Marx Et La Marchandise

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Marx et la Marchandise. Aliénation, chosification et fétichisme Écrit par Hendrik Patroons Mercredi, 07 Février 2007 04:00 - Mis à jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35 Cette brochure est le texte remanié et augmenté des deux conférences que j’ai faites pour Association Jaurès Espaces Tarn en collaboration avec Attac, le 24 janvier et le 9 février 2006. AJET s’efforce, tout comme Attac, de continuer le travail d’éducation que menait le mouvement ouvrier avant que cette forme d'accès populaire à la culture ne fut submergée par la marchandisation de notre vie quotidienne. J’ai tenu compte des questions et commentaires soulevés par un auditoire qui tient, malgré les catastrophes du siècle passé, à l’idée d’une société socialiste, d’une véritable démocratie sociale et d’une société sans marchandises ni bureaucrates. Je remercie Gérard Bordes, Marijke Colle, Antoine Dequidt, Alain Tondeur et Jacques Trinques pour leur aide, leurs commentaires et leurs corrections. 1. Un peu de théorie  De plus en plus de produits du travail humain et de la nature sont devenus des marchandises. Le vivant lui-même n’échappe pas à la voracité de la marchandisation. La mondialisation en cours s’applique à transformer tout ce qui ne l’est pas encore en marchandise et cela pour un marché mondial qui globalise tout. On est ainsi obligé de constater l’actualité de Karl Marx (1818-1883)[1], qui a défini le capitalisme comme la production généralisée de marchandises. L’œuvre maîtresse de Marx et le fondement même de la critique marxiste, commence ainsi :  1 / 43

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Alienation Chosification Et Fetichisme

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    Cette brochure est le texte remani et augment des deux confrences que jai faites pourAssociation Jaurs Espaces Tarn en collaboration avec Attac, le 24 janvier et le 9 fvrier 2006.AJET sefforce, tout comme Attac, de continuer le travail dducation que menait le mouvementouvrier avant que cette forme d'accs populaire la culture ne fut submerge par lamarchandisation de notre vie quotidienne. Jai tenu compte des questions et commentairessoulevs par un auditoire qui tient, malgr les catastrophes du sicle pass, lide dunesocit socialiste, dune vritable dmocratie sociale et dune socit sans marchandises nibureaucrates. Je remercie Grard Bordes, Marijke Colle, Antoine Dequidt, Alain Tondeur etJacques Trinques pour leur aide, leurs commentaires et leurs corrections.

    1. Un peu de thorie

    De plus en plus de produits du travail humain et de la nature sont devenus des marchandises.Le vivant lui-mme nchappe pas la voracit de la marchandisation. La mondialisation encours sapplique transformer tout ce qui ne lest pas encore en marchandise et cela pour unmarch mondial qui globalise tout. On est ainsi oblig de constater lactualit de Karl Marx(1818-1883)[1], qui a dfini le capitalisme comme la production gnralise de marchandises.Luvre matresse de Marx et le fondement mme de la critique marxiste, commence ainsi :

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    La richesse des socits dans lesquelles rgne le mode de production capitaliste sannoncecomme une immense accumulation de marchandises. Lanalyse de la marchandise, formelmentaire de cette richesse, sera par consquent, le point de dpart de nos recherches.

    La forme marchandise des objets que nous consommons ou que nous convoitons exerce uneprofonde influence sur notre conscience et sur notre comportement. Je nhsite pas direquelle dtruit notre humanit, quelle nous transforme en individus envieux, en hommes etfemmes qui se dressent contre leurs semblables, perdant leur sociabilit, la caractristiqueminente de lhomo sapiens.[2] Cette influence destructrice est lie ce que Marx a nomm lecaractre ftichiste de la marchandise.[3] Un ftiche est un objet auquel on attribue un pouvoirmagique et bnfique. La forme marchandise est galement lie un autre phnomne, celuide la chosification, cest--dire la transformation dans notre conscience de toute relationhumaine, sociale, en objet naturel, normal, intangible, ternel, indpendant de notre volont.Aujourdhui les deux concepts, ftichisme et chosification, sont consubstantiels avec lamarchandisation. Ils expliquent la perversit mercantile de notre modernit.

    Il va de soi que certaines formes de ftichisation et de chosification ont toujours exist etexisterons toujours. Il sagit cependant dexaminer leurs formes concrtes actuelles qui, dunpoint de vue marxiste, sont fondamentalement domines par la marchandise.

    Un ftiche par excellence est cette fameuse main invisible du march, chre lidologieno-librale et auquel le social libralisme sest soumis. Largent est une autre idole, et non lamoindre. La technique, le travail salari, le march, les institutions, sont devenus dans nosconsciences des choses de moins en moins perues comme le rsultat de relations sociales,humaines, et de plus en plus accepts comme des choses naturelles, invitables. On ne peutpas les remettre en question sans se heurter un tir nourri idologique et parfois mme un tirnourri mtallique. Il faut donc commencer par expliquer ce quest la marchandise[4].

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    1.1. La Marchandise

    Marx distingue dans la marchandise une valeur dusage et une valeur dchange.

    La valeur dusage dun objet rpond un besoin, comme celui de lestomac ou de la fantaisie.Elle satisfait un besoin humain particulier. Sa nature, qu'il s'agisse d'un objet matriel ou d'unservice, ne change rien laffaire : du pain, une voiture, les soins dune manucure, un polar, lestransports publics.

    Cette valeur dusage est le rsultat dun travail particulier, concret. Le travail dun boucher quicoupe une entrecte et celui dun chirurgien qui opre une appendicite, produisent des valeursdusage, mais ils ne peuvent tre compars et ne peuvent donc pas tre changs. Les valeursdusages nont, a priori, aucune commune mesure ! Mais puisque les marchandises sontvendues et achetes, elles doivent possder quelque chose en commun, faute de quoi il seraitimpossible de les comparer pour les changer.

    Do vient donc cette substance commune ? Quelles sont les conditions qui rendent possiblesla comparaison et donc lchange des marchandises ? Cest quelles sont le produit dun travail

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    non pas concret, particulier, mais au contraire dun travail abstrait. Ce que les marchandises onten commun, cest la valeur dchange et cette valeur est le rsultat dun travail abstrait.

    Si deux marchandises distinctes schangent sur le march, cest quil doit y avoir dans cesdeux objets un lment commun quantifiable, pertinent pour le march, un commundnominateur. Comment cela se passe-t-il ? La socit galise travers le march deuxdpenses particulires de travail, donc met en rapport deux travaux concrets. Le march tablitdans quelle proportion des marchandises ayant la mme valeur abstraite, doivent schanger.

    Supposons que 3 h de travail reprsentent la moyenne ncessaire pour produire un pantalon etquil faut 9 h pour produire une paire de basket ( qualification et donnes techniques gales).Lgalisation par le march consiste tablir une quivalence entre 3 pantalons pour 1 paire debaskets, de sorte que, indirectement, 1 h de travail dans la production de pantalonsschangera bien contre 1 h de travail pour les baskets.

    Il faut introduire ici le concept du temps de travail socialement ncessaire. Si lon calcule letravail en heures, il ne sagit pas simplement dun temps naturel, mais dun temps social. Letemps doit tre socialement ncessaire. Cest dire que lon nglige le temps individuel,concret, pour sintresser au temps dpens en moyenne par les travailleurs. Celui qui produit5 paires de chaussures par jour, peut les vendre un prix moindre que celui qui en produit une,sans diminution de son revenu. La concurrence oblige le moins productif suivre le plusproductif. Le march tablit une moyenne. Le travail nest donc pas une catgorie purementphysique, une dpense concrte dnergie par unit de temps non, cest une catgoriesociale.

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    Nous devons galement constater que le commun dnominateur des marchandises est enralit le travail indirectement social. Que se passe-t-il ? Les capitalistes ne dcident pasconsciemment et priori les produits dont la socit a besoin. Il ny a pas de plan conomique.Dans la socit marchande, chaque entrepreneur produit pour le march et cest le march quidcide si le produit est utile, donc social, cest dire sil est vendu. Dans le capitalisme cest lemarch qui dcide aprs-coup, indpendamment de la volont humaine, si le travail dpens la production dune marchandise a t utile, donc sociale[5] ! Si les produits ne sont pasvendus, ce travail a t du gaspillage, sans utilit sociale. Si les canons se vendent bien cestquils reprsentent un travail social, tandis quun mdicament prventif qui ne trouve pasdacheteur parce que ltat a dpens son budget lachat de canons, reprsente un travailnon social. Le march sanctionne ! Une crise de surproduction est lexpression de cettesanction sociale par la main invisible du march.

    Lchange a donc une fonction sociale : galiser les travaux concrets pour quon les puissechanger. Cest donc par le march, aprs coup, que se ralise lallocation du travail socialdans une socit fonde sur la proprit prive des moyens de production. De l les crises desurproduction, donc de gaspillage social.

    Conclusion. Dans le capitalisme la socialisation du travail se fait travers le march. Lemarch ne reconnat pas le travail concret, particulier, mais seulement le travail abstrait,commun dnominateur permettant l'change des Marchandises. Cest travers le travailabstrait que le travail concret du travailleur est reli au travail en gnral de la socit.

    1.2. Le travail salari

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    Pour produire une marchandise, il faut travailler, et pour travailler, il faut disposer dune force detravail. Cette force de travail est elle-mme une marchandise que le travailleur est oblig devendre au propritaire des moyens de productions, le capitaliste. Il faut bien faire la distinctionentre force de travail et travail tout court. La force de travail cest la possibilit de fournir dutravail. On ne vend pas son travail, on vend sa force de travail, sa possibilit de fournir dutravail. La diffrence entre force de travail et travail est essentielle pour comprendrethoriquement lexploitation du travailleur.

    Comme toute marchandise, la force de travail a une valeur dusage. C'est cette valeur dusagequi cre une valeur relle, une richesse nouvelle. Le travailleur vend sa force de travail unevaleur infrieure la valeur de ce que cette force cre. Le salaire quil reoit en change luipermet de reproduire sa force de travail et de procrer pour reproduire une populationlaborieuse.

    En achetant ce travail louvrier et en la payant sa valeur, le capitaliste, comme toutacheteur, a acquis le droit de consommer la marchandise quil a achete ou den user .[6] Sitrois heures de travail suffisent au travailleur pour produire la valeur reprsente par son salaireet qu'il est oblig de travailler 8h pour percevoir ce salaire, cela fait 5 h de surtravail encaisspar le patron.

    Par le biais de la signature du contrat d'embauche, le patron s'approprie ce surproduit, cettevaleur supplmentaire, obligatoirement produite par le travailleur au-del de la valeurreprsente par le salaire. Pour donner un exemple trs simplifi, six dix ouvriers et ouvriresproduisent ensemble cinq voitures par jour ils nont pas pour autant le droit de quitter tous lesdeux jours lusine avec une voiture pour chacun deux. Ils sont exploits.

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    Cette exploitation capitaliste se fait de manire intgre dans lespace et dans le temps. Letravailleur ne peut pas la voir directement. Contrairement au travailleur des temps modernes, lepaysan mdival qui tait oblig de travailler trois jours par semaine sur les terres de sonseigneur, et qui labourait le reste du temps sa propre terre, comprenait immdiatement quiltait exploit dans une proportion de trois jours sur sept.

    La production dun surproduit par le travailleur forme la base de son exploitation et prenddiffrentes formes : celle de la fameuse plus-value et celle du profit, formes dont lexplicationnous mnerait trop loin[7].

    Il est important de souligner quon ne peut rduire la valeur de la force de travail une quantitphysique mesurable, en une consommation nergtique pour la reproduire, par exemple encalories. Il y a un aspect culturo-psychologique cette valeur, ce que Marx a nomm laspectmoral. Le pain ne suffit pas pour se sentir plus ou moins heureux, il faut aussi les roses. Cesupplment est dtermin par les exigences culturelles et par la combativit du travailleur, pourobtenir ce quil considre comme ncessaire ct de la nourriture, du logement et desvtements pour lui et sa famille[8]. Avoir une tl est devenu en Europe une ncessit sanslaquelle on se sent pauvre. Ce nest pas le cas du travailleur rural dans un pays moinsdvelopp, dont les besoins pour se sentir plus ou moins heureux sont plus modestes. Onconstate donc que la lutte de classe syndicale et politique pour la satisfaction de besoins plustendus que ceux ncessaires la simple survie, empche la marchandisation totale de laforce de travail !

    1.3. Marchandise et salaire comme relations sociales

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    En effet : la marchandise est produite par le salari qui est oblig de vendre sa force de travailparce quil ne possde pas de moyens de production. Dans cette transaction le salari cre unevaleur dont un autre est le propritaire. Pour en arriver l, le capitalisme a d mener une bataillecontre les institutions de lAncien Rgime : exproprier les paysans et les artisans et lestransformer en travailleurs formellement libres mais obligs de vendre leur force de travail. Lamarchandise na pas toujours exist et le travail salari non plus. La gnralisation de laproduction de marchandises et donc du travail salari est un phnomne social relativementrcent dans lhistoire humaine.

    Le capital lui-mme est une relation sociale, savoir entre ceux qui possdent et ceux qui nepossdent pas les moyens de production. Une somme dargent ne produit pas de plus-value sielle nest pas investie dans la production ; une usine de Coca-cola sur une le dserte isole,sans travailleurs disponibles nest pas un capital. Le capital lui-mme est une relation des plussociale. Pour la mme raison, le march est une relation sociale, cest le lieu virtuel ou rel olon se rencontre pour changer des marchandises.

    Il faut insister sur ce caractre social, car lidologie librale, oblige de dfendre le systmecapitaliste, prtend sans cesse que la marchandise, le salaire, le capital et le march sont deschoses naturelles, quasi ternelles, donc intangibles ! Ce qui nous conduit un phnomnesociologique et psychologique significatif de la vie quotidienne dans la socit capitaliste : lachosification.

    1.4. La chosification

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    Les relations que le producteurs privs nouent entre eux ne stablissent que par lintermdiairedu march. Cest le march qui cre un lien social, donc un rapport social. On dit que le rapportsocial est chosifi : le rapport entre les humains se matrialise sous la forme dun rapport entrechoses, entre marchandises. Par la notion de chose on conoit en gnral un objet naturel, etnon pas un produit dune relation tablie par eux-mmes entre tres humains, non pas unerelation sociale qui peut tre transforme ou abolie mais quelque chose de naturel, donne unefois pour toute, inaltrable, intangible, laquelle on ne peut chapper. La chosification de lasocit bourgeoise se rvle dans la socit civile, une notion hglienne[9], reprise par Marx.Cette notion est aujourdhui employe dans un sens qui escamote la division en classes de lasocit. Dans sa conception originelle elle dsigne ( loppos de la sphre de ltat, institutionqui unifie les humains concurrentiels[10]), le monde libre, la sphre o les citoyens (labourgeoisie) sadonnent leur fonction sociale par excellence : changer des marchandises,acheter la force de travail pour produire les marchandises, etc. Cette fonction sociale surlaquelle repose le monde bourgeois est le fondement de lidologie dominante qui est, commeon le sait, lidologie de la classe dominante. La libert, cest la libert de la libre entreprise. Lalibert cest la concurrence libre et non fausse. La libert commence avec la libert de faire dela publicit.

    Selon cette mme logique chosiste, la socit capitaliste est, dans linterprtation historiquedun esprit bourgeois triqu, le summum de certaines choses qui ont toujours exist, propres cette hypothtique nature humaine que les marchands et industriels nous attribuent : lamarchandise, le travail salari, le march, la concurrence. Ainsi la Rvolution franaise, est unacte brutal et ncessaire dans les yeux dune bourgeoisie ascendante qui vient dinstaurer sonpouvoir politique, tandis que la bourgeoisie franaise actuelle considre la face brutale de cettervolution non seulement comme une drive totalitaire, mais comme un acte superflu, tantdonn le dveloppement naturel dune socit qui contenait depuis toujours le capitalisme dansses gnes. Les formes de socits qui se sont succdes ne sont que les tapes successivesvers le progrs. Cette conception du progrs diffre fondamentalement de la notion socialistedu progrs.

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    Mais les interprtations chosifies de lhistoire ne sont pas lapanage de la pense bourgeoise.Ainsi linterprtation positiviste qu'une partie de la IIe Internationale (socialiste) faisait de lanaissance du socialisme. Puisque, selon Marx, les forces productives ne pouvaient sedvelopper dans le cadre des relations de production capitalistes, elles taient ncessairementpousses par la force des choses, par le mouvement naturel de la nature tendant se librerdu carcan bourgeois. Les salaris navaient qu lire leurs dputs, qui voteraient les rformespermettant aux forces productives de se dvelopper. La bourgeoisie ne pourra pas empcherlmergence du socialisme que la classe ouvrire naurait donc pas imposer de force. Dans laconception chosiste de lhistoire, llment subjectif, les tres humains ne sont plus que desfigurants, des objets de laction, des choses, et non des sujets, des tres conscients et actifs.Naturaliser le social, voil le fondement de la chosification.

    Transformer les institutions humaines en choses naturelles et mme divines[11], produit desabstractions, tel le march qui, si lon ne tient pas compte du march de quartier hebdomadaireo nous allons acheter nos lgumes, na pas de forme matrielle : il existe en tant quemouvement boursier, ou march terme o lon vend les ufs pas encore pondus par despoules qui ne sont encore que des poussins, etc. Cette abstraction, la fameuse main invisibleest par contre une abstraction sociale, mais une abstraction sociale relle, dans le sens quelleagit, quelle pse de tout son poids sur notre vie.

    Ces abstractions relles sont des lments constitutifs de nos relations interhumaines,interpersonnelles. Elles produisent une alination : le rapport social global en tant que tel estdevenu une puissance trangre qui nous colonise, qui nous domine. Elles sont desautomatismes qui reproduisent le systme de classes, lexploitation et la dgradation humaine.

    La chosification ou rification (du latin res, chose) transforme dans notre tte les relationsinterhumaines en relations entre choses. Une des caractristiques principales dune socitbase sur la gnralisation de la production de marchandises, cest le fait quun grand nombre

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    de relations humaines ont tendance perdre leur caractre purement humain, pour se rduiredans la conscience en choses inertes, mortes, des relations mcaniques, des relationsentre choses.

    Je reviendrai plus loin sur la chosification dans notre vie quotidienne.

    1.5. Lalination

    Le concept alination recoupe beaucoup de significations, allant de la folie en passant par lideromantique de la perte de notre unit originelle en tant qutre humain avec la nature, a laperte de notre authenticit selon des penseurs ractionnaires comme Heidegger[12]. Pourrester dans le concret nous devons chaque fois situer le contexte dans lequel nous employonsla notion dalination.

    Le jeune Marx a trait de lalination et ses ides ont t publies en 1932 sous le titreManuscrits de 1844[13]. Marx tudie l'alination par le travail, rsultat de la soumission dutravailleur aux relations sociales. Relations sociales caractrises dans le systme capitaliste,par la division du travail et par la production de marchandises. En dernire instance il sagitpour lindividu de limpossibilit de mettre en uvre ses propres capacits et qualits, bloquesqu'elles sont par des entraves sociales et conomiques. Ces capacits et qualits renvoient ralit potentielle, des choses qui peuvent tre, qui existent ltat embryonnaire. Si nousdfinissons le travail alin comme toute forme dactivit humaine qui empche

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    lpanouissement de nos potentialits, nous devons prendre en compte non seulement lespotentialits dont nous sommes dj conscients, mais galement de ceux dont nous pourrionsdevenir conscients dans un cadre social transform.

    La suppression du travail alin suppose par consquent la suppression de production demarchandises et de la division du travail. En effet, cest travers le travail salari, lui-mmedivis pour le besoin du profit en une multitude de tches qui perdent tout lien signifiant entreelles, que le travailleur est soumis formellement et rellement au capital. Formellement par lesconditions dans lesquelles il travaille (la manufacture par ex.) et rellement quand il perd touteautonomie au sein du processus de production industriel. Dans le premier cas lexploitationproduit une plus-value absolue (par le prolongement du temps de travail), dans le second casdans une plus-value relative (en augmentant la productivit par le machinisme, la technologie,etc.). Le travailleur na aucun contrle sur la forme de son travail, ni sur le produit de son travail,ni sur le but social de son travail. Le travailleur est formellement libre, mais en ralit il estlesclave du capital, cest--dire des relations de production entre ceux qui possdent lesmoyens de production et ceux qui ne possdent que leur force de travail.

    1.6. Le ftichisme

    Confronts la marchandise, nous oublions facilement quil sagit dun rapport social, rapportqui est le fruit de lexploitation dans une socit marchande. Nous prenons le support matriel,lenveloppe matrielle de lobjet pour sa ralit profonde. Nous sommes les victimes duphnomne du ftichisme de la marchandise, de la transformation de la marchandise en idole.Nous la considrons comme une chose naturelle, hors et au-dessus des rapports humains.

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    Ce ftichisme est la matrice des idologies dont le point de dpart et l'ultime destination est lemarch. Pensez aux discours juridiques sur lgalit, aux discours dconomie politique surlchange comme un libre choix, sur la concurrence libre et non fausse, sur le libre arbitre etc.Marx dit quelque part que le march est le paradis des droits (bourgeois) de lhomme. Tout lemonde y est gal. On vend et on achte entre des gaux et quelquun a dit rcemment que ledroit la publicit est la base de la dmocratie. Voil du ftichisme bourgeois de 24 carats.Mais l'galit face au march n'est pas un concept tout fait exact, moins d'ignorerlexistence pertinente des diffrentes classes sociales. Lidologie mercantile prtend quelentrepreneur et le travailleur individuel sont gaux sur le march du travail. Rien nest moinsvrai et la preuve est faite par la construction de syndicats et dune lgislation sociale dont l'objetest prcisment d'attnuer une ingalit sociale bien relle. La Machine galitaire dAlain Mincfonctionne en ralit comme une machine produire des ingalits.

    Cette marchandisation de plus en plus pousse dtruit les services sociaux pour en faire desobjets du march des services. Elle transforme les fonds de retraite en marchandises livres la spculation boursire. Elle attaque le code du travail pour abaisser le prix de la force detravail. Elle produit des individus de plus en plus soumis la pense ftichiste. Nous sommesconfronts au renforcement progressif de lindividualisme moderne du consommateur salari,mais galement au rve de consommation des jeunes damns des ghettos. Je suis ce que jaiest la devise de ce ftichisme.

    Il y a l une diffrence avec les rapports entre humains et objets dans les priodesprcapitalistes. Les objets pouvaient tre galement des symboles, cest dire en tant queprolongement du statut social dune personne, mais ils ntaient pas pour autant surdterminspar des rapports marchands gnraliss. Alors quaujourdhui les objets prdterminent ce quenous sommes aux yeux des autres. Nous ne sommes plus ce que nous faisons concrtement,mais ce que nous avons. Au Moyen ge par exemple, on shabillait selon son statut social et ondevait sen tenir l. Aujourdhui on croit tre lgal dune certaine actrice renomme et riche enportant un sac main Vuitton. Lobjet ftiche nous ment sur nous-mmes, produit une fausseconscience et aucun de nous n'y chappe compltement.

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    Les objets-marchandises touchent notre affectif, ont parfois une face libidineuse, nous donnentune reconnaissance sociale, satisfont nos pulsions, finissent par se substituer nos relationshumaines. Ils nous parlent, nous consolent (pensez ce chien-robot japonais), nous donnentune personnalit. Dans les socits anciennes les objets ntaient que le prolongement dustatut de lindividu, qui lui cherchait la consolation affective plutt dans la transcendancereligieuse et non dans limmanence de la marchandise. Je ne prtends pas qu'il faut revenir lareligion. Je dis plutt que nous devons aller la recherche dune transcendance sociale, cellede la fraternit humaine et de la solidarit, et qui ne peut exister que hors du march.

    Puisque la force de travail est elle-mme une marchandise, elle est sujette une certaineftichisation[14]. Mais puisque cette marchandise est un peu diffrente des autres, vu qu'ellefait partie dun tre pensant, agissant et se dfendant, on ne peut pas la sparer compltementdu travailleur, car sa vente se fait avec plus ou moins de succs dans la lutte de classes.

    Lukcs explique que la transformation de la force de travail en marchandise atomise lessalari(e)s et les empche de comprendre la nature du systme qui les exploite. Ni lducationpopulaire socialiste, ni les rformes imposes par le mouvement ouvrier ne suffisent enelles-mmes pour liminer la mainmise idologique de la marchandise sur la conscience declasse. Le travailleur considre sa force de travail, ou plutt son travail parce quil na pasanalys le problme de fond en comble comme une marchandise naturelle. Cette simplecroyance produit une alination, car tant tout de mme exploit et oblig dobir aux ordres dupatron, il na aucun pouvoir sur la destination de ce quil a produit.

    Les salari(e)s ont le sentiment quils ou elles ne sont que de simples atomes dont le sortdpend entirement du march, sur lequel ils nont aucun contrle. Il faut, selon Lukcs, maiscest sujet discussion, quune situation extraordinaire leur montre la vraie nature du systmecapitaliste avec son march et ses marchandises, pour quils commencent le contesterglobalement, c..d. dvelopper une conscience rvolutionnaire qui conteste le salariat et la

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    marchandise.

    Mais les capitalistes sont eux-mmes prisonniers du ftichisme de la marchandise et dumarch. Ils ne sont pas pour autant malhonntes quand ils disent que les lois du march lesobligent rduire le nombre de leurs travailleurs ou dlocaliser lentreprise. Si on accepte lecapitalisme, la concurrence, le profit, cest--dire la production gnralise de marchandises, onaccepte sa logique. Mais les capitalistes, eux aussi prisonniers dune fausse conscience,oublient tout simplement dy ajouter que ce sont eux qui profitent en fin de compte de cesystme et non les salari(e)s qui en sont les victimes.

    Que faire alors, concrtement, contre cette ftichisation rampante et envahissante de lamarchandise? La combattre, dabord en sauvegardant les sphres de la vie que lamarchandisation na pas encore totalement envahie, en premier lieu celle des services publics.Cela ne va pas sans combattre le no-libralisme, donc le capitalisme. Combattre la fausseconscience, la conscience ftichise, ne se fait pas en premire instance par la thorie, maispar une pratique anticapitaliste, par la lutte syndicale et la contestation politique. Ce nest quedans les sphres o la logique marchande ne domine pas que nous pouvons faire lexpriencedune logique diffrente et saine, une logique de non-profit, solidaire dans lconomie de notrevie, prfiguration dune socit socialiste.

    Lactuelle offensive nolibrale, qui est en fait une offensive pour lever le taux de profit sur lemarch mondial, montre de jour en jour linadquation croissante de la valeur de lamarchandise comme mesure et expression des besoins humains. Cette crise de la loi de lavaleur sous-tend et explique la crise des rapports sociaux bourgeois, des problmes poss parlactuelle mondialisation, de la crise de lEtat-nation, de lenvahissante conomie boursire, etc.Nous ne sommes pas les seuls dans la m, eux aussi le sont. Profitons-en dans notrecontestation.

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    1.7. Le communisme, la bureaucratie et le mal

    Selon Marx le communisme cest tout simplement labolition de la production de marchandises,du travail salari, de la division du travail, de la sparation du travail manuel et intellectuel, decelle de la ville et de la campagne. Avec la disparition des classes sociales ltat aura disparu,puisque celui-ci sert prserver la domination dune classe sur une autre. Marx a refus dedcrire cette socit en dtail, contrairement au socialistes utopistes qui ne manquaient pas depaternalisme autoritaire ce sujet. Le communisme sera le rsultat du mouvementdmancipation et de libration du genre humain lui-mme et cest ce mouvement rel[15],cest--dire les gens eux-mmes qui, travers leurs expriences concrtes, donneront forme la socit communiste. Elle ne sera pas un paradis sur terre, elle ne sera pas exempte deconflits, de drames humains. Mais elle pourra rsoudre ces problmes et drames humains sansguerres, sans perscutions, sans mpris pour son prochain, avec un toit, de la nourriture et dessoins mdicaux pour chacun dentre nous. Cest moins que ce que nous promettent lesreligions monothistes, mais cela nous suffit largement.

    Marx fait prcder le communisme par une phase socialiste, la phase dans laquelle les moyensde production sont proprit commune et dans laquelle les producteurs librement associsnchangent plus des marchandises. Dans le socialisme les travaux de lindividu deviennentparties intgrantes du travail de la communaut, ce qui fait toute la diffrence avec le rgimecapitaliste. En cela Marx se diffrencie des conceptions anarchistes et sociales-dmocrates.

    Ce quoi nous avons affaire ici [le socialisme], cest une socit communiste non pas tellequelle sest dveloppe sur les bases qui lui sont propres, mais au contraire, telle quelle vient

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    de sortir de la socit capitaliste ; une socit par consquent, qui, sous tous les rapports,conomique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de lancienne socit des flancs delaquelle elle est issue. Le producteur reoit donc individuellement les dfalcations une foisfaites lquivalent exact de ce quil a donn la socit. Ce quil lui a donn, cest sonquantum individuel de travail. [16]

    Et Marx prcisait plus loin que malgr la disparition de la production de marchandises et de laloi de la valeur, le droit bourgeois continue prdominer parce que lon reste dans unesituation dgalit formelle et non relle. Des quantits gales de travail individuel,immdiatement reconnues comme travail social, rsultent dans des parts gales du fond deconsommation. Mais puisque les individus diffrents ont des besoins diffrents et des capacitsdiffrentes pour produire des quantits de travail, certains peuvent satisfaire leurs besoins etdautres pas, surtout si le pays vit sous un rgime de sous-production comme ctait le cas enURSS.

    Il ne sagit pas ici dune querelle byzantine sur les notions de communisme et de socialisme.Selon la dfinition de Marx,ce que lon a abusivement appel le socialisme rellement existantntait pas du tout du socialisme, loin de l. Lnine avait crit en 1917 dans sa brochure LEtatet la rvolution que la premire phase, celle du socialisme, impliquait lgalit de tous lesmembres de la socit par rapport la proprit des moyens de productions, cest--dire,galit du travail et galits des salaires. Le programme du parti bolchevique stipulait en 1919comme son but une rmunration gale pour tout travail. partir de 1925 Staline enrageaitcontre cet galitarisme petit-bourgeois : lgalitarisme na rien en commun avec le marxismesocialiste.[17] Il a catgoriquement dclar en 1952 que la loi de la valeur existe et fonctionneen URSS[18] tandis que lconomiste est-allemand Behrens affirmait quen RDA existait uneproduction socialiste (sic) de marchandise[19]. Notons aussi quil nexistait en URSS mmepas cette galit formelle qui caractrise selon Marx la phase socialiste.[20]

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    On pourrait dire que lURSS, les anciennes dmocraties populaires (et lactuelle Cuba) taientdes socits de transition entre le capitalisme et le socialisme. Mais il faut galement constaterque cette transition tait entrave non seulement par lexistence du march mondialcapitaliste, mais galement par la dgnrescence bureaucratique de ces tats, cest--dire parle pouvoir dictatorial dune couche sociale parasitaire qui naspirait nullement au socialisme etqui sest transforme finalement en une classe capitaliste.

    Mais une socit de transition vers le socialisme ne peut tre rellement dmocratique que siles citoyens ont suffisamment de temps libre pour leurs discussions sociales et politiques. Celasuppose une diminution radicale du temps de travail, un temps pour les loisirs qui nest plusoccup par la consommation de marchandises, mais par la jouissance individuelle et collectivede ce que la socit aura nous donner, matriellement et spirituellement.

    Et le Mal, pourrons nous lviter dans la nouvelle socit ? Lhumain nest ni bien, ni mauvais.Lide du pch originel commun aux religions monothistes est une ide foncirementpessimiste et nous dvie des mesures sociales prendre pour sauvegarder la solidarit et lacoopration humaines. Notre cerveau nest pas le rsultat dune volution naturelle vers un butmalsain ou bienfaisant. La nature ne nous a pas donn un cerveau pour rsoudre desproblmes mathmatiques comme ceux du calcul intgral et diffrentiel, ni pour succomber lavolont de pouvoir, ni pour devenir philanthrope. Il savre tout simplement travers lhistoirehumaine que pour notre cerveau extrmement flexible, ces diffrentes options sont possibles. Anous de choisir et dinstaurer les conditions sociales qui favorisent le bien et non le mal.

    Le nolibralisme a supplant depuis une bonne vingtaine dannes nos ides concrtes etdonc nuances sur les droits de lhomme (essentiellement bourgeoises) et la morale (nonmoins bourgeoise), par une abstraction et une ftichisation qui ne servent qu la manipulationde ces concepts. Dans une discussion autour des questions morales[21] Trotski (1879-1940)attaquait lhypocrisie de ceux qui veulent le socialisme (la fin) mais qui refusent les moyens

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    pour y parvenir (la rvolution). Cela ne signifiait absolument pas que Trotski soutenait lejsuitisme qui dit que la fin justifie les moyens, comme osent l'affirmer certains critiques malintentionns qui ne lisent pas ce quils critiquent. Mais Trotski rejette les vrits ternelles oulternelle vrit de la morale, composante idologique de lordre existant.

    Aucun acte ne peut tre apprci en dehors de la fin poursuivie par son auteur. Il [Trotski]rejette ainsi lide que lesclavagiste qui par la ruse et la violence enchane un esclave est,devant la morale, lgal de lesclave qui, par la ruse et la violence, brise ses chanes, mais ilsouligne linterdpendance troite des moyens et des fins qui se modifient mutuellement. [22]

    2. Ftichisme et chosification dans notre vie quotidienne

    On pourrait appeler modernit lenvahissante prsence de la marchandise dans la viequotidienne, prsence qui diffrencie fondamentalement la condition humaine de celle qui avaitcours dans les socits domines par les modes de production antrieurs, socits danslesquelles le travail concret dominait. Il ne sagit cependant pas de glorifier la manireromantique un pass dans lequel la prpondrance de la valeur dusage tait accompagnedoppression et dobscurantisme. Le Manifeste Communiste de 1848, rdig bien avant lergne global de la marchandise, commente ainsi larrive de la bourgeoisie au pouvoir et sonssystme:

    La bourgeoisie na laiss subsister dautre lien entre lhomme et lhomme que lintrt tout nu,

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    le dur paiement comptant () Elle a dissout la dignit personnelle dans la valeur dchange etsubstitu aux innombrables liberts reconnues par lettres patentes et chrement acquises, laseule libert sans scrupule du commerce. En un mot, elle a substitu lexploitation quevoilaient les illusions religieuses et politiques lexploitation ouverte, cynique, directe et toutecrue () Elle a transform le mdecin, le juriste, le prtre, le pote, lhomme de science, ensalaris ses gages.

    Mais il ajoute aussitt : Lextension du machinisme et la division du travail ont fait perdre autravail des proltaires tout caractre indpendant et, par suite, tout attrait pour louvrier. Celui-cinest plus quun accessoire de la machine et lon nexige de lui que le geste le plus simple, leplus monotone, le plus facile apprendre. ( Les ouvriers) sont chaque jour et chaque heureasservis par la machine, par le surveillant, et avant tout par le fabricant bourgeois individuellui-mme. Ce despotisme est dautant plus mesquin, odieux, exasprant quil proclame plusouvertement le profit comme sa fin ultime.

    Dans cette situation de dpendance envers le capital (la condition du salariat qui reposeexclusivement sur la concurrence d'ouvriers entre eux comme dit le Manifeste), dans cetunivers de publicit dbride quest la socit du capitalisme du troisime ge, nous sommesincits nous rjouir que de valeurs qui ne sont sociales que du point de vue du profit, produitsde lexploitation de lhomme, et donc rprhensibles dun point de vue humaniste. Examinonsquelques aspects de cette perversion marchande.

    2.1. Le salariat

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    Vous tes salari et vous pensez comme la plupart entre nous que le salaire est la chose laplus naturelle possible, de mme que la marchandise. Vous acceptez donc inconsciemmentque la force de travail soit une marchandise et que son exploitation, tout comme le profit, soitune chose naturelle. Vous subissez ainsi une forme dalination qui a des consquencesnfastes pour vous en tant que salari et en tant qu'tre humain.

    Si le patron vous dit : je dois diminuer le salaire ou allger le code du travail, vous pouvez bienpenser que cest un salaud, que vous nallez pas accepter cela sans rsistance, mais quen finde compte vous ne pouvez quadmettre qu'on ne peut sopposer la nature, et que vousresterez ce que vous tes, un esclave du salariat. Ainsi dans notre monde moderne la maininvisible de la ncessit du profit a remplac la main implacable de Dieu. Cette idologiepessimiste est celle du social libralisme.

    Mais cela va plus loin. Puisque la marchandise est naturelle on accepte de devoir vendre saforce de travail comme seule marchandise dont on dispose et d'acheter d'autres marchandisespour rester en vie. Vous vous sentez li dune manire tout fait naturelle la socitmarchande. Vous ne pourriez que conclure que la privatisation des services publics est laconsquence dune loi de la nature. Si par exemple le patron vous dit quil doit fermer oudlocaliser son usine si les normes de pollutions ne sont pas abaisses vous allez vousopposer aux mesures anti-pollutions au nom de la sauvegarde de votre emploi, alors quil sagitavant tout de la sauvegarde du profit patronal. Si vous perdez votre emploi, vous ne pouvezplus acheter de marchandises, seuls moyens de vivre une vie dcente dans le mondecapitaliste. Le chantage patronal, qui est celui de la marchandise, a atteint son but.

    Il ne sagit pas de faire une critique morale des attitudes ouvrires concrtement etidologiquement prisonnires du systme salari. Pour chapper ce chantage patronal il fautune conscience anticapitaliste. Et une telle conscience suppose une alternative politiqueconcrte qui ne peut tre labore qu travers des combats anticapitalistes des organisations

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    syndicales et associatives.

    Cest la raison pour laquelle les acquis sociaux (services publics, code du travail, scurit socialet lassurance maladie) et les acquis politiques (suffrage universel, droits syndicaux) doiventtre dfendus avec obstination. Ils sont aujourdhui les lieux par excellence o lon faitl'exprience des formes alternatives au monde du profit. Cest une des raisons pour lesquellesils sont la cible des attaques nolibrales. Mais leur dfense malheureusement ne suffit pas. Lascurit sociale par ex., est finance par les salaires indirects et par les contributions patronales: elle est donc lobjet de la lutte de classe, menace tant que le capitalisme existe.

    2.2. cologie et ftichisme

    Rien nchappe la marchandisation, mme pas les labels bio et colo., Ils sont devenus desmarchandises que le producteur bio doit acheter. Mr. Martinetti, paysan et prsident tarnais deNature et Progrs, a t inspect, alors mme qu'il ne prtendait aucunement que ses produitstaient bio. Mais linspection exigeait quil se soumette au label bio, puisque les gens disaientque ses produits taient biologiques. Belle logique, entirement dirige par le ftichismemarchand!

    Mais il y a plus srieux. Il existe au sein de lcologisme une certaine conception qui dcouledune tradition philosophique conservatrice ou franchement ractionnaire du XXe sicle, lafameuse philosophie de la vie, celle qui oppose culture civilisation, la culture tant de

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    nature spirituelle et la civilisation de nature matrielle, technique. Pour ces pessimistesromantiques et anti-humanistes comme Oswald Spengler (1880-1936) ou Martin Heidegger(1889-1976), le matrialisme, cest--dire la technologie, est devenu un systme qui nousdomine entirement, un dieu qui vit sa propre vie et nous dirige. Le thologien protestantJacques Ellul (1912-1994) suit certaines ides de cette conception ftichiste de la technique. Ilremarque juste titre que certaines technologies sont par dfinition inacceptables, parcequ'intrinsquement incontrlables et constitutives d'une menace pour la vie humaine sur laterre, comme cest le cas du nuclaire. Il dcrit comment la technologie influence nos activits,penses et attitudes. Mais il rejette la structure sociale, les relations de productions entreproltaires et capitalistes comme le fondement dterminant de cette drive. Je cite:

    Lhomme ne peut plus tre sujet, car le systme implique que, au moins par rapport lui,lhomme y est toujours trait en tant quobjet. Ce phnomne est, aujourdhui, beaucoup plusimportant que la fameuse interprtation marxiste de la marchandise. Elle tait dfinie par lesystme capitaliste. Maintenant celui-ci est englob dans le systme technicien, et la catgoriede marchandise (toujours partiellement exacte, et utilisable avec prcaution) nexplique plusgrand chose. La catgorie dobjet technicis est beaucoup plus dcisive et aujourd'huirigoureuse. [23]

    Cest ici quEllul adopte une attitude ftichiste envers la technologie. Elle est la suite logique deson rejet de la thorie marxiste de la valeur. Selon lui Le facteur produisant la valeur nest plusle travail humain mais linvention scientifique et linnovation technique[24], autres ftichisations.

    Car la technologie est un fait social, tout comme linvention scientifique et linnovationtechnique. Elle est produite par des humains, et plus prcisment par leur travail, mais lespropritaires des moyens de productions et acheteurs de la force de travail scientifique ettechnique, sen servent pour produire des marchandises, pour diminuer la valeur de la force detravail (le salaire) et pour produire artificiellement de nouveaux besoins. La technologie sert le

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    profit, rien dautre. Marx crit dans les Grundrisse (lbauche du Capital, 1857-1858):

    Le capital nemploie () la machinerie que dans la mesure o elle permet louvrier detravailler durant une plus grande partie de son temps pour le capital, de se rapporter une plusgrande partie de son temps comme du temps ne lui appartenant pas ; de travailler pluslongtemps pour un autre.

    Il est donc possible de changer la fonction technologique en abolissant la productiongnralise de marchandises et en soumettant lconomie et les choix technologiques auxdcisions dmocratiques de la population, dlivre du profit et du march. Je me demande siJacques Ellul aurait soutenu aujourdhui que la catgorie de la marchandise nexplique plusgrand chose quand lOMC fait tout son possible pour transformer tous les services sansexceptions en marchandises, que le nolibralisme dfend la concurrence libre et non faussspour pouvoir couler les marchandises sur le march mondial, tandis que le patronat attaque defond le prix de la force de travail, la seule marchandise que le salari ait vendre, pouraugmenter le taux de profit, le vrai moteur de la production et le vrai ftiche capitaliste.

    Rejeter la possibilit dun changement fondamental de la socit c'est non seulement fairepreuve dun pessimisme contreproductif, mais c'est galement accepter d'tre dsarm devantles dangers cologiques. Le comble de cette attitude est le cynisme dun Yves Cochet, ancienministre "Vert" qui trouve que les sociaux-libraux sont encore trop keynsiens, et qui se rjouitde la pnurie de ptrole annonce, au motif que cette pnurie est un facteur d'activation de ladcroissance (celle des salaris bien entendu, auquel on va donner des bons deconsommations), sans se soucier des guerres et des conflits sociaux que cela va engendrer, eny ajoutant que nous (lOccident ?) devons faire face la rvolte des pauvres qui a djcommence et quil est trop tard pour investir dans des solutions cologiques alternatives etdans lnergie durable comme propose Greenpeace. Cest comme a ! est le mot clef ftichistequaime rpter ce penseur Vert dans les confrences o il fait la promotion de son livre.[25]

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    Notons que la protection de lenvironnement est devenue elle-mme un march lucratif. Lamarchandise est un cercle infernal. Le terme productivisme, employ tort et travers, est,pour cette raison, totalement abstrait, ftichiste. Le capital fait produire pour le profit. On neproduit pas pour produire. Et quand on ne peut plus faire assez de profit on ferme lusine, ou onla dlocalise, ou on fait la grve des investissements. La production capitaliste se soumet auprofit et non un systme technique englobant.

    Quand on attribue un productivisme Marx il faut savoir que celui-ci avait conscience dumtabolisme entre la socit humaine et son environnement naturel, quil ne considrait pas lanature comme inpuisable. Quand Marx critique le fait que les relations de productioncapitalistes freinent le dveloppement des forces productives, il faut raliser quaujourdhui lecapitalisme freine en effet le dveloppement des forces productives non pas tant du point devue industriel mais dun point de vue humain, cest--dire quil freine lmergence dun tas decapacits intellectuelles et sociales. Prenons l'exemple des personnes ges. Une fois quevous tes retrait, le capital vous considre comme un non-productif, un parasite, alors mmeque vous pouvez toujours jouer un rle minemment social, donc utile.

    2.3. Publicit et consumrisme [26]

    La publicit stimule lacquisition par les consommateurs de marchandises et fait lillustrationdun certain style de vie. Elle facilite la ralisation du profit dans un contexte de surproductionet de concurrence exacerbe. Elle a galement une fonction idologique, car elle contribue lintriorisation dune reprsentation fausse de la ralit sociale. Le couplepublicit-consommation complte le rle alinant du travail dans cette autre partie de

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    lexistence humaine appele temps libre . Elle dtruit ce qui reste dans ltre humaindexistence autonome. Aprs avoir vendu sa force de travail et produit des biens qui lui sonttrangers, lhomme ne peut plus quacheter et consommer ce que dautres ont produit envendant leur force de travail.

    Lobjet de ses dsirs, ce nest pas lpanouissement de ses facults personnelles, ce nest pasla richesse de ses relations humaines, ce nest pas le bonheur de ltre social, cooprateur etconvivial que lhomme a vocation dtre; ce nest mme pas la satisfaction primitive des besoinsque rechercherait lanimal en lui. Cest bien plutt lappropriation et la consommation publique,exhibitionniste, de marchandises. Publique, cette consommation devient symbole rassurant derussite individuelle dans la jungle de la concurrence et des rivalits. Marchandise lui-mme,ltre humain dpend entirement dautres marchandises pour satisfaire ce quil croit tre sesdsirs.

    Bien plus, la socit de consommation tend ne susciter dans les esprits aucune alternativequelle-mme, mais en plus grand ! Voil sans doute une des grandes difficults laquelle lesmilitants anticapitalistes se heurtent dans leur travail de conscientisation lmentaire. Mmequand ltre humain ne peut sapproprier et consommer ce que la publicit lui prsente commedsirable, cest encore le capitalisme qui gagne. Car la frustration ainsi ressentie ne conduit passouvent ltre humain sinterroger sur ses aspirations authentiques. Elle stimule au contraireson envie compulsive dobtenir quand mme lobjet dsir, datteindre quand mme le stylede vie tant vant, que ce soit par un acharnement au travail, par le parasitisme social ou parla dlinquance.

    Leffet de la publicit est dautant plus efficace que son mdia principal, la tlvision et linternet,ralise une intrusion performante dans la vie prive de ltre humain, en exploitant lesfrustrations nes de son isolement, tout en perptuant celui-ci. Parmi ces frustrations, laprincipale est la frustration affective. La publicit la bien mesure, elle napporte la frustration

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    affective dautre exutoire que la marchandisation de laffectif et du sexuel qui doit nous inquiter: elle nous touche dans ce que nous avons de plus humain. Car laffectif nest pas sans liensavec les caractristiques de la personnalit humaine que sont lempathie, la sympathie, lasolidarit et la coopration.

    La publicit-consommation est devenue un instrument idologique du conditionnement social.Bien plus efficace que, par exemple, la religion. Alors que la religion a t, presque jusqu nosjours, le vecteur principal du conservatisme social, elle na plus dimpact aujourdhui (du moinsdans les socits riches ) que lorsquelle se prsente sous la forme consommable etlucrative des nouvelles sectes et des prdicateurs tlvisuels, cest la religiosit individualiste la carte. Nous choisissons dans les hypermarchs des religions et pratiques alternatives,celles qui nous plaisent. Cest lattitude typique du consommateur moderne.

    2.4. Les besoins humains

    Dans les discussions sur la dcroissance et dans la critique du consumrisme nous sommesconfronts la fameuse question des besoins. Quels besoins sont naturels, lesquels sontsuperflus, nocifs, dispendieux ? Disons dabord quil est dangereux demployer le mot naturel,car les besoins sont pour une grande part le rsultat de relations sociales, alines ou non.Dans toute discussion sociale, il importe de revenir chaque fois cette diffrence entre lesocial, qui est une relation humaine, et le naturel, les choses, le sacro-saint ftiche.

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    Cest la course aux profits qui instaure la dictature du march qui nous impose les besoins. Sinous voulons promouvoir les besoins humains non ftichiss, notre dcision collective devratre prise aprs de larges discussions politiques et sociales dans le cadre de la plus grandedmocratie, celle o le profit na pas voix au chapitre. Cela nest possible que dans uneconomie planifie, qui dcide non pas aprs coup mais immdiatement de ce qui sera socialou non. Ceci ne signifie pas cependant quil faut abolir du jour au lendemain toute productionmarchande. Mais cette abolition doit tre le but final de la lutte finale.

    Un autre danger dans la discussion sur les besoins cest une pense qui repose sur uneconception anthropologique pessimiste, ractionnaire : lhomme est mauvais, il veut tout pourlui-mme et rien pour lautre et il veut toujours plus. Dans cette pense les besoins humainssont supposs insatiables. Il se peut quil y a parmi nous des "Madame Marcos" qui se sententfrustres de ne pas possder 6000 paires de chaussures, ou des messieurs qui ont besoin detrois Ferrari et de deux voiliers, mais ne sont-ils pas les victimes du sentiment de pouvoirftichiste que leur a donn leur richesse marchande ? Quand nous regardons dans notre forintrieur nous savons que nous sommes pas si insatiables quon le prtend. Et puis cesttoujours celui qui possde beaucoup qui critique le matrialisme bien modeste des pauvres.

    Mais ce nest pas seulement dans le capitalisme quon est confront une dictature desbesoins. Dans les pays du soi-disant socialisme rel les besoins de la population taientdcids par un petit groupe politique, sans aucune consultation dmocratique. Cela a conduit une dpolitisation des salaris. Lencerclement par le march mondial capitaliste et sesmarchandises a eu raison de cette situation. Aujourdhui les femmes en Allemagne orientalecomprennent quelles ont gagn quelques marchandises simples mais perdu galementquelques avantages sociaux (crches, etc.).

    2.5. Sexualit et rotisme

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    La misre sexuelle, rsultat dune socit qui incite systmatiquement au commerce sexuelsans pour autant fournir les possibilits sociales d'une activit rotique libre dans lespace etdans le temps, engendre, conjugue la double morale masculine, une prostitution de grandeenvergure, elle-mme largement marchandise. En Allemagne (comme aux Pays-Bas) o laprostitution a t lgalise dans le cadre de la pense nolibrale, Les maison closes ontpignon sur rue, les souteneurs sont assimils des grants et les prostitues, appeles ici travailleuses du sexe , cotisent comme tout un chacun[27]. Les bordels y prennent des formesgigantesques et sont grs sur le modle de McDonald.

    Lacceptation de ce genre dexploitation du corps de la femme et de son oppression vatellement loin, que la maire adjointe (Verts) de Berlin redoute que ces grands bordels ne fassentconcurrence aux petites maisons closes du quartier, car Les prostitues de Berlin ne croulentpas sous le travail. Nous sommes dans une ville pauvre. Les gens ont peu dargent consacrer cela.[28] Conclusion : augmentons les salaires pour que plus dhommes puissent aller auxbordels de proximit et ainsi donner du travail aux femmes, victimes du grand capital ! On esten pleine chosification de lhumain. Et tout cela en marge de la coupe mondiale de foot, autremarchandisation du corps humain. La pornographie est une autre forme de chosification,permettant lutilisation virtuelle dun corps humain, pur objet, sans aucune relation humaineavec le jouisseur. Par cela la pornographie transforme la femme relle en objet soumis lamerci du mle.

    Mais il y a des formes plus subtiles de la marchandisation de lrotisme[29]. Je me rfre unarticle sur le cinaste et crivain dans le Monde Diplomatique[30]. Pier Paolo Pasolini tait unennemi la modernit impose par la tyrannie du march. Il a chant, dans sa Trilogie de la viela libert sexuelle du monde populaire qui ntait pas encore asservie au puritanisme bourgeois.Mais il a abjur peu aprs cette Trilogie. Je cite :

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    il se rend compte que le pouvoir des annes 1970 peut parfaitement accepter la librationsexuelle, et promouvoir en ce domaine la permissivit, ds lors que chacun est assign unrle de consommateur, et que le sexe devient une marchandise comme les autres. Cest ainsique le sexe cesse dtre une valeur de scandale (puisque le puritanisme disparat) : il est a sontour absorb, intgr, il nest plus tabou, il relve dsormais du nouveau conformisme de laconsommation.

    La marchandisation de toutes les activits humaines est donc selon Pasolini un sacrilge uneprofanation, je dirai 100.000 fois plus mchante quune caricature du Prophte, bni soit sonnom. Pasolini soulignait la sexualit (htro ou homo) comme un phnomne singulier,irrductible toute commune mesure[31]. Il disait : Cest un phnomne excessivementindividuel[32]. et Il y a des gouffres entre ceux qui appartiennent la mme famille rotique.Ce qui, selon Scarpetta laurait oppos aujourdhui toute fiert dappartenance comme lagay-pride, elle-mme de plus en plus commercialise.

    Que voyons-nous : qu travers les mdias, et particulirement la tlvision, eux-mmessoumises la marchandisation, travers leur reprsentation des choses comme marchandises,des normes de comportement sont tablies qui imposent, comme lcrit Scarpetta dans lemme article, le rgne dun troupeau gnralis, non seulement sur le plan rotique mais surtous les plans de lactivit humaine.

    2.6. Lindividualisme moderne

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    crit par Hendrik PatroonsMercredi, 07 Fvrier 2007 04:00 - Mis jour Lundi, 09 Juillet 2007 11:35

    Je renvoie le lecteur qui veut approfondir le problme de lindividualisme aux ides avancespar Philippe Corcuff[33]. Il y a un individualisme solipsiste, un individualisme goste extrme,un phnomne dj vilipend par non moins quAdam Smith (1723-1790), celui que lesnolibraux osent prsenter comme un de leurs prcurseurs: tout pour nous mme et rien pourles autres, cette vile maxime des matres de lhumanit[34], rsultat de la guerrehobbesienne[35] de tous contre tous. Cette individualisation ou individuation se fait travers lapossession de la marchandise. On devient le militant individualiste de la marchandise.

    Mais il a une autre face lindividualisme moderne. Je suis une personne, je veux dcidermoi-mme, je ne suis lesclave de personne. Je veux choisir moi-mme ce que je veux mangeren accord par ex. avec une cooprative agricole, en non pas obir aux dictats de la grandesurface. Cet individualisme l, il faut le promouvoir. Il est un aspect important de la dmocratie,et la bataille fministe a prcisment t lie au dveloppement de lindividualit, delhumanisation de la femme, de la lutte contre le fait dtre une chose, un objet. Cetindividualisme l ce dveloppe travers la contestation dune socit qui refuse lautonomie la personne humaine, et elle renforce son tour cette contestation.. Le philosophe Kant(1724-1804) crivit dans son article sur les Lumires: Humain, aies le courage de te servir deton propre entendement !. Marx na jamais combattu cet individualisme l, bien au contraire.

    2.7. Le patriarcat, le postmodernisme et le correct

    En France les femmes sont surreprsentes parmi les pauvres[36] (53% contre 51% de lapopulation totale) notamment parce quelles sont plus souvent que les hommes, chef de famillemonoparentale, mais aussi en raison de lcart salarial qui persiste entre les deux sexes.Malgr lgalit formelle sur le march du travail, les travailleurs bas salaires sont 80% desfemmes ![37]

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    Une certaine conception chosifie et minoritaire dans le mouvement fministe impute la double(ou triple) exploitation de la femme au patriarcat, et non au capitalisme en tant que tel. Lecapitalisme est un mode de production, celui de la production gnralise de marchandises. Lepatriarcat nest pas un mode de production. Le capitalisme est de notre temps, le patriarcat at de tous les temps. Il nest pas trs productif de parler du Patriarcat avec un grand P,concept abstrait qui mne beaucoup de choses et peu de concret. Il faut aborder lepatriarcat dans son contexte socital concret. Le patriarcat est une relation institutionnelle entreles sexes, lie au fonctionnement du mode de production dans lequel il survit et agit, cest diredans le rle spar (le genre) quil attribue chacun des deux sexes, et ceci adapt auxexigences structurelles du mode de production spcifique. Ces rles ou genres diffrent dunmode de production lautre, ou dune formation sociale une autre. Ceux dune socitclanique ne sont pas ceux dune socit capitaliste. Les modes de production successifs ontrepris chaque fois le patriarcat de lancien mode pour ladapter leurs besoins.

    Le capitalisme moderne utilise le patriarcat, ou plutt certains aspects des relationspatriarcales, par exemple pour pousser vers le bas les salaires des vendeurs mles de la forcede travail. Le travail non rmunr de la femme au foyer na pas de valeur dchange et nexistedonc pas dans le systme de lallocation sociale capitaliste du travail, mais il a une fonctionimportante dans le systme capitaliste. Il est la base dune oppression spcifique, celle desfemmes.

    Si lon veut abolir le patriarcat, il faut en premire instance abolir le travail salari, source delexploitation et fondement de la position spcifique actuelle de la femme au sein de la famille etsur le march du travail. Il faut donc instaurer le communisme ! Si lon considre le socialismecomme la premire tape dans labolition de la production gnralise de marchandises etdonc du travail salari, on ne peut pas supposer le patriarcat comme aboli dans cette tape quiprcde labolition complte de la production de marchandises.

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    Mais cela ne signifie absolument pas, comme le mouvement ouvrier la trop longtemps pratiqu,le mouvement rvolutionnaire compris, que nous instaurons dans notre lutte anticapitaliste unehirarchie entre les luttes contre les diffrentes formes doppression (oppression en tant quetravailleur, en tant que femme, en tant que jeune, en tant quhomosexuel, etc.). La lutte contreles relations patriarcales commence ds aujourdhui; elle fait insparablement,consubstantiellement partie de la lutte contre le capitalisme. Elle est une condition ncessaireet non secondaire pour avancer vers une socit socialiste, donc vers labolition du patriarcat.

    Mettre le capitalisme et le patriarcat thoriquement sur un mme niveau est une dviationpost-moderniste, typique de lattitude du politiquement correct. Cest lexpression duneconception Foucaldienne (dans sa version Coca-Cola Light) du pouvoir. Dans cette optique, cenest pas le capitalisme qui est responsable de lexploitation, mais loppression qui est le produitde la volont de pouvoir. Ainsi on prtend que cest le racisme qui exploite les noirs amricainset non le capitalisme. "Abolissez le racisme, et lexploitation disparat, car noirs et blancsdeviennent ainsi gaux sur le march du travail !" Mais cette abolition nempche nullement queperdurent lexploitation par la vente obligatoire de la force de travail et loppression capitalisteglobale. Le politiquement correct a une approche toute diffrente. Il remplace lexploitation parle harclement psychologique sur le lieu du travail et remplace la lutte contre lexploitation parla lutte pour des bonnes manires patronales au sein de latelier. Dans cette approche lessyndicats b ne reprsentent plus les travailleurs. Ils ont t remplacs par le lobbying et lavocatqui deviennent les reprsentants (les dlgus) des travailleurs en tant quindividus atomiss.La critique psychologisante et philologique remplace la critique concrte de tout un systme.

    Dans cette vision post-moderniste la lutte contre le patriarcat sonne comme un appel radical etrvolutionnaire, mais en ralit elle vite la question de la double exploitation de la femme. Lesgroupes fministes- socialistesdes annes 1970-1990 avaient dj combattu cette vision dupatriarcat.

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    2.8. Madame Bovary, crature aline

    Le roman de Flaubert sintitule Madame et non Emma Bovary. Lusage du prnom auraitconfr ce personnage fminin, une histoire individuelle. Mais Flaubert visait plus loin. Le motMadame renvoie au nom de la femme marie, portant le patronyme du mari. Il sagit l dunedpossession, dune Entausserung, dune extriorisation ou extirpation, pour employer lelangage Hglien. Lhrone est ainsi enferme dans la prison des murs. Je mexplique[38].Au XIXe sicle la femme bourgeoise sduque essentiellement dans et par la vie prive. Or, laRvolution a eu pour consquence de cantonner les femmes dans cette sphre prive, de leurinterdire toute participation la socit civile, ce lieu o les citoyens bourgeois en tantquindividus sadonnent au commerce, deviennent en quelque sorte des individualits. La seulefaon pour devenir plus ou moins une personne individuelle consistait pour ces femmes,comme on le voit chez Balzac, devenir les initiatrices sexuelles et/ou sociales de jeuneshommes ambitieux cherchant le succs dans une socit corrompue par largent, cet autreftiche. Pensez M me de Beausant et Rastignac dans Le pre Goriot. Lide que le mle etla socit et la fin la femme elle-mme se font de la femme, est chosifie et diabolise. Lesfemmes sont des initiatrices lubriques, des manipulatrices, des sductrices, des vampires, desfemmes fatales, elles dvorent les hommes dira Zola, cet crivain naturaliste qui naturalise lesocial. Pour revenir Madame Bovary, ds le titre, Flaubert stigmatise le triomphe de cettesocit ingalitaire, qui aline lindividu par le processus de rification gnralis. MadameBovary, crature aline, dveloppe un amour du luxe, de la vie brillante, des illusionsromanesques et commet ladultre. (Notons galement que le roman lui-mme resteimpersonnel en employant le style indirect libre, lironie et les points de vue des diffrentspersonnages.)

    Ces facults nocives que la misogynie impute la femme (elle est capricieuse, vellitaire,infantile, etc.), sont le rsultat dune vieille oppression patriarcale, reprise et transforme par lasocit capitaliste pour servir ses besoins dexploitation spcifiques. La femme aline nestpas un tre humain part entire, elle appartient plutt au rgne animal. Marx dit que dans cemonde alin, lhomme et plus prcisment louvrier du XIXe sicle, est devenu homme dans

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    sa bestialit (manger, dfquer) et une bte dans son humanit (penser, crer, travailler).Remarquons galement la rponse du Manifeste Communiste de 1848 au reproche selonlequel le socialisme veut introduire la communaut des femmes.

    Le bourgeois ne voit dans sa femme quun instrument de production. Il entend dire que lesinstruments de production seront exploits en commun et ne peut naturellement imaginer pourles femmes dautre sort que dtre galement mises en commun. Il ne souponne pas quilsagit prcisment de supprimer la condition de simples instruments de production qui est celledes femmes.

    2.9 Il ne faut pas dsesprer

    Herbert Marcuse, le philosophe et gourou dune certaine contestation culturelle en 1968,prouva un sentiment de rvolte quand une maison ddition franaise avait dcid de publierLe Capital de Marx en livre de poche. Voil que le capitalisme intgre mme la thorieanticapitaliste dans son systme marchand se plaignait-il. A cela un marxiste a rpondu : Cestvrai, mais ce livre a non seulement une valeur dchange, il a galement une valeur dusage.Quelle est cette valeur dusage : de comprendre thoriquement le capitalisme pour mieux lecombattre. Il ne faut donc pas tre trop pessimiste. On peut changer les chosesfondamentalement. Un autre monde est possible.

    Bibliographie sommaire

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    Ouvrages francophones

    ARTOUS (Antoine): Le ftichisme chez Marx. Le marxisme comme thorie critique, Syllepse,Paris 2006

    BELLUE (Franois) : Rification et universalit. D'abord lire Marx avant d'en parler, in Marx oupas (?)

    CORNU (Auguste) : L'ide d'alination chez Hegel, Feuerbach et Marx, in La Pense,mars-avril 1848

    GABEL (Joseph) : 1. La rification, essai d'une psychopathologie de la pense dialectique, inEsprit, octobre 1951. 2. La fausse conscience Essai sur la rification (1962), Paris 1977 (3edition revue et augmente).

    GOLDMANN (Lucien) : Recherches dialectiques (Chap. : La rification), Paris 1959.

    GUTERMAN (Norbert) et LEFEBVRE 'Henri) : La conscience mystifie suivie de La conscienceprive, Paris 1999.

    ISRAEL (Joachim) : Le concept d'alination de Marx nos jours, Paris 19

    JAKUBOWSKY (Franz) : Les superstructures idologiques dans la conception matrialiste del'histoire (1936) [Chap. V : La rification], Paris 1971

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    KOSIK (Karl) : La dialectique du concret (1967), Paris 1988

    LUKACS (Georges) : LA rification et la conscience du proltariat (1923), in Histoire de laconscience de classe, Paris 1960

    MANDEL (Ernest) : 1 Alination et planification, Lausanne, 1969. 2. La formation de la penseconomique de Karl Marx (Chap. 11), Paris 1967.

    MARX (Karl) : Le capital, (Livre I, chap. 1, 2, 3 et 4 'Le caractre f"tiche de lamarchandise)(1867) 2. Les manuscrits de 1844 (plusieurs ditions d qui diffrent lgrementquant la structure et au contenu : Editions Sociales ; 18/18, 1972).

    SIMMEL (Georg) : L'argent [auteur non marxiste].

    VINCENT (Jean-Marie) : Ftichisme et socit, Paris 1973.

    Quelques titre en anglais et en allemand

    Marx on Alienated Labour, Herbert Marcuse , 1941

    Reification of People and the Fetishism of Commodities, Raya Dunayevskaya, 1943

    The People of alienation: Marx's Debt to Hegel, Raya Dunayevskaya.

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    Alienation, George Novack

    Fetishism, George Novack

    Freedom and Fetishism, Marshall Berman, 1963

    Marx's notion of commodity fetishism, Geoffrey Pilling, 1980

    Reification or the Anxiety of Late Capitalism, Timothy Bewes, Londres & New York, 2002.

    Marx's Theory of Alienation, Istvn Mszros, Londres, 1970

    Der Begriff Entfremdung, Joachim Israel, Hambourg, 1972

    The Marxist Theory of Alienation, Ernest Mandel in International Socialist Review, Mai 1970

    Das Prinzip Verdinglichung, (Studie zur Philosophie : Georg LUKCS, Rdiger Danneman,Frankfurt/Main, 1987)

    Verdinglichung und Utopie Ernst Bloch und Georg Lukcs zum 100. Geburtstag: M. Lwy / A.Mnster / N. Tertulian. Frankfurt/Main 1987

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    Notes:

    [1] Marx est surtout actuel dans le sens que sa critique ne concerne pas tant la misre du XIXesicle, que la logique mme du systme capitaliste, de ses lois de dveloppement, critique quiexplique lactuelle mondialisation.

    [2] Je renvoie au biologiste volutionniste Stephan Jay Gould, qui a crit plusieurs receuilsdarticles qui sont une arme efficace contre ces idologies social-darwinistes etsociobiologiques chres la pense nolibrale.

    [3] K. Marx : Le Capital, I, 1, 4

    [4] Explication simplifie. Pour une connaisssance plus approfondie de la question, consultez labibliographie la fin de la brochure.

    [5] Le terme social (gesellschaftlich) employ par Marx a une connotation neutre ; il ne signifienon pas sociable ou favorable la vie commune, mais socital, relatif la socit.

    [6] Pour approfondir cette question, lire la brochure de Marx Salaire, prix et profit de 1865,destine au public ouvrier de la Ie Internationale.

    [7] Et largent ? Disons simplement que largent, quivalent gnral qui simplifie lchange, estlexpression de la valeur. Il est galement une marchandise avec cette caractristiqueremarquable que sa valeur dusage est prcisment sa valeur dchange. Voil son mystre. Ilest donc une relation sociale.

    [8] La travailleuse peut videmment remplacer le travailleur, ou ils peuvent avoir chacun untravail salari. Je reviendrai plus loin sur la double exploitation de la femme dans le systmecapitaliste.

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    [9] Dans sa La philosophie du droit (1821) Hegel distingue la famile, la socit civile (182-256) et ltat. Marx publiera en 1844 sa Contribution la critique la philosophie du droitde Hegel. Introduction (d. Sociales, 1975).

    [10] Pour les marxistes ltat est linstitution de la classe dominante qui sert maintenir et reproduire les relations sociales sur lesquelles repose son pouvoir. Ltat nest donc pas neutreet ne peut servir comme appareil la classe domine quand celle-ci prend le pouvoir ; lessalari(e)s devrons construire leur propre tat, adapt leurs besoins.

    [11] Edmond Burke (1729-1797), le grand critique conservateur de la Rvolution franaise,prtendait que les lois du commerce sont des lois de la nature et donc des lois de Dieu ; il enconclut quaucune rforme radicale ne pourrait changer les choses et que les pauvres nontqu mourir.

    [12] Le philosophe T.W. Adorno a consacr en 1964 un opuscule cette pense ractionnaire :Le jargon de lauthenticit.

    [13] Il existe plusieurs ditions de ces manuscrits de 1844 : je cite celle de . Bottigelli auxditions Sociales et celle de K. Papaioannou en 10/18. Elles diffrent dans leur compositionrdactionnelle. La confrontation de ce manuscrit aux uvres ultrieures de Marx a suscit unepassionnante discussion parmi les marxistes et marxologues. Voire E. Mandel : La formationde la pense conomique de Karl Marx, 1967, plus spcialement le chapitre 10.

    [14] G. Lukcs dans La rification et la conscience du proltariat (un chapitre de son livre"Histoire et conscience de classe" - 1923).

    [15] Dans Lidologie allemande Marx crit : Le communisme nest pour nous ni un tat quidoit tre cr, ni un idal sur lequel la ralit devra se rgler. Nous appelons communisme lemouvement rel qui abolit ltat actuel. Les conditions de ce mouvement rsultent desprmisses actuellement existantes. Ceci pour souligner que Marx, loin dtre un prophteautoritaire, sattache profondment lide que lmancipation de classe ouvrire sera luvrede la classe ouvrire elle-mme, et non pas dun parti qui sautoproclame lincarnation de laclasse ouvrire ou dune bureaucratie qui poursuit ses propres intrts de caste sur le dos decette classe.

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    [16] K. Marx : Critique des programmes de Gotha et dErfurt, Paris 1966, pp.29-30.

    [17] J.V. Stalin : Collected Works, vol. 13, p.121.

    [18] J.V. Stalin : Economic Problems of Socialism in the USSR, Pkin 1972, p.18.

    [19] F. Behrens : Ware, Wertt, Wettgesetz, Berlin 1961.

    [20] Pour en savoir plus sur toute cette problmatique nous renvoyons le lecteur au livremalheureusement pas traduit de E. Mandel : Power and Money. A Marxist Theory ofBureaucracy, Londres/ New-York 1992.

    [21] L. Trotski : Leur morale et la notre (1938).

    [22] Jean-Jacques Marie : Trotsky. Rvolutionnaire sans frontires, 2005, p.511.

    [23] J. Ellul : Le systme technicien, 1977, p. 23.

    [24] Idem, p. 15.

    [25] Y. Cochet : Ptrole apocalypse, Paris 2005.

    [26] Jai largement puis dans larticle que Jean Louis Fauchet a crit pour le magazine belgeLa Gauche #21, mars 2006.

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    [27] Le Monde, 26/2/2006.

    [28] Idem.[29] Je renvoie, le lecteur une interprtation freudo-marxiste (sans la partagercompltement) de lrotisme, ros et civilisation (1955) de Herbert Marcuse.

    [30] Guy Scarpetta : Pasolini, un refractaire exemplaire, Le Monde Diplomatique, fvrier 2006.

    [31] Pensez au travail abstrait, galis par le march.

    [32] Faites lanalogie avec le travail concret, acte individuel.

    [33] P. Corcuffe : La question individualiste. Stirner, Marx, Durkheim, Proudhon (2003), et sesarticles disponibles sur la toile : Individualit et critique du capitalisme, entre sociologie etphilosophie (2005) et Figures de lindividualit, de Marx aux sociologues contemporains (2005) .Voire aussi : A. Artous et P. Corcuff : Nouveaux dfis pour la gauche radicale. mancipation &individualit (2004).

    [34] A. Smith : La richesse des nations (1776), III, chap. 4.

    [35] Thomas Hobbes (1588-1679) dfendit dans son Lviathan (1651) le pouvoir absolutiste dusouverain et de ltat, ncessaire pour contenir la guerre que les humains avides et jalouxmnent sans interruption entre eux : lhomme est un loup pour les autres.

    [36] Est considr comme pauvre celui ou celle dont le revenu est fix 50% du revenu moyen.

    [37] Je cite lHumanit hebdo (25/2/2006) qui sest bas sur le rapport de lObservatoire nationalde la pauvret et de lexclusion.

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    [38] Cf. G. Gengembre : Le ralisme et le naturalisme en France et en Europe, 2004.

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