MAPPE ONDE 2/1992 LES REVENUS FISCAUX DES … · RIQUEZA •RENTA DE LAS FAMILIAS • SE-GREGACIÓN...

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LES REVENUS FISCAUX DES MÉNAGES: UN INDICATEUR DES DISPARITÉS TERRITORIALES Pierre BECKOUCHE* Bruno ROUDIER** M 2/1992 Le revenu moyen des ménages est un bon indicateur des disparités spatiales. Les cartes issues de l’analyse de cet indica- teur révèlent d’importants contrastes, tant à l’échelon national et régional, qu’à l’éche- lon local (1). • INDICATEUR DE RICHESSE • DISPARITÉ SPATIALE • REVENU DES MÉNAGES • SÉ- GRÉGATION SPATIALE Average household incomes are a significant indicator of spatial disparities. These are shown through maps at national and regional as well as local level. • HOUSEHOLD INCOME • SPATIAL DISPA- RITIES • SPATIAL SEGREGATION • WEAL- TH INDICATOR La renta media de las familias es un indicador eficaz de las disparidades espaciales. Los mapas procedentes del aná- lisis de dicho indicador revelan contrastes importantes, tanto a escala nacional y regio- nal como a escala local. • DISPARIDAD ESPACIAL • INDICADOR DE RIQUEZA • RENTA DE LAS FAMILIAS • SE- GREGACIÓN ESPACIAL Le revenu des ménages: un indicateur puissant des dispa- rités spatiales Les revenus nets, déclarés par tous les ménages auprès de la Direction Générale des Impôts, constituent un bon indicateur des inégalités sociales et territoriales: il cumule toutes les sources de revenus (travail et capital); il ne s’arrête pas à la di- versité des statuts ou des catégories socio-professionnelles (2). Il présente des biais statistiques: les zones péri-urbaines des grandes agglomérations (région parisienne notamment) ressor- tent en partie du fait de la surreprésentation des ménages à double revenu; les zones rurales les plus pauvres forment des ensembles régionaux qu’homogénéisent quelque peu les pro- cédures forfaitaires de déclaration de revenus. Mais ces incon- vénients ne sont pas déterminants pour expliquer des contrastes extrêmement nets spatialement. Un autre biais statistique atténue plutôt le caractère inquiétant des disparités. L’indicateur est établi par ménage, ce qui «défavorise» le revenu moyen des zones dans lesquelles le ménage type rassemble peu de personnes — mais ces zones sont plutôt celles des grandes agglomérations, c’est-à-dire les zones riches. En 1988, les communes «riches» sont surtout en Île-de- France.... (fig. 1) Outre quelques arrondissements de Paris, la plupart des 2 000 communes dont les revenus sont les plus élevés sont des com- munes de banlieue. Il faut atteindre des petites communes comme Senlis (15 000 habitants) pour trouver, parmi elles, des communes centres. Paris (1,2 millions d’habitants) et le reste de l’Île-de-France (2,9 millions) représentent en popula- tion les deux tiers des communes de la liste des 2 000. Les communes lyonnaises arrivent très loin derrière. L'Ouest de Paris et ses prolongements dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines se distinguent clairement. Le Val-d’Oise, l’Essonne et la moitié occidentale de la Seine-et-Marne complè- tent la primatie parisienne. Côté banlieue Est, la Seine-et-Marne 18 P. Beckouche et B. Roudier Mappemonde 2/92 RÉSUMÉ ABSTRACT RESUMEN APPE ONDE * Institut d’Urbanisme, Paris. ** ALITEC et GIP RECLUS, Maison de la Géographie, Montpellier. (1) Cartes extraites du chapitre «Le social et le culturel» de l’Atlas de France (à paraître). (2) Les sources statistiques proviennent de la Direction Générales des Impôts (ministère des Finances) et de l’INSEE.

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LES REVENUS FISCAUX DES MÉNAGES:UN INDICATEUR DES DISPARITÉS TERRITORIALES

Pierre BECKOUCHE*Bruno ROUDIER**

M2/1992

Le revenu moyen des ménages estun bon indicateur des disparités spatiales.Les cartes issues de l’analyse de cet indica-teur révèlent d’importants contrastes, tant àl’échelon national et régional, qu’à l’éche-lon local (1).

• INDICATEUR DE RICHESSE • DISPARITÉSPATIALE • REVENU DES MÉNAGES • SÉ-GRÉGATION SPATIALE

Average household incomes area significant indicator of spatial disparities.These are shown through maps at nationaland regional as well as local level.

• HOUSEHOLD INCOME • SPATIAL DISPA-RITIES • SPATIAL SEGREGATION • WEAL-TH INDICATOR

La renta media de las familiases un indicador eficaz de las disparidadesespaciales. Los mapas procedentes del aná-lisis de dicho indicador revelan contrastesimportantes, tanto a escala nacional y regio-nal como a escala local.

• DISPARIDAD ESPACIAL • INDICADOR DERIQUEZA • RENTA DE LAS FAMILIAS • SE-GREGACIÓN ESPACIAL

Le revenu des ménages: un indicateur puissant des dispa-rités spatiales

Les revenus nets, déclarés par tous les ménages auprès de laDirection Générale des Impôts, constituent un bon indicateurdes inégalités sociales et territoriales: il cumule toutes lessources de revenus (travail et capital); il ne s’arrête pas à la di-versité des statuts ou des catégories socio-professionnelles (2).Il présente des biais statistiques: les zones péri-urbaines desgrandes agglomérations (région parisienne notamment) ressor-tent en partie du fait de la surreprésentation des ménages àdouble revenu; les zones rurales les plus pauvres forment desensembles régionaux qu’homogénéisent quelque peu les pro-cédures forfaitaires de déclaration de revenus. Mais ces incon-vénients ne sont pas déterminants pour expliquer descontrastes extrêmement nets spatialement.

Un autre biais statistique atténue plutôt le caractère inquiétantdes disparités. L’indicateur est établi par ménage, ce qui«défavorise» le revenu moyen des zones dans lesquelles le

ménage type rassemble peu de personnes — mais ces zonessont plutôt celles des grandes agglomérations, c’est-à-dire leszones riches.

En 1988, les communes «riches» sont surtout en Île-de-France.... (fig. 1)

Outre quelques arrondissements de Paris, la plupart des 2 000communes dont les revenus sont les plus élevés sont des com-munes de banlieue. Il faut atteindre des petites communescomme Senlis (15 000 habitants) pour trouver, parmi elles,des communes centres. Paris (1,2 millions d’habitants) et lereste de l’Île-de-France (2,9 millions) représentent en popula-tion les deux tiers des communes de la liste des 2 000. Lescommunes lyonnaises arrivent très loin derrière.

L'Ouest de Paris et ses prolongements dans les Hauts-de-Seineet les Yvelines se distinguent clairement. Le Val-d’Oise,l’Essonne et la moitié occidentale de la Seine-et-Marne complè-tent la primatie parisienne. Côté banlieue Est, la Seine-et-Marne

18P. Beckouche et B. Roudier Mappemonde 2/92

RÉSUMÉ ABSTRACT RESUMEN

APPEONDE

* Institut d’Urbanisme, Paris.** ALITEC et GIP RECLUS, Maison de la Géographie, Montpellier. (1) Cartes extraites du chapitre «Le social et le culturel» de l’Atlas de France (à paraître). (2) Les sources statistiques proviennent de la Direction Générales des Impôts (ministère des Finances) et de l’INSEE.

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est coupé en deux. La délimitation est moins stricte en grandebanlieue Nord et Ouest, et les revenus aisés vont au-delà del’Île-de-France jusqu’à Evreux, Dreux et Chartres, le long de lavallée de l’Oise jusqu’à Compiègne. Cette répartition combine

donc les logiques de la péri-urbanisation (deux voitures et deuxrevenus par ménages), et celle des quartiers chics (la moitiéouest de l’agglomération). En revanche Paris-Est et les com-munes populaires de banlieue ne font pas partie du lot, comme

De 96398 à 105020

De 105022 à 112769

De 112843 à 127516

De 127672 à 343268 francs

© GIP RECLUS-BR 1992

1. Revenu moyen (en francs) des ménages en 1988: les 2 000 communes les plus riches

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on s'y attendait, dans l’ensemble de la Seine-Saint-Denis, lamoitié ouest du Val-de-Marne — en particulier la «SeineAmont» entre Ivry-sur-Seine et Villeneuve-Saint-Georges etau-delà, la «Seine Aval» depuis la boucle nord des Hauts-de-Seine et le sud du Val-d’Oise jusqu’à Mantes et Bonnières.

La plupart des agglomérations du Bassin Parisien comptentparmi les communes riches — tout au moins leur banlieueaisée, car les communes-centres ne ressortent jamais: Saint-Quentin, Amiens, Rouen, Caen et la Côte Fleurie, Le Mans, lesvilles de la Loire moyenne et inférieure, Auxerre, les côtes viti-coles de Dijon à Reims. Au-delà, le phénomène est le même:seules ressortent les banlieues de chefs-lieux départementaux,surtout lorsqu’il s’agit d’agglomérations de grande taille

comme Rennes, Nantes,Nancy, Metz, Mulhouse,Lille ou Strasbourg.

Mais le trait marquant decette France septentrionaleprovinciale est le score descommunes viticoles. Lespetites communes du cham-pagne sont opulentes; ellesse prolongent jusqu’à laCôte d’Or via la Côte desBars. Le vignoble enrichitaussi le Sud (Côtes duRhône, Bordeaux) maistout de même moins quele vignoble champenois.

Les revenus sont moinsélevés dans la France mé-ridionale. Les communesriches sont dans des ban-lieues de Bordeaux, Tou-louse, Montpellier, Avi-gnon, Aix-en-Provence(bien plus que Marseille);la Côte d’Azur argentéese réduit à Saint-Tropez etau triangle Cagnes-Grasse-Antibes. Les aggloméra-tions de moindre taille semontrent peu, sauf en ré-gion Rhône-Alpes: outreLyon et Grenoble appa-raissent la «Vallée duplastique» (Oyonnax), leLac d’Annecy, Chambéryet les stations de la Ta-rentaise.

... et les communes «pauvres» dans les zones rurales mon-tagneuses (fig. 2)

Sur la carte des communes les plus «pauvres» se dessinent leMassif Central et les montagnes dénuées de ressources touris-tiques, soit une grande partie des Pyrénées, les massifs cen-traux des Alpes du Sud et la Corse. Entre Pyrénées et MassifCentral, le Sud-Ouest compte de nombreuses communesdésargentées. Les tâches les plus sombres sont dans le cœurdu Massif Central, du Vivarais aux Monts d’Or, en Ariège,dans le Pays Basque pyrénéen.

Ce sont de petites communes (270 habitants en moyenne pourles 2 000 dernières). Elles se disposent le plus souvent à la

Les plus grosses communes parmi les 2 000 plus «riches»: surtout la banlieue parisienneEn caractères en gras, les communes de la région parisienne.

Sources: DGI-INSEE.

Neuilly-sur-SeineParis 16e

Paris 7e

Paris 8e

Paris 6e

Paris 1er

Paris 17e

Saint-Germain-en-LayeParis 4e

Boulogne-BillancourtVersaillesParis 5e

Lyon 6e

MeudonSaint-Maur-des-FossésRueil-MalmaisonMarseille 8e

Paris 15e

Marcq-en BarœulCourbevoieParis 9e

VincennesCaluire-et-CuireClamartAntonyParis 3e

Paris 14e

Hay-les-Roses (L')Lyon 2e

SuresnesParis 12e

Fontenay-sous-Bois

278 170241 443232 303221 227180 381130 548121 171125 717125 111122 071121 287119 541119 226118 707117 774117 725113 921113 297108 713106 088105 999105 266103 874102 982102 794100 859100 19999 18799 01897 34296 89196 808

Hauts- de-Seine (92)Ville de Paris (75)Ville de Paris (75)Ville de Paris (75)Ville de Paris (75)Ville de Paris (75)Ville de Paris (75)Yvelines (78)Ville de Paris (75)Hauts-de-Seine (92)Yvelines (78)Ville de Paris (75)Rhône (69)Hauts- de-Seine (92)Val-de-Marne (94)Hauts- de-Seine (92)Bouches-du-Rhône (13)Ville de Paris (75)Nord (59)Hauts- de-Seine (92)Ville de Paris (75)Val-de-Marne (94)Rhône (69)Hauts- de-Seine (92)Hauts- de-Seine (92)Ville de Paris (75)Ville de Paris (75)Val-de-Marne (94)Rhône (69)Hauts- de-Seine (92)Ville de Paris (75)Val-de-Marne (94)

Département Commune Revenu 1988 (F) Population 1990

61 800169 90062 90040 80047 90018 400

161 90039 90032 200

101 70087 80061 200

45 30077 20066 400

223 90036 60065 40058 00042 30041 30047 20057 80035 100

136 60029 700

36 000130 30051 900

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périphérie des départements: après deux siècles d’existence,le chef-lieu du département a fini par concentrer la richesse,même dans les zones pauvres, réduisant les bordures départe-mentales à la situation de marches. De la même façon, le

bocage normand et la Bretagne intérieure, qui perdent deshabitants et disposent de revenus faibles, sont situés auxconfins des départements de la Manche et de l’Orne, desCôtes-d’Armor et du Morbihan.

De 18746 à 34239

De 34251 à 37081

De 37083 à 38826

De 38828 à 41491 francs

© GIP RECLUS-BR 1992

2. Revenu moyen (en francs) des ménages en 1988: les 2 000 communes les plus pauvres

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Certaines des communesurbaines les plus pau-vres sont dans les ban-lieues des grandes agglo-mérations (fig. 3)

Si l’on s’attache aux seu-les communes urbaines —la France métropolitaineen compte 5 300 — lesplus pauvres ont une ré-partition très diffuse. Il y acependant quelques con-centrations: le littoral mé-diterranéen, de la frontièreespagnole aux rives del’Étang de Berre; les val-lées vosgiennes; la Lor-raine, de la sidérurgie etdu bassin houiller; la val-lée de la Meuse, de Sedanà Givet; le bassin houillerdu Nord, de Valenciennesà Béthune, qui constitueun ensemble urbain trèspeuplé. Parmi les com-munes d’au moins 20 000habitants, le Nord-Pas-de-Calais, industriel ethouiller, «place» huit desvingt dernières (dans lesagglomérations de Lens,Dunkerque, Roubaix, De-nain). Outre Roubaix avecses 100 000 habitants, letableau compte de grossescommunes comme Alès etVaulx-en-Velin.

Parmi les 2 000 commu-nes urbaines les plus pau-vres, certaines sont degrand gabarit. Ce sont descommunes de banlieue:Saint-Denis, Aubervil-liers, Vénissieux, maissurtout des communes-centres: Saint-Étienne, LeHavre, Toulon et mêmeLille... Certaines com-munes de plus de 60 000habitants apparaissentmême au bas du tableau:

Montceau-les-MinesSedanRochefortAlèsBastiaRoubaixLisieuxLensHérouville-Saint-ClairSaint-Pol-sur-MerGrande-SynthePetit-Quevilly (Le)Vaulx-en-VelinCenonLormontPort-de-BoucBruay-la-BuissièreLiévinAvionDenain

59 18959 11058 91158 84758 56358 31958 11658 08257 89557 43557 39656 34356 31455 89055 79954 60353 46253 21251 88048 805

Saône-et-Loire (71)Ardennes (08)Charente-Maritime (18)Gard (30)Haute-Corse (2B)Nord (59)Calvados (14)Pas-de-Calais (62)Calvados (14)Nord (59)Nord (59)Seine-Maritime (76)Rhône (69)Gironde (33)Gironde (33)Bouches-du-Rhône (13)Pas-de-Calais (62)Pas-de-Calais (62)Pas-de-Calais (62)Nord (59)

Département Commune Revenu 1988 (F) Population 1990

23 00021 70025 60041 00037 80097 70023 70035 00024 80023 80024 40022 60044 20021 40021 60018 80024 90033 60018 50019 500

NîmesRouenPoitiersMetzToulonSaint-ÉtienneAngersMulhouseAmiensHavre (Le)BrestLilleAvignonBéziersPerpignanSaint-DenisTourcoingCalaisRoubaix

69 80269 67369 39569 19368 97668 95968 52268 01867 99467 17567 03266 01264 62664 39563 96563 87361 14359 68458 319

Gard (30)Seine-Maritime (76)Vienne (86)Moselle (57)Var (83)Loire (42)Maine-et-Loire (49)Haut-Rhin (68)Somme (80)Seine-Maritime (76)Finistère (29)Nord (59)Vaucluse (84)Hérault (34)Pyrénées-Orientales (66)Seine-Saint-Denis (93)Nord (59)Pas-de-Calais (62)Nord (59)

Département Commune Revenu 1988 (F) Population 1990

128 500102 70078 900

119 600167 600199 400141 400108 400131 900195 900148 000172 10086 90071 000

106 00090 00093 80075 30097 700

Les vingt communes urbaines les plus «pauvres»: les villes industrielles et houillères en première ligne

Vingt dernières communes de plus de 20 000 habitants pour les revenus fiscaux des ménages .

Sources: DGI-INSEE.

Parmi les 2 000 communes urbaines les plus pauvres, quelques communes de plus de 60 000 habitants

Sources: DGI-INSEE.

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Calais, Roubaix et Tourcoing, mais aussi Avignon, Béziers etPerpignan. Enfin, on notera que, au sein des grandes agglomé-rations, les inégalités intercommunales l'emportent parfois surles inégalités interrégionales. Les agglomérations de Paris et

Lyon comptent plusieurs des communes les plus «riches» deFrance, mais aussi certaines des communes urbaines les plus«pauvres»: Aubervilliers ou Genevillierrs, Vaux-en-Velin,Pierre Bénite ou Tarare.

3. Revenu moyen des ménages en 1988: les 2 000 communes les plus riches et les 2 000 communes urbaines les plus pauvres

communes urbaines pauvres

communes riches

© GIP RECLUS-BR 1992