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« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. » (Lénine, 1902, Que faire ?) Les classiques du matérialisme dialectique La Chine Populaire & la 3 e étape du matérialisme dialectique : le maoïsme Mao Zedong – De la contradiction (1937) Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. »

(Lénine, 1902, Que faire ?)

Les classiques du matérialisme dialectiqueLa Chine Populaire & la 3e étape du matérialisme dialectique : le maoïsme

Mao Zedong – De la contradiction(1937)

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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Les classiques du matérialisme dialectique

Préface

Cet essai philosophique a été écrit par Mao Zedong à la suite de son ouvrage De la pratique et destinécomme celui-ci à corriger les graves erreurs d'ordre dogmatique existant dans le Parti. D'abord présentésous forme de conférence à l'École militaire et politique antijaponaise de Yenan, Mao Zedong a révisé cetexte lorsqu'il fut inclus dans ses Œuvres choisies. Et ce texte est d'une importance capitale. En effet,c'est Mao Zedong qui a présenté le matérialisme dialectique de la manière la plus claire, la plus brillante,la plus générale. Son œuvre De la contradiction présente le matérialisme dialectique de manièreexemplaire, et son étude est une tâche prioritaire et absolue pour toute personne voulant comprendre lasociété comme l'univers.

Table des matières1. Les deux conceptions du monde.............................................................................................................32. L'universalité de la contradiction............................................................................................................53. Le caractère spécifique de la contradiction.............................................................................................84. La contradiction principale et l'aspect principal de la contradiction....................................................175. L'identité et la lutte des aspects de la contradiction............................................................................226. La place de l'antagonisme dans la contradiction...................................................................................27Conclusion.................................................................................................................................................28

La loi de la contradiction inhérente auxchoses, aux phénomènes, ou loi de l'unité descontraires, est la loi fondamentale de ladialectique matérialiste. Lénine dit : « Au senspropre, la dialectique est l'étude de lacontradiction dans l'essence même deschoses... »1. Cette loi, Lénine dit souvent qu'elleest le fond de la dialectique, il dit aussi qu'elleest le noyau de la dialectique2. C'est pourquoilorsque nous étudions cette loi, nous sommesobligés d'aborder un vaste cercle de problèmes,un bon nombre de questions philosophiques. Sinous pouvons tirer au clair toutes ces questions,nous comprendrons dans ses fondements mêmes1 Lénine, « Résumé des Leçons d'histoire de la philosophie

de Hegel », Cahiers philosophiques (1915).2 Voir « À propos de la dialectique » (1915), où Lénine dit :

« Le dédoublement de ce qui est un et la connaissance deses parties contradictoires (voir, dans l'Héraclite deLassalle, la citation de Philon sur Héraclite au début de laIIIe partie, De la connaissance) constituent le fond (unedes « essences », une des particularités ou traitsprincipaux, sinon le principal) de la dialectique. » Voirégalement le « Résumé de La Science de la logique deHegel » (1914), où Lénine dit : « On peut brièvementdéfinir la dialectique comme la théorie de l'unité descontraires. Par là on saisira le noyau de la dialectique,mais cela exige des explications et un développement. »

la dialectique matérialiste. Ces questions sontles suivantes : les deux conceptions du monde,l'universalité de la contradiction, le caractèrespécifique de la contradiction, la contradictionprincipale et l'aspect principal de lacontradiction, l'identité et la lutte des aspectsde la contradiction, la place de l'antagonismedans la contradiction.

La critique dont l'idéalisme de l'école deDéborine3 a été l'objet dans les milieuxphilosophiques soviétiques au cours de cesdernières années a suscité un vif intérêt parminous. L'idéalisme de Déborine a exercé uneinfluence des plus pernicieuses au sein du Particommuniste chinois, et on ne peut dire que lesconceptions dogmatiques dans notre Partin'aient rien à voir avec cette école. Parconséquent, l'objectif principal dans notre étude

3 Abram Moiseyevich Déborine (1881-1963), philosophesoviétique et membre de l'Académie des Sciences del'URSS. C'est en 1930 que les milieux philosophiques enUnion soviétique commencèrent à critiquer l'école deDéborine en montrant que ces erreurs - divorce de lathéorie avec la pratique et de la philosophie avec lapolitique - étaient de caractère idéaliste.

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Mao Zedong – De la contradiction

de la philosophie, à l'heure actuelle, doit êtred'extirper les conceptions dogmatiques.

1. Les deux conceptions du monde

Dans l'histoire de la connaissance humaine, ila toujours existé deux conceptions des lois dudéveloppement du monde : l'une estmétaphysique, l'autre dialectique ; ellesconstituent deux conceptions du mondeopposées. Lénine dit :

« Les deux concepts fondamentaux (ou lesdeux possibles ? ou les deux conceptsdonnés par l'histoire ?) du développement(de l'évolution) sont : le développement entant que diminution et augmentation, entant que répétition, et le développementen tant qu'unité des contraires(dédoublement de ce qui est un, encontraires qui s'excluent mutuellement, etrapports entre eux). »4

Lénine parle justement ici de ces deuxconceptions différentes du monde.

Pendant une longue période de l'histoire, lemode de pensée métaphysique a été le propre dela conception idéaliste du monde et a occupé, enChine comme en Europe, une place dominantedans l'esprit des gens. En Europe, lematérialisme lui-même, au début de l'existencede la bourgeoisie, a été métaphysique. Du faitque toute une série d'États européens sontentrés, au cours de leur développement socio-économique, dans la phase d'un capitalismehautement développé, que les forces productives,la lutte des classes et la science ont atteint unniveau de développement sans précédent dansl'histoire et que le prolétariat industriel estdevenu la plus grande force motrice de l'histoire,est née la conception marxiste, matérialiste-dialectique, du monde. Dès lors, au sein de labourgeoisie, on a vu apparaître, à côté d'unidéalisme réactionnaire patent, nullementcamouflé, un évolutionnisme vulgaire opposé àla dialectique matérialiste.

La métaphysique, ou l'évolutionnismevulgaire, considère toutes les choses dans lemonde comme isolées, en état de repos ; elle les

4 Lénine, « À propos de la dialectique » (1915).

considère unilatéralement. Une telle conceptiondu monde fait regarder toutes les choses, tousles phénomènes du monde, leurs formes et leurscatégories comme éternellement isolés les unsdes autres, comme éternellement immuables. Sielle reconnaît les changements, c'est seulementcomme augmentation ou diminutionquantitatives, comme simple déplacement. Et lescauses d'une telle augmentation, d'une tellediminution, d'un tel déplacement, elle ne les faitpas résider dans les choses ou les phénomèneseux-mêmes, mais en dehors d'eux, c'est-à-diredans l'action de forces extérieures. Lesmétaphysiciens estiment que les différenteschoses, les différents phénomènes dans le mondeainsi que leur caractère spécifique restentimmuables dès le commencement de leurexistence, et que leurs modifications ultérieuresne sont que des augmentations ou desdiminutions quantitatives. Ils estiment qu'unechose ou un phénomène ne peut que sereproduire indéfiniment et ne peut pas setransformer en quelque chose d'autre, dedifférent. Selon eux, tout ce qui caractérise lasociété capitaliste : l'exploitation, laconcurrence, l'individualisme, etc. se rencontreégalement dans la société esclavagiste del'Antiquité, voire dans la société primitive, etexistera éternellement, immuablement. Lescauses du développement de la société, ils lesexpliquent par des conditions extérieures à lasociété : le milieu géographique, le climat, etc.Ils tentent d'une façon simpliste de trouver lescauses du développement en dehors des choseset des phénomènes eux-mêmes, niant cette thèsede la dialectique matérialiste selon laquelle ledéveloppement des choses et des phénomènes estsuscité par leurs contradictions internes. C'estpourquoi ils ne sont pas en mesure d'expliquerla diversité qualitative des choses et desphénomènes et la transformation d'une qualitéen une autre. Cette pensée, en Europe, a trouvéson expression aux XVIIe et XVIIIe siècles dansle matérialisme mécaniste, puis, à la fin du XIX e

siècle et au début du XXe, dans l'évolutionnismevulgaire. En Chine, la pensée métaphysique quis'exprimait dans les mots « Le ciel est

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immuable, immuable est le Tao »5 a étédéfendue longtemps par la classe féodaledécadente au pouvoir. Quant au matérialismemécaniste et à l'évolutionnisme vulgaire,importés d'Europe dans les cent dernièresannées, ils ont trouvé leurs tenants dans labourgeoisie.

Contrairement à la conception métaphysiquedu monde, la conception matérialiste-dialectiqueveut que l'on parte, dans l'étude dudéveloppement d'une chose ou d'un phénomène,de son contenu interne, de ses relations avecd'autres choses ou d'autres phénomènes, c'est-à-dire que l'on considère le développement deschoses ou des phénomènes comme leurmouvement propre, nécessaire, interne, chaquechose, chaque phénomène étant d'ailleurs, dansson mouvement, en liaison et en interaction avecles autres choses, les autres phénomènes quil'environnent. La cause fondamentale dudéveloppement des choses et des phénomènesn'est pas externe, mais interne ; elle se trouvedans les contradictions internes des choses etdes phénomènes eux-mêmes. Toute chose, toutphénomène implique ces contradictions d'oùprocèdent son mouvement et sondéveloppement. Ces contradictions, inhérentesaux choses et aux phénomènes, sont la causefondamentale de leur développement, alors queleur liaison mutuelle et leur action réciproquen'en constituent que les causes secondes. Ainsidonc, la dialectique matérialiste a combattuénergiquement la théorie métaphysique de lacause externe, de l'impulsion extérieure, propreau matérialisme mécaniste et à l'évolutionnismevulgaire. Il est clair que les causes purementexternes sont seulement capables de provoquerle mouvement mécanique des choses et desphénomènes, c'est-à-dire les modifications devolume, de quantité, et qu'elles ne peuventexpliquer pourquoi les choses et les phénomènessont d'une diversité qualitative infinie, pourquoiils passent d'une qualité à une autre. En fait,même le mouvement mécanique, provoqué par

5 Paroles de Dong Zhongshu (179-104 av. JC), célèbrereprésentant du confucianisme sous la dynastie des Han.

une impulsion extérieure, se réalise parl'intermédiaire des contradictions internes deschoses et des phénomènes. Dans le mondevégétal et animal, la simple croissance, ledéveloppement quantitatif est aussi provoquéprincipalement par les contradictions internes.De même, le développement de la société est dûsurtout à des causes internes et non externes.On voit des pays qui se trouvent dans desconditions géographiques et climatiques quasiidentiques se développer d'une manière trèsdifférente et très inégale. Il arrive que dans unseul et même pays de grands changements seproduisent dans la société sans que soientmodifiés le milieu géographique et le climat. LaRussie impérialiste est devenue l'Unionsoviétique socialiste, et le Japon féodal, ferméau monde extérieur, est devenu le Japonimpérialiste, bien que la géographie et le climatde ces pays n'aient subi aucune modification. LaChine, longtemps soumise au régime féodal, aconnu de grands changements au cours des centdernières années ; elle évolue maintenant versune Chine nouvelle, émancipée et libre ; etpourtant ni la géographie ni le climat de laChine ne se sont modifiés. Certes, deschangements se produisent dans la géographie etle climat de tout le globe terrestre et de chacunede ses parties, mais ils sont insignifiants encomparaison de ceux de la société ; les premiersdemandent des dizaines de milliers d'annéespour se manifester, tandis que pour les seconds,il suffit de millénaires, de siècles, de décennies,voire de quelques années ou de quelques moisseulement (en période de révolution). Selon lepoint de vue de la dialectique matérialiste, leschangements dans la nature sont dusprincipalement au développement de sescontradictions internes. Ceux qui interviennentdans la société proviennent surtout dudéveloppement des contradictions à l'intérieurde la société, c'est-à-dire des contradictionsentre les forces productives et les rapports deproduction, entre les classes, entre le nouveau etl'ancien. Le développement de ces contradictionsfait avancer la société, amène le remplacementde la vieille société par la nouvelle. La

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dialectique matérialiste exclut-elle les causesexternes ? Nullement. Elle considère que lescauses externes constituent la condition deschangements, que les causes internes en sont labase, et que les causes externes opèrent parl'intermédiaire des causes internes. L'œuf qui areçu une quantité appropriée de chaleur setransforme en poussin, mais la chaleur ne peuttransformer une pierre en poussin, car leursbases sont différentes. Les différents peuplesagissent constamment les uns sur les autres. Àl'époque du capitalisme, en particulier àl'époque de l'impérialisme et des révolutionsprolétariennes, l'influence mutuelle etl'interaction des différents pays dans lesdomaines de la politique, de l'économie et de laculture sont énormes. La Révolution socialisted'Octobre a ouvert une ère nouvelle nonseulement dans l'histoire de la Russie, maisaussi dans celle du monde entier ; elle a influésur les changements internes dans différentspays, et aussi, avec une intensité particulière,sur les changements internes en Chine. Mais lesmodifications qui en ont résulté se sontproduites par l'intermédiaire des lois internespropres à ces pays, propres à la Chine. De deuxarmées aux prises, l'une est victorieuse, l'autreest défaite : cela est déterminé par des causesinternes. La victoire est due soit à la puissancede l'armée, soit à la justesse de vue de soncommandement ; la défaite tient soit à lafaiblesse de l'armée, soit aux erreurs commisespar son commandement ; c'est parl'intermédiaire des causes internes que les causesexternes produisent leur effet. En Chine, si lagrande bourgeoisie a vaincu en 1927 leprolétariat, c'est grâce à l'opportunisme qui semanifestait au sein même du prolétariat chinois(à l'intérieur du Parti communiste chinois).Lorsque nous en eûmes fini avec cetopportunisme, la révolution chinoise reprit sonessor. Plus tard, elle a de nouveau sérieusementsouffert des coups infligés par l'ennemi, cettefois à la suite des tendances aventuristesapparues au sein de notre Parti. Et quand nouseûmes liquidé cet aventurisme, notre causerecommença à progresser. Il s'ensuit que pour

conduire la révolution à la victoire, un parti doits'appuyer sur la justesse de sa ligne politique etla solidité de son organisation.

La conception dialectique du monde apparaîten Chine et en Europe dès l'Antiquité.Toutefois, la dialectique des temps anciens avaitquelque chose de spontané, de primitif ; enraison des conditions sociales et historiquesd'alors, elle ne pouvait encore constituer unsystème théorique, donc expliquer le monde soustous ses aspects, et elle fut remplacée par lamétaphysique. Le célèbre philosophe allemandHegel, qui a vécu à la fin du XVIIIe siècle et audébut du XIXe, a apporté une très importantecontribution à la dialectique ; toutefois, sadialectique était idéaliste. C'est seulementlorsque Marx et Engels, les grands protagonistesdu mouvement prolétarien, eurent généralisé lesrésultats positifs obtenus par l'humanité aucours du développement de la connaissance etqu'ils eurent, en particulier, repris dans unesprit critique les éléments rationnels de ladialectique de Hegel et créé la grande théorie dumatérialisme dialectique et historique qu'unerévolution sans précédent se produisit dansl'histoire de la connaissance humaine. Cettethéorie fut développée plus tard par Lénine etStaline. Dès qu'elle pénétra en Chine, elleprovoqua d'immenses changements dans lapensée chinoise.

La conception dialectique du monde nousapprend surtout à observer et à analyser lemouvement contradictoire dans les différenteschoses, les différents phénomènes, et àdéterminer, sur la base de cette analyse, lesméthodes propres à résoudre les contradictions.C'est pourquoi la compréhension concrète de laloi de la contradiction inhérente aux choses etaux phénomènes est pour nous d'uneimportance extrême.

2. L'universalité de la contradiction

Pour la commodité de l'exposé, je m'arrêteraien premier lieu à l'universalité de lacontradiction, puis à son caractère spécifique.

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Les classiques du matérialisme dialectique

En effet, depuis la découverte de la conceptionmatérialiste-dialectique du monde par les grandsfondateurs et continuateurs du marxisme, Marx,Engels, Lénine et Staline, la dialectiquematérialiste a été appliquée avec le plus grandsuccès à l'analyse de nombreux aspects del'histoire humaine et de l'histoire naturelle, ainsiqu'à la transformation de nombreux aspects dela société et de la nature (par exemple enURSS) ; l'universalité de la contradiction estdonc déjà largement reconnue et nous n'auronspas besoin de l'expliquer longuement. Parcontre, le caractère spécifique de lacontradiction est pour nombre de camarades, enparticulier les dogmatiques, une question où ilsne voient pas encore clair. Ils ne comprennentpas que dans les contradictions l'universel existedans le spécifique. Ils ne comprennent pas nonplus combien il est important, pour diriger lecours de notre pratique révolutionnaire,d'étudier le spécifique dans les contradictionsinhérentes aux choses et aux phénomènesconcrets devant lesquels nous nous trouvons.Nous devons donc étudier le caractère spécifiquede la contradiction avec une attentionparticulière, en accordant une place suffisante àson examen. C'est pourquoi dans notre analysede la loi de la contradiction inhérente auxchoses et aux phénomènes, nous commenceronspar examiner le problème de l'universalité de lacontradiction, puis nous analyserons plusparticulièrement son caractère spécifique pourrevenir finalement au problème de l'universalité.

L'universalité ou le caractère absolu de lacontradiction a une double signification : lapremière est que les contradictions existent dansle processus de développement de toute chose etde tout phénomène ; la seconde, que, dans leprocessus de développement de chaque chose, dechaque phénomène, le mouvement contradictoireexiste du début à la fin.

Engels a dit : « Le mouvement lui-même estune contradiction. »6 La définition, donnée parLénine, de la loi de l'unité des contraires, dit

6 Friedrich Engels : « Dialectique. Quantité et qualité »,Anti-Dühring (1878), première partie, chapitre XII.

qu'elle « reconnaît (découvre) des tendancescontradictoires, opposées et s'excluantmutuel lement dans tous les phénomènes etprocessus de la nature (et de l'esprit et de lasociété dans ce nombre) »7. Ces idées sont-ellesjustes ? Oui, elles le sont. Dans toutes les choseset tous les phénomènes, l'interdépendance et lalutte des aspects contradictoires qui leur sontpropres déterminent leur vie et animent leurdéveloppement. Il n'est rien qui ne contiennedes contradictions. Sans contradictions, pasd'univers.

La contradiction est la base des formessimples du mouvement (par exemple, lemouvement mécanique) et à plus forte raisondes formes complexes du mouvement.

Engels a expliqué de la façon suivantel'universalité de la contradiction :

« Si le simple changement mécanique delieu contient déjà en lui-même unecontradiction, à plus forte raison lesformes supérieures de mouvement de lamatière et tout particulièrement la vieorganique et son développement... la vieconsiste au premier chef précisément en cequ'un être est à chaque instant le même etpourtant un autre. La vie est doncégalement une contradiction qui, présentedans les choses et les processus eux-mêmes, se pose et se résout constamment.Et dès que la contradiction cesse, la viecesse aussi, la mort intervient. De même,nous avons vu que dans le domaine de lapensée également, nous ne pouvons paséchapper aux contradictions et que, parexemple, la contradiction entre l'humainefaculté de connaître, intérieurementinfinie, et son existence réelle dans deshommes qui sont tous limitésextérieurement et dont la connaissance estlimitée, se résout dans la série desgénérations, série qui, pour nous, n'apratiquement pas de fin, – tout au moinsdans le progrès sans fin.[…] l'un des fondements principaux desmathématiques supérieures est [la] […]contradiction […]Mais [les mathématiques inférieures] déjàfourmillent de contradictions. »8

7 Lénine, « À propos de la dialectique » (1915).8 Lénine, « À propos de la dialectique » (1915).

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Et Lénine illustrait à son tour l'universalitéde la contradiction par les exemples suivants :

« En mathématiques, le + et le -.Différentielle et intégrale.En mécanique, action et réaction.En physique, électricité positive etnégative.En chimie, union et dissociation desatomes.Dans la science sociale, lutte de classe. »9

Dans la guerre, l'offensive et la défensive,l'avance et la retraite, la victoire et la défaitesont autant de couples de phénomènescontradictoires dont l'un ne peut exister sansl'autre. Les deux aspects sont à la fois en lutteet en interdépendance, cela constitue l'ensembled'une guerre, impulse le développement de laguerre et permet de résoudre les problèmes de laguerre.

Il convient de considérer toute différencedans nos concepts comme le reflet decontradictions objectives. La réflexion descontradictions objectives dans la penséesubjective forme le mouvement contradictoiredes concepts, stimule le développement desidées, résout continuellement les problèmes quise posent à la pensée humaine.

L'opposition et la lutte entre conceptionsdifférentes apparaissent constamment au sein duParti ; c'est le reflet, dans le Parti, descontradictions de classes et des contradictionsentre le nouveau et l'ancien existant dans lasociété. S'il n'y avait pas dans le Parti decontradictions, et de luttes idéologiques pour lesrésoudre, la vie du Parti prendrait fin.

Il ressort de là que partout, dans chaqueprocessus, il existe des contradictions, aussi biendans les formes simples du mouvement que dansses formes complexes, dans les phénomènesobjectifs que dans les phénomènes de la pensée :ce point est maintenant éclairci. Mais lacontradiction existe-t-elle également au stadeinitial de chaque processus ? Le processus dedéveloppement de toute chose, de tout

9 Lénine, « À propos de la dialectique » (1915).

phénomène connaît-il un mouvementcontradictoire du début à la fin ?

L'école de Déborine, comme la lecture desarticles dans lesquels les philosophes soviétiquesla soumettent à la critique permet de leconstater, considère que la contradictionn'apparaît pas dès le début du processus, mais àun certain stade de son développement. Ils'ensuit que jusqu'à ce moment ledéveloppement du processus se produit non sousl'action des causes internes, mais sous celle descauses externes. Déborine revient ainsi auxthéories métaphysiques des causes externes etdu mécanisme. Appliquant cette façon de voir àl'analyse des problèmes concrets, l'école deDéborine arrive à la conclusion que, dans lesconditions de l'Union soviétique, il existe entreles koulaks et la masse paysanne seulement desdifférences et non des contradictions, et elleapprouve entièrement Boukharine10. Étudiant laRévolution française, elle soutient qu'avant larévolution il existait également au sein du tiersétat, composé des ouvriers, des paysans et de labourgeoisie, seulement des différences et non descontradictions. Ces vues de l'école de Déborinesont antimarxistes. Cette école ne comprend pasque dans toute différence il y a déjà unecontradiction et que la différence elle-mêmeconstitue une contradiction. La contradictionentre le Travail et le Capital est née avecl'apparition de la bourgeoisie et du prolétariat,

10 Nikolai Ivanovich Boukharine (1888-1938) était chef d'ungroupe antiléniniste au sein du mouvement révolutionnairerusse. Il fut exclu du Parti en 1937 et condamné à mortpar le Tribunal suprême de l'URSS en 1938, pour avoir faitpartie d'un groupe de traîtres à la nation. Le camaradeMao Zedong critique ici le point de vue erroné longtempsdéfendu par Nikolai Ivanovich Boukharine et qui consistaità dissimuler les contradictions de classes et à substituer lacollaboration de classes à la lutte de classes. Dans lesannées 1928-1929, alors que l'Union soviétique sepréparait à la collectivisation intégrale de l'agriculture,Nikolai Ivanovich Boukharine soutenait plus ouvertementque jamais son point de vue erroné, s'efforçant d'estomperles contradictions de classes entre les koulaks et lespaysans pauvres et moyens et de s'opposer à une lutterésolue contre les koulaks. En outre, il prétendait que laclasse ouvrière pourrait former une alliance avec leskoulaks et que ces derniers pourraient « s'intégrerpacifiquement dans le socialisme ».

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mais elle n'est devenue aigüe que plus tard.Entre les ouvriers et les paysans, même dans lesconditions sociales de l'Union soviétique, ilexiste une différence ; cette différence est unecontradiction qui, toutefois, contrairement à lacontradiction entre le Travail et le Capital, nepeut s'accentuer jusqu'à devenir un antagonismeou revêtir la forme d'une lutte de classes ; lesouvriers et les paysans ont scellé une solidealliance au cours de l'édification du socialisme,et ils résolvent progressivement la contradictionen question dans le processus de développementallant du socialisme au communisme. Il s'agit icide différentes sortes de contradictions, et non dela présence ou de l'absence de contradictions. Lacontradiction est universelle, absolue ; elle existedans tous les processus du développement deschoses et des phénomènes et pénètre chaqueprocessus, du début à la fin.

Que signifie l'apparition d'un nouveauprocessus ? Cela signifie que l'ancienne unité etles contraires qui la constituent font place à unenouvelle unité, à ses nouveaux contraires ; alorsnaît un nouveau processus qui succède àl'ancien. L'ancien processus s'achève, le nouveausurgit. Et comme le nouveau processus contientde nouvelles contradictions, il commencel'histoire du développement de ses proprescontradictions.

Lénine souligne que Marx, dans Le Capital, adonné un modèle d'analyse du mouvementcontradictoire qui traverse tout le processus dedéveloppement d'une chose, d'un phénomène, dudébut à la fin. C'est la méthode à employerlorsqu'on étudie le processus de développementde toute chose, de tout phénomène. Et Léninelui-même a utilisé judicieusement cette méthode,qui imprègne tous ses écrits.

« Marx, dans Le Capital, analyse d'abordce qu'il y a de plus simple, de plushabituel, de fondamental, de plusfréquent, de plus ordinaire, ce qui serencontre des milliards de fois : lesrapports dans la société bourgeoise(marchande), l'échange de marchandises.Son analyse fait apparaître dans cephénomène élémentaire (dans cette« cellule » de la société bourgeoise) tous

les antagonismes (ou embryons de tous lesantagonismes) de la société moderne. Lasuite de l'exposé nous montre ledéveloppement (et la croissance, et lemouvement) de ces antagonismes et decette société dans le Σ de ses diversesparties, depuis son début jusqu'à la fin. »

Et Lénine ajoute : « Tel doit être aussi lemode d'exposition (ou d'étude) de la dialectiqueen général... »11

Les communistes chinois doivent assimilercette méthode s'ils veulent analyser d'unemanière correcte l'histoire et la situationactuelle de la révolution chinoise et en déduireles perspectives.

3. Le caractère spécifique de lacontradiction

Les contradictions existent dans le processusde développement de toutes les choses, de tousles phénomènes et elles pénètrent le processusde développement de chaque chose, de chaquephénomène, du commencement à la fin. C'est làl'universalité et le caractère absolu de lacontradiction, dont nous avons parléprécédemment. Arrêtons-nous maintenant sur cequ'il y a de spécifique et de relatif dans lescontradictions.

Il convient d'étudier cette question surplusieurs plans.

En premier lieu, les contradictions desdifférentes formes de mouvement de la matièrerevêtent toutes un caractère spécifique. Laconnaissance de la matière par l'homme, c'est laconnaissance de ses formes de mouvement, étantdonné que, dans le monde, il n'y a rien d'autreque la matière en mouvement, le mouvement dela matière revêtant d'ailleurs toujours desformes déterminées. En nous penchant surchaque forme de mouvement de la matière, nousdevons porter notre attention sur ce qu'elle a decommun avec les autres formes de mouvement.Mais ce qui est encore plus important, ce quisert de base à notre connaissance des choses,c'est de noter ce que cette forme de mouvement

11 Lénine, « À propos de la dialectique » (1915).

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a de proprement spécifique, c'est-à-dire ce qui ladifférencie qualitativement des autres formes demouvement. C'est seulement de cette manièrequ'on peut distinguer une chose d'une autre.Toute forme de mouvement contient en soi sespropres contradictions spécifiques, lesquellesconstituent cette essence spécifique quidifférencie une chose des autres. C'est cela quiest la cause interne ou si l'on veut la base de ladiversité infinie des choses dans le monde. Ilexiste dans la nature une multitude de formesdu mouvement : le mouvement mécanique, leson, la lumière, la chaleur, l'électricité, ladissociation, la combinaison, etc. Toutes cesformes du mouvement de la matière sont eninterdépendance, mais se distinguent les unesdes autres dans leur essence. L'essencespécifique de chaque forme de mouvement estdéterminée par les contradictions spécifiques quilui sont inhérentes. Il en est ainsi non seulementde la nature, mais également des phénomènes dela société et de la pensée. Chaque forme sociale,chaque forme de la pensée contient sescontradictions spécifiques et possède son essencespécifique.

La délimitation des différentes sciences sefonde justement sur les contradictionsspécifiques contenues dans les objets respectifsqu'elles étudient. Ainsi, les contradictionspropres à la sphère d'un phénomène donnéconstituent l'objet d'étude d'une branchedéterminée de la science. Par exemple, le + et le- en mathématiques ; l'action et la réaction enmécanique ; l'électricité positive et négative enphysique ; la combinaison et la dissociation enchimie ; les forces productives et les rapports deproduction, la lutte entre les classes dans lessciences sociales ; l'attaque et la défense dans lascience militaire ; l'idéalisme et le matérialisme,la métaphysique et la dialectique en philosophie– tout cela constitue les objets d'étude dedifférentes branches de la science en raisonjustement de l'existence de contradictionsspécifiques et d'une essence spécifique danschaque branche. Certes, faute de connaître cequ'il y a d'universel dans les contradictions, il

est impossible de découvrir les causes généralesou les bases générales du mouvement, dudéveloppement des choses et des phénomènes.Mais si l'on n'étudie pas ce qu'il y a despécifique dans les contradictions, il estimpossible de déterminer cette essencespécifique qui distingue une chose des autres,impossible de découvrir les causes spécifiques oules bases spécifiques du mouvement, dudéveloppement des choses et des phénomènes,impossible par conséquent de distinguer leschoses et les phénomènes, de délimiter lesdomaines de la recherche scientifique.

Si l'on considère l'ordre suivi par lemouvement de la connaissance humaine, on voitque celle-ci part toujours de la connaissance duparticulier et du spécifique pour s'élargirgraduellement jusqu'à atteindre celle du général.Les hommes commencent toujours par connaîtred'abord l'essence spécifique d'une multitude dechoses différentes avant d'être en mesure depasser à la généralisation et de connaîtrel'essence commune des choses. Quand ils sontparvenus à cette connaissance, elle leur sert deguide pour étudier plus avant les différenteschoses concrètes qui n'ont pas encore étéétudiées ou qui l'ont été insuffisamment, defaçon à trouver leur essence spécifique ; c'estainsi seulement qu'ils peuvent compléter,enrichir et développer leur connaissance del'essence commune des choses et l'empêcher dese dessécher ou de se pétrifier. Ce sont là lesdeux étapes du processus de la connaissance : lapremière va du spécifique au général, la secondedu général au spécifique. Le développement dela connaissance humaine représente toujours unmouvement en spirale et (si l'on observerigoureusement la méthode scientifique) chaquecycle élève la connaissance à un degré supérieuret sans cesse l'approfondit. L'erreur de nosdogmatiques dans cette question consiste enceci : d'une part, ils ne comprennent pas quec'est seulement après avoir étudié ce qu'il y a despécifique dans la contradiction et prisconnaissance de l'essence spécifique des chosesparticulières qu'on peut atteindre à la pleine

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connaissance de l'universalité de la contradictionet de l'essence commune des choses ; et d'autrepart, ils ne comprennent pas qu'après avoir prisconnaissance de l'essence commune des chosesnous devons aller plus avant et étudier leschoses concrètes, qui ont été insuffisammentétudiées ou qui apparaissent pour la premièrefois. Nos dogmatiques sont des paresseux ; ils serefusent à tout effort dans l'étude des chosesconcrètes, considèrent les vérités généralescomme quelque chose qui tombe du ciel, en fontdes formules purement abstraites, inaccessibles àl'entendement humain, nient totalement etrenversent l'ordre normal que suivent leshommes pour arriver à la connaissance de lavérité. Ils ne comprennent pas non plus laliaison réciproque entre les deux étapes duprocessus de la connaissance humaine : duspécifique au général et du général auspécifique ; ils n'entendent rien à la théoriemarxiste de la connaissance.

Il faut étudier non seulement lescontradictions spécifiques de chacun des grandssystèmes de formes du mouvement de la matièreet l'essence déterminée par ces contradictions,mais aussi les contradictions spécifiques etl'essence de chacune de ces formes demouvement de la matière à chaque étape dulong chemin que suit le développement de celles-ci. Toute forme du mouvement, dans chaqueprocessus de développement qui est réel et nonimaginaire, est qualitativement différente. Dansnotre étude, il convient d'accorder une attentionparticulière à cela et, de plus, de commencer parlà.

Les contradictions qualitativement différentesne peuvent se résoudre que par des méthodesqualitativement différentes. Ainsi, lacontradiction entre le prolétariat et labourgeoisie se résout par la révolutionsocialiste ; la contradiction entre les massespopulaires et le régime féodal, par la révolutiondémocratique ; la contradiction entre lescolonies et l'impérialisme, par la guerrerévolutionnaire nationale ; la contradiction entrela classe ouvrière et la paysannerie, dans la

société socialiste, par la collectivisation et lamécanisation de l'agriculture ; les contradictionsau sein du parti communiste se résolvent par lacritique et l'autocritique ; les contradictionsentre la société et la nature, par ledéveloppement des forces productives. Lesprocessus changent, les anciens processus et lesanciennes contradictions disparaissent, denouveaux processus et de nouvellescontradictions naissent, et les méthodes pourrésoudre celles-ci sont en conséquence différenteselles aussi. Les contradictions résolues par laRévolution de Février et les contradictionsrésolues par la Révolution d'Octobre, en Russie,de même que les méthodes employées pour lesrésoudre, étaient entièrement différentes.Résoudre les contradictions différentes par desméthodes différentes est un principe que lesmarxistes-léninistes doivent rigoureusementobserver. Les dogmatiques n'observent pas ceprincipe ; ils ne comprennent pas que lesconditions dans lesquelles se déroulent lesdifférentes révolutions ne sont pas les mêmes,aussi ne comprennent-ils pas que lescontradictions différentes doivent être résoluespar des méthodes différentes ; ils adoptentinvariablement ce qu'ils croient être une formuleimmuable, et l'appliquent mécaniquementpartout, ce qui ne peut que causer des revers àla révolution ou compromettre ce qui aurait puréussir.

Pour faire apparaître le caractère spécifiquedes contradictions considérées dans leurensemble ou dans leur liaison mutuelle au coursdu processus de développement d'une chose oud'un phénomène, c'est-à-dire pour faireapparaître l'essence du processus, il faut faireapparaître le caractère spécifique des deuxaspects de chacune des contradictions dans ceprocessus ; sinon, il sera impossible de faireapparaître l'essence du processus ; cela aussiexige la plus grande attention dans notre étude.

Dans le processus de développement d'unphénomène important, il existe toute une sériede contradictions. Par exemple, dans leprocessus de la révolution démocratique

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bourgeoise en Chine, il existe notamment unecontradiction entre les classes opprimées de lasociété chinoise et l'impérialisme ; unecontradiction entre les masses populaires et lerégime féodal ; une contradiction entre leprolétariat et la bourgeoisie ; une contradictionentre la paysannerie et la petite bourgeoisieurbaine d'une part, et la bourgeoisie d'autrepart ; des contradictions entre les diversescliques réactionnaires dominantes : la situationest ici extrêmement complexe. Toutes cescontradictions ne peuvent être traitées de lamême façon, puisque chacune a son caractèrespécifique ; qui plus est, les deux aspects dechaque contradiction ont, à leur tour, desparticularités propres à chacun d'eux, et l'on nepeut les envisager de la même manière. Nous quitravaillons pour la cause de la révolutionchinoise, nous devons non seulement comprendrele caractère spécifique de chacune de cescontradictions considérées dans leur ensemble,c'est-à-dire dans leur liaison mutuelle, maisencore étudier les deux aspects de chaquecontradiction, seul moyen pour arriver àcomprendre l'ensemble. Comprendre chaqueaspect de la contradiction, c'est comprendrequelle situation particulière il occupe, sousquelles formes concrètes il établit avec soncontraire des relations d'interdépendance et desrelations de contradiction, quelles sont lesméthodes concrètes qu'il utilise dans sa luttecontre l'autre quand les deux aspects setrouvent à la fois en interdépendance et encontradiction, et aussi après la rupture de leurinterdépendance. L'étude de ces questions estd'une haute importance. C'est ce qu'avait envue Lénine lorsqu'il disait que la substancemême, l'âme vivante du marxisme, c'estl'analyse concrète d'une situation concrète12.Nos dogmatiques enfreignent les enseignementsde Lénine, ne se donnent jamais la peined'analyser quoi que ce soit d'une manière

12 Voir Lénine : « Le Communisme » (12 juin 1920), oùl'auteur, critiquant le dirigeant du Parti communiste deHongrie Bêla Kun, disait qu'« il oublie ce qui est lasubstance même, l'âme vivante du marxisme : l'analyseconcrète d'une situation concrète."

concrète ; leurs articles et leurs discours ne fontque ressasser d'une manière vaine, creuse, desschémas stéréotypés, et font naître dans notreParti un style de travail des plus néfastes.

Dans l'étude d'une question, il faut se garderd'être subjectif, d'en faire un examen unilatéralet d'être superficiel. Être subjectif, c'est ne passavoir envisager une question objectivement,c'est-à-dire d'un point de vue matérialiste. J'enai déjà parlé dans De la pratique. L'examenunilatéral consiste à ne pas savoir envisager lesquestions sous tous leurs aspects. C'est ce quiarrive, par exemple, lorsqu'on comprendseulement la Chine et non le Japon, seulementle Parti communiste et non le Guomindang[Kuomintang], seulement le prolétariat et non labourgeoisie, seulement la paysannerie et non lespropriétaires fonciers, seulement les situationsfavorables et non les situations difficiles,seulement le passé et non l'avenir, seulement ledétail et non l'ensemble, seulement lesinsuffisances et non les succès, seulement ledemandeur et non le défendeur, seulement letravail révolutionnaire dans la clandestinité etnon le travail révolutionnaire légal, etc., bref,lorsqu'on ne comprend pas les particularités desdeux aspects d'une contradiction. C'est ce qu'onappelle envisager les questions d'une manièreunilatérale, ou encore voir la partie et non letout, voir les arbres et non la forêt. Si l'onprocède ainsi, il est impossible de trouver laméthode pour résoudre les contradictions,impossible de s'acquitter des tâches de larévolution, impossible de mener à bien le travailqu'on fait, impossible de développercorrectement la lutte idéologique dans le Parti.Quand Sun Zi [Sun Tzu], traitant de l'artmilitaire, disait : « Connais ton adversaire etconnais-toi toi-même, et tu pourras sans risquelivrer cent batailles »13, il parlait des deuxparties belligérantes. Wei Zheng14, sous la

13 Sun Zi (de son vrai nom Sun Wu), célèbre stratège etthéoricien militaire du Ve siècle av. JC, auteur du traité dumême nom, en 15 chapitres. Cette citation est extraite du« Plan de l'attaque », Sun Zi, chapitre III.

14 Homme politique et historien, Wei Zheng (580-643) vécutau début de la dynastie des Tang.

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dynastie des Tang, comprenait lui aussi l'erreurd'un examen unilatéral lorsqu'il disait : « Quiécoute les deux côtés aura l'esprit éclairé, quin'écoute qu'un côté restera dans les ténèbres. »Mais nos camarades voient souvent lesproblèmes d'une manière unilatérale et, de cefait, il leur arrive souvent d'avoir des anicroches.Dans Shui hu zhuan15, on parle de Song Jiangqui attaqua à trois reprises Zhujiazhuang. Iléchoua deux fois pour avoir ignoré les conditionslocales et appliqué une méthode d'actionerronée. Par la suite, il changea de méthode etcommença par s'informer de la situation ; dèslors, il connut tous les secrets du labyrinthe,brisa l'alliance des trois villages Lijiazhuang,Hujiazhuang et Zhujiazhuang, et envoya deshommes se cacher dans le camp ennemi pour s'ymettre en embuscade, usant d'un stratagèmesemblable à celui du cheval de Troie dont parleune légende étrangère ; et sa troisième attaquefut couronnée de succès. Shui hu zhuan contientde nombreux exemples d'application de ladialectique matérialiste, dont l'un des meilleursest l'attaque, par trois fois, de Zhujiazhuang.Lénine dit :

« Pour connaître réellement un objet, ilfaut embrasser et étudier tous ses aspects,toutes ses liaisons et « médiations ». Nousn'y arriverons jamais intégralement, maisla nécessité de considérer tous les aspectsnous garde des erreurs et del'engourdissement. »16

Nous devons retenir ses paroles. Êtresuperficiel, c'est ne pas tenir compte desparticularités des contradictions dans leurensemble, ni des particularités des deux aspectsde chaque contradiction, nier la nécessité d'allerau fond des choses et d'étudier minutieusement

15 Le Shui hu zhuan, ou « Récit des bords de l'eau », est l'undes chefs-d'œuvre de la littérature romanesque chinoise.Écrit au XIVe siècle, à partir de traditions orales des XII e

et XIIIe siècles, il a pour sujet une guerre paysanne desdernières années de la dynastie des Song du Nord. Levillage Zhujiazhuang se trouvait non loin de Liangshanbo(ou « lac marécageux des monts Liang »), où Song Jiang,chef de l'insurrection paysanne et héros du roman, avaitétabli sa base. Le maître de ce village était un véritabledespote, le grand propriétaire foncier Zhu.

16 Lénine : « À nouveau les syndicats, la situation actuelle etles erreurs de Trotski et Boukharine » (janvier 1921).

les particularités de la contradiction, secontenter de regarder de loin et, après uneobservation approximative de quelques traitssuperficiels de la contradiction, essayerimmédiatement de la résoudre (de répondre àune question, de trancher un différend, de réglerune affaire, de diriger une opération militaire).Une telle manière de procéder entraîne toujoursdes conséquences fâcheuses. La raison pourlaquelle nos camarades qui donnent dans ledogmatisme et l'empirisme commettent deserreurs, c'est qu'ils envisagent les choses d'unemanière subjective, unilatérale, superficielle.Envisager les choses d'une manière unilatérale etsuperficielle, c'est encore du subjectivisme, car,dans leur être objectif, les choses sont en faitliées les unes aux autres et possèdent des loisinternes ; or, il est des gens qui, au lieu derefléter les choses telles qu'elles sont, lesconsidèrent d'une manière unilatérale ousuperficielle, sans connaître leur liaison mutuelleni leurs lois internes ; une telle méthode estdonc subjective.

Nous devons avoir en vue non seulement lesparticularités du mouvement des aspectscontradictoires considérés dans leur liaisonmutuelle et dans les conditions de chacun d'euxau cours du processus général du développementd'une chose ou d'un phénomène, mais aussi lesparticularités propres à chaque étape duprocessus de développement.

Ni la contradiction fondamentale dans leprocessus de développement d'une chose ou d'unphénomène, ni l'essence de ce processus,déterminée par cette contradiction, nedisparaissent avant l'achèvement du processus ;toutefois, les conditions diffèrent habituellementles unes des autres à chaque étape du longprocessus de développement d'une chose ou d'unphénomène. En voici la raison : Bien que lecaractère de la contradiction fondamentale dansle processus de développement d'une chose oud'un phénomène et l'essence du processusrestent inchangés, la contradiction fondamentales'accentue progressivement à chaque étape de celong processus. En outre, parmi tant de

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Mao Zedong – De la contradiction

contradictions, importantes ou minimes, quisont déterminées par la contradictionfondamentale ou se trouvent sous son influence,certaines s'accentuent, d'autres se résolvent ous'atténuent temporairement ou partiellement,d'autres ne font encore que naître. Voilàpourquoi il y a différentes étapes dans leprocessus. On est incapable de résoudre commeil faut les contradictions inhérentes à une choseou à un phénomène si l'on ne fait pas attentionaux étapes du processus de son développement.

Lorsque, par exemple, le capitalisme del'époque de la libre concurrence se transformaen impérialisme, ni le caractère de classe desdeux classes en contradiction fondamentale – leprolétariat et la bourgeoisie – ni l'essencecapitaliste de la société ne subirent dechangement ; toutefois, la contradiction entreces deux classes s'accentua, la contradictionentre le capital monopoliste et le capital nonmonopoliste surgit, la contradiction entre lespuissances coloniales et les colonies devint plusmarquée, la contradiction entre les payscapitalistes, contradiction provoquée par ledéveloppement inégal de ces pays, se manifestaavec une acuité particulière ; dès lors apparutun stade particulier du capitalisme – le stade del'impérialisme. Le léninisme est le marxisme del'époque de l'impérialisme et de la révolutionprolétarienne précisément parce que Lénine etStaline ont donné une explication juste de cescontradictions et formulé correctement la théorieet la tactique de la révolution prolétarienneappelées à les résoudre.

Si l'on prend le processus de la révolutiondémocratique bourgeoise en Chine, qui acommencé par la Révolution de 191117, on y

17 Révolution bourgeoise qui renversa le gouvernementautocratique des Qing. Le 10 octobre 1911, une partie dela Nouvelle Armée qui avait subi l'influence de larévolution se souleva à Wuhan. Puis, des sociétésrévolutionnaires de la bourgeoisie et de la petitebourgeoisie ainsi que les larges masses des ouvriers, despaysans et des soldats firent écho avec enthousiasme à cesoulèvement dans différentes provinces, ce qui entraînabientôt l'écroulement du régime réactionnaire des Qing. Enjanvier 1912, le Gouvernement provisoire de la Républiquechinoise fut proclamé à Nanjing et Sun Yixian devint

distingue également plusieurs étapes spécifiques.En particulier, la période de la révolution où sadirection a été bourgeoise et la période où sadirection est assumée par le prolétariatreprésentent deux étapes historiques dont ladifférence est considérable. En d'autres termes,la direction exercée par le prolétariat changearadicalement le visage de la révolution,conduisit à un regroupement des forces dans lerapport des classes, amena un largedéveloppement de la révolution paysanne,imprima à la révolution dirigée contrel'impérialisme et le féodalisme un caractèreconséquent, créa la possibilité du passage de larévolution démocratique à la révolutionsocialiste, etc. Tout cela était impossible àl'époque où la direction de la révolutionappartenait à la bourgeoisie. Bien que la naturede la contradiction fondamentale du processuspris dans son ensemble, c'est-à-dire le caractèrede révolution démocratique anti-impérialiste etantiféodale du processus (l'autre aspect de lacontradiction étant le caractère semi-colonial etsemi-féodal du pays), n'eût subi aucunchangement, on vit se produire au cours de cettelongue période des événements aussi importantsque la défaite de la Révolution de 1911 etl'établissement du pouvoir des seigneurs deguerre du Beiyang, la création du premier frontuni national et la révolution de 1924-192718, la

président provisoire de la République. La monarchieféodale qui avait régné sur la Chine pendant plus de deuxmille ans fut abolie, et la conception d'une républiquedémocratique commença à s'implanter dans les esprits.Mais la bourgeoisie qui dirigeait cette révolution avait uneforte tendance au compromis. Au lieu de soulever les largesmasses paysannes pour renverser la domination féodale dela classe des propriétaires fonciers à la campagne, ellecéda, sous la pression de l'impérialisme et des forcesféodales, le pouvoir à Yuan Shikai, seigneur de guerre duBeiyang. Et ce fut l'échec de la révolution.

18 Cette révolution, connue également sous le nom dePremière guerre civile révolutionnaire, était une lutte antiimpérialiste et antiféodale menée conjointement par leParti communiste chinois et le Guomindang, et qui eutpour contenu principal l'Expédition du Nord. Après avoirconsolidé sa base d'appui dans le Guangdong, l'Arméerévolutionnaire constituée par les deux partis marcha versle nord en juillet 1926 pour mener une expédition punitivecontre les seigneurs de guerre du Beiyang que soutenaientles impérialistes. Avec l'appui chaleureux des larges masses

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rupture du front uni et le passage de labourgeoisie dans le camp de la contre-révolution, les conflits entre les nouveauxseigneurs de guerre, la Guerre révolutionnaireagraire19, la création du second front uninational et la Guerre de Résistance contre leJapon – autant d'étapes de développement enl'espace de vingt et quelques années. Ces étapessont caractérisées notamment par le fait quecertaines contradictions se sont accentuées (parexemple, la Guerre révolutionnaire agraire etl'invasion des quatre provinces du Nord-Est parle Japon), que d'autres se sont trouvéespartiellement ou provisoirement résolues (parexemple, l'anéantissement des seigneurs deguerre du Beiyang, la confiscation par nous desterres des propriétaires fonciers), que d'autresenfin ont surgi (par exemple, la lutte entre lesnouveaux seigneurs de guerre, la reprise desterres par les propriétaires fonciers après laperte de nos bases révolutionnaires dans le Sud).

Lorsqu'on étudie le caractère spécifique descontradictions à chaque étape du processus dedéveloppement d'une chose ou d'un phénomène,il faut non seulement considérer cescontradictions dans leur liaison mutuelle ou

d'ouvriers et de paysans, elle réussit à occuper, au coursdu deuxième semestre de 1926 et du premier semestre de1927, la majeure partie des provinces dans les bassins duYangzi Jiang et du fleuve Jaune. Alors que la révolutionprogressait avec succès, les deux cliques réactionnaires ausein du Guomindang, ayant respectivement Jiang Jieshi(Tchiang Kaî-chek) et Wang Jingwei pour chefs de file(elles représentaient les intérêts de la bourgeoisiecompradore et de la classe des despotes locaux et desmauvais hobereaux), firent, avec l'aide des impérialistes,deux coups d’État contre-révolutionnaires, l'un en avril,l'autre en juillet 1927. Les idées de droite au sein du Particommuniste chinois, dont le représentant était ChenDuxiu, ayant dégénéré en une ligne capitulationniste, leParti et le peuple ne purent organiser une résistanceefficace contre l'attaque lancée brusquement par les cliquesréactionnaires du Guomindang, ce qui fit échouer larévolution.

19 Cette révolution, connue également sous le nom deDeuxième guerre civile révolutionnaire, était une luttemenée de 1927 à 1937 par le peuple chinois sous ladirection du Parti communiste chinois et ayant pourobjectif principal l'instauration et l'extension du pouvoirrouge, le développement de la révolution agraire et larésistance armée contre la domination réactionnaire duGuomindang.

dans leur ensemble, mais également envisager lesdeux aspects de chaque contradiction.

Par exemple, le Guomindang et le Particommuniste. Prenons l'un des aspects de cettecontradiction : le Guomindang. Aussi longtempsqu'il suivit, dans la période du premier frontuni, les trois thèses politiques fondamentales deSun Yixian (alliance avec la Russie, allianceavec le Parti communiste et soutien aux ouvrierset aux paysans), il conserva son caractèrerévolutionnaire et sa vigueur, il représental'alliance des différentes classes dans larévolution démocratique. À partir de 1927, il setransforma en son contraire en devenant un blocréactionnaire des propriétaires fonciers et de lagrande bourgeoisie. Après l'Incident de Xi'an20

en décembre 1936, un nouveau changementcommença à se produire en son sein, dans lesens de la cessation de la guerre civile et del'alliance avec le Parti communiste pour unelutte commune contre l'impérialisme japonais.Telles sont les particularités du Guomindang àces trois étapes. Leur apparition a eu, bienentendu, des causes multiples. Prenonsmaintenant l'autre aspect : le Parti communistechinois. Dans la période du premier front uni, ilétait encore fort jeune ; il dirigeacourageusement la révolution de 1924-1927, maismontra son manque de maturité dans la façondont il comprit le caractère, les tâches et lesméthodes de la révolution, c'est pourquoi le

20 En 1956, l'Armée du Guomindang du Nord-Estcommandée par Zhang Xueliang et l'Armée duKuomintang du Nord-Ouest commandée par Yang Huzhengétaient cantonnées à Xi'an et dans les régions voisines ;elles avaient pour tâche d'attaquer l'Armée rouge chinoise,qui était arrivée dans le nord du Chensi. Influencées parl'Armée rouge et le mouvement antijaponais du peuple,elles approuvèrent le front uni national contre le Japon,proposé par le Parti communiste chinois, et demandèrent àJiang Jieshi de s'allier avec le Parti communiste pourrésister au Japon. Jiang Jieshi refusa cette demande, semontra plus actif encore dans ses préparatifs militairespour l'« extermination des communistes » et massacra àSian la jeunesse antijaponaise. Zhang Xueliang et YangHuzheng, agissant de concert, se saisirent de Jiang Jieshi.Ce fut le fameux Incident de Xi'an du 12 décembre 1936.Jiang Jieshi fut forcé d'accepter les conditions suivantes :alliance avec le Parti communiste et résistance au Japon ;puis il fut relâché et retourna à Nanjing.

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chenduxiuisme21, qui était apparu dans ladernière période de cette révolution, eut lapossibilité d'y exercer son action et conduisit larévolution à la défaite. À partir de 1927, leParti communiste dirigea courageusement laGuerre révolutionnaire agraire, créa une arméerévolutionnaire et des bases révolutionnaires,mais commit des erreurs de caractèreaventuriste, à la suite de quoi l'armée et lesbases d'appui subirent de grosses pertes. Depuis1935, il a surmonté ces erreurs et dirige lenouveau front uni pour la résistance au Japon ;cette grande lutte est en train de se développer.À l'étape présente, le Parti communiste est unparti qui a déjà subi l'épreuve de deuxrévolutions et qui possède une riche expérience.Telles sont les particularités du Particommuniste chinois à ces trois étapes. Leurapparition a eu également des causes multiples.Faute d'étudier les particularités duGuomindang et du Parti communiste, il estimpossible de comprendre les relationsspécifiques entre les deux partis aux diversesétapes de leur développement : création d'unfront uni, rupture de ce front, création d'unnouveau front uni. Mais pour étudier cesdiverses particularités, il est encore plusindispensable d'étudier la base de classe desdeux partis et les contradictions qui en résultent

21 Chen Duxiu était un démocrate radical à l'époque duMouvement du 4 Mai. Ayant subi par la suite l'influencede la Révolution socialiste d'Octobre, il devint l'un desfondateurs du Parti communiste chinois. Pendant les sixpremières années du Parti, il resta le principal dirigeant duComité central. Il était depuis longtemps fortementimprégné d'idées déviationnistes de droite, lesquellesdégénérèrent en une ligne capitulationniste pendant ladernière période de la révolution de 1924-1927. À cetteépoque, les capitulationnistes représentés par Chen Duxiu« abandonnèrent volontairement la direction des massespaysannes, de la petite bourgeoisie urbaine, de la moyennebourgeoisie et, en particulier, des forces armées, ce quientraîna la défaite de la révolution » (« La Situationactuelle et nos tâches », Œuvres choisies de Mao Zedong,tome IV). Après la défaite de la révolution en 1927, ChenDuxiu et une poignée d'autres capitulationnistes cédèrentau pessimisme, perdirent confiance dans l'avenir de larévolution et devinrent des liquidationnistes. Ils adoptèrentla position réactionnaire trotskiste et formèrent avec lestrotskistes un groupuscule antiparti. En conséquence, ChenDuxiu fut expulsé du Parti en novembre 1929. Il mourutde maladie en 1942.

dans différentes périodes entre chacun de cespartis et les autres forces. Par exemple, dans lapériode de sa première alliance avec le Particommuniste, le Guomindang se trouvait encontradiction avec les impérialistes étrangers, cequi l'amena à s'opposer à l'impérialisme ;d'autre part, il se trouvait en contradiction avecles masses populaires à l'intérieur du pays– bien qu'en paroles il fît toutes sortes depromesses mirifiques aux travailleurs, il ne leuraccordait en fait que très peu de choses, voirerien du tout. Au cours de sa guerreanticommuniste, il collabora avec l'impérialismeet le féodalisme pour s'opposer aux massespopulaires, supprima d'un trait de plume tousles droits que celles-ci avaient conquis pendantla révolution, rendant ainsi plus aigües sescontradictions avec les masses populaires. Dansla période actuelle de résistance au Japon, il abesoin, en raison de ses contradictions avecl'impérialisme japonais, de s'allier avec le Particommuniste, sans toutefois mettre un frein ni àsa lutte contre le Parti communiste et le peupleni à l'oppression qu'il exerce sur eux. Quant auParti communiste, il a toujours été, dansn'importe quelle période, aux côtés des massespopulaires pour lutter contre l'impérialisme et leféodalisme ; mais dans la période actuelle derésistance au Japon, il a adopté une politiquemodérée à l'égard du Guomindang et des forcesféodales du pays, étant donné que leGuomindang s'est prononcé pour la résistanceau Japon. Ces circonstances ont donné lieutantôt à une alliance tantôt à une lutte entre lesdeux partis, ceux-ci étant, d'ailleurs, même enpériode d'alliance, dans une situation complexeà la fois d'alliance et de lutte. Si nousn'étudions pas les particularités de ces aspectscontradictoires, nous ne pourrons comprendre niles rapports respectifs des deux partis avec lesautres forces, ni les relations entre les deuxpartis eux-mêmes.

Il s'ensuit que lorsque nous étudions lecaractère spécifique de n'importe quellecontradiction – la contradiction propre à chaqueforme de mouvement de la matière, la

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contradiction propre à chaque forme demouvement dans chacun de ses processus dedéveloppement, les deux aspects de lacontradiction dans chaque processus dedéveloppement, la contradiction à chaque étaped'un processus de développement, et les deuxaspects de la contradiction à chacune de cesétapes – bref, lorsque nous étudions le caractèrespécifique de toutes ces contradictions, nous nedevons pas nous montrer subjectifs etarbitraires, mais en faire une analyse concrète.Sans analyse concrète, impossible de connaîtrele caractère spécifique de quelque contradictionque ce soit. Nous devons toujours nous rappelerles paroles de Lénine : analyse concrète d'unesituation concrète.

Marx et Engels ont été les premiers à nousdonner de magnifiques exemples de ce genred'analyse concrète.

Lorsque Marx et Engels ont appliqué la loi dela contradiction inhérente aux choses et auxphénomènes à l'étude du processus de l'histoirede la société, ils ont découvert la contradictionexistant entre les forces productives et lesrapports de production, la contradiction entre laclasse des exploiteurs et celle des exploités, ainsique la contradiction qui en résulte entre la baseéconomique et sa superstructure (politique,idéologie, etc.) ; et ils ont découvert commentces contradictions engendrent inévitablementdifférentes sortes de révolutions sociales dansdifférentes sortes de sociétés de classes.

Lorsque Marx a appliqué cette loi à l'étudede la structure économique de la sociétécapitaliste, il a découvert que la contradictionfondamentale de cette société, c'est lacontradiction entre le caractère social de laproduction et le caractère privé de la propriété.Cette contradiction se manifeste par lacontradiction entre le caractère organisé de laproduction dans les entreprises isolées et lecaractère inorganisé de la production à l'échellede la société tout entière. Et dans les rapportsde classes, elle se manifeste dans lacontradiction entre la bourgeoisie et le

prolétariat.

Comme les choses et les phénomènes sontd'une prodigieuse diversité et qu'il n'y a aucunelimite à leur développement, ce qui est universeldans tel contexte peut devenir particulier dansun autre. Inversement, ce qui est particulierdans tel contexte peut devenir universel dans unautre. La contradiction dans le régimecapitaliste entre le caractère social de laproduction et la propriété privée des moyens deproduction est commune à tous les pays oùexiste et se développe le capitalisme ; pour lecapitalisme, cela constitue l'universalité de lacontradiction. Mais cette contradiction ducapitalisme appartient seulement à une étapehistorique déterminée du développement de lasociété de classes en général, et, du point de vuede la contradiction entre les forces productiveset les rapports de production dans la société declasses en général, cela constitue le caractèrespécifique de la contradiction. Or, en dégageantle caractère spécifique de toutes lescontradictions de la société capitaliste, Marx aélucidé d'une manière encore plus approfondie,plus totale, plus complète l'universalité de lacontradiction entre les forces productives et lesrapports de production dans la société de classesen général.

L'unité du spécifique et de l'universel, laprésence dans chaque chose de ce que lacontradiction a d'universel aussi bien que de cequ'elle a de spécifique, l'universel existant dansle spécifique, nous obligent, quand nousétudions une chose déterminée, à découvrir lespécifique et l'universel ainsi que leur liaisonmutuelle, à découvrir le spécifique et l'universelau sein de la chose elle-même ainsi que leurliaison mutuelle, à découvrir la liaison que cettechose entretient avec les nombreuses autreschoses, extérieures à elle. En dégageant lesracines historiques du léninisme, Staline analyse,dans son célèbre ouvrage Des principes duléninisme, la situation internationale qui adonné naissance au léninisme, il analyse lescontradictions du capitalisme qui ont atteint unpoint extrême dans les conditions de

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l'impérialisme, il montre comment cescontradictions ont fait de la révolutionprolétarienne une question d'activité pratiqueimmédiate et ont créé les conditions favorables àun assaut direct contre le capitalisme. De plus,il analyse les raisons pour lesquelles la Russieest devenue le foyer du léninisme, expliquantpourquoi la Russie tsariste fut alors le pointcrucial de toutes les contradictions del'impérialisme et pourquoi c'est justement leprolétariat russe qui a pu devenir l'avant-gardedu prolétariat révolutionnaire international.Ainsi, Staline a analysé l'universalité de lacontradiction propre à l'impérialisme, montrantque le léninisme est le marxisme de l'époque del'impérialisme et de la révolution prolétarienne ;mais il a aussi analysé le caractère spécifique del'impérialisme de la Russie tsariste dans cettecontradiction générale, montrant que la Russieest devenue la patrie de la théorie et de latactique de la révolution prolétarienne et que cecaractère spécifique contenait en luil'universalité de la contradiction. L'analyse deStaline est pour nous un modèle de laconnaissance du caractère spécifique et del'universalité de la contradiction ainsi que deleur liaison mutuelle.

En traitant la question de l'emploi de ladialectique dans l'étude des phénomènesobjectifs, Marx et Engels, et également Lénineet Staline, ont toujours indiqué qu'il faut segarder de tout subjectivisme et de toutarbitraire, qu'il faut partir des conditionsconcrètes du mouvement réel objectif pourdécouvrir dans ces phénomènes lescontradictions concrètes, la situation concrète dechaque aspect de la contradiction et le rapportmutuel concret des contradictions. Nosdogmatiques n'ont pas cette attitude clansl'étude, aussi ne se font-ils jamais une idée justed'une chose. Nous devons tirer la leçon de leuréchec et parvenir à acquérir cette attitude, laseule qui soit correcte dans l'étude.

La relation entre l'universalité et le caractèrespécifique de la contradiction, c'est la relationentre le général et le particulier. Le général

réside dans le fait que les contradictions existentdans tous les processus et pénètrent tous lesprocessus, du début à la fin ; mouvement, chose,processus, pensée – tout est contradiction. Nierla contradiction dans les choses et lesphénomènes, c'est tout nier. C'est là une véritéuniverselle, valable pour tous les temps et tousles pays sans exception. C'est pourquoi lacontradiction est générale, absolue. Toutefois, cegénéral n'existe que dans le particulier ; sansparticulier, point de général. Si tout particulieren est exclu, que reste-t-il du général ? C'est lefait que chaque contradiction a son caractèrespécifique propre qui donne naissance auparticulier. Tout élément particulier estconditionné, passager et partant relatif.

Cette vérité concernant le général et leparticulier, l'absolu et le relatif, est laquintessence de la question des contradictionsinhérentes aux choses et aux phénomènes ; nepas comprendre cette vérité, c'est se refuser à ladialectique.

4. La contradiction principaleet l'aspect principal de la contradiction

Dans la question du caractère spécifique de lacontradiction, il reste deux éléments quirequièrent une analyse particulière, à savoir lacontradiction principale et l'aspect principal dela contradiction.

Dans un processus de développementcomplexe d'une chose ou d'un phénomène, ilexiste toute une série de contradictions ; l'uned'elles est nécessairement la contradictionprincipale, dont l'existence et le développementdéterminent l'existence et le développement desautres contradictions ou agissent sur eux.

Ainsi, dans la société capitaliste, les deuxforces en contradiction, le prolétariat et labourgeoisie, forment la contradiction principale ;les autres contradictions, comme par exemple lacontradiction entre les restes de la classe féodaleet la bourgeoisie, la contradiction entre la petitebourgeoisie paysanne et la bourgeoisie, lacontradiction entre le prolétariat et la petite

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bourgeoisie paysanne, la contradiction entre labourgeoisie libérale et la bourgeoisiemonopoliste, la contradiction entre ladémocratie et le fascisme au sein de labourgeoisie, les contradictions entre les payscapitalistes et les contradictions entrel'impérialisme et les colonies, sont toutesdéterminées par la contradiction principale ousoumises à son action.

Dans un pays semi-colonial tel que la Chine,la relation entre la contradiction principale etles contradictions secondaires forme un tableaucomplexe.

Quand l'impérialisme lance une guerred'agression contre un tel pays, les diversesclasses de ce pays, à l'exception d'un petitnombre de traîtres à la nation, peuvent s'unirtemporairement dans une guerre nationalecontre l'impérialisme. La contradiction entrel'impérialisme et le pays considéré devient alorsla contradiction principale et toutes lescontradictions entre les diverses classes àl'intérieur du pays (y compris la contradiction,qui était la principale, entre le régime féodal etles masses populaires) passent temporairementau second plan et à une position subordonnée.Tel est le cas en Chine dans la Guerre del'Opium de 184022, la Guerre sino-japonaise deI89423, la Guerre des Yihetuan en 1900 et

22 Pendant plusieurs décennies, à partir de la fin du XVIII e

siècle, la Grande-Bretagne fit entrer en Chine de l'opiumen quantité de plus en plus importante. L'opium importéintoxiquait dangereusement le peuple chinois et drainait lamonnaie d'argent de la Chine. Des protestations s'élevèrentdans tout le pays. En 1840, sous prétexte de protéger soncommerce, la Grande-Bretagne envoya des troupes quienvahirent la Chine. Les troupes chinoises, sous la conduitede Lin Zexu, résistèrent, tandis que le peuple de Cantonorganisait spontanément des « Corps de répressionantianglais » qui portèrent des coups sévères auxenvahisseurs. Néanmoins, en 1842, le gouvernementcorrompu des Qing conclut avec les agresseurs anglais le« Traité de Nanjing » aux termes duquel la Chine dutpayer des indemnités et céder Xianggang [Hong-Kong] à laGrande-Bretagne, et de plus ouvrir à son commerce lesports de Shanghaï, de Fuzhou, d'Amoy, de Ningpo et deGuangzhou [Canton], et fixer conjointement avec elle lestarifs douaniers pour toutes les marchandises qu'elleintroduirait en Chine.

23 Guerre d'agression déclenchée par l'impérialisme japonaiscontre la Corée et la Chine. La grande masse des soldats et

l'actuelle guerre sino-japonaise.

Néanmoins, dans d'autres circonstances, lescontradictions se déplacent. Lorsquel'impérialisme n'a pas recours à la guerrecomme moyen d'oppression, mais utilise dans lesdomaines politique, économique et culturel desformes d'oppression plus modérées, la classedominante du pays semi-colonial capitule devantl'impérialisme ; il se forme alors entre eux unealliance pour opprimer ensemble les massespopulaires. À ce moment, les masses populairesrecourent le plus souvent à la guerre civile pourlutter contre l'alliance des impérialistes et de laclasse féodale ; quant à l'impérialisme, au lieud'avoir recours à une action directe, il usesouvent de moyens détournés en aidant lesréactionnaires du pays semi-colonial à opprimerle peuple, d'où l'acuité particulière descontradictions internes. C'est ce qui est arrivéen Chine pendant la guerre révolutionnaire de1911, la guerre révolutionnaire de 1924-1927, laGuerre révolutionnaire agraire commencée en1927 et poursuivie dix ans durant. Les guerresintestines entre les différents groupesréactionnaires au pouvoir dans les pays semi-coloniaux, comme celles que les seigneurs deguerre se sont faites en Chine, appartiennent àla même catégorie.

Lorsque la guerre civile révolutionnaire prendune envergure telle qu'elle menace l'existencemême de l'impérialisme et de ses laquais, lesréactionnaires de l'intérieur, l'impérialisme afréquemment recours, pour maintenir sadomination, à d'autres moyens encore : ou bienil cherche à diviser le front révolutionnaire, oubien il envoie directement ses troupes au secoursde la réaction intérieure. À ce moment,l'impérialisme étranger et la réaction intérieurese placent tout à fait ouvertement à un pôle, etles masses populaires, à l'autre pôle, formantainsi la contradiction principale qui détermine le

un certain nombre de généraux patriotes chinois sebattirent héroïquement. Mais comme le gouvernementcorrompu des Qing ne s'était nullement préparé à résisterà l'agression, la Chine fut défaite. En 1895, legouvernement des Qing conclut avec le Japon l'humiliant« Traité de Shimonoseki ».

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développement des autres contradictions ou agitsur lui. L'aide apportée par différents payscapitalistes aux réactionnaires de Russie après laRévolution d'Octobre est un exemple d'une telleintervention armée. La trahison de Jiang Jieshien 1927 est un exemple de rupture du frontrévolutionnaire.

En tout cas, il ne fait absolument aucundoute qu'à chacune des étapes dedéveloppement du processus il n'existe qu'unecontradiction principale, qui joue le rôledirigeant.

Il apparaît donc que si un processuscomporte plusieurs contradictions il y en anécessairement une qui est la principale et quijoue le rôle dirigeant, déterminant, alors que lesautres n'occupent qu'une position secondaire,subordonnée. Par conséquent, dans l'étude detout processus complexe où il existe deuxcontradictions ou davantage, nous devons nousefforcer de trouver la contradiction principale.Lorsque celle-ci est trouvée, tous les problèmesse résolvent aisément. Telle est la méthode quenous enseigne Marx dans son étude de la sociétécapitaliste. C'est aussi cette méthode que nousenseignent Lénine et Staline dans leur étude del'impérialisme et de la crise générale ducapitalisme, dans leur étude de l'économie del'Union soviétique. Des milliers de savants etd'hommes d'action ne comprennent pas cetteméthode ; le résultat, c'est que, perdus dans lebrouillard, ils sont incapables d'aller au cœur duproblème et de ce fait ne peuvent trouver laméthode pour résoudre les contradictions.

Nous avons déjà dit plus haut qu'il ne fautpas traiter toutes les contradictions dans unprocessus comme si elles étaient égales, qu'il estnécessaire d'y distinguer la contradictionprincipale des contradictions secondaires etd'être particulièrement attentif à saisir lacontradiction principale. Mais dans lesdifférentes contradictions, qu'il s'agisse de lacontradiction principale ou des contradictionssecondaires, peut-on aborder les deux aspectscontradictoires en les considérant comme

égaux ? Non, pas davantage. Dans toutecontradiction, les aspects contradictoires sedéveloppent d'une manière inégale. Il semblequ'il y ait parfois équilibre entre eux, mais cen'est là qu'un état passager et relatif ; lasituation fondamentale, c'est le développementinégal. Des deux aspects contradictoires, l'un estnécessairement principal, l'autre secondaire. Leprincipal, c'est celui qui joue le rôle dominantdans la contradiction. Le caractère des choses etdes phénomènes est surtout déterminé par cetaspect principal de la contradiction, lequeloccupe la position dominante.

Mais cette situation n'est pas statique ;l'aspect principal et l'aspect secondaire de lacontradiction se convertissent l'un en l'autre etle caractère des phénomènes change enconséquence. Si, dans un processus déterminé ouà une étape déterminée du développement de lacontradiction, l'aspect principal est A et l'aspectsecondaire B, à une autre étape ou dans unautre processus du développement, les rôles sontrenversés ; ce changement est fonction du degréde croissance ou de décroissance atteint par laforce de chaque aspect dans sa lutte contrel'autre au cours du développement duphénomène.

Nous parlons souvent du « remplacement del'ancien par le nouveau ». Telle est la loigénérale et imprescriptible de l'univers. Latransformation d'un phénomène en un autre pardes bonds dont les formes varient selon lecaractère du phénomène lui-même et lesconditions dans lesquelles il se trouve, tel est leprocessus de remplacement de l'ancien par lenouveau. Dans tout phénomène, il existe unecontradiction entre le nouveau et l'ancien, ce quiengendre une série de luttes au cours sinueux. Ilrésulte de ces luttes que le nouveau grandit ets'élève au rôle dominant ; l'ancien, par contre,décroît et finit par dépérir. Et dès que lenouveau l'emporte sur l'ancien, l'ancienphénomène se transforme qualitativement en unnouveau phénomène. Il ressort de là que laqualité d'une chose ou d'un phénomène estsurtout déterminée par l'aspect principal de la

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contradiction, lequel occupe la positiondominante. Lorsque l'aspect principal de lacontradiction, l'aspect dont la position estdominante, change, la qualité du phénomènesubit un changement correspondant.

Le capitalisme, qui occupait dans l'anciennesociété féodale une position subordonnée,devient la force dominante dans la sociétécapitaliste ; le caractère de la société subit unetransformation correspondante : de féodale, elledevient capitaliste. Quant à la féodalité, deforce dominante qu'elle était dans le passé, elledevient, à l'époque de la nouvelle sociétécapitaliste, une force subordonnée qui dépéritprogressivement. C'est ce qui s'est passé, parexemple, en Angleterre et en France. Avec ledéveloppement des forces productives, labourgeoisie elle-même, de classe nouvelle, jouantun rôle progressif, devient une classe ancienne,jouant un rôle réactionnaire, et, finalement, elleest renversée par le prolétariat et devient uneclasse dépossédée du droit à la propriété privéedes moyens de production, déchue de sonpouvoir et qui disparaîtra avec le temps. Leprolétariat, qui est de loin supérieur en nombreà la bourgeoisie et a grandi en même tempsqu'elle, mais se trouve sous sa domination,constitue une force nouvelle ; occupant, dans lapériode initiale, une position dépendante parrapport à la bourgeoisie, il se renforceprogressivement, se transforme en une classeindépendante, jouant le rôle dirigeant dansl'histoire, et finalement s'empare du pouvoir etdevient la classe dominante. De ce fait, lecaractère de la société change – l'anciennesociété, capitaliste, devient une nouvelle société,socialiste. Tel est le chemin déjà parcouru parl'Union soviétique et que suivrontinévitablement tous les autres pays.

Voyons la situation de la Chine. Dans lacontradiction où la Chine s'est trouvée réduite àl'état de semi-colonie, l'impérialisme occupe laposition principale et opprime le peuple chinois,alors que la Chine, de pays indépendant, estdevenue une semi-colonie. Mais la situation semodifiera inévitablement ; dans la lutte entre les

deux parties, la force du peuple chinois, forcequi grandit sous la direction du prolétariat,transformera inévitablement la Chine de semi-colonie en pays indépendant, alors quel'impérialisme sera renversé et la vieille Chinetransformée inévitablement en une Chinenouvelle.

La transformation de la vieille Chine en uneChine nouvelle implique aussi unetransformation dans les rapports entre les forcesanciennes, féodales, et les forces nouvelles,populaires. La vieille classe féodale despropriétaires fonciers sera renversée ; de classedominante, elle deviendra classe dominée etdépérira progressivement. Quant au peuple,maintenant dominé, il accédera, sous ladirection du prolétariat, à une positiondominante. De ce fait, le caractère de la sociétéchinoise se modifiera, la vieille société, semi-coloniale et semi-féodale, deviendra une sociéténouvelle, démocratique.

De semblables transformations se sont déjàproduites dans le passé. La dynastie des Qing,qui avait régné en Chine pendant près de troiscents ans, a été renversée lors de la Révolutionde 1911, et le Tongmenghui24 dirigé par SunYixian a remporté à un moment donné lavictoire. Dans la guerre révolutionnaire de 1924-1927, les forces révolutionnaires du Sud, nées del'alliance entre le Parti communiste et leGuomindang, de faibles sont devenuespuissantes et ont remporté la victoire dansl'Expédition du Nord, alors que les seigneurs deguerre du Beiyang, qui avaient été un temps lesmaîtres du pays, furent renversés. En 1927, lesforces populaires, dirigées par le Parti

24 En 1905, Sun Yixian forma le Tongmenghui (Liguerévolutionnaire) avec le Xingzhonghui (Association pour laRégénération de la Chine) pour base et deux autresorganisations opposées au régime des Qing – leHuahxinghui (Association pour la Renaissance chinoise) etle Guangfuhui (Association pour le Rétablissement de laChine). C'est un parti révolutionnaire bourgeois qui avaitpour programme politique « L'expulsion des Tatars [desMandchous], le relèvement de la Chine, la fondation d'unerépublique et l'égalisation du droit à la propriété de laterre ». Réorganisé après la Révolution de 1911, ce partidevint le Guomindang.

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communiste, ont beaucoup diminué sous lescoups des réactionnaires du Guomindang, mais,après avoir épuré leurs rangs de l'opportunisme,elles ont grandi progressivement. Dans les basesrévolutionnaires, dirigées par le Particommuniste, les paysans asservis sont devenusles maîtres, alors que les propriétaires fonciersont subi une transformation inverse. Il en atoujours été ainsi dans le monde : le nouveauchasse l'ancien, le nouveau se substitue àl'ancien, l'ancien s'élimine pour donner lenouveau, le nouveau émerge de l'ancien.

À certains moments de la lutterévolutionnaire, les difficultés l'emportent surles conditions favorables ; en ce cas, lesdifficultés constituent l'aspect principal de lacontradiction et les conditions favorablesl'aspect secondaire. Néanmoins, lesrévolutionnaires réussissent par leurs efforts àsurmonter progressivement les difficultés, à créerdes conditions nouvelles, favorables ; alors lasituation défavorable cède la place à unesituation favorable. C'est ce qui s'est passé enChine après la défaite de la révolution en 1927et pendant la Longue Marche de l'Armée rouge.Et dans la guerre sino-japonaise actuelle, laChine se trouve de nouveau dans une situationdifficile, mais nous pouvons la changer ettransformer radicalement la situation respectivede la Chine et du Japon. Inversement, lesconditions favorables peuvent se transformer endifficultés si les révolutionnaires commettent deserreurs. La victoire remportée au cours de larévolution de 1924-1927 est devenue une défaite.Les bases révolutionnaires créées depuis 1927dans les provinces méridionales ont toutes connula défaite en 1934.

Il en va de même dans notre étude, en ce quiconcerne la contradiction dans le passage del'ignorance à la connaissance. Tout au début denotre étude du marxisme, il existe unecontradiction entre notre ignorance ou notreconnaissance limitée du marxisme et laconnaissance du marxisme. Toutefois, en nousappliquant, nous parviendrons à transformercette ignorance en connaissance, cette

connaissance limitée en connaissance profonde,l'application à l'aveugle du marxisme en uneapplication faite avec maîtrise.

D'aucuns pensent qu'il n'en est pas ainsipour certaines contradictions. Selon eux, parexemple, dans la contradiction entre les forcesproductives et les rapports de production,l'aspect principal est constitué par les forcesproductives ; dans la contradiction entre lathéorie et la pratique, l'aspect principal estconstitué par la pratique ; dans la contradictionentre la base économique et la superstructure,l'aspect principal est représenté par la baseéconomique ; les positions respectives desaspects ne se convertissent pas l'une en l'autre.Cette conception est celle du matérialismemécaniste et non du matérialisme dialectique.Certes, les forces productives, la pratique et labase économique jouent en général le rôleprincipal, décisif, et quiconque le nie n'est pasun matérialiste ; mais il faut reconnaître quedans des conditions déterminées, les rapports deproduction, la théorie et la superstructurepeuvent, à leur tour, jouer le rôle principal,décisif. Lorsque, faute de modification dans lesrapports de production, les forces productivesne peuvent plus se développer, la modificationdes rapports de production joue le rôleprincipal, décisif. Lorsqu'on est dans le cas dontparle Lénine : « Sans théorie révolutionnaire,pas de mouvement révolutionnaire », la créationet la propagation de la théorie révolutionnairejouent le rôle principal, décisif. Lorsqu'on a àaccomplir une tâche (peu importe laquelle), etqu'on n'a pas encore fixé une orientation, uneméthode, un plan ou une politique, ce qu'il y ade principal, de décisif, c'est de définir uneorientation, une méthode, un plan ou unepolitique. Lorsque la superstructure (politique,culture, etc.) entrave le développement de labase économique, les transformations politiqueset culturelles deviennent la chose principale,décisive. Allons-nous à l'encontre dumatérialisme en disant cela ? Non, car tout enreconnaissant que dans le cours général dudéveloppement historique le matériel détermine

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Les classiques du matérialisme dialectique

le spirituel, l'être social détermine la consciencesociale, nous reconnaissons et devonsreconnaître l'action en retour du spirituel sur lematériel, de la conscience sociale sur l'êtresocial, de la superstructure sur la baseéconomique. Ce faisant, nous ne contredisonspas le matérialisme, mais, évitant de tomberdans le matérialisme mécaniste, nous nous entenons fermement au matérialisme dialectique.

Si, dans l'étude du caractère spécifique de lacontradiction, nous ne considérons pas les deuxsituations qui s'y présentent – la contradictionprincipale et les contradictions secondaires d'unprocessus ainsi que l'aspect principal et l'aspectsecondaire de la contradiction –, c'est-à-dire sinous ne considérons pas le caractère distinctif deces deux situations dans la contradiction, noustombons dans l'abstraction et ne pouvonscomprendre concrètement où en est cettecontradiction, ni par conséquent découvrir laméthode correcte pour la résoudre. Le caractèredistinctif, ou le caractère spécifique, de ces deuxsituations représente l'inégalité des forces encontradiction. Rien au monde ne se développed'une manière absolument égale, et nous devonscombattre la théorie du développement égal oula théorie de l'équilibre. Et c'est dans cessituations concrètes des contradictions et dansles changements auxquels sont soumis l'aspectprincipal et l'aspect secondaire de lacontradiction dans le processus dedéveloppement que se manifeste précisément laforce du nouveau qui vient remplacer l'ancien.L'étude des différents états d'inégalité dans lescontradictions, de la contradiction principale etdes contradictions secondaires, de l'aspectprincipal et de l'aspect secondaire de lacontradiction, est une méthode importante dontse sert un parti révolutionnaire pour déterminercorrectement sa stratégie et sa tactique enmatière politique et militaire ; elle doit retenirl'attention de tous les communistes.

5. L'identité et la luttedes aspects de la contradiction

Après avoir élucidé le problème de

l'universalité et du caractère spécifique de lacontradiction, nous devons passer à l'étude de laquestion de l'identité et de la lutte des aspectsde la contradiction.

L'identité, l'unité, la coïncidence,l'interpénétration, l'imprégnation réciproque,l'interdépendance (ou bien le conditionnementmutuel), la liaison réciproque ou la coopérationmutuelle – tous ces termes ont la mêmesignification et se rapportent aux deux pointssuivants : premièrement, chacun des deuxaspects d'une contradiction dans le processus dedéveloppement d'une chose ou d'un phénomèneprésuppose l'existence de l'autre aspect qui estson contraire, tous deux coexistant dans l'unité ;deuxièmement, chacun des deux aspectscontradictoires tend à se transformer en soncontraire dans des conditions déterminées. C'estce qu'on appelle l'identité.

Lénine dit :

« La dialectique est la théorie qui montrecomment les contraires peuvent être et sonthabituellement (et deviennent) identiques – dansquelles conditions ils sont identiques en seconvertissant l'un en l'autre –, pourquoil'entendement humain ne doit pas prendre cescontraires pour morts, pétrifiés, mais pourvivants, conditionnés, mobiles, se convertissantl'un en l'autre. »25

Que signifie ce passage de Lénine ?

Les aspects contradictoires dans tousprocessus s'excluent l'un l'autre, sont en luttel'un contre l'autre et s'opposent l'un à l'autre.Dans le processus de développement de toutechose comme dans la pensée humaine, il y a deces aspects contradictoires, et cela sansexception. Un processus simple ne renfermequ'une seule paire de contraires, alors qu'unprocessus complexe en contient davantage. Etces paires de contraires, à leur tour, entrent encontradiction entre elles. C'est ainsi que sontconstituées toutes les choses du monde objectif

25 Lénine : Notes sur La Science de la logique de Hegel, livrepremier, première section : « La détermination (qualité) »dans « Résumé de La Science de la logique de Hegel ».

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Mao Zedong – De la contradiction

et toutes les pensées humaines, c'est ainsiqu'elles sont mises en mouvement.

Puisqu'il en est ainsi, les contraires sont loind'être à l'état d'identité et d'unité ; pourquoiparlons-nous alors de leur identité et de leurunité ?

C'est que les aspects contradictoires nepeuvent exister isolément, l'un sans l'autre. Sil'un des deux aspects opposés, contradictoires,fait défaut, la condition d'existence de l'autreaspect disparaît aussi. Réfléchissez : l'unquelconque des deux aspects contradictoiresd'une chose ou d'un concept né dans l'esprit deshommes peut-il exister indépendamment del'autre ? Sans vie, pas de mort ; sans mort, pasde vie. Sans haut, pas de bas ; sans bas, pas dehaut. Sans malheur, pas de bonheur ; sansbonheur, pas de malheur. Sans facile, pas dedifficile ; sans difficile, pas de facile. Sanspropriétaire foncier, pas de fermier ; sansfermier, pas de propriétaire foncier. Sansbourgeoisie, pas de prolétariat ; sans prolétariat,pas de bourgeoisie. Sans oppression nationalepar l'impérialisme, pas de colonies et de semi-colonies ; sans colonies et semi-colonies, pasd'oppression nationale par l'impérialisme. Il enva ainsi pour tous les contraires ; dans desconditions déterminées, ils s'opposent d'une partl'un à l'autre et, d'autre part, sont liésmutuellement, s'imprègnent réciproquement,s'interpénètrent et dépendent l'un de l'autre ;c'est ce caractère qu'on appelle l'identité. Tousles aspects contradictoires possèdent, dans desconditions déterminées, le caractère de la non-identité, c'est pourquoi on les appelle contraires.Mais il existe aussi entre eux une identité etc'est pourquoi ils sont liés mutuellement. C'estce qu'entend Lénine lorsqu'il dit que ladialectique étudie « comment les contrairespeuvent être... identiques ». Comment peuvent-ils l'être ? Parce que chacun d'eux est lacondition d'existence de l'autre. Tel est lepremier sens de l'identité.

Mais est-il suffisant de dire que l'un des deuxaspects de la contradiction est la condition

d'existence de l'autre, qu'il y a identité entreeux et que, par conséquent, ils coexistent dansl'unité ? Non, cela ne suffit pas. La question nese limite pas au fait que les deux aspects de lacontradiction se conditionnent mutuellement ; cequi est encore plus important, c'est qu'ils seconvertissent l'un en l'autre. Autrement dit,chacun des deux aspects contradictoires d'unphénomène tend à se transformer, dans desconditions déterminées, en son opposé, àprendre la position qu'occupé son contraire. Telest le second sens de l'identité des contraires.

Pourquoi y a-t-il là aussi une identité ?Voyez : par la révolution, le prolétariat, declasse dominée, se transforme en classedominante, et la bourgeoisie qui dominaitjusqu'alors se transforme en classe dominée,chacun prenant la place qu'occupait sonadversaire. Cela s'est déjà accompli en Unionsoviétique, et cela s'accomplira également dansle monde entier. S'il n'existait entre cescontraires ni lien, ni identité dans des conditionsdéterminées, comment de tels changementspourraient-ils se produire ?

Le Guomindang, qui joua à une étapedéterminée de l'histoire moderne de la Chine uncertain rôle positif, se transforma à partir de1927 en un parti de la contre-révolution parsuite de sa nature de classe et des promessesalléchantes de l'impérialisme (ce sont desconditions), mais il se vit contraint de seprononcer pour la résistance au Japon en raisonde l'approfondissement des contradictions sino-japonaises et de la politique de front uniappliquée par le Parti communiste (ce sontd'autres conditions). Entre des contraires setransformant l'un en l'autre, il existe donc uneidentité déterminée.

Notre révolution agraire a connu et connaîtrale processus suivant : la classe des propriétairesfonciers qui possède la terre se transforme enune classe dépossédée de sa terre et les paysansdépossédés de leur terre deviennent de petitspropriétaires ayant reçu de la terre. Lapossession et la dépossession, l'acquisition et la

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perte sont mutuellement liées dans desconditions déterminées, et il existe entre ellesune identité. Dans les conditions du socialisme,la propriété privée des paysans, à son tour, setransformera en propriété sociale dansl'agriculture socialiste ; cela s'est déjà accomplien Union soviétique, et cela s'accompliraégalement dans le monde entier. Il existe unpont menant de la propriété privée à lapropriété sociale ; en philosophie, cela s'appelleidentité, ou transformation réciproque,interpénétration.

Renforcer la dictature du prolétariat ou ladictature du peuple, c'est préparer lesconditions pour mettre fin à cette dictature etpasser à un stade supérieur où l'État en tantque tel disparaîtra. Fonder le parti communisteet le développer, c'est préparer les conditionspour supprimer le parti communiste et tous lespartis politiques. Créer une arméerévolutionnaire dirigée par le parti communiste,entreprendre une guerre révolutionnaire, c'estpréparer les conditions pour en finir à jamaisavec la guerre. Nous avons là toute une série decontraires qui cependant se complètent l'unl'autre.

La guerre et la paix, comme chacun le sait,se convertissent l'une en l'autre. La guerre estremplacée par la paix ; par exemple, la Premièreguerre mondiale se transforma en paix del'après-guerre ; actuellement, la guerre civile acessé en Chine et la paix s'est établie dans lepays. La paix est remplacée par la guerre ; en1927, par exemple, la coopération entre leGuomindang et le Parti communiste setransforma en guerre ; il est possible aussi quela paix actuelle dans le monde se transforme enun second conflit mondial. Pourquoi cela ?Parce que dans la société de classes, entre lesaspects contradictoires, telles la guerre et lapaix, il existe, dans des conditions déterminées,une identité.

Tous les contraires sont liés entre eux ; nonseulement ils coexistent dans l'unité dans desconditions déterminées, mais ils se convertissent

l'un en l'autre dans d'autres conditionsdéterminées, tel est le plein sens de l'identitédes contraires. C'est justement ce dont parleLénine : « […] comment les contraires […] sonthabituellement (et deviennent) identiques – dansquelles conditions ils sont identiques en seconvertissant l'un en l'autre […] »

« […] l'entendement humain ne doit pasprendre ces contraires pour morts, pétrifiés,mais pour vivants, conditionnés, mobiles, seconvertissant l'un en l'autre. » Pourquoi cela ?Parce que c'est justement ainsi que sont leschoses et les phénomènes dans la réalitéobjective. L'unité ou l'identité des aspectscontradictoires d'une chose ou d'un phénomènequi existe objectivement n'est jamais morte,pétrifiée, mais vivante, conditionnée, mobile,passagère, relative ; tout aspect contradictoirese convertit, dans des conditions déterminées, enson contraire. Et le reflet de cela dans la penséehumaine, c'est la conception marxiste,matérialiste-dialectique, du monde. Seules lesclasses dominantes réactionnaires d'hier etd'aujourd'hui, ainsi que les métaphysiciens quisont à leur service, considèrent les contrairesnon comme vivants, conditionnés, mobiles, seconvertissant l'un en l'autre, mais comme morts,pétrifiés, et ils propagent partout cette fausseconception pour égarer les masses populairesafin de pouvoir perpétuer leur domination. Latâche des communistes, c'est de dénoncer lesidées fallacieuses des réactionnaires et desmétaphysiciens, de propager la dialectiqueinhérente aux choses et aux phénomènes, decontribuer à la transformation des choses et desphénomènes, afin d'atteindre les objectifs de larévolution.

Lorsque nous disons que, dans des conditionsdéterminées, il y a identité des contraires, nousconsidérons que ces contraires sont réels etconcrets, et que la transformation de l'un enl'autre est également réelle et concrète. Si l'onprend les nombreuses transformations qu'ontrouve dans les mythes, par exemple dans lemythe de la poursuite du soleil par Guafu dans

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Shanhaijing26, le mythe de la destruction de neufsoleils sous les flèches du héros Yi27 dansHuainanzi, le mythe des 72 métamorphoses deSun Wukong dans Xi Youji28 ou celui de lamétamorphose des esprits et des renards enêtres humains dans Liaozhai zhiyi29, on constateque les conversions de contraires l'un en l'autren'y sont pas des transformations concrètesreflétant des contradictions concrètes ; ce sontdes transformations naïves, imaginaires, conçuessubjectivement par les hommes, elles leur ontété inspirées par les innombrables conversionsdes contraires, complexes et réelles. Marxdisait : « Toute mythologie maîtrise, domine lesforces de la nature dans le domaine del'imagination et par l'imagination et leur donneforme : elle disparaît donc quand ces forces sontdominées réellement. »30 Les récits desinnombrables métamorphoses qui figurent dansles mythes (et dans les contes pour enfants)peuvent nous enchanter en nous montrant entre

26 Shanhaijing (ou « Le Livre des montagnes et des mers »),œuvre de l'époque des Royaumes combattants (403-221 av.JC). Guafu est un être divin décrit dans Shanhaijing. On ydit : « Guafu poursuivit le soleil. Quand celui-ci disparut àl'horizon, il ressentit la soif et alla boire dans le Huang Heet le Wei He. Ces deux cours d'eau ne lui suffisant pas, ilcourut vers le nord pour se désaltérer au Grand Étang.Mais avant d'y arriver, il mourut de soif. Le bâton qu'illaissa devint la forêt Deng. »

27 Yi, héros légendaire de l'antiquité chinoise, célèbre pourson adresse au tir à l'arc. Selon une légende dansHuainanzi, ouvrage composé au IIe siècle av. JC, dix soleilsapparurent simultanément au temps de l'empereur Yao.Pour mettre fin aux dégâts causés à la végétation par leurchaleur torride, Yao ordonna à Yi de tirer contre les dixsoleils. Une autre légende, recueillie par Wang Yi (II e

siècle), dit que Yi abattit neuf des dix soleils.28 Xi Youji (« Le pélerinage en Occident » ou « Le singe

pélerin »), roman chinois fantastique du XVIe siècle. Lehéros du roman, Sun Wukong, est un singe divin, capabled'opérer sur lui-même 72 métamorphoses. Il pouvait, àvolonté, se transformer en oiseau, fauve, insecte, poisson,herbe, arbre, objets divers ou encore prendre la formehumaine.

29 Liaozhai zhiyi (ou « Contes étranges de la Chambre Sans-Souci »), recueil de contes composé au XVII e siècle sous ladynastie des Qing par Pou Songling sur la base deslégendes populaires qu'il avait recueillies. L'ouvragecontient 431 récits, dont la plupart ont trait à desfantômes, des femmes-renardes ou autres êtres surnaturels.

30 Karl Marx : « Introduction à la critique de l'économiepolitique » (1857-1858) dans Contribution à la critique del'économie politique.

autres les forces de la nature dominées parl'homme, les meilleurs des mythes possèdent un« charme éternel » (Marx), mais les mythesn'ont pas été formés à partir de situationsdéterminées par des contradictions concrètes ;ils ne sont donc pas le reflet scientifique de laréalité. Autrement dit, dans les mythes ou lescontes pour enfants, les aspects constituant unecontradiction n'ont pas une identité réelle, maisune identité imaginaire. La dialectique marxiste,en revanche, reflète scientifiquement l'identitédans les transformations réelles.

Pourquoi l'œuf peut-il se transformer enpoussin, et pourquoi la pierre ne le peut-ellepas ? Pourquoi existe-t-il une identité entre laguerre et la paix et non entre la guerre et lapierre ? Pourquoi l'homme peut-il engendrerl'homme et non quelque chose d'autre ?L'unique raison est que l'identité des contrairesexiste seulement dans des conditionsdéterminées, indispensables. Sans ces conditionsdéterminées, indispensables, il ne peut y avoiraucune identité.

Pourquoi la Révolution démocratiquebourgeoise de Février 1917 en Russie est-elledirectement liée à la Révolution socialisteprolétarienne d'Octobre, alors que la Révolutionbourgeoise française n'est pas directement liée àune révolution socialiste et qu'en 1871 laCommune de Paris aboutit à l'échec ? Pourquoiencore le régime nomade en Mongolie et en Asiecentrale a-t-il passé directement au socialisme ?Pourquoi enfin la révolution chinoise peut-elleéviter la voie capitaliste et passerimmédiatement au socialisme, sans suivre lavieille voie historique des pays d'Occident, sanspasser par la période de la dictaturebourgeoise ? Cela ne s'explique que par lesconditions concrètes de chacune des périodesconsidérées. Quand les conditions déterminées,indispensables, sont réunies, des contrairesdéterminés apparaissent dans le processus dedéveloppement d'une chose ou d'un phénomène,et ces contraires (au nombre de deux ou plus) seconditionnent mutuellement et se convertissentl'un en l'autre. Sinon, tout cela serait

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impossible.

Voilà pour le problème de l'identité. Maisqu'est-ce alors que la lutte ? Et quel rapport ya-t-il entre l'identité et la lutte ? Lénine dit :

« L'unité (coïncidence, identité,équipollence) des contraires estconditionnée, temporaire, passagère,relative. La lutte des contraires quis'excluent mutuellement est absolue, demême que l'évolution, de même que lemouvement. »31

Que signifie ce passage de Lénine ?

Tous les processus ont un commencement etune fin, tous les processus se transforment enleurs contraires. La permanence de tous lesprocessus est relative alors que leur variabilité,qui s'exprime dans la transformation d'unprocessus en un autre, est absolue.

Tout phénomène dans son mouvementprésente deux états, un état de repos relatif etun état de changement évident. Ces deux étatssont provoqués par la lutte mutuelle des deuxéléments contradictoires contenus dans lephénomène lui-même. Lorsque le phénomène,dans son mouvement, se trouve dans le premierétat, il subit des changements seulementquantitatifs et non qualitatifs, aussi semanifeste-t-il dans un repos apparent. Lorsquele phénomène, dans son mouvement, se trouvedans le second état, les changements quantitatifsqu'il a subis dans le premier état ont déjàatteint un point maximum, ce qui provoque unerupture d'unité dans le phénomène, et par suiteun changement qualitatif ; d'où la manifestationd'un changement évident. L'unité, la cohésion,l'union, l'harmonie, l'équipollence, la stabilité,la stagnation, le repos, la continuité, l'équilibre,la condensation, l'attraction, etc., que nousobservons dans la vie quotidienne, sont lesmanifestations des choses et des phénomènes quise trouvent dans l'état des changementsquantitatifs, alors que la destruction de ces étatsd'unité, de cohésion, d'union, d'harmonie,d'équipollence, de stabilité, de stagnation, derepos, de continuité, d'équilibre, de

31 Lénine : « À propos de la dialectique » (1920)

condensation, d'attraction, etc., et leur passagerespectif à des états opposés, sont lesmanifestations des choses et des phénomènes quise trouvent dans l'état des changementsqualitatifs, c'est-à-dire qui se transforment enpassant d'un processus à un autre. Les choses etles phénomènes se transforment continuellementen passant du premier au second état, et la luttedes contraires qui se poursuit dans les deuxétats aboutit à la solution de la contradictiondans le second. Voilà pourquoi l'unité descontraires est conditionnée, passagère, relative,alors que la lutte des contraires qui s'excluentmutuellement est absolue.

Nous avons dit plus haut qu'il existe uneidentité entre les contraires et que, pour cetteraison, ils peuvent coexister dans l'unité et, parailleurs, se convertir l'un en l'autre ; tout estdonc dans les conditions, c'est-à-dire que, dansdes conditions déterminées, ils peuvent arriver àl'unité et se convertir l'un en l'autre, et que,sans ces conditions, il leur est impossible deconstituer une contradiction ou de coexisterdans l'unité, de même que de se transformerl'un en l'autre. L'identité des contraires se formeseulement dans des conditions déterminées, c'estpourquoi l'identité est conditionnée, relative.Ajoutons que la lutte des contraires pénètretout le processus du début à la fin et conduit àla transformation d'un processus en un autre,qu'elle est partout présente, et que parconséquent elle est inconditionnée, absolue.

L'identité conditionnée et relative unie à lalutte inconditionnée et absolue forme lemouvement contradictoire dans toute chose ettout phénomène.

Nous autres, Chinois, nous disons souvent :« Les choses s'opposent l'une à l'autre et secomplètent l'une l'autre. »32 Cela signifie qu'il ya identité entre les choses qui s'opposent. Cesparoles contiennent la dialectique ; ellescontredisent la métaphysique. « Les choses

32 Cette phrase se rencontre pour la première fois dans lesannales Jian Hanshu (tome XXX, « Yi Wen Zhi »),rédigées par Ban Gu, célèbre historien chinois du I er siècle.Par la suite, elle fut couramment employée.

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s'opposent l'une à l'autre », cela signifie que lesdeux aspects contradictoires s'excluent l'unl'autre ou qu'ils luttent l'un contre l'autre ; elles« se complètent l'une l'autre », cela signifie quedans des conditions déterminées les deux aspectscontradictoires s'unissent et réalisent l'identité.Et il y a lutte dans l'identité ; sans lutte, il n'ya pas d'identité.

Dans l'identité, il y a la lutte, dans lespécifique, l'universel, et dans le particulier, legénéral. Pour reprendre la parole de Lénine, « ily a de l'absolu dans le relatif. »33

6. La place de l'antagonismedans la contradiction

Dans le problème de la lutte des contrairesest incluse la question de savoir ce qu'estl'antagonisme. À cette question, nous répondonsque l'antagonisme est l'une des formes et nonl'unique forme de la lutte des contraires.

Dans l'histoire de l'humanité, l'antagonismeentre les classes existe en tant qu'expressionparticulière de la lutte des contraires.Considérons la contradiction entre la classe desexploiteurs et celle des exploités : ces deuxclasses en contradiction coexistent pendant unepériode prolongée dans la même société, qu'ellesoit esclavagiste, féodale ou capitaliste, et ellesluttent entre elles ; mais c'est seulement lorsquela contradiction entre les deux classes a atteintun certain stade de son développement qu'elleprend la forme d'un antagonisme ouvert etaboutit à la révolution. Il en va de même de latransformation de la paix en guerre dans lasociété de classes.

Dans une bombe, avant l'explosion, lescontraires, par suite de conditions déterminées,coexistent dans l'unité. Et c'est seulement avecl'apparition de nouvelles conditions (allumage)que se produit l'explosion. Une situationanalogue se retrouve dans tous les phénomènesde la nature où, finalement, la solutiond'anciennes contradictions et la naissance dechoses nouvelles se produisent sous forme de

33 Lénine : « À propos de la dialectique » (1920)

conflits ouverts.

Il est extrêmement important de connaître cefait. Il nous aide à comprendre que, dans lasociété de classes, les révolutions et les guerresrévolutionnaires sont inévitables, que, sans elles,il est impossible d'obtenir un développement parbonds de la société, de renverser la classeréactionnaire dominante et de permettre aupeuple de prendre le pouvoir. Les communistesdoivent dénoncer la propagande mensongère desréactionnaires affirmant par exemple que larévolution sociale n'est pas nécessaire et qu'elleest impossible ; ils doivent s'en tenir fermementà la théorie marxiste léniniste de la révolutionsociale et aider le peuple à comprendre que larévolution sociale est non seulement tout à faitnécessaire mais entièrement possible, quel'histoire de toute l'humanité et la victoire de larévolution en Union soviétique confirment cettevérité scientifique. Toutefois, nous devonsétudier d'une manière concrète les différentessituations dans lesquelles se trouve la lutte descontraires et éviter d'appliquer hors de propos àtous les phénomènes le terme mentionné ci-dessus. Les contradictions et la lutte sontuniverselles, absolues, mais les méthodes pourrésoudre les contradictions, c'est-à-dire lesformes de lutte, varient selon le caractère de cescontradictions : certaines contradictions revêtentle caractère d'un antagonisme déclaré, d'autresnon. Suivant le développement concret deschoses et des phénomènes, certainescontradictions primitivement non antagonistesse développent en contradictions antagonistes,alors que d'autres, primitivement antagonistes,se développent en contradictions nonantagonistes.

Comme il a été dit plus haut, tant que lesclasses existent, les contradictions entre les idéesjustes et les idées erronées dans le particommuniste sont le reflet, au sein de ce parti,des contradictions de classes. Au début ou danscertaines questions, ces contradictions peuventne pas se manifester tout de suite commeantagonistes. Mais avec le développement de lalutte des classes, elles peuvent devenir

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antagonistes. L'histoire du Parti communiste del'URSS nous montre que les contradictions entreles conceptions justes de Lénine et de Staline etles conceptions erronées de Trotsky34,Boukharine et autres ne se sont pas manifestéesd'abord sous une forme antagoniste, mais que,par la suite, elles sont devenues antagonistes.Des cas semblables se sont présentés dansl'histoire du Parti communiste chinois. Lescontradictions entre les conceptions justes denombreux camarades de notre Parti et lesconceptions erronées de Chen Duxiu, ZhangGuotao35 et autres ne se sont pas manifestéesnon plus, au début, sous une forme antagoniste,mais elles sont devenues antagonistes plus tard.Actuellement, les contradictions entre lesconceptions justes et les conceptions erronées,au sein de notre Parti, n'ont pas pris une formeantagoniste, elles n'iront pas jusqu'àl'antagonisme si les camarades qui ont commisdes erreurs savent les corriger. C'est pourquoi leParti doit, d'une part, mener une lutte sérieusecontre les conceptions erronées, mais, d'autre

34 Léon Trotsky (1879-1940), chef d'un groupe antiléninisteau sein du mouvement révolutionnaire russe qui devint parla suite membre d'une bande contre-révolutionnaire. Il futexclu du Parti par le Comité central du Parti communistede l'URSS en 1927, expulsé par le gouvernement soviétiqueen 1929 et privé de sa nationalité soviétique en 1932. Ilmourut à l'étranger en 1940.

35 Renégat de la révolution chinoise. Dans sa jeunesse,spéculant sur la révolution, il adhéra au Parti communistechinois. Il commit dans le Parti un nombre considérabled'erreurs qui dégénérèrent en véritables crimes. Le plusconnu fut celui de 1935, lorsque, s'opposant à la marche del'Armée rouge vers le nord, il préconisa par espritdéfaitiste et liquidationniste la retraite de l'Armée rougevers les régions peuplées de minorités nationales, situées àla limite du Sichuan et du Xikang (province supprimée en1955 et incorporée dans le Sichuan et la Région autonomedu Tibet). En outre, il se livra ouvertement à une activitéde trahison contre le Parti et son Comité central, forma unpseudo-Comité central et sapa l'unité du Parti et del'Armée rouge, faisant subir de lourdes pertes au IVe Front.Cependant, grâce au patient travail d'éducation accomplipar le camarade Mao Zedong et le Comité central du Parti,l'Armée rouge du IVe Front et ses nombreux cadresrevinrent rapidement se mettre sous la juste direction duComité central et jouèrent un rôle honorable dans lesluttes ultérieures. Quant à Zhang Guotao, il restaincorrigible : au printemps de 1938, il s'enfuit seul de larégion frontière du Shanxi-Gansu-Ningxia et devint unagent des services secrets du Guomindang.

part, donner pleine possibilité aux camaradesqui ont commis des erreurs d'en prendreconscience. Dans ces circonstances, une luttepoussée à l'excès est évidemment inadéquate.Toutefois, si ceux qui ont commis des erreurspersistent dans leur attitude et les aggravent,ces contradictions peuvent devenir antagonistes.

Les contradictions économiques entre la villeet la campagne sont d'un antagonisme extrêmetant dans la société capitaliste, où la ville,contrôlée par la bourgeoisie, pilleimpitoyablement la campagne, que dans lesrégions du Guomindang en Chine, où la ville,contrôlée par l'impérialisme étranger et lagrande bourgeoisie compradore chinoise, pille lacampagne avec une férocité inouïe. Mais dansun pays socialiste et dans nos basesrévolutionnaires, ces contradictions antagonistessont devenues non antagonistes et ellesdisparaîtront dans la société communiste.

Lénine dit : « Antagonisme et contradictionne sont pas du tout une seule et même chose.Sous le socialisme, le premier disparaîtra, laseconde subsistera. »36 Cela signifie quel'antagonisme n'est qu'une des formes, et nonl'unique forme, de la lutte des contraires, etqu'il ne faut pas employer ce terme partout sansdiscernement.

Conclusion

Nous pouvons, maintenant, conclurebrièvement. La loi de la contradiction inhérenteaux choses et aux phénomènes, c'est-à-dire la loide l'unité des contraires, est la loi fondamentalede la nature et de la société, et partant la loifondamentale de la pensée. Elle est à l'opposé dela conception métaphysique du monde. Sadécouverte a constitué une grande révolutiondans l'histoire de la connaissance humaine.Selon le point de vue du matérialismedialectique, la contradiction existe dans tous lesprocessus qui se déroulent dans les choses et lesphénomènes objectifs et dans la pensée

36 Lénine : « Remarques sur le livre de Boukharine :L’Économie de la période transitoire » (mai 1920).

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Mao Zedong – De la contradiction

subjective, elle pénètre tous les processus, dudébut à la fin ; c'est en cela que résidentl'universalité et le caractère absolu de lacontradiction. Chaque contradiction et chacunde ses aspects ont leurs particularitésrespectives ; c'est en cela que résident lecaractère spécifique et le caractère relatif de lacontradiction. Dans des conditions déterminées,il y a identité des contraires, ceux-ci peuventdonc coexister dans l'unité et se transformerl'un en l'autre ; c'est en cela également querésident le caractère spécifique et le caractèrerelatif de la contradiction. Toutefois, la lutte descontraires est ininterrompue, elle se poursuitaussi bien pendant leur coexistence qu'aumoment de leur conversion réciproque, où elle semanifeste avec une évidence particulière. C'esten cela, à nouveau, que résident l'universalité etle caractère absolu de la contradiction. Lorsquenous étudions le caractère spécifique et le

caractère relatif de la contradiction, nous devonsprêter attention à la différence entre lacontradiction principale et les contradictionssecondaires, entre l'aspect principal et l'aspectsecondaire de la contradiction ; lorsque nousétudions l'universalité de la contradiction et lalutte des contraires, nous devons prêterattention à la différence entre les formes variéesde lutte ; sinon, nous commettrons des erreurs.Si, à l'issue de notre étude, nous avons une idéeclaire des points essentiels ci-dessus exposés,nous pourrons battre en brèche les conceptionsdogmatiques qui enfreignent les principesfondamentaux du marxisme-léninisme et quinuisent à notre cause révolutionnaire ; et noscamarades qui ont de l'expérience seront enmesure d'ériger celle-ci en principes et d'éviterla répétition des erreurs de l'empirisme. Telleest la brève conclusion à laquelle nous conduitl'étude de la loi de la contradiction.

Il lustration de la première page : Liu Wenxi, Écoutons le président Mao et soyonsde bons élèves du président Mao (1965)

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