola, Mac vs. PC, Nike

vs. Adidas et on le retrouve également dans l‟opposition Nikon vs. Canon, la marque jaune

versus la marque rouge. Le rejet du non-membre, la structuration dans l‟opposition sont des

concepts clefs que l‟on retrouvera tout au long de notre étude sur la définition de la

communauté.

Il apparait également intéressant d‟interroger les marques elles-mêmes ou du moins

leurs porte-paroles en ligne, à propos de ces sujets. Dans ce but, nous nous entretiendrons

avec le Community Manager6 de la marque Panasonic (entre autres) en ligne. Nous le

mettrons en présence de nos théories et recueillerons sa vision et ses opinions sur le sujet.

5 http://google.com 6 Animateur, guide de communauté. Il n‟existe pas vraiment d‟équivalent francophone.

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Cela nous permettra de mettre en évidence les problématiques auxquelles les marques sont

confrontées, mais surtout de connaître la position de la marque vis-à-vis de l‟importance

accordée au contenu.

Notre problématique est donc la suivante : De quelles manières se structurent la

communauté de marque en ligne et quelles sont les mécaniques de la création de contenu

de marques, par les utilisateurs et membres de ces communautés ? Si l‟on est plus à l‟aise

avec les anglicismes, nous pouvons résumer notre pensée ainsi : entre UGC (User Generated

Content) et Brand Content (contenu de marque), y‟a-t-il une place pour l‟UGBC (User

Generated Brand Content) ? Et quelles en sont les mécaniques ?

Pour répondre à notre question de départ, deux grandes hypothèses et quatre sous

hypothèses guideront notre travail. Nous essayerons donc de valider le fait qu‟il existe un

processus, un scénario de base commun et applicable dans toutes les communautés en ligne

concernant la création de contenu par les utilisateurs (hypothèse 1). Pour cela il faudra

prouver que des utilisateurs réunis sur un territoire proposé ou non par la marque, ayant

comme sujet principal la marque, représentent bel et bien une communauté (sous hypothèse

1), et également que les interactions entre les membres sont formatées par les possibilités

éditoriales de la plateforme, et donc que la plateforme est directement responsable de ce

scénario de création de contenu (sous hypothèse 2). Nous interrogerons pour cela les

connaissances théoriques concernant les notions de communauté, de communauté de marque

et de communauté de marque en ligne. Nous procéderons également à une analyse

sémiologique des plateformes afin de vérifier les éléments coercitifs qu‟elle induit.

Si la première hypothèse est directement liée à la façon dont le contenu est créé et

partagé, la seconde concerne plus généralement le bien-fondé d‟une telle approche du

marketing digital, et plus particulièrement ses limites. Nous nous attacherons donc à

démontrer que le contenu de marque (généré par les utilisateurs ou non) est un réel apport

pour la marque et sa communauté (hypothèse 2). Pour cela nous axerons nos recherches sur le

fait que toute marque est légitime pour fédérer une communauté en ligne (sous hypothèse 1)

et que le contenu créé par les utilisateurs permet à cette marque de légitimer sa présence (sous

hypothèse 2). Afin de valider ou d‟invalider ces affirmations, nous nous entretiendrons avec

un professionnel et nous utiliserons les résultats en terme d‟image des pratiques d‟une marque

en ligne.

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Tout d‟abord, nous développerons plus en profondeur quelques éléments de contexte,

à commencer par l‟importance du contenu en ligne en général puis lorsqu‟il est créé par les

utilisateurs et par la marque. Toujours dans ce chapitre, nous nous attacherons à justifier en

détail le choix de la marque Nikon ainsi que celui de la plateforme Facebook puis nous

évoquerons nos objectifs et notre méthodologie, en incluant le choix de corpus et la méthode.

Le second chapitre tentera de décrire et d‟étudier les mutations de la notion de

communauté au fil des courants de pensée et disciplines successives, pour arriver au concept

postmoderne de la communauté de marque. Ensuite, nous ajouterons une couche de digital, en

tentant de définir la communauté de marque en ligne. Nous clôturerons alors ce chapitre sur

l‟importance qui est donnée à la plateforme numérique, dans son rôle d‟outils mais aussi dans

celui de territoire communautaire.

Enfin, dans un troisième chapitre nous développerons et analyserons les résultats de

notre étude de la communauté Nikon sur Facebook ainsi que de notre entretien avec un

Community Manager afin d‟affirmer ou d‟infirmer nos hypothèses. Nous essayerons de

définir, s‟ils existent, les jalons du scénario de création de contenu en ligne.

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I. IMPORTANCE DU CONTENU DE MARQUE,

ANALYSE DES OBJECTIFS, ET DETERMINATION DE

LA METHODOLOGIE ADAPTEE

1. LE BRAND CONTENT : CONTEXTE D’EMERGENCE ET ENJEUX POUR

LES MARQUES

1.1 STRUCTURER LE SAVOIR : SAVVY-CONSUMER ET MARKETING CONTENT

Le terme « contenu » que l‟on utilise tout au long de ce travail concerne l‟ensemble

des productions numériques qui se partagent en ligne. Le terme français donne une vue

d‟ensemble très large de ce qu‟est le contenu, d‟autant plus que nous avons affaire ici à du

métalangage, la définition du contenu en sciences du langage n‟est, par exemple, pas la même

du contenu dont nous parlons ici. Pour être le plus juste possible, il semblerait qu‟il faille

rapprocher le terme français de sa traduction anglaise, à savoir la « web content », défini ainsi

par Louis Rosenfeld and Peter Morville dans Information Architecture for the World Wide

Web :

« Le contenu est généralement défini comme étant ‘les choses dans

votre site web’. Cela peut inclure documents, données, applications,

services, images, sons et vidéos, pages web personnelles, e-mails

archivés, etc. Et nous incluons dans cette liste les choses futures aussi

bien que les choses présentes.»7

L‟importance du contenu sur le web n‟est désormais plus à prouver : de par le

fonctionnement du web, le contenu y est roi. Le web s‟est d‟abord construit autour des

moteurs de recherche Ŕ Google en tête Ŕ avec une structure basée sur l‟indexation des

contenus. Récemment, les tendances montrent qu‟à cette structure qui n‟est pas prête d‟être

obsolète, on ajoute des surcouches qui permettent soit de rajouter un niveau de visibilité et

d‟ergonomie Ŕ comme le web « sémantique » Ŕ soit un niveau de recommandation, avec la

couche « sociale ».

7 Louis Rosenfeld et Peter Morville, Information Architecture for the World Wide Web, O‟Reilly Media,

1998.

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Gérer, diffuser, créer et relayer du contenu utile est devenu un enjeu pour les marques

sur le web car le réseau a radicalement changé les mentalités et la manière dont les individus

s‟informent. Avoir accès de façon instantanée aux informations qui nous intéressent, sous

forme d‟article, de reportage ou d‟infographie relevait de la science-fiction il y a une

vingtaine d‟années. Pourtant aujourd‟hui, tout ce savoir est à portée de main, et même souvent

dans notre poche. L‟individu connecté est désormais presque aussi informé qu‟un journaliste :

il lui suffit d‟une demi-journée de « surf » pour devenir expert sur un produit. De peur que

cela se retourne contre elles, les marques ont bien été obligées de s‟adapter. Au sein de la

plupart de ces entreprises, un glissement s‟est effectué au niveau de la perception que les

marketers ont du consommateur. Les américains utilisent le terme de savvy pour caractériser

cette nouvelle évolution du consommateur Ŕ et par extension de la consommation. Il n‟existe

pas vraiment d‟équivalent français, mais si l‟on devait le traduire, cela donnerait un mélange

de bon sens, de jugeote, de débrouille et de curiosité.

Loin de nous l‟idée d‟exprimer en creux que le consommateur pré-internet était

ignorant et désintéressé : ce serait un mauvais jugement de valeur. Toujours est-il que le

digital native ou du moins le digital active est plus actif et dépense moins d‟énergie dans la

recherche. Pour les marketers, l‟enjeu est conséquent : il s‟agit d‟appréhender ce savvy-

consumer dans toute son expression et d‟en finir avec un discours publicitaire depuis

longtemps rejeté par un public qui se méfie de tout ce qui émane des sphères du marketing. Le

savvy-consumer Ŕ appelons-le le consommateur-expert Ŕ rêve d‟une marque crédible qui lui

parlerait en bonne connaissance de son statut d‟éclairé, une marque qui lui apporterait un

contenu inédit, utile et crédible. Joe Pulizzi8, considéré par ses pairs comme un guru du

contenu Ŕ à relativiser donc Ŕ exprime cette pensée de la façon suivante :

8 Joe Pulizzi est un auteur, conférencier et stratège spécialisé en content marketing :

http://www.joepulizzi.com/bio/

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Master 1 MPC CELSA 13 2010-2011

« Ils (les consommateurs) ne surfent pas sans but, en espérant être

influencés par des message publicitaires qui arriveraient à

l’improviste. Ils veulent se construire leurs propres opinions, basées

sur leur propre collecte d’informations. Par conséquent, les

consommateurs ont besoin de contenus qui les rendent plus

intelligents et mieux informés »9

Conscientes de l‟enjeu que représente ce phénomène, les marques sont nombreuses à

construire leur présence en ligne basée sur le contenu en mettant en place des blogs, des

communautés de presse, des newsletters, des webcasts, des podcasts, des livres blancs, des

vidéos ou encore sur les médias dits « sociaux ». Selon une étude Outbrain10

de 2011 réalisée

lors des EffieAward11

s, 99% des interrogés (des cadres marketing d‟entreprises et d‟agences)

répondaient que le contenu est un facteur important au sein de leur stratégie de marque, et

qu‟ils en créaient effectivement en ligne. Finalement, le content marketing peut-être définit

ainsi :

« Une technique de création et de distribution de contenu intéressant

et à valeur ajoutée visant à attirer, acquérir et engager une cible

d’audience clairement définie et écoutée, avec l’objectif de guider des

actions de consommateurs rentables »12

Au-delà de la dimension mercantile et lucrative, l‟aspect relationnel entre l‟entreprise

et le consommateur est évoqué. Il n‟est plus possible de nos jours de considérer que la

communication est unilatérale, que deux entités telles que les consommateurs et la marque

n‟ont d‟autres relations que l‟achat pour la première, et la communication dirigée vers les

masses pour la seconde. Ce n‟est pas un hasard si dans les discours commerciaux anglo-

saxons, le shareholder (actionnaire) est souvent remplacé par le stakeholder (la partie

prenante) car ce terme n‟évoque pas seulement les décisionnaires et les financeurs, mais tous

les groupes et individus qui prennent part à l‟entreprise. Les stakeholders peuvent représenter

des menaces, comme les partisans de Greenpeace dénonçant Nestlé pour son activité en

9 Traduit de l‟anglais - Joe Pulizzi, « Get Content GetCustomers », 2008 10http://blog.outbrain.com/2011/03/content-key-brand-strategies-budget-in-house.html 11 Cérémonie publicitaire récompensant chaque année les campagnes les plus efficaces aux Etats-Unis 12 Traduit de l‟anglais Ŕ Junta42, Livre Blanc « Attract and Retain Customers with Content », 2008

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faveur de la déforestation13

, mais aussi des bienfaiteurs, comme les utilisateurs de

l‟avertisseur de radar Coyote, manifestant contre son interdiction par le gouvernement14

. Le

consommateur possède désormais un moyen de se faire entendre et de, lui aussi, créer du

contenu.

1.2 TOUS EXPERTS A L‟AUNE DE LA DEMOCRATISATION DES OUTILS

L‟explosion de la bulle internet en 2005 s‟accompagne de révolutions technologiques

que nous nous emploierons à décrire dans la partie suivante. Toujours est-il que ces avancées

permettent à nos utilisateurs-experts de s‟emparer d‟outils jusqu‟alors réservés à des corps de

métiers. Ainsi, de la même façon que la démocratisation de la micro-informatique et donc du

traitement de texte dans les années 90 a fait de tout un chacun un typographe ou un

maquettiste, les internautes s‟emparent d‟un savoir et d‟outils qui étaient jusqu‟alors

l‟apanage de corps de métiers bien précis. Outils, savoirs mais surtout une tribune pour

partager ses œuvres, et l‟utilisateur devient cinéaste, ingénieur du son, photographe, graphiste

ou journaliste. Mais comme il prenait la place du typographe dans les années 90, il possède le

savoir-faire, la notice d‟utilisation : il enrichit son texte, insère du gras, de l‟italique mais sait-

il vraiment pourquoi le gras ? Pourquoi l‟italique ? Il hérite de l‟aboutissement de 500 ans

d‟imprimerie sans en connaitre l‟Histoire15

. Cela permet une certaine réinvention créative,

mais souvent également une perte de lisibilité. On observe les mêmes limites pour ce que l‟on

appelle dorénavant l‟UGC, pour User Generated Content : même si l'utilisateur est « expert »

dans le sens où l'accès au savoir et aux technologies est simplifié, il faut comprendre que

posséder une caméra et maîtriser un logiciel de montage ne fait pas de soi un réalisateur.

L‟accès simplifié aux outils et aux savoirs permet donc à des utilisateurs de créer

toutes sortes de contenus multimédia. Textes, sons, images animées, vidéos et même

animations interactives, sont le type de contenus que les internautes partagent sur la toile. A

titre d‟exemple, c‟est 48h de vidéos qui sont uploadées chaque minute sur Youtube16

. Ces

utilisateurs créateurs de contenu, valorisés par les sites hébergeurs (le statut de MotionMaker

13 Voir : http://mashable.com/2010/05/17/nestle-social-media-fallout/ 14 Pétition contre l‟interdiction des avertisseurs de radar :

http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=911fan 15 Voir cours d‟Emmanuel Souchier sur les dispositifs médiatiques 16 Le blog officiel de Youtube : http://youtube-global.blogspot.com/2011/05/thanks-youtube-

community-for-two-big.html

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chez Dailymotion17

) sont par extension aussi des consommateurs : ce sont donc ces

consommateurs et le contenu qu‟ils créent qui sont susceptibles d‟intéresser les marques.

Ainsi, nous avons d‟un côté des créateurs de contenu comme autant d‟électrons libres

évoluant sur la toile et de l‟autre des marques en manque de contenu original pour valoriser

leur image. Pour réunir ces deux acteurs, il faut donc qu‟ils aient en commun, entre autre, un

espace pour engager la conversation et partager le contenu. C‟est le rôle de ce que l‟on

nomme les plateformes sociales. Ce sont au sein de ces dispositifs numériques que vont

évoluer des communautés en ligne, permettant ces interactions et relations entre les membres

que nous développons plus bas.

2. OBJET D’ANALYSE : LA PAGE FACEBOOK DE NIKON GLOBAL

Afin de confronter analyses, études et recherches à des observations plus ancrées dans

le réel, il convient de choisir un objet d‟étude avec discernement. En effet, la tâche n‟est pas

aisée : il existe une multitude de nébuleuses communautaires sur lesquelles il est envisageable

de concentrer notre travail. Au fur et à mesure de nos sélections, il apparait également que le

choix sera double : d‟abord choisir une marque qui semble réunir des critères qui, au premier

regard, sont potentiellement ceux d‟une marque à même de réunir une communauté de

passionnés ; puis dans un second temps, de choisir une plateforme. Comme nous le décrirons

de manière plus complète par la suite, il semblerait qu‟il existe plusieurs types de plateforme

susceptibles de réunir marques et consommateurs, et permettant la circulation de contenu de

toute sorte. Notre choix a donc été avant tout un choix rationnel motivé par une logique de

marché.

2.1 L‟HEGEMONIE FACEBOOK

Il est illusoire en 2011 de passer à côté du réseau social qui compte le plus

d‟utilisateurs au monde. Lancé en 2004 par le discret Mark Zuckerberg, Facebook compte

actuellement plus de 500 millions d‟utilisateurs actifs à travers le monde18

. Le principe, qui

est devenu un modèle du genre, consiste en la possibilité de se créer un profil contenant des

informations personnelles, d‟établir des connexions avec des « amis » et d‟échanger tout type

de contenu avec eux. Par la suite, l‟utilisateur peut rejoindre des groupes d‟intérêts et

échanger du contenu avec des individus qui ne font pas forcément partie de sa liste

17 http://www.dailymotion.com/register/motionmaker 18 http://www.facebook.com/press/info.php?statistics

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d‟ « amis » mais avec qui il partage quelques intérêts relatifs au groupe. Cet élément est très

important, car comme nous le verrons par la suite, c‟est ce système qui donnera plus tard

naissance aux pages de marques. Une des caractéristiques principales du site réside dans la

méthode des notifications. En effet, l‟enjeu majeur que vise le propriétaire d‟un site lorsqu‟il

veut garder un fort volume de visites et une audience qualifiée, est exactement le même qu‟un

publicitaire essayant de vendre un produit. Il essaye de marquer les esprits, de développer sa

notoriété afin d‟accompagner l‟utilisateur au quotidien pour des visites régulières.

Lorsqu‟un nouveau service est lancé sur le marché, sa notoriété est par essence à zéro

(sauf cas exceptionnels) : il doit alors proposer du contenu frais, solide et régulier pour

s‟assurer les bonnes grâces des internautes. Le système de notifications de Facebook permet

de contourner le problème de la valeur du contenu en prévenant l‟utilisateur par mail, ou par

un pictogramme sur la page qu‟une nouvelle activité a eu lieu sur son profil. Ce type de

notifications permet de signaler un message reçu, un commentaire sur son statut, une demande

d‟ami ou encore un „like‟ (le like est un type d‟interactions non-discursif qui permet

« d‟aimer » un élément, sans pour autant le commenter). En parallèle aux groupes d‟intérêts,

les utilisateurs ont également la possibilité de rejoindre des « fan pages » qui sont des profils

particuliers gérés par des personnalités publiques ou des organisations, telles que des

entreprises et des marques. Etant le deuxième site le plus visité au monde19

, il nous apparait

logique de nous intéresser aux pages de marques en tant que plateforme communautaire et

d‟échange de contenu.

2.2 NIKON : UNE MARQUE ORIENTEE VERS LE CONTENU

Le choix de la marque à observer ne s‟est pas fait au hasard, il résulte d‟une sélection

basée sur trois critères. Tout d‟abord, il semble indispensable pour observer une communauté

de marque Ŕ ou du moins un regroupement d‟utilisateurs Ŕ que cette communauté existe. Il est

donc nécessaire qu‟une page émerge du lot de par son nombre de like (c'est-à-dire le nombre

d‟abonnés à la page) mais également de par l‟image d‟officialité qu‟elle reflète. En effet,

n‟importe quel utilisateur a le droit et la possibilité de créer une page : si demain, quelqu‟un

se rend compte que la marque de son dernier achat n‟est pas présente sur Facebook (et ça

arrive plus souvent qu‟on ne le pense) rien ne l‟empêche de créer son identité et de s‟exprimer

en se faisant passer pour elle. Le caractère officiel que revêt une page se caractérise par le

niveau de personnalisation dont elle fait l‟objet, c'est-à-dire si la page est « brandée », si elle

19 http://www.alexa.com/topsites

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possède un logo, des informations à jour, des onglets et applications personnalisés etc. Enfin,

on conclue l‟analyse en observant la façon et la régularité dont la marque s‟exprime. Mis à

part ces quelques éléments très relatifs, il n‟y a pas réellement de moyens de vérifier si la page

est « officielle », contrairement à d‟autres services, tel que Twitter qui permet d‟avoir un

statut spécifique lorsque l‟on est en présence d‟une marque ou d‟une personnalité.

Le second critère est relatif au contenu. En effet, le choix de la marque est directement

influencé par sa capacité et sa potentialité à permettre aux utilisateurs de créer du contenu. En

effet, certains produits plus que d‟autres, possèdent de par leur fonctionnement une plus

grande potentialité en termes de création de contenu. C‟est le cas des outils et logiciels

d‟infographie par exemple, qui permettent directement la création d‟images numériques qui

s‟apparentent en effet à du contenu original. L‟utilisateur peut alors partager ses dernières

réalisations avec les autres membres de la communauté afin de les soumettre à la critique.

Dans une autre mesure, les marques d‟appareils photographiques fonctionnent d‟une manière

similaire, à ceci près que l‟utilisation d‟un appareil photo est encore plus répandue et

démocratisée que l‟utilisation d‟un logiciel de création graphique, les freins à l‟utilisation Ŕ

c'est-à-dire les connaissances techniques Ŕ étant beaucoup moins nombreux. C‟est donc dans

un souci de nombre, mais aussi en jugeant que la communauté a un fort potentiel créatif et

partageur, que nous avons choisi d‟étudier la page Facebook de la marque d‟appareils

photographiques numériques, professionnels et semi-professionnels (gamme « reflex ») de la

marque Nikon. Nous avons en effet privilégié cette marque à sa concurrente, Canon, pour une

principale raison. Après quelques temps d‟observation du fonctionnement des deux

communautés, il est apparu que de par l‟axe publicitaire qu‟a choisi d‟exploiter Nikon, il

semble que l‟appropriation, le partage et la personnalisation soient les valeurs prônées par la

marque jaune.

Depuis quelques années, Nikon a orienté sa communication autour d‟un axe très

proche du consommateur et de l‟appropriation qu‟il peut se faire du produit. Avec la

campagne I AM NIKON, la marque jaune propose à ses consommateurs d‟utiliser leurs

appareils pour capturer des moments dont ils sont parties prenantes. “I am Wedding”, “I am

Birth”, “I am Sunset” sont autant de déclinaisons possibles des « instants » Nikon. Chaque

évènement est vécu de façon subjective et raconté à travers l‟objectif Nikon. Sur leur page

Facebook20

, l‟expérience et la promesse sont une fois encore relayées à travers l‟application

20 http://www.facebook.com/iamnikon ou voir Annexe 5

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Who Are You?, qui permet aux membres de poster un de leurs clichés et d‟y superposer le

logo de la campagne. Ainsi, une photographie de fleur en mode « macro » sera affublée de ce

badge « I am Macro », la photographie d‟un stade en plan large deviendra l‟illustration d‟un

« I am Sport » tandis qu‟une photographie de jeunes mariés portera l‟inscription « I am

Happy ».

L‟image de la marque et son axe publicitaire sont donc un critère supplémentaire dans

la motivation du choix de la marque Nikon. Bien que nous concentrions nos observations sur

cette marque, nous profiterons également de l‟opposition qu‟il existe entre elle et sa rivale

Canon pour comparer certains points de fonctionnement et de gestion concernant les pages

Facebook.

3. METHODOLOGIE

3.1 RAPPEL DES OBJECTIFS

Comme nous l‟expliquons en introduction, deux grands axes guident cette étude : le

contenu, et la communauté. Le deuxième axe est extrêmement important puisqu‟il représente

en quelques sortes le ciment qui permet au premier d‟exister. C‟est pourquoi notre deuxième

chapitre lui est en grande partie dédié. Nous l‟avons vu, le choix de la marque s‟est fait à

grand renfort d‟observations et de détermination de critères que nous avons voulu pertinents.

Malgré tout, il demeure que la clarification de la définition des communautés de marque en

ligne ne sera effective qu‟au terme de la seconde partie. C‟est pourquoi nous avons choisi la

marque Nikon, étant donné qu‟elle représente un potentiel communautaire fort, elle nous

permettra d‟envisager, si, au-delà du lien pressenti entre les consommateurs et la marque et

entre les consommateurs eux-mêmes, il y a lieu de parler de « communauté de marque ».

L‟étude et la vérification des mutations et évolutions qu‟a subi la notion de

communauté s‟accompagnera d‟un questionnement sur l‟importance et l‟avenir des

plateformes en ligne dans la création de contenu.

Enfin, notre étude s‟attachera à analyser les processus mis en œuvre dans la création

du contenu en ligne, en se concentrant sur les différents acteurs et sur le fonctionnement des

outils éditoriaux.

3.2 DEFINITION DU CORPUS

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L‟étude d‟une communauté, en ligne ou non, d‟un point de vue anthropologique ou

non, pose forcément la question du lieu. En effet, à partir du moment où il est question de

regroupement de personnes et d‟échanges réguliers, la présence d‟un ou de plusieurs lieux est

nécessaire. Il existe sur internet, de nombreux lieux Ŕ ou territoires Ŕ sur lesquels nous

pouvons retrouver des communautés de passionnés échanger, partager et converser autour de

centres d‟intérêt divers. Les dimensions participatives et communautaires que l‟on confère à

internet, permettent de rapidement statuer sur la nature du média à étudier. Forums, blogs,

intranets, newsgroups, IRC, chat… il existe un nombre incalculable de territoires sur lesquels

les communautés se regroupent. Le choix se fait sur plusieurs critères : l‟âge, les

connaissances techniques, la structure hiérarchique de la communauté, etc. Le cas de la

communauté de marque est particulier. En effet, la marque ou le produit sont un centre

d‟intérêt comme un autre, la communauté de marque est donc susceptible de se retrouver sur

n‟importe lequel des territoires cités précédemment.

Un des critères différenciant une communauté en ligne classique d‟une communauté

de marque en ligne, et sûrement le critère le plus intéressant à observer, est le fait que la

marque peut être amenée à prendre la parole au sein de ces communautés. C‟est ce

phénomène qui change radicalement la situation entre marque et consommateur depuis ces

dernières années et l‟avènement de ce qu‟on appelle les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux

sont des territoires très complexes comportant des sous-territoires aux frontières floues et

enchevêtrées. Et pour cause, là où le territoire possède des frontières technologiques (un nom

de domaine, un serveur, une page, etc.), un sous-territoire est principalement défini par les

gens qui l‟occupent. Ainsi la « sphère » Apple francophone sur le réseau Twitter sera

représentée par ses membres qui se recommandent entre eux grâce à des listes plus ou moins

éphémères mais toujours évolutives. L‟intérêt de ces réseaux est donc la place qui est laissée

aux marques pour interagir avec leurs consommateurs. C‟est une des raisons, en plus des

critères définis précédemment, pour lesquelles nous avons orienté notre étude vers le réseau

social Facebook.

Notre corpus se limitera donc à l‟étude de la page Facebook de la marque Nikon

(http://www.facebook.com/iamnikon), afin d‟allier logique dans l‟échange de contenu

(chaque propriétaire d‟appareil crée du contenu lorsqu‟il l‟utilise) et pertinence dans le choix

de la plateforme (universalité de Facebook).

3.3 METHODE

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L‟étude présentée ici est transdisciplinaire puisqu‟elle passe l‟analyse au prisme de la

sociologie, du marketing et de la culture web en général. Il nous apparait donc nécessaire de

développer une méthode d‟analyse reflétant la portée globale de ce travail. Nous procéderons

donc à une étude sémiologique de notre corpus selon une grille d‟analyse personnalisée

prenant en compte la structure générale, le discours et les dispositifs exceptionnels. Autour de

cette analyse s‟articuleront deux autres types de travaux. Le premier concerne le discours de

la marque et des membres, et proposera une lecture approfondie axée autour de l‟incitation à

la création. Le second travail permettra tout au long de l‟analyse d‟étayer, d‟infirmer ou

d‟affirmer des hypothèses sur la volonté et les méthodes de la marque, puisqu‟il s‟agit d‟un

entretien semi-directif avec un professionnel du secteur du community management interrogé

sur le rôle et les méthodes des community manager au sein des pages de marques sur

facebook.

3.4 LIMITES

Les choix que nous avons opérés en termes de corpus et de méthode, bien que destinés

à une analyse rigoureuse et adaptée de la notion de communauté de marque à travers

l‟exemple de Nikon, possèdent des limites que nous n‟ignorons pas. Tout d‟abord et comme

nous l‟avons souligné précédemment, le nombre de marques autour desquelles pourraient se

développer des communautés de consommateurs dépasse bien sûr le seul cas Nikon et il

apparaît évident que le critère d‟exhaustivité ne peut pas être rempli avec rigueur.

Le choix de la page « global » de Nikon sur Facebook ne reflète en aucun cas la

stratégie de la marque sur les médias sociaux. En effet, il existe une multitude de pages local

gérées nationalement par des agences de communication parfois différentes. Il est donc

souvent impossible pour la marque de garder une stratégie cohérente sur les médias sociaux.

Enfin, bien que l‟entretien semi-directif soit réalisé avec un professionnel, gérant une

marque du même secteur, il semblerait que chaque community manager ait ses propres

méthodes d‟animation. Ainsi, nous pouvons en aucun cas affirmer avec précision la stratégie

et les méthodes utilisées sur la page Facebook de Nikon. On pourra toutefois s‟en rapprocher

fortement.

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II. MUTATION DES NOTIONS DE COMMUNAUTES : DU

GROUPE PRIMAIRE A LA PLATEFORME

NUMERIQUE

Concept plus ou moins récent, la communauté de marque est un terme qui jouit d‟un

relatif succès depuis quelques années désormais. Afin de démêler les ficelles de ce sac de

nœud discursif, mélangeant sciences humaines, marketing, publicité et récemment les

nouvelles technologies, il convient de revenir aux racines du terme « communauté ».

Comme beaucoup de concepts touchant divers champs et disciplines, la communauté

possède maintes définitions, pléthores d‟exemples et moult applications à travers les diverses

couches d‟interprétation qu‟elle traverse. C‟est pourquoi dans cette partie, au nom de

l‟exhaustivité et de la pertinence, il nous semble nécessaire de revenir à la définition la plus

basique de la communauté et d‟observer comment Ŕ au fil du temps, des évènements et des

phénomènes socio-économiques Ŕ la société a pu être amenée à engendrer la notion de

communauté de marque. En quelques mots, nous nous intéresserons à relater de manière

chronologique ce qui a permis l‟émergence d‟une telle notion.

Dans l‟introduction nous avons avancé des éléments qui justifient un angle

argumentaire orienté vers les communautés de marque en ligne. C‟est pourquoi la seconde

partie de ce chapitre tentera d‟éclaircir la raison pour laquelle les nouvelles technologies de la

communication ont permis au consommateur de se hisser à un niveau d‟expression jamais vu

auparavant. Nous expliquerons par ailleurs, comment ces nouvelles possibilités éditoriales et

discursives lui donnent un nouveau pouvoir.

Cela nous amènera à réfléchir à l‟importance des différentes formes d‟expression en

ligne, et surtout à l‟importance du lieu - c‟est-à-dire la plateforme autour de laquelle la

communauté interagit - dans la transmission du message, et donc de l‟influence des

représentations visuelles et des limites éditoriales.

1. LA COMMUNAUTE SOUS INFLUENCE DU CONTEXTE SOCIO-

ECONOMIQUE

1.1 DU GROUPE PRIMAIRE A LA GEMEINSCHAFT

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Notre premier réflexe est donc de vérifier comment Le Petit Robert définit la notion de

communauté :

« Groupe social dont les membres vivent ensemble ou ont des biens,

des intérêts, des goûts, des idées ou des croyances en commun ».21

Cette définition très large et finalement très abstraite nous informent de la nécessité Ŕ

pour qu‟il y ait communauté Ŕ de posséder un « quelque-chose » de façon commune avec

d‟autres individus. C‟est une question de bon sens que de penser que la seule possession d‟un

objet ne suffit pas à faire communauté. Il faut que cet objet soit porteur de certaines valeurs

capables d‟engendrer des liens entre individus, une identité et même des codes communs.

Posséder un parapluie ne donne pas l‟impression de faire partie de la tribu des possesseurs de

parapluie : vous n‟aurez pas forcément de démonstration de connivence lorsque vous

croiserez un autre possesseur de parapluie dans la rue.

Il semblerait donc qu‟en plus de partager des codes, des valeurs ou des croyances, les

membres d‟une communauté doivent également avoir pleinement conscience que ladite

communauté existe, et savoir quels en sont les critères d‟appartenance.

Didier Anzieu et Jacques-Yves Martin22

nous apprennent que la notion de

communauté fait partie d‟une notion plus large qui est celle du groupe primaire. Le groupe

primaire est définit par C.N. Cooley (considéré comme le premier théoricien de ce concept)

de la manière suivante :

« Par groupes primaires, je désigne les groupes qui se caractérisent

par des relations de coopération et d’association de face à face,

marquées par la familiarité. Ils sont primaires en différents sens, mais

avant tout dans la mesure où ils jouent un rôle fondamental dans la

formation de la nature sociale des individus et de leurs idéaux. » 23

21 Définition de la « communauté », Petit Robert, 12ème édition, 1973. 22 Didier Anzieu et Jacques-Yves Martin , La Dynamique des Groupes Restreints, PUF, 2003 23 Norton Cooley Charles , « Groupes primaires, nature humaine et idéal démocratique » ,

Revue du MAUSS, 2002/1 no 19, p. 97-112. DOI : 10.3917/rdm.019.0097

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On considère donc qu‟un groupe primaire est un rassemblement d‟une poignée

d‟individus capables d‟avoir une perception individualisée de chacun des autres, et qui sont

amenés à mettre en place de réguliers et nombreux échanges interindividuels. On retrouve une

certaine idée d‟une action commune, de la poursuite d‟un but qui sert les intérêts de tous les

membres du groupe et qui s‟inscrit dans une durée très longue, voire dans une permanence.

Les membres sont interdépendants et affectés par un sentiment de solidarité fort qui peut aller

jusqu‟à des relations affectives prononcées (sympathie ou antipathie). Il est donc évident que

le groupe primaire doit également posséder ses propres codes, langages, croyances et rites.

Mais comme brièvement évoqué en introduction, les différentes formes que peut prendre un

groupe primaire sont infinies : antenne, aréopage, ban, brigade, cartel, caste, cénacle, clan,

collège, comité, commando, commission et sous-commission, communauté, commune,

consortium, corps, coterie, cour, directoire, équipe, groupuscule, jury, patrouille, phalange,

phratrie, pléiade, noyau, secte, tribu…

La communauté est donc une forme de groupe primaire qui possède des

caractéristiques susceptibles de se différencier des autres formes.

Ferdinand Tönnies, puis plus tard Emile Durkheim, propose de définir la communauté

dans son opposition avec la société. Selon lui, la société (gesellschaft) renvoie à un ensemble

contractuel alors que la communauté (gemeinschaft) à une logique fusionnelle et affective24

. Il

oppose ainsi la volonté organique (Wesenwille) des individus dans la communauté à la

volonté réfléchie (Kürwille) qui caractérise les individus organisés en société. La première

relève des liens de sang, de l‟attachement, de l‟affection et de l‟amitié comme critères

d‟appartenance. La volonté réfléchie est, elle, issue de la pensée humaine de chaque individu,

motivée par la poursuite d‟un but individuel et donc caractérisée par la mise en concurrence

sociale et économique avec autrui. C‟est pour Tönnies le changement qu‟introduit

l‟urbanisme moderne : une dérive de la communauté vers la société, de la solidarité vers

l‟individualisme.

Grandement influencé par la sociologie formelle de Tönnies, Emile Durkheim va

reprendre et commenter le Gemeinschaft und Gesellschaft de son homologue allemand. Il

introduit alors la notion d‟harmonie au sein de la communauté, qu‟il décrit de la manière

suivante :

24 Ferdinand Tönnies, Gemeinschaft und Gesellschaft. Grundbegriffe der reinen Soziologie, 1912

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« Ce qui tient les individus unis et confondus dans ce cas, c’est ce que

l’auteur appelle Verständnis (consensus). C’est l’accord silencieux et

spontané de plusieurs consciences qui sentent et pensent de même, qui

sont ouvertes les unes aux autres, qui éprouvent en commun toutes

leurs impressions, leurs joies comme leurs douleurs, qui, en un mot,

vibrent à l’unisson. Cette harmonie ne se produit pas à la suite d’une

entente préalable, d’un contrat antérieurement débattu et portant sur

des points déterminés. Mais elle est un produit nécessaire de la

nature des choses, de l’état des esprits. Quand les conditions sont

favorables et que le germe d’où elle naît est donné, elle croît et se

développe par une sorte de végétation spontanée »25

L‟idée de Durkheim est donc que les membres de la communauté développent un lien

extrêmement fort, un type de solidarité à toute épreuve qui fait agir le groupe comme un tout,

comme une seule entité. L‟individu est considéré comme pratiquement inexistant lorsqu‟isolé

du groupe : il est totalement dépendant de sa communauté. On apprend alors que la naissance

d‟une communauté est totalement naturelle et logique, là où la société est un phénomène

artificiel. La communion des esprits au sein de la communauté prend son essence dans le

modèle de base de la communauté chez Tönnies : la famille.

Les travaux de Tönnies vont être fondateurs et vont influencer de nombreux courants

sociologiques. Parmi eux, l‟Ecole de Chicago, qui va travailler sur l‟influence des sociétés

urbaines et des flux de migrants au milieu du 20e siècle aux Etats-Unis. Robert E. Park

travaillera notamment sur les communautés urbaines et sur la notion de groupe au sein de la

ville. On associe alors la caractéristique de la localisation à la communauté : ses membres ont

besoin d‟identifier un territoire commun26

. Les recherches de Chicago montrent alors que

l‟existence de communautés au sein d‟une vie sociétale est possible.

1.2 POST-MODERNITE ET NOSTALGIE

A ce stade de nos recherches, la communauté, dans ses grands traits, apparait comme

un groupement d‟individus dont la taille ne dépasse pas celle du groupe et dont les membres

partagent un but, des intérêts communs, une conscience harmonique et un territoire, un espace

25 Emile Durkheim, Communauté et société selon Tönnies, Textes. 1. Éléments d’une théorie sociale,

Paris: Éditions de Minuit/Le sens commun, 1975 26 Robert E. Park, Human Communities: the City and Human Ecology Glencoe, Ill: The Free Press,

1952

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de « vivre ensemble ». La communauté est génératrice d‟un lien organique fort de solidarité

entre ses membres et s‟inscrit dans la durée.

Comme nous l‟avons évoqué en introduction, la sociologie s‟applique à étudier la

société au prisme des bouleversements culturels, politiques et économiques qu‟elle est

amenée à subir. L‟avènement de la société de consommation au milieu du 20ème siècle va

avoir pour conséquence un changement de paradigme au sein de la pensée occidentale.

Pendant la révolution industrielle, la psychosociologie identifie une ère dite « moderne » dont

les trois piliers sont :

- Le progrès, à travers une logique dialectique : la technique et la technologie

font avancer la société vers quelque chose de toujours meilleur, une sorte de positivisme

technologique.

- L‟individualité, même si la notion s‟est construite antérieurement, depuis

l‟émergence du journal intime jusqu‟à la logique de destin individuel. C‟est pendant cette

période que se construit la figure de l‟individu de façon formelle.

- La raison, qui fait prévaloir l‟objectif sur le subjectif.

On retrouve dans ces définitions ce que Tönnies et Durkheim considèrent comme étant

des menaces à la notion de communauté : l‟individualisme grandissant et la pensée réfléchie.

Mais la société de consommation arrive à un point de saturation et les philosophes

français notamment Gilles Deleuze commencent à critiquer la pensée moderniste en instaurant

celle de la philosophie postmoderne. Le changement de paradigme est total : les leviers du

modernisme sont remis en cause et le collectif (la communauté) reprend le pas sur

l‟individualisme, non sans une certaine forme de nostalgie. On délaisse la raison et l‟acte

réfléchi pour revenir à des instincts plus primaires où l‟on privilégie la passion, l‟intuition et

la créativité. Le progrès à tout prix est lui aussi critiqué et l‟on observe un certain relativisme

se mettre en place.

Cette période de grands changements va commencer à instaurer un regard beaucoup

plus relatif au rapport à l‟unité sociale. C‟est à cette époque que l‟on commence, notamment

dans la sphère du marketing, à s‟intéresser à la notion de tribu.

Le sentiment de nostalgie, même s‟il peut sembler trivial au premier abord, est en

réalité un concept clef du renouveau communautaire, comme nous l‟explique Philippe Breton

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dans La Parole Manipulée : l‟individualisme Ŕ en détruisant le lien social Ŕ provoque, comme

nous l‟explique l‟auteur « Le renouveau nostalgique des sentiments communautaires et

identitaires » puis de poursuivre en ces termes :

« La nostalgie de la communauté, de la société traditionnelle, des

racines, de l’identité, fait partout irruption, comme le contrecoup

d’une société individualiste (…) ».27

Il est important de souligner que l‟idée de la poursuite de cet idéal communautaire

peut être relativement destructrice, comme l‟analyse Jean-Luc Nancy à propos du

Communitas, Origine et destins de la communauté de Robert Esposito. En effet, il affirme

qu‟au long du XXème siècle, la montée de l‟individualisme liée à la destruction du lien

religieux a donné naissance à une série de discours politiques poursuivant l‟idée de revenir à

une communauté originelle au nom de la nostalgie du concept d‟état fusionnel. Evidemment,

le fait d‟évoquer une communauté protectionniste et repliée sur elle-même, exclue par

opposition la notion de « non-membre », d‟étranger. Philippe Breton nous explique que « Cet

idéal fusionnel n‟existe qu‟en en posant un autre à exclure » et Jean-Luc Nancy de nous

rappeler que cette forme de discours est à la base de nombreux régimes totalitaires.

Même si ce raisonnement est juste, on en voit rapidement les limites, car il admet que

l‟individu, le public ou la foule sont des entités passives alimentées par une communication

verticale et linéaire. On peut facilement contredire cette théorie en considérant l‟individu

comme autonome et rationnel, et en rejetant la « théorie des effets » (dite « de la seringue

hypodermique ») comme nous le montre Harold Lasswell en proposant une approche

fonctionnaliste des théories de la communication dans Propaganda techniques in the World

War28

.

Les années postmodernes sont d‟ailleurs caractérisées par une forme de rejet du

pouvoir vertical et de l‟institution hiérarchique. L‟écart se creuse entre les citoyens et leur

représentant, remettant en cause le principe de l‟autorité politique (la confiance envers les

hommes politiques baisse tandis que les taux d‟abstention électorale battent des records). On

voit également naitre des initiatives sociales autonomes, à l‟instar des forums locaux, des

27 Philippe BRETON, La Parole Manipulée, Editions La découverte / Essais, 1997 28 Harold D. Lasswell, Propaganda Technique in World War, The M.I.T. Press, 1971

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réunions de quartier, etc. Ce changement de modèle est donc accompagné de profonds

bouleversements sociaux, et touche également les secteurs de la consommation. On observe

en effet, une nouvelle forme de rejet de la marque accompagnée par l‟explosion du Hard-

Discount. C‟est également l‟époque où la tendance émergente est aux modes de

consommation alternative, avec l‟apparition d‟un marché dit « éthique ».

C‟est Michel Maffesoli, dans La contemplation du monde : figure du style

communautaire qui amène l‟idée que ces formes de défiance de l‟autorité sont la

manifestation d‟un sentiment de saturation de la part de l‟individu postmoderne. Selon lui,

l‟idéal démocratique de la société occidentale est entrain de céder la place à un idéal

communautaire, où le développement de « petites solidarités quotidiennes » entre individus

sont autant de stratégies communautaires « organiques » qui viennent défier la solidarité

démocratique « mécanique », eux qui sont fondés sur un principe de « partage affectuel ».

La notion de quête de satisfaction individuelle, ciment de l‟individualisme, est donc

supplantée par un plaisir d‟être ensemble, né de la fusion émotionnelle entre individus. On ne

considère plus l‟individu comme une personnalité à l‟identité unique et figée, il est au

contraire représenté comme jouant plusieurs rôles dans la société. Il n‟appartient plus à une

société mécanique mais à « une multiplicité de réseaux d‟appartenance qui vont exprimer les

différentes facettes de sa personnalité »29

. Il est donc considéré comme une entité complexe et

fragmentée, s‟inscrivant dans des « nébuleuses affectuelles » reposant sur un mode de

fonctionnement émotionnel, lui permettant de s‟exprimer au sein de différentes « micros-

tribus » sélectionnées en fonction de ses affinités. Michel Maffesoli remet donc en question

les caractéristiques de la communauté au regard du courant postmoderne, en cela qu‟on ne

peut plus les considérer comme ce regroupement unique, qui s‟inscrit dans la durée et dans la

constance. Au contraire, les « micros-tribus » reconfigurent le lien social, en se faisant et se

défaisant, en s‟ajustant et donc en remodelant le lien social à chaque transformation.

L‟appartenance à une communauté est désormais une notion qui peut être éphémère,

changeante et vagabonde.

2. COMMUNAUTE DE MARQUES ET EVOLUTIONS A L’HEURE DU

NUMERIQUE

29 Entretien avec Michel Maffesoli in La logique des communautés, dossier Sciences Humaines n°48,

Mars 1995.

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2.1 CONSOMMATION ET COMMUNAUTE

Intéressons-nous maintenant à la relation que peut entretenir la communauté avec le

consumérisme. Au sein des sphères de recherche du marketing, on a pendant longtemps étudié

uniquement l‟individu en tant que consommateur. Les chercheurs se sont en effet intéressés

aux motivations psychologiques et comportementales et au processus décisionnel de

l‟individu. Pourtant, de la révolution industrielle à la société consumériste de notre époque,

l‟histoire de la consommation (et de la communication) est grandement liée à celle des

communautés. Dès le milieu du 20e siècle, Paul Lazarsfeld et plus généralement le courant de

science de l‟information et de communication qu‟on appela l‟école de Palo-Alto, émettent

certaines théories afin de s‟écarter de la vision trop réductrice de la seule psychologie de

l‟individu, pour embrasser une vision du système en général. Qu‟il soit familial ou

communautaire, ce système prend énormément d‟importance dans la façon qu‟a l‟individu à

se forger une opinion ou à prendre une décision. Selon Lazarsfeld30

, la communication

médiatique ne touche pas directement l‟individu dans son esprit : il s‟opère un filtrage actif né

de la personnalité de l‟individu, de son héritage éducatif et de son expérience personnelle,

mais également de son entourage et plus précisément de ce que Lazarsfeld va appeler les

leaders d‟opinions. Ces leaders d‟opinions Ŕ qui prennent la forme d‟institutions politiques ou

religieuses, d‟entourage affinitaire ou encore de système familial Ŕ vont faire office de relais

de l‟information, et vont plus ou moins transformer le message sous forme de

recommandation. Ce système de filtre et de relais sera ensuite théorisé sous le terme de two-

step flow model.

Il est donc indéniable que la notion de communauté est liée à celle de la

consommation, même si par réflexe on aurait tendance à les opposer. Cette opposition nait

d‟un jugement de valeur qui voudrait que la consommation soit une activité individuelle, or

nous l‟avons vu, même si l‟on consomme et achète souvent seul, il n‟en demeure pas moins

que l‟acte peut être motivé par une pression ou une recommandation communautaire. Est-ce

cela que l‟on appelle communauté de marque ? La réponse est non, mais cela montre bien

l‟influence qu‟ont le lien social et communautaire dans les comportements consuméristes.

Peut-on alors parler de communauté de consommation ? Pour Albert Muniz, qui a

entre autre étudié les groupes de fidèles de deux marques de boissons gazeuses et sucrées aux

30 Lazarsfeld, P.F., Berelson, B. & Gaudet, H. (1944). The People’s Choice: How The Voter Makes Up

His Mind in a Presidential Campaign. New York: Columbia University Press.

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Etats-Unis, la communauté de consommation s‟exprime dans l‟opposition31

. Elle se structure

alors selon le groupe d‟appartenance, en opposition aux membres d‟une autre communauté. Il

introduit par la suite la notion de sous-culture, qu‟il définit comme « les limites à l‟intérieur

desquelles les comportements conventionnels des membres de la société peuvent varier sans

cesser d‟être tenus pour identiques par tous les membres ». L‟expérience commune peut-être à

l‟origine du développement de valeurs et de normes communes et de la naissance d‟un

sentiment d‟appartenance ; la consommation peut ainsi faire apparaître un regroupement

d‟individus qui créera un système culturel propre, ce sont les sous-cultures de consommation.

Ainsi, contrairement à la tribu postmoderne qui peut se réunir sur la base de modèles variés, le

concept de sous-culture de consommation renvoie à des regroupements d‟individus sur la base

de partage de valeurs liées à une consommation particulière. En d‟autres termes, la sous-

culture est reconnue et identifiée comme telle par ceux qui la pratiquent, mais avec conscience

qu‟il existe une culture plus globale (la culture française par exemple). La sous-culture de

consommation hérite de la culture globale et y ajoute par extension ses propres codes

culturels. Un des exemples les plus frappants de ce concept est la communauté réunie autour

de la marque Harley-Davidson, regroupant des bikers du monde entier qui partagent la même

passion, les mêmes codes culturels.

La notion de communauté trouve des points d‟articulation avec celle de consommation

car nous voyons se développer des regroupements de consommateurs sur la base d‟une

idéologie commune ou d‟une pratique de consommation commune. Ces communautés de

consommation, dotées d‟espaces, de codes, de symboles, voire de langages communs, sont le

terreau sur lequel les communautés de marque sont à envisager. Que représentent aujourd‟hui

ces groupes d‟individus réunis par l‟intérêt porté à une même marque ? Comment

s‟organisent-ils ? Que disent-ils sur le lien entretenu entre la marque et les consommateurs et

entre les consommateurs eux-mêmes ?

La notion de communauté de marque est très fortement liée à la sous-culture de

consommation à ceci près qu‟elle ne s‟articule pas autour d‟une activité de consommation,

mais plutôt autour de l‟attachement à une marque.

Concept finalement très récent en marketing, la communauté de marque est définie de

la façon suivante par Albert Muniz et Thomas O‟Guinn :

31 Albert M. Muniz et Lawrence O. Hamer, US VERSUS THEM: OPPOSITIONAL BRAND LOYALTY

AND THE COLA WARS, Advances in Consumer Research Volume 28, 2001

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« La communauté de marque est une communauté spécialisée, non

géographiquement marquée, basée sur un ensemble structuré de

relations entre les admirateurs d’une marque ».32

La communauté, dans sa définition sociologique, perd sa caractéristique du lieu unique

et accentue celle du lien. Au regard de nos précédentes recherches, nous pouvons juger que

cette définition est incomplète puisqu‟elle ne prend pas en compte la définition de ce qui fait

communauté, c‟est-à-dire en quoi l‟on peut appeler « communauté », un regroupement de

consommateurs. Il faut donc y ajouter les notions de norme et de représentation communes,

de partage de valeurs et la notion de l‟appartenance durable dans le temps.

Un des fondements de la communauté est le sentiment d‟appartenance au groupe et

par extension l‟identification de chaque membre au reste de la communauté sur la base

d‟intérêts, de valeurs, de normes et de représentations partagées. Dans le cadre de la

communauté de marque, il devient alors intéressant d‟étudier à la fois le degré d‟intégration

des différents membres à la communauté et aussi la façon dont ces derniers s‟identifient au

groupe et créent du lien entre eux. Les études en sociométrie nous apprennent alors que

chaque « point de contact », chaque individu possède un lien plus ou moins fort avec un autre

individu : on peut alors déterminer des chemins d‟interaction qui peuvent aboutir à un graph

social permettant de dégager certaines figures d‟influence et de recommandation. On peut dès

lors imaginer une hiérarchie de membres, différents statuts, différents niveaux d‟adhésion qui

seraient fonction du degré d‟engagement des membres.

2.2 LA REVOLUTION TECHNOLOGIQUE DU « WEB SOCIAL »

Lorsqu‟on évoque l‟émergence des communautés (de marque ou non) en ligne, on ne

peut décidemment pas faire l‟impasse sur une description des technologies qui l‟ont

accompagnée. En effet, les communautés en ligne, bien qu‟existantes dès la création du

Réseau, ne se sont ouvertes au grand public qu‟avec l‟avènement de ce que Tim O „Reilly a

nommé le « Web 2.0 »33

. Et ce web 2.0 qui va littéralement apporter une révolution en termes

de communication en ligne est inexorablement lié à certaines innovations technologiques que

nous nous proposons de décrire ici.

32 Albert Muniz et Thomas O‟Guinn, Brand Community, Journal of Consumer Research, 2001 33 Paul Graham se rappelle les origines du terme : http://www.paulgraham.com/web20.html

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Dans un certain idéaltype que ne renieraient pas Shannon et Weaver, le « web 1.0 » Ŕ

nous emploierons ce terme pour plus de lisibilité, sachant pertinemment qu‟il est galvaudé Ŕ

est schématiquement un système de communication vertical et unilatéral, allant d‟un émetteur

administrateur d‟un média (site internet, portail) et d‟un lecteur/spectateur qui n‟a d‟autre

choix que d‟être passif. C‟est finalement un média traditionnel intimiste, certes un peu plus

démocratique, encore faut-il avoir les connaissances techniques nécessaires. Dans ce modèle-

ci (fig.1), les internautes sont donc spectateurs, il n‟y a aucun dialogue : les sites internet sont

statiques, le webmaster doit avoir assez de connaissances techniques pour modifier ses

productions directement dans le code source. A cette époque Ŕ les années 2000 Ŕ le langage le

plus utilisé est le HTML dans ses toutes premières versions. C‟est-à-dire un code qui permet

tout juste d‟enrichir son texte (italique, gras, couleurs), de l‟aligner et de créer des tableaux.

Fig.1 Le « web 1.0 », un web pratiquement en lecture seule

Ce n‟est que quelques années plus tard que de nouveaux langages de développement

vont permettre de transformer l‟expérience numérique des utilisateurs. Pour l‟anecdote,

nombre de ces langages et codes Ŕ comme beaucoup de choses sur internet Ŕ sont nés d‟un

travail de passionnés, échangeant d‟un bout à l‟autre du monde en distribuant le code

gratuitement : une véritable œuvre communautaire. Ainsi naissent les langages SQL et PHP,

le premier ayant pour vocation de manipuler des bases de données complexes en quelques

lignes de code Ŕ que l‟on appelle une requête Ŕ et l‟autre permettant d‟insérer des éléments

dynamiques tels que des champs de formulaire mais également, et c‟est là que les choses

deviennent intéressantes, d‟incorporer des requêtes SQL. Le PHP permet donc de se faire le

liant entre une page statique en HTML et des informations dynamiques stockées dans des

bases de données. Non seulement ces technologies vont permettre de développer ce

qu‟aujourd‟hui nous utilisons régulièrement (le système de commentaire par exemple) mais

aussi de créer des outils plus ou moins simples d‟utilisation à destination du profane. Ainsi

n‟importe quel internaute doué d‟un peu de curiosité peut devenir propriétaire d‟un espace

médiatique sur internet, faire entendre sa voix, amplifier ou remettre en doute celle des autres.

Le modèle vertical et unilatéral devient multiple et émane de toutes les directions (fig.2).

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Fig.2 le « web 2.0 » et l’émergence du « consommacteur »

Les nouvelles possibilités de production offertes à tout un chacun vont radicalement

changer le comportement des internautes et la face du web en général : des millions

d‟utilisateurs, chacun doté de nouvelles armes éditoriales et animé d‟une volonté de se faire

entendre, vont faire exploser de façon exponentielle le volume de contenu sur internet. La

technologie aidant, ce sont également des images, des vidéos, des sons qui s‟ajoutent aux

textes, rendant l‟expérience multimédia et infinie. Ajoutons à cela la quasi-immédiateté du

contenu informatif disponible sur la toile ainsi que la multiplication des messages qu‟il reçoit

quotidiennement, et l‟on voit se développer très rapidement une réelle expertise chez

l‟internaute. On peut d‟ailleurs citer l‟exemple récent du réseau Twitter, où en fonction de

l‟actualité, chaque acteur du réseau se transforme tour à tour en spécialiste des volcans

islandais puis en expert du nucléaire japonais en moins de temps qu‟il ne faut aux dépêches

pour tomber. Ce consommateur expert, né de l‟angoisse et de la défiance chers à Gilles

Lipovetsky34

, est la suite logique des mouvements « anti » et « alter » de la politique ou des

modes de consommation, que l‟on a vu fleurir à la fin des années 90. Méfiance du discours

publicitaire, perte de confiance envers la sphère politique, l‟individu est devenu informé et

acteur de sa propre consommation. Il développe des stratégies d‟information et de

consommation, il utilise des comparateurs de prix ou son « graphe social » pour le conseiller,

par exemple, lors du processus de préparation à l‟achat. Sans nécessairement s‟engager dans

un combat contre le discours des marques ou contre celui des médias, il semble que les

consommateurs deviennent, à plusieurs niveaux, des véritables fabricateurs d‟opinion, et ce

jusqu‟à représenter un vrai contre-pouvoir35

. De nos jours, la tendance est clairement

34 Lipovetsky Gilles, L’ère du vide : essais sur l’individualisme contemporain. Gallimard, Folio. Paris,

1989. 35 Holt, Douglas, Why do brands cause trouble? A dialectical theory of consumer culture and branding,

Journal of Consumer Research, juin 2002, n°29.

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généralisée puisque pratiquement tous les sites marchands utilisent le principe

d‟avis/opinions, et le graphe social est mis en branle par des réseaux sociaux quasi universels

tels que Facebook ou Google (avec sa fonction de social search), qui permettent aux sites

d‟intégrer directement l‟avis de nos amis les plus proches.

Très tôt, lorsque ces tendances ont émergé, les marques ont identifié plusieurs

menaces et opportunités émanant de ce changement structurel. Le volume de contenu en

constante augmentation et la possibilité de s‟exprimer donnée aux consommateurs, peuvent

en effet rendre l‟image d‟une entreprise particulièrement instable (cf. Nestlé), et inversement,

la possibilité d‟interagir directement avec les fidèles de la marque se révèle être un objectif

primordial pour cette dernière.

Ainsi l‟on observe nos communautés de marque et nos sous-cultures de consommation

s‟installer sur la toile : le forum des fans d‟Apple côtoie le blog des passionnés de rollers.

Nous parlions précédemment de la possible disparition du lieu Ŕ caractéristique

sociologique de la communauté Ŕ au profit du lien, comme nous l‟explique Muniz et

O‟Guinn. Selon eux, le fait qu‟une communauté de marque en ligne soit potentiellement

internationale puisque ses membres peuvent se rencontrer de manière virtuelle sans soucis de

frontière géographique, amène la notion de lieu à disparaitre. Pourtant il existe bel et bien un

lieu, ou plutôt un territoire comme se plaisent à l‟employer certains chercheurs en sociologie

numérique, puisque pour échanger ou créer du contenu autour de la marque, il est nécessaire

que les consommateurs Ŕ voire les utilisateurs, comme nous l‟expliquons en introduction Ŕ

puissent se réunir dans une place de « vivre ensemble » ou au moins de « partager ensemble

». Et même si ce territoire possède des frontières qui ne sont pas géographiques mais

technologiques, il est plus ou moins identifiable en tant que tel. Ainsi, c‟est souvent au sein

d‟une plateforme de type réseau social, une plateforme créée par les utilisateurs ou une

plateforme mise en place par la marque que se retrouvent les membres de la communauté.

Rien ne les empêche en effet de développer leur propre stratégie de communication en marge

de ces plateformes dédiées, mais la praticité de ces territoires et la possibilité d‟entretenir la

relation triadique marque-membre-communauté rend ce type de tactique marginale.

3. LA PLATEFORME TECHNOLOGIQUE EN TANT QUE LIEU

COMMUNAUTAIRE

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3.1 DIFFERENTES PLATEFORMES POUR DIFFERENTS USAGES

La plateforme est en effet le lieu d‟échange entre les membres d‟une communauté. Sa

structure, son fonctionnement, ses limites et ses contraintes conditionnent donc tout

particulièrement les possibilités éditoriales et discursives de l‟utilisateur. On l‟a vu en

première partie, le texte, les images, le son et la vidéo sont les principaux contenus générés et

échangés par les internautes. Alors qu‟il est plutôt aisé de publier une image sur une

plateforme telle que Facebook, il est rarement possible de le faire dans les commentaires

d‟une plateforme de type blog. Les raisons peuvent être multiples. Il peut s‟agir d‟une

contrainte technique : l‟administrateur ne possède pas la connaissance ou la technologie

nécessaire pour permettre la publication par les visiteurs de ce type de contenu. La raison peut

également être de l‟ordre de la sécurité : de peur d‟une faille dans le système, les possibilités

éditoriales sont drastiques. Pour finir, la raison peut aussi être esthétique : afin de conserver

une charte graphique cohérente, on empêche l‟utilisateur de publier une image. Les

possibilités d‟interaction entre les membres de la communauté sont donc directement

conditionnées par le choix des propriétaires ou administrateurs de la plateforme.

On peut distinguer trois types de plateforme qui peuvent aussi bien être mises en place

par la marque que par les utilisateurs. On a pu observer ces dernières années l‟essor

considérable de plusieurs plateformes sociales, qui n‟avaient pas vocation, à leur création,

d‟être l‟apanage d‟une marque ou d‟une autre. Ces « réseaux sociaux » tels que Twitter ou

Facebook, ont été l‟objet d‟un véritable engouement de la part du public, si bien qu‟en 2011,

plus d‟un français sur trois est actif sur le réseau Facebook. Un tel succès et un tel volume

d‟individus présent en un même territoire, poussent les marques à s‟installer sur le réseau. En

effet, il est plus simple pour toucher ses prospects de communiquer là où ils sont réunis, que

de les inviter à utiliser une plateforme qu‟ils ne connaissent pas. De plus, de par la multiplicité

des réseaux et services qui fleurissent sur le web, il semblerait que l‟internaute arrive à un

point de saturation « d‟appartenance aux réseaux ». C‟est donc une question de bon sens pour

la marque que de faciliter la tâche aux utilisateurs. Un autre critère qui joue en la faveur du

choix de ce genre de plateforme est le modèle économique de cette dernière. En effet, pendant

longtemps, les modèles économiques viables sur le web étaient la publicité et le modèle

freemium (le fait de proposer les fonctions basiques d‟un service gratuitement, et de pouvoir

payer une certaine somme pour accéder à des fonctions avancées dites « premium »). Dans le

jeu de la publicité, la firme Google s‟était imposée Ŕ son moteur de recherche étant le site le

plus visité au monde Ŕ en tant que seule et unique régie publicitaire sur internet : les

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annonceurs payant les annonces, les propriétaires d‟espace publicitaire (des blogs, des sites

personnels) étant rémunérés par la régie de Google. L‟explosion d‟un réseau tel que Facebook

change clairement la donne : une forte audience, très qualifiée puisqu‟elle renseigne elle-

même ses informations personnelles, un territoire aux frontières bien définies et un

fonctionnement qui mise tout sur les interactions sociales, qui en devient addictif. Tous les

critères pour créer une régie publicitaire sont présents, ne manque que les annonceurs. Quoi

de mieux pour attirer les marques que de leur proposer une plateforme et des outils fins pour

« engager » avec leurs « communautés » ?

Ces réseaux sont désormais tellement développés, et ils proposent des fonctions

toujours plus innovantes, qu‟il devient anormal de ne pas « trouver » une marque sur ces

plateformes. Dans ce cas, la marque au même titre que les utilisateurs peut être à l‟origine de

la création de l‟espace communautaire : la marque peut s‟installer après que des utilisateurs

aient créé un espace « non-officiel » et « claimer » cet espace, ou la marque peut créer son

espace dédié à partir de zéro. Le deuxième type de plateforme communautaire où l‟on

retrouve les communautés de marque, est un espace créé par la marque de toute pièce, dont

elle est entièrement propriétaire. L‟avantage de ce type de plateforme est la liberté

technologique et éditoriale offerte aux créateurs comme aux utilisateurs. Les marques font le

choix de ce type de dispositif lorsqu‟elles ont un objectif précis à remplir. Dans le cas de la

plateforme Sneakerpedia36

mise en place par la chaîne de magasin de chaussure Foot Locker,

l‟objectif est de créer une encyclopédie de la chaussure de sport. Pour cela, la marque a mis en

place une plateforme de type Wiki, où ce sont les utilisateurs et exclusivement eux qui

nourrissent les pages de la Sneakerpedia. Les possibilités éditoriales sont relativement

limitées : l‟utilisateur peut créer/éditer une fiche (photo, description, mots clefs), afficher

publiquement les paires qu‟il possède et enfin déclarer publiquement qu‟il « aime » telle ou

telle paire. On peut penser que l‟utilisateur peut être contraint par ce manque de liberté, mais

en réalité cette sobriété permet de se concentrer sur l‟objectif de la plateforme et ne pas

parasiter son activité principale par des ornements satellites. Dans le cas de la communauté

Lavazza37

, l‟utilisateur n‟a qu‟une seule possibilité éditoriale, à partir de laquelle le dispositif

permet de nombreuses déclinaisons : il s‟agit pour l‟abonné au service, de déclarer en temps

réel le type de café qu‟il boit, et son emplacement géographique. A partir de ces données, le

site génère Ŕ de manière visuellement attractive Ŕ des statistiques sur les habitudes des

36 http://www.sneakerpedia.com/ 37 http://www.lavazza.com/corporate/community/home

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consommateurs (nombre de cafés bus, pays où l‟on en boit le plus, moment de la journée

privilégié, etc.) et permet aux utilisateurs de rechercher un membre avec qui partager un café,

en fonction de la proximité géographique. Là encore, la marque n‟ouvre pas forcément un

univers de possibilités à l‟utilisateur, mais le dispositif interactif suffit à servir les objectifs de

la plateforme, et donc de la marque. On peut également faire l‟hypothèse que, comme évoqué

plus haut, on atteint rapidement une certaine saturation d‟abonnements aux services.

L‟utilisateur doit, à chaque abonnement, passer par une phase d‟apprentissage systématique

de la nouvelle plateforme qu‟on lui propose. La sobriété des designs et la simplicité éditoriale

des services (Twitter par exemple) est une tendance née de ce constat. En toute logique, les

marques veulent séduire un maximum d‟utilisateurs, elles ne peuvent se permettre d‟offrir des

services trop complexes, qui décourageraient une bonne partie de leur public.

Le troisième type de plateforme sur laquelle on peut retrouver des communautés de

marque n‟est pas une plateforme créée à l‟initiative de cette marque, mais une volonté des

utilisateurs, des fidèles. Limitées par des contraintes de savoir-faire techniques, par soucis de

moyens ou tout simplement dans une volonté d‟aller au plus simple, les plateformes mises en

place sont souvent générées à partir de modèles de structure préexistants qu‟on appelle des

« moteurs ». La raison principale est donc la facilité de mise en place, mais également Ŕ on

commence à y être habitué Ŕ la volonté de ne pas perdre l‟utilisateur dans l‟apprentissage

d‟une nouvelle interface. Ainsi, lorsque l‟on met en place un forum grâce au moteur

« phpBB »38

ou un blog via le moteur « Wordpress »39

, la structure, les repères éditoriaux et

les zones d‟interactions sont le plus souvent basés sur des modèles-type bien intégrés par les

utilisateurs, ne nécessitant pas forcément de temps d‟adaptation. Malheureusement, ce type de

communauté se fait rare de nos jours : elles sont souvent récupérées par la marque en question

et en perdent leur indépendance.

3.2 FACEBOOK, LA NORME COMMUNAUTAIRE

Tous ces modèles communautaires ont des objectifs souvent très variés, comme on l‟a

vu avec les exemples de Sneakerpedia ou LavazzaCommunity. Pour des marques de matériels

électroniques ou de services téléphoniques par exemple, le but de la communauté est souvent

assimilé au service-après-vente ou au support basé sur l‟entraide entre les membres alors que

pour des denrées consommables, le type de discours aura plutôt pour objet des usages de

38 Le PHP Bulletin Board est un système de forum sous la forme d‟un package open-source. Voir

http://en.wikipedia.org/wiki/PhpBB 39 Wordpress est un outil de blog et une plateforme de publication open-source. Voir

http://en.wikipedia.org/wiki/Wordpress

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consommation comme des recettes pour les biscuits Oreo ou le partage de « bon plans » et de

réductions. Chez les marques considérées comme cultes, il s‟agira plus d‟échanger des

expériences sur l‟état d‟esprit et le style de vie, comme chez Harley-Davidson par exemple.

On l‟a compris, l‟objet d‟une communauté dépend fortement du type de produit ou de

service que propose la marque, de son image, de sa notoriété mais également et surtout de la

plateforme qui accueille cette communauté. Ainsi la marque peut orienter et influencer l‟objet

de sa communauté en imposant des contraintes éditoriales, un modèle graphique et en

adoptant un certain discours.

Très peu de marques font le choix d‟investir dans une plateforme dédiée à leur

communauté, à tort ou à raison. En effet, il est normal que pour certains types de produit, un

dispositif dédié ne soit pas forcément nécessaire. Cependant, de plus en plus de marques

jugent primordiale d‟être présent sur le réseau Facebook. Les facteurs de cette présence sont,

on l‟a vu, le besoin d‟être là où sont les consommateurs, mais également une tendance

émergente depuis quelques années dans le digital marketing qui met au premier plan la

nécessité d‟être présent sur les médias dits « sociaux » (social media). Ainsi, une part

importante de l‟activité dans les agences de communication digitale est désormais de mettre

en place des stratégies sur les médias sociaux, stratégie qui se résume dans la plupart des cas à

créer une page de marque sur Facebook et à lui associer un nouveau métier, le « community

manager », afin qu‟il interagisse avec les membres de la communauté et donne l‟impression

que la marque est « active » sur les réseaux sociaux. Est-ce qu‟une marque doit

obligatoirement être présente sur Facebook ? Si elle a déjà une activité numérique, la réponse

est cristalline : selon le classement Alexa40

, le réseau social est le second site le plus visité en

France, après Google (la tendance est similaire à l‟échelle mondiale).

Facebook semble donc être en passe de devenir la plateforme universelle et unique

d‟une marque qui voudrait interagir avec les membres de sa communauté. Le danger

stratégique de cette tendance apparait évident. On a en effet démontré que la plateforme est

directement responsable Ŕ de par son interface Ŕ du comportement des utilisateurs et du type

de contenu qu‟ils créent et partagent. Si les contraintes techniques et les partis-pris graphiques

et visuels de la plateforme sont identiques pour toutes les marques, on peut se demander ce

qu‟il leur reste, à part leur discours, afin de se différencier ou d‟influencer l‟objet de la

communauté vers un autre objectif que celui initialement prévu par la plateforme.

40 http://www.alexa.com/topsites/countries/FR

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III. LA CREATION DE CONTENU AU SEIN DES

COMMUNAUTES DE MARQUE EN LIGNE : LE CAS I

AM NIKON

1. I AM NIKON, PLACE A L’INTERACTION

1.1 NIKON, UNE MARQUE HISTORIQUE

Nikon est une marque d‟appareil photo et d‟optique japonaise. Créée à des fins

militaires pendant la seconde guerre mondiale, la société avait pour but d‟équiper les appareils

militaires des meilleurs optiques possibles afin de palier à la supériorité allemande en la

matière (avec les optiques Carl Zeiss notamment). A la fin de la guerre, dans le but de se

reconvertir dans une activité civile, Nikon va lancer des appareils pour équiper les

journalistes. Rapidement, le professionnalisme et la qualité de la fabrication vont contribuer à

créer l‟image de Nikon : une marque haut de gamme, des produits conçus pour les

professionnels.

Avec la miniaturisation de l‟électronique et la démocratisation de la micro-

informatique, Nikon amorce le pas des appareils numériques dans les années 2000. Nikon

possède désormais une gamme très large allant des appareils destinés aux photographes

professionnels aux appareils compacts pour amateurs avec la gamme Coolpix. Ces deux

dernières années, l‟apparition des capteurs vidéo permet également à la marque de se

renouveler en proposant la vidéo haute définition avec ses appareils photos professionnels.

Longtemps considérée comme une marque aux produits onéreux et complexes

d‟utilisation, puisque destinés aux professionnels, Nikon décide de changer radicalement son

discours en 2010 avec une nouvelle campagne de communication.

1.2 I AM NIKON, L‟UTILISATEUR AU CŒUR DE L‟IMAGE

Intitulée I AM NIKON, cette nouvelle campagne Ŕ on peut même se permettre de

parler de nouvel axe tellement le changement est radical Ŕ s‟appuie sur les valeurs de la

personnalisation, de l‟interaction et de l‟instinct. Le dispositif médiatique allie publicité

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traditionnelle avec des spots TVs, des prints et de l‟outdoor41

avec une stratégie online à

travers un site dédié, mais surtout avec un déploiement sur les médias sociaux42

. La campagne

reprend la signature de la marque Ŕ « au cœur de l‟image » Ŕ et développe de nombreux

insights autour des instants partagés, tels que les premiers pas d‟un nouveau-né, le ballet des

touristes devant des monuments ou un mariage. Le message diffusé à la télévision montre des

photos et des vidéos réalisées par des consommateurs à qui Nikon a prêté du matériel. La

volonté de cette campagne est donc d‟apporter de la véracité et du réalisme. Avant de détailler

plus en avant cette campagne, il est important de parler du pictogramme qui accompagne

chaque message. Ce pictogramme rectangulaire reprend l‟identité visuelle de la marque et

plus particulièrement son logo. Il est composé à gauche d‟un rectangle jaune où l‟on peut lire

« I AM » écrit en noir. La partie droite représente un fond blanc encadré d‟un liseré jaune où

le texte varie en fonction de la photo à laquelle le pictogramme est accolé. Ainsi une photo de

mariée sera affublée d‟un « I AM SNOW WHITE », les premiers pas du nouveau-né d‟un « I

AM NEIL AMSTRONG » etc. Le but est évidemment de faire comprendre aux spectateurs

que c‟est à chacun de choisir ce qu‟il veut être.

La campagne démarre en avril 2010 en Europe et en Afrique du Sud en commençant

par le Royaume Uni. La campagne joue sur la signature de la marque « Au cœur de l‟image »

et y ajoute des scénarios de la « vie réelle » dans lesquels les gens montrent ce qu‟ils sont

réellement grâce à un appareil Nikon. De multiples évènements historiques et des références à

la pop culture sont utilisés dans les spots, comme lorsqu‟on associe les premiers pas d‟un

nouveau-né à ceux de Neil Armstrong sur la lune. Cette scène montre donc les premiers pas

d‟un bébé filmés par sa mère, et dont les images proviennent effectivement du Nikon D5000

utilisé par la mère. D‟autres passages montrent le chanteur Robbie Williams tournant son

appareil photo en direction de la foule lors d‟un concert, une mariée espagnole qui laisse les

équipes de Nikon filmer les derniers préparatifs de son mariage pour la campagne, des

touristes qui prennent en photo les pyramides de Gizeh ou tout simplement des gens aux

quatre coins de la planète qui interagissent grâce à internet et leurs appareils Nikon. Chacun

de ces moments est accompagné d‟un logo personnalisé: I am Neil Armstrong, I am Alive, I

am Snow White, I am Here et I am a Part of the World.

41 Annexes 1, 2 et 3 42 Le terme original, social media, désigne tous les médias destinés aux interactions sociales. On peut

traduire ce terme par « réseaux sociaux », mais cela exclurait certaine structure sociale comme les aggrégateurs

ou les services de social bookmarking comme Delicious.

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« La nouvelle campagne Nikon parle entièrement de vrais

expériences, de vrais émotions et de vrais gens. Elle est au cœur de

l’image. Les moments et les émotions sont capturés pour toujours. La

vie est son propre réalisateur. Nous avons donné des appareils Nikon

à cinq mères pour qu’elles capturent les premiers pas de leurs

enfants. Parfois ce sont les touristes eux-mêmes, les vraies

attractions. Pour une authentique photo de fête, vous avez besoin

d’aller à une fête… ou cinq. Ne révélez pas ce qui vient après, c’est

de cette façon que l’on obtient de vrais réactions. Nous avons même

invité quelqu’un qui vient de très loin. Nous avons voyagé jusqu’en

Espagne pour assister à un mariage, sans scénario, bien sûr. Nous

avons donné à des enfants des jouets et une liberté créative pour

qu’ils créent leur propre film. Maintenant c’est votre tour. Capturez

la vraie vie et les vraies émotions, et soyez Au Cœur de l’Image. I am

…»43

Cet extrait du making-of nous montre bien l‟opposition implicite qu‟installe Nikon

entre l‟authenticité des productions de ses consommateurs et l‟idée sous-entendu du faux, de

la tromperie que l‟on retrouverait chez d‟autres marques (en creux, c‟est évidemment un

message à l‟intention de Canon).

Nikon utilise également ce dispositif pour mettre en avant les atouts de ses appareils

photos comme « I am a Super Zoomer » pour montrer la grande capacité de zoom du Coolpix

S8000, ou « I am Attractive » afin de mettre en avant les qualités du design du S3000.

La campagne I AM NIKON a pour but de mettre les consommateurs, eux aussi, « au

cœur de l‟image » et d‟initier une nouvelle compréhension de la photographie où chacun peut

s‟exprimer en fonction de son expérience de celle-ci. En effet, aujourd‟hui la photographie

s‟est démocratisée et son usage est divertissant, ludique, social et expressif. En utilisant de

vraies personnes, dans de vraies situations, Nikon espère que le public se reconnaitra et se

sentira inspiré.

Les spots TV sont tous conçus de la même façon, présentant une succession de

saynètes aboutissant à un visuel final accompagné de son logo personnalisé. La bande

43 Traduit de l‟anglais. Making of Spring 2010 : http://www.youtube.com/watch?v=eq4_0QX-atU

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sonore44

joue un rôle primordial puisque le morceau est construit de manière à amener un

climax émotionnel au moment de la révélation du visuel. Les prints et outdoor reprennent

également un visuel représentant un instant de vie, toujours accompagné du logo personnalisé.

La stratégie online est la plus intéressante car elle reflète une volonté universelle des marques

d‟interagir avec leur communauté. Dans sa construction, la campagne I AM NIKON a tous les

atouts pour être une opération visant à initier un mouvement au sein de sa communauté. Le « I

am » s‟adresse directement au consommateur, c‟est d‟ailleurs lui qui est présent dans les spots

TV, c‟est presque lui qui réalise la publicité : il est au cœur du processus, Nikon, c‟est lui. On

peut d‟ailleurs lire quelques savoureux verbatims dans les commentaires de la page Youtube

de Nikon :

« Votez si vous êtes fiers de dire « I am Nikon » »45

« I am… looking at the life in a different way »

Ou encore cette réponse d‟un utilisateur à une critique négative :

« Cette campagne est une publicité pour que les gens voient la vidéo

et pensent : Wow… Si seulement je pouvais capturer ma créativité,

mes sentiments ou les grands évènements de ma vie. Et c’est

exactement ce que Nikon permet ! Et je suis fier de dire : - I AM

NIKON - »46

Le déploiement de la campagne en ligne s‟articule autour d‟un site dédié I AM

NIKON, qui fait en réalité partie de la catégorie Community du site Nikon. On voit bien ici la

volonté de Nikon de faire de I AM NIKON une sorte de totem autour duquel se retrouvent les

passionnés de la marque. Malgré tout, les possibilités d‟interactions restent limitées sur le site.

Fort heureusement, la stratégie se développe à travers un écosystème digital composé de

plusieurs réseaux sociaux tel que Flickr (spécialisé dans la photographie), Youtube (pour les

vidéos) et bien sûr Facebook. Cette volonté de mettre l‟utilisateur au centre de l‟interaction est

44 Radical Face - Welcome Home, Son 45 Traduit de l‟anglais. Commentaires du Making of : http://www.youtube.com/watch?v=eq4_0QX-atU 46 Ibid.

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tout à fait légitime sur le web. Comme on l‟a vu, le consommateur est créateur de contenu et

tient une position d‟énonciation quasi égale à celle de la marque.

La plateforme, le territoire qui nous intéresse ici est la page Facebook de la marque. Sa

promotion est faite à partir de multiples interfaces, puisque tous les éléments de l‟écosystème

digital tendent à être reliés entre eux47

.

2. CONTRAINTES TECHNOLOGIQUES ET DISCOURS DE MARQUE :

JALONS DE LA PRODUCTION

2.1 FACEBOOK, UN FONCTIONNEMENT NORME

Intéressons-nous maintenant au fonctionnement d‟une page Facebook. Bien qu‟elle

soit très peu personnalisable, il existe quelques paramètres à régler, qui peuvent révéler la

volonté de la marque. Nous pourrions explorer le fonctionnement en parcourant le chemin

d‟un utilisateur lambda, mais cela ne s‟avère guère pertinent, puisque nous avons décidé de

séparer deux aspects de la page, les contraintes technologiques et l‟énonciation de la marque

d‟un côté, et les applications et onglets, dispositifs exceptionnels, de l‟autre. La marque peut

décider sur quel onglet peut « atterrir » un nouvel utilisateur : c‟est ce que l‟on appelle une

landing page, c‟est la raison pour laquelle suivre le chemin de l‟utilisateur fausserait notre

analyse.

Structurellement, une page Facebook est composée de trois colonnes48

. La première

qui prend environ un quart de la page, contient l‟identité de la marque (photo de profil, about,

nombre de fans et abonnements) ainsi que la navigation, c‟est-à-dire les différents onglets et

applications présents sur la page. La colonne centrale, qui représente la moitié de la page

environ, contient des informations dynamiques, qui changeront en fonction de l‟onglet sur

lequel l‟utilisateur se trouve. Dans le cadre de l‟étude, nous nous cantonnerons pour l‟instant

au wall, infos et photos. La troisième et dernière colonne occupent le dernier quart laissé par

les deux autres colonnes. Les seules informations révélées par cette colonne sont « qui de mes

friends ont likés cette page», c‟est pourquoi nous la laisserons de côté.

L‟onglet Info nous permet d‟appréhender les premiers éléments discursifs proposés par

la marque, au sein du seul endroit de la page affichant du contenu quasi statique. Le but de

47 Voir Annexe 3 : écosystème digital 48 Voir Annexe 5 : les différents onglets de la page

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cette section est d‟informer l‟utilisateur sur ce qui l‟attend sur cette page et ce qu‟on attend de

lui. Dans à propos la marque nous annonce que nous sommes en train de visiter la page

Facebook officielle de I Am Nikon Europe. Nous ne sommes donc pas sur une page créée par

un fan ou une communauté de fans, mais bien sur une page émanant de la marque elle-même,

cela indique que nous sommes en présence de cette marque, ou du moins en présence de ses

représentants. Le fait que la position géographique soit précisée laisse à penser qu‟il existe

d‟autres pages similaires à celle-ci, peut-être dans d‟autres langues, destinées à d‟autres

publics. Cette méthode permet de montrer à l‟utilisateur qu‟il est au bon endroit, mais surtout

qu‟il est entouré de « pairs » qui habitent eux aussi dans la même région géographique que

lui, il sait que tous pourrons se comprendre et partager ensemble. C‟est un levier de

confirmation d‟appartenance à la communauté conçu afin de diminuer l‟incertitude du visiteur

face à un univers qu‟il ne connait pas encore. Nous allons retrouver ce type de discours dans

toute la partie Info. La marque continue en expliquant que cette page est l‟endroit parfait pour

rester en contact avec la marque, et d‟énumérer tous les types de contenu que l‟on pourra

trouver ici : des actualités, des fonctionnalités et des idées. Nikon invite ensuite l‟utilisateur

« à se sentir libre de rejoindre la page et d‟y contribuer ». Dans la partie Mission (les intitulés

des sections sont fournis par Facebook, et non pas choisis par la marque), la marque

communique un résumé du message et de la vision de la campagne I am Nikon décrite

précédemment :

« Les belles photos ont toujours de la personnalité. Que vous preniez

une photo ou une vidéo pour la partager avec vos amis, vous racontez

uelque-chose à propos de vous. Qui vous êtes, qui vous voulez être. I

Am Nikon vous offre un espace juste pour faire cela ! Ici, vous pouvez

trouver les meilleurs photos, vidéos, conseils et conversations de la

part de la communauté Nikon, autant par les professionnels que par

les amateurs. Rejoignez-nous, impliquez-vous et amusez-vous ! »49

La marque informe donc l‟utilisateur sur le contenu qu‟il peut partager, photos, vidéos,

conseils, conversations et également que les amateurs sont les bienvenus. Encore une fois, on

donne des raisons à l‟utilisateur de ne pas s‟inquiéter de sa présence sur cette page. Nikon

fournit ensuite une liste des catégories de ses produits afin de n‟oublier aucun des

49 Annexe 5

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consommateurs Nikon : de l‟appareil professionnel au compact Coolpix en passant par les

accessoires et même les scanners et les logiciels. Apparaissent ensuite des liens hypertextes

vers les autres territoires de la marque. C‟est le même écosystème digital que décrit

précédemment.

2.2 UNE PAGE CONSTRUITE DANS LA COERCITION

Le Wall est le cœur de toute page Facebook. C‟est ici que la marque va pouvoir mettre

à jour ses statuts, c‟est-à-dire publier du texte, une photo, une vidéo ou un lien vers un site

externe. C‟est également l‟espace d‟échange le plus paramétrable en termes de permission

pour les utilisateurs. Par défaut, les utilisateurs sont autorisés, s‟ils sont fans de la page, à

poster eux aussi le même type de contenu que l‟administrateur, c‟est-à-dire la marque. Mais il

existe certains paramètres, comme le choix de n‟afficher par défaut uniquement les statuts de

l‟administrateur ou encore interdire aux fans de publier quoique ce soit sur le Wall. Dans le

cas de la page Nikon, par défaut, les utilisateurs ne voient que les publications de Nikon. Il

leur faut basculer sur le mode « Most Recent » de façon manuelle afin d‟avoir accès aux

publications de leurs pairs. Plus étonnant encore, bien que les utilisateurs aient la permission

de commenter et de publier sur le Wall, ils ne peuvent partager que du texte. Ils n‟ont pas

l‟autorisation d‟uploader ni photo, ni vidéo. Si ce choix parait étrange et en totale

contradiction avec l‟esprit même de Nikon et de I AM NIKON, nous allons voir par la suite

que c‟est tout à fait compréhensible.

En effet, Bruno Chery, Community Manager nous apprend dans un entretien50

que :

« Plutôt que laisser libre cours à l’imagination et à la créativité de tes

fans, le rôle du Community Manager va être de les influencer mais

surtout essayer de leur donner un cadre dans lequel ils vont pouvoir

s’exprimer. Ce qui permet en même temps de contrôler ces types de

participation et de contenu qui vont être partagés, et les influencer,

les emmener dans une direction pour que cela devienne une valeur

ajoutée. »

50 Annexe 7 : Entretien semi-directif avec Bruno Chery, Community Manager

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On peut donc imaginer qu‟il existe soit une autre manière de publier du contenu

photographique, soit que la marque permet l‟upload de photos de façon ponctuelle et

éphémère.

Les prises de parole de la marque sont plutôt fréquentes comme l‟indique notre frise51

et sont de trois types. Le premier, où l‟on retrouve toutes les informations froides comme des

conseils photos, des présentations de courts métrages ou de photographes professionnels

proviennent toutes du blog I AM NIKON, comme nous avons pu le voir sur le schéma de

l‟écosystème52

. Mais du simple contenu provenant d‟un blog ne suffit pas à animer une

communauté, et encore moins à créer du contenu. Le deuxième type de contenu est méta-

discursif puisqu‟il concerne les fonctionnalités de la page elle-même. En effet, régulièrement,

la marque va rappeler aux fans quels sont les applications et onglets qu‟ils peuvent utiliser sur

la page. Le dernier type de contenu enfin, est un contenu de type rituel. En effet, chaque

semaine, Nikon va créer un album des dix photos d‟utilisateurs les plus likées afin de les

mettre en avant au sein de la communauté. Ces photos ont en réalité été mises en ligne par les

utilisateurs via une application hébergée sur la page. Cette méthode, le rituel, de par sa

régularité (une fois par semaine) et son format codifié et démocratique permet non seulement

de mettre en place des repères et des routines au sein de la page, mais également de pousser

les utilisateurs à proposer leurs propres œuvres à la communauté, puisqu‟en mettant en ligne

sa sélection, Nikon montre à la communauté qui sont les dix meilleurs fans de la semaine,

flattant ainsi l‟ego des sélectionnés et promettant le potentiel même traitement à quiconque

soumettrait son œuvre. L‟onglet Photos affiche donc ces albums, créés par Nikon, et

contenant les œuvres des fans mises en ligne via une application intitulée WHO ARE YOU ?

3. APPLICATIONS ET ONGLETS : OFFICIALISER LES PRATIQUES

INFORMELLES

3.1 LES SOLUTIONS DE DIFFERENCIATION

Les applications, sur une page Facebook, sont un des seuls moyens de se démarquer

des autres pages, car c‟est le seul espace où la marque peut en personnaliser le contenu. De

par la complexité technique et le nombre de ressources à mettre en œuvre, les applications ne

sont pas à la portée de tous les propriétaires de page. Ainsi, le fait de trouver plusieurs

51 Annexe 4 : Frise chronologique des prises de parole 52 Annexe 3

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applications sur une page, respectant les codes graphiques de la marque et fonctionnant sans

problème, est souvent garant du fait d‟être en présence de la marque et d‟être sur une page

officielle.

La page I am Nikon possède cinq applications, chacune hébergée sur un onglet

différent. La première se nomme I AM NIKON, comme la page, et contient des liens vers le

site de la campagne ainsi que vers tous les éléments de l‟écosystème digital. Cet onglet est en

réalité la landing page, c‟est-à-dire que c‟est l‟onglet d‟accueil par défaut pour tout visiteur

n‟ayant pas encore liké la page. La seconde application sur laquelle nous allons nous pencher

concerne l‟onglet I AM A D5100. Reprenant encore une fois le code « I AM » dans sa

dénomination, cet onglet est en fait dédié à un produit en particulier, le récent D5100. On ne

retrouve que très peu d‟interactions sur cette partie de la page, uniquement la possibilité de

changer les faces d‟un « dé » montrant les différentes facettes de l‟appareil en imitant son

écran amovible. Nous considérons que cet onglet a un but uniquement publicitaire, et en

aucun cas celui d‟interagir avec la communauté. Le troisième onglet est dédié aux vidéos

Youtube publiées sur la chaîne Youtube I AM NIKON. Il propose aux utilisateurs de

visionner les mêmes vidéos que sur la chaîne et de les commenter.

Les deux applications les plus importantes en termes de création de contenu sont

NIKON BADGES et WHO ARE YOU. La première propose aux utilisateurs de personnaliser

leur photo de profil avec un badge ou une bannière. Sur Facebook, la photo de profil

accompagnée du nom et du prénom sont les trois éléments identitaires de chaque utilisateur.

Lors d‟interactions, de statuts, de commentaires, de messages privés, de messagerie

instantanée etc. ce sont les trois seuls éléments basiques à être affichés. Leur pouvoir discursif

est donc particulièrement puissant. En jouant sur la fierté d‟appartenir à une communauté et

celle de posséder un objet de valeur, Nikon s‟offre un espace publicitaire sans frais et à la

viralité très rapide. Si le badge jaune arborant un « Nikon » noir est plutôt basique, la bannière

est autrement plus intéressante. En effet, elle affiche non seulement le désormais fédérateur

« I AM NIKON » mais elle permet également d‟afficher le produit Nikon possédé par

l‟utilisateur. Cette méthode permet donc à Nikon de s‟offrir une publicité gratuite, et aux

utilisateurs de montrer à leur communauté, c‟est-à-dire à leurs friends, qu‟ils possèdent un

appareil Nikon et qu‟ils font partie de la communauté. Certains professionnels du marketing

jugent cette tendance à la théâtralisation sociale particulièrement prégnante sur les réseaux

sociaux et, s‟inspirant des travaux de Freud et de Goffman, proposent une nouvelle typologie

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pour désigner ces individus qui vont mettre leur image en scène : Le Social Super Ego53

.

Serait-ce également cette tendance, qui pousserait notre Social Super Ego, flatté par l‟estime,

à publier et partager du contenu sur la page ?

3.2 UNE INVITATON AU PARTAGE

La dernière application est au cœur de notre problématique et permet de répondre à

bon nombre d‟interrogations. WHO ARE YOU ?, question à laquelle les fans de la marque

répondent I AM NIKON, est une application qui permet aux utilisateurs de soumettre leurs

œuvres photographiques aux votes de la communauté. Comme nous l‟indique Bruno Chery à

propos de la modération :

« […] la modération est nécessaire, obligatoire, incontournable. Mais

bien en amont de la modération, c’est justement essayer de bien

guider, de bien emmener tes fans à s’exprimer dans des « niches » où

tu vas pouvoir éviter ce genre de dérapage. »

L‟application WHO ARE YOU permet à Nikon d‟avoir le contrôle sur les publications

des fans. Dans une volonté de non-dispersion et de contrôle du contenu, Nikon a interdit à ses

fans la possibilité de publier des photographies sur son Wall, les obligeant ainsi à utiliser

l‟application dédiée. Ce faisant, elle perd l‟instinctivité et l‟ergonomie de cohérence au sein

de la page Facebook, mais y gagne la sécurité d‟appliquer son propre règlement, car

techniquement, le contenu n‟est pas hébergé sur Facebook. Il faut également savoir que les

conditions d‟utilisations de Facebook par les marques sont très strictes. Ainsi, si Nikon veut

un jour réaliser un concours afin de faire gagner quelques prix à ses fans, elle sera dans

l‟obligation de passer par une application : les fonctionnalités natives du réseau social sont

strictement interdites d‟utilisation dans ce genre de cas de figure54

. La valeur ajoutée et

l‟originalité du dispositif, pour l‟utilisateur, réside dans la possibilité d‟ajouter un « titre » en

superposition de la photo. Naturellement, ce titre est brandé Nikon et reprend le « I AM »

auquel l‟utilisateur peut ajouter les mots de son choix. Cela permet au fan de recréer le même

impact émotionnel présent dans les publicités de la campagne. On retrouve d‟ailleurs des

caractéristiques qui semblent propres aux communautés de marque sur Facebook, puisque

Bruno Chery nous décrit l‟usage et l‟émotion comme étant les piliers du partage de contenu :

53 Sarah Jane Blackman et Pierre-Jean Choquelle, Séduire le Social Super Ego, Proximity BBDO, 2011 54 Annexe 6 : Extrait des conditions générales d‟utilisation de Facebook

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« Pour moi en fait, si tu veux, le Community Management pour une

marque ce n’est pas partager un discours marketing, c’est créer une

relation et c’est essayer de communiquer par l’émotion et par

l’usage de ton produit, […] non pas par un discours marketing […]

mais plutôt « voilà ce que cela vous apporte dans votre quotidien »,

« voilà à quoi ça sert » et la preuve elle est dans l’émotion que cela

procure, et elle est dans l’usage que vous, vous en avez. Le but en

Community Management sur les marques dont je m’occupe, en

particulier la marque sur laquelle je travaille à 100%, c’est justement

de communiquer par l’émotion et par l’usage. »

Une fois mise en ligne, la photo est soumise aux votes des autres membres de la

communauté. Il est bien évidemment possible de passer outre l‟imperméabilité de la page

Facebook afin de partager son œuvre auprès de ses friends et ainsi gagner quelques votes tout

en permettant à Nikon d‟augmenter son compteur de fans.

Chaque semaine, la marque publie donc les dix gagnants du concours en créant un

album photo qui leur est dédié. Puisque les fans ne peuvent publier de photos sur le Wall, la

visibilité des albums est accrue dans l‟onglet Photos, évitant les publications parasites.

Nikon est un bon exemple de ces marques qui sont rentrées de pleins pieds dans le

social media, ne laissant rien au hasard, intégrant cette nouvelle dimension dans leur stratégie,

à parts égales avec d‟autres médias plus traditionnels. En étant présente sur tous les territoires

où les consommateurs s‟expriment, la marque maximise sa présence en ligne, quitte à risquer

de trop contraindre ses utilisateurs. On peut très bien imaginer un jour, à l‟instar du rejet du

discours publicitaire qui a accompagné la postmodernité, un refus de partager avec une

institution mercantile, un espace que beaucoup considèrent comme démocratique, égalitaire et

solidaire.

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Master 1 MPC CELSA 49 2010-2011

CONCLUSION

Lors de nos questionnements initiaux, il nous semblait évident que la notion de

communauté en ligne, couplée à celle de communauté de marque était devenue au fil du

temps et des bouleversements économiques, sociologiques et technologiques, un concept à

mille lieux de la définition initiale du terme. Les notions de lieu, de lien, d‟intérêt commun

semblent être l‟héritage de ces connaissances sans pour autant faire apparaitre la communauté

de marque en ligne comme un idéal fusionnel pétri de solidarité entre les membres. Il

semblerait plutôt que la communauté, telle que nous l‟observons sur la plateforme Facebook,

se définisse plutôt comme une somme d‟individualités évoluant côte à côte dans un désir

d‟émergence. Là où nous avons vu des exemples de communauté se construisant dans une

opposition de la communauté voisine, il apparait qu‟en interne, la communauté de marque en

ligne se construit par une sorte d‟opposition « coopérative », même si cela semble paradoxal,

entre les membres. Ce constat en tête, il est impossible de concevoir la communauté de

marque en ligne en adéquation avec la communauté telle que nous l‟avons définie. Est-ce un

abus de langage, une rhétorique du marketing ? Comme en son temps la tribu était définie au

travers le prisme du marketing, il semble possible que la communauté marketing se conçoive

de la même façon.

La création de contenu au sein de ces communautés est sans nul doute liée et

contrainte directement par la plateforme sur laquelle la communauté est présente. C‟est en

effet la plateforme qui impose la façon dont les utilisateurs peuvent s‟exprimer, les

possibilités qu‟ils ont pour interagir entre eux et avec la marque. A cette couche coercitive qui

est celle de la plateforme, se superpose celle de l‟administrateur, c‟est-à-dire de la marque.

Ainsi, il existe toujours un certain nombre de paramètres dont les réglages sont laissés à la

discrétion de l‟administrateur. Puisque la marque accorde une réelle importance au contenu

généré par les utilisateurs, il est logique que le réglage de ces paramètres s‟inscrive dans une

stratégie dont le but final est de guider les utilisateurs dans la création de contenu. Pourtant,

on l‟a vu, ces choix se font parfois au mépris de l‟ergonomie et du confort des utilisateurs.

L‟avènement de ces plateformes « universelles » qui basent leur modèle économique sur le

recrutement des marques tendraient alors à creuser des différences en termes de position

discursive. Le web social était pourtant considéré jusqu‟à maintenant comme un lieu

d‟égalité, où chacun pouvait prendre la parole, il se pourrait donc que les marques et les

entreprises reprennent le pouvoir de diffusion propre jusqu‟alors aux médias traditionnels.

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Parallèlement, on s‟aperçoit qu‟aucune marque n‟utilise les mêmes méthodes dans la

poursuite de l‟objectif de la création de contenu. Le « community management » n‟est pas une

science exacte, et là où certains vont privilégier l‟interaction directe avec leur membres en

leur proposant une thématique, en leur demandant de réagir à des informations chaudes,

d‟autres Ŕ dont Nikon Ŕ vont préférer l‟échange d‟actualités froides, quitte à limiter le nombre

de réactions, pour se concentrer sur des dispositifs complexes de publication de contenu.

Quant à la question de la légitimé pour une marque de construire sa communauté en

ligne, il est difficile d‟avoir un avis tranché. Nous aurons tendance à penser que les

communautés de marque, fortement liées à l‟émergence des sous -cultures de consommation,

naissent de la volonté des membres, autour d‟une marque vecteur de valeurs, d‟une image

forte et surtout de sens. La nature de la marque n‟est pas forcément un facteur-clef, le plus

important étant son positionnement et son discours. Ce qui est certain, c‟est qu‟une

communauté créant régulièrement du contenu original concernant une marque, légitime la

présence de cette dernière en ligne. Ce fut d‟ailleurs la stratégie de nombreuses d‟entre elles à

l‟époque de la montée en puissance du contenu généré par les utilisateurs. On peut donc

valider le fait que le contenu, publié par les utilisateurs ou non, est un véritable apport pour la

marque.

Il n‟est donc pas aisé, malgré la quantité d‟informations à traiter, d‟établir des théories

qui soient communes, des généralités sur la façon dont les utilisateurs sont amenés à créer du

contenu tant il apparait que ces utilisateurs n‟ont guère de liberté. Coercition sur deux

niveaux, interdictions, obligations, on est parfois loin des « guides » et des « invitations »

chers à Bruno Chery. De l‟autre côté de la balance, on trouve un individu acteur de la

théâtralisation sociale de sa propre image, ce Social Super Ego qui concède à perdre certaines

de ses libertés si on lui offre un moyen de construire son personnage par le regard des autres.

Et si la marque, finalement, c‟était lui ?

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BIBLIOGRAPHIE

Dictionnaires

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Sciences Humaines

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Breton Philippe, La Parole Manipulée, Editions La découverte / Essais, 1997

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http://facebook.com

http://iamnikon.com

http://www.lavazza.com/corporate/community/home

http://twitter.com

http://www.sneakerpedia.com/

http://wikipedia.com

Making of Nikon Spot, spring 2010: http://www.youtube.com/watch?v=eq4_0QX-atU

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ANNEXES

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ANNEXE 1 : PRINTS DE LA CAMPAGNE I AM NIKON

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ANNEXE 2 : SPOT TV DE LA CAMPAGNE I AM NIKON

Format télévision 30 secondes :

http://www.youtube.com/watch?v=xbG9t

Z39aY8

Format web 2 minutes :

http://www.youtube.com/watch?v=kLoFb

NmFEzc

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ANNEXE 3 : ECOSYSTEME DIGITAL DE LA CAMPAGNE I AM NIKON

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ANNEXE 4 : FRISE CHRONOLOGIQUE DES PRISES DE PAROLES DE NIKON SUR LA PAGE FACEBOOK I AM NIKON

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ANNEXE 5 : LES DIFFERENTS ONGLETS DE LA PAGE FACEBOOK I AM NIKON

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ANNEXE 6 : EXTRAIT DES CONDITIONS D‟UTILISATION DE FACEBOOK A PROPOS

DES CONCOURS

Promotions Guidelines

Date of Last Revision: May 11, 2011

These Promotion Guidelines, along with the Statement of Rights and Responsibilities, the Ad Guidelines, the Platform Policies and all other applicable Facebook policies, govern your communicationabout or administration of any contest, competition, sweepstakes or other similar offering (each, a "promotion") using Facebook.

If you use Facebook to communicate about or administer a promotion, you are responsible for the lawful operation of that promotion, including the official rules, offer terms and eligibility requirements (e.g., age and residency restrictions), and compliance with regulations governing the promotion and all prizes offered in connection with the promotion (e.g., registration and obtaining necessary regulatory approvals). Please note that compliance with these Guidelines does not constitute the lawfulness of a promotion. Promotions are subject to many regulations and if you are not certain that your promotion complies with applicable law, please consult with an expert.

1. Promotions on Facebook must be administered within Apps on Facebook.com, either on a Canvas Page or an app on a Page Tab.

2. Promotions on Facebook must include the following: a. A complete release of Facebook by each entrant or participant. b. Acknowledgment that the promotion is in no way sponsored, endorsed or administered by, or associated with, Facebook. c. Disclosure that the participant is providing information to [disclose recipient(s) of information] and not to Facebook.

3. You must not use Facebook features or functionality as a promotion’s registration or entry mechanism. For example, the act of liking a Page or checking in to a Place cannot automatically register or enter a promotion participant.

4. You must not condition registration or entry upon the user taking any action using any Facebook features or functionality other than liking a Page, checking in to a Place, or connecting to your app. For example, you must not condition registration or entry upon the user liking a Wall post, or commenting or uploading a photo on a Wall.

5. You must not use Facebook features or functionality, such as the Like button, as a voting mechanism for a promotion.

6. You must not notify winners through Facebook, such as through Facebook messages, chat, or posts on profiles or Pages.

7. You may not use Facebook’s name, trademarks, trade names, copyrights, or any other intellectual property in connection with a promotion or mention Facebook in the rules or materials relating to the promotion, except as needed to fulfill your obligations under Section 2.

8. Definitions: a. By “administration” we mean the operation of any element of the promotion, such as collecting entries, conducting a drawing, judging entries, or notifying winners. b. By “communication” we mean promoting, advertising or referencing a promotion in any way on Facebook, e.g., in ads, on a Page, or in a Wall post. c. By “contest” or “competition” we mean a promotion that includes a prize of monetary value and a winner determined on the basis of skill (i.e., through judging based on specific criteria). d. By “sweepstakes” we mean a promotion that includes a prize of monetary value and a winner selected on the basis of chance.

http://www.facebook.com/promotions_guidelines.php

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ANNEXE 7 : ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF AVEC AVEC BRUNO CHERY

Community Manager au sein de l‟agence Proximity BBDO, il gère la présence en

ligne des différentes marques de Panasonic. Durée : 20 minutes.

Sylvain Paley Ŕ Bonjour, quel est ton métier ?

Bruno Chery Ŕ Community Manager

SP Ŕ Comment tu définis ce métier ?

BC Ŕ C‟est un métier assez transverse, il s‟agit de s‟occuper de l‟e-reputation d‟une

marque et cela consiste à surveiller, analyser l‟e-reputation de cette marque et ensuite

identifier et surveiller les lieux de prise de parole autour des produits ou autour de la marque,

y répondre, éventuellement recruter parmi toutes ces personnes qui s‟expriment, ce qu‟on

appelle des ambassadeurs de la marque : des personnes qui par conviction, par attachement

affectif, ou par le fait qu‟ils sont satisfait par le produit vont l‟exprimer. Le but est d‟utiliser

ces expressions de satisfaction pour nourrir l‟e-reputation de la marque en question.

SP Ŕ Quand tu fais ce genre de chose, tu es porte-parole de la marque ? Tu parles en

son nom ?

BC Ŕ C‟est un peu plus compliqué que ça dans le sens où, oui, quand je m‟exprime je

le fais au nom de la marque, mais mon rôle ne se résume pas à m‟exprimer mais à écouter

avant tout.

SP Ŕ Et dans le cas particulier d‟une page facebook de marque, à quoi se résume ton

activité ?

BC Ŕ La gestion d‟une fanpage pour une marque, c‟est utiliser une plateforme

d‟échange et de communication. Mais cette communication n‟est pas monodirectionnelle,

dans le sens où ce n‟est pas comme un blog, un site internet où tu vas distribuer de l‟info

chaude ou froide et le lecteur va y être confronté et ça s‟arrête là. La difficulté de la page

facebook c‟est que ce lecteur peut à tout moment exprimer son intérêt et son désintérêt Ŕ

c‟est-à-dire liker ou unliker Ŕ il peut commenter, ce qui implique en terme de rythme et

d‟action d‟être très réactif, très attentif. Sur facebook tu réponds tout de suite sinon tu ne

réponds pas, ça ne sert à rien. Il faut être très souple dans le sens où une prise de parole est

très délicate : on réagit souvent à de l‟actu chaude, voire très chaude. Une prise de parole que

tu as sur le mur d‟une fanpage, elle apparait et elle disparait très rapidement. La façon dont est

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constitué facebook aujourd‟hui, et la façon dont les gens s‟en servent, font que tu ne peux pas

non plus gaver le consommateur auquel tu t‟adresses avec uniquement de l‟information

marketing, marque ou produit. C‟est un espace d‟échange et de discussion que l‟on partage

avec ses amis en fait, ce n‟est pas un forum où ceux qui le fréquentent vont effectivement

partager le même centre d‟intérêt et communiquer, discuter autour de ce centre d‟intérêt. Pour

moi facebook c‟est l‟inverse : le forum pour moi est un lieu de communauté renfermé sur lui-

même alors que facebook est un lieu ouvert sur l‟extérieur, de partage et de discussion.

SP Ŕ Alors justement tu parlais d‟information, tu disais qu‟on ne pouvait pas se

cantonner à diffuser de l‟information marketing classique, quel rapport as-tu vis-à-vis du

contenu sur une page facebook ? Quelle importance tu lui donnes ?

BC Ŕ La difficulté elle est là, elle est dans la gestion du contenu et dans l‟équilibre que

tu dois trouver. C‟est-à-dire qu‟en gros, une fanpage qui fonctionne c‟est une fanpage qui va,

certes, véhiculer une image positive du produit mais qui va être interactive : ces interactions

vont se traduire par effectivement du like, mais aussi du commentaire et éventuellement des

publications, partage de photos, de vidéos etc. L‟intérêt de facebook et plus généralement du

social media, c‟est que la discussion entre la marque et le consommateur, elle est plus dans

une seule direction, elle est vraiment à double sens et elle implique, elle nécessite de savoir

doser tes prises de parole. C‟est-à-dire que oui, tu dois parler de ta marque etc., mais tu dois

être en mesure de parler d‟autres choses qui intéressent tes fans. Le consommateur n‟est plus

un consommateur lambda, il ne doit même plus être considéré comme un consommateur, mais

comme un fan. C‟est quelqu‟un qui aime ta marque, et comme toute relation affective ou

amoureuse, il faut entretenir cette relation, se rendre désirable en permanence et la difficulté

est que peu importe si tes informations sont intéressantes, si tu balances trop d‟informations

du même type, c‟est-à-dire promotionnelles ou marketing, tu vas perdre tes fans et non pas les

garder. Facebook est un lieu où tu peux gagner tu fan très rapidement Ŕ grâce à des outils

notamment Ŕ mais tu peux aussi les perdre très facilement.

SP Ŕ Tu parlais aussi de ce que les fans peuvent partager sur la page. Quel est ton

rapport vis-à-vis de l‟UGC, le contenu généré par les utilisateurs ? Penses-tu que c‟est

important ? Qu‟on peut s‟en passer ?

BC Ŕ Non, c‟est important, par contre cela nécessite une surveillance quasi-

permanente, vraiment quotidienne. Cela nécessite de prendre un certain recul par rapport à ce

qui est partagé, il y a des choses qui ne vont pas te plaire, enfin plaire à la marque, même si

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cela exprime quelque-chose pour tes fans. Après il ne faut pas non plus que cela devienne « la

foire à la saucisse » où on va aller prendre en photo un chien, un coquelicot, n‟importe quoi Ŕ

pour une marque d‟appareils photo par exemple Ŕ et où on se retrouve avec un bric-à-brac qui

n‟est pas valorisant ni pour le produit, ni pour la marque, ni pour la communauté. Pour éviter

ce genre de situation, ça passe par l‟animation de la page et plutôt que laisser libre cours à

l‟imagination et à la créativité de tes fans, le rôle du Community Manager va être de les

influencer mais surtout essayer de leur donner un cadre dans lequel ils vont pouvoir

s‟exprimer. Ce qui permet en même temps de contrôler ces types de participation et de

contenu qui vont être partagés, et les influencer, les emmener dans une direction pour que cela

devienne une valeur ajoutée. Pour moi en fait, si tu veux, le Community Management pour

une marque ce n‟est pas partager un discours marketing, c‟est créer une relation et c‟est

essayer de communiquer par l‟émotion et par l‟usage de ton produit, c‟est-à-dire qu‟est-ce

que ça change, quel est l‟intérêt d‟utiliser ce produit. Non pas par un discours marketing

« parce qu‟on est les meilleurs, parce qu‟on est les plus forts, parce que notre produit est plus

joli ou plus performant » mais plutôt « voilà ce que cela vous apporte dans votre quotidien »,

« voilà à quoi ça sert » et la preuve elle est dans l‟émotion que cela procure, et elle est dans

l‟usage que vous, vous en avez. Le but en Community Management sur les marques dont je

m‟occupe, en particulier la marque sur laquelle je travaille à 100%, c‟est justement de

communiquer par l‟émotion et par l‟usage.

SP Ŕ Sur une marque d‟appareil photo, donc, les fans vont poster du contenu plus

facilement puisque c‟est l‟usage du produit qui veut cela. Mais sur une marque moins

« facile », est ce que tu as des méthodes ou des stratégies pour pousser les fans à générer du

contenu ?

BC Ŕ Moi, ma méthode reste la même, je ne sais pas si c‟est la meilleur des méthodes.

Le principe est de leur donner des thématiques sur lesquels on va les inviter à s‟exprimer. Ce

n‟est pas imposer, c‟est essayer de guider, de leur donner de bonnes raisons de le faire, les

convier à s‟exprimer sur tel sujet plutôt qu‟un autre. C‟est plus une influence positive :

suggérer, inviter, proposer et ne pas imposer, sans toutefois tout accepter non plus. Facebook,

je trouve ça passionnant, et souvent j‟y vais vraiment à tâtons, progressivement, doucement, je

suis très attentif. Ce qui s‟est passé dernièrement avec la fanpage Petit Bateau te montre

qu‟avec deux visuels publiés, si jamais ça dérape et que tu ne trouves pas le truc pour rattraper

le dérapage : la page n‟appartient plus à Petit Bateau ni au Community Manager qui s‟en

occupe. Et il suffit de quelques heures pour que ça devienne tout autre chose : c‟est de la

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nitroglycérine. La marque a cru mettre en place un outil qui lui permettrait d‟être proche de

ses consommateurs, et elle se retrouve avec un outil qui fonctionne comme un boomerang et

lui revient dans la figure.

Donc c‟est difficile, je t‟avouerai que moi, je suis à 100% sur des marques « techno »

et il faut savoir que les pages de marques « techno » ne sont pas celles qui génèrent le plus

d‟interactions et de participation. Ça va générer du fan, on a un potentiel de recrutement et de

rétention qui est assez satisfaisant, qui est dans la moyenne supérieur par rapport à d‟autres

marques Ŕ je t‟enverrai si tu veux le schéma Ŕ mais par rapport à des marques de food genre

Tassimo et compagnie, je suis loin derrière en terme d‟interactions. En terme de recrutement

et de rétention je fonctionne pas mal, en termes d‟interactions, la marque « techno » ce n‟est

pas le secteur d‟activité et la thématique qui vont permettre à ton fan de s‟exprimer plu

facilement. Sachant que moi j‟ai deux axes : un axe photo où tu fais quelque chose de créatif

avec le produit, et un axe « écrans » qui est beaucoup plus difficile à gérer afin d‟inviter tes

fans à s‟exprimer et à participer, sorti du « j‟aime beaucoup vos télés, c‟est les meilleurs télé,

c‟est la meilleur 3D et le plasma c‟est ce qu‟il y a de mieux », leur demander d‟être

participatif, c‟est plus compliqué car l‟utilisation d‟un écran c‟est passif, tu ne fabrique rien

avec, alors qu‟avec un appareil photo, une caméra, tu vas fabriquer des choses, tu vas créer du

contenu. Après c‟est sûr que ça va être un partage de ta sensibilité créative, de moments

d‟émotion que tu as réussi à saisir avec ton outil et que tu as envie de partager. La difficulté

de la gestion de ces participations, de ce partage de contenu de la part de tes fans ça va être :

quelle est la limite ? Quelle est la frontière à ne pas dépasser ? Est-ce que ça peut être partagé

avec tous ? Ou est-ce que c‟est de l‟ordre de l‟intimité, auquel cas ça n‟a rien à faire sur une

page de marque qui est tout sauf un lieu de partage de contenu intime ?

SP Ŕ D‟où le travail de modération du Community Manager.

BC Ŕ Alors la modération est nécessaire, obligatoire, incontournable mais bien en

amont de la modération, c‟est justement essayer de bien guider, de bien emmener tes fans à

s‟exprimer dans des « niches » où tu vas pouvoir éviter ce genre de dérapage.

C‟est sur quoi ton mémoire ?

SP Ŕ Le sujet porte sur la création de contenu par les utilisateurs, pour la marque.

C‟est un mélange d‟UGC et de Brand Content.

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BC Ŕ D‟accord. Après il y a d‟autres méthodes pour les inviter Ŕ mais après, tout va

dépendre de ta marque ou de ton produit Ŕ à partager des contenus. En leur faisant essayer un

nouveau produit avant qu‟il sorte par exemple. Tu vas leur demander de s‟exprimer, alors ça

va être à travers tout ce qui est rich media car ce qui est contenu rédactionnel, article, etc., ce

n‟est pas ce qui émerge le plus, mais la personne qui découvre un nouvel appareil photo se

filme en train de le déballer Ŕ ce qu‟on appelle le hauling ou l‟unboxing Ŕ la découverte, la

première prise en main, etc. C‟est aussi une façon de les influencer, c‟est-à-dire que tu vas les

séduire en leur disant « ce que je te propose c‟est du money can’t buy » c‟est-à-dire que ce

n‟est pas dans le marché, donc même si tu as beaucoup d‟argent, tu ne peux pas l‟avoir

maintenant, c‟est une vrai exclu. Je te propose de le tester, de l‟essayer, je te le prête pendant

une semaine, en contrepartie, je te demande, je t‟invite à partager ton premier ressenti,

t‟exprimer sur la découverte de ce produit que personne d‟autre ne connait à par toi.

SP Ŕ Et tu fais ça avec des bloggers ou avec les fans de la page ?

BC Ŕ Alors cette méthode fonctionne avec des bloggers depuis déjà pas mal d‟années,

bien avant d‟ailleurs qu‟on parle de social media, bien avant que les marques viennent

s‟essayer à la communication via facebook. Ce qui est nouveau, ce qui est vraiment

intéressant dans la partie social media de ce type de plateforme Ŕ que ce soit facebook, twitter

ou autre Ŕ c‟est qu‟effectivement tu vas proposer le même type d‟exercice à ton

consommateur directement.

SP Ŕ Comment tu le sélectionnes alors ?

BC Ŕ Justement c‟est là qu‟est la complexité. Si tu es une fanpage qui commence à

bien fonctionner, que tu commences à identifier des fans qui sont participatifs et qui

participent de façon constructive et intelligente, ça peut être un mode de sélection. D‟autres

vont préférer ceux qui sont le plus participatif. Moi je préfère privilégier celui qui a une

participation intéressante, intelligente et qualitative plutôt que celui qui, à chaque publication,

va liker, commenter, mais qui n‟apporte pas de valeur ajoutée. Malheureusement si tu

l‟invites à découvrir un produit et à le partager, tu prends le risque qu‟il n‟ait pas plus de

valeur ajoutée à ce moment-là qu‟il n‟en a eu dans sa façon de participer jusque-là à ta

fanpage.

Après tu peux aussi partager des contenus qui amènent le fan à réagir, à te proposer

une réponse, à s‟exprimer en commentaire en disant « j‟ai vu votre contenu, voilà ce que j‟en

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pense, il manque ça ou j‟ai aimé ça, et plus particulièrement ça etc. » et voir dans ce cas-là, en

réaction, « puisque tu as bien aimé et que tu as des choses à suggérer, je te prête le matériel

et vas-y lance toi ». L‟idée est de rendre le consommateur actif, que ce soit un vrai échange et

un vrai partage. L‟intérêt c‟est que la marque apprendra aussi beaucoup de ses

consommateurs, et c‟est ça l‟intérêt du social media. Communiquer avec un budget énorme en

pub télé, tu vas toucher des millions et des millions de prospects, sauf que tu ne sais pas ce

qu‟ils pensent, comment ils réagissent et comment ils perçoivent le message que tu leur as

communiqué. Alors que l‟intérêt de facebook et du web en général Ŕ mais c‟est encore plus

flagrant sur facebook Ŕ c‟est que quand tu communiques un message, tu vois la réaction tout

de suite, y compris les réactions « silencieuses ». C‟est-à-dire que si j‟ai 15 000 fans et que

j‟ai 20 likes, ça veut dire que le message ne passe pas bien. Ce qui s‟est passé avec Petit

Bateau, c‟est qu‟ils ont balancé un message, ils ont eu la réaction immédiate, comment ça a

été perçu. Et là, c‟est à toi d‟être réactif, créatif et agile pour pouvoir faire de cette réaction

négative au premier abord, quelque chose de positif pour la marque. Une marque capable de

dire tout de suite « on vous a entendu, on s‟est planté » et de proposer aux internautes qui te

démontent ton produit ou ta campagne ou ton message : « on a compris, qu‟est-ce que vous

nous proposez ? ». Et si tu fais l‟exercice jusqu‟au bout, c‟est-à-dire que tu as soumis un

message à tes fans qui te l‟ont critiqué, tu as réagi immédiatement en leur disant « on prend en

compte votre critique, proposez nous quelque chose, si ce que vous proposez est bon et si ça

convient à tout le monde, ça devient notre prochain slogan/campagne/visuel etc. » en faisant

ça, tu transforme ton fan en créatif de ta prochaine prise de parole. Tu en fais un ambassadeur

en lui montrant que tu es réactif, il est directement impliqué dans le processus stratégique. En

gros le consommateur peut maintenant influé sur la stratégie d‟une marque. C‟est vrai sur le

papier, c‟est un peu moins vrai quand tu travailles avec une grosse société où les décisions

sont prises à l‟autre bout du monde et où ce n‟est parfois pas très réactif. Et on est dans

l‟apport de contenu aussi, même si c‟est pas immédiat et direct, une prise de parole et une

action, vont générer une situation qui te permet d‟amener ton consommateur à devenir actif et

de proposer un produit que tu vas pouvoir mettre en valeur.

C‟est ça que j‟aime dans facebook : l‟instantanéité, le coté immédiat qu‟il y a dans la

relation. Par contre ça implique des choses qui sont beaucoup plus dures à gérer et qui sont

négatives parfois. Ça implique d‟être souple et agile : tu ne sais jamais comment telle

personne va réagir à telle prise de parole, et même toi tu ne sais pas comment tu vas réagir à la

prise de parole d‟un fan.

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RESUME

Cette étude a pour objectif d‟interroger les concepts modernes de contenu de marque

en ligne, de contenu généré par les utilisateurs et de communauté de marque en ligne. Ce

travail de recherche pose la question des mécaniques de création de contenu pour la marque

au sein de communauté en ligne et explore les phénomènes technologiques et les

bouleversements socio-économiques qui ont permis la mise en place d‟une telle situation.

La première partie vise alors à éclaircir la question de l‟importance du contenu en

ligne, et les raisons pour lesquelles il est considéré comme le pilier du web. Ce faisant, nous

interrogeons la position des marques dans cette structure en examinant leurs manières de créer

ou de s‟approprier le contenu, et la place qu‟il tient au cœur de leurs stratégies. Nous

rappelons ensuite la définition du contenu généré par les utilisateurs et les conditions de son

émergence. L‟étude s‟appuie sur un terrain de recherche que nous justifions ensuite : la page

Facebook de la marque Nikon. Puis nous rappelons brièvement les objectifs et les méthodes

mises en place.

Dans une seconde partie, nous explorons la notion de communauté, de sa définitions la

plus simple et traditionnelle à la communauté de marque, moderne et connectée. Pour cela

nous analysons l‟évolution du concept au travers du contexte socio-économique, de la

Gemeinschaft de Tönnies à la tribu postmoderne. Puis nous tournons notre regard vers le

numérique et le consumérisme en rappelant les liaisons plus ou moins rapprochées

qu‟entretiennent communauté et consommation, ainsi que le changement de paradigme

qu‟instaure le web « social ». Nous finissons sur une observation du « lieu » numérique et de

l‟importance de la plateforme technologique dans la création de contenu, ainsi que du

caractère normatif que revêt Facebook.

La dernière partie se concentre sur l‟étude du terrain de recherche, la page Facebook

de I AM NIKON, en introduisant un rappel de la campagne publicitaire et de la stratégie

globale l‟accompagnant. Après analyse de l‟axe publicitaire et du message de la marque, nous

nous concentrons sur la plateforme elle-même et en particulier sur les possibilités éditoriales

qu‟elle laisse aux utilisateurs, afin de tirer des conclusions sur le lien de cause à effet qu‟il

peut exister entre coercition et motivation créative. Enfin nous prenons connaissance et

analysons les « dispositifs exceptionnels » mis en place par la marque, et leurs objectifs en

termes de différenciation mais aussi, et surtout, d‟invitation à la création.

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MOTS-CLEFS

Communauté de marque, Contenu de marque, Contenu généré par les utilisateurs, User

Generated Content, Brand Content, Nikon, I AM NIKON, Facebook, Plateforme