Master223_LaFrance,leadereuropeenducrowdfunding?

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La France, leader européen du crowdfunding ? Raphaëlle Wulfman, Master 223 Droit du patrimoine professionnel, le 1er juillet 2014 Les plateformes de financement participatif pullulent sur la toile. Au total, plus d'une soixantaine de sites de crowdfunding existent en France. Face à l'essor du secteur, l'ancienne Ministre des PME et de l'Economie Numérique, Fleur Pellerin, a, depuis le mois de septembre 2013, engagé une concertation pour encadrer ce mode de financement. Cette concertation s'inscrit dans le cadre de l'article 1er de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises 1 . Le crowdfundin g, littéralement « financement par la foule », est un système de financement participatif qui consiste à récolter des fonds auprès du public pour financer un projet spécifique, généralement créatif ou entrepreneurial, en utilisant Internet afin de mettre en relation des porteurs de projets et des particuliers. Derrière le terme crowdfunding se cachent trois formes particulières de financement : les plateformes permettant de récolter des dons contre des contreparties diverses, les plateformes permettant le financement de projets via des prêts rémunérés ou non-rémunérés (lending-based ou crowdlending) et les plateformes permettant le financement d'un projet entrepreneurial via la souscription de titres de capital de sociétés non cotées (equity-based ou crowdequity, ou encore crowdinvesting). Le 14 février dernier, Fleur Pellerin, révélait aux représentants du financement participatif le futur cadre règlementaire. Une ordonnance de simplification du financement participatif intégrant ce texte devait être adoptée en mars. Il a fallu attendre la fin du mois de mai, pour que le nouveau Ministre de l'Economie Numérique, Arnaud Montebourg, présente au Conseil des Ministres l'ordonnance définitive relative à l'encadrement juridique du financement participatif 2 . Les décrets d'application seront publiés au mois de juillet pour une entrée en application prévue le 1er octobre 2014. Ce nouveau cadre juridique fait de la France un pays précurseur et engagé dans l'économie de ses entreprises et start-up. En effet, il apporte des modifications favorables aux petites et moyennes entreprises en accroissant les montants et le nombre d'investisseurs pouvant participer au financement de projets. Le nouveau texte, s'il apporte quelques ajustements, par rapport à la première version du projet d'ordonnance présentée le 14 février en reprend les grandes lignes. Il concerne principalement deux aspects du financement participatif : le financement en fonds propres et le prêt rémunéré. Côté prêt participatif, une exception au monopole bancaire permettra au particuliers de prêter de l'argent à des entreprises. Ces dernières pourront emprunter jusqu'à 1 million d'euros. Toutefois, dans une optique de diversification des risques et de protection des prêteurs, chaque particulier ne pourra prêter que 1 000 euros par projet 3 . Cette innovation a été rendue possible par la création du statut d'intermédiaire en financement participation (« IFP »), dont l'agrément sera octroyé par l'Autorité de Contrôle Prudentiel. Côté crowdequity, les particuliers pourront investir au capital de start-up et PME. Les levées de fonds, jusqu'ici limitées à 100 000 euros, seront désormais exemptées de prospectus 4 jusqu'à 1 million d'euros. Une simple page d'information, beaucoup plus légère à établir, suffira. Un statut spécifique de conseiller en investissement participatif (« CIP »), dont l'agrément sera délivré par l'Autorité des Marchés Financiers, sera mis en place pour faciliter l'émergence de ce type de 1 Loi 3197 n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, publiée au JORF n°0002 du 3 janvier 2014 2 Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif publiée au JORF n°0125 du 31 mai 2014 page 9075, texte n° 14 3 Ce seuil concerne aussi bien les prêts rémunérés que les prêts non-rémunérés. 4 Les start-up et PME n'entreront pas dans le champ d'application de l'offre au public de titres financiers.

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La France, leader européen du crowdfunding ? Raphaëlle Wulfman, Master 223 Droit du patrimoine professionnel, le 1er juillet 2014

Les plateformes de financement participatif pullulent sur la toile. Au total, plus d'une soixantaine desites de crowdfunding existent en France. Face à l'essor du secteur, l'ancienne Ministre des PME et de l'Economie Numérique, Fleur Pellerin, a, depuis le mois de septembre 2013, engagé une concertation pour encadrer ce mode de financement. Cette concertation s'inscrit dans le cadre de l'article 1er de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises1.

Le crowdfunding, littéralement « financement par la foule », est un système de financement participatif qui consiste à récolter des fonds auprès du public pour financer un projet spécifique, généralement créatif ou entrepreneurial, en utilisant Internet afin de mettre en relation des porteurs de projets et des particuliers.Derrière le terme crowdfunding se cachent trois formes particulières de financement : les plateformes permettant de récolter des dons contre des contreparties diverses, les plateformes permettant le financement de projets via des prêts rémunérés ou non-rémunérés (lending-based ou crowdlending) et les plateformes permettant le financement d'un projet entrepreneurial via la souscription de titres de capital de sociétés non cotées (equity-based ou crowdequity, ou encore crowdinvesting).

Le 14 février dernier, Fleur Pellerin, révélait aux représentants du financement participatif le futur cadre règlementaire. Une ordonnance de simplification du financement participatif intégrant ce texte devait être adoptée en mars. Il a fallu attendre la fin du mois de mai, pour que le nouveau Ministre de l'Economie Numérique, Arnaud Montebourg, présente au Conseil des Ministres l'ordonnance définitive relative à l'encadrement juridique du financement participatif2. Les décrets d'application seront publiés au mois de juillet pour une entrée en application prévue le 1er octobre 2014.

Ce nouveau cadre juridique fait de la France un pays précurseur et engagé dans l'économie de ses entreprises et start-up. En effet, il apporte des modifications favorables aux petites et moyennes entreprises en accroissant les montants et le nombre d'investisseurs pouvant participer au financement de projets. Le nouveau texte, s'il apporte quelques ajustements, par rapport à la première version du projet d'ordonnance présentée le 14 février en reprend les grandes lignes. Il concerne principalement deux aspects du financement participatif : le financement en fonds propres et le prêt rémunéré.

Côté prêt participatif, une exception au monopole bancaire permettra au particuliers de prêter de l'argent à des entreprises. Ces dernières pourront emprunter jusqu'à 1 million d'euros. Toutefois, dans une optique de diversification des risques et de protection des prêteurs, chaque particulier ne pourra prêter que 1 000 euros par projet3. Cette innovation a été rendue possible par la création du statut d'intermédiaire en financement participation (« IFP »), dont l'agrément sera octroyé par l'Autorité de Contrôle Prudentiel.

Côté crowdequity, les particuliers pourront investir au capital de start-up et PME. Les levées de fonds, jusqu'ici limitées à 100 000 euros, seront désormais exemptées de prospectus4 jusqu'à 1 million d'euros. Une simple page d'information, beaucoup plus légère à établir, suffira. Un statut spécifique de conseiller en investissement participatif (« CIP »), dont l'agrément sera délivré par l'Autorité des Marchés Financiers, sera mis en place pour faciliter l'émergence de ce type de

1 Loi 3197 n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, publiée au JORF n°0002 du 3 janvier 2014

2 Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif publiée au JORF n°0125 du 31 mai 2014 page 9075, texte n° 14

3 Ce seuil concerne aussi bien les prêts rémunérés que les prêts non-rémunérés.4 Les start-up et PME n'entreront pas dans le champ d'application de l'offre au public de titres financiers.

plateformes, jusqu'ici soumises à des contraintes extrêmement élevées en termes de fonds propres. Ce nouveau statut nécessitera une immatriculation mais pas de capital minimum. La prise de risque y étant maximale, la nouvelle réglementation prévoit ainsi l'obligation pour les plateformes d'informer les investisseurs des risques encourus, notamment de pertes en capital, dans leurs placements. La transparence concernant les frais engendrés et les taux de défaillance devra donc être de mise. Le gouvernement entend également développer un label gouvernemental dont le but est de recenser les plateformes qui respecteront les obligations en matière de transparence et de respect des investisseurs. Ce label permettra d'assurer aux éventuels investisseurs une totale transparence.

Les investisseurs en crowdequity pourront également bénéficier d'avantages fiscaux prenant la forme de réductions d'impôts sur le revenu et sur la fortune lors de la souscription d'actions nouvelles dans le cadre d'opération d'augmentation du capital social. Les souscriptions au capital de PME entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013 ont pu bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu s'élevant à 18% du montant de l'investissement réalisé. Cette réduction étant limitée à 9 000 euros pour un célibataire. Le montant de la réduction d'impôt sur la fortune s'élève à 50% de l'investissement réalisé et est limité à 45 000 euros pour un célibataire. Ces avantages fiscaux constituent un facteur important de décision pour les particuliers et l'incitation fiscale un moteur de l'investissement dans les PME.

Grâce aux incitations fiscales couplées à une législation innovante en matière de financement participatif, la France pourrait « décrocher la médaille d'or du crowdfunding »5. En effet, sans cadrerèglementaire adapté, les sites de crowdfunding ont permis de lever 78 millions d'euros en 2013 en France, selon l'Association financement participatif, dont 13% en capital, 26% en dons et 61% pour les prêts. Cela constitue une source de financement prometteuse pour combler le besoin en financement de 100 milliards d'euros des PME et ETI françaises en 2014. Rappelons que le Gouvernement a pour ambition de faire de la France un exemple pour le crowdfunding et de placer les plateformes nationales en leaders européens6. Pour cela, la législation présentée est une innovation mondiale. Elle est moins restrictive pour les acteurs que la précédente régulation initié en 2012 par les Etats-Unis à travers le JOBS Act7.

C'est une véritable révolution de l'économie qui va être mise en place, permettant aux start-up de surmonter l'equity gap8 en levant plus facilement des fonds en phase d'amorçage et ainsi d'assoir leur crédibilité quant au succès commercial à venir du projet auprès d'investisseurs traditionnels du capital-risque (fonds d'investissement, business angels, etc.).

Une rentrée qui s'annonce placée sous le signe de l'innovation en France !

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5 Propos tenus par Fleur Pellerin, le 14 février 2014 6 Communication de la Commission Européenne du 27 mars 2014 : « Libérer le potentiel du financement participatif

dans l'Union Européenne. »7 Jumpstart Our Business Startups Act, entré en vigueur le 5 avril 2012 aux Etats-Unis8 Les niveaux où il est difficile de trouver des financements. Généralement compris entre 100 000 et 1 million d'euros.