Marmontel Durand La Pharsale

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    BULIOTHQUE

    L TINE FR NC ISE

    i

    i

    >

    IptCIN

    L

    PH RS LE

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    4/476

    Paris.

    Imprimerie

    P.-A. B0UHD1KK

    et

    Cie

    rue

    des

    Poitevins

    6 .

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

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    LUCAIN

    LA

    PHARSALE

    TRADUCTION DE

    MARMONTEL

    REVUE ET COMPLETEE

    AVEC

    LE PLUS

    GRAND

    SOIN

    fX

    : ,

    V' >,

    M.

    H.

    DURAND

    >-

    /.'.V^'

    r

    PROFESSEUR

    AL'

    LYCE

    CHRLEMGNE

    ^PRECEDEE

    D

    UNE

    ETUDE SUR

    LA

    PHARSALE

    PAR

    M.

    CHABPEKTIEB

    PARIS

    GARNIER

    FRRES,

    LIBRAIRES-DITEURS

    6,

    RUB

    DES

    SAINTS-PRES

    ET PALAIS-ROYAL,

    215

    18

    65

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    AVERTISSEMENT

    Parmi

    les traductions

    de Lucain celle de

    Marmontel

    est

    peut-tre

    la

    mieux

    crite

    ;

    c est

    ce

    qui

    nous

    l a

    fait

    choisir

    de prfrence

    toute autre

    pour

    notre

    collection.

    Elle

    avait

    besoin

    il

    est

    vrai

    d tre

    retouche

    au

    point de

    vue

    du

    sens

    et

    de l exactitude

    et

    complte dans

    une

    foule

    de

    passages.

    Marmontel

    sous-prtexte

    d attnuer

    les dfauts

    du

    modle

    avait pris

    trop

    de licences

    avec

    son

    auteur

    et

    s tait

    permis dans

    l intrt

    du

    bon

    got

    des

    suppressions

    inadmissibles.

    Nous

    avons

    d

    songer

    rparer

    ces

    lacunes

    et

    faire dans

    le travail

    d ailleurs

    si estimable

    de Mar-

    montel les

    changements

    reconnus

    ncessaires;

    en un

    mot

    rendre

    au

    pote

    latin

    sa

    vraie

    physionomie.

    Nous

    ne

    pouvions

    confier

    ce

    travail de retouche

    et

    de

    remaniement

    qu un

    latiniste

    homme

    de

    got.

    M.

    H. Durand

    a

    bien

    voulu

    se

    charger de

    cette

    tache dlicate

    :

    la

    manire

    dont

    il

    s en

    est

    acquitt

    nous

    permet

    d offrir

    avec

    confiance

    nos

    lecteurs

    cette

    traduction

    renouvele

    ainsi

    que

    nous

    avons

    fait

    pour

    la traduction

    de Sutone

    par

    La

    Harpe

    rajeunie si heureusement

    par

    M.

    Cabaret-Dupaty.

    FEUX

    LEMAISTRE.

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    ETUDE

    LA

    PHARSALE

    L loquence

    romaine

    prit

    avec

    la rpublique

    ;

    paci-

    fie

    par

    Auguste

    elle

    ne

    pouvait survivre

    la libert

    :

    on

    le

    conoit

    sans

    peine;

    on

    conoit

    moins

    facilement

    que

    la

    posie

    qui

    sous ce

    prince avait

    t

    comme

    le

    ddommagement

    de

    l loquence

    et

    la plus

    brillante

    dcoration

    du naissant empire ait aprs

    lui

    presque

    /compltement

    disparu. En

    effet

    pour

    vivre

    la

    posie

    n a

    pas prcisment besoin

    de

    l air

    et

    de

    la lumire

    de

    la libert; le

    demi-jour

    les

    rayons

    voils

    du soleil

    monarchique

    lui

    sont

    plutt

    favorables

    que

    contraires.

    Comment

    donc

    expliquer

    partir

    d Auguste

    son

    ra-

    pide dclin?

    v

    Les

    premiers

    empereurs

    ne

    lui

    furent

    pas

    je le

    sais

    trs-bienveillants. Ports

    encore

    jusqu

    un

    cer-

    tain

    point

    l histoire

    l loquence

    mme qu ils

    cul-r

    tivent ils

    sont

    indiffrents

    et

    quelquefois

    hostiles

    a

    posie.

    Si

    Caligula dans

    un

    caprice

    libral

    per-

    met

    de remettre

    en

    lumire

    les

    ouvrages

    de

    Labienus

    Je

    Cassius Severus

    de Gremutius

    Cordus

    proscrits

    par

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    VIII

    TUDE

    Tibre il

    fait

    enlever

    des

    bibliothques

    les

    ouvrages

    de

    Virgile.

    La

    posie

    n avait

    donc

    rien

    attendre

    ni de

    Tibre

    ni de

    Caligula ni

    de

    Claude;

    mais

    ne

    pouvait-

    elle

    vivre

    de

    sa

    propre

    vie

    et

    se

    suffire

    elle-mme?

    Elle

    n a

    pas

    besoin

    en

    effet

    d un

    thtre

    et

    des

    applaudisse-

    ments

    du

    Forum

    et

    elle

    avait

    sous

    la

    tyrannie

    cet

    avantage

    de

    ne

    point

    porter

    ombrage. Il

    y

    avait donc

    encore

    ce

    semble place

    pour

    elle;

    mais

    si

    elle

    n a

    pas

    comme

    l loquence

    besoin

    de

    secours

    trangers;

    si elle

    peut

    natre

    d elle-mme

    et

    se

    dvelopper

    par sa

    propre

    vertu

    encore

    lui faut-il

    une

    inspiration lgre

    ou

    pro-

    fonde gaie

    ou

    srieuse.

    Or

    on ne

    voit

    pas

    d o

    sous

    les

    successeurs

    d Auguste lui serait

    venue

    cette

    inspiration.

    Rappelons-nous

    en

    effet

    quel

    avait

    t

    mme

    au

    temps

    d Auguste

    le caractre

    de la

    posie

    latine.

    Elle

    ne

    jaillit point

    du

    sol

    mme

    de l Italie; elle

    n a

    pas

    comme

    le

    dit le pote

    t discrtement

    dtourne

    des

    sources

    grecques;

    elle

    en a

    t

    tout

    entire

    amene

    et

    t

    grands flots rpandue

    sur-le

    Parnasse latin.

    L

    toute-

    fois

    mle

    la

    veine

    nationale

    elle

    s y

    avive

    et

    s y

    co-

    lore

    de

    teintes

    clatantes

    et

    profondes

    :

    Horace

    donne

    ;

    la posie

    lyrique

    un

    sentiment

    philosophique

    et rveu

    qui le

    fait

    dissemblable sinon

    rival

    de

    Pindare.

    Entr.

    plus

    avant

    encore

    dans

    cette

    voie de mditation

    et

    d

    mlancolie

    Virgile

    trouve

    dans

    son

    me

    des

    richesse

    nouvelles

    :

    marqu

    un

    double

    sceau

    il

    est

    tout

    1

    fois le prtre

    de

    la

    thologie

    ancienne qu il

    emprunt

    Platon

    et

    le

    prcurseur

    du spiritualisme

    chrtie

    dont

    il

    a

    de merveilleuses

    divinations.

    Cette

    rverie

    ph

    losophique nouvelle

    et cette

    vive sensibilit

    qui

    soin

    au

    milieu des imitations

    grecques

    le

    cachet

    original

    i

    le

    charme particulier

    d Horace

    et de Virgile ne

    poi

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    SUR LA PHARSALE.

    IX

    vaient

    pourtant

    suppler

    entirement

    cette

    inspiration

    primitive

    que

    seule la

    posie

    grecque

    possde.

    Quoi

    que

    ft

    en

    effet le gnie

    de

    ces

    deux grands

    potes

    il

    ne

    parvint

    pas

    donner

    la

    posie latine

    la

    spontanit

    et

    la vigueur

    natives

    qu elle n avait

    pas.

    Fleur

    brillante

    et

    trangre

    transporte

    sous

    un

    ciel

    moins ami

    que

    le ciel

    grec

    o la

    posie

    s tait

    d elle-

    mme

    dveloppe

    et

    panouie

    en

    tant

    de

    genres

    et

    sous

    des

    formes

    si heureuses

    la

    posie latine

    ne

    put

    si

    habi-

    lement cultive qu elle et

    t

    s acclimater entirement

    Rome

    et

    y

    produire des fruits

    spontans

    et

    vivaces;

    la

    terre

    lui manquait

    et

    semblable

    ces

    fleurs

    dlicates

    et vives

    que

    le

    pote

    nous

    reprsente

    se

    penchant

    et

    s affaissant

    sur

    elles-mmes la premire atteinte

    de la

    pluie

    :

    Lassove

    papavera

    collo

    Demisere

    caput

    pluvia

    quum

    forlc gravaniur

    la

    posie

    romaine

    quand

    elle

    n eut

    plus

    pour

    la soutenir

    et

    la

    rchauffer

    la douce influence

    d Auguste

    et

    de M-

    cne languit

    et mourut.

    Cependant

    entre

    les

    diffrents

    genres de la posie

    la-

    tine il

    y

    en

    avait

    un

    qui plus

    que

    les

    autres

    mieux

    que

    la

    posie

    lyrique

    surtout

    et

    l pope continuerait

    on

    le

    pouvait

    croire fleurir

    sous

    l empire

    :

    l lgie.

    Ces

    molles

    harmonies

    de

    Tibulle

    de

    Properce

    et

    d Ovide

    si

    bien

    d accord

    avec

    la

    corruption

    des

    moeurs

    romaines

    com-

    ment n ont-elles

    pas

    veill

    inspir

    d autres chantres

    des

    faciles

    amours? N tait-ce

    pas

    l

    sous

    l empire

    une

    source

    qui

    ne

    devait

    pas

    tarir? On le. croirait

    d abord;

    mais

    telle

    tait

    alors la

    corruption des

    moeurs

    :

    l imagina-

    tion

    mme dans

    ses

    plus grandes licences aurait

    langui

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    12/476

    X

    TUDE

    auprs de la ralit.

    Quand

    Ovide quand Properce chan-

    tent

    leurs

    amours

    on

    sent

    srmatrielle

    si

    extrieure

    en

    quelque

    sorte

    que

    soit

    leur

    inspiration

    qu au fond

    cependant l me

    y

    est

    encore pour

    quelque

    chose;

    il

    y a

    passion

    il n y

    a

    pas

    orgie.

    H n en

    est

    plus ainsi

    au

    temps

    de Tibre

    et

    de

    Caligula.

    Les

    Romains

    ont

    l ivresse

    et

    les

    monstruositsde la

    dbauche;

    ils

    n ont

    plus

    les

    dli-

    catesses

    du plaisir;

    l lgie

    leur

    serait

    fade

    et

    insipide;

    la

    vue

    du

    sang

    rpandu

    dans

    le

    cirque

    peut

    seule

    rani-

    mer

    et. assaisonner en

    eux

    la volupt.

    Point

    d amour

    donc;

    partant

    point

    de

    posie.

    Sous Tibre

    la

    posie

    est

    rduite

    au

    timide apologue

    ou

    des

    pices de

    concours.

    La plupart des

    potes

    versifiaient

    pour

    la

    cour ou sur

    la

    naissance

    des

    princes

    pour

    les

    prix

    du

    mois

    d aot.

    D o

    reviendra

    donc la

    posie

    l inspiration qu elle

    a perdue?

    De

    quelle

    source

    vive

    et

    profonde

    sortiront

    s lveront les

    vapeurs

    nouvelles

    et

    puissantes

    qui

    la

    pourront

    raviver

    et

    fconder?

    Cette

    source

    elle

    s est

    ouverte

    elle

    a

    coul

    elle

    s est pandue

    elle

    a

    grossi

    dans

    son cours

    l ombre

    mme

    et

    dans le silence de

    l empire.

    On le

    sait

    :

    au

    moment

    o prissait la

    rpu-

    blique pour

    la rappeler

    autant

    que faire

    se

    pouvait

    et

    protester

    contre

    le

    despotisme

    qui

    la remplaait

    une

    secte

    philosophique

    depuis

    assez

    longtemps dj

    intro-

    duite

    Rome

    y

    grandit

    s y

    dveloppa

    avec

    une

    singu-

    lire

    nergie. Le

    stocisme

    fut

    dfaut

    de la libert

    politique

    la

    nouvelle

    libert

    de

    Rome. Il

    s unit

    pour

    le consoler

    pour

    le

    nourrir

    et le

    fortifier

    au

    patriotisme

    qui

    teint

    dans

    le

    peuple

    survivait

    dans les grandes

    mes.

    Voil

    la veine

    nouvelle d o

    jaillira

    sous

    l em-

    pire

    pure

    et

    profonde la

    posie latine.

    Ennemi de l h-

    rode

    de l lgie

    de toute

    fade

    posie le stocisme

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    13/476

    SUR

    LA

    PHARSALE.

    I

    ramnera

    les vers leur destination premire

    :

    la libert

    la

    vertu

    ce

    seront

    l

    les

    grands

    sujets de

    ses

    mditations

    ou

    de

    ses

    chante.

    H

    ne

    brigue

    pas

    les

    frivoles honneurs

    de

    la lecture

    publique

    ou

    des

    couronnes

    apollinaires;

    il ddaigne

    cette

    littrature

    de

    la table des princes

    et

    leurs

    jeux

    potiques aprs boire

    et

    pendant

    la

    diges-

    tion

    1.

    Naisse

    donc

    un

    esprit

    gnreux

    une

    imagination

    vive

    un

    pote

    enfin

    pris

    de

    ce

    double

    enthousiasme

    de

    patriotisme

    et

    de

    philosophie stocienne

    et

    la

    posie

    latine

    pourra

    reparatre

    et trouver

    des

    accents

    nouveaux

    et

    puissants. Dj

    le stocisme

    proprement

    dit

    a

    eu

    son

    pote dans

    Perse

    :

    la libert

    aura

    le

    sien

    qui

    par une

    singulire

    rencontre

    viendra

    d o

    on

    le

    devait moins

    attendre.

    En effet

    ce

    chantre de

    la libert

    ce

    disciple

    aussi du

    stocisme vous

    le

    cherchez

    sans

    doute dans

    l cole

    des delamateurs

    sous

    le

    portique des

    philo-

    sophes. Il

    en

    devrait

    ce

    semble

    tre ainsi; mais

    non

    :

    le pote de

    la libert

    et

    du

    stocisme

    c est la

    cour

    de

    Nron

    qui

    le

    verra

    paratre

    c est

    l

    qu il

    s lve

    l

    qu il

    grandit.

    Sur

    la

    fin

    du

    rgne d Auguste

    un

    rhteur

    espagnol

    :dj clbre

    Cordoue

    sa

    patrie

    vint

    s tablir

    Rome

    :

    c tait

    Snque

    le rhteur.

    Snque

    avait trois

    .fils

    :

    Novatus qui plus tard

    prit

    d un

    avocat

    clbre

    qui

    Fadopta

    le

    nom

    de

    Junius

    Gallion;

    Snque

    qui

    fut

    le

    philosophe

    et

    Marcus nnaeus Mla

    qui pousa Acilia

    .1. Eece

    inter pocula

    quaerunt

    RemuIMoe

    salnri

    quid

    dia

    poemata

    narrent...

    Si

    qua

    eligidia crudi

    Dietarunt

    proceres.

    PERSE

    Sat.

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    14/476

    XII

    ETUDE

    fille d Acilius Lucanus

    et

    eut

    un

    fils

    qui

    naquit

    Cor-

    doueen l an 38;

    ce.fils fut

    Mareus Annoeus Lucain;

    Dj

    quelque

    peu

    clbre

    par

    lui-mme Mla

    dut

    son

    fils

    d tre plus

    illustre .

    A

    l ge

    de

    huit

    mois

    Lucain

    fut

    amen

    Rome o

    sous

    la direction

    et

    les

    auspices

    de

    Snque le philosophe

    son

    oncle il fit

    ses

    tudes

    parut

    et

    fut lev la

    cour.

    Devenu

    gouverneur

    de

    Nron

    Snque plaa

    son neveu

    auprs du

    jeune

    prince. Entre

    Nron

    et

    Lucain

    l amiti fut

    vive d abord

    mais

    courte.

    Nron avait des

    prtentions

    la

    posie

    et

    Lucain n avait

    pas

    moins

    de

    vanit

    que

    le

    prince

    n avait

    d amour-

    propre.

    Cependant

    Lucain

    se

    prta

    d abord

    assez com-

    plaisamment

    aux

    succs

    et

    mme ;la supriorit

    du

    prince

    ;

    mais

    cette

    abngation

    ne

    pouvait durer

    long-

    temps.

    Elle

    ne

    rsista

    pas

    une

    lutte dans laquelle le

    prince

    et

    le

    pote

    se

    disputrent le

    prix de

    la

    posie.

    Lucain

    chanta la Descente d Orphe

    aux

    enfers

    et N-

    ron

    la

    mtamorphose

    de

    Niob

    :

    Lucain

    remporta

    le

    prix

    sans

    qu il

    soit

    ais

    remarque

    M.

    Villemain de

    concevoir l audace

    des

    juges.

    .Le

    triomphe de

    Lucain

    blessa

    vivement Nron; dfense

    fut

    faite Lucain

    non-

    seulement de

    lire

    ses

    ouvrages

    en

    public

    2

    et

    sur

    le

    thtre mais

    mme

    s il

    en

    fallait croire

    Xiphilin de

    composer

    des

    vers.

    Ce

    fut

    sans

    doute

    alors qu oblig de

    renoncer

    aux

    lectures Lucain

    renona

    aussi

    aux

    pomes

    particuliers

    qui

    jusque-l

    avaient fait

    sa

    gloire

    et

    se

    consacra

    tout

    entier

    son

    grand

    travail de la

    Pharsale.

    1.

    AnniBum

    Lucanum

    genueral

    grande adjumentum

    clarifudinis.

    Tacile

    Ann. lib.

    xvi.

    2.

    Famaoe

    carniinum ejus

    premebal

    Nero

    prohibueratque osten-

    lare

    vnus

    oemulatione.

    Tacite

    Ann. lib.

    xv.

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    15/476

    SUR

    LA PHARSALE.

    XIII

    Commence

    sous

    les

    auspices de

    Nron^

    elle

    s acheva

    comme

    une

    protestation

    et

    une

    vengeance.

    Lucain

    ne

    s en

    tint

    pas

    l

    :

    doublement

    aigri

    contre

    Nron,

    comme

    pote

    interdit

    des lectures

    publiques

    et

    comme

    partisan

    de la

    libert,

    il

    entra

    dans la

    conspira-

    tion de

    Pison.

    Arrt

    et

    interrog,

    il fit d abord

    bonne

    contenance;

    mais bientt, cdant

    une

    promesse

    de

    la

    vie,

    il dnona

    sa

    mre

    Il

    ne

    lui

    en

    fallut

    pas

    moins

    quitter

    la

    vie, digne de piti

    encore

    peut-tre,

    si

    plus de

    courage

    et honor

    ses

    derniers

    moments; mais loin de

    l

    :

    il

    ne cessa,

    dit Tacite, de dnoncer

    des

    complices

    au

    hasard,

    esprant

    que

    ces

    rvlations

    lui

    vaudraient la

    piti

    de

    Nron.

    Convaincu

    enfin

    qu il

    ne

    lui

    restait plus

    qu

    mourir,

    il

    se

    fit

    ouvrir les

    veines,

    et expira

    en

    rcitant

    et

    en

    corrigeant 1

    quelques

    vers

    de

    sa

    Pharsale.

    Il

    avait

    vingt-sept

    ans,

    et tait

    dsign

    consul

    pour

    l an-

    ne

    suivante.

    Ces

    vers

    dont,

    ses

    derniers

    moments,

    s enchan-

    tait

    Lucain,

    lui ont-ils donn l immortalit

    qu il s en

    promettait?

    On l a

    cru

    longtemps;

    longtemps

    on a

    regard

    la

    Pharsale

    comme

    un

    pome

    pique;

    mais

    de

    nos

    jours

    sa

    gloire

    a

    t remise

    en

    questiqn.

    On

    a

    fait

    de

    l pope

    quelque chose d extraordinaire, de

    providen-

    tiel

    en

    quelque

    sorte,

    une

    cration

    exceptionnelle,

    un

    don

    rserv

    quelques

    ges

    privilgis

    de l humanit.

    Une pope,

    ce

    n est

    pas

    seulement le

    gnie

    qui la

    fait,

    ce

    sont

    les

    sicles qui la

    prparent

    et

    l achvent.

    D aprs

    cettegotique nouvelle,

    l Iliade

    et la

    Divine

    Comdie

    sont

    les

    deux seules

    vritables

    popes

    :

    j oubliais

    Shakes-

    1.

    Impetrato

    morlis

    libero arbilrio

    codicillos

    ad

    palrem

    de corri-

    gcndis

    quibusdam

    veisibus suis

    exarawl.

    Sutone.

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    16/476

    XFV

    TUDE

    peare,

    dont

    l oeuvre

    dramatiqueserait

    aussi

    une

    pope,

    mais

    Y

    Enide

    n en

    est

    pas

    une,

    et

    le

    doux

    matre

    du

    Dante

    vient

    ainsi aprs

    son

    lve; jugez

    si

    les

    autres

    pomes,

    la

    Jrusalem

    dlivre,

    le

    Paradis

    perdu,

    e

    plus

    forte

    raison

    la Pharsale, peuvent

    ds

    lors prtendre

    tre des popes. Mais

    laissons de

    ct-

    ces

    rcentes

    et

    quelque

    peu

    contestables thories qui font de l pope

    une

    encyclopdie humanitaire,

    o les peuples

    viennent

    lentement

    dposer

    leur

    science,

    leur

    foi,

    leurs

    croyances,

    leurs

    moeurs

    et leur

    civilisation

    :

    produit

    et

    rsum

    d une

    civilisation

    complte,

    espce

    de cristallisation

    mystrieusequi

    se

    forme

    silencieusement

    et

    par

    couches

    sculaires

    dans

    la conscience et

    l imagination

    des

    peu-

    ples. Prenons

    plus

    simplement le pome

    pique,

    et

    jugeant

    Lucain d aprs les

    rgles

    de

    l ancienne

    critique,

    voyons

    quels

    sont

    les

    reproches

    que

    l on

    peut

    adresser

    la Pharsale

    et

    les

    mrites

    qu on

    lui

    doit reconnatre.

    Lucain,

    a-t-on

    dit,

    a

    mal

    choisi

    et

    le hros

    et

    le

    sujet

    de

    son

    pome

    :

    le sujet

    tait

    trop

    rapproch

    de

    lui

    pour

    se

    prter

    ces

    fictions

    qui sont

    la

    condition

    et

    le charme

    de

    l pope,

    et

    Pompe

    n tait

    pas

    un

    personnage

    pique.

    Pompe,

    je

    le sais,

    a

    beaucoup

    perdu

    de

    nos

    jours.

    Pour

    nous,

    il

    n est plus

    qu un

    gnral

    heureux,

    mais

    mdiocre.

    Dans

    la

    guerre

    contre

    Mitliridat,

    il n a

    eu

    qu

    recueillir les fruits ds

    efforts de Lucullus. La

    guerre

    des

    pirates,

    non

    moins pompeusement

    clbre,

    n offrait

    pas

    plus

    de

    difficults,

    et

    en

    vrit

    ne

    mritait

    pas

    plus

    d admiration.

    Quelle merveille qu avec

    un

    nombre aussi grand de

    vaisseaux,

    d hommes,

    d habiles

    lieutenants^

    il

    ait

    vaincu

    trente

    mille

    brigands

    Tous

    ses

    exploits

    taient de

    grandes actions

    plutt

    que

    de

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    17/476

    SUR LA PHARSALE.

    XV

    grands

    vnements.

    Le citoyen

    en

    lui n a

    pas

    t plus

    pargn

    que

    l

    gnral. Si la

    constitution de

    la rpu-

    blique

    a

    t

    branle;

    si

    Csar

    a

    pu

    prtendre

    la dic-

    tature,

    c est

    que

    Pompe

    lui

    en

    avait

    fray

    le

    chemin.

    N tait-ee

    pas en

    faveur de Pompe qu avait

    t

    porte

    cette

    loi Manilia qui

    lui

    confrait

    des

    pouvoirs absolus,

    exemple dangereux,

    dont plus

    tard

    devait;

    profiter

    sar? Pompe

    n avait-il

    pas,

    avec

    Csar

    et.

    Crassus,

    form

    le

    premier

    triumvirat,

    c est--dire

    la premire

    coalition de citoyens ambitieux

    contre

    la rpublique?

    Enfin

    cette

    guerre

    civile

    elle-mme,

    ne

    l avait-il

    pas,

    par

    ses

    prtentions,

    rendue

    aussi

    invitable,

    que

    Csar

    par

    son

    ambition? Et

    une

    fois

    dclare,

    ne

    s tait-il

    pas

    montr

    aussi

    indcis,

    aussi

    imprvoyant

    la

    poursuivre,

    se

    dfendre,

    lui

    et

    son

    parti, qu il

    avait

    t

    pr-

    somptueux

    avant

    qu elle

    et clat?

    Tel

    est,

    et

    j adou^-

    cis les

    traits Pompe

    aux yeux

    de la

    critique

    mo-

    derne.

    Ce n est

    pas

    ainsi

    que

    le voyaient

    et

    que

    le

    reprsen-

    tent

    les historiens anciens.

    Ils rappellent

    que,

    citoyen

    non

    moins

    soumis

    la loi

    qu il

    avait

    t

    habile capi-

    taine, Pompe,

    son

    retour

    d Asie,

    au

    moment

    o l en-

    thousiasme

    pour

    lui tait

    au

    plus haut

    point,

    avait,

    en

    mettant le pied dans

    l Italie,

    congdi

    son

    arme

    et

    s tait

    rendu Rome

    en

    simple

    citoyen, bien qu alors

    il

    et

    pu

    disposer du peuple des villes qui le

    suivait

    en

    foule.

    Il

    est

    vrai,

    il

    se

    lia

    avec

    Crassus

    et

    Csar;

    mais

    la

    faute

    n en

    fut-elle

    pas au

    snat qui,

    dans

    ses

    d-

    fiances,

    paya

    par

    des humiliations les

    services

    de

    Pom-

    pe

    et

    le rduisit chercher

    des alliances

    auxquelles

    se

    refusaient

    sa

    dcence

    et

    sa

    dignit naturelles.

    Ce

    fut

    surtout

    Caton,

    dit Plutarque, qui,

    en

    engageant

    le

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    18/476

    XVI

    TUDE

    snat

    ne

    pas

    accorder Pompe

    quelques satisfactions

    de

    vanit

    le

    jeta

    dansles

    bras

    de

    Csar. Quant

    la

    guerre

    civile

    peut-tre

    et-il

    pu

    non pas

    l viter

    mais

    s y

    mieux

    prparer

    en

    prenant

    conseil de

    son

    exprience

    et

    non

    de

    la

    lgret des

    jeunes patriciens qui

    encom-^

    braient

    son

    camp

    plutt qu ils

    ne

    le

    fortifiaient;

    car

    Pompe

    il

    ne

    le faut point

    oublier

    avait

    une

    habilet

    peu

    commune

    dans

    l art

    de la

    guerre

    :

    l

    comme

    ail-

    leurs

    un

    bonheur constant

    ne suppose

    pas

    seulement la

    supriorit

    :

    il la

    prouve.

    Dans

    celte

    lutte

    suprme de

    Pharsale

    il

    a

    succomb

    il

    est

    vrai; mais n a-t-il

    pas

    t

    trahi

    par

    la

    fortune

    au

    moins

    autant

    qu il lui

    a man-

    qu?

    A

    la distance

    o

    nous sommes

    de

    ces

    grands v-

    nements

    il

    nous

    est

    difficile

    de

    les

    bien

    juger

    :

    notre

    opinion est

    fonde

    sur

    ce

    que nous

    croyons

    savoir

    et

    les

    dmarches

    que

    nous

    condamnons lgrement

    peut-tre

    taient

    sans

    doute

    dcides

    par

    des

    motifs

    que nous

    ignorons.

    Tel

    tait donc

    Pompe

    pour

    les Romains

    :

    citoyen

    respectant

    les

    lois

    ambitieux du pouvoir

    il

    est

    vrai

    mais

    aimant

    mieux

    se

    le faire donner

    que

    le

    prendre

    ce

    qui

    est

    bien

    quelque

    chose;

    habile

    autant

    qu heureux

    gnral;

    le

    reprsentant

    malgr

    ses

    torts

    de la libert

    et

    le

    soutien

    vaincu mais

    glorieux

    encore

    de la rpublique.

    Csar

    a

    -gagn auprs

    de

    nous

    tout

    ce

    qu a

    perdu

    Pompe.

    Csar

    ce

    n est

    pas

    seulement

    le gnie

    complet

    de la

    guerre

    et

    de la paix

    le citoyen magnanime et

    le

    prvoyant

    politique qui

    venait

    relever

    de

    leur

    abaisse-

    ment

    les

    classes dshrites

    du

    peuple romain

    rendre

    aux

    allis

    leurs droits

    mconnus

    fonder

    sur

    l galit

    un

    nouvel ordre

    social

    et

    inaugurer

    pour

    le

    monde

    tout

    entier

    une

    re

    de paix

    et

    de

    prosprit;

    Csar c est

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    19/476

    SUR LA PHARSALE.

    XVII

    l homme

    mme

    de

    l humanit. Ce n est

    pas sous

    ces

    traits

    brillants qu il

    apparaissait

    aux

    Romains.

    Je

    ne

    parle

    pas

    de

    ses

    vices, qui lui furent

    plus utiles,

    que

    con-

    traires, de mme

    que

    les

    vertus

    prives de

    Pompe

    lui

    furent

    une

    infriorit

    plutt

    qu un

    avantage; je

    ne veux

    voir

    que

    l homme public. Eh bien

    qu tait Csar

    poul-

    ies

    Romains?

    Pour

    eux,

    ds

    sa

    jeunesse,

    Csar

    est

    un

    citoyen dangereux,

    perdu de dettes

    et

    de dbauches,

    et

    se

    faisant

    de

    ses

    dsordres

    un

    double

    instrument

    d am-

    bition. Complice

    secret

    de Catilina, il

    a

    la

    main dans

    tous

    les complots

    qui

    se

    trament

    contre

    la rpublique.

    Tribun factieux,

    imprieuxconsul,

    pour

    faire

    passer une

    loi

    agraire,

    il n hsite

    pas

    employer la violence

    contre

    son

    collgue Bibulus

    et

    va

    jusqu

    menacer

    les

    jours de

    Caton.

    S il

    dompte

    les Gaules, c est

    pour

    asservir

    sa

    patrie. Malgr la dfense du snat, il

    franchit

    la

    limite

    sacre

    du

    Rubicon,

    entre

    dans Rome, o

    sa

    prsence

    rpand la

    consternation,

    pille le trsor

    public,

    inaugu-

    rant

    ainsi

    par

    un

    double sacrilge

    la

    guerre

    civile. Cette

    guerre,

    a-t-il vritablement

    cherch l viter? Il le pr-

    tend;

    mais Cicron,

    mais

    Sutone affirment le

    contraire.

    En

    un

    mot,

    citoyen longtemps

    factieux,

    gnral rebelle,

    vainqueur

    sacrilge

    de

    sa

    patrie et

    de

    la

    libert, tel

    est

    sur

    Csar le

    jugement des anciens. Du moins, dira-t-on,

    on ne

    saurait le

    nier

    :

    Csar fut le

    plus clment des

    vainqueurs.

    Oui, clment, il le

    fut

    souvent;

    mais

    quel-

    quefois

    aussi il

    fut

    cruel

    et

    impitoyable, suivant les

    conjonctures

    :

    sa

    clmence tait autant

    calcule

    que

    naturelle;

    et

    et-elle

    t aussi

    entire, aussi dsintres-

    se

    qu on

    l a faite,

    cette

    clmence, tait-elle donc si

    magnanime?

    Csar,

    dit

    Montesquieu,

    pardonna

    tout

    le

    monde;

    mais il

    me

    semble

    que

    la

    modration

    que

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    20/476

    XTLI

    CTDE:

    l on

    montre

    aprs

    qu on

    a

    tOat

    usurp

    ne

    mrite

    pas

    de

    grands

    loges

    1.

    Quanta

    ses

    projets humanitaires ;

    les

    historiensan-

    ciens

    sont

    beaucoup

    moins

    explicites

    que

    les

    historiens

    modernes

    qui

    lui

    prtent

    les ides

    de

    notre

    temps

    et

    leurs

    propres

    penses.

    Oh

    fait

    un peu

    de

    ses

    projets

    ce

    qu Antoine

    fit

    de

    son

    testament

    :

    on

    y

    met tout

    ce

    qu on

    veut.

    Lui-mme Csar

    il n en

    a

    point

    parl

    :

    il

    ne

    rclame

    pas pour

    le monde

    entier;

    il

    rclame

    pour

    son

    consulat

    sa

    province

    son

    arme

    pour

    Csar

    en

    un

    mot;

    dans

    ses

    propositions de paix

    il

    ne

    stipule

    que

    pour

    lui-mme

    et

    non

    pour

    le peuple.

    Je l admets

    toutefois

    :

    dans le ressentiment qu ils

    avaient gard de l

    perte

    de

    la

    libert

    les

    Romains

    ont

    pu

    juger

    avec

    trop

    de

    rigueur l homme

    qui

    l avait

    ren-

    verse

    et

    voir

    sous

    un

    jour

    trop

    favorable

    celui

    qui

    l avait

    dfendue;

    je

    ne

    veux

    point

    absoudre

    en

    tout

    Pompe

    et

    le

    faire

    pour

    le

    gniepolitique

    et

    guerrier

    l gal

    de Csar; je

    veux

    seulement montrer

    comment

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    21/476

    SUR

    LA PHARSALE.

    XIX

    qu dans

    la

    rvolution

    qui

    avait

    dtruit

    l ancienne

    constitution

    de Rome,

    les

    Romains

    ne

    voyaient

    pas

    ce

    que

    depuis

    on

    y

    a

    vu,

    l galit,

    mais

    bien

    la

    servitude,

    sous

    le niveau

    du

    despotisme.

    Fltrir

    ce

    despotisme,

    ressusciter

    la

    lutte o

    le patriotisme

    l avait

    combattu,

    prendre, si

    je puis

    ainsi parler,

    la revanche de

    Pharsale

    c taitdonc

    une

    gnreuse tentative.

    tait-ce

    galement

    un

    heureux

    sujet

    pique,

    et

    n allait-il

    pas

    contre cette

    illusion

    d optique,

    cette

    magie

    et

    cette

    majest

    du

    loin-

    .

    tain

    favorables

    l pope?

    C est

    la

    seconde

    critique

    faite

    Lucain.

    Elle

    date

    de

    loin,,

    cette

    critique. Un

    contemporain,

    un

    rival

    de

    Lucain

    disait

    dj

    :

    Quiconque

    entreprendra

    de

    traiter

    un

    sujet

    aussi important

    que

    celui de

    la

    guerre

    civile succombera

    infailliblement

    sous

    le

    faix,

    s il

    ne

    s y

    est

    prpar

    par

    de

    srieuses

    tudes.

    Il

    ne

    s agit

    pas,

    en

    effet,

    de

    renfermer

    dans

    ses

    vers

    le

    rcit

    exact

    des

    vnements, il faut

    y

    arriver

    par

    de

    longs

    dtours,

    par

    l intervention des dieux; il

    faut

    que

    le

    gnie,

    tou-

    jours libre dans

    son

    essor,

    se

    prcipite

    travers

    le

    tor-

    rent

    de

    la

    fiction.

    Et

    l appui

    de

    cette

    thorie,

    Ptrone,

    joignant

    l exemple

    au

    prcepte,

    essayait,

    sur

    la

    guerre

    civile,

    un

    pome

    o

    il fait figurer

    toutes

    les

    vieilles

    divinits

    de l Olympe. Nous

    le reconnaissons

    :

    Lucain

    n a

    pu,

    ni

    voulu introduire

    le

    merveilleux

    dans

    son

    pome,

    et

    Voltaire l en justifie

    parfaitement

    :

    Vir-

    gile

    et

    Homre

    avaient

    fort bien

    fait

    d amener

    les

    di-

    vinits

    sur

    la.

    scne. Lucain

    a

    fait

    tout

    aussi

    bien

    de

    s en

    passer.

    Jupiter,

    Mars, Vnus

    taient

    des embel-

    lissements

    ncessaires

    aux

    actions

    d ne

    et

    d Aga-

    memnon

    : on

    savait

    peu

    de choses

    de

    ces

    hros

    fabu-

    leux;

    les

    faibles

    commencements

    de l empire romain

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    22/476

    XX

    TUDE

    avaient besoin d tre relevs

    par

    l intervention

    des

    dieux;

    mais

    Csar

    Pompe Caton

    Labienus

    vivaient

    dans

    un

    autre

    sicle

    qu ne

    :

    les

    guerres

    civiles

    de

    Rome

    taient

    trop

    srieuses

    pour

    ces

    jeux

    d imagination...

    La

    proximit

    des

    temps

    la notorit publique

    de la

    guerre

    civile

    le

    sicle clair

    politique

    et

    peu

    superstitieux

    de

    Lucain la

    solidit

    de

    son

    sujet taient

    son

    gnie

    toute

    libert d invention

    fabuleuse.

    Voltaire

    a

    eu

    le

    tort

    de.ne

    point

    suivre le

    sage

    conseil

    qu il

    donne

    ici

    et

    d introduire

    dans

    la

    Henriade

    ce

    ressort du

    merveilleux

    dont

    avec

    raison

    il

    flicite Lucain

    d avoir

    su

    se

    passer.

    Le

    merveilleux

    consacr

    et

    classique

    manque

    donc

    j en

    conviens dans le

    pome

    de Lucain;

    mais

    il

    y

    est

    remplac

    par

    un

    autre

    genre

    d intrt

    :

    A

    dfaut

    des

    dieux

    homriques

    qui n interviennent

    plus

    dans l ac-

    tion Lucain

    dit

    M.

    Villemain

    reoit

    de

    son

    temps

    une

    croyance

    vague

    aux

    visions

    aux

    apparitions

    aux

    pro-

    diges

    :

    c est

    le

    spectre

    de

    la Patrie apparaissant plore

    l autre

    rive du

    fleuve

    que

    va

    passer

    Csar; c est

    Ma-

    rius

    levant

    sa

    tte au-dessus de

    son

    tombeau bris

    et

    mettant

    les laboureurs

    en

    fuite;

    c est l ombre

    de

    Julie

    troublant

    de

    ses

    prdictions

    fatales le sommeil de

    Pom-

    pe;

    c est

    enfin

    cette

    vocation

    pleine de

    terreur et

    de

    m-

    lancolie

    que

    fait d un

    cadavre

    ramass

    dans

    la

    foule des

    morts cette

    magicienne

    que

    Sextus Pompe

    va

    consulter

    dans les forts

    de Thessalie.

    Voil

    le

    merveilleux dans

    la

    Pharsale

    merveilleux

    nouveau

    et

    appropri

    au

    temps

    o

    crivait Lucain.

    On

    ne

    croyait

    plus

    alors

    l Olympe

    Lucain

    se passe

    donc

    de la

    mythologie;

    mais

    on

    croyait

    la

    magie aussi

    Lucain

    ne

    s en

    fait-il

    pas

    faute;

    on

    croyait

    aux

    oracles

    quoi

    qu il dise

    et

    chez

    lui la

    pythonisse

    n est

    pas

    muette.

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    23/476

    SUR LA

    PHARSALE.

    XXI

    Relverons-nous aprs

    ces

    critiques gnrales le

    reproche

    fait

    Lucain

    de

    manquer

    et

    d exactitude

    his-

    torique

    et

    d unit? Lucain

    nous

    le

    reconnaissons

    n a

    pas

    retrac

    tous

    les

    vnements

    de

    la

    guerre

    civile

    :

    la

    Pharsale n est

    pas une

    chronique; il

    n a

    pas

    maigre

    historien

    suivi

    l ordre

    des

    temps;

    il s est transport

    au

    coeur

    mme

    des vnements

    wz

    mediam

    rem

    et

    a

    couru pour

    ainsi

    dire le plus

    vite

    qu il

    a

    pu au

    champ

    de

    bataille de Pharsale.

    Mais

    s il n a

    ni

    indiqu

    ni

    racont

    tous

    les dtails

    de

    ce

    duel sanglant

    il n a

    du moins

    oubli

    aucune

    des

    causes

    principales

    qui

    l avaient

    amen ni omis

    aucun

    des grands

    faits qui

    en

    avaient

    prpar

    suspendu

    ou

    prcipit

    le

    dno-

    :

    ment.

    Qu importerait d ailleurs

    dans la Pharsale

    cette ab-

    sence

    d exactitude

    aussi bien

    que

    de

    merveilleux?

    L in-

    trt du

    pome

    et

    sa

    grandeur

    ne

    sont

    pas

    l.

    Nous

    l avons

    dit

    le

    vritable

    le

    seul

    sujet

    l me

    mme

    de

    la

    Pharsale

    c est la

    libert.

    Sujet

    rel

    de

    la Pharsale la

    libert

    en

    est aussi

    le

    vritable

    hros.

    Regardons-y

    bien

    en

    effet

    :

    dans

    la

    Pharsale

    proprement

    parler Pompe

    est moins

    le principal

    personnage

    qu il n est

    un sym-

    bole

    le

    symbole de

    la

    libert.

    Aussi n est-il

    pas

    le seul

    acteur

    de

    ce

    drame svre

    :

    ct

    de

    lui il

    y a

    Caton.

    Si la libert

    est

    reprsente

    par

    Pompe le stocisme

    l est

    par

    Caton

    ou

    plutt

    stocisme

    et

    libert

    se

    confon-

    dent

    pour

    animer

    et

    ennoblir les

    chants

    du

    pote.

    Il

    est

    si

    vrai

    que

    Pompe

    c est--dire

    la

    libert n est

    pas

    le

    seul hros

    du

    pome

    que

    Pompe

    mort

    l action n est

    :

    pas

    termine.

    C est qu en

    effet

    quoique vaincue

    Phar-

    sale

    la libert

    n a

    pas

    entirement

    dsarm. Il lui

    reste

    Caton

    et

    avec

    Caton le

    stocisme qui

    ne

    continuera

    pas

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    24/476

    XXII

    TUDE

    seulement

    la

    luttedans les sables de

    l Afrique

    mais

    qui

    puisant dans

    sa

    dfaite

    mme

    une

    nergie

    de

    ressenti-

    ment

    sera

    en

    face

    de l empire

    ^ternelle

    protestation

    du

    droit

    contre

    la

    violence. Ce

    sentiment

    toujours

    prsent

    de

    regrets

    et

    d esprances

    qrai

    pour

    les

    Romains

    fai-

    sait

    l intrt

    du

    pome

    de Lucain

    en

    est

    encore

    aujour-

    d hui

    et

    en

    restera

    le charme

    le plus

    puissant

    la du-

    rable

    et

    vritable grandeur.

    Toutefois

    nous

    ne

    prtendons

    pas

    tout

    absoudre dans

    Lucain

    ;

    et

    avant

    tout

    il

    a ce

    dfaut

    des crivains

    de

    dcadence potes

    et

    prosateurs

    de

    ne

    savoir

    point s ar-

    rter

    dans

    un

    dveloppement de

    toujours viser

    au

    sublime.

    Grande

    liquid dit

    Perse;

    c est

    aussi

    la pr-

    tention

    de Lucain;

    et

    si

    quelquefois

    il

    y

    touche

    ce

    sublime

    il

    ne

    sait

    pas

    s y

    tenir;

    il le

    dpasse

    et

    tombe

    dans

    le faux

    et

    l exagration

    Benoentre-t-il

    un

    trait

    heureux il 1 mousse

    en

    l puisaiit. Il

    a

    peint

    par

    cet

    hmistiche

    admirable la

    consternation qu a

    jete dans

    Rome

    l annonce de

    l entre

    de Csar

    :

    Erravit

    sine

    voee

    doldr

    il

    se

    gardera

    bien

    d en

    rester

    l..

    Deux comparaisons

    composes de vingt

    vers

    chacune lui suffisent

    peine

    pour

    y

    noyer

    et

    teindre

    cette:

    vive

    pense.

    On

    sait

    avec

    quelle facilit malheureuse

    il

    a

    paraphras

    ces

    simples

    paroles de Csar

    iQuidtimes?

    Coesaremvehis

    au

    pcheur

    Amyclas qui

    hsitait

    commettre

    sa

    fragile

    barque

    aux

    vagues

    souleves.;

    Le dfaut d amplification tait

    du

    reste

    nous

    l avons

    dit

    le dfaut

    du

    temps

    et

    en

    particulier

    pour

    Lucain

    un

    dfaut

    de

    famille.

    Dans

    Snque la

    nourrice deMde lui

    montre

    que

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    25/476

    SUR

    LA PHARSALE.

    .

    XXIII

    dans

    le

    malheur

    qui

    l accable, il

    ne

    lui

    reste

    aucun

    es-

    poir;

    Mde

    rpond

    :

    Medea

    superest,

    mot

    sublime,

    et

    auquel elle

    aurait

    d s arrter;

    mais

    elle

    ajoute

    :

    Hic

    mare

    et terras

    vides

    Ferrumque

    et igns,

    el

    Deos,

    et

    Fulmina.

    Corneille

    a

    imit

    ce

    passage

    :

    Votre

    pays

    vous

    hat,

    votre

    poux est

    sans

    foi

    :

    Dans

    un

    si

    grand

    revers que

    vous

    reste-t-il?

    Moi

    Moi,

    dis-je,

    et

    c est

    assez.

    Et

    voyez

    la contagion

    du

    mauvais

    got

    Corneille

    aussi,

    l exemple de

    Snque,

    va

    gter

    ce

    trait

    ;

    Quoi

    vous

    seule,

    madame?

    Oui,

    tu

    vois

    en

    moi

    seule

    et

    le

    fer

    et

    la

    flamme,

    Et

    la

    terre

    et

    la

    mer,

    et

    l enfer et

    les cieux,

    Et

    le sceptre

    des

    rois

    et

    la foudre

    des

    dieux

    Outre

    ce

    vice

    capital,

    l intemprance

    dans le

    dve-

    loppement,

    Lucain

    a

    d autres et

    plus

    graves

    dfauts,

    et

    ou

    se marque

    plus

    particulirement

    l influence

    mau-

    vaise de

    son

    temps

    :

    la

    manie

    et

    l abus de

    l rudition.

    Des descriptions

    gographiques,

    scientifiques,

    astrono-

    miques

    mme, tiennent

    dans

    le pome

    une

    place consi-

    drable

    ;

    elles

    interrompent

    malencontreusement la

    narration

    et

    brisent

    l intrt. Le

    style

    lui-mme

    ne ra-

    chte

    pas

    ces

    vjces.

    La

    priode potique

    de

    Lucain

    ne

    manque

    pas,

    il

    est

    vrai,

    d une

    certaine

    harmonie,

    mais

    elle

    manque

    de souplesse

    et

    de

    varit.

    Habile

    dans

    la

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    26/476

    XXIV

    ETUDE

    manire

    dont il brise

    ses vers,

    il

    est

    en

    mme

    temps

    monotone.

    Il n'a

    pas ce

    mouvement

    nombreux,

    ces

    ca-

    dences

    savantes et

    nuances

    tout

    la

    fois

    qui enchantent

    l'oreille et

    attachent

    l'esprit

    la

    narration.

    Son coloris

    est

    clatant, mais

    uniforme;

    il

    ne

    connat

    pas

    l'art

    et

    la

    magie

    des demi-teintes.

    Les

    dfauts

    dans

    la Pharsale

    sont

    donc

    nombreux

    ;

    mais

    les beauts,

    et

    des beauts de premier

    ordre, n'y

    sont

    pas rares

    :

    Lucain

    a

    un

    clat d'expression,

    un re-

    lief

    de

    couleur,

    une

    nergie et

    parfois

    une

    profondeur

    de pense qui

    trahissent

    le gnie. Il excelle dans

    les

    portraits,

    les

    caractres

    et

    les discours.

    Je

    ne

    parlerai

    point de

    ce

    parallle de Csar

    et

    de

    Pompe qui

    ouvre

    si heureusement

    le pome

    et

    en

    claire

    la

    suite

    d'un

    jour si

    vif;

    mais

    qu'y

    a-t-il

    au-dessus

    du portrait de

    Caton,

    et

    de

    cet autre portrait

    de

    Pompe, si

    bien plac,

    en

    forme d'oraison

    funbre, dans la

    bouche

    de

    Caton?

    Les traits

    dont il

    a

    peint Cornlie n'ont

    point t

    sur-

    passs

    par

    Corneille, qui

    les lui

    a

    emprunts.

    Quant

    ses

    discours,

    on

    sait

    que

    Quintilien l'a

    mis

    au

    nombre

    des

    prateurs

    plutt

    qu'au nombre des

    potes

    1, loge

    et

    1.

    Combien

    de

    gens,

    6

    mes

    jenes

    amis,

    se

    sont

    laiss sduire

    par

    les attraits

    de la posie

    Apeine

    est-on

    parvenu

    mettre

    un

    vers sur

    ses

    pieds,

    qu'on

    se

    croit au sommet

    de

    l'Hlicon.

    C'est ainsi

    que,

    souvent,

    rebut des

    fatigues

    du

    barreau

    ,

    maint

    avocat

    cherche

    un

    asile dans

    le temple

    des Muses

    comme

    dans

    un

    port

    plus

    tranquille

    et

    plus

    assur.

    On

    a

    cru

    que,

    dans

    ces

    paroles,

    Ptrone

    (Saty-

    ricon,

    cxvni)

    faisait allusion

    Lucain

    et

    Siiius llalicus. Cet chec

    que

    Lucain

    aurait

    prouv

    au

    barreau

    ne

    s'accorde

    gure

    avec

    le

    juge-

    ment

    de Quintilien

    :

    il

    est

    possible,

    toutefois,

    que

    Lucain

    n'ait

    pas

    russi

    au

    barreau,

    o

    il

    faut

    une

    flexibilit

    de

    paroles

    et

    d'impres-

    sions qui

    n'allait

    pas

    son

    lalenl

    vigoureux,

    mais

    tendu

    et

    tout

    d'une

    pice.

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    27/476

    SUR LA PHARSALE.

    XXV

    critique tout

    ensemble. Oui

    par

    le

    trait

    par

    le

    mouve-

    ment

    par

    la

    chaleur de la

    pense Lucain

    est

    orateur 1;

    mais

    ce

    n est

    pas

    assez

    pour

    le

    pote.

    Le

    pote

    doit

    s ou-

    blier

    pour

    donner

    ceux

    qu il

    fait

    parler

    le

    langage

    et

    les

    sentiments

    convenables

    soit leur

    caractre

    soit

    leur situation;

    or

    ce

    point de

    vue

    Lucain

    est

    loin

    d tre

    irrprochable;

    car

    il

    prte

    tous

    ses

    hros

    sa

    propre

    loquence

    loquence

    forte

    mais

    souvent

    outre

    dclamatoire

    :

    c est

    avec

    l inspiration qu il

    en

    reoit

    le

    vice

    que

    lui

    donne le

    stocisme

    :

    il tend

    sur

    tout

    sa

    teinte

    sombre

    et

    monotone.

    On

    a

    beaucoup

    vant

    la

    rponse de Caton

    Labienus

    qui lui

    conseille

    de consulter l oracle de

    Jupiter Amrnon

    ;

    je

    ne

    saurais

    partager

    cette

    admiration.

    On

    voit dans

    cette

    rponse la

    faiblesse

    du

    stocisme ct

    de

    sa

    grandeur:

    sa

    grandeur dans

    sa

    morale

    sa

    faiblesse

    dans

    sa

    thologie. J approuve Caton quand

    exprimant les

    plus nobles sentiments

    de

    la

    conscience

    et

    de la

    raison

    il

    aime mieux

    mourir

    libre

    en

    combattant

    que

    d avoir

    le

    spectacle de

    la tyrannie2; quand il proclame

    le droit

    suprieur

    la violence

    et

    la

    vertu mme

    malheureuse

    prfrable

    au succs;

    mais

    je

    ne

    le

    saurais

    approuver

    quand il

    dit

    que

    Dieu rside

    partout

    o

    est

    la

    terre

    la

    mer

    l air

    et

    le ciel;

    que

    Jupiter c est

    tout

    ce

    qu on

    1.

    Lucanus

    ardens

    et concitatus et

    sententiis

    clarissimus.

    Quin-

    tilien

    lib. X

    i.

    2.

    Licet

    inquit

    omnia

    in unius dilionem

    concesserint Cato

    qua

    exeal

    liabet

    :

    una

    manu

    latam libertali

    viam

    faciet.

    Ferrum

    istud

    eliam

    civili

    bello

    purum

    et

    innoxium bonas

    tandem

    ac

    nobiles

    edet

    opras

    :

    libertatem

    quam

    patriae

    non

    potuit

    Catoni

    dabit. Aggredere

    anime

    diu

    medilalum

    opus

    eripe

    te

    rbus

    humanis.

    Snque De

    Providentiel.

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    28/476

    XXVI

    TUDE

    voit,

    tout

    ce

    qu'on

    sent,

    thologie

    panthiste,

    et

    qui

    se

    peut

    rsumer

    en

    ceci

    ;

    que

    le

    sage,

    c'est--dire

    le

    vrai stocien,

    n'a

    pas besoin de

    consulter

    les

    dieux,

    parce

    qu'il

    a

    en

    lui-mme,

    ds

    que

    les

    choses dans

    ce

    bas

    monde

    ne

    vont

    pas

    son

    gr,

    la

    ressource

    de

    se

    tuer,

    et

    cela

    en

    vertu

    d'une

    science

    que

    le ciel

    met

    en

    nous

    :

    Alors

    que

    du

    nant

    nous

    passons

    jusqu'

    l'tre.

    Ici,

    du

    reste,

    il

    faut

    le

    dire,

    Lucain

    ne

    fait que

    para-

    phraser

    Snque

    :

    Le

    sage,

    qui

    est

    assez sage

    pour

    ne

    tenir

    pas

    la

    vie,

    se

    moque

    de

    tout,

    des dieux,

    des

    hommes

    et

    des

    choses.

    Combien

    j'aime

    bien

    mieux

    Lucain faisant parler

    les

    douleurs touchantes

    de Cor-

    nlie,

    que

    paraphrasant

    les

    vagues

    doctrines de

    la

    phi-

    losophie stocienne

    Il

    y a

    dans les accents

    de

    l'pouse

    de

    Pompe

    une

    motion

    naturelle

    et

    profonde

    ;

    on

    y

    sent

    un

    coeur

    de

    femme

    et

    d'pouse

    ;

    Caton

    au

    contraire

    est

    parfois

    dclamateur.

    Ne

    mdisons

    pas

    cependant

    du

    stocisme

    :

    il

    a

    donn

    Rome,

    avec ses

    derniers grands citoyens,

    une

    litt-

    rature tout

    entire, littrature

    moins

    pure,

    moins belle

    que

    celle

    du

    sicle

    d'Auguste,

    mais

    plus

    nationale

    et

    plus originale

    :

    Perse,

    Snque,

    Tacite,

    Juvnal

    se

    sont

    inspirs du

    stocisme;

    il

    est,

    avec

    le

    regret

    douloureux

    de

    la

    libert, l'unit

    en

    mme temps

    que

    l'me

    du

    pome

    sur

    la

    guerre

    civile. En se'livrantsans rserve

    cette

    inspiration, Lucain,

    on

    l'a

    dit heureusement,

    a

    marqu

    sa

    place

    au-dessous

    de

    tous

    les

    grands

    potes,

    mais au-dessus

    de

    tous

    les

    versificateurs1.

    On

    juge

    trop

    1.

    E. Greslou

    :

    De

    Lucain

    et

    de

    la

    Pharsale,

    dans

    le

    Lucain de

    la

    Collection

    Panckoucke.

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    29/476

    SUR

    LA

    PHARSALE.

    XXVII

    de

    Lucain

    par

    Brbeuf

    qui

    a encore

    enchri

    sur

    lui

    pour

    l emphase

    et

    l exagration

    :

    Lucain

    vaut

    beaucoup

    mieux

    que

    son

    traducteur.

    Sans doute

    Corneille

    avait

    tort

    de

    ne

    le

    point

    distinguer

    de

    Virgile

    ;

    mais aprs

    tout

    malgr

    les dfauts.de

    son propre

    gnie

    et

    le

    mau-

    vais

    got

    de

    son

    sicle

    il

    y a

    chez

    Lucain

    une

    passion

    c est--dire

    une

    loquence

    une

    flamme

    la

    vie

    du

    style

    et

    de la pense.

    Par

    la double

    inspiration

    du

    stocisme

    et

    de

    la libert il

    est

    arriv

    une

    grandeur

    relle

    :

    pote

    incomplet

    mais

    pote

    et

    auquel s attache

    cet

    intrt particulier d avoir t prmaturment

    enlev

    l achvement

    de

    son oeuvre

    :

    Lucain n est-ce

    pas un

    peu

    l Andr

    Chnier

    latin

    ?

    J.-P.

    CHARPENTIER.

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    30/476

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    31/476

    LA

    PHARSALE

    DE

    LUCAIN

    LIVRE

    PREMIER

    Exposition

    du sujet la

    guerre

    civile

    entre

    Csar

    et

    Pompe.

    Reproches

    que

    le

    pote

    adresse

    aux

    Romains

    propos

    de

    cette

    fureur

    qui les

    arme

    les

    uns

    contre

    les

    autres

    quand

    ils

    ont

    tant

    de raisons

    d entreprendre d autres

    guerres.

    II

    faut

    se

    consoler

    pourtant

    de

    ces

    malheurs

    et

    s en

    rjouir

    si

    ies

    destins

    n ont

    pas

    trouv

    d autre

    voie

    pour amener

    le

    rgne de

    Nron.

    Apothose

    anticipe

    de

    Nron;

    basse

    flatterie.

    numration

    des

    causes

    particulires

    ou

    gnrales

    de

    la

    guerre

    civile.

    Portraits

    de

    Pompe

    de

    Csar.

    Csar

    arrive

    sur

    les

    bords

    du

    Rubicon

    qui

    marque

    la

    limite

    de

    son

    gouvernement.

    L image

    de la

    patrie

    dsole

    se

    dresse

    devant

    lui

    et

    le

    conjure

    de

    ne pas

    avancer

    plus loin

    avec

    son

    arme.

    Csar

    aprs

    un

    moment

    d hsitation

    passe

    le fleuve.

    Prise

    d Ariminum

    pendant

    la nuit.

    Les

    habitants rveills

    par

    le

    bruit

    des

    trompettes

    voient

    leurville envahie

    par

    une

    arme et

    dplorent

    en

    silence

    leur malheureux

    sort.

    Au

    point du jour

    les

    tribuns

    forcs de s enfuir

    de

    Rome

    arrivent

    au

    camp

    de

    Csar;

    l un deux

    Cuion excite Csar

    presser

    la

    guerre.

    Csar enflamm

    par ce

    discours harangue

    ses

    soldats

    et

    leur parle de

    marcher

    sur

    Rome. Il

    accable

    Pompe et

    le

    snat

    d invectives

    et

    se

    promet

    la

    faveur

    des

    dieux

    qui

    doivent

    protger

    la justice

    de

    sa cause.

    L arme

    se

    rend

    ce

    discours

    et

    un

    chef

    de

    cohorte

    Llius proteste

    qu il suivra

    partout Csar;

    que

    s il faut

    gorger

    pour

    lui

    frre

    pre

    pouse

    s il

    faut dtruire

    RGme

    il

    est

    tout

    prt

    :

    toute

    l arme

    fait

    le

    mme

    serment.

    Csar

    rappelle

    ses

    lgions

    disperses dans diverses

    parties de la

    Gaule

    ;

    numration

    de

    ses

    forces.

    Csar

    la

    tte de

    toutes

    ses

    lgions

    rassembles

    envahit

    l Italie

    et

    rpand de

    tous cts

    une

    si

    grande

    ter-

    reur

    que

    le

    snat

    et

    Pompe

    lui-mme

    s enfuient

    de

    Rome.

    Signes

    et

    prsages

    des calamits prochaines.

    Tableau de la dsolation

    de

    Rome

    et

    de l Italie.

    Autres

    prodiges

    sinistres.

    On

    consulte les devins

    toscans;

    Aruns

    et

    Figulus

    sont

    interrogs lis ordonnent

    de purifier les

    murs

    de

    Rome

    par

    des

    lustrations

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    32/476

    2

    LUCAIN.

    solennelles;

    description

    de

    cette

    crmonieexpiatoire.

    Aruns gorge

    une

    victime,

    considre

    ses

    entrailles,

    et

    n y dcouvre

    que

    des

    malheurs;

    Figulus les

    annonce.

    Fureur

    prophtique

    d une dame

    romaine

    qui, inspire

    par

    Apollon,

    prdit

    les principaux vnements

    dela guerre

    civile.

    Je

    chante

    les

    guerres

    plus

    que

    civiles

    dont la Thessalie

    fut

    le

    thtre; le crime

    prenant

    force de loi,

    un

    peuple

    puissant

    tour-

    nant

    ses

    mains

    victorieuses

    contre

    ses

    entrailles,

    deux

    camps

    unis

    par

    les liens

    du

    sang.

    l Empire dchir,

    toutes

    les forces

    du monde

    branl

    servant

    un

    crime

    commun,

    aigle

    contre

    aigle, Romain

    contre

    Romain.

    0

    citoyens,

    quelle

    fureur quel

    amour

    insens

    des

    combats

    est-ce

    vous

    d assouvir

    la

    haine des

    nations

    dans

    le

    sang

    de

    votre

    patrie? La

    superbe

    Babylone s enorgueillit

    de

    nos

    tro-

    phes

    ;

    l ombre

    errante

    de

    Crassus

    demande

    vengeance

    ;

    et

    vous

    cherchez des combats qui

    n auront

    jamais de

    triomphes Hlas

    quelles conqutes

    n aurait

    pu payer

    le

    sang

    vers

    par

    des mains

    romaines?

    Des

    rgions

    o nat le

    jour jusqu aux

    bords

    o

    la

    nuit

    s ensevelit

    avec

    les

    toiles,

    des lieux

    brlants

    que

    le

    midi

    embrase,

    aux

    contres brumeuses

    o

    ne

    rgne

    jamais

    le

    doux

    printemps,

    o

    la

    mer

    de Scythie

    est

    emprisonne

    sous

    les

    LIBER

    I

    Bella

    per

    emathios

    plus

    ouam

    ciiilia

    campos,

    Jusque

    daturn

    sceleri canimus,

    pcpulumque

    potentem

    In

    sua

    victrici

    conversum

    viscera dextra,

    Cognatasque

    acies

    ;

    et,

    rupto

    foedere

    regni,

    Certatum

    tolis

    concussi

    viribus

    orbis

    In

    commune

    nefas;

    infestisque

    obvia

    signis

    Signa,

    pares

    aquilas,

    et

    pila minantia pilis.

    Quis

    furor,

    o

    cives

    que

    tanta

    licentia ferri,

    Gentibus invisis latium

    proebere

    cruorem

    ?

    Quumque

    superba

    foret

    Babylon

    spolianda

    tropas

    Ausoniis,

    umbraque

    erraret

    Crassus

    limita,

    Bella geri placuit

    nullos habitura triumphos.

    Heu,

    quantum

    potuit

    terrai

    plagique

    parai

    Hoc,

    quem

    civiles hauserunt,

    sanguine, dextrje

    Jude

    vcnit Titan,

    et

    nox

    ubi sidera

    condit,

    Quaque

    dies

    mdius

    flagrantibus

    oestuat

    horis,

    Et

    qua

    bruma rigens,

    ac

    nescia

    verc

    remitii,

    Adstringit Seythicum

    glaciali

    frgore

    pontum

    :

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    33/476

    LA

    PHARSALE

    LIVRE

    I.

    3

    glaces

    le

    Sre

    l Armnien barbare

    les

    peuples

    s il

    en

    est

    qui

    voient

    natre

    le

    Nil

    tout

    serait dompt.

    Alors

    si telle

    est

    ton

    ardeur

    pour

    une

    guerre

    dtestable

    matresse du

    monde entier

    Rome

    tourne

    tes

    mains

    contre

    toi-mme.

    Mais

    as-tu

    manqu

    d ennemis?

    Les

    villes

    d Italie s croulent

    sous

    leurs

    toits

    briss

    ;

    leurs

    murailles

    ruines

    ne

    sont

    plus

    que

    des

    dbris

    pars

    ;

    les

    maisons

    n ont

    plus de

    gardien

    qui les

    protge;

    l habitant

    soli-

    taire

    est

    errant

    dans

    leur

    vaste

    enceinte; l Hesprie

    ds

    long-

    temps

    inculte

    est couverte

    de

    ronces;

    les

    mains du

    laboureur

    manquent

    aux

    champs

    qui les

    demandent.

    Ce

    n est

    pas

    toi

    farouche

    Pyrrhus

    ce

    n est

    pas toi

    fier

    Annibal

    qui

    nous

    as

    caus

    tant

    de

    maux

    :

    le

    fer

    tranger

    ne

    nous

    fit

    jamais de

    si profondes

    blessures

    ;

    ces coups

    partent

    d une

    main

    domestique.

    Si les

    destins

    n ont

    pu

    frayer

    l arrive

    de Nron

    d autres

    chemins

    s il

    faut

    payer

    cher

    les

    royauts ternelles

    des dieux

    si

    l Olympe

    n obit

    Jupiter

    qu aprs

    la

    guerre

    des gants

    ter-

    ribles

    cessons

    de

    nous

    plaindre

    dieux;

    j aime

    le crime

    et

    le

    sacrilge

    pays

    d un tel prix.

    Que

    Pharsale

    emplisse de

    carnage

    ses

    plaines

    odieuses

    que

    les mnes des

    Carthaginois

    s abreu-

    vent

    de

    notre

    sang

    que

    les dernires batailles

    se

    heurtent

    sous

    Sub

    juga

    jam

    Sers

    jam

    barbarus

    isset

    Araxes

    Et

    gens

    si

    qua

    jacet

    nascenti conscia Nilo.

    Tune

    si

    tantus

    amorbellilibi

    Roma

    nefandi

    Totum

    snb latas

    leges quum

    miserisorbem

    In te

    verte

    manus

    :

    nondum

    tibi defuit

    hostis.

    At

    nunc

    semirutis.pendent quod

    meenia

    tectis

    Urbibus

    ItaJioe lapsisqueingentia

    mris

    Saxa

    jacent;

    nulloque

    domus

    custode

    tenentur

    Rarus et

    antiquis nabitator in

    urbibus

    errt

    ;

    Horrida

    quod

    dumis multosque

    narala

    per annos

    Hesperia

    est

    desxmtque

    manus

    poscentihus arvis

    ;

    Non tu

    Pyrphe

    ferox.

    nec

    tamis cladibus

    auctor

    Poenus

    erit

    :

    nulli penitus discindere

    ferro

    Contigit

    :

    alta sedent

    civilis

    vulnera

    dextroe.

    Quod si

    non

    aliam

    venturo

    fata

    Neroni

    Invenere

    viam

    magnoque

    eetema

    parantur

    Rgna

    deis

    coelumque

    suo

    servire Tonanti

    Non

    nisi

    saenrorum

    potuit

    post

    betla gigantum

    :

    Jam

    nibil

    o

    superi

    querimur

    :

    scelera ipsa nefasque

    Hac

    mercede placent

    :

    diros

    Fharsalia

    campos

    Impleat;

    et

    poeni

    saturentar

    sanguine

    mnes

    ;

    Ultima funesta

    eoncuirant

    proeba Munda.

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    34/476

    4

    LUCAIN.

    les

    murs

    funestes

    de Munda

    ;

    ces

    destins

    ajoute

    Csar

    Prouse

    affame

    Mutine

    aux

    abois

    nos

    flottes

    dtruites

    Leucade

    et

    la

    guerre

    des esclaves

    aux

    pieds

    brlants

    de

    l Etna.

    Rome

    doit

    cependant

    beaucoup

    aux

    guerres

    civiles

    puisque

    tout fut

    fait

    pour

    toi.

    Quand

    s achvera

    ton

    sjour

    ici-bas

    tu

    monteras

    plein de

    jours

    vers

    les

    astres

    le palais

    de l Olympe

    ta

    de-

    meure

    prfre

    te

    recevra

    avec

    allgresse.

    Soit

    que

    tu

    veuilles

    tenir le

    sceptre

    soit

    que

    mont

    sur

    le

    char tincelant

    de

    Ph-

    bus

    tu

    prfres clairer

    la

    terre

    de

    tes

    feux

    errants

    qui char-

    ment

    le

    monde

    toute

    divinit

    te

    cdera

    sa

    place

    et

    la

    nature te

    laissera choisir ta royaut.

    Mais

    tu

    ne prendras pour

    demeure

    ni les

    rgions du

    nord

    ni

    les rgions brles

    des

    feux

    de

    Sirius

    et

    d o

    ton

    astre

    jetterait

    sur

    Rome

    d obliques

    rayons.

    Si

    tu

    pses

    sur

    un

    point

    extrme du

    vaste

    ther

    l axe

    du ciel gmira

    sous

    le faix.

    Garde

    au

    centre

    l quilibre

    du

    monde. Que

    ce

    point du

    ciel soit

    serein

    qu aucune

    nue

    ne

    cache

    Csar. Qu a-

    lors le

    genre

    humain

    pose

    les

    armes

    que

    toutes

    les nations

    s aiment

    d un

    commun

    amour

    et

    que

    la

    paix descendue

    sur

    la

    terre

    ferme

    les

    portes

    de fer

    du

    belliqueux

    Janus.

    Mais

    tu

    es

    dj

    un

    dieu

    pour

    moi.

    Puisse

    le

    pote

    te

    recevoir

    dans

    son

    His

    Csesar

    Perusina fams

    Mulineeque labores

    Accdant fatis;

    et

    quas

    prenait

    aspera

    classes

    Leucas; et

    ardenti

    servilia bella sub

    .-Etna.

    iUultum

    Roma tamen

    dbet

    civlibus

    arms

    Quodtibi

    res

    acta est.

    Te

    quum statione

    peracta

    Astra petes

    serus

    praelati regia coeli

    Excipie gaudente

    polo

    :

    seu

    sceplra

    tenere

    Seu

    te

    flammigeros

    Phoebi conscendere

    currus

    Teluremque

    nihil

    mutato

    sole timentem

    Ignc

    vago

    lustrare

    juvat

    :

    tibi numine

    ab

    omni

    Cedetur

    :

    jurisque tui

    natura

    relinquet

    Quis

    deus

    esse

    velis ubi

    regnum

    pouere

    mundi.

    Sed

    neque

    in

    arctoo

    sedem

    tibi legeris

    orbe

    :

    Nec

    polus adversi

    calidus

    qua

    vergitur Austri

    Unde

    tuam

    videas obliquo sidre Romam.

    .Etheris

    immensi

    partem

    sipresseris

    uuam

    Sentiet axis

    onus.

    Librati pondra

    coeli

    Orbe

    tene

    medio

    :

    pars

    aetheris

    illa

    sereni

    Tota

    vacet

    nulloeque

    obsteut

    a

    Csesare

    nubes.

    Tune

    genus

    humanum

    positis

    sibi

    consulat

    armis

    Inque

    vicem

    gens

    omnis

    amet

    :

    pax

    missa

    per

    orbeir

    Ferrea

    belligeri

    compescat

    limina

    Jani.

    Sed mini jam

    numcn

    :

    nec

    si

    te

    pectore

    vatcs

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    35/476

    LA

    PHARSALE

    LIVRE

    I.

    5

    sein

    il n invoquera

    pas

    le dieu

    de Cyrrha

    il n appellera

    pas

    Bacchus loin de Nysa.

    C est

    assez

    de

    toi

    pour

    inspirer

    les

    chants

    d un

    Romain.

    Je

    veux

    remonter

    la

    source

    de

    nos

    malheurs; c est m ouvrir

    une

    carrire

    immense.

    Quelle

    est

    la

    cause

    qui

    entrana

    ce

    peuple

    aux

    fureurs

    des

    combats

    et

    qui

    chassa la paix

    de la

    terre?

    L envieuse

    fatalit;

    l arrt

    port

    par

    le destin

    que

    rien

    d lev

    ne

    soit stable;

    la

    chute

    qu entrane

    un

    trop

    pesant

    fardeau;

    Rome

    que sa gran-

    deur accable.

    Ainsi

    lorsque les sicles

    accumuls amneront

    l instant

    de

    la

    dissolution du monde

    tout

    rentrera

    dans l ancien chaos les

    astres

    confondus

    se

    heurteront

    contre

    les

    astres

    la

    mer

    englou-

    tira les toiles la

    terre

    refusera

    d embrasser la

    mer

    et

    la

    chas-

    sera

    de

    son

    lit Phoeb

    s avancera

    contre

    son

    frre

    ddaignant

    l oblique

    chemin o marchent

    ses

    coursiers

    et

    demandera

    pour

    elle

    l empire du

    jour;

    l branlement universel

    de la machine

    en

    dtruira

    l ordre et l accord.

    L excessive

    grandeur s croule

    sur

    elle-mme

    :

    c est le

    terme

    que

    les dieux

    ont

    mis

    la

    prosprit.

    La

    fortune n a

    voulu

    Accipiam cirrhoea velim

    scrta

    moventcm

    Sollieitare deum

    Bacchumque

    avertere Nysa.

    Tu

    salis ad dandas

    romana

    in carmina

    vires.

    Fert

    animus causas

    tantaruin expromere

    rerum

    :

    Immensumque

    apcritur

    opus

    quid in

    arma

    furenlem

    Impulerit

    populum quid

    pacera

    eicusserit

    orbt.

    Invida fatorum

    sries summisque

    negatum

    Stare diu;

    nimioque

    graves

    sub pondre lapsus;

    Nec

    se

    Roma

    ferens.

    Sic

    quum compage

    soluta

    Secuia

    tt

    murtdi

    suprema

    coegerit

    hora

    Antiquum

    rptons

    iterum chaos omnia mixtis

    Sidra

    sideribus

    concurrent

    :

    ignea

    pontum

    Astra

    ptent

    :

    tellus

    extendere

    litora nolet

    Excutietque fretum

    :

    fratri contraria

    Phoebe

    Ibit

    et

    obliquum bigas agtare

    per

    orbem

    Indignata diem

    poscet

    sibi

    :

    totaque

    discors

    Machina divulsi

    turbabit

    foedera

    mund.

    In

    se magna

    ruunt

    :

    laetis hune numina rbus

    Crescendi

    posuere

    modum.

    Nec

    gentibus ullis

    Commodat in populum

    terre

    plagique

    potentem

    Invidiam

    Forluna

    suan..

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    36/476

    6

    LUCAIN.

    confier

    aucune

    nation

    du

    monde

    le soin de

    sa

    haine

    contre

    les Romains

    :

    c'est

    toi, Rome, c'est toi

    qu'elle

    a

    rendue,

    sous

    trois

    tyrans, l'instrument

    de

    ta

    ruine;

    c'est leur

    concorde impie

    qui t'a perdue. Fatale

    alliance des chefs

    aveugle ambition

    pourquoi unir

    vos

    forces

    et

    vous

    disputer

    l'univers

    en

    butte

    vos

    coups?

    Non,

    tant

    que

    la

    terre

    contiendra

    la

    mer; que

    l'air

    balancera

    la

    terre,

    que

    Phoebus

    se

    lassera rouler

    son

    char

    et

    que

    la nuit

    suivra

    le

    jour

    travers

    les mmes signes, jamais il

    n'y

    aura

    de

    sincre accord dans

    le

    partage

    du

    rang

    suprme.

    L'autorit

    ne

    veut,

    point de

    compagne.

    N'en cherchons

    pas

    les exemples loin

    de

    nous;

    le fondateur

    des

    murs

    les souilla du

    sang

    d'un

    frre.

    Et

    ce

    n'tait

    pas

    l'empire

    du monde

    qu'on

    se

    disputait

    avec

    tant

    de fureur;

    un

    troit asile divisa

    ses

    matres.

    On

    vit

    quelque

    temps

    subsister

    entre

    Pompe

    et

    Csar

    une

    paix

    simule

    et

    contrainte. Crassus,

    au

    milieu

    de

    ces

    deux

    rivaux,

    tenait

    la

    guerre comme en suspens.

    Tel

    l'isthme

    troit soutient

    seul le choc

    des

    deux

    mers

    qu'il

    spare;

    que

    la

    terre

    se

    retire, la

    mer

    Ege

    va se

    briser

    contre

    la

    mer

    d'Ionie. Ainsi la

    mort

    dplorable de Crassus

    en

    souil-

    Tu

    causa

    malorum

    Facta

    tribus domiais

    communis,

    Borna,

    nec

    nnquam

    in

    turbam missiferaliafoederaregni.

    O

    mate concordes, nmiaque cupidine coeci,

    Quid miscere

    juvat

    vires, orbemque

    tenere

    In

    niedio?

    Dum terra

    fretum,

    terramque

    levabit

    Aer,

    cl

    longi

    volveut

    Titana labores,

    ?soxque

    diem

    coelo totidem

    per

    signa

    sequetur

    ;

    Nulla

    fides

    regni

    sociis,

    onrasque

    potestas

    Impatiens consortis erit.

    Nee

    gentibus ullis

    Crdite

    ;

    nec

    longe fatorum cxempla

    petantur

    :

    Fraterno

    primi maduerunt sanguine

    mri.

    Xec pretium

    tanti

    tellus

    pontusque

    uroris

    Tune

    erat

    :

    exiguum dominos

    commisit

    asylum.

    Temporis

    angusti

    mansit concordia discors,

    Paxque fuit

    non

    sponte

    ducum.

    Nam

    sola

    futuri

    Crassus

    erat

    belli mdius

    mora.

    Qualiter undas

    Qui

    secat,

    et

    geminum gracilis

    marc

    spart

    isthmos,

    Nec patitur conferre fretum

    ;

    si

    terra

    recdt,

    Ionium

    JEg o

    frangat

    mare.

    Sic,

    ubi

    sseva

    Arma

    ducum dirimens,

    miserando funere

    Crassus

  • 7/23/2019 Marmontel Durand La Pharsale

    37/476

    LA

    PHARSALE,

    LIVRE

    I.

    7

    tant

    de

    sang

    romain les

    murs

    assyriens

    de

    Carres,

    nous

    a

    livrs

    nos

    propres

    fureurs. La

    victoire

    des Parthes

    a

    dchan

    nos

    haines. Heureux

    Arsacides dans

    cette

    journe

    vos

    succs

    ont

    pass

    votre

    attente

    :

    vous

    avez

    donn

    la

    guerre

    civile

    aux

    vaincus.

    L empire

    est

    partag

    par

    le

    fer,

    et

    la

    fortune

    d un

    peuple

    puissant, qui

    embrasse

    la

    terre,

    les

    mers,

    le

    monde

    entier,

    ne

    peut

    contenir

    l ambition

    de deux

    hommes.

    0

    Julie

    seul

    gage

    de leur alliance,

    tu

    n es

    plus. Les

    flam-

    beaux de

    ton

    hymen,

    allums

    sous

    le plus

    noir

    auspice,

    se

    sont

    teints

    dans

    le

    tombeau.

    O

    toi

    que

    les cruelles Parques

    ont

    enleve

    au

    monde si

    le destin

    t et

    laiss vivre,

    tu

    aurais

    pu,

    l exemple des

    Sabines,

    te

    prcipiter

    entre

    ton

    pre

    et

    ton

    ^poux,

    les

    retenir,

    les

    dsarmer,

    joindre

    leurs

    mains

    dans

    tes

    mains

    pacifiques.

    Ta

    mort

    affranchit

    Pompe

    et

    Csar

    des

    liens

    de la foi jure

    :

    rien

    ne

    s oppose

    plus

    cette

    jalousie

    impatiente,

    cette,

    mulation

    de gloire, qui les

    presse

    de

    ses

    aiguillons.

    Toi,

    Pompe,

    tu

    crains que

    l clat

    de

    tes

    anciens

    travaux ne

    soit

    obscurci

    par

    de

    nouveaux

    exploits,

    et

    que

    la

    conqute

    des

    Gaules

    n efface

    tes

    triomphes

    sur

    les pirates

    :

    cette

    longue

    suite

    de prosprits

    et

    d honneurs

    te

    remplit

    l me

    d orgueil,

    et ta

    fortune

    ne

    peut

    se

    rsoudre

    partager

    le

    premier

    rang.

    Csar

    Assyrias

    latio maculavit

    sanguine

    Carras,

    Parthica

    romanos

    solverunt damna furores.

    Plus illa

    vobis acie,

    quam

    creditis;

    actum est,

    Arsacidae

    :

    bellumvictis

    civile dedistis.

    Dividitur

    ferro

    regnum :

    populique

    potentis,

    Quoe

    mare,

    quoe

    terras,

    quae

    totuinpossidet orbem,

    Non

    cepit

    fortuna

    duos.

    Nam

    pignora

    juncti

    Sanguinis,

    et

    diro

    ferales omine taedas

    Abstulit

    ad

    mnes,

    Parcarum,

    Julia,

    saeva

    Intercepta

    manu.

    Quod si tibi fata ddissent

    Majores

    in

    luce

    moras,

    tu

    sola furentem

    Inde

    virum

    poteras,

    atque

    hinc retinere