Maxi fiches sciences economiques

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  1. 1. Sciences conomiques
  2. 2. Sciences conomiques Bertrand Blancheton
  3. 3. Dunod, Paris, 2009 ISBN 978-2-10-053653-5
  4. 4. V Table des matires Table des matires V Mode demploi 1 1. Richesse, rpartition, progrs 2 1. Le produit intrieur brut 2 2. Linstabilit de la croissance conomique 6 3. Les revenus 8 4. La consommation 10 5. Linvestissement 12 6. Le dveloppement conomique 14 7. La pauvret 16 8. Les enjeux du dveloppement dune conomie de service 18 2. Les grandes thories conomiques 22 9. Adam Smith et la richesse des nations 22 10. Lanalyse conomique de Ricardo 24 11. La loi de Say 26 12. Les termes du dbat sur les Corn Laws 28 13. Lanalyse noclassique 32 14. Lanalyse macroconomique de Keynes 34 15. Les rigidits de prix 38 16. La courbe de Phillips 42 17. La nouvelle conomie classique 46 18. La nouvelle conomie keynsienne 48 3. Les grands moments de lhistoire conomique 22 19. La Rvolution industrielle anglaise (1760-1830) 50 20. La rvolution des transports 54 21. La croissance des tats-Unis au XIXe sicle 58 22. La restauration Meiji au Japon 62 23. La dflation britannique des annes 1920 66 24. Lhyperinflation allemande 68 25. La Nouvelle conomie Politique en URSS 70 26. La crise de 1929 74 27. Le New Deal 78
  5. 5. Table des matires VI 28. Les Trente Glorieuses 80 29. Le miracle conomique japonais 84 30. Les crises de mai 1968 en France 86 31. Les chocs ptroliers de 1973 et 1979 88 4. Lentreprise et son organisation 22 32. Les thories conomiques de lentreprise 92 33. La direction dentreprise 94 34. Le taylorisme 96 35. Le fordisme 98 36. Le toyotisme 100 37. Les firmes multinationales 102 38. Nationalisations et privatisations 104 5. Le travail 22 39. La population active 106 40. Lemploi en France 108 41. Le march du travail 110 42. La mesure du chmage 112 43. Les explications du chmage 114 44. La thorie du salaire defficience 118 45. Salaire minimum et emploi 120 46. volutions et caractristiques du chmage 124 47. Les politiques de lemploi en France 126 6. Monnaie, banques et marchs financiers 128 48. La monnaie 128 49. Monnaie et activit 130 50. Linflation 132 51. Cots et avantages de linflation 134 52. La dflation 136 53. Lpargne 138 54. Les marchs financiers 140 55. Les banques 142 56. Les banques centrales 144 57. Lautonomie de la Banque centrale 146 7. Lconomie europenne 148 58. Lintgration europenne 148 59. Le Systme montaire europen 152 60. La politique agricole commune 154
  6. 6. Table des matires VII 61. La Banque centrale europenne 156 62. Leuro 158 63. Le Pacte de stabilit et de croissance 160 64. La politique montaire de la BCE 162 8. Lconomie internationale 166 65. quilibre externe et balance des paiements 166 66. Les dterminants du commerce international 168 67. La comptitivit dune conomie nationale 170 68. Le choix dun rgime de change 172 69. La dvaluation 174 70. Les interventions sur le march des changes 176 71. Lvolution du cours euro/dollar depuis 1999 178 72. La thorie des zones montaires optimales 180 73. Le triangle des incompatibilits 182 74. Ltalon-or 184 75. Le systme de Bretton Woods (1944-1971) 186 9. La mondialisation 190 76. Le coefficient douverture comme mesure de louverture commerciale 190 77. Les justifications du libre-change 194 78. Le protectionnisme 196 79. Lintgration financire internationale 198 80. La crise financire internationale de 2007-2008 200 81. La taxe Tobin 204 82. Les dlocalisations 206 83. Le Fonds montaire international 208 84. La Banque mondiale 210 85. Le GATT 212 86. LOrganisation mondiale du commerce 214 87. Instances internationales de rgulation 216 10. Les politiques conomiques 218 88. Politiques conomiques conjoncturelles et structurelles 218 89. La politique budgtaire 220 90. La relance Kennedy Johnson 1961-1965 222 91. La relance socialiste (1981-1982) 224 92. Le financement des dpenses publiques 226 93. La soutenabilit de la dette publique 228 94. La dette publique de la France 230
  7. 7. Table des matires VIII 95. La politique montaire 232 96. Le policy mix, la combinaison des politiques budgtaire et montaire 234 97. La politique fiscale 236 98. La politique de lemploi 238 11. Outils pdagogiques 240 99. Conseils pour la dissertation 240 Glossaire 242 Bibliographie 271 Index 273
  8. 8. 1 Mode demploi Le Maxi Fiches de Sciences conomiques se prsente sous forme de fiches synthtiques de deux ou quatre pages. Les fiches peuvent tre tudies dans lordre souhait. De nombreux renvois en couleur permettent dapprofondir les thmes transversaux, traits dans diffrentes fiches. Plusieurs outils pdagogiques sont disposition du lecteur : c La rubrique Point clef, en dbut de fiche, fait ressortir lintrt du sujet et ses principaux enjeux. c La rubrique Repres chronologiques, en fin de fiche, rcapitule les principaux vnements et dates mmoriser. c Le Glossaire de sciences conomiques, en fin douvrage, regroupe les dfinitions de , surlignes tout au long de louvrage. c La fiche 99 propose des conseils mthodologiques pour la dissertation en conomie, afin de se prparer au mieux aux examens. Cet ouvrage constitue un outil efficace de rvision pour russir les examens et les concours. 283 notions fondamentales
  9. 9. 2 1 Le produit intrieur brut 1. DFINITIONS Le produit intrieur brut constitue une approximation de la richesse cre par les agents co- nomiques rsidant dans un espace donn au cours dune priode de temps (gnralement lanne). Le PIB est gal la somme des valeurs ajoutes des branches productives de lconomie (somme des valeurs ajoutes brutes + taxes sur la valeur ajoute + droits de douanes subventions limportation). La valeur ajoute est la diffrence entre la valeur de la production finale et les consomma- tions intermdiaires engages pour lobtenir (biens et services utiliss pour produire). Le PIB global dune conomie est exprim en valeur, cest--dire en units montaires courantes. Une part de sa croissance rsulte dune progression nominale des variables conomiques. Le calcul dun PIB en unit montaire dflate est ralis pour valuer la croissance relle du PIB, sa croissance en volume. Le PIB peut tre dcompos en un PIB marchand et un PIB non marchand. PIB = PIB marchand + PIB non marchand Le PIB marchand comptabilise les valeurs ajoutes ralises par les branches marchandes de lconomie (socits non financires, socits financires, entreprises individuelles). Le PIB non marchand comptabilise les valeurs ajoutes ralises par les administrations publiques et les institutions but non lucratif. Le produit national brut (PNB) se dfinit, quant lui, comme tant gal au produit intrieur brut plus les revenus de facteurs reus de ltranger moins les revenus de facteurs envoys ltranger. 2. LQUILIBRE EMPLOIS RESSOURCES Toute production de biens et services au sein de lconomie engendre une distribution de revenus du mme montant dont la dpense constitue une demande permettant dcouler la production. Du fait de cet quilibre emplois ressources plusieurs dcompositions du PIB sont possibles. a) Approche par la production PIB = VA + Tp Sbp Avec : c VA : la somme des valeurs ajoutes hors taxe ; c Tp : les impts sur les produits ; c Sbp : les subventions sur les produits. Point clef Le produit intrieur brut (PIB) reprsente une mesure de la production et une approximation de la richesse cre. Il constitue un agrgat essentiel pour apprcier les performances dune conomie. Deux indicateurs doivent plus particulirement retenir lattention : le produit global (et sa croissance) ainsi que le produit par tte (PIB rapport au nombre dhabitants).
  10. 10. Fiche 1 Le produit intrieur brut 3 b) Approche par les revenus PIB = W + EBE + RMB + T Sb Avec : c W : les salaires ; c EBE : lexcdent brut dexploitation ; c RMB : le revenu mixte brut ; c T : les impts ; c Sb : les subventions. L reprsente le profit brut des entreprises. Il est obtenu en soustrayant de la valeur ajoute la rmunration des salaris et les impts lis la production verss par les entreprises. Le RMB reprsente, quant lui, lEBE des entreprises individuelles. c) Approche par la demande PIB = CF + FBCF + DSks + X M Avec : c CF : la consommation finale (v. fiche 4) ; c FBCF : la formation brute de capital fixe (v. fiche 5) ; c DSks : la variation de stocks ; c X : les exportations de biens et services ; c M : les importations de biens et services. 3. LE PRODUIT PAR TTE, UN INDICATEUR DU NIVEAU DE VIE La croissance du produit par tte (PIB par habitant) signifie une progression de la quantit de biens et services la disposition des individus. La progression du revenu par tte mesure lvolution du niveau de vie des populations. Le tableau ci-dessous fait ressortir la position dominante des tats-Unis sur ce critre avec un PIB par habitant de prs de 37 798 dollars en 2006 nettement suprieur celui des autres pays les plus industrialiss, 27 764 dollars pour le Japon, 27 734 pour la France. De mme, lcart de niveau de vie entre les pays du G7 et les pays en voie de dveloppement reprsents dans le tableau par lAlgrie (6 425 dollars), le Maroc (3 938 dollars), lAfrique subsaharienne (1 852 dollars seulement), ressort de faon criante. Le PIB par habitant relativement lev de la Norvge (40 905 dollars) et de lIrlande (36 860 dollars) signifie un haut niveau de vie dans ces pays. Dans le cas de lIrlande, le fait de dpasser le Royaume-Uni (28 756) est trs symbolique ; cela montre de surcrot la ralit du rattrapage conomique. Nanmoins ni lIrlande, ni la Norvge, ne soutiennent la compa- raison avec le Royaume-Uni, lAllemagne ou le Japon en termes de poids conomique. Le PIB par tte est un indicateur de niveau de vie et non puissance conomique. EBE
  11. 11. Fiche 1 Le produit intrieur brut 4 4. LE PRODUIT GLOBAL, FONDEMENT DE LA PUISSANCE CONOMIQUE La croissance du produit global fonde long terme la puissance conomique dune nation. La puissance conomique a des avantages qui peuvent tre cumulatifs. Le progrs technique tant un moteur de la croissance, le produit global rvle une avance technologique qui peut aller de pair avec une domination militaire. Dans ce cas, lconomie dominante possde une capacit influencer les rgles du jeu international en matire montaire, financier et com- mercial (voir bien sr lexemple des tats-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale). Par ailleurs la profondeur du march financier (liquidit et acceptabilit dune devise comme le dollar) et la garantie dune rentabilit du capital renforcent le statut de monnaie internationale de la devise de la superpuissance . Lmission de monnaie internationale offre ensuite des mar- ges de manuvre importante en matire de politiques conomiques : possibilit plus grande daccumuler des dficits courants, possibilit dabaisser davantage les taux dintrt du fait de prime de risque infrieure, douce insouciance concernant le change. Ces squences participent de lauto-entretien dun leadership mondial que deux exemples historiques peuvent nourrir : lAngleterre avant 1913 et les tats-Unis depuis 1945. Le tableau ci-dessus propose une hirarchie des conomies nationales suivant le produit global courant et le produit global correspondant la des monnaies nationales. Il fait ressortir lampleur de la domination amricaine en termes de produit global (13 276 milliards de dollars en 2006, soit plus du quart du PIB mondial, 48 273 milliards de dollars), seule lUnion europenne avec 14 545 milliards de dollars en 2006 rivalise en termes de puissance conomique avec les tats-Unis sans, pour autant, lui contester son leadership mondial faute dintgration politique. Le Japon est, sur la base du produit global courant, la deuxime puissance conomique mondiale avec un PIB de 4 360 milliards de dollars (v. fiches 22 et 29). PIB courants en milliards de dollars 2006 PIB correspondant la PPA, en milliards de dollars (base 2000) 2006 PIB par habitant en dollars (base 1995) 2006 tats-Unis 13 276 11 433 37 798 Japon 4 360 3 539 27 764 Allemagne 2 897 2 230 27 050 Royaume-Uni 2 377 1 750 28 756 France 2 248 1 741 27 734 Italie 1 852 1 555 26 740 UE 27 14 545 12 004 24 326 Irlande 222 150 36 860 Norvge 335 189 40 905 Chine 2 614 8 679 6 605 Inde 916 3 669 3 300 Russie 979 1 472 10 364 Brsil 964 1 441 7 664 Algrie 114 212 6 425 Maroc 57 131 3 938 Arabie Saoudite 349 338 12 504 Afrique subsaharienne 702 1 396 1 852 Source : CEPII, Lconomie mondiale 2008. Paris, La Dcouverte, 2007. parit des pouvoirs dachat (PPA)
  12. 12. Fiche 1 Le produit intrieur brut 5 Le cas complexe de la Chine mrite une attention particulire. Son produit global courant slve pour 2006 2 614 milliards de dollars. Ce chiffre rsulte dune conversion en dollar, au cours de change courant, du PIB exprim au pralable en yuan. Compte tenu du relatif faible niveau de dveloppement de la Chine, le pouvoir dachat en biens et services dun dollar en Chine est environ 3 fois suprieur ce quil est aux tats-Unis do lintrt de proposer un PIB correspondant la PPA (intgrant de facto la sous-valuation relle de la monnaie chinoise, le yuan). Sur cette base, la Chine apparatrait paradoxalement ds aujourdhui comme la deuxime puissance conomique mondiale, assez loin devant le Japon. Le mme phnomne est luvre pour lInde, la Russie, le Brsil, puissances montantes. Le produit intrieur brut constitue une mesure exclusivement quantitative des performances des conomies, il nintgre pas les consquences sociales et environnementales du processus daccumulation. La notion de dveloppement (et ses variantes) cherche intgrer des dimensions plus qualitatives du bien-tre humain (v. fiche 6). 5. QUELS OBJECTIFS VISER EN MATIRE DE CROISSANCE ? court terme, les autorits peuvent avoir pour objectif que la croissance effective de lconomie soit gale sa croissance potentielle (croissance qui correspond une pleine utilisation des capacits de production). plus long terme, les responsables doivent dynamiser le potentiel de croissance par des politiques structurelles qui visent dvelopper les forces motrices de la croissance. Solow (1957), pre du modle noclassique de croissance, met en avant deux moteurs exognes : le progrs technique conu comme un don de la sphre scientifique la sphre conomique et la population. Les thories de la croissance endogne, apparues partir de 1986 (travaux de Romer), sinscrivent en raction contre cette conception exogne. Elles mettent laccent sur le stock de capital technique et humain et galement sur le fait que des externalits positives issues de la formation (Lucas, 1988) et de la recherche (Aghion et Howitt, 1991) sont lorigine de la croissance conomique. Il en dcoule la vision dune croissance qui peut tre influence par les politiques conomiques et la reconnaissance dune efficacit de lintervention des administrations publiques.
  13. 13. 6 2 Linstabilit de la croissance conomique 1. APPROCHE HISTORIQUE Par nature, des conomies traditionnelles o le secteur agricole reprsente une part impor- tante de la contribution la valeur ajoute totale connaissent une croissance irrgulire, une mauvaise rcolte contribue mme souvent un recul absolu de lactivit. Malgr le dclin de lagriculture la croissance reste trs instable durant lentre-deux-guerres. Des erreurs dans la conduite des politiques conomiques (dflation anglaise dans les annes 1920, gestion de la crise de 1929 par la Banque centrale des tats-Unis la Fed) et le caractre chaotique des relations conomiques internationales contribuent rendre compte de cette forte instabilit. Depuis 1973 linstabilit de lactivit apparat relativement forte. Lirrgularit de la croissance effective est manifeste malgr les progrs raliss dans la modlisation des conomies et la conduite des politiques conomiques. Les conomistes ont toujours beaucoup de difficults effectuer des prvisions de croissance fines sur la courte priode. Les responsables politiques systmatisent les prvisions rsolument trop optimiste afin dancrer les anticipations des agents (il sagit de leur donner confiance). Du ct de loffre comme du ct de la demande, de nombreux facteurs condamnent la croissance rester irrgulire. 2. LIRRGULARIT DE LOFFRE Le , moteur le plus puissant de la croissance, apparat difficilement contr- lable. Des dpenses de recherche ne garantissent pas des innovations plus nombreuses. Le progrs parat par essence imprvisible. Au mieux si lon se rfre aux travaux de Schumpeter, Business cycles (1939), linnovation prsente un caractre cyclique. La croissance est frquemment perturbe par des vnements inattendus que lon qualifie de (perturbation non anticipe qui affecte les cots de production de lentreprise). Ces chocs peuvent recouvrir des variations de la productivit, tre de nature salariale (vnements de mai 1968 en France qui dbouche sur une forte progression des salaires rels) ou nergtique (chocs ptroliers de 1973, 1979 et 2008). Ainsi entre septembre 1973 et janvier 1974 lorsque les prix du ptrole sont multiplis par quatre, les entreprises occidentales doivent faire face une hausse de leurs cots de production. Linternationalisation des conomies est dj forte, lenvironnement trs concurrentiel et elles ne peuvent rpercuter entirement ce surcot sur leurs prix de vente. Elles doivent compresser leurs marges ce qui rduit la profitabilit de linvestissement et conduit lpoque son atonie et un ralentissement du rythme de la croissance conomique. Point clef En conomie, de nombreux facteurs concourent rendre la croissance instable. Les innovations ont un carac- tre imprvisible. Les chocs doffre sont nombreux (hausse des prix de lnergie). Plusieurs composantes de la demande ont des ressorts psychologiques (surtout linvestissement et la consommation). Enn louverture croissante des conomies est porteuse de perturbations. progrs technique chocs doffre
  14. 14. Fiche 2 Linstabilit de la croissance conomique 7 3. LES RESSORTS PSYCHOLOGIQUES DE LA DEMANDE Du ct de la demande, des chocs peuvent aussi tre identifis. Ils prennent la forme de modification exogne des comportements de consommation et dpargne, voire dun dplacement de population (par exemple le rapatriement de 800 000 Franais dAlgrie en 1962). Il importe surtout de souligner que derrire la plupart des composantes de la demande globale, il y a une dimension anticipative (de la psychologie) qui la rend, elle aussi, instable. Cette dimension psychologique est trs intuitive pour linvestissement qui, dans une perspective keynsienne, dpend de ltat de la demande anticipe (de lide que les chefs se font de la demande qui leur sera adresse). Cest assez net aussi pour la consommation qui peut ragir, par exemple, la situation de lemploi (dveloppement dune pargne de prcaution en cas de pousse du chmage qui rduit la consommation). Enfin lextrme, lvolution des dpenses publiques peut affecter larbitrage consommation/pargne si lon se situe dans un cadre la Barro : sous certaines hypothses restrictives, la hausse des dpenses finances par lendettement conduit les agents dvelopper une pargne supplmentaire en prvision dune future hausse des impts ncessaire au remboursement de la dette (v. fiches 17 et 92). 4. LOUVERTURE CONOMIQUE, FACTEUR DINSTABILIT La mobilit internationale des capitaux est un facteur daccentuation de linstabilit travers des crises financires plus frquentes et des cours de change plus volatils. Linterdpendance croissante des conomies favorise la transmission internationale des crises notamment des crises financires. La crise asiatique de 1997, aprs avoir provoqu un spectaculaire recul du PIB dans les pays de la zone en 1998, (10,4 % en Thalande, 7 % en Core, 8 % en Malaisie, 15 % en Indonsie) sest propage au niveau mondial. Certains investisseurs, des Corens en particulier, sont contraints de liquider leurs avoirs ltranger notamment des bons du Trsor russes. Ce facteur contribue la survenance dune crise en Russie en 1998 qui par un effet de dominos provoque un mouvement de dfiance sur les places financires occiden- tales (New York, Londres, Francfort, Paris) et un ralentissement de lactivit en Occident. Plus rcemment en 2007-2008, la crise financire dite des subprimes a eu un impact ngatif sur la plupart des conomies occidentales du fait de linterconnexion des marchs (financiers, immobiliers) (v. fiche 80). La (pour partie lie la psychologie de marchs de plus en plus profonds) accentue linstabilit de la composante externe de la demande : un freinage brusque des exportations de biens et services peut ralentir significativement de la croissance. Repres chronologiques 1973 : premier choc ptrolier. 1997 : crise asiatique. 2007-2008 : crise nancire internationale. volatilit des cours de change
  15. 15. 8 3 Les revenus 1. LES REVENUS PRIMAIRES Le revenu primaire est la somme des revenus de facteurs de production. Le terme primaire signifie quil est calcul avant tout prlvement fiscal ou social et toute redistribution. Les revenus primaires des mnages rmunrent leur participation aux activits productives, ils constituent la rmunration du travail et du patrimoine. Les revenus du travail sont constitus des salaires et traitements. Les revenus du patrimoine se composent : c des intrts reus (par les dtenteurs dobligations par exemple) ; c des dividendes reus (par les dtenteurs dactions) ; c des loyers (qui rmunrent la proprit immobilire et foncire). Des revenus mixtes (revenus du travail non salari) rmunrent le travail et le capital dans le cas des entreprises individuelles (professions librales, entreprises agricoles) 2. LES INGALITS DE REVENUS La rpartition des revenus primaires rsulte du jeu du march et des rapports de forces au sein de la socit (pouvoirs des syndicats en particulier). Le degr dingalits peut facilement tre mesur travers le calcul dindicateurs de concentration ( , intervalles interquantiles). Les ingalits de revenus constituent la base des mcanismes dincitations qui contribuent la recherche de lefficacit conomique. Celui qui sengage plus dans le travail, qui est plus effi- cace, qui innove davantage, qui prend des risques doit, a priori, tre rcompens par un revenu plus lev. Les carts de revenus rcompensent en principe laptitude tre efficace dans la production, la contribution la valeur ajoute globale . A contrario, la redistribution des revenus se justifie elle aussi au nom de la solidarit, du vivre ensemble. Les individus nont pas des capacits productives gales. Pendant lducation des dterminismes diffrents sexercent sur les individus et les empchent datteindre les mmes niveaux de productivit dans le travail. La redistribution doit compenser les handicaps et les ingalits. 3. LE DEGR DINGALIT : UN CHOIX POLITIQUE Il nexiste pas de norme dquit en matire de distribution des revenus. Chacun peut porter une apprciation sur la situation. Partant la question devient de nature politique. Le vote doit dterminer une orientation sur la question des ingalits. Historiquement loffre politique voit sopposer des tenants de laccroissement des ingalits (librer les nergies) et des tenants de la rduction des ingalits (ncessaire solidarit). Il convient de se situer entre deux cas polaires (imaginaires). Point clef Lvolution du revenu disponible brut (RDB) conditionne celle du pouvoir dachat des mnages. Le RDB rsulte des revenus primaires verss et des choix politiques oprs en matire de redistribution. indice de Gini
  16. 16. Fiche 3 Les revenus 9 Dun ct droite dans le tableau ci-dessous, la forme absolue du libralisme qui est la jun- gle. Il ny aurait pas de place pour celui qui aurait des handicaps et serait dans lincapacit de participer la production, il devrait tre laiss sur le bord de la route, sans revenu, ni soin De lautre, gauche sur le schma, lgalit absolue qui conduit une socit fige. Les indi- vidus sengagent peu dans le travail et innovent peu. Cette situation pourrait correspondre une conomie de type sovitique (ETS) sans mcanisme dincitation. La perspective est ici la stagnation et le gaspillage des ressources. Lambition de Keynes tait de parvenir dpasser cette opposition entre efficacit conomique et efficacit sociale. Chez Keynes la redistribution peut, sous certaines hypothses, ramener lconomie vers un quilibre de plein-emploi. Pour Rawls (Thorie de la justice sociale, 1971) les ingalits conomiques et sociales se justifient condition dtre lies des fonctions ouvertes tous et surtout de profiter tous travers la dynamique dactivit quelles engendrent. Si les ingalits produisent une socit de rentiers, inertielle avec une forte reproduction sociale, elles doivent tre combattues. 4. LES OUTILS DE REDISTRIBUTION DES REVENUS Afin de rduire les ingalits dans la rpartition des revenus primaires et dapporter des revenus ceux qui nen ont pas, les pouvoirs publics oprent une redistribution. Des prlvements sont oprs et des prestations sont accordes (elles sont appeles revenus de transferts). Les prlvements sont constitus par : c les cotisations sociales ; c des impts directs sur le revenu ; c des impts directs sur le patrimoine. Les revenus de transferts sont : c les prestations verses par les organismes de scurit sociale au titre de la couverture de certains risques de la vie (maladie, vieillesse, famille, emploi) ; c le RMI (Revenu minimum dinsertion) qui constitue en France depuis sa cration en 1988 un revenu de transferts. Cette allocation est verse par les Conseils Gnraux ; en 2008 prs de 1 100 000 personnes en bnficient. 5. LE REVENU DISPONIBLE BRUT Le revenu disponible brut des mnages est un revenu aprs cotisations sociales et impts directs mais avant transferts sociaux en nature. Il est disponible pour la dpense de consom- mation finale et lpargne. Le partage de ce revenu entre consommation immdiate et par- gne dpend du niveau des taux dintrt (approche noclassique), du niveau de revenu (approche keynsienne). En comptabilit nationale le revenu disponible brut des mnages est gal la somme de lexcdent brut dexploitation, de la rmunration des salaris, de la rmunration du travail de lentrepreneur individuel (voire de sa famille), des profits bruts de lentreprise, des revenus de la proprit (dividendes, intrts), des prestations sociales en espces moins les cotisations sociales et les impts sur le revenu et le patrimoine verss. ETS Jungle Efcacit sociale Efcacit conomique Transferts Libert dans lallocation Solidarit Individualisme Compensation les handicaps Rcompenser les talents
  17. 17. 10 4 La consommation 1. DFINITION La consommation dsigne lutilisation dun bien ou dun service qui entrane terme sa destruction. La consommation peut avoir deux buts : la production de satisfactions et la production de biens. Lorsquelle est productive de satisfactions, la consommation est dite finale. La consom- mation finale des mnages concerne principalement des biens et services marchands (denres alimentaires, vtements, voitures) et aussi des services non marchands (forfait hospitalier, droits dinscription lUniversit). Lorsquelle est productive de biens, la consommation est dite intermdiaire ou de capital fixe (amortissement). 2. PROPRITS DES BIENS La demande de biens ragit de manire diffrente la variation des revenus et des prix. De grandes typologies peuvent tre proposes. Un est dit si sa demande diminue lorsque le revenu augmente : son lasticit- revenu est dans ce cas infrieure zro (historiquement cest le cas du pain par exemple). Un bien normal prsente une lasticit-revenu positive et infrieure lunit. Un bien suprieur est un bien dont la demande augmente plus de proportionnellement suite une progression du revenu, son lasticit-revenu est suprieure 1. L dsigne le fait que llasticit prix de la demande est positive pour certains biens de luxe et certains groupes sociaux. La hausse du prix du bien, le rend plus dsirable aux yeux de certains qui considrent son prix lev comme une source de distinction. On voque un effet de snobisme. Dans louvrage Thorie de la classe de loisir (1889), T. Veblen montre plus largement le caractre social des comportements de consommation. Des sont concurrents au sens ou la variation du prix de lun influence for- tement la demande de lautre (llasticit de la demande de lun par rapport au prix de lautre est leve, le beurre et la margarine par exemple). Un est un bien dont la consommation ou lusage par un individu exclut sa consom- mation ou son usage par un autre individu. Un est un bien indivisible dont la consommation par un individu ne rduit pas la quantit (ou le montant) de ce mme bien encore la disposition des autres individus (exemples : route, clairage public, jardin public). 3. LA STRUCTURE DE LA CONSOMMATION Le est la part quune dpense de consommation (dun bien ou dune catgorie de biens) reprsente dans le total des dpenses de consommation. La dsigne le fait que le coefficient budgtaire des dpenses de premires ncessits (alimentation) diminue lorsque les ressources des mnages progressent. Point clef Lanalyse conomique et sociale de la consommation est plurielle et complexe. Au niveau microconomique les comportements individuels de consommation (maximisation de la satisfaction, larbitrage entre consom- mation prsente et future), ainsi que les proprits des diffrents biens sont tudis. Au plan macrocono- mique de grands dterminants de la consommation sont isols. bien infrieur effet Veblen biens substituables bien rival bien collectif coefficient budgtaire loi dEngel
  18. 18. Fiche 4 La consommation 11 L constitue une exception cette rgle : la hausse du prix dun bien infrieur peut saccompagner dune hausse de sa demande. Si un bien occupe une grande place dans le budget des mnages, la hausse de son prix provoque une baisse du pouvoir dachat du revenu et conduit le mnage accrotre la demande de ce bien infrieur qui se substitue dautres. Lconomiste Giffen tudie le cas particulier de la pomme de terre en Irlande au XIXe sicle. La structure de la consommation diffre selon le niveau de vie des diffrentes catgories sociales. Le coefficient budgtaire des dpenses de premires ncessits est plus lev pour les catgories populaires que pour les catgories moyennes et suprieures. linverse les coeffi- cients budgtaires des biens de moindre ncessit comme les loisirs sont plus levs dans les catgories suprieures. 4. LES PROPENSIONS CONSOMMER Le revenu (not Y) est gal la consommation (C) plus lpargne (S). Les notions de propen- sions moyenne et marginale consommer sont centrales en conomie depuis la publication du livre de Keynes Thorie gnrale de lemploi de lintrt et de la monnaie (1936). La propension moyenne consommer dsigne le rapport entre consommation et revenu, la part du revenu qui est consomme C/Y. La propension marginale consommer (c) dsigne la part de la dernire unit de revenu consacre la consommation DC/DY. La loi psychologique fondamentale de Keynes dsigne le fait que la propension marginale consommer soit dcroissante avec le revenu. Cette baisse relative de la consommation (ou son corolaire lexcs dpargne) contribue expliquer linsuffisance de la demande. 5. LES DTERMINANTS MACROCONOMIQUES DE LA CONSOMMATION Au plan macroconomique de grands dterminants de la consommation peuvent tre isols. Chez Keynes (1936), la consommation la priode t (Ct) dpend du revenu courant (Yt) : Ct = Co + c Yt Avec : c Co : une consommation incompressible ; c C : la propension marginale consommer. Cette fonction de consommation fonde le raisonnement en termes de multiplicateur (v. fiche 14). La thorie du revenu relatif labore par Duesenberry (1949) postule que la propension consommer dun mnage dpend certes de son revenu mais aussi dun effet de dmonstration exerc par les mnages des catgories suprieures qui poussent vers le haut la consommation des catgories infrieures. Dans louvrage Une thorie de la fonction de consommation (1957) Friedman transpose lana- lyse microconomique de la consommation (travaux de Fisher) au niveau macroconomique. La consommation est principalement fonction du revenu permanent, cest--dire le revenu moyen anticip sur lensemble de la vie. Il dpend des revenus actualiss du travail et des actifs possds. Lapproche en termes de cycles de vie, dveloppe par Modigliani, Brumberg et Ando, insiste sur le fait que les flux dendettement et dpargne permettent aux mnages dobtenir durant leur vie un profil de consommation stable partir de revenus fluctuants. En priode de jeunesse, lemprunt permet de consommer ; en priode dactivit, lpargne progresse et un patrimoine est constitu ; lge de la retraite, la consommation est alimente par une dspargne . effet Giffen
  19. 19. 12 5 Linvestissement 1. DFINITIONS ET TYPOLOGIE Linvestissement consiste fondamentalement engager du capital dans le processus de pro- duction. Par nature il constitue un pari qui revient changer une satisfaction immdiate et certaine contre un espoir de gain. Linvestissement matriel ralis par lentreprise est qualifi dinvestissement productif (quipements, machines). ct de cet investissement de nature corporel, un investissement immatriel est ralis (dpenses de recherche et dveloppement, de formation, acquisition de licences, de logiciels, dpenses de formation, de publicit). Si linvestissement brut (le nouveau flux annuel dinvestissement) est suprieur lamortisse- ment (valuation annuelle de la perte de valeur dactifs ou de biens de production frapps dusure ou dobsolescence) le stock de capital progresse. Linvestissement net reprsente la diffrence entre linvestissement brut et lamortissement. Investissement de remplacement, de capacit et de productivit : c Linvestissement de remplacement (ou de renouvellement) est destin maintenir les capa- cits de production, il compense lobsolescence et/ou lusure des quipements. c Linvestissement de capacit (ou dextension) est destin accrotre le potentiel productif de lentreprise. c Linvestissement de productivit est destin rationaliser la production, intgrer le progrs technique dans la combinaison productive. Au sein dune conomie le taux dinvestissement se mesure par le rapport FBCF sur PIB. La formation brute de capital fixe est constitue de linvestissement productif des entreprises, de linvestissement des administrations et de linvestissement des mnages (achats de logements). La FBCF doit tre distingue des placements financiers qui, eux, constituent une pargne. 2. RENTABILIT ET FINANCEMENT DE LINVESTISSEMENT Un investissement nest ralis que si sa rentabilit conomique est positive. Au niveau microconomique la valeur actualise nette (VAN) dun projet dinvestissement peut tre calcule. Elle revient comparer le cot initial de linvestissement (Io, t) la somme actualise des recettes attendues de linvestissement (Ri) pendant les T priodes venir. VAN = Io, t + Si la VAN est positive, linvestissement est ralis ; si elle est ngative, il ne lest pas. Selon John Maynard Keynes lefficacit marginale du capital dsigne la rentabilit attendue de linvestissement, les recettes attendues des projets ne sont pas certaines , elles rsultent des anticipations des chefs dentreprise. Le financement interne de linvestissement provient des capacits dautofinancement des entre- prises (profits conservs en rserve). Le financement externe est constitu soit par lmission de titres de diffrentes natures (obligations, actions), soit par un recours lemprunt. Point clef Linvestissement est une variable particulirement dcisive en conomie. Il est la fois une composante de la demande et un puissant moteur de loffre productive. Ri 1 r+( )i -----------------i 1= T
  20. 20. Fiche 5 Linvestissement 13 Lentreprise peut mettre des obligations, cest--dire des titres de crances qui reprsentent une partie dun emprunt long terme. Le plus souvent elle verse aux dtenteurs du titre une rente annuelle et rembourse le capital chance. Lentreprise peut aussi mettre des actions cest--dire des titres financiers reprsentatifs dune partie du droit de proprit sur une entreprise. Le souscripteur de laction contribue au financement de lentreprise en change dun droit de vote lors de lassemble gnrale (qui lit le conseil dadministration) et dun droit au partage des bnfices travers la perception dun dividende. Lemprunt est un financement obtenu le plus souvent auprs dune banque. Le cot de ce mode de financement est constitu par le taux dintrt. Un de lendettement se dclenche lorsque la rentabilit dun projet dinvestis- sement est suprieure au cot de lendettement destin le financer. Ds lors que le taux de profit est suprieur au taux dintrt, lentreprise est dautant plus incite sendetter. Dans le cas contraire on voque un effet de massue. 3. LES DTERMINANTS DE LINVESTISSEMENT Les dterminants de linvestissement sont nombreux, la prise de dcision complexe, il est dif- ficile dtablir empiriquement linfluence dun facteur. a) Ltat de la demande anticipe Keynes a mis en exergue le fait que linvestissement dpendait de ltat de la demande antici- pe, cest--dire de lide que le chef dentreprise se fait de la demande qui lui sera adresse lavenir, ces anticipations mobilisent les animal spirits de lentrepreneur. b) Le cot relatif du capital et du travail La hausse du cot du travail (salaire et cotisations sociales) peut inciter le chef dentreprise substituer des machines aux travailleurs. Le prix relatif des facteurs peut galement influencer le choix de la technologie adopte. c) Le taux dintrt Le taux dintrt reprsente le cot du capital. En principe toute chose gale par ailleurs la baisse des taux dintrt dynamise linvestissement puisquun plus grand nombre de projets dinvestissement deviennent rentables. Mais empiriquement linfluence des taux est difficile tablir. d) Les prots Le thorme de Schmidt (ancien chancelier Allemand) a popularis lide que les profits constituent un moteur de linvestissement : les profits daujourdhui sont les investissements de demain et les emplois daprs-demain . Une hausse des profits permet de financer les investissements par le canal de lautofinancement. Plus la rentabilit conomique de linves- tissement est grande, plus lincitation investir est forte. Le taux de rentabilit conomique (ou taux de profit) est le rapport entre le profit ralis et le capital engag. e) La structure nancire de lentreprise Ds lors que les marchs financiers sont imparfaits, la structure financire de lentreprise influence linvestissement. Lendettement accrot le risque de faillite alors que la possession de fonds propres obtenus par mission dactions le rduit. En cas de difficults lentreprise peut toujours interrompre le versement de dividendes alors quelle ne peut cesser celui des intrts. Une banque est hsitante prter une entreprise endette et peut exiger une prime de risque sur le taux dintrt. effet de levier
  21. 21. 14 6 Le dveloppement conomique 1. CARACTRISATIONS DU DVELOPPEMENT Historiquement le dveloppement dsigne la transformation des socits et vhicule lide de progrs. Depuis le milieu du XXe sicle, la notion sest charge dun sens plus prcis : lamlio- ration de la qualit de vie des hommes. Par rapport la croissance conomique, le dveloppement vise donc rintroduire des caractristiques plus qualitatives pour apprcier les performances dune conomie. Franois Perroux donne une dfinition du dveloppement trs usite depuis le dveloppe- ment est la combinaison des changements mentaux et sociaux dune population qui la ren- dent apte faire crotre, cumulativement et durablement, son produit global rel (1961). Par la suite Perroux parat rintroduire plus ouvertement lhomme en prcisant que le dve- loppement dsigne le changement des structures mentales et sociales qui favorisent lentra- nement mutuel de lappareil de production et de la population au service de cette dernire (1972). Parmi la multitude des autres conceptions du dveloppement celle de A. Sen doit tre men- tionne. Il conoit le dveloppement comme un processus dexpansion des liberts relles dont jouissent les individus . Dans louvrage Development as Freedom (1999), Sen affirme : lexpansion des liberts constitue la fois la fin premire et le moyen principal du dvelop- pement, () le rle constitutif et le rle instrumental de la libert dans le dveloppe- ment. 2. LE DVELOPPEMENT DURABLE Le dveloppement durable (ou soutenable) est dfini par le rapport Brudtland (1987) comme un dveloppement qui rpond aux besoins du prsent sans compromettre la capacit des gnrations futures rpondre aux leurs . Ce concept attire depuis lattention sur les cons- quences environnementales de la croissance conomique (mission de gaz effets de serre, puisement des ressources naturelles). Au plan thorique deux visions sopposent derrire cette dfinition du dveloppement durable. La premire dinspiration noclassique fonde la soutenabilit exclusivement sur une base environnementale. Elle cherche au niveau microconomique valoriser montairement les lments naturels afin de pouvoir les analyser dans un calcul cots-bnfices. Cette conception dbouche sur la mise en place de mcanismes dincitations (permis de polluer). Au plan macroconomique dans la ligne du modle de Solow, les conomistes cherchent fournir des fondements thoriques la relation vertueuse entre croissance et qualit environnemen- tale (rapport Stern de 2006). Ils cherchent formuler une rgle de soutenabilit assurant le maintien de la valeur par tte du stock total de capital de la socit en postulant une parfaite substituabilit entre les diffrentes formes de capital (physique, humain, naturel). La deuxime approche qualifie dhtrodoxe se veut plus globale en intgrant les dimensions environnementale, sociale et conomique du dveloppement. Elle est associe au maintien Point clef La notion de dveloppement vise introduire des considrations qualitatives pour apprcier les performan- ces dune conomie. Les conceptions et les critres du dveloppement apparaissent pluriels, voire clats.
  22. 22. Fiche 6 Le dveloppement conomique 15 dun stock de capital naturel dit critique et rejette le principe de la substituabilit des facteurs au profit de leur complmentarit. Elle soppose la valorisation montaire des lments naturels. Elle peut dboucher sur lide de dcroissance. 3. LES INDICATEURS DE DVELOPPEMENT Parmi les indicateurs de dveloppement, deux sont particulirement rpandus et scruts : lIDH et lIPH. a) LIDH (Indice de dveloppement humain) Cet indice a t cr par le Programme des Nations unies pour le dveloppement en 1990, il combine trois critres : la longvit (esprance de vie), le savoir (alphabtisation) et le niveau de vie (PIB par tte). Les rsultats 2007 (Rapport mondial sur le dveloppement humain), qui se fondent sur les sta- tistiques 2005 de 177 pays membres des Nations unies, font apparatre la hirarchie suivante. LIslande est en tte, juste devant la Norvge et lAustralie. Lorsque lon compare la hirarchie internationale sur les bases du PIB par tte et sur la base de lIDH, la principale diffrence concerne la place des tats-Unis qui rtrogradent en ter- mes dIDH (12e position). b) LIPH (Indice de pauvret humaine) Lindice de Pauvret humaine a t cr par le PNUD en complment de lIDH. Pour les pays en dveloppement il repose sur trois variables : c le risque de mourir avant 40 ans ; c le taux danalphabtisme des adultes ; c les conditions de vie mesures par laccs aux services de sant, leau potable et la sous- nutrition chez les enfants de moins de cinq ans. Pour les pays dvelopps, il tient compte en plus du manque de conditions de vie dcente apprhend par le pourcentage de personnes vivant sous la demi-mdiane du revenu disponible des mnages. IDH en 2005, classement mondial Rang Pays 1 Islande 2 Norvge 3 Australie 8 Japon 10 France 12 tats-Unis 16 Royaume-Uni 22 Allemagne 70 Brsil 81 Chine 128 Inde 176 Burkina Faso 177 Sierra Leone
  23. 23. 16 7 La pauvret 1. UNE NOTION RELATIVE La notion de pauvret est trs relative, on est toujours le pauvre de quelquun comme le dit un adage populaire. La pauvret na dabord pas le mme sens dans les conomies avances et les conomies en voie de dveloppement. Une conception relative prdomine dans le premier cas alors quune approche absolue fait davantage sens dans le second. Par-del ces conceptions la pauvret renvoie fondamentalement desmanques en termes davoir, de pouvoir, de sant, voire mme de considration. 2. APPROCHE MONTAIRE : PAUVRET ABSOLUE ET PAUVRET RELATIVE a) Pauvret relative Par convention au sein dune socit un individu est considr comme pauvre si son revenu est infrieur 50 % (ou 60 %) du revenu mdian (le revenu associ lindividu qui, lorsque lon classe les individus par ordre croissant de revenu, est en position mdiane, il y a autant de personnes qui ont un revenu infrieur au sien que de personne dont le revenu est suprieur). Cette approche est utilise pour mesurer la pauvret dans les conomies du Nord (exemple franais ci-aprs). En France au cours des trente dernires annes le nombre de pauvres a eu tendance dimi- nuer : il tait de 4,36 millions en 1979 contre 3,73 millions en 2005. La France prsente aujourdhui lun des taux de pauvret les plus bas du monde (6,3 %). Il convient de ne pas oublier que le choix du seuil est important : dans le cas de la France si, pour 2005, on retient le seuil de 60 % au lieu de 50 % le nombre de pauvres passe de 3,73 millions 7,13 millions. b) Pauvret absolue Sur cette base un individu est considr comme pauvre sil dispose de moins de un dollar ou de moins de deux dollars par jour pour vivre. Cette approche est plus adapte la situation des pays mergents ou en voie de dveloppement. Les estimations de la Banque mondiale font ressortir quen Asie de lEst et du Pacifique (Chine incluse), la part des individus vivant avec moins de deux dollars par jour est passe de 84,8 % en 1981 40,7 % en 2002. En Amrique latine cette proportion sest rduite (de 29,6 % 23,4 %). En Afrique subsaharienne la proportion est passe sur la mme priode de 73,3 % Point clef La pauvret est une notion relative, sa dnition et sa mesure sont particulirement conventionnelles. Le concept na notamment pas le mme sens au sein dune conomie en voie de dveloppement et dune conomie parmi les plus avances . La pauvret en France depuis trente ans (au seuil de 50 %) 1979 1984 1990 1996 2000 2002 2003 2004 2005 Nombre de pauvres (en millions) 4,36 4,15 3,75 4,09 3,74 3,49 3,69 3,63 3,73 Taux de pauvret 8,3 7,7 6,6 7,2 6,5 6,0 6,3 6,2 6,3 Source : Insee.
  24. 24. Fiche 7 La pauvret 17 74,9 %. En Asie la mondialisation conomique sest accompagne dune rduction de la pauvret alors quen Afrique subsaharienne la pauvret a persist malgr louverture conomique. 3. APPROCHE NON MONTAIRE DE LA PAUVRET La conception de la pauvret humaine a volu au cours de la priode rcente vers une approche dite non montaire centre sur les manques des individus en termes de sant, de pouvoir, de capacit, voire de considration. LIPH et le BIP 40 illustrent ce mouvement. a) LIPH Ainsi lIndice de pauvret humaine (IPH) a t cr par le PNUD (Programme des Nations unies pour le dveloppement) en complment de lIDH. Le calcul de lIPH-1 adapt aux pays pauvres repose sur trois variables : c le risque de mourir avant 40 ans ; c le taux danalphabtisme des adultes ; c les conditions de vie mesures par : laccs aux services de sant, laccs leau potable, la sous-nutrition chez les enfants de moins de cinq ans. Le calcul de lIPH-2 adapt aux pays riches combine quatre indicateurs : c indicateur de longvit, c indicateur dinstruction, c indicateur de conditions de vie, c indicateur dexclusion. b) Le BIP 40 Il sagit dun Baromtre des ingalits et de la pauvret. Cest un indicateur synthtique des ingalits et de la pauvret cr en 2002 par des militants (collectif rseau dalerte sur les in- galits) en raction et en rfrence au PIB et au CAC 40 (indice phare de la Bourse de Paris). Le BIP est construit partir de 58 critres qui concernent six dimensions (le travail, le revenu, le logement, lducation, la sant, la justice). Proportion de la population vivant avec moins de deux dollars par jour Zone 1981 1990 2002 Asie de lEst et Pacique 84,8 69,9 40,7 Amrique latine 29,6 28,4 23,4 Afrique subsaharienne 73,3 75 74,9 Source : Banque mondiale.
  25. 25. 18 8 Les enjeux du dveloppement dune conomie de service 1. DSINDUSTRIALISATION ET TERTIARISATION Le dveloppement des activits dites de services est caractristique du XXe sicle. La tertiari- sation des conomies les plus avances fait cho leur dsindustrialisation. Les deux notions sont certes graduelles, mais on convient didentifier un tournant dans les annes 1970 lorsque les effectifs de lindustrie connaissent une baisse absolue et non plus relative comme par le pass. Aujourdhui aux tats-Unis, moins de 10 % des actifs travaillent dans lindustrie. En France cette proportion est passe de 25 % en 1978 13,8 % en 2006. En France, la part de lindus- trie dans le PIB est pass de 35 % en 1970, 22 % en 1990 et seulement 17 % aujourdhui, la part des services passant aux mmes dates de 54 %, 69 % pour atteindre plus de 75 % actuellement. Faut-il sinquiter dun envahissement des services porteurs de peu de gains de productivit et partant de perspective de croissance ? Tous les services ont-ils le mme statut du point de vue de la contribution la croissance ? Quelle est la contribution des services aux changes internationaux ? 2. TERTIARISATION DE LCONOMIE ET CRAINTE DUNE STAGNATION DE LACTIVIT a) La thse dun puisement de la croissance Lapproche noclassique conduit la thse dun puisement des sources de la croissance avec la tertiarisation des conomies, en plaant au centre de lanalyse la dynamique sectorielle des gains de productivit. Cette vision est celle de Baumol et Fourasti, qui voquent lenvahis- sement de lconomie par le tertiaire et dnoncent comme une erreur toute notion dun dveloppement fond sur le tertiaire, ou encore Bell, pourtant chantre de la socit post- industrielle, mais qui admet sans difficult que labsorption par les services dune part crois- sante de la main-duvre freine ncessairement la productivit et la croissance globales . Le modle commun ces auteurs repose sur deux bases. Dabord les gains de productivit dans le secteur tertiaire sont faibles ou nuls, et en tout cas ngligeables au regard de ceux de lindustrie et mme de lagriculture. Lexemple favori de Fourasti est celui de la coupe de cheveux. Le coiffeur daujourdhui ne tond pas plus vite quil y a un sicle, et le coiffeur de Chicago nest pas plus productif que celui de Calcutta. Ensuite la demande de services tend augmenter long terme, sous leffet de la progression des revenus et de la saturation progressive des besoins en biens alimentaires, puis en biens industriels. De l dcoulent plusieurs implications majeures. Dabord, le prix relatif des services par rapport celui des biens industriels est appel augmenter indfiniment, puisquil reflte long terme lcart des gains de productivit respectifs entre les deux secteurs. En second lieu, la part des services ne peut quaugmenter au sein du PIB et surtout au sein de lemploi total. Enfin, lalourdissement du poids relatif des services ne peut que freiner le rythme de la croissance globale par un effet de structure. Point clef La monte en puissance des activits de service caractrise le XXe sicle. Cette transformation a des cons- quences majeures en matire de productivit et de croissance potentielle.
  26. 26. Fiche 8 Les enjeux du dveloppement dune conomie de service 19 Il convient nanmoins de prendre en compte deux objections ce modle. La premire con- cerne une omission grave : il ne tient pas compte de leffet de freinage quexerce sur la con- sommation des services la hausse de leur prix relatif. Dans la mesure o biens matriels et services sont substituables pour rpondre aux mmes besoins, les biens sont appels prendre le pas sur les services : cest la thse des partisans de lconomie de self-service (lordinateur remplace les services de la secrtaire, devenus trop coteux). Mais toute gnralisation de ce type conduit des exagrations inverses des prcdentes. Dans la ralit, consommation de biens et consommation de services mesures en volume, et non plus en valeur augmentent peu prs au mme rythme : une sorte de match nul, chacune des deux composantes garde toute son importance. b) Les faits Un rapprochement peut tre opr avec le ralentissement de la croissance dans les conomies les plus avances, qui sont aussi les plus tertiarises, et aussi avec le contraste entre les deux grandes conomies du monde actuel : la Chine, dont le rythme de croissance en pleine phase dindustrialisation gravite autour des 10 % par an, avec des exportations qui exercent un rle moteur et des excdents extrieurs systmatiques ; et lconomie amricaine, dont la croissance est juge forte ds quelle culmine 3 %, avec des dficits extrieurs records, qui se creusent toute acclration de la demande interne. 3. LES COMPLMENTARITS ENTRE SERVICES ET INDUSTRIE : LA NCESSIT DUN RAISONNEMENT EN TERMES DE PRODUCTIVIT GLOBALE a) Labsence dhomognit des services du point de vue de la productivit Du point de vue de la faiblesse des gains de productivit les services ne doivent pas tre con- sidrs comme un bloc homogne. Il existe des contre-exemples : les services de transport et communications mettent leur actif des gains de productivit mesurables au mme titre que ceux de lindustrie ou de lagriculture, et dune amplitude souvent encore plus forte, comme latteste la baisse de leur prix relatif. Mais, entre les deux extrmes (la coupe de cheveux et les transports), si lon veut parvenir un jugement pondr, tout le problme vient de ce quil nexiste pas de mesure directe de la productivit et de ses variations pour un grand nombre dactivits de services, sans doute la majorit. b) Renoncer mesurer la productivit des services ? Mieux vaut renoncer toute tentative de mesure que de persister dans certaines approches absurdes, comme de vouloir mesurer la productivit du mdecin par le nombre de patients examins, celle du professeur par le nombre de diplmes dlivrs : car cela revient implici- tement (et inconsciemment) exclure toute possibilit dune authentique progression de la productivit lie au contenu mme de lactivit exerce. Or il serait contraire toute vraisem- blance que des secteurs aussi volutifs puissent demeurer en marge du progrs de la socit, et certains indicateurs objectifs globaux (comme les gains desprance de vie) confirment sans ambigut quil nen est pas ainsi. De plus, la situation est loin dtre fige, et aucune activit tertiaire ne parat voue demeurer irrmdiablement lcart des gains de productivit. c) Lindustrialisation des services La rvolution informatique (les NTIC) a entran ce quon a appel l industrialisation des services, en ralit lindustrialisation de certains services, avec pour rsultat des gains de pro- ductivit mesurables parfois spectaculaires, mais qui ont donn lieu des gnralisations et prvisions abusives en matire de croissance. Une autre mutation de plus grande porte mrite de retenir lattention des responsables de la politique conomique : il sagit de limpli- cation croissante en sens inverse cette fois des activits de recherche et de services au sens
  27. 27. Fiche 8 Les enjeux du dveloppement dune conomie de service 20 large dans la gense et la diffusion des progrs de lindustrie, une implication multiforme et de plus en plus dcisive au point que les services sont dsormais au cur de linnovation industrielle. Il rsulte de ces complmentarits que la dlimitation sectorielle du secondaire et du tertiaire devient purement arbitraire, sinon caduque : les frontires sestompent, les services sont omniprsents dans la sphre productive comme dans la consommation finale. d) La complmentarit entre services et industries La tertiarisation des conomies avances nest pas synonyme dpuisement de linnovation, de productivit stagnante et de fin de la croissance. Mais de fin de la croissance conomique directement mesurable, sans doute, au moins au sens de croissance directement imputable un secteur dactivit donne (cest lenseignement le plus clair de tous les dbats autour du paradoxe de Solow : On voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de producti- vit ). Les complmentarits saffirment tous les niveaux. Dans la phase actuelle, limpor- tance croissante des activits de services pour lesquelles la productivit est impossible mesurer directement ne signifie pas que lon doive renoncer toute mesure globale de la pro- ductivit de lconomie dans son ensemble : aussi longtemps que les biens matriels demeurent une composante essentielle de la demande finale, leur croissance peut tre tenue pour repr- sentative de la contribution productive de toutes les branches de lconomie, y compris bien entendu les services. La diffusion des gains de productivit partir du secteur qui en est lori- gine caractrise plus que jamais la Nouvelle conomie et cette diffusion ne sarrte pas aux frontires : les innovations originaires des conomies avances font de plus en plus vite sentir leurs effets sur lindustrie des pays mergents. Cest l lun des facteurs du renforcement de la contrainte extrieure, qui reprsente, pour les conomies post-industrielles fortement tertiarises, la menace la plus directe de freinage de leur croissance globale. 4. LA FAIBLE CONTRIBUTION DES SERVICES AUX CHANGES INTERNATIONAUX a) Des reprsentations sur le dynamisme des services Il existe une conviction trs rpandue que les exportations franaises de services connaissent un essor sans prcdent . Cette vision sappuie notamment sur les bonnes performances de la France en ce domaine, qui se place souvent ces dernires annes au 2e rang mondial des exportateurs de services. On fait frquemment tat aussi de la part croissante des services avec lmergence trs visible de quelques multinationales dans le total mondial des investissements directs ltranger. Et surtout chacun pense la perce rcente des changes de services nouveaux, issus de la rvolution informatique, sadressant pour la plupart aux entreprises, et quelquefois aux particuliers. Encore faut-il garder prsentes lesprit la grande htrognit des changes de services et la dynamique trs contraste qui caractrise les principaux postes en moyenne et longue priodes : un jugement objectif ne saurait se fonder exclusivement sur la progression rapide de quelques services nouveaux souvent trs frap- pante, mais dont le poids relatif demeure encore assez faible (services dinformatiques et information) sans prendre en compte le comportement des services plus traditionnels comme les transports ou les services gouvernementaux (dpenses des ambassades et dpenses militaires ltranger). b) La faiblesse relative des exportations de services Limportance relative des exportations franaises de services que lon peut valuer en pro- portion du commerce extrieur de marchandises ou du produit du secteur tertiaire na pas cess de fluctuer depuis les annes 1950, mais sans trend nettement affirm. La part des exportations de services dans le total des exportations franaises oscille autour de 20 %. Le rapport des
  28. 28. Fiche 8 Les enjeux du dveloppement dune conomie de service 21 exportations de services la valeur ajoute totale du secteur tertiaire oscille, lui, autour de 8 % sur les vingt dernires annes. Lessor des changes internationaux de services a seulement accompagn lessor (rapide) du commerce extrieur de marchandises ce qui est dj beaucoup. Limpression souvent ressentie dun vritable envol rcent des exportations de services comporte une part dexagration. Lide reue selon laquelle lessentiel des services schangent peu (au plan international) reste globalement vraie : le taux douverture du secteur tertiaire (rapport des exportations de services la valeur ajoute sectorielle : 8,2 % en 2001) reste trs infrieur celui de lconomie nationale (rapport des exportations de biens et services au PIB : 26,2 % en moyenne pour la France entre 1998 et 2002). Il en rsulte un effet de structure le processus de tertiarisation long terme tend rduire, toutes choses gales dailleurs, cest--dire indpendamment des volutions au sein de chaque secteur, le taux douverture global des conomies nationales , qui constitue un dterminant important (en loccurrence, un facteur de freinage) de la dynamique douverture internationale. Le constat de limbrication des activits de services dans la dynamique des changes interna- tionaux de biens manufacturs mais aussi de produits primaires ( travers le transport et linnovation notamment) invite mettre au centre de lanalyse de linsertion dune conomie nationale dans les changes mondiaux la notion de comptitivit globale. Par cercles concen- triques, les services participent au dveloppement des changes (du transport qui facilite louverture manufacturire, aux services aux entreprises qui dynamisent lensemble des changes en passant par les activits de recherche qui orientent les spcialisations). Ds lors, le solde courant apparat plus que jamais central pour apprcier la comptitivit, comptitivit industrielle, comptitivit des services dsormais indissociablement lies.
  29. 29. 22 9 Adam Smith et la richesse des nations 1. APPROCHE MTHODOLOGIQUE ET CONCEPTS FONDAMENTAUX Lanalyse de Smith intgre les caractristiques du libralisme et apparat pleinement en phase avec la logique du capitalisme. Inspir notamment par Mandeville et Helvesius, Smith thorise de faon systmatique l en conomie. Il prend comme lment de base des indivi- dus gostes qui poursuivent leurs intrts personnels. Dans la sphre conomique la recherche par chacun de son intrt conduit par le jeu de la main invisible de la concurrence au bien- tre collectif : Ce nest pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bire et du boulanger que nous attendons notre dner mais bien du soin quils apportent leurs intrts. Nous ne nous adressons pas leur humanit mais leur gosme . Smith montre aussi que le prix permet dajuster les quantits offertes et les quantits demandes. Le march, lieu dchanges, est porteur dune harmonie collective et dune bonne allocation des ressources. Sur la question de la valeur Smith propose une double approche. Il aborde le thme par loffre en distinguant des biens non reproductibles (mtaux, uvres dart) dont la valeur rside dans la raret et des biens reproductibles dont la valeur est fonction de la quantit de travail quils intgrent. Smith appelle prix naturel le prix de production qui dpend de la quantit de travail incorpor dans le produit et prix de march celui qui rsulte du jeu de loffre et de la demande. Il est possible que le prix de march oscille autour du prix naturel. 2. DIVISION DU TRAVAIL ET EFFICACIT PRODUCTIVE La division du travail permet de raliser des gains de productivit. Smith prend lexemple de la production dpingles, qui ncessite, selon lui, dix-huit oprations distinctes. Il compare la production obtenue dans une manufacture de dix ouvriers o chacun se spcialise dans deux ou trois oprations celle qui serait obtenue en labsence de spcialisation : Ces dix ouvriers pouvaient faire entre eux plus de quarante-huit milliers dpingles dans une journe ; donc, chaque ouvrier, faisant un dixime de ce produit, peut tre considr comme donnant dans sa journe quatre mille huit cents pingles. Mais sils avaient travaill part et indpendamment les uns des autres, et sils navaient pas t faonns cette besogne particulire, chacun deux neut pas fait vingt pingles, peut-tre pas une seule dans sa jour- ne . Et Smith de gnraliser : Dans tout autre art et manufacture les effets de la division du travail sont les mmes () la division du travail amne un accroissement proportionnel dans la puissance productive du travail. () Cette grande augmentation dans la quantit douvrages quun mme nombre de bras est en tat de fournir, en consquence de la division du travail, est due trois caractristiques diffrentes : c premirement, un accroissement dhabilet chez chaque ouvrier individuellement ; Point clef Louvrage Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, publi en 1776, marque une tape importante dans lhistoire de lanalyse conomique. Smith sintresse la plupart des thmes conomiques de son temps avec comme l conducteur la croissance (la Richesse des nations). Smith fait certes la synthse dides avances par dautres avant lui (Mandeville, Helvesius, Hume) mais sa rigueur scientique le fait apparatre comme le premier classique aux yeux de Karl Marx. individualisme mthodologique
  30. 30. Fiche 9 Adam Smith et la richesse des nations 23 c deuximement, lpargne du temps qui se perd ordinairement quand on passe dune espce douvrage une autre ; c troisimement enfin linvention dun grand nombre de machines qui facilitent et abrgent le travail, et qui permettent un homme de remplir la tche de plusieurs. Smith met ici en avant limportance de lapprentissage, de lorganisation de la production et du en conomie. La division du travail est, selon lui, dautant plus pousse que la taille du march est grande. La possibilit de raliser ainsi des gains de productivit conduit une vision optimiste des perspectives de croissance. 3. LE RLE LIMIT DE LTAT Chez Smith, lanalyse de ltat est intgre aux mcanismes dune conomie de march. Ltat doit dabord exercer ses fonctions rgaliennes : c la dfense nationale ; c la justice et la police. De manire plus originale et analytique, Smith pense quil revient galement ltat de pren- dre en charge la fourniture de biens publics, de crer et de maintenir les institutions publi- ques et les difices et travaux publics qui, bien quils soient du plus haut degr dintrt pour la socit, sont dune nature telle que lobtention dun profit ne peut jamais couvrir les dpen- ses dun individu ou dun petit groupe dindividus, et quen consquence on ne peut satten- dre ce quils les installent ou les entretiennent. La ralisation de ce devoir ncessite des degrs diffrents des dpenses qui varient selon les stades de dveloppement des socits. En certaines circonstances linstauration de droits de douanes par ltat peut se justifier : c en prsence dindustries stratgiques pour la dfense nationale ; c pour compenser dventuelles taxes lexportation et rtablir une comptition quitable entre industries nationale et trangre. Pour financer ses fonctions, ltat doit lever des impts. Limpt doit, selon lui, tre fonction des capacits contributives des individus et/ou des bnfices quils retirent des dpenses publiques. Smith recommande une gestion quilibre des finances publiques. 4. LIBRE-CHANGE ET AVANTAGES ABSOLUS Alors que les politiques commerciales de son poque sont encore trs imprgnes des doctrines mercantilistes, Smith est, de manire gnrale, favorable au libre-change : si un pays tranger peut nous fournir une marchandise meilleur march que nous ne sommes en tat de ltablir nous-mme, il vaut mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre pro- pre industrie . Il tend la notion de division du travail au champ de lconomie internationale. Chaque pays doit, selon lui, se spcialiser dans les productions pour lesquelles, il dispose dun avantage absolu en termes de cot de production. Linsertion dans la division internationale du travail est bnfique ds lors quun pays dispose de lavantage dans au moins une production. Sa dmonstration des vertus du libre-change repose sur des hypothses restrictives : les facteurs de production sont parfaitement mobiles au plan national et immobiles au niveau international. Son approche exclut a priori des changes internationaux une nation sans avantage absolu. Repres chronologiques 1759 : publication par Smith de louvrage Thorie des sentiments moraux. 1760-1770 : dbut de la Rvolution industrielle anglaise. 1776 : publication par Smith de louvrage Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. progrs technique
  31. 31. 24 10 Lanalyse conomique de Ricardo 1. RICARDO THORICIEN DE LA VALEUR TRAVAIL Ricardo reprend la distinction de Smith entre valeur dusage et valeur dchange mais adhre la thorie de la valeur travail. La valeur des biens industriels reproductibles est fonde sur la quantit de travail quils incor- porent : La valeur des marchandises se trouve modifie, non seulement par le travail imm- diatement appliqu leur production, mais encore par le travail consacr aux outils, aux machines, aux btiments qui servent les crer . Cette approche constitue le cas gnral. Dans certains cas particuliers, la valeur des biens reproductibles peut avoir un caractre sub- jectif, du fait de la loi de loffre et la demande. Les biens non reproductibles, trs minoritaires selon David Ricardo (tableaux prcieux, sta- tues), ont une valeur fonde sur leur raret, elle dpend des gots et du caprice de ceux qui ont envie de possder de tels objets . Le prix naturel fond sur le travail constitue la valeur des choses, le prix courant peut osciller autour de ce prix naturel. Selon Ricardo, le salaire des ouvriers oscille autour de ce quil appelle le salaire de subsistance qui constitue un salaire minimum ncessaire la reproduction de la force de travail (nourriture, vtements). 2. RENTE DIFFRENTIELLE ET TAT STATIONNAIRE CHEZ RICARDO Lanalyse des rendements dcroissants des terres mises en culture conduit Ricardo raison- ner en termes diffrentiels, cest--dire la marge. Il annonce les ingnieurs et les marginalis- tes. Sa thorie de la rente diffrentielle consiste expliquer lorigine du prix des terres payes aux propritaires fonciers (le loyer) partir des rendements agricoles. Ce prix varie en fonction des diffrences de rendements entre les terres. titre dexemple, Ricardo considre trois terrains (identiques en termes de surface) produi- sant respectivement 100, 90 et 80 quintaux de crales. Le propritaire du terrain qui donne 90 quintaux avec la mme quantit de travail que celui qui donne 80 quintaux met la diffrence de 10 sur le compte de la qualit intrinsque de sa terre et rclame cette rente. Sous leffet de laugmentation de la population, il conviendra de mettre en culture de plus en plus de terres Les meilleures terres ont t mises en culture les premires et la loi des ren- dements dcroissants de la terre prvaut. La rente diffrentielle est condamne augmenter et la part du produit national consacre aux paiements des propritaires fonciers galement. Comme les salaris touchent des salaires de subsistance incompressibles et que leur nombre est croissant, la masse salariale augmente court terme proportionnellement la population. En consquence, les profits des entreprises sont lamins. long terme, le profit (ce qui reste Point clef David Ricardo (1772-1823) apparat comme le pre du raisonnement dductif en conomie. Il pratique le rai- sonnement diffrentiel. Il justie thoriquement le libre-change en avanant largument de la spcialisation sur la base des avantages comparatifs. Son analyse centre sur lagriculture le conduit tre trs pessimiste sur les perspectives de croissance.
  32. 32. Fiche 10 Lanalyse conomique de Ricardo 25 du produit brut lorsque lon a enlev les salaires et la rente) tend vers zro. Le stock de capital se stabilise : lconomie sinstalle dans ltat stationnaire. Ltat stationnaire est stable. Il peut tre modifi par le progrs technique qui peut amliorer la productivit agricole et louverture commerciale de lconomie. Via la baisse du prix des denres alimentaires et par consquent du salaire de subsistance, les importations de produits agricoles permettent un dplacement de lhorizon de ltat stationnaire. Au total, Ricardo apparat comme un classique pessimiste quant aux perspectives de croissance contrairement aux classiques franais comme Say et Bastiat qui concentrent leur attention sur lindustrie naissante (v. fiche 11). 3. LIBRE-CHANGE ET AVANTAGES COMPARATIFS son poque, David Ricardo prend position contre les corn laws (v. fiche 12) et se prononce en faveur dun libre-change gnralis auquel il apporte des fondements thoriques solides. Dans Principes dconomie politique et de limpt (1817), il fonde la spcialisation sur la notion davantage comparatif. Chaque nation a intrt se spcialiser dans la production pour laquelle elle dispose du plus grand avantage comparatif ou du plus petit dsavantage comparatif en termes de cots de production. Chacun peut trouver avantage une rallocation interne des facteurs vers les productions pour lesquelles le pays est naturellement le plus comptitif. Il y a rupture avec Adam Smith dans la mesure o chaque nation peut maintenant trouver une place dans le commerce international. Chez Smith, une nation sans aucun avantage absolu se trouvait exclue de lchange. Ricardo prolonge galement lanalyse de Smith en signalant les gains de bien-tre associ laccroissement du nombre de produits offerts aux consommateurs. Mais il y a continuit avec Smith dans la mesure o lon ne connat pas lorigine ultime de lavantage comparatif et de la spcialisation. Une approche technologique (une combinaison efficace des facteurs) semble derrire cet avantage en termes de cot de production, mais lon nen sait pas plus. La dfinition de la nation reste galement la mme (mobilit interne des facteurs de production, surtout du capital, immobilisme externe de ces mmes facteurs). Pendant plus dun sicle, la thorie ricardienne fait lobjet de critiques sans quaucune approche alter- native ne la supplante. Il faut attendre pour cela lentre-deux-guerres et lanalyse Heckscher- Ohlin-Samuelson (v. fiche 66). Repres chronologiques 1817 : publication de louvrage Principes dconomie politique et de limpt.
  33. 33. 26 11 La loi de Say 1. PRINCIPES ET HYPOTHSES DE LA LOI DE SAY La loi des dbouchs est nonce par lconomiste franais Jean-Baptiste Say dans son Trait dconomie politique publi en 1803. Elle tient en une affirmation clef : Les produits schan- gent contre des produits . Derrire cette proposition, il faut entendre que, lors du processus de production, les revenus distribus (salaires, profits, rentes) sont immdiatement rinjects dans le circuit et viennent constituer une demande. Le revenu est rparti entre consomma- tion (C) et pargne (S) sur la base du niveau du taux dintrt rel (r). La consommation constitue une demande et lpargne est immdiatement transforme en investissement (I). Cet investissement prend la forme de machines et constitue lui aussi une demande. La loi de Say ne relve pas dune simple galit comptable. Sous certaines hypothses, toute offre cre sa propre demande , il convient notamment que la monnaie soit neutre, cest-- dire ne constitue quun voile sur les changes. Chez Say, la monnaie na que deux fonctions (intermdiaire des changes et unit de compte). Elle nest pas dsire pour elle-mme (implicitement, il ne serait pas rationnel de conserver une pargne sous forme liquide puisque ce serait se priver du taux dintrt). Il peut arriver que le chef dentreprise offre des produits indsirables par le march. Dans ce cas le systme de prix (parfaitement flexible et vecteur dinformations non biais) doit rpon- dre en envoyant comme signal leffondrement des prix, ce qui conduit modifier les caract- ristiques des produits offerts. Point clef La loi de Say fonde lapproche conomique librale et constitue un rceptacle des grandes controverses macroconomiques contemporaines. La loi des dbouchs repose sur les hypothses de neutralit de la mon- naie et de exibilit des prix. Elle fonde lide que la ralisation de lquilibre macroconomique ne saurait rencontrer dobstacle du ct de la demande et implique la mise en uvre de politiques doffre. Offre production Salaires Profits Rentes C S Revenus r w/p Qmax March du travail Q r Qmax March des capitaux Q I Demande
  34. 34. Fiche 11 La loi de Say 27 2. PORTE DE LA LOI DE SAY Dans la tradition dun classicisme franais plutt ax sur lanalyse du dveloppement de lindustrie (Say, Bastiat), la loi de Say fonde un certain optimisme quant la possibilit pour une conomie de maintenir une croissance durable et soutenue. Au contraire, les classiques anglais dont lattention se concentre sur lagriculture (Malthus, Ricardo) et ses rendements dcroissants craignent ltat stationnaire (v. fiche 10). La loi de Say a fait lobjet de nombreuses critiques. Malthus et Sismondi au dbut du XIXe sicle ainsi que Marx un peu plus tard ont attir latten- tion sur la possibilit dune crise de sous-consommation lie une pargne excessive et la possibilit dune thsaurisation. Sismondi (1819) en particulier fait ressortir limportance de la demande. Une crise de surproduction peut entraner une rduction des prix et des revenus (en raison de la baisse de la demande de travail). La baisse des revenus entrane une baisse de la demande et de la production. Keynes apporte une contestation plus nette partir dune analyse montaire. Lincertitude consubstantielle la nature de lconomie conduit dsirer la monnaie pour elle-mme (pour lessentiel au motif de spculation du fait des possibles variations du taux dintrt : la dten- tion dencaisses liquides est prfrable la dtention de titres en cas de hausse des taux). On comprend ds lors que toute offre ne peut plus crer sa propre demande : une partie des reve- nus distribus lors du processus de production est conserve sous forme de liquidit. Si court terme la validit de la loi de Say parat, sans conteste, devoir tre rejete en raison de la force mme des hypothses ci-dessus, long terme une fois les ajustements oprs ne deviendrait-elle pas valide ? 3. IMPLICATIONS NORMATIVES Dans la mesure o la ralisation de lquilibre macroconomique ne rencontre pas de pro- blme du ct de la demande, la loi des dbouchs permet de justifier la mise en uvre de politiques doffre. Il convient de librer linitiative individuelle, favoriser loffre de travail et les comportements dpargne. Dans cette perspective, il est souhaitable de libraliser le fonc- tionnement des marchs dinputs (travail et capital) afin dengager les quantits maximales de facteurs dans la production. Les pouvoirs publics doivent veiller au laisser faire , au respect de la concurrence la plus pure, veiller ce que le moins de distorsions possibles napparaissent sur les marchs. Repres chronologiques 1803 : publication par J.-B. Say de louvrage Trait dconomie politique.
  35. 35. 28 12 Les termes du dbat sur les Corn Laws 1. LHRITAGE PROTECTIONNISTE, PRIVILGE DE LARISTOCRATIE FONCIRE a) Une pratique ancienne Des corn laws existent en Angleterre ds 1436, elles autorisent alors lexportation de crales uniquement si les prix locaux tombent en de dun certain seuil. Des lois plus ou moins rigoureuses perdurent jusquau XVIIIe sicle exprimant la fois le pouvoir de laristocratie foncire et la force de la doctrine mercantiliste. En 1791, une loi interdit limportation de bl tant que son prix intrieur reste infrieur 54 shillings le quarter (soit lquivalent de 291 litres de bl). Ce barme est port 66 shillings en 1804. Par la suite, en raison de la fin des guerres napoloniennes, laristocratie foncire anglaise doit faire face une baisse de ses revenus agricoles. Toujours dominante au Parlement, elle obtient en 1815 le vote dune nou- velle lvation du barme : la libre importation des bls nest maintenant possible que si le prix du quarter dpasse 80 shillings. Un tel prix est particulirement lev, il est voisin dun prix de famine. b) Vue densemble du dbat Dans ce contexte dlvation des prix, avec en arrire-plan la symbolique du prix du pain, ces corn laws font lobjet dun dbat pendant prs de trente ans. La controverse met dabord en prsence les plus grands conomistes de lpoque. Ricardo (1772-1823) apparat comme le chef de file des partisans de labolition des lois. Son argumentaire est dabord analytique : le libre-change loigne lhorizon de ltat stationnaire. Malthus (1766-1834) est le principal dfenseur des corn laws, il avance des arguments de nature un peu plus politique, mais pas seulement. Ce dbat traverse ensuite toute la socit anglaise et structure la vie politique du XIXe sicle. Lpisode illustre rtrospectivement le fait que la politique commerciale dune nation dpend des rapports de force entre les diffrentes composantes de la socit, essentiellement lpo- que, pour caricaturer, les intrts agrariens face aux intrts industriels avec comme arbi- tre un gouvernement dont les recettes douanires constituent environ 45 % des rentres budgtaires au seuil des annes 1840. 2. LES TERMES DU DBAT CONOMIQUE Au cours de la dcennie 1810-1820, les conomistes semparent de la question des bls. Parti- sans et adversaires des corn laws saffrontent dans un dbat qui traduit une monte en puis- sance de lexpertise conomique et marque lhistoire de lanalyse conomique par sa densit. Point clef Les Corn Laws (lois sur les bls) sont lorigine dune controverse dans lAngleterre de la premire moiti du XIXe sicle sur les avantages et les inconvnients du protectionnisme agricole. Ricardo et Malthus posent alors lessentiel de largumentaire contemporain sur la politique commerciale. Ce dbat traverse la socit anglaise et structure la vie politique. Lpisode montre que la politique commerciale dune nation est notamment le produit des rapports de forces entre groupes sociaux.
  36. 36. Fiche 12 Les termes du dbat sur les Corn Laws 29 a) Les arguments ricardiens : baisse du prix du bl et des salaires, restauration des prots et loignement de lhorizon de ltat stationnaire D. Ricardo, appuy notamment par E. West, T. Tooke et R. Torrens, recommande labrogation des corn laws. Plusieurs arguments sont mis en avant. Le bl reprsente, selon Ricardo, une composante importante de la consommation des tra- vailleurs. La hausse du prix du bl pse ainsi sur les salaires qui oscillent autour de leur niveau de subsistance et tend diminuer les profits. En 1817 dans les Principes dconomie politique et de limpt, Ricardo affirme : si, au lieu de cultiver notre propre bl ou de fabriquer les vtements ou les autres biens ncessaires aux travailleurs, nous dcouvrons un nouveau mar- ch qui nous fournit ces marchandises meilleur compte, les salaires diminueront et les pro- fits augmenteront . En ce sens, le libre-change travers la baisse des prix des denres alimentaires permettrait de restaurer les profits et dloigner lhorizon de ltat stationnaire auquel lconomie anglaise lui semble condamne du fait des rendements dcroissants et de la rente diffrentielle de la terre. Selon Ricardo et James Mill (pre de John Stuart), la mise en place dun march cralier mondial permettrait de lisser les fluctuations des prix du bl. Les prix anglais seraient moins sensibles aux alas climatiques locaux. Les dsquilibres se compenseraient lchelle inter- nationale. La suppression des corn laws est une mesure dquit sociale, le bas prix du pain profiterait tous. Pour Ricardo et plus tard pour John Stuart Mill (1827) lintrt des propritaires fon- ciers ne doit pas passer avant celui de la nation. b) Les arguments de Malthus : indpendance alimentaire et stabilit sociale T. Malthus apparat comme la figure de proue des dfenseurs des corn laws, il est appuy par des auteurs moins connus comme W. Jacob et W. Spence. Dans ses Observations sur les effets des lois sur les bls (1814), Malthus conteste le lien entre prix du bl et prix du travail, la consommation de bl nest quune composante mineure des achats des salaris : le prix du bl ne rgle pas immdiatement ni gnralement les prix du travail et de toutes autres marchandises . Il fait par ailleurs observer que des situations de pauvret et de famine apparaissent parfois dans des pays o les prix du bl sont trs bas. Le lien entre baisse des prix du bl et augmentation des profits ne lui semble pas tabli. Malthus met ensuite en avant limportance de la scurit des approvisionnements en denres et lintrt de lindpendance alimentaire nationale. Lpisode du blocus a rappel la ralit de ce risque mme si, grce sa domination maritime, lAngleterre sest alors appuye sur son empire colonial et a dvelopp ses relations commerciales avec les tats-Unis et les pays neutres. Enfin le maintien des corn laws se justifie au nom de la stabilit sectorielle et sociale de lco- nomie. Il existerait, selon Malthus, une proportion naturelle entre activits agricoles et indus- trielles. Il soppose lide ricardienne dune division internationale du travail et dune spcialisation sur la base davantages comparatifs en termes de cots de production qui impli- quent le sacrifice de certains secteurs de lconomie. 3. LES CORN LAWS : UN DBAT DE SOCIT a) Le mcontentement des industriels Demble, ds 1815, llvation du barme suscite des mcontentements : lors du vote, le peu- ple manifeste devant les Chambres qui doivent tre dfendues par la troupe. Les industriels sont, eux aussi, mcontents. Ils souhaiteraient ltablissement dun libre-change gnralis en Europe afin de souvrir les marchs continentaux. La baisse du prix des denres alimentaires
  37. 37. Fiche 12 Les termes du dbat sur les Corn Laws 30 permettrait alors une rduction des cots de production travers la baisse des salaires. Par ailleurs, laugmentation des quantits produire pour lexportation autoriserait une plus grande mcanisation de la production. Les industriels vont ds lors sopposer aux Lan- dlords en rclamant la suppression de cette loi. Laudience des abolitionnistes grandit pro- gressivement mesure que le poids de lindustrie progresse au sein de lconomie anglaise. Selon les estimations de Paul Bairoch en 1810, la part de lagriculture dans le PNB tait sup- rieure de 70 % celle de lindustrie mais, en 1840, lindustrie dpasse dj lagriculture de 60 %. Ds 1820, une ptition des marchands contre les corn laws est remise la Chambre des Communes, rassemble linitiative de lconomiste Thomas Tooke et avec le soutien offi- cieux du Political Economy Club de Ricardo. Ce dernier meurt en 1823, mais le poids et laudience des industriels continuent de grandir mesure que le pays se dveloppe. Les indus- triels sont rejoints par des propritaires fonciers clairs qui parfois ont diversifi leurs activi- ts en investissant dans des affaires industrielles et commerciales. En 1828, linstauration de lchelle mobile des droits de douanes assouplit de facto les corn laws. En 1832, la rforme lectorale amliore la reprsentation politique des industriels en redistribuant les siges et en doublant le corps lectoral qui passe 800 000 votants. b) Lamplication du mouvement anti-corn laws autour de la ligue de Manchester entre 1838 et 1846 En 1838, une association de patrons est cre Manchester, anime par John Bright et sur- tout Richard Cobden. Cette ligue de Manchester va alors faire cole. Un an plus tard, la National Anti-Corn Law League (ligue contre les lois cralires) est cre sous forme de fdrations dassociations locales. Le groupe de pression est trs actif, distribue des brochures, organise des confrences (800 pour la seule anne 1840), rassemble des ptitions. En 1843 The Economist nouvel hebdomadaire appuie les tenants du libre-change en uti- lisant notamment des arguments sociaux : la suppression des corn laws permettrait la baisse du prix du pain et du cot de la vie, le sort des classes moyennes et des ouvriers devrait de la sorte tre amlior. Le mouvement qui cristallise par ailleurs divers mcontentements et conteste les privilges tablis voit sa popularit grandir. Le parti Tory de Robert Peel est de plus en plus sensible aux thses libre-changistes. En 1842, la politique commerciale anglaise connat une inflexion, le Premier ministre Peel rduit de faon substantielle les droits de douanes et annule linterdiction dexporter des machines en vigueur depuis 1774. Mais les corn laws ne sont pas rellement modifies. Il faut attendre les dsastreuses pluies de 1845 et la mauvaise rcolte de pommes de terre en Irlande pour forcer labrogation des corn laws le 15 mai 1846. Selon la formule de lcrivain Morlay (1882) It was the rain that rained away the corn laws (cest la pluie qui emporta les corn laws). La Grande-Bretagne parat sacrifier son agriculture sur lautel de la division inter- nationale du travail. 4. LES CONSQUENCES DE LABOLITION DES CORN LAWS ET DE LA MISE EN UVRE DUNE POLITIQUE DE LIBRE-CHANGE PAR LA GRANDE-BRETAGNE a) Une dpendance alimentaire croissante Labolition des lois sur les bls sinscrit dans un vaste ensemble de mesures de libralisation des changes commerciaux (suppression des actes de navigation en 1849, abrogation de nom- breuses taxes douanires entre 1846 et 1852). De manire unilatrale, la Grande-Bretagne
  38. 38. Fiche 12 Les termes du dbat sur les Corn Laws 31 adopte une politique commerciale qui peut tre qualifie de vritablement libre-changiste, elle reste en vigueur jusquau seuil des annes 1930. Quelles en sont les consquences ? En ce qui concerne lagriculture, la production nationale de bl ne sest pas effondre la suite du dmantlement des corn laws : entre la priode 1831-41 et la priode 1849-1859 elle flchit dun peu moins de 15 %. Les prix du bl fluctuent sur la priode 1850-1878 entre 46 et 70 shillings le quarter mais aucune baisse tendancielle et substantielle ne peut tre identi- fie selon A. Clment (2004). Lagriculture anglaise opre une reconversion vers llevage qui lui permet de connatre une priode faste jusquau seuil des annes 1870. Nanmoins les importations de bl progressent et le taux de dpendance alimentaire saccrot durablement : les importations reprsentent 13 % de la consommation de bl entre 1830 et 1850, elles atteignent 48 % entre 1868 et 1875 enfin prs de 75 % entre 1905 et 1909. Cette dpendance alimentaire croissante jusque dans la premire moiti du XXe sicle impose la Grande-Bretagne de prserver la scurit et la rgularit des approvisionnements par le maintien dune domination maritime. b) Le renforcement de la domination commerciale britannique Plus largement la stratgie libre-changiste anglaise semble constituer un succs. Le dmant- lement tarifaire permet lAngleterre de souvrir des marchs extrieurs en pleine expansion. Les grandes puissances europennes consentent en effet des mesures dassouplissement de leur politique commerciale linstar de la France qui, ds le dbut des annes 1850, abaisse le niveau moyen de ses droits de douanes. Comme prvu, lavance technique britannique lui permet damliorer ses positions commerciales. Lessor des exportations tait dj rapide dans les 10 15 ans prcdents (environ 5 % lan) et la tendance sacclre encore aprs 1846. De 1843-1847 1857-1861,