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MASTER 2 ENERGETIQUE DES FLUIDES COMPLEXES

Etude des collisions électron/cation moléculaire ( H+2 , CH+)

dans les plasmas hors équilibre d'intérêt énergétique

Stage e�ectué au Laboratoire Ondes et Milieux Complexes(UMR 6294) du 01 Mars 2021 au 15 Juillet 2021

Par : Frédéric GAUCHET

Encadré par :

Ioan F. SCHNEIDER enseignant-chercheur au LOMC

Co-encadré par :

Zsolt MEZEI chercheur à l'Institut de Physique Nucléaire deDebrecen (Hongrie)

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Introduction

0.1 Motivations personnelles pour continuer l'étude dela physique moléculaire

Ce stage s'inscrit dans la continuité des cours du Master 1 de plasmas et spectrosco-pie et du cours de Master 2 de Cinétique des Fluides Chargés que j'ai particulièrementappréciés. Le domaine de la physique moléculaire était alors tout nouveau pour moi. J'aitout de suite été attiré par son côté multidisciplinaire : optique dans l'étude des processusradiatifs, thermodynamique pour les changements dus aux élévations de température dansl'apparition de plasmas, mécanique classique dans l'approche des collisions élastiques, mé-canique quantique avec les niveaux d'énergie des atomes, ions et molécules, sans oublier lesmathématiques et notamment l'algèbre linéaire. Le fait qu'une matière aussi pointue quela physique quantique englobe autant de champs de connaissance divers m'a profondémentplu car cela fait appel à presque tout ce que j'ai appris dans mon cursus universitaire.Cela me donne l'impression d'avoir en�n une concrétisation, une mise en pratique de mesconnaissances et compétences et ce sentiment qu'elles sont toutes utiles.

Mes résultats de Master 1 et ma motivation à poursuivre dans cette voie m'ont permisd'être sélectionné pour la Graduate School Materials and Energy Sciences qui regroupeles meilleurs étudiants des établissements supérieurs normands. Les cours dispensés ontcontribué à l'élaboration de mon futur projet.

Ainsi, je souhaite vraiment me perfectionner dans la programmation en FORTRANa�n de poursuivre en thèse sur l'ionisation associative et la recombinaison dissociativedans les plasmas d'entrée atmosphérique. En e�et, il existe des molécules pour lesquellesles données nécessaires pour la cinétique des plasmas hypersoniques sont incomplètescomme H2, N2 ou CH. Pour d'autres molécules comme CN ou NH, les données sont com-plètement manquantes. Je souhaite devenir expert dans mon domaine et postuler ensuitecomme chercheur en astrophysique. Ce projet s'inscrit dans un processus de reconversionprofessionnelle après avoir enseigné durant quinze ans les mathématiques et sciences phy-siques en Lycée Professionnel.

Ma volonté de changement est due au fait de ne pas perdre mes connaissances universi-taires antérieures, de me spécialiser dans mon domaine de prédilection qui est la physiquemoléculaire et, au souhait d'être utile di�éremment en apportant ma pierre à l'édi�cede la conquête spatiale et au projet ITER (International Thermonuclear Experimental

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Reactor) qui devrait permettre d'ici quelques décennies d'obtenir une énergie électriqueproduite proprement sans émissions de gaz à e�et de serre ni déchets et durable. De plus,j'ai été habitué en tant qu'enseignant à travailler en équipe ce qui est indispensable dansla recherche. Le travail collaboratif permettra de me constituer un réseau de partenairesspécialisés dans le domaine ceci a�n d'être le plus e�cace possible dans mon champ d'ac-tivités.

0.2 Applications possibles de l'étude des collisions ausein de plasmas

Ce stage s'inscrit dans un processus large d'étude des collisions électron/ion molécu-laire au sein de plasmas. L'approche se fait état par état ("state to state") c'est-à-direque l'on souhaite e�ectuer les calculs précisément pour chaque état individuel impliqué.Les applications sont nombreuses. J'en présente ici quelques unes en lien avec le sujet dustage et mon futur projet de thèse.

Premièrement, l'étude des plasmas formés lors de l'entrée atmosphérique (dus à l'ondede choc hypersonique dans la couche supérieure de l'atmosphère planétaire) doit per-mettre de déterminer précisément les sections e�caces et donc les concentrations desespèces chimiques dans le but de fabriquer des matériaux capables de résister à l'élévationsoudaine de la température (jusqu'à 30000 K voir au-delà). Une grande partie de la cha-leur générée est due à la compression de l'air à l'avant de l'engin spatial. Des processusélémentaires de dissociation et d'ionisation ont lieu et conduisent à la transformation dugaz en plasma [1]. L'échau�ement provoque des contraintes mécaniques pouvant �ssurerle matériau. Les calculs contribuent à des études sur les échanges d'énergie entre le plasmaet le bouclier thermique. Ce travail sert donc de point d'appui pour la construction deboucliers thermiques e�caces par des ingénieurs de l'aérospatial. Le choix des matériauxs'avère très important pour la résistance mais également pour la masse ; un matériau plusléger permettra d'embarquer plus de matériel sans alourdir le vaisseau et ainsi autoriseradavantage d'études.

Deuxièmement, dans les réacteurs de machine à fusion thermonucléaire de type ITER,des problèmes de détérioration de paroi � constituée de Béryllium dans la chambre prin-cipale et Tungstène dans le diverteur � apparaissent sous l'e�et de plasmas de bord.Des éléments de Deutérium et Tritium pénètrent dans la paroi et en modi�e les pro-priétés mécaniques. Il faut donc déterminer avec précision les réactions chimiques et lesconcentrations chimiques des cations moléculaires impliqués tels que BeH+, BeD+, BeT+.D'ailleurs, le projet PTOLEMEE (Paroi de Tokamak analysée par Laser et MéthodesEn plus) auquel je participe, regroupe depuis 2020 les laboratoires normands tels que CO-RIA (COmplexe de Recherche Interprofessionnel en Aérothermochimie) à Rouen, LOMC(Laboratoire Ondes et Milieux Complexes) au Havre et CIMAP (Centre de recherche surles Ions, les MATériaux et la Photonique) à Caen. Il s'inscrit dans l'étude des plasmas debord de Tokamaks. Celui qui est considéré est un dispositif de forme toroïdale utilisant

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le con�nement magnétique de particules a�n de produire de l'électricité par récupérationde la chaleur produite lors de la fusion de noyaux atomiques. La technique expérimentalespectroscopique de type LIBS (Laser Induced Breakdown Spectroscopy) est utilisée enlaboratoire avec un substitut crédible non toxique du Béryllium tel que l'Aluminium, leSilicium ou le Scandium. La composition chimique élémentaire du plasma créé par inter-action laser-surface (cibles métalliques chargées en éléments légers) sera alors déterminée(calculs des transferts radiatifs). La partie simulation est également indispensable ; ellenécessite un volet cinétique car les réactions ont lieu hors équilibre thermodynamique.A basse énergie (en dessous du seuil de dissociation de l'ion), l'étude des collisions élec-tron/ion BeD+ fournit une base de données indispensable pour les Tokamaks de typeITER [2]. Ce réacteur expérimental est actuellement en construction à Cadarache dans lesud de la France.

Troisièmement, dans l'Univers primordial, des cations moléculaires sont apparus parionisation associative - résultat de collisions entre électrons et molécules. Ils sont for-més principalement d'Hydrogène combiné à son isotope le Deutérium ou à l'Hélium. Laconnaissance des concentrations des espèces chimiques au sein de ces plasmas s'avère trèsimportante dans le processus de compréhension de formation de l'Univers et son évolutionde son origine jusqu'à nos jours.

Quatrièmement, l'ion SH+ a été observé dans l'absorption du quartet de sa structurehyper�ne à l'état fondamental vers Saggitarius B2 (nuage moléculaire géant présent dansnotre galaxie "La Voie Lactée") et dans le milieu interstellaire di�us à basse température(100K). Ces observations montrent son abondance. Il a donc un intérêt énergétique pourl'astrophysique. Sa chimie dans le milieu interstellaire est mal comprise et a donc besoind'être connue en détail. Une étude précédente a été e�ectuée pour les états 2Π mais undésaccord avec les résultats expérimentaux apparaît à très basse énergie (<0.01 eV) [3].Les basses énergies sont typiques des plasmas à basse température du milieu interstellaire.D'autres calculs sont donc nécessaires avec une autre symétrie pour pouvoir les compareravec les résultats expérimentaux. Les états 4Π sont des candidats prometteurs pour larecombinaison dissociative : on peut espérer qu'ils joueront un rôle non négligeable.

Dans toutes ces applications de processus de collisions présentées ci-dessus, l'Hydro-gène et ses isotopes (Deutérium, Tritium) jouent un rôle fondamental. Si je poursuis enthèse de doctorat, je participerai à un autre projet collaboratif entre la France (UniversitéLe Havre Normandie) et la Roumanie (Université de Timisoara) sous l'égide de l'AgenceUniversitaire de la Francophonie qui s'intitule : "Cinétique des cations moléculaires in-duits par les électrons dans le plasma de bord d'ITER". Les données pourront égalementservir à l'astrophysique (nuages moléculaires interstellaires, ionosphères planétaires, Uni-vers primordial) et à l'étude des plasmas formés à l'entrée hypersonique d'engins spatiaux.

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0.3 Objectifs particuliers de ce stage

Le premier objectif est de mieux comprendre les aspects théoriques des calculs desfonctions d'onde vibrationnelles et pourquoi on utilise des méthodes numériques de réso-lution. C'est à cet e�et que j'ai suivi des cours complémentaires de Licence 3 de physiqueen mécanique quantique : ils m'ont permis de mieux comprendre les calculs de valeurspropres et vecteurs propres (fonctions d'onde) de l'opérateur moment angulaire L, de L2

et de Lz, projection du moment angulaire sur l'axe z (axe internucléaire pour une moléculeou ion moléculaire diatomique) et leurs applications aux systèmes hydrogénoïdes. La lec-ture du livre de David J. Gri�ths [4] m'a permis de mieux comprendre la déterminationde la fonction d'onde électronique pour l'atome d'hydrogène et la déduction qui en estfaite pour la molécule H+

2 . L'approximation de l'oscillateur harmonique permet d'obtenirune expression analytique de cette fonction d'onde et des niveaux discrets des énergiesvibrationnelles correspondantes (comme seule solution normalisée de l'équation de Schrö-dinger). Cependant, les valeurs obtenues sont approchées et une modélisation numériqueest préférée.

Le deuxième objectif est la compréhension et l'utilisation des codes en Fortran (enl'absence de solutions analytiques, on utilise la modélisation numérique) ainsi que desapports sur la Théorie du Défaut Quantique Multi-voies qui permet d'obtenir les sectionse�caces de recombinaison dissociative nécessaires pour le calcul des taux de réaction.Concernant les collisions, la recombinaison dissociative est un processus élémentaire re-lativement important dans les plasmas froids moléculaires (gaz partiellement ionisés dequelques centaines à quelques dizaines de milliers de Kelvin). Ces plasmas interviennentdans les entrées atmosphériques d'engins spatiaux. La recombinaison est un régime hors-équilibre c'est-à-dire que la température des électrons est di�érente de la température les"lourds" (atomes, molécules, ions). Dans ce cas, la distribution des populations des étatsn'est pas de type Maxwell-Boltzmann et le modèle collisionnel-radiatif est le plus appro-prié pour l'étude (les niveaux excités sont considérés quasi-stationnaires)[5]. Le processusde recombinaison dissociative est le suivant :

AB+ + e −→ A+B (1)

La molécule AB est dissociée suite à la capture d'un électron par l'ion moléculaire AB+ ;A et B désignent des atomes d'Hydrogène, Hélium, Carbone, Azote ou Oxygène qui setrouvent dans la composition des molécules dans l'atmosphère de la Terre, de Vénus, deMars, de Titan (satellite naturel de Saturne) ou des planètes gazeuses géantes (Jupiter,Saturne). L'ionisation associative est le processus rigoureusement inverse. Par conséquent,l'étude des collisions est primordiale pour la connaissance du rôle des diverses espèces mo-léculaires dans les échanges d'énergie intervenant entre le plasma et la paroi de l'enginlors de l'entrée atmosphérique.

Le troisième objectif est l'écriture d'un article scienti�que regroupant les nouvellesdonnées sur la molécule diatomique CH : diagramme énergétique, couplages, défauts quan-tiques, sections e�caces de recombinaison dissociative de l'ion CH+ entrant en collisionavec un électron.

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Pour l'ensemble des études, la communication et la collaboration sont extrêmementimportantes entre les di�érents membres de l'équipe (composée des chercheurs Ioan F.Schneider et Zsolt Mezei, de trois doctorants Jeo�rey Bo�elli, Emerance Djuissi et Ab-dillah Abdoulanziz, et de moi-même) travaillant sur les processus réactifs mais également,avec d'autres chercheurs extérieurs qui ont produit les données utilisées comme MessieursChakrabarti et Carata, ceci a�n de rendre compte des avancées et de ne pas rester bloqué.La veille scienti�que (lecture d'articles) est également indispensable a�n de connaître lesderniers progrès de la recherche dans le même domaine.

Je commencerai par une présentation théorique de l'équation de Schrödinger, de l'ap-proximation de Born-Oppenheimer et de la méthode numérique Numerov pour l'obtentionde la courbe d'énergie potentielle électronique, des niveaux d'énergie vibrationnels et desfonctions d'onde ; j'y inclurai également les notions de largeur, couplage de fonctionsd'onde, défaut quantique et la méthode MQDT (Multichannel Quantum Default Theory)qui est utilisée pour calculer les sections e�caces de recombinaison dissociative et ainsidéduire le taux d'avancement des réactions chimiques. Ces taux sont ensuite utilisés dansles calculs de cinétique des plasmas.

Ensuite, j'aborderai l'étude de l'ion H+2 qui intervient à basse énergie dans l'Univers

primordial, à haute énergie dans la fusion de type ITER et, dans les entrées atmosphé-riques. Je présenterai les résultats obtenus avec la méthode Numerov pour les niveauxd'énergies vibrationnelles et fonctions d'ondes vibrationnelles correspondantes puis, avecla méthode MQDT pour les sections e�caces de recombinaison dissociative.

Puis, j'étudierai le cas de l'ion CH+ qui intervient dans la combustion, les entréesatmosphériques, la fusion thermonucléaire dans le cas de parois en graphite, les diamantset le milieu interstellaire où son abondance n'a pas d'explication. En e�et, l'article [6]pointait déjà ce problème d'écart entre les données expérimentales - mettant en évidencela grande abondance des ions CH+ dans le milieu interstellaire - et les sections e�cacescalculées. Il en est de même pour l'article récent [7] où sa grande abondance dans lesnuages moléculaires interstellaires di�us persiste à être un problème. CH+ est un ion trèsréactif. Ainsi, les processus de destruction et d'excitation collisionnelle ont besoin d'êtreconnus en détail. D'ailleurs, à ce propos, les nouvelles données calculées actuellement avecdes modèles numériques récents permettent une plus grande précision et devraient mieuxrendre compte de l'écart avec les données expérimentales pour les sections e�caces et lestaux d'avancement de réaction. L'article �nal devrait, je l'espère, montrer une di�érencemoins importante entre les nouvelles données et l'expérience que les anciens calculs.

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Chapitre 1

Théorie

1.1 Equation de Schrödinger et approximation de Born-Oppenheimer

1.1.1 Forme de l'équation de Schrödinger

La fonction d'onde de la particule considérée dépend des coordonnées spatiales et dutemps. Si le potentiel V est indépendant du temps alors nous pouvons écrire l'équationde Schrödinger indépendante du temps avec uniquement la partie spatiale :

−~2

2m4ψ + V ψ = Eψ (1.1)

E désigne l'énergie totale de la particule ; m sa masse. En mécanique classique, l'Hamil-tonien H est la somme des énergies cinétique et potentielle de la particule. En utilisantl'équivalent quantique c'est-à-dire l'opérateur Hamiltonien, l'équation 1.1 peut s'écrire :

Hψ = Eψ (1.2)

Cette équation aux valeurs propres ne peut pas être résolue directement. Nous avons doncrecours à l'approximation de Born-Oppenheimer.

1.1.2 Approximation de Born-Oppenheimer

Cette approximation consiste à séparer la fonction d'onde électronique (en considérantles noyaux comme �xes) et la fonction d'onde nucléaire (en considérant l'énergie électro-nique calculée en premier comme un potentiel) puis, de faire le produit des deux a�nd'obtenir la fonction d'onde totale. Par exemple, pour l'ion H+

2 (système à un électron etdeux noyaux) :

Ψ(~r′, ~R1, ~R2) ≈ Φ( ~R1, ~R2)ψ(~r′, ~R1, ~R2) (1.3)

Les distances respectives sont celles par rapport à un point de l'espace de l'électron,du noyau 1 et du noyau 2. Dans le cas général de multiples noyaux et électrons, lesélectrons sont beaucoup plus légers que les noyaux et leur mouvement est beaucoup plusrapide que ceux de rotation et de vibration des noyaux donc nous pouvons e�ectuerune séparation de la fonction d'onde en deux (une pour le mouvement électronique etune pour le mouvement nucléaire). L'énergie électronique calculée (prenant en comptele potentiel d'attraction électron-noyau et le potentiel de répulsion électron-électron) à

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laquelle va s'ajouter l'énergie Coulombienne de répulsion entre noyaux sert ensuite depotentiel e�ectif pour l'opérateur Hamiltonien total. La fonction d'onde électronique totaleest une combinaison linéaire des di�érentes fonctions d'onde électroniques.

Cependant, cette approximation de Born-Oppenheimer est insu�sante à elle seule pourexpliquer certains phénomènes comme les aurores boréales qui font intervenir la recom-binaison dissociative. Dans ce cas, la solution du problème (équation 1.2) est recherchéesous la forme d'une combinaison linéaire de produits de type Born-Oppenheimer. En ef-fet, dans la recherche des états stationnaires (ou adiabatiques dans le sens où l'état dusystème s'adapte presque instantanément à une perturbation extérieure qui évolue lente-ment ; par exemple, dans l'approximation de Born-Oppenheimer où les mouvements desélectrons est découplé de celui des noyaux, les électrons s'adaptent adiabatiquement aumouvement des noyaux [8]), l'Hamiltonien H doit être décrit par une matrice diagonalepour que l'équation de Schrödinger ait des solutions physiques [9]. Le problème dans ce casest qu'il ne peut y avoir croisement de courbes d'énergie potentielle pourtant à l'origine dela recombinaison dissociative (comme expliqué dans la section MQDT). La di�culté estcontournée en choisissant une représentation de matrice non diagonale a�n d'obtenir desétats quasi-stationnaires : c'est une représentation quasi-diabatique des états moléculaires.

1.2 Méthode numérique de Numerov

La méthode sert à obtenir les niveaux d'énergie vibrationnelle et les fonctions d'ondescorrespondantes. L'approche est fondée sur la méthode des di�érences �nies [10]. Dansle cas de molécules (ou d'ions) diatomiques et d'une séparation de variables, la fonctiond'onde électronique (appelée également fonction d'onde vibrationnelle) est vue commele produit d'une fonction radiale (dépendant de la distance internucléaire r) et d'uneharmonique sphérique (dépendant des nombres quantiques l et m : 0 ≤ l ≤ n− 1 et−l ≤ m ≤ +l ).

Cela correspond à un potentiel central : potentiel V(r) qui ne dépend que de la distancer à l'origine des coordonnées. V(r) est invariant par rotation autour de l'origine des coor-données. L'énergie cinétique du mouvement relatif d'un noyau par rapport à l'autre peutêtre décomposée en une partie radiale et une partie angulaire. En considérant l'absencede rotation on obtient l'équation radiale suivante :

−~2

d2χ

dr2+ U(r)χ = Erχ (1.4)

Dans l'équation 1.4 µ désigne la masse réduite ; χ est la fonction d'onde radiale ; U(r) estle potentiel e�ectif et Er l'énergie totale du mouvement relatif d'un noyau par rapport àl'autre (pour des molécules diatomiques).

Cette équation di�érentielle du second ordre est discrétisée en un maillage de n points.Le développement en série de Taylor permet d'obtenir un schéma centré d'ordre 2 pourla dérivée seconde. Toutes les fonctions sont évaluées sur chaque maille. L'intégrationvers l'intérieur (de la droite vers la gauche) c'est-à-dire la prise en compte de la condi-tion χ(r) −→ 0 lorsque r −→ ∞ donne une relation de récurrence pour les fonctionsχ considérées et permet d'obtenir la seconde branche. Les autres conditions aux limites(χ(r) −→ 0 et U(r) −→ ∞ lorsque r −→ 0) permettent une intégration vers l'extérieur(de la gauche vers la droite) et donc d'initialiser la numérisation a�n d'obtenir la pre-mière branche. Ensuite, les deux branches sont raccordées. La convergence de la méthodedépend de l'énergie d'essai Er.

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1.3 Couplages de fonctions d'onde

1.3.1 Courbes dissociatives

Dans le cas de molécules diatomiques, les courbes dissociatives appelées égalementcourbes de résonances correspondent aux résonances de la phase de la fonction d'ondeélectronique de la molécule (de type Asin(kR + ∆(E)) pour les grandes distances doncdans la zone asymptotique, k étant le nombre d'ondes associé à l'énergie E) pour certainesénergies (à une distance internucléaire R donnée). ∆(E) est la phase de cette fonction etreprésente le déphasage à courte distance internucléaire entre l'Hamiltonien correspondantau mouvement relatif des deux noyaux par rapport à celui de la particule libre.

Chaque résonance de la fonction d'onde électronique donne une courbe dissociative. Lenombre de courbes dissociatives est calculé en même temps que les données électroniquesde la molécule neutre et de l'ion moléculaire, par exemple par la méthode R-Matrix - uti-lisée notamment par J. Tennyson en Angleterre. Ces courbes dissociatives correspondentà des états doublement excités du neutre (états de valence) : deux électrons sont exci-tés, le projectile et un des électrons de la cible AB+. L'état doublement excité AB∗∗ estcaractérisé par une énergie de résonance εr et une largeur de résonance Γ.

1.3.2 Largeurs et Couplages

A chaque courbe de résonance correspond une fonction d'onde partielle. Un cou-plage existe entre chacune des fonctions d'ondes partielles (associées respectivement àune courbe de résonance) et les fonctions d'ondes des états de Rydberg (dé�nition donnéedans la section 1.4) convergeant chacun vers un c÷ur ionique (en général, on prend encompte l'état fondamental et le premier ou les deux premiers états excités). Le couplagepeut être partiel ou global suivant si l'on prend en compte respectivement un ou tous lesc÷urs ioniques pour chaque courbe de résonance. Le couplage global est la somme descouplages partiels. Il existe également des couplages entre deux états de Rydberg.

Parfois, nous avons les données sur les largeurs Γ ; pour obtenir le couplage Vc, onutilise la formule :

Vc =

√Γ

2Π(1.5)

Dans cette équation 1.5, Γ est en Hartree (Ha), Vc en Ha0.5. La largeur correspond àla partie imaginaire du potentiel électronique complexe. Couplages et largeurs varient enfonction de R ; les valeurs sont positives.

1.4 Défaut quantique

Pour l'atome d'hydrogène, les énergies des états électroniques sont : En = −Rydn2 .

Un Ryd (Rydberg) vaut 13,6 eV, l'énergie égale à 0 correspond à l'ionisation. Pour unemolécule, un état de Rydberg correspond à un état dont l'énergie ressemble à l'énergiede l'atome d'hydrogène pour n élevé : un seul électron est excité mais fortement (seul lenombre quantique principal n change). Si la molécule est diatomique (notée AB) alorsles états de Rydberg sont notés AB∗. Dans ce cas : En = − Ryd

(n−µ)2. µ est appelé défaut

quantique et n∗ = n − µ est le nombre quantique e�ectif (appelé parfois ν). µ dépenduniquement de n ; si µ est petit, on retrouve l'état de Rydberg de l'atome d'hydrogène.

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Le défaut quantique est également impliqué dans les énergies potentielles électroniquesdes états de Rydberg comme suit :

Un(R) = U+(R)− Ryd

(n− µn(R))2(1.6)

Ici, le défaut quantique dépend de la distance internucléaire R ; U+ désigne l'énergie del'ion moléculaire. Ainsi, les courbes électroniques Un(R) des états de Rydberg forment unfaisceau sous celle de l'ion dans son état fondamental et elles peuvent s'obtenir par simpletranslation de la courbe U+(R).

1.5 Méthode MQDT

1.5.1 Présentation des processus

J'utiliserai la théorie du défaut quantique multivoies ou multichannel quantum defaulttheory (MQDT) pour calculer les sections e�caces de recombinaison dissociative pour lessystèmes H+

2 + e et CH+ + e. Ce phénomène intervient dans les processus collisionnels(et non radiatifs) entre un ion et un électron. Une collision est élastique si le projectile(l'électron) et la cible(l'ion) repartent sans modi�cation de leur énergie interne. Une col-lision est inélastique si l'électron fournit une partie de son énergie à l'ion ; l'électron peutalors repartir avec une énergie plus faible ou être capturé par l'ion. La recombinaisondissociative résulte de transitions quasi-diabatiques entre le continuum (AB+ + e) et unétat lié AB∗∗.

La méthode repose sur la prise en compte de ce que l'on appelle, d'une part, le processusdirect et, d'autre part, le processus indirect comme le montre le schéma suivant :

Figure 1.1 � Recombinaison dissociative de l'ion moléculaire diatomique AB+ (a) pro-cessus direct (b) processus indirect [11]

Pour le processus direct (a), comme l'énergie électronique de AB∗∗ est supérieure à celledu niveau de vibration de l'ion pour un intervalle de certaines distances internucléaires,l'électron est capté par la voie dissociative ce qui peut mener à la dissociation en produitsneutres A et B ou à l'autoionisation (c'est-à-dire que l'électron capté est faiblement lié auxnoyaux et peut donc repartir de cet état instable). Le schéma montre bien le croisementdes courbes d'énergie potentielle. Pour une distance internucléaire supérieure à celle du

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point d'intersection des deux courbes, seule la dissociation peut avoir lieu. Pour l'ensemblede ce processus, seules les voies ouvertes d'ionisation interviennent c'est-à-dire des voies oùl'énergie totale ET (somme de l'énergie cinétique ε de l'électron et de l'énergie électroniquedu niveau de vibration de l'ion Ev+0 ) est supérieure à l'énergie de niveaux rovibrationnelsde l'ion. Les voies ouvertes sont alors ces niveaux rovibrationnels. Le niveau vibrationnel0 de l'ion (seuil d'ionisation de AB) est souvent pris comme origine de l'énergie. Une voiecorrespond à tous les états caractérisés par le même seuil de fragmentation (ionisation oudissociation).

Pour le processus indirect (b) l'électron libre (projectile) est capté par un niveauvibrationnel excité v1 de l'état de Rydberg dont l'énergie est supérieure à l'énergie Ev+0 .Ensuite, l'évolution se fait vers l'état AB∗∗ puis la fragmentation. L'intéraction de AB∗

avec AB∗∗ entraîne une prédissociation. Il y a alors interférence entre les processus directet indirect : le processus indirect interfère avec le processus direct et fait apparaître desrésonances dans les courbes de sections e�caces. Ainsi, les voies fermées (voies où l'énergieET est inférieure à celles de niveaux rovibrationnels excités de l'ion) contribuent à lasection e�cace via les états de Rydberg. On parle alors d'électron multi-canaux. La sectione�cace totale de recombinaison dissociative provient à la fois des processus direct etindirect qui ne se superposent pas. Notamment, le processus indirect ne peut être traitéseul (indépendamment du processus direct).

1.5.2 Calcul des sections e�caces de recombinaison dissociative

La section e�cace ("cross section" en anglais) de recombinaison dissociative est l'aire(en cm2) correspondant à la probabilité de collision de AB+ (la cible) avec un électronlibre (le projectile) menant à la recombinaison dissociative. Pour la calculer, c'est la zoneasymptotique qui est prise en compte. La formule générale donnant la section e�cace to-tale de recombinaion dissociative pour une symétrie donnée de la molécule est la suivante :

σN,symdiss←−N+

i v+i

4ερsym

2N + 1

2N+i + 1

∑l,Λ,j

|SN,Λdj ,lN

+i v

+i

|2 (1.7)

N désigne un nombre quantique rotationnel des états dissociatifs : N = |N+i −l

′ |, ..., |N+i +

l′|. Il peut prendre 2N+

i + 1 valeurs. N+i est le nombre quantique rotationnel initial de

l'ion. l′est le moment orbital de l'électron incident. De même, N+ qui désigne le mo-

ment angulaire total de rotation du c÷ur ionique peut prendre 2N + 1 valeurs (N+ =|N − l|, ..., |N + l|). l est le nombre quantique orbital de l'électron externe (électron deRydberg) [12]. Ainsi, 2N+1

2N+i +1

est le rapport de dégénérescence des niveaux rotationnels

impliqués. N+i v

+i est le niveau rovibrationnel initial de l'ion. ρsym est le rapport entre

les multiplicités (comprenant le spin, la parité ±, la symétrie g-u pour les molécules ho-monucléaires) de la molécule neutre et de l'ion. dj désigne le j-ième état dissociatif. Λ

est la valeur absolue de la projection du moment angulaire orbital total ~L sur l'axe in-ternucléaire. SN,Λ

dj ,lN+i v

+i

désigne un élément de la matrice de di�usion. Le "4ε" peut êtredécomposé en 2×2ε avec le premier 2 qui correspond à la multiplicité de spin de l'électronlibre et l'énergie 2ε = ~2k2

mest reliée au nombre d'onde k associé à cet électron de massem.

La construction de la matrice S se fait par étapes [13]. Tout d'abord, r est dé�ni commela coordonnée de l'électron externe par rapport au centre de masse de la molécule. Ensuite,l'espace est divisé en deux régions : une zone interne pour les interactions de courte portée

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entre les voies d'ionisation et de dissociation (l'approximation de Born-Oppenheimer estalors valable) et une zone externe pour les interactions de longue portée. La zone externeest divisée en deux régions A et B.

Région A : la zone interne de réaction est dépassée ; l'électron de Rydberg est "presquelibre". On dé�nit la matrice d'interaction V entre la fonction d'onde pour les voies d'io-nisation et celle pour les voies de dissociation. Elle permet la construction de la matricede réaction K avec l'équation de Lippmann-Schwinger [14] ci-après :

K = V + V 1

E −H0

K (1.8)

H0 est l'Hamiltonien en l'absence d'interactions (ordre 0). E est l'énergie courante consi-dérée. La diagonalisation de K permet d'obtenir une nouvelle base de fonctions d'ondepropres. La matrice U regroupe les composantes des vecteurs propres de K.

Région B : nous atteignons des grandes valeurs de r ; l'électron externe est très fai-blement lié au c÷ur de la molécule ; l'approximation de Born-Oppenheimer n'est plusvalable. La connexion des régions A et B permet d'adapter la fonction d'onde obtenuedans la région A avec les spéci�cités de la région B. La fonction d'onde est alors écriteavec les matrices C et S qui contiennent le couplage des voies d'ionisation et dont leséléments peuvent s'écrire avec ceux de la matrice U . C et S sont ensuite utilisées pourconstruire la matrice de di�usion généralisée X comme suit :

X =C + iSC − iS

(1.9)

Cette matrice carrée peut être subdivisée en quatre blocs avec Xoo, Xcc sur la diagonale etXoc, Xco les sous-espaces non diagonaux. c et o désignent respectivement les voies fermées("close") et les voies ouvertes ("open"). Puis, la vraie matrice de di�usion S restreinteaux voies ouvertes s'obtient par :

S = Xoo −Xoc1

Xcc − exp(−2iπν)Xco (1.10)

ν est la matrice diagonale des nombres quantiques e�ectifs νN+i v

+i

= (2(EN+i v

+i−E))−

12 (en

unités atomiques) associés aux voies fermées d'ionisation. En e�et, chacun de ces nombresest associé à un seuil rovibrationnel EN+

i v+ide l'ion situé au-dessus de l'énergie courante E.

Le code MQDT en Fortran doit donc permettre d'obtenir toutes les informations surles matrices et ainsi de calculer les sections e�caces voulues. Le �chier d'entrée input.datadoit donc contenir les données de l'ion à l'état fondamental (premier c÷ur ionique), éven-tuellement pour d'autres coeurs ioniques (premiers états excités de l'ion), sur les courbesde résonance (voies de dissociation) puis les couplages et défauts quantiques correspon-dants. Il faut choisir IDIR=1 ou 0 suivant si l'on souhaite respectivement le processusdirect ou le processus total.

Pour les calculs de sections e�caces e�ectuées dans la suite, l'origine de l'énergie estprise au premier niveau vibrationnel de l'ion (v+

i = 0) ce qui exclut le mécanisme dedésexcitation vibrationnelle. Les nombres quantiques de rotation N et N+

i sont toujoursconsidérés à leur état le plus bas (N = N+

i = 0) et les transitions rotationnelles sont ex-clues des calculs. Les courbes de sections e�caces obtenues sont visualisées avec xmGraceet sont présentées dans le chapitre suivant.

12

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Chapitre 2

Résultats des simulations numériques

2.1 Étude de l'ion moléculaire H+2

C'est un ion hydrogénoïde : il ne contient qu'un électron. D'abord, j'ai utilisé la mé-thode Numerov pour obtenir les 6 premiers niveaux vibrationnels de l'ion à l'état fonda-mental X2Σ+

g et les fonctions d'ondes associées. A�n de pouvoir compiler correctement,il est nécessaire de chercher le NELROT c'est-à-dire le nombre de niveaux vibrationnelsde l'ion dans la partie discrète. Pour cela, j'ai e�ectué di�érents essais en partant de lavaleur 10 et en augmentant progressivement jusqu'à ce que le code a�che un messaged'erreur ou a�che la même valeur d'énergie que pour le niveau précédent. J'ai trouvé 19.J'ai également véri�é l'énergie asymptotique "EAS" (quand R → ∞) du �chier d'entréepour voir si elle correspondait bien à la valeur de l'énergie électronique de l'ion à R = 50.La courbe de l'ion obtenue est "splinée" (elle est lissée pour donner un aspect continuet contient alors 2449 points) et elle est translatée de façon à avoir l'énergie du premierniveau vibrationnel égale à 0. J'ai également translaté chaque fonction d'onde vibration-nelle sur son niveau et mis à l'échelle par un facteur 0,1 pour éviter les chevauchements.La �gure 2.1 regroupe les résultats obtenus pour la courbe de l'ion, les premiers niveauxvibrationnels et fonctions d'ondes associées.

Figure 2.1 � Courbe d'énergie potentielle de H+2 X2Σ+

g avec les six premiers niveaux devibration et leurs fonctions d'ondes wf

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La �gure 2.2 donne les sections e�caces de recombinaison dissociative à basse énergiepour les processus direct et indirect. Les axes sont en échelle logarithmique. L'énergie variede 10−4 à 3 eV. Le processus direct (courbe verte) montre les ouvertures de voies : la courbeest alors en escalier ; à chaque fois qu'une voie discrète d'ionisation s'ouvre, la sectione�cace fait un "saut" . Le processus indirect (courbe noire) montre les résonances c'est-à-dire les intéractions "Rydberg-valence" entre un état de Rydberg et un état dissociatifet donc l'in�uence des voies fermées. Ces deux courbes montrent une diminution de lasection e�cace lorsque l'énergie augmente.

Figure 2.2 � Sections e�caces de recombinaison dissociative pour l'ion H+2 dans son

état fondamental

2.2 Etude de l'ion CH+

2.2.1 Nouvelle courbe d'énergie potentielle et diagramme éner-gétique

La Figure 2.6 en annexe représente la nouvelle courbe d'énergie potentielle électro-nique pour CH+ à l'état fondamental avec les trois premiers niveaux vibrationnels et lesfonctions d'ondes associées mises à l'échelle. Elle a d'abord été extropolée entre 8 et 30Bohrs avec un code Fortran fondée sur la formule U+(R) = D+ + C4

R4 (D+ et C4 étantdes coe�cients déterminés grâce à un couple de points choisis de façon à avoir le moinsd'écart entre les dérivées droite et gauche au point de raccordement et ainsi éviter unediscontinuité) puis extrapolée entre 0,5 et 1 Bohr avec un autre code. J'ai ensuite translatéla nouvelle courbe au niveau de l'énergie minimale des anciennes données et splinée enrespectant le même pas.

La nouvelle énergie de dissociation De (écart entre l'énergie asymptotique et l'énergieminimale du puits) est alors de 3,82 eV. J'ai alors e�ectué des recherches sur la valeur deDe. Le livre de Herzberg de 1979 [15] donne D0 = 4, 08 eV c'est-à-dire l'écart d'énergieentre la zone asymptotique et le premier niveau vibrationnel de l'ion ; j'ai rajouté le zpe(zero point energy) c'est-à-dire l'écart entre v+

i = 0 et le minimum du puits soit 0,17 eV

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pour obtenir De = 4, 25 eV. Les tables de NIST donnent zpe = 1308 cm−1 soit 0,16 eVmais aucune valeur pour D0 ou De. En continuant ma recherche, j'ai trouvé un article deZ. Biglari de 2014 [16] qui donne De = 4, 24 eV puis les travaux de l'article plus récent(2017) de J.F. Babb et B.M. McLaughlin [17] fournit De = 4, 291 eV.

Il y a donc globalement concordance entre les anciennes et les nouvelles références surla De mais il y a un écart signi�catif de 0,47 eV entre la valeur que j'obtiens avec monextrapolation et la valeur la plus récente trouvée. J'ai ainsi e�ectué d'autres extrapolationsa�n de respecter la valeur deDe de 4,291 eV tout en évitant ou en minorant la discontinuitéau point de raccordement ; j'ai essayé di�érents points de raccordement et couples depoints. Finalement, la courbe choisie un point de raccordement en R=5 (au delà lesdonnées fournies par K. Chakrabarti ne sont pas sûres). De la même manière, Jeo�reyBo�elli et moi avons extrapolé les courbes dissociatives de CH pour les symétries 2Π, 2∆et 2Σ+ entre 0,5 et 30 Bohrs (en utilisant la formule U(R) = D+ + C6

R6 pour la partieasymptotique) de telle sorte que l'énergie asymptotique corresponde à un niveau NIST :tous les niveaux présentés dans la Figure 2.3 sont placés par rapport à la courbe de CHdans son état fondamental X2Π. Il existe 31 niveaux vibrationnels pour l'ion dans sapartie discrète. Les points noirs correspondent aux dernières valeurs d'origine ; les valeurssuivantes concernent l'extrapolation. Pour la dissociation, l'hydrogène reste dans son étatfondamental, seul le carbone est excité.

Figure 2.3 � Diagramme énergétique CH X2Π - CH+ X1Σ+ avec la molécule CH X2Πcomme référence

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2.2.2 Couplages, défaut quantique et sections e�caces

Les couplages globaux "Rydberg-valence" pour la symétrie 2Π (c'est-à-dire les cou-plages de chacune des deux courbes dissociatives avec les états de Rydberg pour les troiscoeurs ioniques X1Σ+, a3Π et A1Π) ont été obtenus à partir des largeurs fournies. Celles-ciont été extrapolées de façon à obtenir la courbe gaussienne la plus probable pour chacune.L'expression d'une gaussienne est la suivante :

f(R) = Aexp(−λ(R−R0)2) (2.1)

Dans le code utilisé, R0 est l'abscisse du point correspondant au maximum de f. Le codecomprend deux parties : une partie pour l'extrapolation à droite et une pour l'extrapola-tion à gauche des points existants. Les 3 conditions suivantes doivent être remplies :

1) Les valeurs f(R0) et f(Rn) sont connues, Rn étant l'abscisse du dernier point connuà droite ou du premier point à gauche.

2) f(Rf )

f(R0)= 0, 01 ; on désire que la hauteur au nouveau point Rf soit égale à 1�de la

hauteur maximale.3) Rf est dé�ni à une certaine distance de R0 ce qui permet de jouer sur la largeur de

la gaussienne.Les Figures 2.6 et 2.7 en annexe montrent respectivement les largeurs et couplages

obtenus. En comparaison, les nouvelles largeurs sont plus petites que les anciennes quiont été multipliées par 0,05. La di�érence se voit dans les couplages et elle est d'autantplus importante que l'ancien couplage est partiel (entre l'unique courbe dissociative D1prise en compte et l'état de Rydberg R1 convergeant vers l'état fondamental de l'ion) [6].

Le défaut quantique pour l'état de Rydberg n=4 et le nombre l=1 (nombre caracté-risant le moment angulaire orbital) a été obtenu grâce à la courbe du nombre quantiquee�ectif de l'article de K. Chakrabarti de 2019 pour la symétrie 2Π [18]. Les points de cettecourbe vont de R=0,5 à R=8,6 Bohr et correspondent aux données d'origine de CH+ ;seulement, j'ai e�ectué une extrapolation à partir de R=5 pour la courbe de l'ion (commeexpliqué dans la partie 2.2.1). Ainsi, à partir du nombre quantique e�ectif et de l'équation1.6 je suis remonté à la di�érence initiale U+(R) − Un(R) à laquelle j'ai rajouté l'écartsupplémentaire dû à l'extrapolation de la courbe de l'ion puis j'ai calculé le défaut quan-tique µ entre R=5,2 et R=8,6 Bohr. A R=30 Bohr, l'état de Rydberg considéré tend versla limite NIST C(2s22p3d, 1D0)+H(1s, 2S) ; et, comme je connais la limite asymptotiquede l'ion à l'état fondamental, j'en déduis celle de µ. Puis, j'ai e�ectué une extrapolationlinéaire entre 8,6 et 30 Bohr. Le résultat obtenu est illustré par la Figure 2.8 en annexe.

Ensuite, toutes les données (énergie potentielle de l'ion, énergie potentielle de la pre-mière courbe de résonance D1, couplage de D1, défaut quantique, énergie potentielle de ladeuxième courbe de résonance D2, couplage de D2) sont introduites dans l'ordre d'énumé-ration dans le �chier input.data pour l'obtention des sections e�caces de recombinaisondissociative pour la symétrie 2Π avec un c÷ur par le code MQDT. Une seule onde partiellepour l'électron externe est considérée (orbitale p). Le rapport de multiplicité ρsym (RPdans le code) vaut 4 car la multiplicité de CH 2Π est 4 (le 2 correspond à 2S+1 donc lamultiplicité de spin et Π signi�e Λ = 1 donc la projection du moment angulaire orbital surl'axe internucléaire vaut ±1 soit encore deux valeurs possibles et 2×2 = 4) et celle de CH+

X1Σ+ est 1 (2S+1=1 et Σ signi�e Λ = 0 soit une dégénérescence de 1 et 1× 1 = 1). Lescourbes de sections e�caces sont obtenues pour les processus direct et total en prenant

16

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en compte D1 et D2. Elles sont comparées dans la Figure 2.4 avec les anciennes donnéesnumériques et expérimentales. L'énergie d'ouverture (E − Ev+i =0) de D2 est de 0,197 eVce que montre bien la courbe bleue en pointillés. En e�et, sur le diagramme énergétique(Figure 2.3) on voit la courbe verte qui passe au-dessus de l'énergie du premier niveauvibrationnel de l'ion à l'état fondamental (prise comme origine) pour R>9 Bohr ce quiimplique que cette voie dissociative n'est pas ouverte d'emblée.

Figure 2.4 � sections e�caces de recombinaison dissociative pour la symétrie 2Π

La Figure 2.4 montre une amélioration des anciens résultats et une concordance avecles données expérimentales entre 0,197 et 0,6 eV. La prise en compte de D2 augmente lasection e�cace car la probabilité de capter l'électron libre (le projectile) est alors plusimportante. En dessous de 0,197 eV, la nouvelle section e�cace est plus faible que lesdonnées anciennes du fait du nouveau couplage qui est plus petit. Cependant, cet écartà basse énergie n'est pas aussi important qu'attendu ; c'est parce que le recouvrement deFranck- Condon [19] entre la fonction d'onde Ψv du premier niveau vibrationnel de l'ionet celle Fd de D1 pour la même énergie est meilleur qu'avant (comme le montre la Figure2.9 en annexe). Comme le carré de l'intégrale du produit Ψv × Fd × Vc est proportionnelà la section e�cace alors un meilleur recouvrement pour les nouvelles données compenseen partie un moins bon couplage Vc.

La Figure 2.10 en annexe montre le diagramme énergétique construit cette fois enprenant les valeurs de l'ion (considérées comme meilleures) comme référence. Ainsi, leslimites NIST ont été translatées vers le haut. L'énergie d'ouverture de D2 est alors de0,345 eV. A ce stade, Il ne semble pas y avoir de solutions pour l'ouverture complète decette voie dissociative. De plus, l'augmentation des nombres quantiques rotationnels Net N+

i n'a pas d'impact sur la section e�cace à basse énergie (donc avec D1 uniquementnotée parfois 2Pi(1)) comme le montre la Figure 2.11 en annexe.

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Conclusion

Ce stage m'a permis de m'enrichir au point de vue théorique et numérique sur la phy-sique des collisions électron/cation moléculaire. J'y ai appris beaucoup de choses qui vontau-delà des cours dispensés en Master Energie. Les notions de courbe de résonance, lar-geur, couplage, voie ouverte ou fermée, défaut quantique, méthodes Numerov et MQDTétaient nouvelles. Les explications données par les collègues et la lecture d'articles scien-ti�ques m'ont permis de comprendre, de calculer, de représenter graphiquement touteune série de grandeurs et d'analyser les résultats. Notamment, je me suis approprié lescodes d'extrapolation en langage FORTRAN des courbes d'énergie potentielle, largeurset couplages. J'ai étudié les paramètres des �chiers d'entrée et la programmation pour lesméthodes Numerov (pour obtenir les niveaux vibrationnels et fonctions d'onde associées)et MQDT (code de dynamique pour l'obtention des sections e�caces de recombinaisondissociative). J'ai également acquis une bonne maîtrise du logiciel xmGrace pour la vi-sualisation et la comparaison des courbes ainsi que des compétences d'écriture en Latex.

L'étude numérique principale concernait l'ion CH+. Les résultats obtenus pour la sy-métrie 2Π sont encourageants à partir de l'ouverture de la deuxième voie dissociativepuisque meilleurs qu'avec les anciennes données numériques et correspondant davantageaux données expérimentales dans un certain intervalle. Seulement, nous n'avons pas trouvéde solution pour l'ouverture totale de cette voie et les sections e�caces de recombinaisondissociative sont ainsi trop faibles à basse énergie par rapport aux données expérimentales.Durant ce travail, les échanges ont été fructueux entre les di�érents membres de l'équipedu Laboratoire Ondes et Milieux Complexes et avec les partenaires extérieurs. Ce travailde recherche e�ectué pourra me servir pour l'étude d'autres systèmes.

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ANNEXES

Figure 2.5 � Courbes nouvelle et ancienne d'énergie potentielle de CH+ X1Σ+ avec lestrois premiers niveaux de vibration et leurs fonctions d'ondes

Figure 2.6 � Largeurs pour CH symétrie 2Π

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Figure 2.7 � Couplages pour CH symétrie 2Π ; la courbe bleue représente un couplagepartiel R1-D1 ; les autres courbes sont des couplages globaux.

Figure 2.8 � Défaut quantique pour l'onde partielle de l'électron externe

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Figure 2.9 � Comparaison des recouvrements de Franck Condon entre les anciennesdonnées (en haut) et les nouvelles données (en bas). On voit que pour les nouvelles donnéesles deux premiers maxima de Fd ("wf Diss1") sont plus proches du maximum de Ψv ("wfCH+") et que, autour de R=2,8 Bohr, Ψv est proche du maximum de Fd ce qui impliqueque le produit Ψv × Fd est plus élevé qu'avant et donc que le recouvrement est meilleur.

Figure 2.10 � Diagramme énergétique de CH X2Π - CH+ X1Σ+ avec l'ion commeréférence

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Figure 2.11 � Comparaison des sections e�caces de recombinaison dissociative pour lasymétrie 2Π en considérant di�érents nombres quantiques rotationnels N = N+

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