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Marc Herrand, un talent inventif !... Une grande pointure de la Chanson Française Du Point du Jour dans la banlieue lyonnaise de l’automne 1941 aux quatre coins du monde, d’abord en tant que Compagnon de la Chanson, puis aux côtés d’Yvette Giraud en qualité de pianiste et chef d’orchestre, char- gé des arrangements. Un lien avec les Compagnons de la Chanson... Dans la courte préface qu’il a bien voulu rédiger dans le livre hommage aux Com- pagnons de la Chanson de Christian Fouinat publié chez Decal’Age Productions à l’automne 2007, Marc Herrand donne une idée du lien qui continue de le rattacher aux Compagnons, plus d’un demi-siècle après qu’il les ait quittés : « C’était une époque où nous avions chacun notre prénom et un nom de famille commun qui s’écrivait Compagnon de la Chanson, une époque qui, sans conteste, a marqué ma vie car j’y ai laissé une part de moi-même ». Une part qu’il aura du mal à laisser de côté en mars 1952 après avoir décidé de sui- vre la destinée d’Yvette Giraud qu’il épousera quelques années plus tard. Ce qui lui vaudra longtemps une injuste mise à l’écart pendant laquelle seuls les Frachon lui resteront fidèles. Jusqu’à ce que ses premiers partenaires et amis comprennent réel- lement ce départ. "La route enchantée", son ouvrage autobiographique publié en 2005 aux éditions du Signe à Strasbourg revient sur cet épisode mal vécu de part et d’autre : « Je vivais déjà sur une autre planète, dit-il, et j’étais déjà en train d’écrire des orchestrations pour une future séance de disque avec Yvette ». Cela a été d’autant plus difficile à vivre pour Marc, que ce pianiste émérite, profon- dément épris d’harmonie, avait assumé la lourde tâche de succéder à Louis Liébard au moment de la création définitive des Compagnons de la Chanson en février 1946. Car on peut dire de celui qui "savait peindre avec les voix en créant des am- biances sonores" qu’il est effectivement l’un des premiers arrangeurs du groupe et quel arrangeur, puisqu’on lui doit notamment celui des Trois cloches écrite par le Suisse Gilles-Jean Villard, réalisé de main de maître ! Un succès qui en appellera bien d’autres tant le talent musical inventif et une direction musicale rigoureuse de Marc Herrand sont reconnus : L’ours, La Marie, Les yeux de ma mère, Dans les prisons de Nantes, Le roi Dagobert, Le roi a fait battre tambour, Maître Pierre, Ukraine, Les marins de notre ville, Douce nuit, Les cavaliers du ciel, La complainte du Roy Renaud, Aux marches du palais, Mes jeunes années, Ce sacré vieux soleil, C’était mon copain, La chanson du célibataire, Mona Lisa... La liste est longue ! Edith Piaf, perfectionniste dans l’âme, parfois ronchon à propos des cadences qui lui étaient imposées lorsqu’il fallait répéter voire apprendre le solfège, n’était pas la dernière à apprécier un tel professionnalisme. Jean-Jacques Blanc, un ancien enseignant de chant, auteur d’un ouvrage consacré à ces premiers Compagnons de la Musique lui rend d’ailleurs hommage dans ce livre en énumérant les "trouvailles" dont Marc s’est ser- vi pour valoriser les créations de ses partenaires ! Ainsi en est-il du glas du Prisonnier de la tour… Un simple accord de quatre notes qui, traité ainsi par des voix, provoque des harmoniques comme de vraies cloches qui ferait penser à un accord très riche. Quatre coups au début et à la fin de la chanson, chacun très long, avec une attaque parfaite sur le suivant. On imagine combien d’heures de répétition il fallut à l’équipe avant de parvenir à l’interpréter parfaitement. Dans la biographie consacrée aux Compagnons, lorsqu’il évoque ce qu’il a lui-même appelé Une décade prodigieuse, les auteurs reviennent d’ailleurs sur l’implication de l’homme au sein de l’ensemble. Il leur paraissait juste de souligner le rôle qui avait été celui de l’intéressé trop longtemps écarté pour avoir, en mars 1952, choisi d’unir son destin à Yvette Giraud. Comme si les liens de l’amour et du coeur devaient être répréhensibles ! Un art consommé de l’arrangement… Né le 9 mai 1925 en Alsace, Marc Holtz est repéré en 1941 par Jean Ver- line, l’un des bras droits de Louis Liébard, après une courte escapade en Périgord avec son frère Alex. Il n’a que seize ans et demi. Surnommé par l’une des premières Compagnonnes de l’endroit, Odile Michal : Bambino, 1945 : Marc Herrand en bas avec sa guitare et ses amis Compagnons de la Musique...

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Marc Herrand, un talent inventif !... Une grande pointure de la Chanson Française Du Point du Jour dans la banlieue lyonnaise de l’automne 1941 aux quatre coins du monde, d’abord en tant que Compagnon de la Chanson, puis aux côtés d’Yvette Giraud en qualité de pianiste et chef d’orchestre, char-gé des arrangements.

Un lien avec les Compagnons de la Chanson... Dans la courte préface qu’il a bien voulu rédiger dans le livre hommage aux Com-pagnons de la Chanson de Christian Fouinat publié chez Decal’Age Productions à l’automne 2007, Marc Herrand donne une idée du lien qui continue de le rattacher aux Compagnons, plus d’un demi-siècle après qu’il les ait quittés : « C’était une époque où nous avions chacun notre prénom et un nom de famille commun qui s’écrivait Compagnon de la Chanson, une époque qui, sans conteste, a marqué ma vie car j’y ai laissé une part de moi-même ». Une part qu’il aura du mal à laisser de côté en mars 1952 après avoir décidé de sui-vre la destinée d’Yvette Giraud qu’il épousera quelques années plus tard. Ce qui lui vaudra longtemps une injuste mise à l’écart pendant laquelle seuls les Frachon lui resteront fidèles. Jusqu’à ce que ses premiers partenaires et amis comprennent réel-lement ce départ. "La route enchantée", son ouvrage autobiographique publié en 2005 aux éditions du Signe à Strasbourg revient sur cet épisode mal vécu de part et d’autre : « Je vivais déjà sur une autre planète, dit-il, et j’étais déjà en train d’écrire des orchestrations pour une future séance de disque avec Yvette ». Cela a été d’autant plus difficile à vivre pour Marc, que ce pianiste émérite, profon-dément épris d’harmonie, avait assumé la lourde tâche de succéder à Louis Liébard au moment de la création définitive des Compagnons de la Chanson en février 1946. Car on peut dire de celui qui "savait peindre avec les voix en créant des am-biances sonores" qu’il est effectivement l’un des premiers arrangeurs du groupe et quel arrangeur, puisqu’on lui doit notamment celui des Trois cloches écrite par le Suisse Gilles-Jean Villard, réalisé de main de maître ! Un succès qui en appellera bien d’autres tant le talent musical inventif et une direction musicale rigoureuse de Marc Herrand sont reconnus : L’ours, La Marie, Les yeux de ma mère, Dans les prisons de Nantes, Le roi Dagobert, Le roi a fait battre tambour, Maître Pierre,

Ukraine, Les marins de notre ville, Douce nuit, Les cavaliers du ciel, La complainte du Roy Renaud, Aux marches du palais, Mes jeunes années, Ce sacré vieux soleil, C’était mon copain, La chanson du célibataire, Mona Lisa... La liste est longue ! Edith Piaf, perfectionniste dans l’âme, parfois ronchon à propos des cadences qui lui étaient imposées lorsqu’il fallait répéter voire apprendre le solfège, n’était pas la dernière à apprécier un tel professionnalisme. Jean-Jacques Blanc, un ancien enseignant de chant, auteur d’un ouvrage consacré à ces premiers Compagnons de la Musique lui rend d’ailleurs hommage dans ce livre en énumérant les "trouvailles" dont Marc s’est ser-vi pour valoriser les créations de ses partenaires ! Ainsi en est-il du glas du Prisonnier de la tour… Un simple accord de quatre notes qui, traité ainsi par des voix, provoque des harmoniques comme de vraies cloches qui ferait penser à un accord très riche. Quatre coups au début et à la fin de la chanson, chacun très long, avec une attaque parfaite sur le suivant. On imagine combien d’heures de répétition il fallut à l’équipe avant de parvenir à l’interpréter parfaitement. Dans la biographie consacrée aux Compagnons, lorsqu’il évoque ce qu’il a lui-même appelé Une décade prodigieuse, les auteurs reviennent d’ailleurs sur l’implication de l’homme au sein de l’ensemble. Il leur paraissait juste de souligner le rôle qui avait été celui de l’intéressé trop longtemps écarté pour avoir, en mars 1952, choisi d’unir son destin à Yvette Giraud. Comme si les liens de l’amour et du coeur devaient être répréhensibles !

Un art consommé de l’arrangement… Né le 9 mai 1925 en Alsace, Marc Holtz est repéré en 1941 par Jean Ver-line, l’un des bras droits de Louis Liébard, après une courte escapade en Périgord avec son frère Alex. Il n’a que seize ans et demi. Surnommé par l’une des premières Compagnonnes de l’endroit, Odile Michal : Bambino,

1945 : Marc Herrand en bas avec sa guitare et ses amis Compagnons de la Musique...

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il intégrera la Villa du Point du Jour à Lyon où sous la baguette de l’ancien adjoint du Maître de Chapelle de la Cathédrale de Dijon, un grand spécialiste du chant choral, il complètera rapidement ce qu’il sait déjà du chant, tant ses aspects créatifs sont déjà évidents. Au point de braver parfois les foudres de Louis Liébard qui n’entendait pas être privé de la moindre de ses prérogatives de cicérone. Lorsque le moment sera venu pour les Compagnons de la Musique de devenir des Compagnons de la Chanson, libéré de la tutelle de leur premier mentor et de toute contrainte artistique, Marc (de dos sur la photo ci-dessous avec sa guitare) prendra la place du Chef Louis Liébard pour les arrangements musicaux et leur mise en place, devenant le Premier Directeur Musical du groupe. Avec les Compagnons il fera partie de la première épopée de l’ensemble aux États-Unis grâce à Edith Piaf. Une épopée qu’il n’avait tout d’abord pas crue possible car le projet avait été maintes et maintes fois reporté. Ce qui lui vaudra, lors du départ vers les States,

au moment de s’embarquer, de recevoir d’Edith Piaf la gifle promise s’ils parvenaient tous à partir pour les États Unis. On lui doit d’avoir opté pour des idées nouvelles dans le domaine des harmonisations. Comme se plait à le rappeler Fred Mella, la voix des Compagnons, dans ses Maîtres enchanteurs, Marc est un vrai musicien, une "grande pointure". S’il fallait résumer quelle était sa vision et ce qui a été à la base de son succès, je pourrais dire que cela tient à un bouleversement du domaine des harmonisations dans l’arrangement vocal. Convaincu que l’harmonisation ne devait pas être seu-lement tributaire de la ligne de chant mais "coller" au texte, il mit en œuvre sa propre conception en choisis-sant de sortir du classicisme des quatre voix égales. Peindre avec les voix en créant des ambiances sonores est d’ailleurs ce qui a valu aux Trois cloches puis au Galérien en 1950, le succès que ces titres connaîtront. Cela lui valut un jour, aux États Unis, comme le rap-

pelle Jean-Jacques Blanc dans son ouvrage sur les Compagnons de la Musique, les félicita-tions d’un grand génie de la musique, plutôt taciturne, acariâtre et avare de compliments : Igor Stravinsky ! Jean Besacier qui assure la direction musicale d’une chorale lyonnaise renommée : Les Bayard, rend également hommage à l’homme dans : Les Compagnons de la Chanson : des marchands de bonheur, allez savoir pourquoi de C. Fouinat publié chez Decal’Age Produc-tions. Certains Compagnons, précise Jean Besacier, n’avaient pas une maîtrise parfaite du solfège et la tache du directeur musical que Marc était, a donc été souvent ardue lorsqu’il s’est agi de leur faire répéter leurs premiers succès. D’autant qu’après guerre l’essentiel du répertoire était chanté a capela !

Des Compagnons à son épouse Yvette Giraud, la « Mademoiselle Hortensia de la Chanson Française »... De la carrière que Marc Herrand entreprit ensuite aux côtés de son épouse Yvette Giraud, il reste leurs pérégrinations, notamment au Japon, un pays avec lequel ils ont su tous les deux tisser un lien très fort. Grâce à lui, Yvette Giraud put reprendre quantité de titres qui ont tous été de très grands succès et dont il a écrit les arrangements musicaux. Citons : L’âme des poètes de Charles Trénet couronné par un Grand Prix de l’Académie Charles Cros, Cerisier rose et pommier blanc, La vie en rose, Les feuilles mortes…et tant d’autres airs plus connus les uns que les autres. Parfois seul auteur de titres comme Trente ans, une véritable déclaration d’amour faite aux nombreux admirateurs japonais de son épouse ou Les aiguilles du temps voire Corps et âme, il a accompagné celle-ci, souvent en qualité de pianiste, tout au long d’une longue et riche carrière à laquelle ils mettront tous les deux un terme en 1999. Marc Herrand a connu les affres auxquels sont confrontés tous les chefs d’orchestre les veilles des séances d’enregistrement. Il le confesse dans La route enchantée, l’ouvrage qu’il a tenu à publier en 2005 aux éditions du Signe à Strasbourg. Diriger pour la première fois un orchestre est une expérience unique, dit-il. Elle fut pour lui une révélation et il a très vite eu la sensation que la musique qui naissait venait du fond de lui, que l’ancien Compagnon qu’il avait été dix ans durant laissait progressivement place à un chef d’orchestre, pianiste émérite de surcroît, capable de diriger jusqu’à quatre-vingt musiciens. Jacqueline François, Henri Salvador, André Claveau, Henri Decker, Paul Bonafay et quelques autres artistes non moins célèbres ont longtemps fréquenté la maison que possédait Yvette Giraud à Louveciennes, quai Conti, où nombre de succès et d’arrangements ont vu le jour. Du moins avant que Marc et Yvette prennent possession d’une ferme dans le Quercy et qu’ils se retirent à Strasbourg où ils vivent aujourd’hui après vingt-cinq ans passés à Cahors. Un homme exceptionnel d’une élégance rare qui a le sens du collectif. Il l’a montré à plusieurs reprises. Sans lui, les Compagnons de la Chanson n’auraient sans doute pas accroché aussi rapidement autant de succès à leur répertoire. Beaucoup de Lyonnais l’ont revu avec plaisir accompagné de son épouse Yvette Giraud à l'occasion de l’inauguration de la Place des Compagnons de la Chanson à Lyon en octobre 2002 puis lors de la présentation et de la sortie de l’ouvrage hommage de Christian Fouinat en décembre 2007, enfin à Cran Gevrier où il avait accepté de présenter aux côtés de Jean-Jacques Blanc l’ouvrage consacré aux Compagnons de la Musique

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enrichi de nombre de photographies de l’époque et de nombreux documents inédits... La biographie consacrée aux Compagnons : LES COMPAGNONS DE LA CHANSON, ENTRE MYTHE ET EVIDENCES que Christian Fouinat et Louis Petriac ont publiée en avril 2011 chez Decal’Age Productions, porte, bien entendu, son témoignage, car le Compagnon dans l’âme qu’est resté l’homme, même après son départ du groupe en mars 1952, avait besoin de raconter comment il avait vécu ce départ et aussi, l’injuste sanction qui avait suivi. Clin d’œil du destin, c’est son épouse Yvette GIRAUD qui l’a préfa-cée !

Fondamentalement heureux ! Comme on l’a quelquefois dit, ils ne sont pas célèbres comme ils auraient dû l’être, mais ils ont été et sont fondamentalement heu-reux et l’ouvrage autobiographique écrit par Marc à quatre mains avec son épouse Yvette est un livre sur la joie d’être artiste. Cela se sent, dès les premières pages ! Ils se défendent d’avoir voulu écrire une biographie classique, conventionnelle et quelquefois ennuyeuse et avec La route enchantée (photo ci-dessous) c’est réussi. Un critique littéraire qui avait à l’évoquer et à le commenter disait d’ailleurs à propos de ce livre, capable de dégager loin des tumultes du show biz une sérénité qu'on aimerait découvrir plus souvent dans ce type d’ouvrage, que cette Route enchantée ressemblait plus à un recueil de voyages qu’à une véritable autobiographie. Tant mieux pour leurs lecteurs ! Va s’y ajouter un portrait que Louis Petriac vient de concevoir (ci-dessous), où cet inoubliable grand Monsieur de la Chanson française se livre encore un peu plus revenant surtout sur son dilemme de mars 1952 et le choix difficile qui lui était posé.

1957… Le mariage d’Yvette et de Marc... Avec, parmi les amis fidèles, les Frachon et Henri Salvador.