MAT311, Cours 7 : Espaces de...

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MAT311, Cours 7 : Espaces de Hilbert 1 §1. eom ´ etrie et analyse 1.1. Forme bilin ´ eaire et produit scalaire efinition 1.1. Soit E un R-espace vectoriel. Une application , ·i : E × E R est une forme bilin ´ eaire si toutes les applica- tions partielles x 7→hx, yi et y 7→hx, yi sont lin ´ eaires. (i) Elle est sym ´ etrique si hx, yi = hy , xi pour tous x, y E . (ii) Elle est d ´ efinie positive si hx, xi > 0 pour tout x E et si (hx, xi = 0 x = 0) . (iii) Un produit scalaire est une forme bilin ´ eaire, sym ´ etrique, efinie, positive. Rappel : un produit scalaire sur un R-espace vectoriel de dimension finie, peut toujours s’ ´ ecrire sous la forme hx, yi := N j=1 x j y j ,o` u (x 1 ,..., x N ) sont les coordonn ´ ees de x dans une base adapt ´ ee. Quand la base en question est la base canonique sur R d , on parle de produit scalaire standard ou canonique. 1.2. Exemples de produits scalaires r´ eels Exemples. 1. Sur M N (R), on peut d´ efinir le produit scalaire hA, Bi := Trace (AB t ). 2. Sur 2 (N; R)= {eries x = nN x n de carr ´ e sommable, i.e. telles que n=0 | x n 2 |< +}, on peut d´ efinir le produit scalaire hx, yi 2 := nN x n y n . 3. Pour tout ouvert non vide Ω R N , on peut d´ efinir sur L 2 (Ω; R) le produit scalaire h f , gi L 2 := Z Ω f (x) g(x) dx. 1.3. Applications anti-lin ´ eaires et formes sesquilin ´ eaires efinition 1.2. Soient E et F , deux C-espaces vectoriels. Une ap- plication L : E F est dite anti-lin ´ eaire si λ, μ C et x, y E L(λx + μy)= ¯ λ L(x)+ ¯ μL(y). efinition 1.3. Une application , ·i : E × E C est une forme sesquilin ´ eaire si l’application lin ´ eaire partielle x 7→hx, yi est lin ´ eaire et si l’autre y 7→hx, yi est anti-lin ´ eaire. (i) Elle est dite sym ´ etrique hermitienne si hx, yi = hy , xi pour tous x, y E . Si tel est le cas, hx, xi∈ R pour tout x E . (ii) Elle est dite d´ efinie positive si hx, xi > 0 pour tout x E et si (hx, xi = 0 x = 0). (iii) Un produit (scalaire) hermitien est une forme sesquilin ´ eaire, sym ´ etrique hermitienne, d ´ efinie, positive. 1.4. Exemples 1. Sur C N , on peut d ´ efinir le produit (scalaire) hermitien canon- ique ou standard : hx, yi := N j=1 x j ¯ y j . En fait, un produit her- mitien sur un C-espace vectoriel de dimension finie peut tou- jours s’ ´ ecrire sous la forme hx, yi = N j=1 x j ¯ y j o` u (x 1 ,..., x N ) sont les coordonn ´ ees de x dans une base adapt ´ ee. 2. Sur M N (C), on peut d´ efinir le produit (scalaire) hermitien : hA, Bi = Trace (A B t ). 3. Sur 2 (N; C), on peut d´ efinir le produit (scalaire) hermitien : hx, yi 2 = nN x n y n . 4. Pour tout ouvert non vide Ω R N , on peut efinir sur L 2 (Ω; C), le produit (scalaire) hermitien = h f , gi L 2 Z Ω f (x) g(x) dx. 1.5. In´ egalit ´ e de Cauchy-Schwarz Proposition 1.1 (in ´ egalit ´ e de Cauchy-Schwarz). Soit , ·i un pro- duit hermitien sur E . Alors, pour tous x, y E , on a : |hx, yi| 6 p hx, xi p hy , yi, avec ´ egalit ´ e si, et seulement si, la famille {x, y} est li ´ ee. Preuve. Pour tous x, y E et tout t R, on peut ´ ecrire : hx - ty , x - tyi = hx, xi- t hx, yi- t hy , xi + t 2 hy , yi = hx, xi- 2t hx, yi + t 2 hy , yi > 0. Le discriminant de ce polyn ˆ ome est egatif ou nul, et par cons ´ equent |hx, yi| 6 p hx, xi p hy , yi. Pour conclure, on remarque que |z| = sup sR (e is z) pour tout z C. 1.6. Norme pr ´ ehilbertienne efinition 1.4. Soit , ·i un produit scalaire hermitien sur E . On efinit sur E la norme associ ´ ee ` a , ·i par kxk := p hx, xi. Justification. Pour tous x, y E , gr ˆ ace ` a l’in ´ egalit ´ e de Cauchy- Schwarz, on a : kx + yk 2 = kxk 2 + 2hx, yi + kyk 2 6 kxk 2 + 2 kxkkyk + kyk 2 6 (kxk + kyk) 2 , ce qui d´ emontre l’in ´ egalit ´ e triangulaire. Les autres axiomes de norme sont faciles ` av´ erifer. 1 Bertrand R ´ emy ( ´ Ecole polytechnique). Palaiseau, 8 juin 2016. 1

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MAT311, Cours 7 : Espaces de Hilbert 1

§1. Geometrie et analyse

1.1. Forme bilineaire et produit scalaire

Definition 1.1. Soit E un R-espace vectoriel. Une application〈·, ·〉 : E ×E → R est une forme bilineaire si toutes les applica-tions partielles x 7→ 〈x,y〉 et y 7→ 〈x,y〉 sont lineaires.

(i) Elle est symetrique si 〈x,y〉= 〈y,x〉 pour tous x,y ∈ E.

(ii) Elle est definie positive si

〈x,x〉> 0 pour tout x ∈ E et si (〈x,x〉= 0 ⇔ x = 0) .

(iii) Un produit scalaire est une forme bilineaire, symetrique,definie, positive.

Rappel : un produit scalaire sur un R-espace vectoriel dedimension finie, peut toujours s’ecrire sous la forme 〈x,y〉 :=∑

Nj=1 x j y j, ou (x1, . . . ,xN) sont les coordonnees de x dans une base

adaptee. Quand la base en question est la base canonique sur Rd ,on parle de produit scalaire standard ou canonique.

1.2. Exemples de produits scalaires reels Exemples.

1. Sur MN(R), on peut definir le produit scalaire 〈A,B〉 :=Trace(ABt).

2. Sur `2(N;R) = series x = ∑n∈N xn de carre sommable, i.e.

telles que∞

∑n=0|xn

2 |<+∞, on peut definir le produit scalaire

〈x,y〉`2 := ∑n∈N

xn yn.

3. Pour tout ouvert non vide Ω ⊂ RN , on peut definir sur

L2(Ω;R) le produit scalaire 〈 f ,g〉L2 :=∫

Ω

f (x)g(x)dx.

1.3. Applications anti-lineaires et formes sesquilineaires

Definition 1.2. Soient E et F , deux C-espaces vectoriels. Une ap-plication L : E→ F est dite anti-lineaire si

∀λ,µ ∈ C et ∀x,y ∈ E L(λx+µy) = λL(x)+ µL(y).

Definition 1.3. Une application 〈·, ·〉 : E ×E → C est une formesesquilineaire si l’application lineaire partielle x 7→ 〈x,y〉 est lineaireet si l’autre y 7→ 〈x,y〉 est anti-lineaire.

(i) Elle est dite symetrique hermitienne si 〈x,y〉 = 〈y,x〉 pourtous x,y ∈ E. Si tel est le cas, 〈x,x〉 ∈ R pour tout x ∈ E.

(ii) Elle est dite definie positive si〈x,x〉> 0 pour tout x ∈ E et si (〈x,x〉= 0 ⇔ x = 0).

(iii) Un produit (scalaire) hermitien est une forme sesquilineaire,symetrique hermitienne, definie, positive.

1.4. Exemples

1. Sur CN , on peut definir le produit (scalaire) hermitien canon-

ique ou standard : 〈x,y〉 :=N

∑j=1

x j y j. En fait, un produit her-

mitien sur un C-espace vectoriel de dimension finie peut tou-

jours s’ecrire sous la forme 〈x,y〉 =N

∑j=1

x j y j ou (x1, . . . ,xN)

sont les coordonnees de x dans une base adaptee.

2. Sur MN(C), on peut definir le produit (scalaire) hermitien :〈A,B〉= Trace(ABt

).

3. Sur `2(N;C), on peut definir le produit (scalaire) hermitien :〈x,y〉`2 = ∑

n∈Nxn yn.

4. Pour tout ouvert non vide Ω ⊂ RN , on peutdefinir sur L2(Ω;C), le produit (scalaire) hermitien =

〈 f ,g〉L2

∫Ω

f (x)g(x)dx.

1.5. Inegalite de Cauchy-Schwarz

Proposition 1.1 (inegalite de Cauchy-Schwarz). Soit 〈·, ·〉 un pro-duit hermitien sur E. Alors, pour tous x,y ∈ E, on a :

|〈x,y〉| 6√〈x,x〉

√〈y,y〉,

avec egalite si, et seulement si, la famille x,y est liee.

Preuve. Pour tous x,y ∈ E et tout t ∈ R, on peut ecrire :

〈x− ty,x− ty〉 = 〈x,x〉− t 〈x,y〉− t 〈y,x〉+ t2 〈y,y〉= 〈x,x〉−2t ℜ〈x,y〉+ t2 〈y,y〉> 0.

Le discriminant de ce polynome est negatif ou nul, et parconsequent

|ℜ〈x,y〉|6√〈x,x〉

√〈y,y〉.

Pour conclure, on remarque que |z| = sups∈R ℜ(eis z) pour toutz ∈ C.

1.6. Norme prehilbertienne

Definition 1.4. Soit 〈·, ·〉 un produit scalaire hermitien sur E. Ondefinit sur E la norme associee a 〈·, ·〉 par

‖x‖ :=√〈x,x〉.

Justification. Pour tous x,y ∈ E, grace a l’inegalite de Cauchy-Schwarz, on a :

‖x+ y‖2 = ‖x‖2 +2ℜ〈x,y〉+‖y‖2

6 ‖x‖2 +2‖x‖‖y‖+‖y‖2

6 (‖x‖+‖y‖)2 ,

ce qui demontre l’inegalite triangulaire. Les autres axiomes denorme sont faciles a verifer.

1Bertrand Remy (Ecole polytechnique). Palaiseau, 8 juin 2016.

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1.7. Espace prehilbertien

Definition 1.5. On appelle espace prehilbertien un C-espace vec-toriel muni d’un produit hermitien 〈·, ·〉 et de la norme associee ‖ ·‖.Un espace prehilbertien peut etre muni d’une structure d’espacemetrique pour la distance

d(x,y) := ‖x− y‖.

Proposition 1.2. Soit E un C-espace vectoriel prehilbertien etsoient x,y ∈ E. Alors on dispose des enonces suivants.

(i) Theoreme de Pythagore : ℜ〈x,y〉= 0 ⇔ ‖x+y‖2 = ‖x‖2+‖y‖2.

(ii) Identite du parallelogramme : ‖x + y‖2 + ‖x − y‖2 =2(‖x‖2 +‖y‖2

).

(iii) Formule de polarisation : 〈x,y〉 = ‖x+ y‖2−‖x− y‖2

4+

i(‖x+ iy‖2−‖x− iy‖2

4).

1.8. Vecteurs orthogonaux et perpendiculaires Attention: dans un C-espace vectoriel prehilbertien, l’egalite

‖x+ y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2

n’entraıne pas forcement 〈x,y〉= 0, mais simplement ℜ〈x,y〉= 0.

Definition 1.6. On dit que x et y sont orthogonaux si 〈x,y〉= 0 eton dit que x et y sont perpendiculaires si ℜ〈x,y〉= 0.

Remarque : dans le cas des espaces prehilbertiens reelsces deux notions coıncident, mais dans un C-espace vectorielprehilbertien, x et ix sont perpendiculaires puisque

〈x, i x〉=−i〈x,x〉, et donc ℜ〈x, i x〉= 0.

1.9. Espaces de Hilbert

Definition 1.7. On dit qu’un espace prehilbertien H, muni de lanorme ‖ · ‖ associee au produit hermitien 〈·, ·〉, est un espace deHilbert si (H,‖ · ‖) est un espace vectoriel norme complet.

Par definition, un espace de Hilbert est donc un espace de Ba-nach.

Exemples.

1. L’espace CN , muni du produit hermitien 〈x,y〉 := ∑Nj=1 x j y j,

est un espace de Hilbert. Plus generalement, tout espaceprehilbertien de dimension finie est un espace de Hilbert.

2. Tout sous-espace vectoriel ferme d’un espace de Hilbertest lui-meme un espace de Hilbert (muni de la restriction duproduit hermitien).

Attention : dans les espaces vectoriels normes de dimensioninfinie, il existe des sous-espaces qui ne sont pas fermes (typique-ment : des espaces de suites ou de fonctions a support fini ou com-pact, dans des espaces definis par une condition de sommabilite oud’integrabilite).

1.10. Exemples et non-exemples d’espaces de Hilbert Non-exemple : Si N > 2 et p > 1 l’espace CN , muni de la norme

‖x‖p :=( N

∑j=1|x j|p

)1/p, est un espace de Banach ; mais ce n’est

pas un espace de Hilbert des que p 6= 2 .

En effet, prenons x = (1,0, . . . ,0) et y = (0,1, . . . ,0). Alors‖x+ y‖2

p + ‖x− y‖2p = 222/p et 2

(‖x‖2

p +‖y‖2p)= 4. L’egalite du

parallelogramme est donc verifiee seulement quand p = 2.

Exemple : l’espace `2(N;C) des suites complexes x :=(xn)n>0telles que

∑n∈N|xn|2 <+∞,

muni du produit hermitien 〈x,y〉`2 := ∑n∈N

xn yn, est un espace de

Hilbert.

1.11. Espaces de Hilbert de fonctions de carre sommable Ex-emple : pour tout ouvert non vide Ω⊂RN , l’espace L2(Ω;C) munidu produit hermitien

〈 f ,g〉L2 :=∫

Ω

f (x)g(x)dx,

est un espace de Hilbert.

Remarque : par le cours precedent Cc(Ω;C) est un sous-espace dense dans L2(Ω;C) ; il n’est donc pas un sous-espaceferme de L2(Ω;C) puisqu’il en est distinct.

Exemple : soit Ω un ouvert borne non vide. On note L20(Ω;C)

l’espace des fonctions de L2(Ω;C) qui sont de moyenne nulle i.e.

f ∈ L20(Ω;C) si f ∈ L2(Ω;C) et si

∫Ω

f (x)dx = 0.

Alors, L20(Ω;C) est un sous-espace ferme de L2(Ω;C) et en

particulier, L20(Ω;C), muni du produit hermitien 〈·, ·〉L2 est un es-

pace de Hilbert.

1.12. Espaces de Hilbert de fonctions de carre sommable,preuve Preuve. L’inegalite de Cauchy-Schwarz implique :

∣∣∣∣∫Ω

f (t)dt∣∣∣∣ 6 |Ω|1/2

(∫Ω

| f (t)|2 dt)1/2

= |Ω|1/2 ‖ f‖L2(Ω).

En particulier, l’application

L2(Ω;C) 3 f 7→∫

Ω

f (t)dt ∈ C,

est bien definie, lineaire et elle est lipschitzienne, donc elle estcontinue. L’espace L2

0(Ω;C) est donc un ferme au titre d’imagereciproque du ferme 0 par une application continue.

Remarque : dans la situation precedente, on peut aussivoir L2

0(Ω;C) comme l’orthogonal des (classes de) fonctions con-stantes. Si au contraire Ω est de mesure de Lebesgue infinie, lesfonctions constantes ne sont pas de carre integrable.

2

1.13. Isomorphismes d’espaces de Hilbert

Definition 1.8. Soient H1,H2 des espaces de Hilbert et soit L :H1 → H2 une application lineaire. On dit que L est un isomor-phisme d’espaces de Hilbert si les deux proprietes suivantes sontverifiees :

(i) l’application L est bijective.

(ii) l’application L est une isometrie, i.e. ‖L(x)‖H2 = ‖x‖H1 pourtout x ∈ H1.

Exemple : l’application S : `2(N;C) → `2(N;C) (dite de〈〈decalage〉〉 ) definie par

S((x0,x1,x2, . . . ,xn, . . .)

)= (0,x0,x1,x2, . . . ,xn−1, . . .),

preserve la norme, mais n’est pas un isomorphisme d’espaces deHilbert (car elle n’est pas surjective).

1.14. Orthogonalite

Definition 1.9. Soit H un espace de Hilbert et 〈·, ·〉 le produit her-mitien sur H. Si F est un sous-espace vectoriel de H, on definit l’orthogonal de F par

F⊥ :=

x ∈ H : ∀y ∈ F, 〈x,y〉= 0.

Proposition 1.3. Soit F un sous-espace vectoriel de H, alors :

(i) le sous-espace vectoriel F⊥ est ferme ;

(ii) si G est un sous-espace vectoriel et si G ⊂ F , alors F⊥ ⊂G⊥ ;

(iii) on a : F⊥ = (F)⊥.

1.15. Proprietes de l’orthogonal, preuve Preuve. Soit (xn)n>0

une suite de F⊥ qui converge vers x ∈ H. Alors, pour tout y ∈ Fl’inegalite de Cauchy-Schwarz appliquee a 〈x−xn,y〉 implique qu’ona :

0 = limn→+∞

〈xn,y〉= 〈x,y〉,

donc x ∈ F⊥.

On a F ⊂ F , donc (F)⊥ ⊂ F⊥. Inversement, soient x ∈ F⊥ ety ∈ F . Il existe (yn)n>0 une suite de F telle que

y = limn→+∞

yn.

Alors〈x,y〉= lim

n→+∞〈x,yn〉= 0.

Donc x ∈ (F)⊥.

1.16. Dual d’un espace de Hilbert

Definition 1.10. L’espace vectoriel H ′ := L(H;C) des formeslineaires continues definies sur H est appele le dual topologiquede H (pour le distinguer de l’espace de toutes les formes lineairesL(H;C)).

L’espace H ′, muni de la norme definie par ‖u‖H ′ :=sup‖x‖61 |u(x)|, est un espace de Banach (consequence d’unresultat plus general vu dans le cours sur la completude). On verra :

Proposition 1.4. Le dual topologique d’un espace de Hilbert estnaturellement un espace de Hilbert.

Remarque : ce qu’il reste a voir est le fait que la norme ci-dessus est associee a un produit scalaire hermitien ; ce sera uneconsequence du theoreme de representation de Riesz.

§2. Projections et representations

2.1. Parties convexes dans un evn

Definition 2.1. On dit qu’un sous-ensemble C d’un espace vecto-riel E est convexe s’il est stable par prise de combinaison convexe,i.e. si

∀x,y ∈C, ∀t ∈ [0,1], t x+(1− t)y ∈C.

On note [x,y] :=

t x+(1− t)y : t ∈ [0,1]

l’intervalle d’extremitesx et y.

On va maintenant combiner les proprietes geometriques(raisonnnements 〈〈euclidiens en dimension infinie〉〉 ) et les pro-prietes analytiques (notamment la completude) des espaces deHilbert afin de prouver un important resultat de projection sur lesconvexes.

La preuve est instructive car illustre bien cette combinaison. Leresultat est important car c’est (entre autres) un enonce d’existence(et d’unicite et caracterisation metrique).

2.2. Theoreme de la projection sur un convexe ferme

Theoreme 2.1 (projection sur un convexe ferme). Soit H un espacede Hilbert et C un sous-ensemble convexe ferme de H. Pour toutx ∈ H, il existe un unique y ∈C tel que

‖x− y‖= d(x,C) := infz∈C‖x− z‖.

Si x ∈C alors y = x ; si x /∈C, alors y est caracterise par

ℜ〈x− y,z− y〉6 0, ∀z ∈C.

2.3. Theoreme de la projection sur un convexe ferme, preuvePreuve. Existence. Soit (yn)n>0 une suite minimisante , i.e.yn ∈C et

limn→+∞

‖x− yn‖= d(x,C).

Utilisons l’egalite du parallelogramme

‖a+b‖2 +‖a−b‖2 = 2(‖a‖2 +‖b‖2) .

avec a = x− ym et b = x− yn. On trouve

‖2x− yn− ym‖2 +‖yn− ym‖2 = 2(‖x− ym‖2 +‖x− yn‖2).

Donc

‖yn− ym‖2 = 2(‖x− ym‖2 +‖x− ym‖2)−4∥∥∥∥x− yn + ym

2

∥∥∥∥2

6 2(‖x− ym‖2 +‖x− yn‖2)−4d(x,C)2.

3

Ainsi (yn)n>0 est une suite de Cauchy dans H (qui est complet) ;elle converge donc, disons vers y ∈ H, et comme C est ferme on ay ∈C.

2.4. Theoreme de la projection sur un convexe ferme, preuve(fin) Unicite. Si ‖x− y1‖= ‖x− y2‖= d(x,C), on peut ecrire

‖y1− y2‖2 = 2(‖y1− x‖2 +‖y2− x‖2

)−4

∥∥x− y1+y22

∥∥2

6 4d(x,C)2−4d(x,C)2 = 0,

donc y1 = y2.

Caracterisation. Soit z ∈C et y ∈C tels que ‖x−y‖= d(x,C).L’ensemble C est convexe, donc [y,z]⊂C. On a

d(x,C)2 6 ‖x− zt‖2 = ‖x− y‖2 +2ℜ〈x− y,y− zt〉+‖y− zt‖2,

ou zt = (1− t)y + tz, pour tout t ∈ [0,1]. Comme ‖x− y‖2 =d(x,C)2, on conclut que

2ℜ〈x− y,y− zt〉+‖y− zt‖2 > 0.

Donc 2 t ℜ〈x− y,z− y〉 6 t2 ‖y− z‖2 pour tout t ∈ [0,1]. En di-visant par t > 0 et en faisant tendre t vers 0, on en deduit queℜ〈x− y,z− y〉6 0.

2.5. Projection sur un sous-espace vectoriel ferme

Theoreme 2.2 (projection sur un sous-espace vectoriel ferme). SoitH un espace de Hilbert et F ⊂ H un sous-espace vectoriel ferme.Il existe une unique application lineaire PF : H → F telle que, pourtout x ∈ H

‖x−PF(x)‖= d(x,F) := infz∈F‖x− z‖.

De plus :

(i) PF(x) est l’unique element de F verifiant cette egalite.

(ii) x−PF(x) est orthogonal a tout vecteur de F .

(iii) PF est 1-lipschitzienne (donc continue), i.e.

‖PF(x)‖6 ‖x‖, ∀x ∈ H.

2.6. Projection sur un sous-espace vectoriel ferme, preuvePreuve. On note y := PF(x). Montrons que x− y ∈ F⊥. On saitque, pour tout z ∈ F , on a

ℜ〈x− y,z− y〉6 0,

Donc ℜ〈x− y,w〉 6 0 pour tout w ∈ F . En remplacant w par −wpuis par iw, on conclut que 〈x−y,w〉= 0 pour tout w ∈ F . On a parPythagore :

‖x‖2 = ‖x−PF(x)‖2 +‖PF(x)‖2 > ‖PF(x)‖2.

Ce qui termine la demonstration.

Exemple : Si F est un sous-espace de dimension finie et sie1, . . . ,eN est une base orthonormee de F , on a la formule explicite

PF(x) =N

∑j=1〈x,e j〉e j.

2.7. Projection et orthogonalite

Corollaire 2.1. Si F est un sous-espace ferme de H, alors

H = F⊕F⊥ et (F⊥)⊥ = F.

Si F est un sous-espace de H (non necessairement ferme) on a :(F⊥)⊥ = F .

Preuve. Par projection, on a : x = PF(x) + (x−PF(x)), avecx−PF(x) ∈ F⊥. De plus F ∩F⊥ = 0. Par definition, F ⊂ (F⊥)⊥.Si l’inclusion etait stricte, il existerait x 6= 0 tel que x ∈ (F⊥)⊥∩F⊥.Alors 〈x,x〉= 0 donc x = 0, ce qui constitue une contradiction. En-

fin, on a vu que F⊥ = F⊥, donc (F⊥)⊥ = (F⊥)⊥ = F .

Application : Un sous-espace F ⊂H est ferme si et seulements’il existe un espace vectoriel norme G et une application lineairecontinue L : H→G telle que F = KerL. Le fait que la condition soitsuffisante est evidente, la necessite s’obtient en prenant G = H etL := Id−PF .

2.8. Forme lineaire associee a un vecteur Pour tout a ∈ H, onnote Λa la forme lineaire definie sur H par

Λa(x) := 〈x,a〉.

Lemme 2.1. Avec la definition ci-dessus, Λa ∈ H ′ et ‖Λa‖H ′ =‖a‖H .

Preuve. On a |Λa(x)|= |〈x,a〉|6 ‖a‖‖x‖ (inegalite de Cauchy-Schwarz) donc

‖Λa‖H ′ := sup‖x‖61

|Λa(x)|6 ‖a‖.

Enfin, Λa(a) = ‖a‖2 ce qui montre que ‖Λa‖H ′ > ‖a‖.

Remarque : reciproquement en dimension finie, on sait que siu est une forme lineaire sur RN , il existe y ∈RN tel que u(x) = x ·y,ou · designe le produit scalaire euclidien.

Le theoreme qui suit est une vaste generalisation de la remar-que au cas des espaces de Hilbert.

2.9. Theoreme de representation de Riesz

Theoreme 2.3 (theoreme de representation de Riesz). Soit H unespace de Hilbert et u ∈ H ′ une forme lineaire continue sur H.Alors, il existe un unique a ∈ H tel que,

∀x ∈ H, u(x) = Λa(x).

De plus, l’application a 7→ Λa definie de H dans H ′, est un isomor-phisme anti-lineaire isometrique.

Preuve. Soit u ∈ H ′, u 6= 0. On note F := Keru, qui est unsous-espace ferme de H (car u est continue). On decompose H =F⊕F⊥. Le sous-espace F⊥ est de dimension 1 : si a ∈ F⊥−0et, si x ∈ F⊥, on peut ecrire

u(

x− u(x)u(a)

a)= 0, donc x− u(x)

u(a)a ∈ F ∩F⊥ = 0.

Conclusion x = u(x)u(a) a. Choisissons a ∈ F⊥ tel que u(a) = 〈a,a〉=

‖a‖2H . On verifie que u(x) = 〈x,a〉, pour tout x ∈ H.

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2.10. Application au dual topologique d’un espace de HilbertExemple : toute forme lineaire continue definie sur L2(R;C) est dela forme

f 7→∫

Rf (t)g(t)dt

pour une fonction g ∈ L2(R;C) convenable.

Remarque : il resulte du theoreme de representation de Rieszque tout dual topologique H ′ d’un espace de Hilbert H est lui-memeun espace de Hilbert, ce qui n’etait pas evident a priori. Le produithermitien 〈·, ·〉H ′ sur H ′ est defini en posant, pour tous u,v ∈ H ′

〈u,v〉H ′ := 〈b,a〉,

ou u = Λa et v = Λb.

2.11. Theoreme de Hahn-Banach

Theoreme 2.4 (theoreme de Hahn-Banach dans un espace deHilbert). Soit F un sous-espace d’un espace de Hilbert H tel queF 6= H.

Pour tout x /∈ F , il existe u ∈ H ′, une forme lineaire continue,telle que :

u(x) = 1 et u≡ 0 sur F.

Preuve. On note G := F⊥ = F⊥ et on decompose : x =PG(x)+

(x−PG(x)

), ou x−PG(x) ∈ G⊥ = F . Comme PG(x) 6= 0

(sinon on aurait x ∈ F), on peut definir

y :=PG(x)‖PG(x)‖2 ∈ F⊥ = F⊥.

Donc

Λy(x) = 〈x,y〉= 1 et Λy(z) = 〈z,y〉= 0,

pour z ∈ F . Il suffit alors de prendre u := Λy.

2.12. Critere de densite

Corollaire 2.2 (critere de densite). Soit F un sous-espace vectorielde H. Alors, F est dense dans H si et seulement si F⊥ = 0.

Autrement dit, pour verifier qu’un sous-espace F est dense deH, il suffit de verifier que

∀a ∈ H, (〈x,a〉= 0, ∀x ∈ F) ⇒ a = 0.

Preuve. Si F est dense, alors F = H et F⊥ = F⊥ = 0. In-versement, si F n’est pas dense, il existe u ∈ H ′, u 6= 0 telle queu(x) = 0 pour tout x ∈ F . Il existe a ∈ H, a 6= 0 tel que u = Λa.Alors 〈x,a〉= 0 pour tout x ∈ F et a 6= 0. Donc F⊥ 6= 0.

Exemple : Soit `c(N;C) l’ensemble des suites de `2(N;C) quisont nulles a partir d’un certain rang. On note en ∈ `c(N;C) la suitedont tous les termes sont nuls sauf le n-ieme qui est egal a 1. Sia = (an)n>0 est orthogonale a tous les elements de `c(N;C), on a

〈a,en〉`2 = an = 0,

donc a = 0. Conclusion, `c(N;C) est dense dans `2(N;C).

2.13. Theoreme de Riesz pour les formes sesquilineaires

Definition 2.2 (continuite des formes sesquilineaires). Une formesesquilineaire Φ : H ×H → C est continue s’il existe une con-stante C > 0 telle que

|Φ(x,y)|6C‖x‖‖y‖, ∀x,y ∈ H.

Remarque : la continuite (au sens usuel) de Φ : H×H→C estequivalente a la continuite au sens de la definition ci-dessus.

Theoreme 2.5 (theoreme de representation de Riesz - versionsesquilineaire). Soit Φ une forme sesquilineaire continue sur unespace de Hilbert H. Alors, il existe une unique application lineairecontinue A : H→ H telle que

Φ(x,y) = 〈x,A(y)〉 ∀x,y ∈ H.

Remarque : si Φ est hermitienne alors A verifie 〈x,A(y)〉 =〈A(x),y〉.

2.14. Theoreme de Riesz pour les formes sesquilineaires,preuve Preuve. Soit y ∈ H. La forme lineaire x 7→ Φ(x,y) estcontinue, donc par le theoreme de representation de Riesz il existeun unique ay ∈ H tel que Φ(x,y) = 〈x,ay〉 pour tout x. Verifionsque l’application A : H → H definie par A(y) := ay est lineaire etcontinue.

La linearite resulte de l’unicite dans le theoreme derepresentation de Riesz.

Par hypothese

‖A(y)‖2 = 〈A(y),A(y)〉= Φ(A(y),y)6C‖y‖‖A(y)‖.

Donc

‖A(y)‖6C‖y‖,

ce qui montre la continuite de A.

2.15. Adjoint d’une application lineaire continue

Definition 2.3. Soit A : H → H une application lineaire continue.On appelle adjoint de A et on note A∗, une application lineairecontinue A∗ : H→ H verifiant

〈A(x),y〉= 〈x,A∗(y)〉 ∀x,y ∈ H.

Remarque : l’adjoint, s’il existe, est unique (par injectivite del’application a 7→ Λa).

Corollaire 2.3. Soit A une application lineaire continue d’un espacede Hilbert H dans lui-meme. Alors, l’adjoint de A est bien defini etc’est une application lineaire continue de H dans H.

Preuve. La forme sesquilineaire Φ(x,y) := 〈A(x),y〉 est con-tinue. En effet

|〈A(x),y〉|6 ‖A(x)‖‖y‖6 ‖A‖L(H,H) ‖x‖‖y‖.

Il existe donc A∗ (unique) telle que 〈A(x),y〉 = 〈x,A∗(y)〉 pour tousx,y ∈ H.

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§3. Bases hilbertiennes

3.1. Notion de base hilbertienne

Definition 3.1. Soit (en)n>0 une famille denombrable d’un espacede Hilbert H. On dit que la famille (en)n>0 est une base hilbertiennesi :

(i) pour tous n 6= m on a 〈en,em〉 = 0, et ‖en‖ = 1 pour toutn ∈ N ;

(ii) l’espace vectoriel Vecten : n ∈ N des combinaisonslineaires finies des vecteurs en, pour n ∈ N, est dense dansH

Attention : une base hilbertienne n’est pas une base algebriquecar pour une base algebrique, tout element de l’espace est combi-naison lineaire finie d’elements de la base.

3.2. Identite de Parseval

Theoreme 3.1. Soit (en)n>0 une base hilbertienne d’un espace deHilbert H. Tout x ∈ H s’ecrit de maniere unique comme la sommed’une serie convergente dans H

x = ∑n>0

xn en ou xn := 〈x,en〉 ∈ C.

De plus, on a l’ egalite de Parseval

‖x‖2 = ∑n>0|xn|2 = ∑

n>0|〈x,en〉|2.

Reciproquement, si ∑n>0|xn|2 < +∞, alors ∑

n>0xn en converge dans

H.

3.3. Identite de Parseval, preuve Preuve. Soit Pn la projectionorthogonale sur Fn :=Vecte0, . . . ,en. Par hypothese F =

⋃n∈N Fn

est dense dans H, donc limn→+∞

Pn(x) = x. De plus Pn(x) =n

∑k=0

xkek,

ou xn := 〈x,en〉. Par Pythagore ‖Pn(x)‖2 =n

∑k=0|xk|2, et par passage

a la limite on obtient la formule de Parseval

‖x‖2 = ∑k>0|xk|2.

On suppose maintenant que ∑n>0|xn|2 < +∞. Par Pythagore, on a∥∥∥∥∥ n

∑k=m

xk ek

∥∥∥∥∥2

=n

∑k=m|xk|2. En particulier, la suite

( n

∑k=0

xk ek)

n>0 est

une suite de Cauchy dans H, donc elle converge.

3.4. Inegalite de Bessel

Lemme 3.1. Soit (en)n>0 une famille orthonormale de vecteurs de

H et x ∈ H. Alors+∞

∑n=0〈x,en〉en, est la projection orthogonale de

x sur F , l’adherence du sous-espace vectoriel F engendre par lesvecteurs en.

Le theoreme de Pythagore nous permet decrire

‖x‖2 = ‖x−PF(x)‖2 +‖PF(x)‖

2 = ‖x−PF(x)‖2 + ∑

n>0|〈x,en〉|2.

On en deduit l’ inegalite de Bessel :

∑n>0|〈x,en〉|2 6 ‖x‖2.

3.5. Exemple : series de Fourier dans L2(S1;C) Soit H =

L2(S1;C) muni du produit hermitien

〈 f ,g〉L2 :=1

∫S1

f (t)g(t)dt.

La famille (en)n∈Z ou en(t) := eint est une famille orthonormee deL2(S1;C).

Par Stone-Weierstrass, les combinaisons lineaires des en sontdenses dans C (S1;C) pour la norme de la convergence uniforme,qui lui-meme est dense dans L2(S1;C), pour la norme ‖ · ‖L2 .

Conclusion : la serie de Fourier de f ∈ L2(S1;C) convergepour la norme L2 vers f et l’egalite de Parseval nous donne

∑n∈Z|cn( f )|2 = 1

∫S1| f (t)|2dt.

ou cn( f ) := 〈 f ,en〉L2 =1

∫S1

f (t)e−intdt est le n-ieme coefficient

de Fourier de la fonction f .

3.6. Espaces de Hilbert separables

Definition 3.2. On dit qu’un espace de Hilbert H est separable ,s’il existe un sous-ensemble de H qui est a la fois denombrable etdense.

Theoreme 3.2. Tout espace de Hilbert separable possede unebase hilbertienne.

Preuve. Utiliser le procede d’orthonormalisation de Schmidt.

Remarque : si H possede une base hilbertienne (en)n>0, alorsH est separable.

Preuve. Considerer le Q-espace vectoriel engendre par les en,pour n ∈ N.

Remarque : Tous les espaces consideres dans ce cours sontseparables : `2(N;C), L2(R;C), L2([a,b];C), . . . sont des espacesde Hilbert separables.

3.7. Espaces de Hilbert separables

Corollaire 3.1. Tous les espaces de Hilbert separables de dimen-sion infinie sont isomorphes entre eux.

Preuve. Soit (en)n>0 une base hilbertienne de H. Pour toutx := (xn)n>0 ∈ `2(N;C), on note

L(x) := ∑n>0

xnen ∈ H.

Alors L : `2(N;C) → H est lineaire et ‖L(x)‖ = ‖x‖ (Parseval).Donc L est continue et injective ; elle est surjective par definitiond’une base hilbertienne.

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Proposition 3.1. Un sous-espace ferme d’un espace de Hilbertseparable est separable.

Preuve. Soit X = xn : n> 0 un ensemble denombrable et

dense dans H. Puisque PF est 1-lipschitzienne, pour tout y ∈ F , ona : ‖PF(xn)− y‖ = ‖PF(xn)−PF(y)‖ 6 ‖xn− y‖. Ainsi PF(X) estdense dans F .

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