MARCEL MAUSS - Université Virtuelle en Sciences du...

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MARCEL MAUSS PAR G. BONHOMME Etude de la notion de « Technique du corps » dans le développement de la natation aux XVII e et XVIII e siècles D ans son « Introduction à l'oeuvre de Marcel Mauss » [1], Claude Lévi-Strauss [2] souhaitait qu'une organisation internationale prenne en charge l'établissement « d'archives internationales des techniques corporelles, dressant l'inventaire de toutes les possibilités du corps humain et des méthodes d'apprentissage et d'exercices... ». Conscient de la valeur d'un tel patrimoine, à la fois universel et pratique, ce savant y trouvait aussi un moyen de faire échec aux préjugés de race « puisqu'au lieu de voir dans l'homme un produit de son corps, on montrerait au contraire, que c'est l'homme qui, toujours et partout, a su faire de son corps un produit de ses techniques » [3]. C'est vers 1934-1936 que Marcel Mauss fait la synthèse de toutes ses recherches dans ce domaine [4]. Les idées essentielles peuvent se résumer par : - la notion d'acte technique tourné vers le corps ; - des principes de classification ; - une énumeration biographique ; - une discussion brève, mais d'importance, sur les rapports entre le biologique et le sociologique. Dans sa communication de 1934, présentée à la Société de Psychologie, Marcel Mauss prend soin d'indiquer l'origine de sa démarche. Il ne faut pas s'étonner d'y trouver tous les changements apportés par le développement du sport dans les domaines de la marche et de la course à la fin du siècle dernier. Mais la plus grande partie de cette introduction est réservée à la description de l'évolution de la natation. C'est l'auteur anglais de l'article « nage » dans la British Encyclopaedia de 1902 qui, dit-il, « lui a montré l'intérêt historique et ethnographique de la question. Ce fut un point de départ, un cadre d'observation » [4]. Marcel Mauss nous renvoie, ici, à la brillante école d'histoire du sport qui s'exprime dans les années 1880 en Angleterre. La fameuse collection de la Badminton Library en reste le témoignage le plus éloquent [5]. Cette période se caractérise par le fait qu'elle sut associer l'Histoire à la réflexion sur les techniques spécifiques qui, alors, commençaient à prendre une place importante dans l'éducation. Marcel Mauss, avant tout ethnologue, n'a jamais envisagé d'étudier l'histoire des techniques du corps ; sans doute aussi parce qu'il était suffisamment averti du caractère très spécialisé de ces recherches. L'aspect le plus élaboré par Mauss correspond au domaine propre de l'ethnographie, son énumération des techniques, à caractère exhaustif tendait plus à faire servir à un recensement, à l'observation sur le terrain qu'à une réflexion sur le contenu et le sens de l'évolution de ces techniques au sein des différentes sociétés. En étudiant les principaux traités de natation publiés entre le 16 e et le 18 e siècles nous avons été surpris de l'importance des polémiques et des théories sur l'apprentissage qui s'y rencontrent. Même si elle n'est pas nommée, on y retrouve, clairement exposée, la notion même de techniques du corps. Qu'il soit condamné ou magnifié l'usage du corps dans la natation y est étudié dans toutes ses implications. Cette notion s'allie toujours avec une description extrêmement précise des pratiques envisagées. Le cadre de cet article ne nous permet pas de nous étendre sur la description de certaines techniques, et nous avons conscience que notre exposé sera rendu plus difficile par cette méconnaissance. Pour aider les lecteurs intéressés nous avons cru bon de l'accompagner de notes et de références utiles à un approfondissement. L'HERITAGE DE LA RENAISSANCE : Les deux premiers traités imprimés sur la natation. L'existence d'une étude et d'une ré- flexion particulières sur la natation nous est prouvée par la publication, à cin- quante années d'intervalle, de deux ou- vrages qui portent sur la description de techniques. Nous savons que la natation était alors considérée comme un art (arte natandis) qui impliquait apprentissage, maîtrise et virtuosité. La précision des descriptions semble indiquer qu'il s'agissait de pratiques courantes à l'épo- Associer l'histoire à la réflexion sur les techniques. 6 Revue EP.S n°199 Mai-Juin 1986 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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MARCEL MAUSS

PAR G. BONHOMME

Etude de la notion de « Technique du corps » dans le développement de la natation aux XVIIe et XVIIIe siècles

D ans son « Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss » [1], Claude

Lévi-Strauss [2] souhaitait qu'une organisation internationale prenne en charge l'établissement « d'archives internationales des techniques corporelles, dressant l'inventaire de toutes les possibilités du corps humain et des méthodes d'apprentissage et d'exercices... ». Conscient de la valeur d'un tel patrimoine, à la fois universel et pratique, ce savant y trouvait aussi un moyen de faire échec aux préjugés de race « puisqu'au lieu de voir dans l'homme un produit de son corps, on montrerait au contraire, que c'est l'homme qui, toujours et partout, a su faire de son corps un produit de ses techniques » [3]. C'est vers 1934-1936 que Marcel Mauss fait la synthèse de toutes ses recherches dans ce domaine [4]. Les idées essentielles peuvent se résumer par : - la notion d'acte technique tourné vers le corps ; - des principes de classification ; - une énumeration biographique ; - une discussion brève, mais d'importance, sur les rapports entre le biologique et le sociologique. Dans sa communication de 1934, présentée à la Société de Psychologie, Marcel Mauss prend soin d'indiquer l'origine de sa démarche. Il ne faut pas s'étonner d'y trouver tous les changements apportés par le développement du sport dans les domaines de la marche et de la course à la fin du siècle dernier. Mais la plus grande partie de cette introduction est réservée à la description de l'évolution de la natation. C'est l'auteur anglais de l'article « nage » dans la British Encyclopaedia de 1902 qui, dit-il, « lui a montré l'intérêt historique et ethnographique de la question. Ce fut un point de départ, un cadre d'observation » [4]. Marcel Mauss nous renvoie, ici, à la brillante école d'histoire

du sport qui s'exprime dans les années 1880 en Angleterre. La fameuse collection de la Badminton Library en reste le témoignage le plus éloquent [5]. Cette période se caractérise par le fait qu'elle sut associer l'Histoire à la réflexion sur les techniques spécifiques qui, alors, commençaient à prendre une place importante dans l'éducation. Marcel Mauss, avant tout ethnologue, n'a jamais envisagé d'étudier l'histoire des techniques du corps ; sans doute aussi parce qu'il était suffisamment averti du caractère très spécialisé de ces recherches. L'aspect le plus élaboré par Mauss correspond au domaine propre de l'ethnographie, son énumération des techniques, à caractère exhaustif tendait plus à faire servir à un recensement, à l'observation sur le terrain qu'à une réflexion sur le contenu et le sens de l'évolution de ces techniques au sein des différentes sociétés. En étudiant les principaux traités de natation publiés entre le 16e et le 18e siècles nous avons été surpris de l'importance des polémiques et des théories sur l'apprentissage qui s'y rencontrent. Même si elle n'est pas nommée, on y retrouve, clairement exposée, la notion même de techniques du corps. Qu'il soit condamné ou magnifié l'usage du corps dans la natation y est étudié dans toutes ses implications. Cette notion s'allie toujours avec une description extrêmement précise des pratiques envisagées. Le cadre de cet article ne nous permet pas de nous étendre sur la description de certaines techniques, et nous avons conscience que notre exposé sera rendu plus difficile par cette méconnaissance. Pour aider les lecteurs intéressés nous avons cru bon de l'accompagner de notes et de références utiles à un approfondissement.

L'HERITAGE D E LA R E N A I S S A N C E : Les deux premiers traités imprimés sur la natation.

L'existence d'une étude et d'une ré­flexion particulières sur la natation nous est prouvée par la publication, à cin­quante années d'intervalle, de deux ou­vrages qui portent sur la description de techniques. Nous savons que la natation était alors considérée comme un art (arte natandis) qui impliquait apprentissage, maîtrise et virtuosité. La précision des descriptions semble indiquer qu'il s'agissait de pratiques courantes à l'épo-

Associer l'histoire à la réflexion sur les techniques.

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ET L'HISTOIRE DU SPORT D i A R T I N A T A N D I

Vti me nantem vides.

que ; cependant il est difficile de deviner l'étendue et l'importance qu'on pouvait alors y accorder. Ces deux ouvrages, écrits en latin sous forme d'un dialogue entre deux person­nages, se veulent une dissertation sa­vante, réservée aux docteurs et aux let­trés, à l'exemple des ouvrages sur la médecine. Le plus ancien, qui corres­pond à la période de l'humanisme rhé­nan, est paru en 1538. Son auteur, Nico­las Wynman, de nationalité suisse, en­seignait, comme professeur de langues, à Ingolstad en Bavière. C'est à un lettré d'Oxford que nous devons le second, publié en 1587, par Everard Digby, dans une Angleterre qui traverse la fin de la période renaissante [6]. Digby a méconnu l'œuvre de Wynman et les deux auteurs pensaient faire œuvre originale en marquant de leur nom la première apologie de la natation, comme Virgile pour l'agriculture ou Galien pour la médecine. Aucune des parties du traité de Wynman ne se retrouve dans celui de Digby. Le texte de Wynman est très descriptif et anecdotique. 11 raconte les premières séances d'apprentissage, à treize ans aux sources chaudes de Sion dans le Valais ; les baignades sur le Danube avec un groupe d'étudiants. La présentation choisie par Digby montre, à l'opposé, un souci de méthode. L'ou­vrage est en deux parties bien distinctes : théorie et pratique. La partie théorique discute, entre autre, des conditions et du bien fondé de l'apprentissage. Le contenu en a fort bien été traduit et résumé par Melchisédech Thèvenot un siècle plus tard [6]. La seconde partie, pratique est illustrée de quarante plan­ches gravées, dont le dessin est fait dans des buts didactiques (montrer les parties motrices et les zones du corps hors de l'eau). L'illustration est accompagnée d'un commentaire descriptif sur les dif­férentes façons d'entrer dans l'eau, de s'y maintenir en équilibre, de s'y diriger dans les trois dimensions (profondeur comprise), et dans toutes les directions (avant/arrière, dessus/dessous, haut, bas, côté, rotations...). Tandis que le texte de Wynman décrit des gestes à imiter (un modèle qui s'appelle la « nage à la grenouille »), celui de Digby nous entraîne, sans notion de progression, dans une succession de variations qui s'accordent aux variables géométriques d'un espace organisé [7]. Chacun sait qu'à cette époque, les hom­mes naviguent pour conquérir des conti­nents. Les fleuves et les rivières impor­tantes sont les principales voies de circu-

lation. Ce n'est pas cependant vers la maîtrise de ces espaces naturels que Digby entend tourner la technique de la nage. Un peu à l'opposé de ces condi­

tions difficiles Digby ne prévoit et ne décrit qu'une natation adaptée au cadre calme et tranquille d'une rivière. Seuls les bains étaient l'objet de constructions particulières, souvent luxueuses. Non seulement nous ne connaissons, pour la natation, aucun aménagement spécial avant la seconde moitié du 18e siècle,

L'homme et la rivière : la natation naturelle selon Digby, Arte Natandi, 1587.

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mais l'usage même des bains n'est plus une activité sociale approuvée [8]. La pensée de Digby ne semble absolument pas dépendante de la notion de bain ou même des usages de l'eau. C'est une pensée technique entièrement tournée vers les problèmes de la maîtrise du mouvement. Il conçoit donc l'aménage­ment d'un milieu qui puisse favoriser au mieux l'apprentissage par une mise en jeu simple des variables. Il donne natu­rellement à l'organisation du milieu un rôle déterminant : « l'eau ne doit être ni trop froide ni trop chaude », pour que l'on ne tremble pas et que l'on garde « la liberté entière de l'esprit et du corps ». Le bord doit être « un gazon raz et égal », « l'eau claire et bien nette », le fond « de graviers ou de pierres unies », « égal et sans fosses ». La profondeur doit être connue parfaitement, pour apprendre il faut toujours revenir au même lieu, ce qui donne les repères permanents néces­saires [9]. On aura reconnu, sans peine, le projet achevé d'une piscine, conception clai­rement donnée deux siècles avant les premières réalisations d'écoles de nata­tion (nous avons connaissance de pre­miers dessins d'écoles de natation dans la deuxième moitié du 18e siècle) [10]. Toute la méthode de Digby s'appuie sur la conviction, nettement affirmée, que

l'homme possède dans sa propre nature, dans son organisation même, toutes les capacités pour apprendre à nager. Il n'hésite pas à formuler que, sur le plan de la maîtrise des mouvements, l'homme est supérieur à tous les animaux ; y compris aux poissons dans le domaine particulier de la natation. C'est, nous semble-t-il une idée nouvelle [11]. Elle implique une attitude pratique et posi­tive sur la recherche des conditions d'apprentissage, de transmission et d'in­vention des mouvements qui s'effectuent dans l'eau. Elle constitue, avant la lettre, la notion même de technique du corps.

Pendant les deux siècles à venir une forte opposition va s'élever contre cette affir­mation. Une sorte de dogme, hostile à la pratique et à l'apprentissage de la nata­tion, s'établit selon les principaux points suivants : - l'homme ne nage pas spontanément et sans apprendre comme les animaux ; - la conformation du corps de l'homme est un obstacle à l'apprentissage, que l'on ne doit pas chercher à surmonter ; - la science et la raison peuvent trouver d'autres moyens techniques que les seuls mouvements des bras et des jambes. L'évolution technique des 17e et 18e

donnera une place importante à cette conception de la maîtrise de l'eau par le corps humain, comme nous allons le voir maintenant.

LES S O L U T I O N S T E C H N I Q U E S QU I R E P O S E N T S U R U N E N E G A T I O N D E L ' A P P R E N T I S S A G E

La négation de la natation comme un art, une technique des mouvements du corps humain, appartient à une opinion très répandue qui s'appuie sur une tradition venue d'Aristote et qui a traversé tout le Moyen Age [12]. C'est une rhétorique. Puisque les qua­drupèdes nagent sans apprendre, on considère qu'ils ont des dispositions

naturelles à la nage. On découvre dans leur conformation des aptitudes, on dirait presque des adaptations, telles que position de flottaison, disposition favo­rable des membres, long col qui éloigne les trous respiratoires de l'eau. En oppo­sition, l'homme, d'abord parce qu'il se tient droit, ensuite parce qu'il ne flotte pas, est inapte à nager. A notre connais­sance, c'est George Pélisson (1647) qui en tire la conclusion la plus nette. Dans la natation, à cause de la difficulté de l'apprentissage, le corps est un obstacle à

BIBLIOGRAPHIE

[1] Mauss (M). Sociologie et Anthropologie, P.U.F., 2 éd.. Paris. 1960.389 p. [2] Levy-Strauss (C). « Introduction à l'oeuvre de Marcel Mauss » préface de l'édition de M. Mauss. op. cité, pp. 1 à 52. Commen­taire passionnant que nous aimerions voir repris plus souvent.

[3] Levy-Strauss (C), op. cité. p. XIII. [4] Mauss (M), Journal de Psychologie. XXXII, nos 3-4, 15 mars-15 avril 1936, Communication présentée à la Société de Psychologie le 17 mai 1934. ¡5] Cf. dans cette collection : Swimming, Archibald Sinclair et William Henry, London, 1893. [6]Wynman (N.), Colymbetes, Sive De Arte Natandi, Augsburg. 1538. Ouvrage réédité en 1623, 1638, 1644 en Hollande à Leyde. Traduction allemande : ed. K. Wassmansdorf), Heidelberg, 1889, Digby (E), De Arte Natandi, London, 1587. Cet ouvrage, jamais

édité à nouveau, sera cependant l'objet de quatre adaptations-traductions différentes : - En anglais : Christopher Middleton, A short introduction for to learn to swimme. London, 1595, William Percey, The compleat swimmer. 1658. - En français : Melchisédech Thévenot, l'Art de nager, Paris 1696. En anglais à partir de la traduction française : Melchisédech Thévenot, The Art of Swimming, London, 1699, L'Art de nager, théorique et pratique, Paris. 1792, est présenté un peu abusivement comme une 3e et 4e édition de l'ouvrage de

L'homme est inapte à nager. Le corps est un obstacle à l'exercice de la raison, G. Pelisson, 1647.

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L'hommes possède toutes les capa-cités pour apprendre à nager, Digby, 1587.

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l'exercice de la Raison. Si l'homme ne nage pas spontanément, dit-il, c'est qu'il ne peut s'empêcher de « conduire par la raison le mouvement de ses jambes et de ses bras, et que cela l'empêche d'y réus­sir... »[13]. En compensation des insuffi­sances de son corps, l'homme a reçu l'intelligence qui le pousse à inventer des solutions techniques. Ces inventions compensent les faiblesses du corps. La solution technique est décrétée supé­rieure à l'apprentissage corporel, jugé trop animal. « L'homme seul entre les animaux peut faire des barques et des ponts, ou passer des rivières à cheval », dit-il [14]. Pour progresser, la technique semble avoir besoin de s'opposer à des solutions qui mettent en avant une acti­vité du corps. Un divorce du corps et de l'objet technique, voilà à quoi nous assis­tons.

L'eau est très souvent pensée comme une force hostile et étrangère. Mais cela ne veut pas dire que l'on renonce à maîtri­ser certaines situations dans lesquelles l'homme se trouve immergé, nons seu­lement par accident, ou nécessité, mais aussi par plaisir. Les inventions introdui­tes par un certain abbé de La Chapelle constituent la meilleure illustration de ces techniques. En 1765, celui-ci fait une démonstration d'une de ses inventions devant des membres de l'Académie des Sciences, sur la Seine, près du Pont-Neuf à Paris. Il obtient un succès notable.

L'abbé de La Chapelle (1765) adopte les mêmes arguments et se vante de ne pas savoir nager, ce qui ne l'empêche pas de vouloir se promener sur l'eau. Cet attrait de la maîtrise de l'eau le conduit à inven­ter un gilet de liège qu'il appelle « bateau de l'homme » et également « scaphan­dre », mot qu'il assure créer en français. Pour faire son appareil il a cherché à « construire méthodiquement, et par prin­cipe un corselet, avec lequel hommes et femmes pourront tout habillés, beaucoup mieux que sans vêtements, nager sur le champ, sans jamais avoir appris, en se tenant tout debout, à flot, plongés seule­ment jusque vers la région des mamelles ». Poursuivant la logique de son invention, l'abbé de La Chapelle trouve une tech­nique de progression dans l'eau qui est déduite de la station droite, privilège de l'homme sur les animaux. Il l'appelle «marcher tout debout à la nage» [15]. La marche de l'homme-tout-habillé-de-bout-dans-l'eau semble être un paradoxe technique du 18e siècle. Il ne s'agit pas d'une absurdité. L'invention du gilet de liège, destinée avant tout aux plaisirs de l'eau, s'avère aussi un moyen efficace de sauvetage. D'autres inventions pour les­quelles on veut opposer la force de la « Raison » au mouvement des bras et des jambes, apparaissent en Europe. C'est toute une lignée technique dont nous n'évoquerons que deux étapes. Richard Lanquer [16] invente « une ma­chine qu'on peut porter à la poche, qui vous fait passer les rivières tout vêtus... » et des vêtements imperméables [17]. Jean-Frédéric Bachstrom, qui, s'exer-çant à la natation, s'aperçut d'abord que le grand mouvement de son corps ne lui rendait que fort peu de service » [18], décide d'avoir recours « aux forces de l'esprit » [19]. Dans son ouvrage, qu'il

intitule « l'Art de nager », il fait l'inven­taire de tous les engins de flottaison, vessie, bouteille, calebasse, boîtes en bois et en métal, bottes de joncs, plan­ches, bouchons de liège. Il invente une cuirasse de liège. L'article « Natation » de l'Encyclopédie de Diderot résume bien l'ensemble de

cette position, qui prend la forme d'une hostilité ouverte à Digby et ses continua­teurs. La pensée technique, que nous venons d'évoquer rapidement, repose, répé­tons-le, sur l'aristotélisme, explication simple du monde, qu'on destinait à tout le peuple. Sa domination très nette en France ne doit pas faire oublier et les défenseurs de Digby, nombreux au cours du 17e siècle, et le développement des techniques, plus manifeste vers la se­conde moitié du 18e siècle.

Thévenot, C'est une révision complète du texte de Thévenot dont le style est jugé trop gaulois et inintelligible, procédé courant de censure au 18e siècle. [7] Fontaine (M.M.). Bonhomme (G.), « l'Art de nager : concep­tions humanistes et religieuses ; leur influence sur le développe­ment de la natation du 15e au 17e siècle », IXe Congré Hispa, avril 1981. Il existe une version plus complète du texte sous forme d'une petit brochure ronéotée (37 pages). [8] Vigarello (G.), le Propre et le Sale. l'Hygiène du corps depuis le Moyen-Age. le Seuil. Paris. 1985. Tous les aperçus sur les

diverses pratiques du bain constitue une perspective tout à fait complémentaire à la notre qui nous conduit à dissocier radicale­ment bain et natation. [9] Cf. L'art de nager, Paris 1696. [10] Bruneau |P,|. « l'Archéologie des bains et des gymnases : comment et pourquoi ? », dans Deux siècles d'architecture sportive à Paris, catalogue d'une exposition, Paris, 1984. Discus­sion brève mais stimulante. [11] Orme (N.), Early Bristish Swimming, 55 BC-AD 1719, Univer­sity of Exeter, 1983. N. Orme explique autrement cette conviction

chez Digby : il y voit l'idéologie élisabéthaine d'un ordre social hiérarchisé qui décrit l'ensemle de la nature à son image ; l'homme est donc ipso facto supérieur à l'animal. Nous opposons à cette thèse celle d'une conscience par Digby des capacités humaines dans l'invention des techniques de natation. Notons que cet ouvrage est la première étude universitaire sur la natation à ce jour publiée, [12] Lawn (B.), I Quesiti Salernitati, 1965, pp. 179-180.

CREATION D'UNE SOCIETE

FRANÇAISE D'HISTOIRE

DU SPORT

Le mardi 10 décembre 1985, dans les locaux de la Sorbonne, a été crééé une Société Française d'Histoire du Sport. Cette association, régie par la loi de 1901, a pour buts:

- de promouvoir et développer les connaissances et la recherche dans le

domaine de l'histoire du sport, de l'édu-cation physique et des jeux;

- d'en encourager l'enseignement, la diffusion et d'en faire reconnaître l'inté-

rêt;

- de préserver la diversité de ses appro-ches tout en favorisant la confrontation

des idées et des m é t h o d e . Elle se donne à cette fin les moyen d'action suivants : - la publication d'un Bulletin ; - l'organisation de conférences, collo-ques et congrès ; - l'établissement de liens avec des or-ganisations nationales et internationales poursuivant des buts similaires ;

- la recherche d'archives et de docu-mentation en ce domaine, et, particuliè-rement, en ce qui concerne le patri-moine français; - la publication d'une revue scientifique et d'ouvrage. Son siège social est fixé au 16, rue Robert-Legros, 93100 Montreuil-sous-Bois.

L'homme et l'eau : la natation naturelle selon l'édition anglaise de Thévenot, The Art of Swimming, 1699.

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LES D E F E N S E U R S D E L'« ART D E N A G E R » C O M M E T E C H N I Q U E D U C O R P S : Middleton (1592), Percey (1658), Thévenot (1696).

Ces trois auteurs ont éprouvé le besoin de traduire et résumer l'œuvre de Digby dans une langue plus accessible. Middle­ton, qui publie en anglais, cinq ans après Digby, est le plus concis : il cherche à diffuser un traité pratique et réduit l'in­troduction théorique originale à un ex­posé bref sur les capacités naturelles de l'homme à nager. William Percey, comme Middleton a pour but la popula­risation de la natation, mais il n'en minimise pas pour autant la théorie. Sa préface a le ton d'un manifeste de dé­fense de la natation. Elle est tout entière animée par la volonté de défendre l'art proposé par Digby contre ses détracteurs rationalisants, ou rationalistes [20]. Les motivations de Thévenot lorsqu'il traduit le traité de Digby sont transpa­rentes : il veut aider les marins et naviga­teurs français à ôter aux anglais le contrôle des mers. Il partage une idée répandue dans les années 1670-1690, qui est de vouloir faire de la France la première puissance maritime ; objectif conforme au mercantilisme dominant. Son livre prend place dans une collec­tion de recueils de voyages de mar­chands et de marins. A ses yeux l'art de naviguer a pour complément nécessaire l'art de nager. C'est ce point de vue

exclusivement utilitaire qui a présidé à la traduction, et qui en fait un texte claire qui met bien en relief les indications techniques. Thévenot, qui suivait de près le débat scientifique de son époque, nous pré­sente la natation d'abord et avant tout comme un produit de l'expérience prati­que de la vie. « Ce livre que je vous présente n'a rien d'éclatant, et il semble ne regarder qu'un certain nombre de person­nes d'une condition assez obscure, tels sont les matelots et les bateliers qui. par nécessité de leur métier s'appliquent à nager et à plonger et quelques autres du menu peuple qui s'y exercent par simple divertissement » [21]. Thévenot adopte le même point de vue pour parler de l'art de la navigation. Il donne aux marins, « ces gens de mer, ces gens de peu de discours, et encore moins d'application à l'étude », un rôle prépondérant dans le progrès de la navigation, parce qu'ils « sont parvenus à un degré d'exactitude qui les a fait admirer de tout le monde » [22]. Thévenot fait un bilan du progrès des sciences et des techniques. Il oppose « les Sciences que nous avons, mainte­nant » et qui sont « un pur jeu de l'es­prit », aux Arts. Dans ceux-ci, « au contraire, lorsque l'ouvrier a mal raisonné et qu'il vient à mettre en pratique un faux raisonnement, il est convaincu aussitôt par le mauvais succès de sa besogne, et corrigé par le dommage qu'il en a souffert » [23]. Si c'est le texte de Thévenot qui est choisit pour une publication en anglais à Londres en 1699, c'est probablement à cause des rapprochements qu'on y trouve entre l'art de naviguer et l'art de nager. Cette ultime traduction du Digby est précédée d'une préface d'un auteur resté anonyme. On y envisage un perfec­tionnement de la nata­tion selon une mé­thode que l'on vou­drait identique à celle que l'on applique aux techniques de naviga­

tion et aux techniques navales. On y propose d'étudier la flottaison et l'équi­libre du corps humain dans l'eau selon les lois générales des corps immergés dans un fluide. D'observer la propulsion d'après les principes de la mécanique dans le but de choisir les mouvements des bras et des jambes et de les rendre plus efficaces. Mais on présente aussi une alternative à cette natation naturelle. On s'avise de suppléer à l'insuffisance de flottaison par des machines et améliorer la propul­sion par des engins fixés sur les mains et les jambes. C'est la « natation artifi­cielle ». Elle implique, elle aussi, une maîtrise spécifique du mouvement, à la différence de l'anti-natation des aristoté­liciens [24]. Ces conceptions, qui sont autant de techniques du corps différentes, ne font que décrire une évolution réelle de la natation, et surtout ne font que la situer dans un milieu technique en plein chan­gement. Comme le dit Thévenot, ces progrès s'effectuent dans les ports et sur les fleuves. Ils semblent provenir essen­tiellement de l'attention, la réflexion et l'invention des mariniers et des plon­geurs de profession. Ce serait cependant une erreur de limiter cette évolution à ce seul lien concret avec la navigation. L'art exposé par Digby joue beaucoup sur les aspects merveil­leux de la flottaison, et pour cette raison il se transmettra, sans grandes transfor­mations jusqu'au 19e siècle où il prend, en Angleterre, le nom de « scientific swimming ». C'est une acrobatie qui reste peu soumise à des buts utilitaires.

[13] Pellisson (G.). Mélanges de divers problèmes. Paris, 1647, 336 p. (problème XX : d'où vient que les bestes scavent naturel­lement nager, et que l'homme a besoin de l'apprendre? pp. 108-1151. [14] Pellisson, op. cité, p. 115. [15] La Chapelle (abbé de). Traité de la construction théorique et pratique du scaphandre ou bateau de l'homme, Paris. 1775. p. 290.

[16] Lanquer (R.), Le naufrage sans péril, Paris, 1675. [17] Lanquer (R.), Français au service du Roi du Portugal ; il est allé au Brésil. Le privilège qu'il obtient, en 1675 pour fabriquer sa machine et ses vêtements, recommande le secret. Cette inven­tion touche l'introduction du caoutchouc en Europe, histoire généralement méconnue. [18[ Bachstrom (J.-F.), l'Art de nager. Amsterdam, 1741, p. 70. [19] Baschstrom (J.-F.|, op. cité. p.31. [20] Percey (W.), The complet swimmer, or the art of swimming, demonstrating the rules and practice there of. in a exact, plain,

and easie method.... London, 1658, p, 95. [21] Thévenot (M.), l'Art de nager, chez Thomas Moette, Paris, 1696 (ouvrage publié nettement après la mort de Thévenot en 16921, [22] Thévenot (M.), Discours sur l'art de la navigation, dans Recueil de voyages de M, Thévenot, chez Thomas Moette, Paris, 1687. [23] Thévenot (M.), l'Art de nager. [24] Cf. préface anonyme du traducteur de Thévenot, Art of Swimming, london, 1699. Ce problème, qui nous semble de toute

L'art de naviguer a pour complément nécessaire l'art de nager.

La natation artifi­cielle implique une maîtrise spécifi-que du mouvement.

10 Revue EP.S n°199 Mai-Juin 1986 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

LA N O U V E L L E N A T A T I O N D U 18 e S IECLE : Nicolas Roger (1783) et Oronzio de Bernardi (1784)

Deux auteurs expriment bien le renou­vellement de la natation au-delà des systèmes de Digby et Wynman. Le plus nouveau apparaît être l'exposé de pro­gressions, sous forme de leçons successi­ves dont on cherche à expliquer le sens. L'efficacité de l'apprentissage lui-même est particulièrement étudiée par la prise en compte du nombre des séances et de l'ordre nécessaire. Mais les deux démar­ches sont opposées. Précisions qu'il ne s'agit pas ici des procédés d'apprentis­sage des mouvements à sec qui seront à la mode bien plus tard, au cours du 19e siècle. On apprend d'abord à maîtri­ser l'appréhension de l'eau par une conscience de la flottaison. Nicolas Roger est plongeur de profes­sion depuis l'âge de six ans. Il publie un petit guide pratique de trente-six pages qui résume toute son expérience de «maître-nageur ». Il lie la flottaison à l'équilibre horizontal, rend compte de la résistance de l'eau et construit des séan­ces riches et vivantes. Tout cela en fait le

premier traité moderne de natation [25]. Oronzio de Bernardi est un ecclésiasti­que, lettré, cultivé en mathématiques et en philosophie. Son ouvrage de 596 pa­ges est luxueux, un grand format orné de somptueuses gravures. Trois cents pages sont consacrées à prouver intellectuel­lement que l'homme flotte, sans mou­vement, naturellement sur l'eau. C'est une revue des auteurs : Aristote, Archi-mède, Galilée... Pour vaincre la peur de couler il faut convaincre. Cet ouvrage,

marqué des discussions des siècles pré­cédents, contient un projet de bassin d'apprentissage circulaire et une série de leçons dont la première repose sur l'équilibre vertical en flottaison face dirigée vers le ciel [26]. Nous arrêterons là notre revue des au­teurs en ayant conscience d'avoir insuf­fisamment situé ce qu'ils révèlent par rapport à l'histoire des sciences et des techniques. Ce travail reste à faire, avec précision.

Guy Bonhomme, Professeur EPS

E.N.I. - Le Bourget

L a Renaissance a vu l'affirmation d'au moins deux techniques ;

Nicolas Wynman l'exprime comme l'art de la conquête de la nature, tandis qu'Everard Digby en fait une conquête du corps humain. L'enjeu de l'évolution qui en a suivi nous semble être la façon dont le corps humain est traité comme objet de transformation. Tant que le but est tourné vers une maîtrise de la nature, le corps n'apparaît que comme un moven jugé de plus en plus faible au cours des 17e et 18e siècle. Faiblesse à laquelle on tente de suppléer en renonçant presque toujours aux forces du corps propre. Ce n'est que dans des situations inévitables ou exceptionnelles qu'on envisage d'y avoir recours. La notion de technique du corps permet de cesser d'expliquer l'évolution ou la place de la natation dans la culture par l'exposé des finalités ou des motivations : guerre, santé, loisirs, plaisir [27]. Exposé qui ne rend jamais compte et qui ne peut rendre compte de la spécificité du sujet. Cette notion de technique centre l'analyse historique sur les façons de procéder, sur la place du corps, les transformations qu'on y applique, dans l'activité. Même si Digby veut opposer « le plaisir de se soutenir, de se porter, et de faire du chemin au-dessus de l'eau, d'y faire tous les autres tours de souplesse qui font admirer l'adresse du nageur... » à une fin qu'il donne comme beaucoup plus nécessaire qui est de « conserver la vie », il n'en réconcillie pas moins plaisir et utilité devant la possibilité technique merveilleuse de « maîtrise des

mouvements » du corps humain. C'est en cela même et non dans les finalités que s'affirme la supériorité de l'homme sur tous les animaux. « Cet Art est mécanique, puisqu'il se pratique par le mouvement et par l'agitation des mains et des pieds ». précise Digby qui attribue ainsi une notion technique à la seule activité du corps humain. Marcel Mauss renoue avec cet héritage lorsqu'il définit la place et le rôle du corps dans la transformation technique. Il fait référence au caractère naturel du corps humain comme objet et il situe dans le temps et dans l'espace sa fonction technique. Pour lui « le corps est le premier et le plus naturel instrument de l'homme ». Mais il éprouve le besoin de préciser sa pensée : « sans parler d'instrument, dit-il. le premier et le plus naturel objet technique, et en même temps moyen technique de l'homme, c'est son corps »[28]. Le corps objet ou moyen ? Indéniablement l'histoire de la natation nous l'a montré l'un ou l'autre. Mais si nous regardons ce qui fait la continuité technique, la transmission, c'est la primauté du corps objet ; si on entend par là la maîtrise accrue, perfectionnée de l'homme sur ses propres mouvements, par l'apprentissage et la création de bassin écoles puis de piscines. C'est-à-dire par une maîtrise de l'environnement. C'est ce même phénomène que nous avions étudié dans l'évolution historique du ski [29]. Sous cet angle on peut affirmer que le Sport représente la part importante des techniques du corps actuelles. Une histoire de ces techniques reste à faire.

première importance, a été abordé par Jacques Guillerme, « Sur quelques antécédents de la machinerie athlétique » dans « Ai­mez-vous les stades », Recherches, Paris, 1980. Soulignons que dans la préface du Thévenot il n'est pas envisagé de point de vue quantitatif. Par contre, le contrôle, par l'Académie des Sciences, du scaphandre de l'abbé de La Chapelle porte sur la performance effectuée sur un parcours de « deux cent seize pieds en cinq minutes de temps », Est-il besoin de préciser que l'idée de parcours chronométré appliqué en natation n'apparait jamais dans les traités sur l'art de nager du 16e au 18e siècles ? Pour

La Chapelle on a le sentiement de vérifier l'efficacité d'une machine. Beaucoup reste à faire dans l'histoire des techniques à ce sujet. [25) Roger (N.), Méthode sûre pour apprendre à nager en peu de jours, par N. Roger plongeur de profession, Paris 1783, p. 36. Cet ouvrage a été réédité sous le nom de Louis Foissonnier, Le guide des nageurs. Paris. 1813, N. Roger devient C. Feydel dans l'Art de nager, Paris. 1826. [26] Cronzio de Bernardi, l'Uomo Gallegiante, 2 tomes en 1 vol 238 + 258 p., Naples, 1794. cf. p. 257.

[27] Cette explication de la natation par les finalités se trouve parfaitement illustrée dans l'ouvrage espagnol de Pedro Gero-nimo Galtero. « Discurso en que se satifaze a la duda de la conveniencias del uso del nadar... », Madrid, 1644. On y trouve les citations et les cautions des anciens qui justifient la natation pour la guerre, la politique et la conservation de la santé [28] Mauss (M.), op. cité, p. 372. [29] Bonhomme (G.) et Famose (J.P.), » Techniques du ski et culture du corps », dans la revue Education Physique et Sports n° 89 et n° 90.

Une série de leçons repose sur l'équilibre vertical en flottaison face dirigée vers le ciel.

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