Manuel Exégèse Grappe

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Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 1 FACULTÉ DE THÉOLOGIE PROTESTANTE UNIVERSITÉ DE STRASBOURG COURS D’INTRODUCTION À LA MÉTHODE EXÉGÉTIQUE Christian Grappe Professeur de Nouveau Testament

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Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 1

FACULTÉ DE THÉOLOGIE PROTESTANTE

UNIVERSITÉ DE STRASBOURG

COURS D’INTRODUCTION À LA MÉTHODE EXÉGÉTIQUE

Christian Grappe

Professeur de Nouveau Testament

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 2

INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES PRELIMINAIRES Outils Indispensables - Le Nouveau Testament grec

Novum Testamentum Graece (27ème édition du Nestle - Aland), Stuttgart, Deutsche Bibel-gesellschaft, 1993 (édition de référence), 23,50 €. ou The Greek New Testament, Third Edition, United Bible Societies, 1975 (plus lisible) ou, en un volume unique avec la Bible héraïque, 50 $. Biblia sacra utriusque testamenti editio hebraica et graeca, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 1994, 76 €.

- Une synopse Kurt ALAND, Synopsis quattuor Evangeliorum. Locis parallelis evangeliorum apocryphorum et patrum adhibitis edidit K. Aland. Editio decima et recognita ad textum editionum 26 Nestle-Aland et 3 Greek New Testament aplata, Stuttgart, Deutsche Bibelstiftung, 1976, 63 €. ou Marie-Émile BOISMARD - Arnaud LAMOUILLE, Synopsis graeca quattuor Evangeliorum, Leuven - Paris, Peeters, 1986, 53 €. avec une nette préférence pour la seconde.

- Une concordance Alfred SCHMOLLER, Handkonkordanz zum griechischen Neuen Testament, Stuttgart, Württembergisch Bibelanstalt, 15. Auflage, 1973, 21 €.

- Un petit dictionnaire Xavier LEON-DUFOUR, Dictionnaire du Nouveau Testament (Livre de Vie), 3e édition entièrement revue et augmentée, Paris, Seuil, 1996, 10,50€.

- Bibliographie en vue de s’initier plus complètement à la méthode exégétique Hans CONZELMANN - Andreas LINDEMANN, Guide pour l’étude du Nouveau Testament . Traduction et adaptation : P.-Y. Brandt (Le monde de la Bible 39), Genève, Labor et Fides, 1999, p. 37-178. Max-A1ain CHEVALLIER, L’exégèse du Nouveau Testament. Initiation à la méthode, Genève, Labor et Fides, 1984. Daniel MARGUERAT, - Yvan BOURQUIN, Pour lire les récits bibliques. Initiation à l’analyse narrative avec la collaboration du fr. M. Durrer. Illustrations de F. Clerc, Paris - Genève - Montréal, Cerf - Labor et Fides - Novalis, 4e édition revue et augmentée, 2009 (exclusivement centré sur l’analyse narrative).

Instruments de recherche bibliographique - Sur internet :

Bibil (Université de Lausanne) : https://wwwdbunil.unil.ch/bibil Bildi (Université d’Innsbrück) : http://www.uibk.ac.at/bildi/bildi/search/index.html.en

- Sur support papier et/ou sur CDRom New Testament Abstracts ; Internationale Zeitschriftenschau für Bibelwissenschaft und Grenzgebiete ; Bulletin de bibliographie biblique (Bibil) ; Catalogue de l'Ecole Biblique de Jérusalem (jusqu’en 1990 ; sur CDRom depuis) ; Biblica : Elenchus Bibliographicus Biblicus ; Bulletin signalétique du CNRS. Sciences religieuses (papier) ou Francis (CDRom) Atla Religion Data Base (CDRom) Catalogue de l'Ecole Biblique de Jérusalem (CDRom) New Testament Abstracts (paier piuis CDRom) Indications bibliographiques que les commentaires scientifiques contiennent en tête ou

en fin des sections qu'ils consacrent à chaque péricope. De nombreux sites sont disponibles sur le réseau internet, certains permettant d’accéder à des sources. On trouvera les plus intéressants en consultant le site mis en place par J.-C. Ingelaere : http://perso.wanadoo.fr/rhpr/liens.html

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1. PRÉLIMINAIRE : VOCATION ET LIMITE DE L’EXÉGÈSE Le principe de la théologie peut être formulé ainsi : Dieu seul est roi. Le principe de l’exégèse peut, pour sa part, être résumé ainsi : le texte est roi1. Ces deux principes paraissent se heurter. Ils ne sont pourtant nullement antinomiques dans la mesure où l’exégèse est conçue comme un outil devant permettre de faire de la théologie. Pour faire droit au texte, écouter ce qu’il veut dire et ce qu’il veut nous dire, l’exégèse doit être la plus rigoureuse et la plus honnête possible. Dès lors, elle va être, pour une part, destructrice. Destructrice de nos présupposés. Destructrice de nos idées parfois fausses. Mais elle doit permettre, au bout du chemin, de construire sur des bases nouvelles. Elle doit conduire à une nouvelle approche du texte. Elle a vocation à rendre possible une perception nouvelle, non seulement du texte mais encore de Celui auquel il nous renvoie, même s’Il demeure toujours infiniment au-delà de nos propres capacités de perception et de compréhension. Pour illustrer ce propos, nous citerons M.-A. Chevallier : « Je pense souvent que l’exégète fait dans son travail une expérience comparable à celle de Jacob la nuit où il voulut passer le gué du Yabboq. On sait que chaque Israélite retrouve dans l’histoire du patriarche, dont le nom fut changé en Israël précisément cette nuit-là, la description de sa propre aventure spirituelle. Pourquoi l’exégète ne s’y reconnaîtrait-il pas à son tour ? Lui aussi lutte longuement pour s’ouvrir un chemin et découvre qu’il y va de sa propre vie, car, en se battant avec les textes, c’est bien avec Dieu même qu’il se bat. S’il finit par passer, c’est toujours, hélas, en clopinant et aussi en ayant découvert qu’il ne pourra décidément jamais avoir accès au mystère dernier du nom divin. Il n’empêche que, dans cette aventure, il se découvre mystérieusement béni. Et puis, même de façon indirecte, quelque chose du visage de Dieu lui est bel et bien révélé »2.

1 On rappellera ici que le terme “exégèse” vient du grec exègèsis qui signifie explication, commentaire. Par

son étymologie, il désigne l’action de tirer quelque chose – à partir d’un texte en l’occurrence –, par opposition à l’eisègèsis qui consiste pour sa part à y introduire quelque chose. On perçoit d’emblée l’enjeu. L’exégèse a vocation à respecter le texte, à se mettre à son écoute, à découvrir sa propre logique et son propre fonctionnement, et non pas à lui imposer nos propres présupposés de sorte qu’il nous serve, en quelque sorte, de prétexte.

2 M.-A. Chevallier, Souffle de Dieu. Le Saint-Esprit dans le Nouveau Testament. Volume II. L’apôtre Paul – Les écrits johanniques – L’héritage paulinien – Réflexions finales (Le Point théologique 54), Paris, Beauchesne, 1990, p. IX.

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2. DU BON ORDRE DE LA DÉMARCHE EXÉGÉTIQUE Première étape : Une première approche Pour aborder l’étude d’un texte donné, on commencera toujours par étudier ce texte en tant que tel et pour cela on procédera à son analyse sur le plan *synchronique3. Cette première étape, essentielle, permettra de faire apparaître la logique propre ou les modes de fonctionnement possibles du texte. Elle sera l’occasion de résoudre certains problèmes. Elle fera aussi surgir certaines questions relatives au sens de tel terme, à tel point d’histoire, à telle rupture dans l’argumentation…

Deuxième étape : Pour approfondir la démarche On s’efforcera ensuite de répondre aux questions apparues en recourant à des instruments de travail le plus neutres possible tels les diverses concordances, les dictionnaires, les introductions générales. Troisième étape : Confrontation au regard d’autrui Ce n’est qu’une fois ces opérations accomplies, c’est-à-dire une fois que l’on se sera déjà fait une première idée de ce que peut vouloir dire le texte et aussi de ce qu’il ne semble pas pouvoir dire, que l’on recourra aux commentaires ou aux articles traitant du texte considéré (voir supra, p. 5).

Fort des données déjà accumulées, le regard que l’on pourra jeter sur ces études sera d’emblée critique. Dès lors, leur argumentation qui, dans bien des cas, pourra venir enrichir la nôtre, voire l’infléchir, en ouvrant nos yeux sur certains aspects du texte qui nous auraient échappé jusque là, pourra aussi être, dans d’autres cas, réfutée parce que non conforme à ce qui apparaît la logique propre, la cohérence interne du passage. Leur information viendra bien souvent apporter des données importantes en vue d’une approche du texte dans une perspective *diachronique4. Quatrième étape : Synthèse : En quête du sens du passage (discours ou récit) : une proposition ayant vocation à s’épanouir en interprétation Toutes les données accumulées, il devient possible et nécessaire d’en faire une synthèse qui conduira inévitablement à s’interroger sur le sens du texte et sur son interprétation.

3 On parle d’analyse synchronique (du grec syn-chronos qui signifie « dans le même temps ») pour qualifier

une approche d’un texte qui se contente de l’envisager tel qu’il est et tel qu’il fonctionne, sans s’interroger sur sa préhistoire ou sur son devenir et sans poser, en conséquence, la question de ses sources éventuelles, des influences qu’il a pu subir...

4 On parle d’approche diachronique (du grec dia-chronos qui signifie « à travers le temps ») pour qualifier une étude d’un texte qui le considère comme un point de cristallisation dans un processus en devenir et qui prend en compte la question des sources, des influences éventuelles...

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3. DES ÉTAPES DE L’EXÉGÈSE D’UN TEXTE M.-A. Chevallier, L’exégèse du Nouveau Testament. Initiation à la méthode, a rédigé un manuel simple, dont les qualités pédagogiques sont remarquables. Nous y renverrons les étudiant(e)s spécialistes et le citerons fréquemment dans la présentation qui suit en nous contentant d’indiquer au passage les numéros des pages concernées. Nous ajouterons cependant ceci. Les huit étapes proposées et décrites en vue de l’exégèse d’un passage donné constituent assurément autant de passages obligés en vue de son explication. Toutefois il ne nous paraît pas forcément souhaitable, pour les raisons invoquées ci-dessus, de les parcourir dans l’ordre indiqué et de présenter le résultat final d’une exégèse en fonction de chacune d’elles. Chacun(e) adoptera donc la présentation qui lui convient, en veillant simplement à n’avoir omis aucune des principales opérations mentionnées aux différentes étapes du parcours. Pour notre part, nous proposerons un itinéraire qui suit l’ordre que nous préconisons. Nous renverrons au passage, parfois en modifiant leur intitulé, aux rubriques de l’ouvrage de M.-A. Chevallier. Nous aurons ainsi l’occasion de les présenter et de les commenter. PREMIÈRE ÉTAPE : UNE PREMIÈRE APPROCHE Rappelons d’abord, tout en précisant quelque peu notre propos, ce qui a déjà été dit : Pour aborder l’étude d’un texte donné, il faudra toujours commencer par étudier ce texte en tant que tel et pour cela commencer par son analyse sur le plan *synchronique, en ne le questionnant que lui-même et sans s’interroger encore sur sa préhistoire éventuelle. Cette première étape, essentielle, permettra de faire apparaître la logique propre ou les modes de fonctionnement possibles du texte. Elle sera l’occasion de résoudre certains problèmes. Elle fera aussi surgir certaines questions relatives au sens de tel terme, à tel point d’histoire, à telle rupture dans l’argumentation… Elle permettra d’envisager successivement l’étude du contexte, les problèmes d’établissement du texte et de traduction, l’organisation et la dynamique du récit ou du discours. En parcourant ces rubriques dans cet ordre, nous aborderons les textes un peu comme un personnage amené par son travail à découvrir des lieux toujours nouveaux et différents, une sorte de reporter. Mais un reporter qui ne voudra pas se contenter de refaire ce que tant d’autres ont fait avant lui. Non ! Un reporter désireux de prendre la mesure d’endroits qu’il ne connaît pas ou d’en redécouvrir d’autres qu’il connaît déjà fort bien, un reporter convaincu qu’il n’aura vraiment réussi dans son entreprise que quand il sera parvenu à jeter sur ces lieux, dont il se sera employé dans un premier temps à envisager la réalité tout entière, un regard personnel qui dise leur vérité profonde, parfois enfouie ou cachée. Pour aborder un lieu donné avec le recul souhaité et en prendre la mesure globale, notre reporter pourra être amené à prendre un avion, un hélicoptère, à moins qu’il ne se contente, faute de mieux, de recourir à des photos satellite ou, plus modestement, à des cartes plus ou moins détaillées. Cette première démarche lui permettra d’apprendre à connaître le lieu qui va se trouver au centre de son enquête, à le situer dans son environnement. De fait, ce lieu occupera une place donnée dans cet environnement et cette situation pourra avoir une incidence sur le rôle économique, politique, stratégique, culturel... qu’il joue, tout comme un passage quelconque d’une œuvre littéraire occupe une place donnée dans cette œuvre et peut revêtir une fonction particulière en son sein. Un procédé de zoom pourra ainsi permettre au reporter comme au lecteur de s’approcher peu à peu du lieu qu’il veut découvrir, avec un regard qui soit le mieux informé possible parce qu’il embrasse une réalité plus large que l’objet même sur lequel va se focaliser son objectif. Car on n’appréhende bien un lieu qu’en ayant pris la mesure de son environnement comme un texte ne peut être bien appréhendé qu’après qu’on a pris en compte son contexte.

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Il s’agit ensuite pour notre reporter, en lisant la carte ou la photo satellite dont il dispose ou encore en s’approchant par voie aérienne du lieu qui l’intéresse, d’essayer de le décrypter. Si c’est une ville, il découvrira des bâtiments sans pouvoir être forcément certain d’emblée de leur fonction, car un clocheton ne désigne par forcément une chapelle ou une église, un hangar peut abriter bien des activités... De manière semblable, l’exégète aura à s’interroger sur la traduction de certains mots qu’il rencontrera sur sa route, sur la grammaire de certaines phrases qui lui paraîtront sujettes à différentes lectures, car plusieurs sens sont parfois possibles, plusieurs fonctionnements d’une phrase sont parfois envisageables. Enfin notre reporter pourra s’intéresser, toujours dans l’exemple d’une ville et pour mieux la comprendre, à son relief (existence ou absence de collines, de cours d’eau...), à la présence et à la densité de certains bâtiments (usines, bâtiments officiels, installations sportives, églises, écoles) ou aménagements (places, espaces verts...), au réseau de transport en commun, à la nature et à l’importance des voies de communication, au(x) lieu(x) vers le(s)quel(s) ces voies de communication convergent, lieux qui apparaîtront comme autant de points névralgiques... De façon similaire, au sein d’un texte, l’exégète recherchera la présence de certains mots, leur récurrence (c’est-à-dire le fait qu’ils se répètent), la présence de mots de liaison, l’existence de certains codes (termes relevant d’un même champ lexical)... pour repérer les accents du passage et s’efforcer de comprendre comment il fonctionne. En décrivant ces trois démarches successives, nous avons évoqué trois des rubriques de ce que nous considérons comme la première étape du cheminement exégétique : l’étude du contexte ; les problèmes de traduction ; l’analyse littéraire en ce qu’elle touche à l’organisation et à la dynamique du récit ou du discours. Seule a été laissée de côté la *critique textuelle. Elle relève, de fait, d’un problème spécifique : nous ne possédons plus les originaux d’aucun écrit du Nouveau Testament et de la Bible en général. Nous n’avons accès à ces textes qu’à travers des copies – mais des copies extrêmement nombreuses – que l’on appelle les témoins (du texte). Toutes ces copies, il s’agit donc de les comparer pour pouvoir ensuite partir d’un texte, forcément hypothétique, dont on estime qu’il se rapproche le plus possible de l’original perdu. On détermine ainsi les *lieux variants, c’est-à-dire des mots ou des sections incluant plusieurs mots pour lesquels les témoins proposent des leçons divergentes. Pour chaque lieu variant est ensuite effectué un travail de critique textuelle, en vue d’établir quel pouvait être le texte originel. C’est un travail de généalogie ponctuelle qui consiste à prendre en compte à chaque fois toutes les pièces du dossier et non pas à retenir, pour tel écrit, le texte de tel témoin que l’on considérerait comme plus fiable que les autres. Ce travail de généalogie ponctuelle a abouti à l’établissement d’une « édition standard » du Nouveau Testament grec, avec un texte unifié entre la 27e édition du Nestle-Aland et le Greek New Testament des Sociétés bibliques. Toutefois, l’existence d’une telle édition standard ne doit pas induire en erreur. Ce texte demeure hypothétique et il importe, pour le spécialiste, d’éprouver autant que possible pour chaque lieu variant les choix faits par les éditeurs. Ce travail de mise à l’épreuve exige une technique dont nous présenterons les principaux aspects. Pour résumer, la première étape de la démarche exégétique, telle que nous proposons de la parcourir, consistera, dans un premier temps, à approcher le texte en recourant à la technique du zoom (étude du contexte). Puis il s’agira d’éprouver la matérialité de ce texte, grâce à la technique de la critique textuelle. Il conviendra ensuite de repérer les difficultés de traduction qui se présentent et de poser autant de panneaux indicateurs signalant l’existence de plusieurs choix possibles quant à la compréhension de tel ou tel segment de phrase (problèmes de traduction). Enfin, il s’agira de passer à l’analyse littéraire proprement dite en s’intéressant à l’organisation et à la dynamique du récit ou du discours.

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Étude du Contexte On n’oubliera pas que le contexte est représenté tant par ce qui suit que par ce qui précède. De fait, tout passage s’inscrit à un moment donné d’un parcours qui conduit le lecteur du début de l’œuvre à sa fin. Il occupe, au sein de ce parcours de lecture, une place qui n’est jamais neutre. Il est le plus souvent éclairé déjà par ce qui précède, mais il peut aussi être éclairé par ce qui suit. À l’inverse, il peut éclairer ce qui précède et/ou ce qui suit. Toutes les combinaisons sont finalement possibles et aucune ne doit être a priori exclue. Dans ce cadre, on sera attentif tant au contexte large qu’au contexte proche et au contexte immédiat. * Le contexte large permettra de préciser la place qu’occupe le passage étudié au sein de l’écrit concerné. Si cet écrit est un discours (épître), on sera plus particulièrement attentif à la place qu’il occupe dans l’argumentation et on repérera les passages qui, en amont ou en aval, peuvent contribuer l’éclairer parce qu’ils peuvent permettre de préciser tel point ou tel aspect. Si cet écrit est un récit (évangile, livre des Actes), on s’emploiera là aussi à préciser la place que le récit occupe au sein de l’œuvre et comment d’autres passages peuvent, en amont ou en aval, éclairer tel aspect du texte. Exemples : - La technique du malentendu johannique repose bien souvent sur la délivrance, par l’auteur implicite, d’informations à l’intention du lecteur implicite antérieurement dans le récit. Celui-ci dispose ainsi de données dont d’autres – acteurs du récit – ne disposent pas. Elles lui permettent de comprendre là où ces autres ne parviennent pas à le faire. Ainsi en Jn 3,4, Nicodème, pourtant chef parmi les juifs (Jn 3,2), ne parvient-il pas à comprendre quand le Jésus johannique lui parle de nouvelle naissane. Le lecteur a reçu quant à lui dès le prologue (Jn 1,12-13), une information et une explication relatives à la nouvelle niaisance. Il est ainsi en mesure de comprendre et de se découvrir implicitement plus avisé que celui qui est pourtant qualifié de « maître d’Israël » (Jn 3,10). - Le recours, par l’auteur implicite, aux anachronies*, et tout particulièrement aux prolepses* ou aux analepses* internes ou mixtes, invite à mettre en relation certains passages avec d’autres qui les annoncent ou qui les rappellent (ainsi Lc 4,13 et Lc 22,3.53). - Certains procédés d’inclusion* peuvent s’avérer significatifs à l’échelle d’une œuvre tout entière (ainsi Mt 1,23 et 28,20, autour de la thématique de l’Emmanuel, Dieu avec nous). - Des récits peuvent se faire écho au sein d’une œuvre (ainsi les récits du baptême et de la transfiguration avec les message très semblable et pourtant différent délivré dans chaque cas par la voix céleste [Mc 1,11 et // et Mc 9,7 et //). Il ne s’agira pas de donner un plan détaillé de l’œuvre, ce qui est généralement inutile, mais d’indiquer ce qui, au sein de l’œuvre, peut, en aval ou en amont, éclairer le passage en question. ** La prise en compte du contexte proche permettra notamment de se demander si, le cas échéant, le passage s’inscrit au sein d’une séquence narrative* donnée ou d’un discours précis et d’étudier, là aussi, la place qu’il occupe en son sein et l’éclairage que cela peut lui apporter. Exemples : - La construction de l’Évangile selon Marc autour de séquences narratives, telles celle des pains (Mc 6,30-8,26) ou celle du chemin (Mc 8,27-10,52). Chacune de ces séquences apparaît soigneusement construite avec des récits qui se font écho (ainsi, les deux récits de multiplication des pains, les trois annces de la Passion…) et entre lesquels on peut s’employer à discerner un jeu de correspondances et, aussi, d’éventuelles progressions. - Les cinq grands discours qui jalonnent l’Évangile selon Matthieu ont été construits pour une large part par l’auteur. Il s’agira, dans chaque cas, d’apprécier si le regroupement de matériaux qu’il opère permet de faire apparaître une logique, une progression… *** L’étude du context immédiat « aussi bien précédent que suivant exige beaucoup de rigueur. Il faut user des divers indices littéraires dont on peut disposer : indices grammaticaux (conjonctions, mots de liaison), mais éventuellement aussi stylistiques (rupture de style) ou rhétoriques (asyndète c’est-à-dire absence de tout mot de liaison, mot crochet c’est-à-dire accrochage par la répétition d’un mot, etc.). Le but est de mettre en évidence l’articulation logique avec ce qui précède et ce qui suit. L’examen du contexte immédiat peut, dans certains cas, conduire à déplacer le début ou la fin

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du texte qu’on s’était proposé d’étudier. Il ne faut pas hésiter à la faire en en exposant les motifs » (p. 22).

Établissement du Texte * En ce qui concerne cette rubrique, qui correspond à ce que l’on appelle classiquement la critique textuelle du Nouveau Testament, on se reportera, pour l’introduction à la discipline, pour le repérage des lieux variants et des leçons fournies, pour la connaissance des principaux témoins et leur classement en grande catégories, ainsi que pour les techniques d’évaluation des lieux variants, à l’excursus 1 (document élaboré à partir des annexes 3, 4 et 5 de l’ouvrage de M.-A. Chevallier et actualisé en fonction de la parution de la 27e édition de Nestle-Aland). Ce sont là des questions à connaître et une technique qu’il convient de savoir manier et appliquer. * En ce qui concerne la critique externe, pour apprécier les grandes familles de manuscrits, voir tableau, page 18 (seules ces grandes familles de texte sont ici à connaître. Les manuscrits qui en sont les représentants ne sont indiqués que dans un souci pratique). La classification de Kurt et Barbara Aland fait quant à elle l’objet d’une présentation au tableau de la page 19. * Au cours de la démarche exégétique proprement dite, on se souviendra que l’exégète devra faire « un tri rapide parmi toutes les indications de l’apparat critique, ne retenant, dans la pratique, que les cas répondant à un double critère : a) Les divergences sont attestées par des témoins crédités d’un certain poids ; b) ces divergences sont importantes pour l’intelligence du passage » (p. 28). * Concrètement, on pourra procéder de la manière suivante : a) Décryptage des indications fournies dans l’apparat critique afin d’évaluer quels lieux variants méritent une étude attentive ; b) Analyse plus précise de chacun de ces lieux variants selon le modèle suivant : - définition de l’enjeu au moyen d’une présentation des diverses leçons en concurrence ; - évaluation du poids respectif de ces diverses leçons sur le plan de la critique externe ; - apport éventuel de la critique verbale en vue de la résolution du problème posé ; - évaluation des diverses leçons selon les critères mis en œuvre par la critique interne ; - conclusion indiquant le choix fait parmi les leçons en présence et les raisons de ce choix. On se souviendra ici que ce choix pourra être différent de celui qui a été opéré par les éditeurs de la 27e édition du Nestle-Aland. Bibliographie : Ajouter aux indications fournies les références suivantes : L. Vaganay - C. B. Amphoux, Initiation à la critique textuelle du Nouveau Testament, Paris, Cerf, 1986 ; M. Carrez, Manuscrits et langues de la Bible. Du papyrus aux Bibles imprimées, Villiers-Le-Bel, Société Biblique Française, 1991. B. M. Metzger, The Text of the New Testament. Its Transmission, Corruption, and Restauration, Fourth édition, New York – Oxford, Oxford University Press, 2005. Intérêt tout particulier de l’ouvrage en langue anglaise : A Textual Commentary on the Greek New Testament, London - New York, United Bible Societies, 1971.

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EXCURSUS 1 (partie intégrante du cours)

INTRODUCTION

AUX ÉDITIONS DU NOUVEAU TESTAMENT GREC ET

À LA CRITIQUE TEXTUELLE DU NOUVEAU TESTAMENT

d’après la 27e édition, 1993 et les annexes 3, 4 et 5 de l’ouvrage de M.-A. Chevallier, L’exégèse du Nouveau Testament

I. REMARQUES PRÉLIMINAIRES Nous ne possédons plus le texte autographe d’aucun écrit du NT. Nous n’avons plus accès à

ces écrits que de manière indirecte, par la tradition manuscrite. Cette tradition est extrêmement riche vu le nombre impressionnant de témoins du texte en notre possession. Ces témoins sont pris en compte par la critique textuelle du NT. Cette discipline, complexe, vise à reconstituer le texte qui apparaît le plus vraisemblable pour chaque passage du NT à partir d’une comparaison des différentes leçons attestées pour un même lieu variant. Le texte proposé par tout éditeur est donc un texte hypothétique, qui doit faire l’objet d’un regard et d’un contrôle critique. Cette étude est rendue possible par l’existence d’un apparat critique au bas de chaque page des éditions du NT grec.

Les indications qui suivent visent à fournir aux étudiant(e)s quelques données fondamentales pour qu’ils (elles) puissent :

- se repérer dans l’édition du NT grec qu’ils (elles) possèdent, - apprendre à décrypter l’apparat critique, - conduire une démarche de critique textuelle autonome (ou, à tout le moins, responsable). II. LES ÉDITIONS MODERNES DU NT GREC A. Le “Nestle-Aland” La première édition du “Nestle” date de 1898. Jusque-là régnait le “texte reçu”, c’est-à-dire un texte grec publié

en 1624 par les frères Elzevir, qui reproduisait une édition de Théodore de Bèze, laquelle dépendait elle-même d’un travail superficiel d’Érasme paru en 1516.

Eberhard Nestle voulut substituer au “texte reçu” un texte établi d’après les travaux scientifiques du XIXe siècle. Il prit pour base : a) l’édition de l’Allemand Tischendorf (3 vol. 1869-1894) b) l’édition des Anglais Westcott et Hort (1881) et, à partir de la 3e édition de 1901, c) l’édition de l’Allemand Bernard Weiss (3 vol. 1894-1900). La règle choisie était celle de la majorité : les leçons adoptées soit par les 3 soit par 2 des 3 éditeurs figuraient

dans le texte, et les leçons divergentes étaient indiquées en bas de page. En 1913, année de la mort d’E. Nestle, parut l’édition de H. von Soden. Puis ce furent d’autres éditions,

catholiques cette fois : H. J. Vogels, 1922 ; A. Merk, 1933 ; J. M. Bover, 1943. Les spécialistes réclamaient une édition qui permît d’avoir accès non au choix des éditeurs modernes, mais au

témoignage des manuscrits eux-mêmes. Il s’ensuivit une refonte du premier “Nestle”, d’abord par Erwin Nestle, fils d’Eberhard Nestle, puis par Kurt Aland. On arriva ainsi à la 25e édition.

Mais la 26e édition parue en 1979 était une oeuvre entièrement renouvelée : elle a été préparée par Kurt Aland et l’Institut de recherche textuelle néotestamentaire de Münster en Westphalie (où sont rassemblées les copies de plus de 80 % des quelques 5400 manuscrits grecs actuellement connus), avec la collaboration d’une équipe internationale et interconfessionnelle de cinq spécialistes, sollicités par un groupe de sociétés bibliques. D’où la publication parallèle, avec les mêmes choix textuels, du Greek New Testament des Sociétés bibliques (3e édition, 1975), dont il sera question

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plus loin, et du “Nestle-Aland”, 26e édition. La 27e édition (titre abrégé dans la suite : NA 27) a repris sans modification le texte de la 26e mais l’apparat

critique a été largement remanié.

B. Le “Greek New Testament” des Sociétés bibliques Le Greek New Testament (abrégé G.N.T.) a été édité pour les “United Bible Societies” par K. Aland, M. Black,

C.M. Martini, B.M. Metzger et A. Wikgren. La 3e édition, New York, Londres, etc., 1975, contient plus de 500 modifications par rapport à la 2e édition de 1968. Il s’agit d’un ouvrage spécialement destiné aux traducteurs du Nouveau Testament dans les langues où il n’existe pas encore. Préparé par la même équipe que NA 26 (et 27), il fournit le même texte grec.

Les principales particularités de cette édition sont les suivantes : 1. L’apparat critique est limité aux variantes estimées significatives pour les traducteurs. Certains lieux variants

importants se trouvent ainsi omis (ex. Lc 2,5). 2. Pour les lieux variants sélectionnés, la liste des attestations est développée ; tous les manuscrits importants et

les principaux Pères sont cités. 3. Pour chaque lieu variant, le degré de certitude relative de la leçon adoptée est indiqué par une lettre, de A

(pratiquement sûr) à D (très douteux). Il s’agit évidemment d’un avis exprimé par l’équipe des éditeurs. 4. Un second apparat rassemble les variantes de ponctuation. 5. Dans le texte, les chiffres en exposant renvoient à l’apparat textuel, les lettres à l’apparat de ponctuation. 6. L’index final des citations de l’A.T. dans le N.T. (à l’exclusion des allusions) se présente sous deux formes :

d’abord dans l’ordre des livres de l’A.T., ensuite dans l’ordre des livres du N.T. (ce qui permet d’apprécier l’importance relative des citations de l’A.T. selon les livres du N.T.).

Le Greek New Testament est complété par un ouvrage de B.M. Metzger, A Textual Commentary of the Greek

New Testament, United Bible Societies, Londres et New York, 1971. Les 1440 lieux variants retenus par le G.N.T. y sont discutés et 600 autres s’y trouvent ajoutés, surtout concernant les Actes ; les préférences des éditeurs y sont justifiées et il est fait état de leurs éventuelles divergences d’opinion. En outre, l’introduction de l’ouvrage fournit en 17 petites pages un abrégé de l’histoire du texte, des indications rapides sur la méthode pour évaluer les variantes et un tableau des témoins représentant les différentes familles de textes.

Tous ceux qui lisent l’anglais auront avantage à utiliser ce précieux instrument de travail, même s’il faut savoir prendre ses distances par rapport à certains choix.

III. LE TEXTE DU NA 27 ET DU GNT L’équipe des spécialistes a collationné pour chaque lieu variant les données des divers

témoins du texte : manuscrits grecs, lectionnaires, versions, citations des Pères. Elle a ensuite cherché à établir, d’après des critères externes et internes (voir infra), quelle était la leçon qui avait le plus de chance d’être à l’origine de toutes les autres. C’est une méthode de “généalogie ponctuelle”, estimée la seule possible dans l’état actuel de la recherche.

Les citations de l’Ancien Testament sont en italique, les allusions probables restant en caractères ordinaires. En fin de volume (appendice IV), une table générale des citations et allusions contient non seulement les références à l’A.T., mais aussi quelques-unes aux écrits deutéro-canoniques et intertestamentaires.

Afin d’indiquer dans le texte l’existence de variantes, un système de signes renvoie à l’apparat critique placé en bas de page :

¡ = un mot... ™...\ = plusieurs mots sont omis (exemple Mt 1,18.25). De même, ¡1 ¡2..., ™1 ™2...\, etc.

(exemple : Mt 4,4). ¢ = un mot... ∞...fi = plusieurs mots sont remplacés par un ou plusieurs mots dans l’apparat (exemple : Mt

1,3.16). Quand le même fait se produit plusieurs fois dans le même verset, on ajoute un indice (exemple : 1 Co 7,17) : ¢ › ¢1 ¢2, etc.

£ = addition. De même ‹ £1 £ 2, etc. (exemple : Ac 18,6).

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 11

¶...• = les mots inclus sont dans un autre ordre ; l’ordre des mots est chiffré lorsque c’est nécessaire (exemple : Mt 2,22) : ¶ 4 1-3. De même aussi ¶1.... Un ‡ isolé signale que le mot suivant est transféré à une autre place.

: = une autre ponctuation est proposée (exemple : Jn 7,37-38). [...] = les éditeurs considèrent ce texte comme primitif, mais il y a doute (exemple : fin de

Rm). ·...‚ = ce texte est secondaire, mais son insertion est très ancienne (exemple : fin de Mc ; Jn

7,53-8,11). IV. L’APPARAT CRITIQUE (du NA 27 plus particulièrement) A. Leçons fournies Pour chaque lieu variant, l’apparat fournit : 1. d’abord les témoins de la leçon ou des diverses leçons divergente(s) 2. puis, après l’indication txt, les témoins de la leçon adoptée dans le texte. Les différentes données concernant un même lieu variant sont séparées par un trait vertical

discoutinu ; les différents lieux variants par | (exemple : 2 Co 4,4). Dans certains cas, seul(s) le (ou les témoins) d’une leçon est (ou sont) mentionné(s), sans que

la liste des témoins de la leçon retenue figure dans l’apparat. C’est que l’ensemble de la tradition manuscrite atteste, en dehors du ou des témoins mentionnés, la leçon retenue.

B. Indications des témoins La liste complète des témoins utilisés par NA 27 se trouve à la fin de l’ouvrage, appendice I. 1. Les manuscrits grecs Ce sont les témoins privilégiés pour NA 27. Sur près de 5400 manuscrits grecs, une

cinquantaine seulement donne le texte complet du N.T. a) signes désignant les manuscrits • Les papyri fournissent des fragments du texte du N.T. ; NA 27 en recense 116. Rares

sont ceux qui ont une certaine étendue, comme le papyrus Bodmer numéroté 66 qui est daté d’environ 200 et donne, à quelques lacunes près, le texte de l’Évangile selon Jean. Le plus souvent on n’a que quelques versets. Voir la liste précise que fournit NA 27 en appendice.

Les papyri sont désignés par un ∏, suivi d’un chiffre en exposant. NA 27 considère que les papyri les plus importants sont, pour les évangiles et les Actes, dans l’ordre, ∏75, ∏45, et ∏66. Il faut y ajouter ∏74 pour les Actes. Il arrive qu’un papyrus soit particulièrement important pour un texte donné ; il est alors ainsi signalé : ∏35 (!).

• Les majuscules (ou onciaux) : Ces manuscrits entièrement écrits en lettres majuscules

datent en gros du IVe au Xe s. NA 27 en décompte 303. Des recherches toutes récentes, il ressort cependant qu’il y a eu des erreurs d’identification et qu’on a pris pour des majuscules des fragments de lectionnaires par exemple (voir plus loin) ; il faudrait réduire le décompte d’une bonne trentaine d’unités. Les majuscules sont désignés par un numéro en caractères gras précédé d’un zéro :

01 = Sinaïticus, du IVe s., découvert dans un monastère du Sinaï au XIXe siècle, conservé à Londres (il contient tout le N.T. et est consultable en ligne sur www.codexsinaiticus.org). 02 = Alexandrinus, du Ve s., aussi à Londres (il contient tout le N.T. avec des lacunes). 03 = Vaticanus, du IVe s., au Vatican (il ne contient ni les Pastorales, ni Phm, ni la fin d’Hb, ni Ap).

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 12

04 = Codex d’Ephrem, du Ve s., palimpseste de Paris (il contient tout le N.T., mais avec beaucoup de lacunes). 05 = Cantabrigiensis (de Cambridge) ou de Bèze, du Ve ou VIe s., à Cambridge (il contient les évangiles et les Actes).

06 = Claromontanus, du VIe s., à Paris (épîtres pauliniennes). Et ainsi de suite. Mais, pour les grands manuscrits, on continue à utiliser plutôt les lettres par lesquelles les

avait désignés le Bâlois J.J. Wettstein au XVIIIe s. : A = Alexandrinus, B = Vaticanus, C = Codex d’Ephrem, etc. Attention ! D représente à la fois 05 (évangiles et Actes) et 06 (Paul). Après Z qui, à la suite

de plusieurs dédoublements, correspond à 035, on enchaîne avec les majuscules grecques en omettant celles qui pourraient être confondues avec des majuscules latines, mais cela ne va pas au-delà de 045. Par exception, le Sinaïticus fut désigné par a lors de sa découverte (aleph hébraïque).

Un majuscule donné n’a pas la même valeur pour toutes les sections du N.T. B est particulièrement important pour les évangiles et les Actes, il a une moindre qualité pour les épîtres pauliniennes. A et C sont les meilleurs témoins pour l’Apocalypse.

• Les minuscules : Ils apparaissent dès le IXe s. (alors qu’on écrivait encore en

majuscules), mais datent surtout du XIIe au XIVe s. Ils sont très nombreux, autour de 2800. Ils sont désignés par un numéro, par ex. 2138. Certains d’entre eux sont des témoins de grande qualité.

• Les lectionnaires : Ils réunissent des anthologies scripturaires à usage liturgique. Les

plus anciens (à partir du VIe siècle) sont des témoins dignes d’intérêt. Ils sont désignés par un numéro précédé d’un l (l italique), par ex. l32. On a dépassé les 2200.

Remarque : Pour préciser la nature d’une leçon à l’intérieur d’un même manuscrit, on peut affecter d’un exposant le signe

désignant le manuscrit. Ainsi : a* = leçon originale, avant correction. a1 a2 = leçon portée par un correcteur dans le texte (exemple : Mt 21,7 ; le Sinaïticus porte 7 corrections) amg = leçon indiquée en marge du manuscrit avid = videtur (en latin : apparemment) : leçon difficile à déchiffrer Autres indications éventuelles : v.l. = varia lectio, indique une leçon qui est inscrite dans la marge pour être substituée au texte. s = supplementum, signale un ajout suspect ? = leçon incertaine ( ) = leçon légèrement différente de celles auxquelles elle est comparée. b) Témoins constants, fréquemment cités, occasionnellement cités NA27 opère une distinction entre : - témoins constants : manuscrits grecs considérés comme les plus importants en vue de

l’établissement du texte et cités de manière systématique. Ils sont signalés par une astérisque dans la liste de l’appendice I et regroupés dans l’encart bleu.

Une distinction est établie en outre entre témoins constants de premier ordre (l’ensemble des papyri ; les onciaux indépendants du texte byzantin ; certains minuscules qui préservent une forme ancienne du texte) et témoins constants de deuxième ordre (dépendants du texte byzantin, majoritaire). Pour chaque livre du NT, on trouvera une liste de ces témoins constants aux p. 16*-22* (ou 58*-63*). Le repérage des témoins constants de deuxième ordre est facile à faire grâce à l’encart bleu qui les fait précéder d’une astérisque entre parenthèses ou entre crochets.

- témoins fréquemment cités ; - témoins cités occasionnellement.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 13

c) Types de texte ; usage de sigles Les spécialistes ont cherché à classer les manuscrits selon le type de texte qu’ils fournissent.

On en est venu à parler habituellement de quatre grands types de texte (voir tableau p. 21) : - le texte égyptien ou alexandrin, au sein duquel on distingue de plus en plus un texte proto-

alexandrin, fort ancien – il pourrait remonter au début du deuxième siècle –, concis et encore non polissé alors que le texte alexandrin lui-même semble avoir l’objet de retouches à la fois grammaticales et stylistiques de la part de scribes soucieux de qualité formelle.

- le texte occidental (dont on reconnaît maintenant qu’il était aussi répandu en Orient), attesté dès le deuxième siècle et de qualité inégale, volontiers paraphrastique.

- le texte césaréen représenté surtout par f1 et f13, deux petites familles (d’où le f) de minuscules attestant sans doute, avec quelques autres témoins, un stade pré-césaréen (en fait égyptien). Son existence n’est assurée que pour les évangiles, plus particulièrement pour celui de Marc. Amené par Origène à Césarée, il est lui aussi ancien.

- le texte byzantin (ou antiochien ou syrien), extrêmement répandu et de valeur généralement médiocre pour la critique textuelle, postérieur à chacun de trois autres types de texte.

NA 27 a renoncé à utiliser ce classement ; il n’a conservé que les signes suivants : - M (M majuscule gothique), signifiant en allemand Mehrheit, majorité. C’est une désignation

qui permet de regrouper, en évitant de longues énumérations, la masse des témoins du texte byzantin, mais aussi tous les témoins constants qui ne sont pas expressément signalés dans les attestations pro et contra fournies à propos de tel lieu variant.

- f1 et f13 : voir supra (texte césaréen).

d) indications générales données sous forme d’abréviations latines : pc = (pauci) = peu de manuscrits ont cette leçon en dehors des manuscrits expressément

indiqués ; al (= alii) = quelques autres ; cet (= ceteri) = un certain nombre ; pm (= permulti) = un grand nombre ; rell (= reliqui) = tous les autres. 2. Les versions anciennes NA 27 cite surtout les versions latines, syriaques et coptes (dans cet ordre). Certaines de ces

versions ont été faites sur le texte grec au IIe ou au IIIe siècle, c’est-à-dire antérieurement aux plus anciens manuscrits grecs complets qui nous sont parvenus (IVe s.).

a) latines : it (itala) = l’ensemble des vieilles versions latines antérieures à la Vulgate. On en compte une cinquantaine,

représentant trois traditions textuelles : africaine (la plus ancienne), européenne, et espagnole. Les manuscrits particuliers sont désignés par des minuscules (a, b, c, etc).

vg (vulgata) = la Vulgate de Jérôme (fin du IVe s.) ; les différentes éditions sont désignées par des exposants variés, comme vgst : édition de Stuttgart de 1975.

lat = la Vulgate, plus une partie des vieilles versions latines. latt = l’ensemble de la tradition latine. b) syriaques : sy = l’ensemble de la tradition syriaque. Des exposants variés indiquent les manuscrits particuliers, par exemple

syp = la Peschitta, équivalent syriaque de la Vulgate, sys et syc (Syriaque du Sinaï et de Cureton) ; syph (Philoxeniana) ; Syh (Harklensis). c) coptes :

co = l’ensemble des versions coptes. Le copte compte deux dialectes principaux ; sa = sahidique, de Haute-Égypte, le plus ancien ;

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 14

bo = bohaïrique, de Basse-Égypte ; mais plusieurs autres sont également cités. 3. Les Pères Seuls sont cités les plus anciens. Exemples : Cl = Clément d’Alexandrie ; Hier = Jérôme ; Or

= Origène. Voir la table des abréviations, p. 34*-35* ou 74*-76*. Quand le témoignage d’un auteur est partagé, cela est indiqué par un exposant : pt (= partim), exemple : Orpt.

L’origine de la citation peut être précisée : txt signifie qu’il s’agit d’une citation explicite en vue d’un commentaire ; com qu’il s’agit d’une citation au fil d’un commentaire.

Le témoignage des Pères est important car il peut permettre de situer, dans le temps et dans l’espace, l’utilisation d’une forme textuelle donnée. Il faut toutfois rester prudent, car un père peut avoir cité le texte de mémoire, l’avoir modifié…

C. Autres signes dans l’apparat p) dans les évangiles, signifie que l’on soupçonne l’influence d’un passage parallèle

(exemple : Mc 14,24) ; † indique une leçon que la 25e édition du Nestle-Aland faisait figurer dans le texte et que la 27e

édition a rejeté dans l’apparat ; + et - = ajouté ou retranché par tel témoin ; ? = leçon douteuse ; (!) = leçon qui paraît aberrante ; h.t. = homoioteleuton (l’oeil du copiste a sauté le texte qui figurait entre deux mots ou phrases se

terminant de la même manière). D’autres abréviations latines sont faciles à interpréter. On pourra se reporter à l’encart bleu. V. ÉVALUATION DES LEÇONS EN CONCURRENCE AU SEIN D’UN MÊME LIEU VARIANT A. La critique externe. Il s’agit du texte considéré dans sa matérialité (vu du dehors) par

opposition au texte considéré dans sa signification (vu du dedans ; voir ci-après, critique interne). La critique externe consiste à évaluer la qualité des divers témoins attestant les leçons en présence. Il faut entendre par témoins aussi bien les Pères de l’Église ancienne, lorsqu’ils citent des passages scripturaires, que les manuscrits grecs, les lectionnaires liturgiques et les versions anciennes dans les différentes langues.

La critique externe apprécie : - L’ancienneté des témoins (NA 27 fournit dans ses tables et sur l’encart bleu une datation

approximative, indication reportée, par souci de commodité, sur les deux fiches de travail ici proposées p. 21 et 22). Ce critère n’a qu’une valeur relative, car, entre deux témoins, le plus ancien peut être le fruit d’une mauvaise transmission, et le plus récent la copie d’un excellent modèle (c’est le cas de Q).

- La réputation des témoins et des familles de témoins dont on trouvera les principaux représentants aux p. 21 (on préfère habituellement le texte alexandrin au texte byzantin, ∏75 et B pour les évangiles, mais ces évaluations sont en réalité très complexes). Kurt et Barbara Aland ont proposé un classement par catégories de témoins (voir tableau p. 22). L’intérêt de ces catégories de témoins leur apparaît décroissant – la première et, à un degré moindre, la seconde leur semblant seules essentielles. Dans chaque catégorie, ils distinguent des témoins plus ou moins représentatifs qu’ils appellent témoins de premier ordre et de second ordre.

- Cela dit, pour de nombreux spécialistes, la dispersion de l’attestation entre plusieurs

familles de témoins reste un critère essentiel. Cette dispersion pourra être évaluée à l’aide du tableau de la page 21.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 15

L’ancienneté, la réputation et les dispersion des témoins sont ainsi des critères plus déterminant que leur nombre. Ils doivent être appréciés méthodiquement, chaque qu’un lien variant apparaît digne d’enjeu.

B. La critique verbale consiste à détecter, le cas échéant, les causes d’altération du texte liées à l’activité du copiste.

- Variantes involontaires (il faut se rappeler ici que les documents anciens ne séparaient pas les mots les uns des autres et que la ponctuation, de même d’ailleurs que l’accentuation, est tout à fait rudimentaire jusqu’au VIIe siècle) :

Elles peuvent relever d’erreurs ou de fautes : visuelles : • confusion entre lettres à la lecture, en particulier quand les majuscules grecques se

ressemblent : ainsi S et E, O et Q, L et D, G , P et T, LL et M ou encore LI et N). • réduction ou haplographie, en particulier lorsque l’oeil du copiste a sauté du même au

même (homoioteleuton) ; • répétition par le scribe d’une lettre, d’une syllabe ou de plusieurs mots qu’il auera

faussement lu deux fois faussement (dittographie). auditives : • confusion à la dictée : iotacisme pouvant affecter les voyelles h, i, et u et les

diphtongues ei, oi et ui ; confusion possible entre o et w, entre e et ai ou encore entre u et ou…). d’attention ou de mémoire immédiate : • substitution d’un synonyme à un autre terme ; transformation de l’ordre des mots ;

transposition de lettres dans la retranscription d’un mots ; assimilation à un autre passage déjà retranscrit ou bien connu :

- Modifications volontaires du copiste : • pour améliorer la grammaire, le style... ; • pour résoudre une difficulté historique ou géographique… ; • pour rectifier les citations de l’A.T. (en alignant sur la Septante) ; • harmonisation entre les évangiles (suggérée dans l’apparat critique de NA 27 par p – on

se souviendra ici que l’évangile dominant dans l’Antiquité est celui de Matthieu) ; • harmonisation de leçons divergentes (quand le scride disposait de deux manuscrit d’un

même écrit) ; • harmonisation avec l’usage liturgique ; • gloses explicatives (qui ont pu à l’origine être inscrites dans les marges) ; • retouches doctrinales bien-pensantes ou hérétiques.

C. La critique interne consiste à formuler un jugement de valeur à propos des différentes

leçons en présence. Quelques règles traditionnelles sont toujours utiles, à condition de n’être pas appliquées

mécaniquement : - lectio brevior potior : “la leçon la plus brève est la meilleure”, parce que les corrections ont

tendance à allonger le texte (mais il peut y avoir aussi des omissions accidentelles ou des suppressions volontaires) ;

- lectio difficilior potior : “la leçon la plus difficile (pour le copiste) est la meilleure”, parce que les corrections s’efforcent de rendre le texte plus intelligible ou plus acceptable (mais il y a aussi des obscurités accidentelles) ;

- chercher “la mère des variantes”, c’est-à-dire la leçon qui est susceptible d’avoir engendré les autres et qui, à l’inverse, ne peut s’expliquer comme enfantée par les autres. C’est le grand principe de “généalogie ponctuelle” affiché par NA 27.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 16

- préférer la leçon la mieux accordée aux usages (stylistiques ou théologiques) de l’auteur (mais un copiste peut avoir remanié un texte jugé insolite pour le conformer aux habitudes de l’auteur) ;

- dans les citations de l’A.T. ou dans les passages parallèles des évangiles synoptiques, préférer le texte le plus divergent, parce que la tendance des copistes est d’harmoniser ;

- ne pas recourir trop vite aux conjectures, c’est-à-dire à des reconstitutions hypothétiques que ne soutient aucun témoin (exemple : 1 Pi 2,8). Pourtant, il ne faut pas les exclure absolument, le texte ayant pu être corrompu très tôt et la corruption se répercutant alors dans l’ensemble de la tradition manuscrite. Le cas est spécialement envisageable pour les parties vulnérables que sont le début et la fin des livres, les copistes ayant pu reconstituer maladroitement des parties effacées ou détruites ;

- cas particulier : dans les évangiles synoptiques, la rétroversion araméenne peut plaider pour l’originalité d’une leçon.

Annexe : Quelques exemples de lieux variants où l’enjeu est théologique Mc 1,1 ; Lc 11,2 fin ; Lc 22,17-20 ; Jn 1,13 et 1,18 ; Ac 8,37 ; Hé 2,9, sans parler de Mc 16,9-20 et Jn 7,53 à

8,11 ! Sur tous ces cas, on pourra s’informer, de manière circonstanciée, en se reportant à B.M. Metzger, A Textual

Commentary of the Greek New Testament, ou, sommairement, en lisant les notes de la T.O.B. VI. INDICATIONS DANS LES MARGES (du Nestle-Aland) 1. Dans la marge extérieure : On y trouve les références des passages parallèles ou des citations. unde ? = citation probable mais d’origine inconnue (exemple : Jn 7,38). ! = placé après une référence, indique qu’on trouvera à cet endroit d’autres références

intéressantes (exemple : Ac 1,1.2.4, etc.) p = ajouté à une référence des évangiles, signifie qu’on y trouvera mentionnés les

parallèles synoptiques (exemple : Ac 1,5.7, etc.) ê = (G gothique) = grec, renvoie à la version grecque de l’AT des Septante (exemple :

Hé 1,3.5.6.7.8, etc.) Ó = (H gothique) = hébreu, renvoie à la Bible hébraïque. 2. Dans la marge intérieure On y a fait figurer les anciennes divisions du texte : 1… = la vieille division en chapitres des manuscrits grecs (en chiffres penchés) (la

numérotation ne commence jamais au début d’un livre car le premier chapitre n’était pas numéroté) ;

2 x (exemple pris dans Mt 1,17) = la numérotation établie par Eusèbe dans les évangiles pour

mettre en évidence le parallélisme des textes : ce sont les “canons” d’Eusèbe reproduits à la fin de l’introduction (p. 84-89 de NA 27). C’est une véritable synopse avant la lettre. Le premier chiffre indique la section ; le second précise la table dans laquelle il faut chercher les parallèles.

VII. APPENDICES (du Nestle-Aland) Il convient d’être conscient de l’utilité et de l’importance de ces appendices : I. Codices grecs et latins (p. 684-720). La liste en est dressée avec des indications relatives à lancienneté et au contenu de chacun de ces témoins. II. Variantes mineures non retenues dans l’apparat critique Elles sont signalées dans l’apparat lui-même par l’usage de parenthèses qui permettant de repérer le ou les

manuscrit(s) concerné(s). Le spécialiste est renvoyé ainsi à l’appendice II pour connaître le texte exact des leçons en question (p. 721-749).

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 17

III. Différences de choix entre les éditions modernes (p. 750-771) : T : Tischendorf (1869-72) H : Wescott/Hort (1881) S : von Soden (1913) V : Vogels (1922) M : Merk (1933) B : Bover (1943) N : Nestle-Aland25 (1963) IV. Index des citations (références en italique) ou allusions (références en romain) à des textes

de l’A.T. hébreu et grec, mais aussi à quelques pseudépigraphes et à de rares auteurs grecs (p. 772-808).

V. Index des signes, sigles et abréviations (p. 809-812). VIII. ENCART BLEU Le dépliant de couleur bleue encarté dans l’ouvrage dresse la liste des témoins constants (avec

indication de leur contenu et de leur date approximative) et des principaux signes et abréviations utiles pour l’usage courant.

IX. FICHES DE TRAVAIL : Les grandes familles de manuscrits et leurs principaux représentants Cette fiche a vocation à faciliter, lors de l’étape de la critique externe, le travail de

regroupement des témoins attestant une leçon donnée par grands types ou grandes familles de texte. Elle a été réalisée pour l’essentiel d’après les indications fournies in : A Textual Commentary on the Greek New Testament, p. XXIX-XXX. Pour chaque témoin figure en exposant et en chiffres romains, l’indication du siècle auquel il remonte, sauf dans les cas où une date plus précise, indiquée en chiffres arabes, est proposée ou connue.

Les grandes familles de manuscrits répartis en catégorie selon leurs qualités respectives

en se limitant aux témoins constants de premier ordre en gras) et de second ordre (en gras et en italique) ou encore fréquemment cités (caractères droits) de quelque ampleur (plus de 10 folios conservés)

La classification ici reprise est celle de Barbara et Kurt Aland. On se souviendra que, pour ces

deux spécialistes, les cinq catégories qu’ils distinguent sont d’un intérêt très différent. Seule la première et, à un degré moindre, la seconde, sont selon eux d’un intérêt majeur pour la quête du texte original, les trois dernière étant plus importantes pour l’histoire de la tradition textuelle que pour l’établissement du texte lui-même.

Les témoins constants de premier ordre et de second ordre sont à leurs yeux des témoins plus particulièrement représentatifs de chacune de ces catégories, quel que soit par ailleurs leur intérêt.

Bibliographie : Kurt et Barbara Aland, Der Text des Neuen Testaments, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 1981 (= The Text of the New Testament. An Introduction to the Critical Editions and on the Theory and Practice of Modern Textual Criticism. Translated by E. F. Rhodes, Grand Rapids – Leiden, Eermans – Brill, 1987. Bruce M. Metzger – Bart D. Ehrman, Th Text of the New Testament. Its Tranmission, Corruption and Restoration, Fourth Edition, New Yozk – Oxford, Oxford University Press, 2005.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 18

FICHE DE TRAVAIL : LES GRANDES FAMILLES CLASSIQUES DE MANUSCRITS

ET LEURS PRINCIPAUX REPRÉSENTANTS

Texte proto-alexan- drin* et alexandrin

Texte occidental Texte pré-césaréen et césaréen

Texte syro-byzantin ou antiochien

Évangiles = e

∏66*(±200) ∏75 (III)*

aIIV* (sf Jn 1,1-8,38) BIV* (CV) LVIII TV WIV-V(Lc 1-8,12+Jn) ZVI DIX(Mc) XVI YIX-X(Mc + Lc et Jn part) 33IX 579XIII 892IX 1241XII Sahidique (part)*

Bohaïrique Cl Alex*, Or (part)*

aIV (Jn 1,1-8,38) DVI W IV-V (Mc 1,1-5,30) 0171(±300) Vetus latina (It) sys+sycpart Anciens pères latins, Diat

∏45(Mc)*

WIV-V(Mc 5,31-16,8)* QIX f1XII* f13XIII* 28X*I 565IX 700XI

1424IX-X(Mc) arm georgien Or (part) Eusèbe Cyr Jer

AV EVIII FIX GIX HIX KIX MIX NVI OVI PVI QV S949 UIX VIX WIV-V(Mt+Lc 8,13ss) YIX G D(-Mc) PIX FVI YIX-X (Lc + Jn part) WIX plupart des minuscules Vg syh syp

Chrysostome Actes = a

∏45III* ∏50IV-V

∏74VII*

aIV* AV BIV* (CV) YIX-X

33IX 811044 1041087 326X

Sahidique (part)*

Bohaïrique

Cl Alex*, Or (part)*

∏29III ∏38(±300) ∏48III

DVI EVI

383XII 614XIII

Vetus latina (It) syrhmg syrpalmscopG67

Anciens pères latins

Ephrem

HIX KIX LVIII PVI 049IX plupart des minuscules syh

Épîtres pauli- niennes = p

∏13III-IV ∏46(±200)* plupart autres ∏* aIV* AV BIV* (CV) HIX IV YIX-X 33IX 811044 1041087 326X1739X Sahidique (part)* Bohaïrique

Cl Alex*, Or (part)*

DVI EVIII FIX GIX Vetus latina (It) Pères grecs jusqu’en 300 Vieux mss et pères latins Pères syriens jusqu’à 450

KIX LVIII 049IX plupart des minuscules syh Chrysostome

Épîtres Catholiques = c

∏20 III ∏23 III ∏72 III-IV aIV* AV BIV* (CV) YIX-X 33IX 811044 1041087 326X1739X Sahidique (part)*

Bohaïrique

Cl Alex*, Or (part)*

GIX Vetus latina (It) Pères grecs jusqu’en 300 Vieux mss et pères latins Pères syriens jusqu’à 450

KIX LVIII 049 IX plupart des minuscules syh Chrysostome

Apocalypse = r

∏47 III

aIV* AV BIV* CV 1006XI 1611X 1854XI 2053XIII 2344XI Vg Sahidique (part)*

Cl Alex*, Or (part)*

PVI 046X 051X 052X plupart des minuscules syh Chrysostome

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 19

FICHE DE TRAVAIL : LES GRANDES FAMILLES DE MANUSCRITS RÉPARTIS EN CATÉGORIES SELON LEURS QUALITÉS RESPECTIVES

en se limitant aux témoins constants de premier (en gras) et de second ordre (en gras et en italique)

ou encore fréquemment cités (caractères droits) de quelque ampleur (plus de 10 folios conservés)

(classification : Kurt et Barbara Aland)

Catégorie I manuscrits de qualité toute

particulière (liés au texte alexandrin ou proto-alexandrin)

II manuscrits de qualité particulière, mais où se manifestent aussi

des influences du texte byzantin (texte de type alexandrin ou égyptien notamment)

III Manuscrits attestant un texte indépendant, plus importants encore pour l’histoire de la tradition textuelle que pour l’établissement du texte lui-

même

IV Manuscrits du même

type que D

V Manuscrits

de type byzantin

Évangiles = e

∏45III

∏64+67III

∏66(±200) ∏75III

a IV BIV 2427XIV

CV LVIII TV Q IX

083VI-VII 0102VII 33IX 892IX

AV WIV-V ZVI DIX XVI Y ix-X 050IX 070VI 086VI 0106VII f1XII f13XIII 28XI(Mc) 565IX 579XIII 700XI 1241XII 1424IX-X(Mc) 2542XIII

DV 0171(±200)

KIX NVI PIX QV GX

Actes = a

∏45III ∏74VII a IV AV BIV 33IX

CV EVI 048V 36XII 811044 1175X 1739X 2464IX

∏41VIII ∏50IV-V Y IX-X 1041087 323XII 326X 424XI 453XIV 614XIII 945XI 1505XII 17041541 1884XVI 1891X 2495XV

∏29III

∏38(±300) ∏48III DV

LIX 6XIII 189XIV 1241XII 2147IXI-XII

Épîtres pauli- niennes = p

∏13III-IV ∏40III ∏46(±200) a IV AV BIV 33 IX 1739X

∏11 CV DV IV 048V 811044 1175X 15061320 1881XIV 2464IX

FIX GIX HIX PIX Y IX-X 075X 6XIII 1041087 323XII 365XII 614XIII 629XIV 630XII-XIII 1241XII 1505XII 2495XV

KIX LIX 945XI

Épîtres catholiques = c

∏72III-IV ∏74VII

a IV AV BIV 33 IX 1241XII 1243XI 1739X

CV Y 048 811044 322XV 323XII 1852XIII 1881XIV 2464IX

P 69XV 614XIII 6231037 630XII-XIII 945XI 1505XII 1846XI 2298XII 2495XV

KIX LIX

Apocalypse = r

∏47III

∏115III-IV a IV AV 2053XIII 2062XIII 2344XI

CV 1006XI 1611X 1841IX-X 1854XI 20501107 2329X

051X 2030XII 2351X 2377XIV

PIX 046X

Remarque : Cette fiche a été réalisée à partir des indications fournies par Kurt et Barbara Aland, Der Text des Neuen

Testaments, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 1981 (= The Text of the New Testament. An Introduction to the Critical Editions and on the Theory and Practice of Modern Textual Criticism. Translated by E. F. Rhodes, Grand Rapids – Leiden, Eermans – Brill, 1987).

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X. RÉCAPITULATIF : Indications fournies par le Nestle Aland Lieux variants Importance de l’apparat Il signale les principaux lieux variants Il fournit, pour chacun d’entre eux, la liste des leçons concurrentes en présence Il en signale les principaux témoins, toujours dans l’ordre suivant :

Témoins grecs Versions Pères de l’Église Papyri Majuscules Minuscules Lectionnaires Latines Syriaques Coptes

Utilité de l’index I Il indique notamment l’ancienneté de chaque témoin et l’étendue du texte qu’il atteste Utilité de l’index II Il précise quelles sont les leçons attestées par des témoins grecs qui sont indiqués entre parenthèses

dans l’apparat. Utilité de l’index III Il permet de repérer des lieux variants suffisamment problématiques pour que les éditeurs aient été

amenés à retenir des leçons différentes Citations et allusions scripturaires : Citations : Indications des passages cités en italiques (marge extérieure) L’usage des italiques dans le corps du texte est censé signaler là où la citation est littérale. Mise en garde : En fait, une grande prudence est ici nécessaire. Il faut vérifier sur les éditions de la BH

et de la LXX et ne pas hésiter à recourir à d’autres témoins encore : textes bibliques retrouvés à Qumrân ; versions grecques d’Aquila, Symmaque et Théodotion via les parties conservées des Hexaples ; Vulgate (dans certains cas) ; targumim…

Allusions et parallèles : Indications des passages en caractères droits (marge extérieure) Mise en garde : la prise en compte de la littérature intertestamentaire, même si elle est revendiquée,

reste tout à fait partielle Utilité de l’index IV Récapitulatif des citations (en italiques) et des allusions (en caractères droits) à un passage scripturaire

donné. Il permet ainsi de se faire rapidement une idée des passages du NT où un texte vétérotestamentaire est cité et d’être renvoyé, le cas échéant, à une partie au moins de ceux dans lesquels allusion peut y être faite.

Mise en garde : Là non plus, l’exhaustivité ne saurait être possible et les vérifications sont de mise de même que d’éventuelles investigations complémentaires. Une synopse en miniature Utilité des canons d’Eusèbe (marge intérieure) Ils permettent, dans les évangiles, de repérer tout de suite les passages pour l’étude desquels le recours à

la synopse sera utile, voire indispensable (en fait, tous, sauf ceux qui relèvent de la table X) Utilité des renvois aux textes parallèles (marge extérieure) Ils permettent là aussi des rapprochements utiles avec d’autres passages du Nouveau Testament avec

lesquels une comparaison pourra être éclairante.

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Enjeux (ou problèmes) de Traduction « Contrairement à une opinion répandue, la traduction du NT dans une langue moderne est une tâche difficile. (…) La traduction d’un texte ne peut être définitivement arrêtée — il faut souvent dire risquée — que tout à la fin de l’enquête exégétique » (p. 37). Dans la pratique, il conviendra de « noter dès le début les problèmes les plus apparents, de résoudre ceux qui peuvent être immédiatement résolus (de l’ordre, par exemple, de la philologie et de la grammaire) et de repérer les questions qui devront être reprises dans des rubriques ultérieures » (p. 37). Il conviendra donc de bien repérer les passages ou les termes pouvant faire l’objet de plusieurs traductions et de mettre en évidence les différentes possibilités de restitution, possibilités entre lesquelles il ne sera choisi que plus tard, à moins que l’enquête ne fasse apparaître que le texte joue, de fait, sur une ambiguïté (technique du malentendu johannique...). Nota : Pour bien négocier cette rubrique, il importera de ne surtout pas recourir – même si on l’utilise par ailleurs et si elle peut rendre des services quand on est bien conscient de ses limites – à l’édition interlinéaire (grec - français) du Nouveau Testament. Elle ne laisse en effet planer aucun doute là où la traduction est pourtant problématique et choisit toujours sans jamais expliquer que pourtant il y a choix. Analyse Littéraire : Organisation et dynamique du récit ou du discours Toute forme de communication, et par conséquent tout texte, met en jeu un émetteur (auteur), un contenu (message) et un destinataire (lecteur). Selon les grilles d’analyse employées, on peut mettre l’accent sur l’auteur (tendance de l’exégèse historico-critique), sur le texte (tendance de l’analyse sémiotique et de l’analyse littéraire préconisée par M.-A. Chevallier) ou sur le lecteur (tendance de l’analyse narrative). Dans un premier temps, l’attention au texte et au lecteur se recommandent comme les approches les moins techniques et les plus accessibles, encore qu’elles requièrent, elles aussi, une méthode rigoureuse. * Dans le cas d’un récit, on pourra avoir recours aux analyses littéraire et narrative. On distinguera entre macro- et micro-récits, le premier terme servant à désigner l’œuvre tout entière, et le second, chaque épisode particulier. Chaque micro- ou macro-récit pourra être abordé à partir des quatre questions traditionnelles : où ? (critère du lieu) ; quand ? (critère du temps) ; qui ? (critères des personnages, dont on observera notamment le rôle qu’ils jouent [héros, adjuvants, opposants] en étant particulièrement attentif à d’éventuelles redistributions de rôle au cours du récit) ; quoi ? (critère du thème). Chaque micro-récit pourra être structuré en fonction des tableaux qui le composent, la succession de ces tableaux étant déterminée par changement de lieu, de temps, disparition ou apparition de personnage(s), ou encore changement de point de vue (au sens où on assiste, visuellement, à un changement de l’angle de vue [on pourra distinguer ici entre plan d’ensemble, plan moyen et gros plan]). Des micro-récits qui se succèdent constituent une *séquence narrative quand les rapproche une unité de temps, de lieu ou de personnages ou bien quand ils relèvent d’une thématique ou d’une problématique commune. On envisagera aussi comment s’établit la communication entre l’auteur (implicite) et le lecteur (implicite), entre le narrateur et le narrataire. On sera amené à distinguer ainsi entre le niveau de la mise en récit (qui met en œuvre une stratégie narrative [question : comment est-ce raconté ?]) et celui de l’*histoire racontée (question : qu’est-ce qui est raconté ?). L’étude de la mise en récit, de la stratégie narrative, permettra de mettre en évidence les procédés mis en œuvre par le narrateur dans sa façon : a. de gérer le temps de son récit par rapport au temps de l’histoire qu’il raconte en jouant sur :

- l’ordre (anachronies possibles [analepses ou prolepses, internes, externes ou mixtes]) ;

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- la *durée (en faisant alterner pauses, scènes, sommaires ou ellipse)5 ; - la fréquence narrative (en pouvant recourir à des scènes singulatives, au récit répétitif ou itératif).

b. de choisir un mode narratif en jouant sur : - la distance (en recourant au récit pur [telling] soit à la représentation directe [showing]) ; - la focalisation (focalisation 0 [il sait tout et montre tout] ; focalisation interne [il permet au lecteur d’entrer dans l’intimité de la pensée d’un personnage] ; focalisation externe [il en sait moins qu’un personnage)]).

c. de déterminer la voix qui va porter le récit en jouant sur : - le temps de la narration (qui pourra être ultérieure, simultanée, antérieure, intercalée) ; - le niveau narratif (selon que l’instance narrative est intra- ou extra-diégétique) - la personne du narrateur (selon que ce dernier est l’un des personnages de l’histoire ou y est étranger).

À cette rubrique viendra s’adjoindre la prise en compte du commentaire explicite ou implicite. L’étude de l’*histoire racontée se caractérisera par une attention portée à l’intrigue ; au cadre et aux personnages. Pour ce qui est de l’*intrigue, chaque micro- ou macro-récit se caractérisera par la sienne. On suivra le développement de cette intrigue, de la situation initiale à la situation finale, en étant attentif au nouement (moment où la tension dramatique s’amorce du fait que se présente une difficulté ou un problème), à l’action transformatrice (moment de la résolution du problème ou de la difficulté) et au dénouement (description des effets de l’action transformatrice). * Dans le cas d’un « discours, on s’intéressera à l’émetteur (ou destinateur) et au destinataire (qui peuvent être l’un et l’autre singuliers ou pluriels), au lieu (au sens large) d’où ils parlent” (ou affirment parler) “et” au lieu “d’où ils écoutent” (ou sont censés écouter), “à la relation établie entre eux (à cet égard, ils sont aussi des actants). Et, du point de vue grammatical, on s’arrêtera spécialement aux temps des verbes principaux considérés dans leur rapport au présent de l’énonciation (ou au temps de l’énonciation pris comme présent), au jeu des pronoms personnels et aux articulations logiques de l’énoncé ou à l’absence d’articulations » (p. 53). Il sera utile de se souvenir aussi, quand on étudie un discours, que les anciens avaient précisément codifié l’art du discours, la rhétorique, discipline dont on trouvera une rapide présentation dans l’excursus 3. Que ce soit pour l’étude globale des Épîtres aux Galates, aux Romains ou aux Hébreux, ou à l’échelle de discours plus réduits, tels ceux des Actes, la prise en compte de la rhétorique peut s’avérer fort éclairante. Nota : * En vue de cette approche du texte (qu’il s’agisse d’un récit ou d’un discours) dans une perspective synchronique, nous recommandons de le recopier – en grec bien entendu –, en veillant à n’écrire qu’une proposition par ligne et à ne faire partir de la marge que les principales et les indépendantes. On décalera toutes les autres propositions, le cas échéant les unes par rapport aux autres, pour souligner à chaque fois les relations de dépendance qu’elles entretiennent6. Cette étude de l’organisation et de la dynamique du récit ou du discours est essentielle. Elle doit être conduite avec la plus grande minutie parce qu’elle va largement déterminer la suite de l’enquête. Elle permet en effet de dégager la logique du passage étudié, ses principales articulations, la présence de codes (temporel, géographique, topologique, spatial, théologique, christologique, pneumatologique, anthropologique...) et de discerner ainsi ce qui est en jeu. On reviendra sans cesse à cette analyse lors de l’enquête ultérieure pour la préciser, l’affiner et vérifier que les recherches menées ne conduisent pas à perdre de vue la visée même du passage étudié. On ne commencera d’ailleurs, rappelons-le, cette enquête qu’après avoir acquis une première idée de la logique générale ou des logiques possibles de ce passage.

5 Ici les verbes qui réclameront la plus grande attention, et plus particulièrement leur voix, leur mode, leur

temps ainsi que la succession de ces divers aspects. 6 Voir l’illustration que constitue l’exégèse du texte d’Actes 12.

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EXCURSUS 2 (complément au cours)

BRÈVE INTRODUCTION À L’ANALYSE NARRATIVE

Définitions Texte : produit de l’activité narrative Auteur historique : celui qui rédige le texte Lecteur historique : destinataire du texte Mise en récit : manière dont est raconté le récit (registre du signifiant) Auteur implicite : responsable de la stratégie narrative ; personnage fictif dont les traits résultent de la somme des choix effectués par le ou les auteur(s) réel(s) lors de la rédaction de l’écrit Lecteur implicite : celui qui accomplit toutes les opérations mentales requises pour entrer dans le monde du récit et y répondre conformément à l’intention de l’auteur implicite Narrateur : voix qui guide le lecteur dans le récit (en usant notamment du commentaire explicite et implicite) personnage auquel l’auteur implicite peut choisir de déléguer la mise en œuvre de la stratégie narrative Narrataire : celui auquel le narrateur raconte l’histoire Remarque : le narrateur peut être absent du récit. Il se confond alors plus ou moins avec l’auteur implicite, même s’il revient à chacun une fonction spéci- fique d’inspiration (auteur implicite) ou de mise en œuvre de la straté- gie narrative (narrateur) Histoire racontée : événements narrés extraits de leur disposition dans le récit et reconstruits

dans leur ordre chronologique (registre du signifié)

Les niveaux que distingue l’analyse narrative

Auteur réel ou historique - Texte - Lecteur réel ou historique

Mise en récit supposant un choix

de rhétorique narrative

/ \ Auteur implicite - Narrateur - Récit - Narrataire - Lecteur implicite

\ / Histoire racontée

ou diégèse Définitions : Au sein d’un récit premier que l’on pourra appeler aussi macro-récit et qui est l’entité narrative maximale conçue par le narrateur, on pourra distinguer un certain nombre de micro-récits, entités narratives minimales dont l’unité est identifiable par la présence d’indicateurs de mise en clôture (opération de balisage de l’entité narrative en aval et en amont). Chaque micro-récit pourra être constitué d’un certain nombre de sous-unités ou tableaux et plusieurs micro-récits pourront être articulés par une thématique commune ou un protagoniste identique en séquence narrative.

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I. La mise en récit A. Le temps (relation temporelle entre le récit et la diégèse) Il pourra être étudié sous trois grandes rubriques : 1. L’ordre

2 pôles récit histoire

Erzählzeit erzählte Zeit

Entre ordre du récit et ordre de l’histoire

apparaîtront des discordances ou anachronies

analepses ou

prolepses Analepses et prolepses sont définies par : leur portée (écart par rapport au temps de la narration ou récit premier) ; leur amplitude (durée) leur caractère homodiégétique ou hétérodiégétique. On distinguera notamment : analepse (ou prolepse) externe : dont l’amplitude reste extérieure au récit premier et à son champ temporel. analepse (ou prolepse) interne : dont l’amplitude est incluse à l’intérieur du champ temporel du récit premier. analepse mixte : dont le point de portée est antérieur et le point d’amplitude postérieur au début du récit premier. ellipse : élision d’un segment diachronique. paralipse : éviction d’une donnée ou fait de laisser de côté une donnée. Illustration à propos du quatrième évangile (= Culpepper, Anatomy, p. 70) Passé du récit Présent du récit Futur du récit analepses internes et prolepses internes analepses mixtes prolepses mixtes analepses externes prolepses externes passé passé futur futur pré-historique historique historique eschatologique Au Israël Ministère de Jésus depuis le témoignage communauté le dernier commencement de Jean jusqu’aux apparitions post-Rq johannique jour Temps monumental T E M P S M O R T E L Temps monumental 2. La durée Pause : TR = n TH = 0 D’où TR ∞> TH Légende : Scène : TR = TH TR = temps du récit Sommaire : TR < TH TH = temps de l’histoire Ellipse : TR = 0 TH = n D’où TR <∞ TH Illustrations NTaires (= Powell, What is Narrative Criticism, pp. 38-39) Pause : Mc 7,3-4 Sommaire : Lc 2,40 : l’enfant grandissait, se fortifiait... Scène : discours ; récit détaillé d’actions (dans certains cas) ellipse : entre Mc 1,34 et 1,35

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3. La fréquence narrative Définition : relation de fréquence (ou plus simplement de répétition) entre récit et diégèse. Récit Histoire énoncés narratifs événements narrés Possibilités diverses : Raconter une fois ce qui s’est passé une fois scène singulative ou singulière Raconter n fois ce qui s’est passé n fois se ramène au type précédent Raconter n fois ce qui s’est passé une fois récit répétitif Raconter une seule fois (ou plutôt en une seule fois) ce qui s’est passé n fois récit itératif B. Le mode 1. La distance Mode narratif Diegesis Mimesis Caractéristiques

récit pur discours indirect

représentation directe répliques

Quantité d’information

minimale

maximale dominance de la scène

Présence de l’informateur

maximale présence du narrateur

minimale transparence du narrateur

Technique

Telling

Showing en dire le plus possible le dire le moins possible

2. Point de vue : focalisation * Focalisation 0 = Récit non focalisé Narrateur > Personnage Narrateur omniscient : il en sait plus que le personnage il en dit plus que n’en sait aucun des personnages * Focalisation interne Narrateur = Personnage Champ restreint : le narrateur ne dit que ce que sait tel personnage * Focalisation externe Narrateur < Personnage le narrateur en sait moins que n’en sait le personnage Remarques : La formule de focalisation peut porter sur l’ensemble d’une œuvre mais affecte le plus souvent un segment narratif déterminé qui peut être fort bref. La focalisation externe sur un personnage peut parfois se laisser assimiler à une focalisation interne sur un autre. Altération Changement momentané de focalisation. Infraction momentanée au code de focalisation qui régit l’ensemble (ou le contexte) : Paralipse : on donne moins d’information qu’il n’est en principe nécessaire. Paralepse : on donne plus d’information qu’il n’est en principe nécessaire.

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C. La voix C’est l’instance narrative, instance narrative qui peut varier au cours d’une œuvre et que l’on peut évaluer en fonction de différents critères. 1. Temps de la narration Du point de vue de la position temporelle, quatre types de narration * ultérieure (position classique du récit au passé ; de très loin la plus fréquente) ; Cas particulier : celui dans lequel l’histoire vient (le plus souvent en final) rejoindre la narration * antérieure (récit prédictif en général au futur mais que rien n’interdit de conduire au présent ; la narration précède l’histoire [récit prophétique, apocalyptique, oraculaire...]) ; Ces récits sont souvent prédictifs par rapport à leur instance narrative immédiate mais pas par rapport à l’instance dernière : * simultanée (récit au présent contemporain de l’action) ; * intercalée (entre les moments de l’action). C’est là le type le plus complexe (roman épistolaire ; journal), puisqu’il s’agit d’une narration à plusieurs instances et que l’histoire et la narration peuvent s’y enchevêtrer de telle sorte que la seconde réagisse sur la première. 2. Niveaux narratifs Tout événement raconté par un récit est à un niveau diégétique immédiatement supérieur à celui auquel se situe l’acte narratif producteur de ce récit. C’est ainsi que, si l’on qualifie de récit premier le texte lui-même dans lequel sont narrés des événements intradiégétiques par essence, l’instance narrative de ce récit premier sera, par définition, extradiégétique. On parlera alors de narrateur primaire. Si l’on qualifie de récit second tout récit interne au récit premier, récit second dans lequel seront narrés des événements métadiégétiques, l’instance narrative de ce récit second sera intradiégétique. On parle alors de narrateur second. Trois types de relation peuvent exister entre récit premier et récit second : * explicative (rapport de causalité directe entre les événements de la métadiégèse et ceux de la diégèse [quels événements ont conduit à la situation présente ?]) ; * thématique (aucune continuité spatio-temporelle entre métadiégèse et diégèse) La relation thématique peut, lorsqu’elle est perçue par l’auditoire, exercer une influence sur la situation diégétique (parabole et fable reposent sur cette fonction monitive de l’analogie) * absence de relation entre les deux niveaux de l’histoire : l’acte de narration lui-même remplit une fonction dans la diégèse, indépendamment du contenu métadiégétique. Métalepse On appelle métalepse toute intrusion du narrateur ou du narrataire extradiégétique dans l’univers diégétique, ou inversement. 3. Personne Deux attitudes narratives possibles : Faire raconter l’histoire par l’un de ses personnages par un narrateur étranger à cette histoire D’où deux types de récits : hétérodiégétiques : narrateur absent de l’histoire qu’il raconte homodiégétiques : narrateur présent comme personnage dans l’histoire qu’il raconte avec différents cas : * le narrateur est le héros de son récit récit autodiégétique Ici un écart peut toutefois exister entre le erzählendes Ich (Je narrant) et le erzähltes Ich

(Je narré) (différence dâge et d’expérience…) * le narrateur ne joue qu’un rôle secondaire (d’observateur et de témoin en général). Conclusion : * Statut du narrateur défini à la fois par son niveau narratif et sa relation à l’histoire * Extradiégétique-hétérogiégétique (narrateur au premier degré d’une histoire d’où il est absent) * extradiégétique-homodiégétique (narrateur au premier degré qui raconte sa propre histoire) * intradiégétique-hétérodiégétique (narrateur au second degré d’une histoire d’où il est absent) * intradiégétique-homodiégétique (narrateur au second degré qui raconte sa propre histoire)

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* Fonctions du narrateur / l’histoire : fonction proprement narrative / texte narratif : fonction de régie / situation narrative (relation narrateur - narrataire) : fonction de communication / orientation du narrateur vers lui-même : fonction testimoniale en cas de commentaire autorisé de l’action : fonction idéologique Le Commentaire Il pourra être explicite * avec glissement à un temps autre que celui de l’histoire racontée et qui est le plus souvent celui de la mise en récit : apostrophe au lecteur fixation de l’interprétation correcte d’une parole d’un événement * en restant au niveau de l’histoire racontée : recours au motif de l’accomplissement des Ecritures explication traduction évaluation (positive ou négative) implicite * allusions intertextuelles (citation, plagiat, allusion, écho) * allusions transculturelles * recours à la mise en abyme (microrécit reflet du macrorécit) au paradoxe au malentendu à la polysémie à l’ironie verbale de situation à l’humour au symbolisme à l’opacité (rétention d’information par rapport au lecteur ou à l’un des personnages) La prise en compte du commentaire implicite est essentielle. Elle conduit en fait l’approche narratologique à rejoindre d’une manière ou d’une autre l’approche historico-critique dans la mesure où elle reconnaît que le narrateur fait appel à des compétences de la part du narrataire, compétences qui ne sont pas inscrites dans le texte mais qu’il faut reconstituer, certes à partir du texte mais en s’appuyant sur des données extérieures à lui. Narrataire Comme le narrateur, le narrataire est l’un des éléments de la situation narrative. Il se place nécessairement au même niveau diégétique. Il ne se confond pas plus a priori avec le lecteur que le narrateur ne se confond nécessairement avec l’auteur. * Au cas où la narrataire est intradiégétique, le lecteur réel est maintenu à distance. * Plus transparente est l’instance réceptrice, plus irrésistible s’en trouve rendue l’identification de chaque lecteur réel à cette instance virtuelle. Le processus de communication (entre narrateur et narrataire) Une forme de contrat s’établit généralement entre le narrateur et le lecteur. Il est déjà inhérent en partie au choix d’un genre littéraire. Cela dit, on peut distinguer différents types de narrateurs en fonction : - de combien ils en savent ; - de combien ils en disent de ce qui doit être su pour que le monde du récit et ses

personnages soient compris. L’information nécessaire au narrataire, information introductive et destinée à l’orienter, est parfois appelée exposition.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 28

Elle peut être : - concentrée en un endroit ou distribuée tout au long du récit ; - préliminaire ou donnée plus avant dans le récit ; - donnée dans un ordre chronologique ou donnée dans un autre ordre de telle sorte que le lecteur doive travailler lui-même la séquence chronologique. Une information chronologique, préliminaire et concentrée est la norme fondamentale d’une communication directe : le lecteur verra ses premières impressions confirmées tout au long du récit. C’est dans ce cas que se conclut ce que l’on peut appeler le pacte de lecture, ensemble de codes auxquels recourt le narrateur pour programmer en quelque sorte la lecture et la compréhension de son texte. Ce pacte de lecture se conclut, explicitement, dans le péritexte et, implicitement, dans le choix du genre littéraire. Le péritexte consiste en les énoncés qui, tout en appartenant au texte, l’encadrent et en conditionnent la lecture (titre, prologue, préface, conclusion, épilogue). On sera attentif, sur le plan de l’intrigue, à la relation entre ouverture et clôture de l’œuvre avec des phénomènes de circularité, c’est-à-dire l’annonce, dès le départ, d’un ou plusieurs motif[s] qui sont repris en finale sous l’angle de la répétition ou de la résolution). On sera attentif aussi à une éventuelle incomplétude (manque d’éléments indispensables à une parfaite circularité et à un parfait parallélisme). Des relations peuvent être établis aussi entre le début (ou la fin) et le milieu de l’œuvre(phénomènes de parallélisme) , voire avec une autre œuvre (linkage = liaison ; raccord). Au concept de péritexte, s’ajoute celui d’épitexte. L’épitexte consiste en l’ensemble des énoncés encadrant un texte et en préparant la lecture, tout en étant matériellement séparés de lui (commentaire, résumé...). Il peut être dû à l’auteur ou à l’éditeur. Le paratexte consiste, quant à lui, en l’ensemble des énoncés qui encadrent le texte qu’ils y appartiennent (péritexte) ou non (épitexte). Partie intégrante du péritexte mais plus réduit que lui, l’incipit est l’énoncé par lequel s’ouvre le texte. Par delà le péritexte, le texte lui-même peut inclure des balises narratives : - des signaux de structuration narrative (introductions de micro-récits...) - le recours au phénomène de la redondance (refrains, répétition de formules ou d’événements) - la syncrisis (mise en parallèle de l’activité de différents personnages).? Par ailleurs, la lecture est également induite par le point de vue évaluatif du narrateur sur le personnage Le narrateur amènera le lecteur à éprouver pour les personnages différents sentiments généralement ramenés à trois : Antipathie : rapport d’hostilité à l’endroit d’un personnage Sympathie : attitude positive à l’endroit d’un personnage Empathie : rapport d’identification avec un personnage. La communication d’un point de vue évaluatif sera souvent catalysé par le recours à la technique du showing et à un procédé tel que la focalisation interne. Il existe, en sens inverse dans le texte, des lieux d’incertitude, laissés à la discrétion du lecteur qui peut les investir à sa guise. Ce sont les blancs. Ils concourent à l’incomplétude du texte qui requiert la collaboration interprétative du lecteur. Ce dernier est appelé ainsi à cheminer généralement, après avoir pris acte du pacte de lecture, entre une série de balises qui vont jalonner son itinéraire sans empêcher toutefois son imagination d’investir les espaces de liberté laissés par les blancs du texte ou les incomplétudes du récit.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 29

II. Les contenus narratifs (Niveau de l’histoire racontée) A. Intrigue Définition L’intrigue, dans une œuvre dramatique ou narrative, est la structure de ses actions, telles qu’elles sont ordonnées et rendues en vue de produire des effets émotionnels et artistiques particuliers. Schéma classique = schéma aristotélicien Nouement Action transformante Dénouement Schéma affiné = schéma quinaire : Situation initiale = exposition Nouement = nœud, élément déclencheur du récit, tension narrative énoncé du problème Action transformatrice = renversement de la situation initiale pivot Dénouement = résolution du problème considéré Situation finale = exposé du nouvel état Remarque : souvent l’action transformatrice constitue non seulement le pivot mais aussi le sommet de l’intrigue et le lieu où culmine la tension dramatique, mais cette coïncidence n’est pas toujours de mise. Traits centraux catégories d’Aristote : Poétique 1450b-51b catégories modernes séquence des événements ordre (commencement - milieu - fin) consécution des évts liens de causalité entre eux amplitude configuration unité de l’intrigue unité pouvoir affectif connexion probable et nécessaire Intrigues d’action, de caractère, d’opinion * Intrigue d’action changement dans la situation du protagoniste Personnage Bon héros non qualifié Protagoniste mauvais Héros noble

Devenir

Échec

Réussite

Échec

Réussite

Échec par mauvais calcul

Réussite par delà mauvais calcul

Réaction induite Incompréhension Satisfaction Satisfaction Dégoût Pitié Satisfaction * Intrigues de caractère changement dans le caractère du protagoniste avec intrigues de maturation, de transformation, de mise à l’épreuve, de désillusion * Intrigues de pensée, d’opinion changement dans les pensées ou les sentiments du protagoniste Intrigues de résolution et intrigues de révélation * Intrigue de résolution : l’action transformatrice opère au niveau pragmatique (guérison,

miracle...) * Intrigue de révélation : l’action transformatrice opère au niveau cognitif en permettant une

meilleur connaissance de l’un des protagonistes Combinaison des intrigues * Enchaînement des intrigues : répétition (le sens naissant alors souvent de la différence) * Tuilage des intrigues (l’aboutissement de l’une sert de point de départ à la suivante) * Enchâssement des intrigues : technique du “sandwich” * Entrelacement des intrigues : mélange des intrigues Intrigue épisodique et intrigue unifiante * Intrigue épisodique : à l’échelle d’un micro-récit * Intrigue unifiante : à l’échelle d’une séquence narrative ou du macro-récit

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 30

B. Personnages Classement en fonction du degré de présence Protagonistes : jouent un premier rôle Figurants : restent à l’arrière-plan Ficelles : seconds rôles Classement en fonction des traits constitutifs Personnage plats (caricatures) : incarnent une seule idée ou qualité Personnages ronds : complexes dans leur tempérament et leurs motivations Autonomie ou non-autonomie des personnages Dans les récits bibliques, les personnages évoluent le plus souvent dans un système entièrement régi par une figure centrale (Dieu ou ses hypostases [Parole, esprit, Sagesse...] ou Jésus). Ils sont, en ce sens, dépourvus d’autonomie. Évolution au cours de l’intrigue Héros en devenir (AT) Héros par nature (littérature grecque ; Jésus dans le quatrième évangile) Personnages bloc : conservent un rôle identique tout au long du micro ou du macro-récit Opposants et adjuvants peuvent changer de camp C. Cadre Ensemble des données relatives aux circonstances de l’histoire racontée. Ces données peuvent parfois être chargée d’une dimension métaphorique ou symbolique, ce qui renvoie alors le lecteur à la dimension du commentaire implicite : Lieu * Sur le plan horizontal : déplacements des acteurs ou de l’action, jeu des entrées et des sorties... * Sur le plan vertical : jeu des perspectives descendantes ou ascensionnelles * Mouvement global de circularité ou de linéarité ? * Données géographiques relevant de la géographie politique (noms de villes, de régions ou de pays), de la topographie (mention du ciel ou/et de la terre, de la ville ou/et de la campagne, de la terre ou/et de la mer...) ou d’un code architectural (palais, maison, chambre haute, mais aussi opposition intérieur/extérieur...). Toutes ces données permettent de suivre la manière dont se rapprochent ou s’éloignent les personnages Temps Environnement culturel et social Bibliographie : G. Genette, Figures III (Poétique), Paris, Seuil, 1972. R. A. Culpepper, Anatomy in the Fourth Gospel. A Study in Literary Design. Forword by F. Kermode, Philadelphia, Fortress Press, 1983. M. A. Powell, What is Narrative Criticism ? A New Approach to the Bible, London, SPCK, 1993. D. Marguerat - Y. Bourquin, Pour lire les récits bibliques. Initiation à l’analyse narrative, Paris - Genève - Montréal, Cerf - Labor et Fides - Novalis, 4e édtion revue et augmentée, 2009.

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Méthode d’approche préconisée par M. A. Powell Evénements - Intrigue Dans la pratique, on pourra avoir intérêt à prendre en compte les éléments suivants (Powell) : Evénements noyaux (essentiels) ou satellites Ordre (séquence des événements, prise en compte des anachronies) Durée (temps du récit / temps de l’hisoire) Fréquence (du temps du récit / temp de l’histoire) Causalité (relation de cause à effet ou d’effet à cause entre les événements) Conflits (entre les personnages, entre les personnages et leur environnement [nature, société, destin]) Illustration à travers Mt Evénements noyaux : Naissance de Jésus (2,1) qui instaure une crise : comment le peuple répondra-t-il à la venue du Messie ? Début du ministère de Jésus (4,12-17) : catalyse la crise Question de Jean-Baptiste (11,2-6) : Jésus devient l’objet d’une décision cruciale. Rejeté par ceux auxquels il avait été envoyé, il va se tourner vers les disciples et vers tout croyant (même païen) Discussion à Césarée de Philippe (16,13-28) : il appartient désormais aux disciples de décider si ils veulent suivre un Messie qui les appelle à la souffrance et à la mort Purification du Temple (21,1-17) : introduction au récit de la passion et de la résurrection Passion et résurrection proprement dits Envoi en mission (28,16-20) : sommet de tout l’évangile et défi adressé au lecteur : l’Evangile sera-t-il prêché au monde entier Ordre, durée, fréquence Les grands discours constituent autant de scènes. Leur durée diminue à mesure que l’on s’approche des chapitres 26-28 qui racontent une succession d’événements qui sont concentrés sur une seule semaine, qui font l’objet de la plupart des anachronies dans le récit (prolepses internes [16,21 ; 17,22-23 ; 20,17-19] + allusions [9,15 ; 17,9-12]) et qui sont préfigurés par 2,16-18 et 14,1-12). Causalité Le RP apparaît comme le but de l’ensemble du récit qui apparaît avoir d’emblée pour objectif le salut du peuple de ses péchés (1,21 ; 20,28 ; 26,28) mais aussi l’affirmation de la présence permanante (prolepse mixte de Dieu en Jésus auprès des siens [1,23 et 28,20). Conflit entre Jésus et les chefs religieux qui débouche sur un complot qui réussit entre Jésus et les disciples qui débouche sur leur abandon général entre Dieu et Satan qui surplombe les deux précédents (4,1-11 ; 13,36-43) Remarque : * Ces conflits se nouent en 16,21-23 (les chefs religieux veulent crucifier Jésus ; les disciples et Satan s’opposent à ce projet qui est pourtant aussi celui de Dieu) puis en mourant sur la Croix Jésus accomplit la volonté de Dieu (26,39.42) et défait la volonté de Satan. Par la suite, les chefs religieux restent les opposants (28,11-15) et les disciples continuent à douter (28,17) tout en étant toutefois enrôlés dans la dynamique de la mission universelle.

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Personnages Mode de présentation * Telling (en racontant) * Showing ( en racontant) Plus difficile mais aussi plus intéressant à décrypter. Il faut, à partir de plusieurs points du récit, déterminer si l’auteur implicite endosse ou nom les propos tenus par un personnage Ex : Jean-Baptiste traitant les chefs religieux de race de vipères (Mt 3,7). Certes J.-B a été présenté comme celui qui avait été annoncé par le prophète (3,3). Il sera présenté plus tard par Jésus comme prophète et plus que prophète (11,9). Toutefois, l’ambiguïté n’est définitivement levée qu’en 12,34 et 23,34 quand Jésus traite lui-même les chefs religieux de race de vipères. / Statut du narrateur, Powell (cf. aussi Culpepper) envisage, à la suite d’Uspensky, les niveaux suivants : - idéologique (statut / croyances et valeurs) (normes évaluatives) - phraséologique (statut / discours) - spatial (statut / lieu de l’action) (omniprésence...) - temporel (statut / temps de l’action) (rétrospectif...) - psychologique (statut / pensées) (omniscient...) Evaluation (point de vue évaluatif) des personnages chez Marc * Véridique Dieu - Jésus qui épouse le point de vue divin * non véridique Satan * plus complexe disciples Traits de caractère chez Luc * Plats dont les traits sont homogènes et prévisibles * Ronds avec une diversité de traits qui peuvent entrer en conflit Jésus - disciples * stables Jésus * dynamiques disciples Typologie * Héros (ou protagoniste) * Adjuvant * Anti-héros * Figurant Empathie - Sympathie - Antipathie Chez Matthieu * Empathie : le lecteur implicite se projette dans le récit et s’identifie ou se projette dans un personnage réaliste : parce que ce personnage lui est semblable disciples idéaliste parce que ce personnage représente ce qu’il voudrait être Jésus * Sympathie : même registre mais identification moins intense. Au lieu de se sentir dans le personnage, le

lecteur implicite se sent à ses côtés. Chez Marc le lecteur implicite n’éprouvera que de la sympathie pour les disciples mais aura de

l’empathie pour le désir qu’a Jésus qu’ils l’emportent. * Antipathie

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EXCURSUS 3 (complément au cours)

BRÈVE INTRODUCTION À LA RHÉTORIQUE ANTIQUE BIBLIOGRAPHIE : J.-N. Aletti, Comment Dieu est-il juste ? Clés pour interpréter l’épître aux Romains (Parole de Dieu), Paris, Seuil, 1991, pp. 259-262. J. F. d’Alton, Roman Literary Theory and Criticism. A Study in Tendencies, New York, Russell & Russell, 1962. R. Barthes, “L’ancienne rhétorique. Aide-mémoire”, Communications 16, 1970, pp. 172-229. G. A. Kennedy, The Art of Persuasion in Greece, Princeton, University Press, 1963. H. Lausberg, Handbuch der literarischen Rhetorik. Eine Grundlegung der Literaturwissenschaft, München, Max Hueber Verlag, 1960 (= Handbook of Literary Rhetoric. A Foundation for Literary Study, Leiden - Boston - Cologne, Brill, 1998). J. Martin, Antike Rhetorik. Technik und Methode, München, Becksche Verlagsbuchhandlung, 1974. B. Standaert, L’évangile selon Marc. Composition et genre littéraire, Zevenkerken - Brugge, 1978, pp. 25-37. BRÈVE PRÉSENTATION : Historique : La rhétorique est née en Sicile des grands procès populaires qui suivirent, vers 485 avant notre ère, le renversement de deux tyrans, Gelon et Hieron, qui avaient mené à Syracuse une politique d’expropriation. C’est pour mieux convaincre lors de ces procès que l’on fut amené à théoriser l’éloquence. Parmi les premiers maîtres de la discipline, on compte Empédocle d’Agrigente et Corax, son élève. De Sicile, la discipline passa rapidement en Attique7. La première rhétorique appararaît comme “une rhétorique du syntagme, du discours, et non du trait, de la figure”8 avec Corax qui “pose déjà les cinq grandes parties de l’oratio qui formeront pendant des siècles le ‘plan’ du discours oratoire : 1) l’exorde, 2) la narration ou action (relation des faits), 3) l’argumentation ou preuve, 4) la digression, 5) l’épilogue"9. Ainsi apparaît le premier pôle de la rhétorique, pôle syntagmatique (relatif à l’ordre des parties du discours, à savoir la taxis ou la dispositio). Avec Gorgias de Leontium, lui aussi né en Sicile et maître de Thucydide, allait se constituer, en 427 avant notre ère, le second de ces pôles, pôle paradigmatique qui a trait aux figures du discours, à la lexis ou elocutio. Après avoir envisagé ces pères fondateurs, nous mentionnerons brièvement quelques-uns des auteurs des principaux traités de rhétorique : * Aristote qui dispense sa rhétorique en trois livres (329-323 avant notre ère) respectivement consacrés à l’orateur qui adaptera son discours selon les trois genres reconnus (judiciaire, délibératif, épidictique [démonstratif]), au destinataire et enfin au message proprement dit selon les deux grandes rubriques de la lexis ou elocutio et de la taxis ou dispositio. Sa rhétorique est “une rhétorique du bon sens, volontairement soumise à la ‘psychologie’ du public”10. La devise en est : “Mieux vaut un vraisemblable impossible qu’un possible invraisemblable”11. Dans sa rhétorique, Aristote accorde la préséance au mode de production de l’œuvre et relègue au second plan le produit. Il privilégie ainsi la technè rhetorikè qui requiert quatre grands types d’opérations : l’établissement des preuves (pisteis ou inventio) ; l’ordonnancement de ces preuves au fil du discours (dispositio ou taxis) ; la mise en forme verbale des arguments à l’échelle de la phrase

7 R. Barthes, Communications, p. 175. 8 Ibidem. 9 R. Barthes, art. cit., pp. 175-176. 10 R. Barthes, art. cit., p. 180. 11 R. Barthes, art. cit., p. 179.

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(lexis ou elocutio) ; la mise en scène du discours entier par un orateur qui doit se faire comédien (hypocrisis ou actio)12. * Cicéron (107-43 avant notre ère) (écrit son traité vers 85 avant notre ère) Il privilégie non plus une technè spéculative mais un savoir enseigné à des fins pratiques. Avec lui, l’œuvre, le produit, tend à acquérir son indépendance par rapport au travail de production. Selon lui, la doctrina dicendi “engendre : 1) une énergie, un travail, vis oratoris, dont dépendent les opérations prévues par Aristote ; 2) un produit, ou si l’on préfère, une forme, l’oratio, à quoi se rattachent les parties d’étendues dont elle se composent13 ; 3) un sujet, ou si l’on préfère un contenu (un type de contenu), la quaestio, dont dépendent les genres de discours"14. * Quintilien (40-118 de notre ère) Remarquable pédagogue, il concilie Aristote et Cicéron. Il privilégie “la technè, mais c’est une technè pratique et pédagogique et non [plus] spéculative”15, comme c’était le cas chez Aristote. Cette technè aligne : 1) les opérations (de arte) qui sont celles d’Aristote et de Cicéron ; 2) l’opérateur (de artifice) ; 3) l’œuvre elle-même (de opere) (ces deux derniers thèmes sont commentés, mais non subdivisés”16). Les opérations-mères de la technè rhétorikè Dans sa présentation de la rhétorique ancienne, Barthes privilégie la présentation d’Aristote et rattache comme lui la dispositio à la technè et non pas à l’oratio. Il distingue dès lors cinq parties, cinq opérations majeures de la technè rhétorikè. Ce sont :

1. Inventio Euresis

invenire quid dicas

trouver quoi dire : les preuves externes : documents, témoins internes : œuvres de l’auteur

2. Dispositio Taxis

inventa disponere

mettre en ordre ce qu’on a trouvé

3. Elocutio Lexis

ornare verbis

ajouter l’ornement des mots, des figures

4. Memoria mnemé

memoriae mandare recourir à la mémoire

5. Actio Hypocrisis

agere et pronuntiare

jouer le discours comme un acteur : gestes et diction

De ces opérations, les trois premières sont les plus importantes. Les deux dernières leur ont de plus en plus cédé le pas à mesure que l’on est passé de discours parlés à des œuvres17. La dispositio “On définira la dispositio comme l’arrangement (soit au sens actif, opératoire, soit au sens passif, réifié) des grandes parties du discours. Les grandes parties du discours ont été posées très tôt par Corax (A.1.2) et leur distribution n’a guère varié depuis : Quintilien énonce cinq parties (il dédouble la troisième partie en confirmatio et refutatio), Aristote quatre”18. Remarque : C’est cette division que Barthes adopte19. L’egressio “Avant d’énumérer ces parties fixes, il faut signaler l’existence facultative d’une partie mobile : l’egressio ou digressio : c’est un morceau d’apparat, hors du sujet ou qui s’y rattache par un lien très

12 R. Barthes, art. cit., p. 196. 13 C'est ici que réside la grande différence avec Aristote qui rattachait pour sa part cette dispositio à la techné

(c'est-à-dire au mode de production) et non pas à l'oratio (c'est-à-dire au produit). 14 R. Barthes, art. cit., p. 196. 15 Ibidem. 16 Ibidem. 17 Pour tout ce paragraphe, R. Barthes, art. cit., p. 197. 18 R. Barthes, art. cit., p. 213. 19 B. Standaert suit pour sa part Quintilien.

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lâche, et dont la fonction est de faire briller l’orateur”20. “La digression, qui faisait originellement partie intégrante des discours, reçut des fonctions diverses (reposer les auditeurs, les mener vers un ailleurs favorisant la liberté de jugement, etc.). Elle fut par la suite rejetée par Aristote et un certain nombre d’orateurs grecs, pour être finalement récupérée par les latins”21. Structure des différentes parties “La Dispositio part d’une dichotomie qui était déjà, en d’autres termes, celle de l’Inventio : animos impellere (émouvoir)/rem docere (informer, convaincre). Le premier terme (l’appel aux sentiments) couvre l’exorde et l’épilogue, c’est-à-dire les deux parties extrêmes du discours. Le second terme (l’appel au fait, à la raison) couvre la narratio (relation des faits) et la confirmatio (établissement des preuves ou voies de persuasion), c’est-à-dire les deux parties médianes du discours. L’ordre syntagmatique ne suit donc pas l’ordre paradigmatique, et l’on a affaire à une construction en chiasme : deux tranches de “passionnel” encadrent un bloc démonstratif”22. “Dans sa forme canonique, l’opposition début/fin comporte une dénivellation : dans l’exorde, l’orateur doit s’engager avec prudence, réserve, mesure ; dans l’épilogue, il n’a plus à se contenir, il s’engage à fond, met en scène toutes les ressources du grand jeu pathétique”23. * L’exorde “L’exorde comprend canoniquement deux moments. La captatio benevolentiae, ou entreprise de séduction à l’égard des auditeurs, qu’il s’agit tout de suite de se concilier par une épreuve de complicité”24. “La partitio, second moment de l’exorde, annonce les divisions que l’on va adopter, le plan que l’on va suivre (on peut multiplier les partitiones, en mettre une au début de chaque partie) ; l’avantage, dit Quintilien, est qu’on ne trouve jamais long ce dont on annonce le terme”25. “Ce premier moment devait donner le ton, établir le contact avec les destinataires, annoncer le sujet. Peu de parties du discours recevaient autant de soin, en particulier les tout premiers mots qui allaient rompre le silence”26. * La narratio Pour Barthes : “La narratio (diegesis) est certes le récit des faits engagés dans la cause (...) mais ce récit est conçu uniquement du point de vue de la preuve, c’est ‘l’exposition persuasive d’une chose faite ou prétendue faite’. La narration n’est donc pas un récit (au sens romanesque et comme désintéressé du terme), mais une protase argumentative. Elle a en conséquence deux caractères obligés : 1) sa nudité : pas de digression, pas de prosopopée, pas d’argumentation directe ; il n’y a

pas de technè propre à la narratio ; elle doit être seulement claire, vraisemblable, brève ; 2) sa fonctionnalité : c’est une préparation à l’argumentation ; la meilleure préparation est

celle dont le sens est caché, dans laquelle les preuves sont disséminées à l’état de germes inapparents (semina probationum). La narratio comporte deux types d’éléments : les faits et les descriptions”27.

Pour Standaert : “C’est l’entrée en matière dans un débat, l’exposé des faits dans un procès”28. Pour Aletti : C’est l’“exposé des faits dans un procès qui prépare indirectement la confirmatio (ou, selon les auteurs, la probatio) ; c’est en quelque sorte une amorce de preuve”29.

20 R. Barthes, ibidem. 21 J.-N. Aletti, Comment Dieu est-il juste ?, p. 260. 22 R. Barthes, art. cit., p. 213. 23 R. Barthes, art. cit., p. 214. 24 R. Barthes, art. cit., p. 25 R. Barthes, ibidem. 26 B. Standaert, L’évangile selon Marc, p. 27. 27 R. Barthes, art. cit., pp. 215-216. 28 B. Standaert, L’évangile selon Marc, p. 27. 29 J.-N. Aletti, Comment Dieu est-il juste ?, p. 261.

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La confirmatio * Barthes la présente ainsi : “À la narratio, ou exposé des faits, succède la confirmatio, ou exposé des arguments ; c’est là que sont énoncées les “preuves” élaborées au cours de l’inventio. La confirmatio (apodeixis) peut comporter trois éléments : 1) la propositio (prothesis) ; c’est une définition ramassée de la cause, du point à débattre ;

elle peut être simple ou multiple, cela dépend des chefs (“Socrate fut accusé de corrompre la jeunesse et d’introduire de nouvelles superstitions”) ;

2) l’argumentatio, qui est l’exposé des raisons probantes ; aucune structuration particulière n’est recommandée, sinon celle-ci : il faut commencer par les raisons fortes, continuer par les preuves faibles, et terminer par quelques preuves très fortes ;

3) parfois, à la fin de la confirmatio, le discours suivi (oratio continua) est interrompu par un dialogue très vif avec l’avocat adverse ou un témoin : l’autre fait irruption dans le monologue ; c’est l’altercatio. Cet épisode oratoire était inconnu des Grecs ; il se rattache au genre de la Rogatio, ou interrogation accusatrice (Quousque tandem, Catilina...)”30.

*Aletti présente pour sa part les choses de la manière suivante : “Autre nom de l’argumentation, [la confirmatio] peut comprendre une probatio, une refutatio, et une egressio. En ce qui concerne probatio et refutatio, il en propose les définitions suivantes : Probatio (en grec “pistis”, ou encore “kataskeuè”) : “Partie du discours durant laquelle l’orateur ou l’écrivain développe les arguments qui confirment sa thèse ou son point de vue. Certains rhétoriciens distinguent la probatio de la refutatio (ou confutatio ; en grec : “lysis”), dans laquelle on réfute les arguments de l’adversaire et l’on répond aux objections”31. Refutatio : “Partie de l’argumentation où l’on réfute les objections ou arguments (possibles, voire réels) de l’adversaire. Fréquente dans les écrits de genre judiciaire, la refutatio n’existe pas comme unité littéraire distincte dans les épîtres pauliniennes”32. *Quant à Standaert, il distingue lui aussi entre confirmatio et refutatio et propose de ces deux parties la présentation suivante : “Puis [après la narratio] venait le corps du discours, son point de gravité, le plat consistant si l’on veut (le kefavlaion, comme il est dit en Hébreux 8,1). C’est le moment où l’orateur développe son argumentation avec les preuves à l’appui (pivsti", kataskeuhv, confirmatio, probatio, argumentatio). Il y délivre la partie essentielle de sa communication. Très souvent on repérera une correspondance entre le centre du discours et l’introduction ; celle-ci apparaîtra comme son résumé, et le centre comme l’orchestration de l’exorde. Venait ensuite la refutatio ou reprehensio qui est, par rapport au centre, la conséquence ou le corollaire (ajnaskeuhv, luvsi"). Certains considéraient cette partie comme une simple subdivision de l’argumentation, en parallèle à la probatio. En contraste avec la narration, c’est habituellement la partie la plus passionnée du discours, le moment où il est fait appel aux émotions. Les exhortations pratiques ont le plus souvent lieu dans cette partie, une fois que l’orateur est arrivé au-delà du milieu de sa communication”33. L’épilogue * Pour Barthes : “L’épilogue (peroratio, conclusio, cumulus, couronnement) comporte deux niveaux : 1) le niveau des ‘choses’ (posita in rebus) : il s’agit de reprendre et de résumer (enumeratio,

rerum repetitio) ; 2) le niveau des ‘sentiments’ (posita in affectibus) : cette conclusion pathétique, larmoyante,

était peu en usage chez les Grecs, où un huissier imposait silence à l’orateur qui faisait par

30 R. Barthes, art. cit., pp. 215-216. 31 J.-N. Aletti, Comment Dieu est-il juste ?, p. 261. 32 J.-N. Aletti, op. cit., p. 262. 33 B. Standaert, L’évangile selon Marc, p. 28.

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trop et trop longtemps vibrer la corde sensible ; mais à Rome, l’épilogue était l’occasion d’un grand théâtre, du geste d’avocat : dévoiler l’accusé entouré de ses parents et de ses enfants, exhiber un poignard ensanglanté, des ossements tirés de la blessure : Quintilien passe en revue tous ces truquages”34.

* Pour Standaert : C’est le “moment de clôture et de renvoi. L’auteur résume ce qu’il a voulu dire et prend congé de ses destinataires, non sans les interpeller une dernière fois et cela pour de bon. En général, on aimait les finales brèves : il fallait éviter de recommencer un autre discours en se résumant. Une certaine émotion n’était pas absente des conclusions. Les manuels mettent d’ailleurs en garde de ne pas ‘tomber dans la tragédie’”35. Flexibilité du modèle “Ce schéma élémentaire a reçu au cours des siècles toutes sortes de développements. On enrichira les articulations entre les parties, on cherchera à farcir la narration d’éléments qui préparent l’argumentation ou annoncent la réfutation, ou inversement des éléments narratifs seront incorporés dans la partie argumentative. Par goût ou pour piquer l’attention des auditeurs, l’orateur peut aller jusqu’à intervertir certaines parties du discours, mais cette liberté même de jouer avec le modèle traditionnel ne fait qu’en souligner davantage l’existence”36. LES GENRES RHÉTORIQUES “Comme il y a trois ‘temps’ (passé, présent, avenir), on aura (...) trois types de causa, et chaque type correspondra à l’un des trois genres oratoires (...). On peut en donner les attributs”37 : GENRE

Auditoire

Finalité

Objet

Temps

Raison- nement(a)

Lieux communs

Nouveau Testament

DÉLIBE- RATIF

Membres d’une as- semblée politique

conseiller/ déconseil- ler

utile/ nuisible

Avenir

Exempla

possible/ impossible

question de la destinée

JUDI- CIAIRE

Juges tribunal

accuser/ défendre

juste/ injuste

Passé

Enthymènes

réel non réel

question de la vérité, de la justice

ÉPIDIC-TIQUE

specta- teurs, public

louer/ blâmer

beau/ laid

Présent

Comparaison amplifiante(b)

plus/ moins

question de valeurs (le bien, la foi)

(a) Il s’agit d’une dominante (b) C’est une variété d’induction, en exemplum orienté vers l’exaltation de la personne louée (par comparaisons implicites).

34 R. Barthes, art. cit., p. 215. 35 B. Standaert, L’évangile selon Marc, p. 28. 36 B. Standaert, op. cit., p. 28-29. 37 R. Barthes, art. cit., p. 210 (le tableau qui suit est emprunté à la même source. Nous y avons toutefois adjoint

la dernière colonne, ce que veut montrer l’emploi des italiques).

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 38

DEUXIÈME ÉTAPE : POUR APPROFONDIR LA DÉMARCHE Rappelons d’abord qu’il s’agit dans cette seconde étape de poursuivre l’enquête entamée dans la première. On sera amené ainsi à chercher une réponse aux questions apparues lors de l’étude de l’organisation et de la dynamique du discours ou du récit ou lors de la prise en compte des problèmes de traduction. Mais on élargira aussi le champ d’investigation. De fait, on envisagera le passage étudié en relation avec d’autres, qu’ils relèvent d’un genre littéraire semblable, qu’ils représentent des parallèles à ce texte ou qu’ils permettent de l’éclairer, en aval ou en amont. On introduira ainsi la dimension historique et diachronique au cœur de l’enquête. On cherchera encore à mieux comprendre certains termes et certains thèmes. Cette étape s’avérera souvent d’une technicité plus grande que la première, mais, pour la parcourir avec un regard indépendant, il conviendra de n’utiliser dans un premier temps que des instruments de travail aussi neutres que possible, tels les *synopses, les diverses *concordances, les dictionnaires, les introductions générales. Pour reprendre l’analogie du reporter, c’est un peu comme si se dernier, après avoir pris la mesure de la ville qu’il a à présenter, consultait ses archives photographiques pour comparer cette ville à d’autres cités afin de mieux comprendre en quoi elle leur ressemble et en quoi elle s’en distingue, comme s’il s’appliquait à déchiffrer, au sein de la cité, les diverses influences culturelles qui s’y font jour, comme s’il s’employait enfin à saisir certains lieux ou certains personnages qui lui apparaissent plus particulièrement représentatifs et qui, ensemble, expriment de quelque manière l’identité profonde de cette cité. Mais tout ce travail, notre reporter l’effectuerait encore sans regarder ce qu’ont fait ses devanciers, sans se laisser troubler ou détourner par leur propre regard, en continuant de se laisser imprégner par son objet d’étude, cette ville qu’il a à découvrir comme l’exégète a à découvrir un texte particulier. Analyse littéraire : Histoire des formes, (Comparaison synoptique) (Histoire de la tradition et de la rédaction) Histoire des formes Pour affiner l’analyse d’un passage, il pourra être utile et il est souvent indispensable de prendre en compte son genre littéraire. Les travaux de l’école dite de l’*histoire des formes (fiche de travail, pages 43-44) revêtent ici toute leur importance. Ils permettent de préciser l’analyse et d’aborder la dimension *diachronique d’un texte en donnant l’occasion de jeter un regard sur le niveau de la tradition orale pré-évangélique. C’est que la méthode que préconise l’école de l’histoire des formes (formgeschichtliche Schule) vise à reconstituer l’*histoire de la formation de la tradition. Elle s’efforce de remonter jusqu’au stade de la tradition orale et des premiers ensembles traditionnels qui se sont constitués. Elle étudie, pour ce faire, les genres littéraires ainsi que les formes qu’ont revêtues les matériaux traditionnels, en lien avec la fonction qui leur était dévolue dans les communautés où ils ont été façonnés. C’est la quête du Sitz im Leben kérygmatique, polémique, parénétique, liturgique, catéchétique, missionnaire... des diverses traditions.

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Excursus 4

FICHE DE TRAVAIL : L’ÉCOLE DE L’HISTOIRE DES FORMES

Définition : La méthode que préconise l’école de l’histoire des formes (formgeschichtliche Schule) vise à reconstituer l’histoire de la formation de la tradition. Elle s’efforce de remonter jusqu’au stade de la tradition orale et des premiers ensembles traditionnels qui se sont constitués. Elle étudie, pour ce faire, les genres littéraires ainsi que les formes qu’ont revêtues les matériaux traditionnels, en lien avec la fonction qui leur était dévolue dans les communautés où ils ont été façonnés. C’est la quête du Sitz im Leben kérygmatique, polémique, parénétique, liturgique, catéchétique, missionnaire... des diverses traditions. ÉVANGILESÉVANGILES a. Logiaa. Logia Définition : « paroles isolées et (...) groupements de paroles de Jésus qui ne comportent et que n’accompagne aucune narration ». - Paroles sapientielles : ex. Mc 4,22 // ; 9,43-47 // ; Mt 6,27 // ; 7,7 // ; 8,20 // ; 8,22 //... - Dits apocalyptiques et prophétiques : - Promesses de salut : ex. Mt 5,3-12 // - Menaces prophétiques : ex. Lc 6,24-26 - Exhortations prophétiques : ex. Mc 1,15 // - Paroles relatives à la Loi (ex. Mc 10,11-12 // ; Mt 5,21-22) et règles en vue de la vie communautaire (ex. Mc 6,8-11 ; Mt 16,18-19) - Paroles à la première personne du singulier : ex. Mc 2,17 ; Mt 10,40 ; Lc 12,49-50 b. Parabolesb. Paraboles Genre littéraire proche dans certains cas des dits du Seigneur. On distinguera pratiquement entre : similitudes Définition : « Paroles qui restent à la frontière des dits du Seigneur dans lesquelles une image se trouve développée de façon détaillée ». et paraboles proprement dites Définition : « Présentation d’un cas destiné à permettre un raisonnement par analogie ». Exemples : - Similitudes sans formule de comparaison : ex. Lc 12,39-40 // ; 12,42-46 ; 12,54-56 ; 12,57-59 // ; 14,28-33 ; 15,4-10 // ; 17,7-10 - Similitudes avec formule de comparaison : ex. Mc 4,26-29 ; 4,30-32 // ; 13,28-29 // ; 13,34-37 ; Mt 7,24-27 // ; 11,16-19 // ; 13,33 // ; 13,44 // ; 13,45-46 ; 13,47-50 - Paraboles proprement dites : ex. Mc 4,3-9 // ; 12,1-9 // ; Mt 13,24-30 ; 18,23-26 ; 20,1-16 ; 21,28-31 ; 22,2-14 // ; 25,1-13 ; 25,14-30 // ; Lc 7,41-43 ; 11,5-8 ; 13,6-9 ; 15,31-32 ; 16,1-8 ; 18,1-8 c. Apophtegmesc. Apophtegmes Définition : « Brèves anecdotes (...) qui ont pour centre une parole de Jésus et où le récit n’a d’autre finalité que d’encadrer celle-ci ». - Récits de controverse et débats d’école : - à l’occasion d’une guérison : ex. Mc 2,1-12 // ; 3,1-6 // ; 3,22-30 // ; Lc 13,10-17 ; 14,1-6 - à propos du comportement de Jésus ou de ses disciples : ex. Mc 2,15-17 // ; 2,18-22 // ; 2,23-28 // ; 7,1-23 // ; 11,27-33 // ; Lc 7,36-50 - à la suite d’une question posée par les disciples ou d’autres personnes : ex. Mc 10,17-31 // ; 10,35-45 // ; 11,2-19 // ; 11,20-25 ; 12,28-34 // ; Mt 11,2-19 // ; Lc 9,51-56 ; 12,13-14 ; 13,1-5 ; 17,20-21 - à la suite d’une question posée par des adversaires : ex. Mc 10,2-12 // ; 12,13-17 //; 12,18-27 //

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- Apophtegmes biographiques : Mc 1,16-20 // ; 2,14 // ; 3,20-21.31-35 // ; 6,1-6 // ; 10,13-16 // ; 11,15-19 // ; 12,41-44 //; 13,1-2 // ; 14,3-9 ; Mt 8,19-22 ; 17,24-27 ; 21,15-16 ; Lc 9,57-62 ; 10,38-42 ; 11,27-28 ; 13,31-33 ; 17,11-19 ; 19,1-10 ; 19,39-40 ; 19,41-44 d. Récits de miraclesd. Récits de miracles C’est là le genre littéraire le mieux codifié. Un récit de miracle de guérison revêt, dans l’immense majorité des cas, la forme suivante : 1. Exposition (caractère terrible de la maladie ; tentatives inutiles de guérison...) 2. Description de la guérison (par un geste, une parole, un agent [salive]...) 3. Démonstration de la guérison 4. Impression produite par le rétablissement. Dans la pratique, on pourra distinguer miracles : - de guérison : ex. Mc 1,21-28 // ;1,21-29 // ; 5,1-21 // ; 5,21-43 // ; 7,32-37 ; 8,22-27a ; 9,14-27 // ; 9,32-34 // ; 10,46-52 // ; Lc 7,11-17 ; Mt 9,32-34 - transgressant les lois de la nature : ex. Mc 4,37-41 // ; 6,34-44 // ; 6,45-52 // ; 8,1-9 // ; 11,12-14.20 // ; Mt 17,24-27 ; Lc 5,1-11 e. Récits biographiquese. Récits biographiques - relatifs à Jean-Baptiste (Mc 1,1-3 ; Mt 3,1-12 : Lc 3,1-18 et Mc 6,17-29 //). - relatifs à Jésus : récits de l’enfance, du baptême (Mc 1,9-11 //), de la Tentation (Mc 1,12-13 //), de la confession de Pierre à Césarée de Philippe (Mc 8,27-30 //), de la Transfiguration (Mc 9,2-8 //), des Rameaux (Mc 11,1-10 et //), de la Passion (Mc 14,3- 16,8 et //), des apparitions du Ressuscité ÉPÎTRESÉPÎTRES a. Matériaux d’origine liturgiqa. Matériaux d’origine liturgiq ue :ue : - Hymnes : ex. *Ph 2,6-11 ; Col 1,15-20 ; Ep 1,3-14 ; 5,14 ; 1 Ti 3,16 ; He 5,7-10 ; 1 P 2,22-24 - Confessions de foi : ex. *Ro 1,3-4 ; *1 Co 15,3-7 ; 1 P 1,18-21 ; 3,18-22 - Textes eucharistiques : ex. *Mc 14,22-25 et // ; 1 Co 10,16 ; 11,23-25 b. Matériaux d’origine parénétique :b. Matériaux d’origine parénétique : - Catalogues de vertus (ex. Ga 5,22-23 ; Ph 4,8 ; Ep 4,2-3 ; Col 3,12-14 ; 1 Ti 4,12 ; 6,11 ;

2 Ti 2,22 ; 3,10 ; 1 Pi 3,8 ; 2 Pi 1,5-7) et de vices (ex. Ro 1,29-31 ; 13,13 ; 1 Co 5,10-11 ; 6,9-10 ; 2 Co 12,20-21 ; Ga 5,19-21 ; Ep 4,31 ; 5,3-5 ; Col 3,5-8 ; 1 Ti 1,9-10 ; 2 Ti 3,2-4)

- Tabelles domestiques : ex. Ep 5,22-6,9 ; Co 3,18-4,1 ; 1 Ti 2,8-15 ; Tt 2,1-10 ; 1 P 2,13-3,12

- Catalogues de devoirs : ex. 1 Ti 3,1-13 ; 5,3-19 ; Tt 1,5-9 Bibliographie indicative en français : - R. Bultmann, L’histoire de la tradition synoptique suivie du complément de 1971. Traduit de l’allemand par A. Malet, Paris, Seuil, 1973. - É. Trocmé, Jésus de Nazareth vu par les témoins de sa vie (Bibliothèque théologique), Neuchâtel, Delachaux & Niestlé, 1971. NOTE ADDITIONNELLENOTE ADDITIONNELLE Cette recherche des sources : - a pour corollaire l’appréciation du travail rédactionnel propre à chaque auteur pour intégrer ces matériaux traditionnels dans l’œuvre qu’il rédige. C’est ce qu’on appelle l’histoire de la rédaction (Redaktionsgeschichte). - se distingue de la critique littéraire, qui met d’abord l’accent sur l’analyse systématique du vocabulaire et du style d’un passage donné, dans la mesure où elle met en œuvre d’autres moyens qu’elle pour faire le départ entre tradition et rédaction.

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Comparaison synoptique Définition : Synopse : une synopse est un ouvrage qui présente en colonnes différents textes pour mieux mettre en évidence leurs correspondances. Pour ce qui est du Nouveau Testament, ce sont en général les quatre évangiles canoniques qui sont mis, quand cela est possible, en colonnes (en fait surtout dans le récit de la Passion). Le plus souvent, ce sont Marc, Matthieu et Luc qui peuvent être présentés de concert (pour tous les passages relevant de ce que l’on appelle la triple tradition), ou bien alors Matthieu et Luc (pour les passages relevant de Q).

Toujours indispensable pour ce qui est des évangiles, la comparaison synoptique peut fournir de précieuses indications sur : - les modifications que connaît le récit ou le discours concerné d’un évangile à l’autre ; - la place qu’il occupe et la dynamique dans laquelle il s’inscrit au sein de chacun des évangiles. De ce travail de comparaison peuvent être tirés des renseignements précieux en vue d’une étude de la place qui revenait au récit ou au discours étudié dans la tradition et de celle qui lui est allouée au niveau de la rédaction finale de l’évangile concerné. La synopse peut faciliter encore, de par la disposition qu’elle adopte, l’appréciation du travail rédactionnel de chaque évangéliste tout en permettant de mieux évaluer sa dépendance à l’endroit de ses sources. Bibliographie : K. Aland, Synopsis quattuor Evangeliorum. Locis parallelis evangeliorum apocryphorum et patrum adhibitis edidit K. Aland. Editio decima et recognita ad textum editionum 26 Nestle-Aland et 3 Greek New Testament aplata, Stuttgart, Deutsche Bibelstiftung, 1976. M.-E. Boismard - A. Lamouille, Synopsis graeca quattuor Evangeliorum, Leuven - Paris, Peeters, 1986. Les synopses traditionnelles pourront être utilement complétées par d’autres instruments de travail qui permettent de se mouvoir en dehors du seul champ des évangiles et/ou d’envisager des parallèles plus nombreux. Nous citerons ainsi : * pour Q : - The Critical Edition of Q. Synopsis including the Gospels of Matthew and Luke, Mark and Thomas with English, German, and French Translations of Q and Thomas. Edited by J. M. Robinson, P. Hoffmann and J. S. Kloppenborg, Leuven, Peeters, 2000. * et une série d’ouvrages en anglais, intéressants en raison du point de vue particulier qu’ils adoptent : - New Gospels Parallels. Volume One. The Synoptic Gospels designed and edited by R. W. Funk (Foundations and Facets 5), Philadelphia, Fortress Press, 1985. - New Gospels Parallels. Volume Two. John and the Others Gospels designed and edited by R. W. Funk (Foundations and Facets 6), Philadelphia, Fortress Press, 1985. - Sayings Parallels. A Wordbook for the Jesus Tradition designed and edited by J. D. Crossan (Foundations and Facets 7), Philadelphia, Fortress Press, 1986 (pour les logia). - Pauline Parallels. Second Edition. Designed and Edited by F. O. Francis and J. P. Sampley (Foundations and Facets 4), Philadelphia, Fortress Press, 1984 (pour le corpus paulinien dans son ensemble). Histoire de la tradition et de la rédaction Histoire des formes et comparaison synoptique participent d’une enquête de type génétique qui s’inscrit dans une perspective diachronique. Elles peuvent contribuer en effet à un effort d’évaluation du substrat traditionnel qu’a utilisé l’auteur et, corrélativement, du travail rédactionnel qu’il a mené en vue d’intégrer dans son œuvre littéraire les matériaux dont il a disposé. Histoire de la tradition (Traditionsgeschichte) et *histoire de la rédaction (Redaktionsgeschichte) apparaissent ainsi d’emblée liées. La *critique littéraire peut également fournir des données en vue d’effectuer un départ entre tradition et rédaction. Elle met pour sa part l’accent sur l’analyse systématique du vocabulaire et du style d’un passage donné et tend à attribuer tel terme, telle expression ou, plus largement, tel passage, à la tradition ou à la rédaction, en fonction des données statistiques.

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Remarques : * Les indications glanées dans la suite de l’étude pourront encore contribuer à éclairer ces questions difficiles et à informer une reconstitution qui demeure, en toute hypothèse, aléatoire. Dans la pratique, il pourra apparaître plus logique de n’aborder les questions relatives à l’histoire de la tradition et à l’histoire de la rédaction qu’au terme de la deuxième étape que nous envisageons ici et donc de traiter la rubrique ici détaillée en deux temps. ** Nous rappelons par ailleurs que, jusqu’à un stade déjà avancé de ses études, l’étudiant pourra se dispenser d’aborder les questions d’ordre diachronique et se cantonner à une étude de caractère synchronique. Histoire, histoire des religions et intertextualité « L’intelligence de nombreux passages exige qu’on saisisse avec précision les références et les allusions historiques ou géographiques qu’ils contiennent, ainsi que les interférences éventuelles avec d’autres courants religieux (religions à mystère, gnose, etc.), sans parler des expressions diverses du judaïsme (Samaritains, Esséniens, etc) » (p. 42.). * Pour les allusions historiques et géographiques, les dictionnaires bibliques constitueront un instrument de travail de première importance. On ajoutera à la liste proposée par M.-A. Chevallier : Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Maredsous, Brepols, 1987 (édition entièrement refondue par rapport à la première [1960]). The Anchor Bible Dictionnary, New York…, Doubleday, 1992 (en 6 volumes). ** En ce qui concerne les interférences éventuelles avec d’autres courants religieux ou avec les expressions diverses du judaïsme38, elles relèvent du vaste champ de l’intertextualité. A. On recourra d’abord aux indications fournies dans la marge extérieure du Nestle Aland. Elles fournissent des parallèles vétéro-, néo- et, dans quelques cas, inter-testamentaires aux passages concernés. B. On pourra élargir encore le champ d’investigation. On se reportera, pour ce faire, aux sources en notre possession : Pour la littérature *intertestamentaire39 : Voir les indications des pages 4-5 et p. 41 du cours d’introduction (L-S1). Pour les écrits de *Qumrân (proprement dit): Se reporter, en français, à La Bible. Écrits intertestamentaires et aux autres indications bibliographiques figurant aux pages 4-5 du cours d’introduction (L-S1). Les textes retrouvés à Qumrân peuvent être classés en trois grandes catégories : Manuscrits bibliques (ce sont les plus anciens témoins que nous possédions du texte de la Bible hébraïque. Ils remontent à peu près 1000 ans avant la fixation du texte massorétique et attestent non pas l’existence d’un texte fixé mais celle d’une pluralité de textes40).

38 Ce qui a trait à ce point, que nous développons assez longuement, représente un aspect essentiel d’une

exégèse historico-critique qui se respecte. Cela dit, l’investissement en temps que requièrent de telles recherches est trop important pour qu’elles soient forcément exigées lors d’un travail visant à la présentation d’un exposé. Il est cependant important que l’étudiant soit informé des techniques et des instruments qu’elles nécessitent pour être mises en œuvre et qu’il ait ainsi la possibilité de satisfaire, le cas échéant, sa propre curiosité.

39 Pour une énumération des grands champs que peut couvrir ce vocable et des écrits qui en sont les représentants, voir le cours d’introduction de L1.

40 On trouvera une présentation commode, parce que séquentielle, des textes bibliques attestés dans les manuscrits de la mer Morte chez M. Abegg, jr., P. Flint, E. Ulrich, The Dead Sea Scrolls Bible. The Oldest Known Bible Translated for the First Time in English, San Francisco, 1999.

Les types de textes représentés sont les suivants : textes reflétant la démarche interprétative attestée par ailleurs à

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Pseudépigraphes* (de l’Ancien Testament) : Jubilés ; I Hénoch… Écrits propres à la secte : - Règlements en tout genre : Règle de la Communauté (1QS) ; Écrit de Damas (CD) ; Rouleau de la Guerre (1QM) ; Rouleau du Temple (11QT)… - Commentaires actualisants de l’AT (pesher) - Textes liturgiques : Rouleau des Hymnes (1QH) ; Chants pour les holocaustes du Sabbat… - Documents divers : textes horoscopiques ; Rouleau de cuivre… Pour les *targumim : On se reportera aux indications de la page 6 du cours d’introduction de L-S1. Pour la littérature rabbinique : On se reportera, dans le cours d’introduction de L-S1, aux indications de la page 6 ainsi qu’au tableau de la page 44 et à l’annexe 11 (pages 45 et 46) Pour la littérature mystique juive : On se reportera au vaste effort de publication et de traduction entrepris sous l’égide de P. Schäfer dans la collection Texte und Studien zum antiken Judentum. Pour la littérature apocryphe chrétienne ancienne : On se reportera aux indications de la page 6 du cours d’introduction (L-S1). Pour la nébuleuse gnostique41 : On se reportera notamment aux : Textes hermétiques : A. J. Festugière, La révélation d’Hermès Trismégiste. Vol. I-IV, Paris, 1945-1954. Textes de Nag Hammadi : Edités en copte avec une traduction française dans la collection Bibliothèque copte de Nag Hammadi (édition bilingue copte-anglaise, en cinq volumes, de la totalité du corpus in : The Coptic Gnostic Library. A Complete Edition of the Nag Hammadi Codices [J. M. Robinson ed.], Leiden, Brill, 2000). Textes mandéens : Les principaux textes ont été édités par M. Lidzbarski. On pourra consulter : pour le Ginzâ : M. Lidzbarski, Ginzâ, der Schatz oder der grosse Buch der Mandäer übersetzt und erklärt (Quellen der Religinsgeschichte Bd. 13. Gruppe 4), Göttingen - Leipzig, Vandenhoeck & Ruprecht - Hinrichs’sche Buchhandlung, 1925. pour les Liturgies : M. Lidzbarski, Mandäische Liturgien mitgeteilt, übersetzt und erklärt (Abhandlungen der königlichen Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen. Philologisch-historische Klasse. Neue Folge Bd. XVII,1), Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1920. pour le Livre de Jean : M. Lidzbarski, Das Johannesbuch der Mandäer, Gießen, 1915. Écrits des Pères ayant réfuté les idées gnostiques42. C. Cette recherche de parallèles pourra être facilitée par le recours aux concordances et aux index :

Définitions : Concordance : Instrument de travail qui se présente comme un index alphabétique exhaustif des termes contenus dans un écrit ou un corpus littéraire donné et qui fournit séquentiellement l’ensemble des occurrences de chacun de ces termes en les inscrivant dans leur environnement littéraire immédiat. Index : Table alphabétique, complète ou partielle, de termes cités ou de thèmes présents dans un écrit ou un corpus littéraire donné, accompagnée, selon les cas, d’un choix ou de la totalité des références.

Qumrân (25 % du total) ; textes proto-massorétiques (40 %) ; textes pré-samaritains ; textes proches de la source hébraïque de la Septante ; textes que l’on peut qualifier de non alignés parce qu’ils oscillent d’un type à l’autre.

41 Pour une introduction générale à ce vaste domaine, on pourra consulter en français H. Jonas, La religion gnostique. Le message du Dieu Etranger et les débuts du christianisme. Traduit de l’anglais par L. Evrard (Idées et recherches), Paris, Flammarion, 1978.

42 On trouvera des indications bibliographiques chez H. Jonas, op. cit., p. 472-473.

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Pour la Septante et ses révisions : * Sur support papier : E. Hatch - H. A. Redpath, A Concordance to the Greek Versions of the Old Testament (including Apocryphal Books) in Three Volumes, Oxford, Clarendon Press, 1897 (réédition en deux volumes par Baker Book House, Grand Rapids), 1991. Cette concordance s’avérera aussi une auxiliaire précieuse pour retrouver les termes hébreux que traduit un même mot grec. Pour chaque terme grec attesté dans la Septante, l’ensemble des mots hébreux qu’il est suceptible de traduire est en effet indiqué en tête de notice, un code chiffré permettant ensuite, après chaque occurrence, de savoir quel est son correspondant en hébreu. J. Reider, An Index to Aquila : Greek - Hebrew ; Hebrew - Greek ; Latin - Hebrew, with the Syriac and Armenian Evidence. Completed and Revised by N. Turner (SVT 12), Leiden, Brill, 1966. * Sur CDRom avec possibilité de recherches croisées : Accordance 8 ou Bibloi 8.0 ou Bible Works 7.0. Nota : En ce qui concerne l’appréciation des allusions et citations vétérotestamentaires, on comparera non seulement au Texte massorétique et à la Septante, mais encore, quand il a été conservé, au texte des révisions juives dont cette dernière a fait l’objet de la part d’Aquila, Symmaque et Théodotion (voir bibliographie , cours d’intro [L-S1], p. 3 et 4) ainsi qu’aux targumim. On pourra s’aider de W. Dittmar, Vetus Testamentum in Novo. Die alttestamentlichen Parallelen des Neuen Testaments im Wortlaut der Urtexte und der Septuginta (en deux volumes), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1899 et 1903). Pour les targumim :

Définition : Un targum est une traduction paraphrastique araméenne, pouvant comporter d’importantes amplifications, de la totalité ou d’une partie de la Bible hébraïque.

On tirera profit de : S. A. Kaufman - M. Sokoloff, A Key-Word-in-Context Concordance to Targum Neofiti. A Guide to the Complete Aramaic Text of the Torah with the assistance of E. M. Cook, Baltimore - London, The John Hopkins University Press, 1993. Ch. J. Kasowski, Otsar Leshon Targum Onkelos. Thesaurus Aquilae Versionis. Concordantiae verborum quae in Aquilae versione Pentateuchi reperiuntur, Jerusalem, The Magnes Press, 1986 (en 2 volumes). Targum Pseudo-Jonathan of the Pentateuch. Text and Concordance (British Museum Add. 27031). E. G. Clarke editor in collaboration with W. E. Aufrecht, J. C. Hurd, F. Spitzer, Hoboken, Ktav, 1984. l’index de l’édition du Targum (palestinien : Neofiti et pseudo-Jonathan) du Pentateuque dans la collection Sources chrétiennes (voir p. 6 du cours d’introduction [L1]). La concordance éditée par J. C. Moor, A Bilingual Concordance to the Targum of the Prophets, qui est parue chez Brill. Pour la littérature rabbinique : Ch. J. Kasowski, Thesaurus Mishnae. Concordantiae verborum quae in sex Mishnae ordinibus reperiuntur, Jerusalem, Massadah Publishing, 1956-1960 (en 4 volumes). Ch. J. Kasowski, Thesaurus Talmudis. Concordantiae verborum quae in sex Talmude Babylonico reperiuntur (ed. B. Kasowski), Jerusalem, The Jewish Theological Seminary of America, 1954-1982 (en 41 volumes). M. Kosovsky, Concordance to the Talmud Yerushalmi (Palestinan Talmud), Jerusalem, The Israel Academy of Sciences and Humanities/The Jewish Theological Seminary of America, 1979- . Ch. J. Kasowski, Thesaurus Thosephtae. Concordantiae verborum quae in sex Thosephtae ordinibus reperiuntur, Jerusalem, The Jewish Theological Seminary of America, 1932-1961 (en 6 volumes). B. Kosovsky, Otzar Leshon Hatanna‘im. Concordiantiae verborum quae in Mechikta d’Rabbi Ismael reperiuntur, Jerusalem, The Jewish Theological Seminary of America, 1965-1966 (en 4 volumes). B. Kosovsky, Otzar Leshon Hatanna‘im. Concordiantiae verborum quae in Sifra aut Torat Kohanim reperiuntur, Jerusalem, The Jewish Theological Seminary of America, 1967-1969 (en 4 volumes). B. Kosovsky, Otzar Leshon Hatanna‘im. Thesaurus ‘Sifrei’. Concordantiae verborum quae in ‘Sifrei’ (Numeri et Deuteronium) reperiuntur, Jerusalem, The Jewish Theological Seminary of America, 1970-1974 (en 5 volumes). Pour la littérature intertestamentaire : A.-M. Denis, Concordance grecque des pseudépigraphes d’Ancien Testament. Concordance. Corpus des textes. Indices, Louvain-la-Neuve, Université catholique de Louvain. Institut orientaliste, 1987. A.-M. Denis, Concordance latine des pseudépigraphes d’Ancien Testament. Concordance. Corpus des textes. Indices, Turnhout, Brepols, 1993. Pour les textes de Qumrân : * Sur support papier : The Dead Sea Scrolls Concordance. Volume 1. The Non-Biblical Texts from Qumran. M. Abegg in collaboration

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with J. E. Bowley and E. M. Cook and in consultation with E. Tov, Leiden - Boston, Brill, 2003 (en deux parties). * Sur CDRom, sans que cet instrument de travail soit pour autant complet, même s’il offre des possibilités de recherches croisées : Dead Sea Scrolls Electronic Reference Library on CDRom. 2. Pour les écrits de Philon d’Alexandrie : * Sur support papier, P. Borgen ; K. Fuglseth ; R. Skarsten, The Philo Index. A Complete Greek Word Index to the Writings of Philo of Alexandria, Grand Rapids - Leiden, Eerdmans - Brill, 2000. * Sur CDRom, Philo of Alexandria. A Complete Concordance on CD-Rom. Edited by Peder Borgen, K. Fuglseth and R. Skarsten, Leiden, Brill, 1997. * On pourra consulter aussi G. Mayer, Index Philoneus, Berlin - New York, Walter de Gruyter, 1974. Pour les écrits de Flavius Josèphe : K. H. Rengstorf, A Complete Concordance to Flavius Josephus, Leiden, Brill, 1973-1983. The Complete Concordance to Flavius Josephus. Study Edition, Leiden, Brill, 2002 (réédition en 2 volumes). Pour la littérature mystique juive : P. Schäfer (hrsg.), Konkordanz zur Hekhalot-Literatur (Texte und Studien zur antiken Judentum 12-13). D. On pourra enfin avoir recours aux dictionnaires spécialisés et à certains manuels conçus pour éclairer le Nouveau Testament à partir de la littérature qui vient d’être envisagée ici (et de la littérature chrétienne ancienne) : J. Lust - E. Eynikel - K. Hauspie, A Greek-English Lexicon of the Septuagint with a Revised Supplement, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 1992 et 1996 (en 2 volumes). W. Bauer, Griechisch-deutsches Wörterbuch zu den Schriften des Neuen Testaments und der frühchristlichen Literatur, 6., völlig neu bearbeitete Auflage (herausgegeben von K. Aland und B. Aland), Berlin - New York, Walter de Gruyter, 1988 (la version anglaise, A Greek-English Lexicon of the New Testament and Other Early Christian Literature, by William Arndt, Walter Bauer, Frederick W. Danker [Editor], Chicago, University Press; 3rd edition, 2000, est non seulement une traduction, mais aussi une édition plus complète). G. W. H. Lampe (ed.), A Patristic Greek Lexicon, Oxford, Clarendon Press, 1961. H. G. Liddell - R. Scott, A Greek English Lexicon, revised and augmented throughout by Sir H. Stuart Jones with the assistance of R. McKenzie and with the cooperation of many scholars. With a revised supplement, Oxford, Clarendon Press, 1996 Theologisches Wörterbuch zum Neuen Testament (ou, en traduction anglaise, Theological Dictionary of the New Testament) (les articles de ce dictionnaire consacrent beaucoup d’attention aux occurrences des termes considérés ailleurs que dans la littérature néotestamentaire). J. Levy, Chaldäisches Wörterbuch über die Targumim und einen grossen Theil des rabbinischen Schriftthums, unveränderter Neudruck nach der Dritten Ausgabe, Köln, Melzer, 1959 [1866] (en deux volumes). M. Jastrow, Dictionary of the Targumim, Talmud Babli, Yerushalmi and Midrashic Literature, New York, The Judaica Press, 1996 [1971] (2 volumes réédités en un). M. Sokoloff, A Dictionary of Judean Aramaic, Bar Ilan, 2003. M. Sokoloff, A Dictionary of Jewish Palestinian Aramaic of the Byzantine Period, Ramat-Gan, Bar-Ilan University Press, 1990. M. Sokoloff, A Dictionary of Jewish Babylonian Aramaic of the Talmudic and Geonic Periods, Ramat Gan/ Baltimore, Bar Ilan University Press/Johns Hopkins University Press, 2002. J. Levy, Wörterbuch über die Talmudim und Midrashim, 2. Auflage, Berlin - Wien, Karz, 1924. H. Braun, Qumran und das Neue Testament, Tübingen, Mohr, 1966 (en 2 volumes) contient une liste des parallèles dressés, jusqu’à sa date de parution, entre les textes retrouvés à Qumrân et le Nouveau Testament. (H. L. Strack -) P. Billerbeck, Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud und Midrasch, 2. unveränderte Auflage, München, Beck, 1954-1956 (en 6 volumes) (pour la littérature rabbinique) K. Berger - C. Colpe, Religionsgeschichtliches Textbuch zum Neuen Testament (Texte zum Neuen Testament 1), Göttingen & Zürich, Vandenhoeck & Ruprecht, 1987. C. K. Barrett - C. -J. Thornton (Hrsg.), Texte zur Umwelt des Neuen Testaments (Uni-Taschenbücher 1591), 2. Ausgabe, Tübingen, Mohr, 1991. Nota : À ce stade de l’investigation, la recherche entreprise confine souvent à ce qui est décrit dans la rubrique « détails sémantiques ». Détails d’ordre sémantique Certes, « ce sont les phrases et non les mots qui forment l’essence du discours. Et même, l’unité à considérer n’est pas toujours “la phrase”, mais ce que les linguistes appellent la lexie, définie par R. Barthes comme “le meilleur espace possible où l’on puisse observer le sens” ; “elle

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comprendra, ajoute-t-il, tantôt peu de mots, tantôt quelques phrases”. Cependant, l’exégèse du N. T. ne saurait éviter de prendre en considération, pour accéder au sens, certains mots, certaines expressions ou certains thèmes théologiques, en les extrayant provisoirement de leur contexte » (p. 70). Pour ce faire, on recourra dans la pratique aux divers dictionnaires et concordances du Nouveau Testament, parmi lesquels nous mentionnerons : En français : X. Léon-Dufour, Dictionnaire du Nouveau Testament (Livre de Vie 131), troisième édition entièrement revue et augmentée, Paris, Seuil, 199643. C. Spicq, o.p., Lexique théologique du Nouveau Testament. Réédition en un volume des notes de lexicographie néo-testamentaire, Fribourg - Paris, Editions universitaires - Cerf, 1991. Concordance de la Bible. Nouveau Testament, troisième édition, Paris, Cerf - Desclée de Brouwer, 1970. En allemand et en anglais : Theologisches Wörterbuch zum Neuen Testament (existe en traduction anglaise). Exegetisches Wörterbuch zum Neuen Testament (existe en traduction anglaise). En grec (et pour se limiter ici au champ étroit du Nouveau Testament44) : A. Schmoller, Handkonkordanz zum griechischen Neuen Testament, Stuttgart, Württembergisch Bibelanstalt, 15. Auflage, 1973. K. Aland, Vollständige Konkordanz zum griechischen Neuen Testament (en deux volumes), Berlin - New York, Walter de Gruyter, 1978-1983. Sur CDRom avec possibilité de recherches croisées : Accordance 8 ou Bibloi 8 ou BibleWorks 7.0. (Analyse littéraire : Histoire de la tradition et de la rédaction) Ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, il pourra apparaître sage de ne traiter des question d’histoire de la tradition et de la rédaction qu’en fin de parcours. Pour les aborder, nous renverrons aux indications fournies plus haut (p. 41-42). TROISIÈME ÉTAPE : DIALOGUE AVEC AUTRUI Une fois que l’enquête personnelle a été menée de manière méthodique et cohérente, les questions posées par le texte apparaissent plus clairement, en même temps que se dessinent des éléments de réponse. Il devient alors possible, pour l’étudiant et le chercheur, de recourir aux commentaires en se situant dans une position adulte et responsable. Un dialogue pourra ainsi être entamé qui permettra d’enrichir l’approche sans lui enlever son caractère personnel et spécifique. Les données recueillies dans cette phase de l’enquête seront injectées dans chacune des étapes énumérées jusque là. C’est un peu comme si notre reporter, une fois finie sa plongée au cœur de la cité qu’il a à évoquer, consultait cette fois les reportages faits par d’autres avant lui. Fort du regard qu’il aura su porter sur la ville, de la connaissance qu’il en a désormais, il peut, en croisant ce regard avec celui que d’autres ont posé déjà, vérifier si quelque chose ne lui a pas échappé de cette ville, si d’autres n’ont pas su saisir mieux que lui l’atmosphère de cette cité, capter mieux que lui l’aspect particulier de ses monuments, le caractère propre de ses paysages ou l’expression singulière de ses habitants. S’il sait se faire à la fois humble et modeste, il pourra enrichir alors son reportage tout en lui conservant un caractère personnel car il y aura aussi des images pleines de vérité qu’il aura été le premier à capter et qui pourront désormais exprimer aussi bien, voire mieux que d’autres et, en tout cas, aussi bien qu’elles, l’âme de cette cité.

43 L’acquisition de ce volume, édité dans une collection de poche à un prix tout à fait raisonnable et contenant

de plus en préface une bonne introduction historique au Nouveau Testament, est fortement recommandée. 44 Pour des indications d’index et de concordances ayant trait aux divers corpus littéraires qui peuvent jeter un

éclairage sur le Nouveau Testament et sur son vocabulaire, voir supra, p. 44-46.

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Excursus 5

QUELQUES CONSEILS PRATIQUES DE BIBLIOGRAPHIE Ces indications ne représentent pas la seule manière de répertorier ouvrages et articles dans une bibliographie. Elle voudraient seulement fournir à l’étudiant un moyen de s’en tenir à une présentation cohérente des références bibliographiques. 1. Le nom de l’auteur figure en lettres majuscules en tête de la référence bibliographique. Il est suivi (dans une bibliographie récapitulative) ou précédé (dans une note) de l’initiale du ou des prénoms. Quant une confusion est possible, il est bon de mentionner le prénom dans son intégralité. 2. En ce qui concerne les ouvrages collectifs : jusqu’à trois auteurs, on indique leurs noms respectifs ; s’ils sont plus de trois, l’ouvrage est considéré comme un anonyme. 3. En ce qui concerne les ouvrages anonymes, on indique le titre et, le cas échéant, après ce titre, le(s) nom(s) du ou des directeur(s) ou éditeur(s) de la publication, précédé(s) des initiales des prénoms. 4. Les titres de volumes, de revues, de mélanges et, en général, de toute publication ayant une existence matérielle distincte sont soulignés ou imprimés en italique. 5. En principe, seule la page de titre, comportant l’adresse bibliographique, fait foi et non la couverture. Il est courant de trouver sur la page intérieure des sous-titres évocateurs qui n’apparaissent pas sur la couverture. 6. Les titres d’articles figurant dans une revue, dans un dictionnaire, dans un recueil et, en général, toutes les sections de volumes n’ayant pas une existence matérielle distincte se mettent entre guillemets. Ils sont suivis du titre (souligné ou en italique) de la publication où on les trouvera. 7. Les titres des encyclopédies, des revues, des collections les plus répandues sont remplacés par des sigles (cf. S. SCHWERTNER, IATG. Internationales Abkürzungverzeichnis für Theologie und Grenzgebiete. Zeitschriften, Serien, Lexica Quellenwerke mit bibliographischen Angaben, Berlin - New York, Walter de Gruyter, 1974. On pourra, dans les disciplines bibliques, recourir également à la liste proposée annuellement par la revue Catholic Biblical Quarterly). 8. Si un ouvrage compte plusieurs tomes ou si la référence donnée concerne un tome particulier, on le mentionne après le titre. Pour les revues, il est indispensable de donner le numéro du tome (éventuellement du fascicule), et l’année (voir point n° 16). 9. Si l’ouvrage cité est une traduction, on mentionne le nom, précédé de l’initiale du prénom, du traducteur après le titre. 10. Si un ouvrage fait partie d’une collection, on la mentionne entre parenthèses après le titre, en indiquant le numéro du volume. 11. S’il existe plusieurs éditions d’un ouvrage, on indique laquelle on utilise. On emploie généralement la plus récente, si toutefois on en dispose, sauf au cas où l’ouvrage aurait subi des modifications et que l’on tienne à revenir aux premières affirmations d’un auteur. On fait le plus souvent mention du numéro de cette édition juste avant d’en signaler le lieu. Toutefois, on pourra se contenter de le faire figurer “en exposant” à la suite de l’année de parution. 12. Le lieu d’édition figure après le titre, et, le cas échéant, après les indications relatives à la tomaison d’un ouvrage et à son appartenance à une collection. 13. Si la page de titre mentionne plusieurs lieux d’édition, on ne les note que s’ils sont au maximum trois. S’ils sont plus nombreux, on indique les trois premiers ou le premier seulement.

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14. Quand le lieu d’édition n’est pas mentionné sur la page de titre et qu’il ne figure nulle part dans le livre, on met s. l. (sans lieu). Si on le trouve ailleurs (par exemple à la dernière page), on le donne entre parenthèses. 15. Le nom de la ou des maison(s) d’édition peut être indiqué éventuellement après le lieu d’édition. 16. La date de parution d’un livre doit être indiquée après le lieu d’édition (le cas échéant, après le nom de la ou des maisons d’édition). Pour une revue, la date est précédée du numéro du tome. Elle en est séparée par une virgule. 17. Si la date de parution ne figure nulle part dans le livre, on met s. d. (sans date). Si on la trouve ailleurs que sur la page de titre, on l’indique entre parenthèses. 18. Dans une bibliographie récapitulative, on mentionne toujours les pages de la revue où se trouve un article cité. En revanche, dans les notes, on ne mentionne que les pages auxquelles on fait allusion ou que l’on cite. 19. Quelques abréviations usuelles : c. ou col. = colonne(s) éd. = édition n. = note p. = page(s) t. = tome(s) vol. = volume(s) Quelques exemples : * CHEVALLIER M.-A., L’exégèse du Nouveau Testament. Initiation à la méthode (Le monde de la Bible), Genève, Labor et Fides, 1984. * Dictionnaire encyclopédique de la Bible. Publié sous la direction du Centre informatique et Bible. Abbaye de Maredsous, Turnhout, Brepols, 1987. * JEREMIAS Joachim, Les paraboles de Jésus. Traduction de B. HÜBSCH. Présentation de R. P. A. GEORGE, Le Puy, Xavier Mappus, 1962. * —, “kleivı”, ThWNT III, 1938, pp. 743-753. * WILCKENS U., Die Missionsreden der Apostelgeschichte. Form- und traditionsgeschicht-liche Untersuchungen (WMANT 5), 2. durchgesehene Auflage, Neukirchen - Vluyn, Neukirchener Verlag, 1963. Remarque : De plus en plus se développe aujourd’hui un usage consistant à ne renvoyer en note qu’au nom de l’auteur ayant rédigé l’article ou l’ouvrage cité, à l’année de la publication et à la page ou aux pages concernée(s) (ainsi : Chevallier, 1984, p. 38). Ce n’est que dans la bibliographie récapitulative que les références sont citées in extenso après un rappel de la façon dont elles ont été mentionnées dans le corps du texte. Dans le cas où il est fait état de plusieurs contributions publiées par le même auteur la même année, on fait suivre immédiatement l’année de parution d’une lettre (ainsi 1999a ; 1999b...). Exemple : Chevallier, 1984 : M.-A. Chevallier, L’exégèse du Nouveau Testament. Initiation à la méthode (Le monde de la Bible), Genève, Labor et Fides, 1984 NOTA : Tout emprunt à un auteur quel qu’il soit doit toujours être mentionné. Il doit être

signalé par l’emploi de guillemets et par une note (rédigée entre parenthèses ou en bas de page)

Tout plagia est coupable et encourt la plus extrême sévérité.

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DERNIÈRE ÉTAPE : SYNTHÈSE EN QUÊTE DU SENS DU PASSAGE (DISCOURS OU RÉCIT) : UNE PROPOSITION...

Au terme de l’enquête, il importe de nouer la gerbe et de conclure. En fonction de l’analyse, fondamentale, du texte, de sa propre logique, et de sa place dans l’argumentation de l’auteur…, en fonction également des renseignements glanés par ailleurs, il s’agit de se prononcer sur le sens du passage étudié. Ainsi que le note M.-A. Chevallier, il pourra être commode de procéder pratiquement de la manière suivante : - arrêter d’abord le sens de chacune des sections distinguées par l’analyse littéraire ; - faire ensuite de même pour l’ensemble du texte envisagé. Pour conclure, nous reprendrons à notre tour les propos d’Henri de Lubac : « En un sens, le commentaire, s’il est quelque peu pénétrant, va toujours plus loin que le texte, puisqu’il explicite ce qui s’y trouve, et s’il ne va pas en effet plus loin, il ne sert à rien, puisqu’alors le texte n’est pas éclairé. Mais en un autre sens, plus important, le texte, par sa richesse concrète, déborde toujours le commentaire et jamais le commentaire ne dispense d’y revenir. Il y a en lui un infini virtuel ». Ils signifient qu’il n’y a pas, au terme de la démarche exégétique, une seule lecture possible mais que, par le poids que l’on accorde aux différents indices dont on dispose, on peut être amené à nuancer sensiblement le propos, voire, dans certains cas, à conclure de façon différente. Cela doit se faire en toute conviction et honnêteté mais sans oublier que d’autres, animés de la même conviction et de la même honnêteté, auront pu et pourront parvenir à une lecture dissemblable. Respecter ainsi une palette de lectures possibles, c’est respecter le texte et reconnaître qu’il demeure toujours au-delà de ce que nous pouvons en dire, à l’image de Celui auquel il nous renvoie. ... AYANT VOCATION À S’ÉPANOUIR EN INTERPRÉTATION En reprenant une distinction opérée par Ricœur, on pourra distinguer l’étape, tendue vers l’objectivité, de la définition du sens du passage et celle, forcément subjective et qui doit en résulter, de son interprétation proprement dite qui suppose un « mouvement existentiel d’interprétation ». C’est ainsi que Ricœur a pu écrire, en forçant quelque peu le trait par rapport aux considérations qui précèdent mais en faisant bien voir la différence de niveau auquel on se situe : « Le moment de l’exégèse n’est pas celui de la décision existentielle, mais celui du ‘sens’ lequel (...) est un moment objectif et même “idéal” (idéal, en ceci que le sens n’a pas de place dans la réalité, même pas dans la réalité psychique) ; il faut alors distinguer deux seuils de compréhen-sion : le seuil du “sens” qui est ce qu’on vient de dire, et celui de la “signification” qui est le moment de la reprise du sens par le lecteur, de son effectuation dans l’existence. Le parcours entier de la compréhension va du sens idéal à la signification existentielle »45. Le passage du sens à la signification relève à proprement parler de l’interprétation. C’est avec lui qu’a vocation à s’achever le parcours du lecteur, un lecteur qui ne quittera pas sa lecture indemne mais qui, interpellé par la proposition de monde inhérente au texte, acceptera que cette proposition de monde vienne visiter sa propre existence et s’y déployer. Car « interpréter n’est pas seulement “comprendre” au sens d’une investigation intellectuelle méthodiquement menée, mais aussi “jouer”, comme on dit d’ailleurs du musicien qui interprète une partition ou de l’acteur qui interprète un rôle, un personnage, qu’il “joue” »46. À l’exégèse, qui correspondra à l’étape du

45 P. Ricœur, Le conflit des interprétations. Essais d’hermébneutique (L’ordre philosophique), Paris, Seuil,

1969, p. 389. 46 P. Bühler, « L’interprète interprété », in : Quand interpréter, c’est changer (P. Bühler - C. Karakash,

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déchiffrage mais aussi de l’exploration d’un monde nouveau, figuré dans le texte, pourra succéder ainsi l’interprétation. À travers elle, le lecteur, visité par le texte, pourra partir à la découverte du monde qu’il figure. Interpellé par la Parole, il découvrira qu’« interpréter, c’est changer » et aura ainsi le privilège de vivre ce qu’il pourra considérer, s’il recourt à une grille de lecture théologique, comme la grâce d’une conversion47. REMARQUES COMPLÉMENTAIRES : Des niveaux de la démarche exégétique (tableau de la page 52) Dans le parcours que nous proposons, on se sera mû, dans ce qui aura constitué la première approche, au niveau du texte en son état, ce que nous appelons le niveau 3, qui est aussi le plus immédiatement accessible48. Cela dit, on restera sensible, à un stade plus avancé de la démarche exégétique49, au fait qu’un texte peut également être conçu comme un aboutissement. Il sera envisagé dès lors comme le fruit d’un processus plus ou moins long d’élaboration, au sein de ce que l’on pourra appeler commodément la tradition (niveau 2), par-delà un événement à propos duquel la critique historique sera finalement amenée à se prononcer (niveau 1). Il pourra également être conçu comme le point de départ de toute une série d’interprétations non seulement exégétiques (histoire de l’exégèse), mais aussi artistiques (iconographiques : peinture, sculpture, art du vitrail… ; musicales : oratorio ; opéra… ; littéraires) et finalement pratiques dans la mesure où, à travers l’histoire et jusqu’à aujourd’hui, il a pu déterminer telle attitude existentielle, telle entreprise collective (niveau 4 : Wirkungsgeschichte : étude des effets, de l’influence du texte au cours des siècles, étude qui prend ainsi en compte le niveau de l’interprétation dont nous avons relevé toute l’importance tout en faisant valoir qu’il devait être bien distingué de celui de l’établissement du sens)… Que l’on se projette ainsi en amont ou en aval du texte, on pourra faire de cette manière une place à une approche diachronique. Le tableau de la page 52 voudrait illustrer la manière dont ces différents types d’approches peuvent s’articuler, se compléter, et contribuer ensemble à permettre de s’aventurer plus loin dans la tentative de compréhension d’un texte donné. Rappelons simplement que le niveau 4, celui de la Wirkungsgeschichte, doit être bien distingué des autres. En effet, la Wirkungsgeschichte s’interroge non pas d’abord sur le sens du texte mais sur la signification qui lui a été accordée, les interprétations qui en ont été données dans les champs les plus divers (dans la littérature, mais aussi dans l’art, dans la culture, voire dans la société [ainsi la postérité du modèle de la communauté des biens au sein de l’Église primitive de Jérusalem...]). Cela ne remet pas en question son profond intérêt mais la place de fait en dehors de l’exégèse au sens strict. Elle relève déjà du domaine de l’histoire de l’exégèse et, plus généralement, de l’histoire de l’interprétation, de l’herméneutique d’un texte. Cette histoire se poursuit jusqu’à ce jour. Elle a pu donner lieu à des expériences de vie, personnelle et communautaire, exaltantes comme elle a pu être le lieu de tragiques malentendus et elle doit toujours à nouveau être interrogée, au nom du texte, car toute interprétation n’est pas forcément fidèle et certaines peuvent être erronées et donner lieu à de

éditeurs), Genève, Labor et Fides, 1995, p. 253.

47 Nous rejoignons ainsi, tout en les formulant quelque peu différemment, les remarques de D. Marguerat - Y. Bourquin, Pour lire les récits bibliques. Initiation à l’analyse narrative, avec la collaboration du fr. M. Durrer. Illustrations de F. Clerc, Paris - Genève - Montréal, Cerf - Labor et Fides - Novalis, 4e édition revue et augmentée, 2009, p. 182-185 [### pages à préciser en fonction de la nouvelle édition].

48 Ce tableau est conçu de telle manière qu’apparaisse clairement que le niveau III est le plus immédiatement accessible. C’est pourquoi il doit être lu en remontant – c’est-à-dire de bas en haut – quand on passe aux niveaux II et I.

49 Ce stade plus avancé de la démarche exégétique n’est pas encore celui d’un cours-séminaire d’exégèse (du type de celui donné en L-S3 par exemple). À ce niveau, l’étudiant pourra se contenter d’en demeurer à une approche synchronique – en y intégrant toutefois, le cas échéant, une étude génétique par le recours à la synopse – même s’il sera rendu sensible, dans le cadre du cours, à l’intérêt d’une approche diachronique.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 51

tragiques méprises ou à des trahisons50. L’exégète, comme le croyant, a vocation à participer à cette histoire dans la mesure où il risque lui-même une interprétation. Il lui revient aussi, et de manière plus particulière, un devoir de vigilance.

De l’articulation des approches de type diachronique et synchronique pour rendre compte du texte roi

On constate que, au début, au cœur et au terme de la démarche exégétique proposée, on retrouve le texte roi. C’est ce que veut manifester le tableau de la page 53. Il souligne qu’approches de type synchronique et de type diachronique, loin de s’exclure mutuellement, s’appellent en fait et permettent de poser autant de regards croisés sur le texte dont le relief n’apparaît que plus distinct. En toute hypothèse, toute approche diachronique requiert, dans un premier temps, une prise en compte de la synchronie pour respecter la logique du texte et ne pas le solliciter abusivement. On pourra, de fait, quand on voudra par exemple traiter du Jésus de l’histoire, utiliser le texte comme source pour passer du niveau 3 au niveau 1. Mais, ce faisant, il importera, pour agir en toute rigueur, de se prononcer sur ce qui a pu se passer au niveau 3 – et aussi d’ailleurs au niveau 2. En sens inverse, s’employer à remonter jusqu’aux niveaux 2 et 1 par delà le niveau 3 permet de revenir au niveau 3 en disposant d’informations qui permettront de donner un relief supplémentaire au texte et en en percevant mieux les enjeux. Une bonne illustration de cela peut être fourni par la prise en compte des parallèles synoptiques. La comparaison synoptique va permettre de mieux évaluer tant le substrat traditionnel que la part rédactionnelle de chaque auteur. Il est important de relever par ailleurs que même une approche de type synchronique telle l’analyse narrative reconnaît implicitement la nécessité d’un recours à la diachronie ou, en tout cas, à un monde supposé par le texte mais extérieur à lui, en accordant toute son importance au commentaire implicite – ce qui fait place notamment à l’intertextualité et à tout ce qui peut nous renseigner sur l’univers de production de texte. On pourra ajouter que la prise en compte récente par l’exégèse diachronique de l’immense champ que représente, en aval du texte, l’histoire de ses effets (Wirkungsgeschichte) fait une place, non plus seulement à l’auteur historique ou aux destinataires de tel écrit néotestamentaire, mais encore aux lecteurs qui, dans l’histoire, se sont approprié le texte. Le tableau de la page 55 montre pour sa part comment l’articulation des approches permet ultimement de respecter les différents pôles de la lecture (auteur - texte - lecteur) et de s’employer à éviter les écueils qui sont inhérents à chaque type d’approche pratiqué isolément.

50 Pour ne citer ici qu’un exemple, nous prendrons celui des conquistadores qui, s’appuyant sur la parabole

des invités au festin et sur la formule “compellate intrare (forcez les à entrer)” (Luc 14,23) ont pratiqué, en Amérique du Sud, l’évangélisation forcée des populations autochtones, ne leur offrant d’autre alternative que la conversion ou la mort. Les crimes qu’ils ont commis s’appuyaient sur l’interprétation littérale d’un texte, interprétation qui, faisant fi des données historiques, est venue légitimer des comportements en contradiction avec le principe biblique du respect absolu dû au prochain. La prise en compte du contexte historique permet en l’occurrence de stigmatiser leur erreur, consciente ou inconsciente, de lecture. S’il convient de forcer les exclus qui ont part au festin en lieu et place des notables qui ont décliné l’invitation, c’est que jamais ils ne se seraient sentis dignes de pareille invitation. La parabole vise à faire comprendre que l’impensable s’est pourtant produit et la formule “forcez-les à entrer” contribue à l’exprimer. L’accès au festin est bel et bien ouvert à ceux qui auraient pu s’en estimer, en toute hypothèse, écartés. Telle est la bonne nouvelle du Royaume ! Quel paradoxe tragique que l’un des plus beaux récits visant à exprimer cette bonne nouvelle ait été aussi la source d’exactions et de crimes !

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 52

TABLEAU RELATIF AUX DIFFÉRENTS NIVEAUX

AUXQUELS PEUT SE MOUVOIR LA DÉMARCHE EXÉGÉTIQUE

TENTATIVE D’ACCÈS AU NIVEAU I : Niveau de l’événement réel ou supposé décrit par le récit ou le discours

Critique historique

TENTATIVE D’ACCÈS AU NIVEAU II :

niveau de la communauté ou des communautés qui ont transmis (ou façonné) le récit ou le discours

….. liturgique catéchétique polémique kérygmatique parénétique recherche du Sitz im Leben et d’éventuelles filiations repérage d’éventuelles sources Aspérités de la narration (AL) Genre littéraire (à l’aide de concordances…) Statistiques de vocabulaire (CL) À partir d’éléments formels Mise à jour de parallèles À partir d’indices littéraires Histoire des formes École comparatiste Critique littéraire et et et Histoire des traditions religioniste Analyse littéraire

Approches diachroniques en amont du texte

NIVEAU III :

Niveau du texte en son état = Niveau du rédacteur

Approches Approche rhétorique | Critique littéraire Approches synchroniques Approche sémiotique | Analyse littéraire à incidences Analyse narrative51 | Histoire de la rédaction diachroniques

NIVEAU IV : Niveau des destinataires = Niveau de ceux qui, à travers les âges,

ont reçu, reçoivent ou recevront ce texte et qui dans leur vie ont inscrit, inscrivent ou inscriront

son interprétation

Approche diachronique en aval du texte

Wirkungsgeschichte

51 Sur la narratologie ou analyse narrative, on se reportera à l’introduction de D. Marguerat - Y. Bourquin,

Pour lire les récits bibliques. Initiation à l’analyse narrative, avec la collaboration du fr. M. Durrer. Illustrations de F. Clerc, Paris - Genève - Montréal, Cerf - Labor et Fides - Novalis, 4e édition revue et augmentée, 2009. Pour une présentation condensée, voir p. 23-32 (### : vérifier les pages dans la nouvelle édition).

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 53

Au croisement des lectures

de type synchronique et diachronique :

le texte roi

Événement historique

Tradition (orale ou écrite)

implicite implicite Auteur Texte Lecteur historique historique

Réception

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 54

PÔLE DE LECTURE PRIVILÉGIÉ

EN FONCTION DES MÉTHODES

HISTORICO- CRITIQUE

SÉMIOTIQUE ANALYSE NARRATIVE

Pôle de lecture privilégié Destinateur = auteur Méthode centrée sur l’auteur (expressive [quête de l’intention, de la fidélité de l’auteur] Axe privilégié Axe de la représentation du monde qui se trouve derrière le texte Méthode référentielle (mimétique [œuvre litté- raire conçue comme le reflet d’un autre monde]) Texte conçu comme une fenêtre pour apprendre quelque chose sur une autre époque Texte conçu comme le produit final d’un pro- cessus de développement

Pôle de lecture privilégié Message = texte Méthode centrée sur le texte (objective [consi- dérant le texte comme un monde autosuffisant]) Axe privilégié Axe de la représentation de la manière dont fonctionne le texte Texte conçu comme un tableau dont on analyserait les lignes de force...

Pôle de lecture privilégié Destinataire = lecteur Méthode centrée sur le lecteur (pragmatique [œuvre conçue comme destinée à pro- duire un effet donné / lecteur]) Axe privilégié Axe de la communication entre l’auteur et le lecteur Méthode procédant à partir du texte seul (et ainsi centrée sur le texte dans lequel est trouvé le lecteur implicite) Texte conçu comme une fin en soi et comme un miroir qui produit son effet dans la rencontre avec le lecteur Texte conçu comme la composante médiane d’un acte de communication

Risque Enfermer le texte dans un questionnement qui demeure en amont de lui et qui s’arrête à lui

Risque Désincarnation et déshistoricisation du texte

Risque Retour à une forme de fondamentalisme

Force * Évite l’arbitraire dans l’interprétation du texte * Ouvre à des interprétations possibles * En interdit d’autres

Force Fait droit au texte

Force S’attache au texte et s’efforce de montrer comment il déploie ses effets

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 55

4. PROPOSITION D’EXÉGÈSE D’ACTES 12,1-23 A. Première étape : Une première approche 1. Actes 12 dans le cadre de l’œuvre à Théophile a. Projet, intention, manière de l’auteur à Théophile * L’œuvre d’historien de l’auteur à Théophile L’auteur à Théophile revendique d’abord la qualité d’historien (Lc 1,1-4). De fait, il fait usage, tout au long de son œuvre, de nombreuses sources, d’origines diverses (jérusalémites, antiochiennes ...), ce qui confirme le sérieux de son travail d’information. Toutefois, en bon historien de l’antiquité, il adapte ses sources pour les insérer dans son récit et pour être entendu du public hellénistique cultivé auquel il s’adresse. Il lui arrive ainsi de couler une tradition d’origine palestinienne dans le moule d’un genre littéraire familier de ses destinataires. * Le projet théologique de l’auteur à Théophile L’œuvre à Théophile débute dans le Temple de Jérusalem, cœur du judaïsme palestinien et lieu privilégié de sa relation avec Dieu (Lc 1,4-25). Elle s’achève, environ soixante ans plus tard, à Rome, capitale du paganisme, par la rupture entre les prédicateurs de l’Évangile et la Synagogue (Ac 28,25-27) et par l’affirmation que c’est désormais aux païens que le salut sera adressé (Ac 28,28). Le contraste entre les deux scènes est saisissant. Il est révélateur du projet de Luc qui veut démontrer sur le mode historique comment, par la volonté de Dieu, les gentils ont pris la place des juifs comme destinataires de la Bonne Nouvelle. Au cours de ce long cheminement, il met en scène les différentes étapes qui ont conduit à cet état de fait. Partant de l’attente fervente du Royaume de Dieu par les plus pieux des juifs (Lc 1 et 2), il montre, dans la première partie de son œuvre, comment elle est exaucée à travers le ministère de Jésus (Lc 3-24). Le livre des Actes manifeste ensuite de quelle façon la première communauté de Jérusalem, instituée héritière légitime du Nazaréen par le don de l’Esprit Saint (Ac 1 et 2), a été poussée à faire éclater les cadres du judaïsme traditionnel pour témoigner jusqu’aux extrémités de la terre en accomplissement du programme fixé par le Ressuscité lui-même (Ac 1,8). * L’intention apologétique de l’auteur à Théophile L’itinéraire qui conduit de Jérusalem à Rome apparaît comme une marche en avant que rien ne saurait entraver. On a ainsi pu parler d’une structure d’« échec providentiel » qui jalonne la progression du récit. J. Zumstein, « L’apôtre comme martyr dans les Actes de Luc. Essai de lecture globale », RThP 112, 1980, p. 378, la définit ainsi : « Le programme placé en tête des Actes est la propagation de la Parole à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. Les opposants à ce programme prennent des mesures susceptibles de bloquer ce processus (arrestations, emprisonnements, persécutions, exécutions). Ces mesures sont exécutées, mais – et ici intervient le ‘mais’ lucanien –, loin d’apporter le résultat escompté, ces mesures de contrainte portent des fruits contraires à la volonté de leurs initiateurs ; loin d’empêcher la diffusion de la parole, ces obstacles sont paradoxalement des facteurs multiplicateurs de succès ». b. Etude du contexte * Contexte large Un plan possible : Ac 1-5 : L’annonce de la Parole à Jérusalem De la promesse de l’Esprit Saint à son envoi, constitution de la première communauté de témoins (1,4-2,41) D’une vie communautaire de prière et de partage (2,42-47) à l’annonce hardie de l’Evangile au Temple (5,42), propagation de la Parole, malgré les entraves, à Jérusalem.

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Ac 6,1-15,35 : De l’entrée en scène des hellénistes à l’assemblée de Jérusalem, franchissement des étapes qui ouvrent la voie à l’annonce de l’Évangile jusqu’aux extrémités de la Terre L’ensemble se déploie en une succession de séquences obéissant à un schéma dont on peut considérer qu’il illustre le modèle de l’« échec providentiel » : a. Activité missionnaire b. Obstacles disposés par les adversaires de la prédication chrétienne c. Issue paradoxale et inattendue de ces événements apparemment contraires Ainsi : a. 6,1-7 : Institution des Sept (6,1-6) et accroissement de la Parole à Jérusalem (6,7) b. 6,8-8,1b : Passion d’Étienne (6,8-7,60) et persécution qui s’ensuit (8,1b) c. 8,1b-4 : La dispersion en Judée et en Samarie aboutit à l’évangélisation de ces lieux a’. 8,5-40 : Annonce de la Parole à des marginaux du judaïsme (samaritains et eunuque éthiopien) b’. 9,1-30 : Saul, le persécuteur, va être retourné avant d’être persécuté à son tour c’. 9,31 : Sommaire relatif à l’accroissement de l’Église en Judée, en Galilée et en Samarie a”. 9,32-11,18 : Activité missionnaire de Pierre et conversion d’un païen isolé 11,19-30 : À Antioche, annonce de la Parole aux Grecs et surgissement d’une communauté solidaire de l’Église-mère b”. 12,1-23 : Persécution de l’Église de Jérusalem et libération de prison de Pierre c”. 12,24 : Sommaire relatif à l’accroissement de la Parole a”’. (12,25 et) 13-14 : Voyage missionnaire de Barnabas et de Saul 15,1-35 : Officialisation à Jérusalem du principe de l’annonce de l’Évangile aux païens Ac 15,36-28 : Paul apporte la Bonne Nouvelle jusqu’à Rome * Contexte proche Le chapitre 12 est encastré de façon tout à fait artificielle entre deux passages relatifs à l’Église d’Antioche. Il est introduit par la formule kat∆ ejkei'non de; to;n kairo;n (v. 1) qui suggère une certaine contemporanéité avec ce qui précède et l’y relie. Il est préparé également, à la fin du chapitre 11, par le double mouvement des prophètes descendant de Jérusalem à Antioche (v. 27) et de Barnabas et de Saul remontant d’Antioche en Judée pour y rapporter le fruit de la collecte (vv. 29-30). Ce double mouvement souligne la solidarité des deux communautés et oriente le regard de la capitale de la Syrie (11,19-26) vers celle de la Palestine. Enfin ceivr fait office de mot-crochet puisque l’envoi des subsides destinés à l’Église-mère est confié entre les mains de Barnabas et de Saul (dia; ceiro;" Barnaba' kai; Sauvlou: 11,30) juste avant qu’Hérode ne mette la main sur certains membres de l’Église (ejpevbalen ÔHrwv/dh" oJ basileu;" ta;" cei'ra" : 12,1) sur certains membres de l’Eglise. Au terme du chapitre, l’allusion à la collecte (12,25) sert d’inclusion et reconduit à Antioche, la mention de Jean-Marc contribuant à arrimer l’ensemble des versets 1 à 25, où le personnage apparaît au verset 12, à ce qui suit. On peut donc dire qu’exactement comme les événements du chapitre 12 avaient été préparés par la collecte d’Antioche et le voyage de Barnabas et de Saul à Jérusalem avec son produit (11,30), tournant à nouveau l’attention des lecteurs vers cette ville et son Église, ainsi les remarques relatives à leur voyage de retour à Antioche avec Jean-Marc préparent la voie au voyage missionnaire dont le compte rendu est fait aux chapitres 13 et 14.

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2. Établissement du Texte Comme ailleurs dans les Actes, on notera l’abondance des variantes que l’on rencontre dans le Texte occidental représenté notamment par le Codex de Bèze (D). Parmi ces variantes, intérêt possible de celle du verset 10 avec la mention des sept marches (en lien avec une relecture de caractère initiatique du passage ?), et difficulté majeure de celle du verset 25 dans lequel le choix de la préposition eijı paraît s’imposer en tant que lectio difficilior, même si l’association de cette préposition à uJpevstreyan pose un important problème. La moins mauvaise solution est peut-être la suivante : supposer qu’une virgule était sensée séparer la forme verbale et la préposition et que cette dernière a ici, comme c’est fréquemment le cas dans le parler hellénistique, la même valeur que ejn (on lirait alors : « Barnabas et Saul s’en retournèrent, ayant accompli le service à Jérusalem, emmenant avec eux Jean qui est surnommé Marc »). 3. Problèmes de Traduction Pas de problème majeur et en tous cas, à part le verset 25, pas de passage pouvant faire l’objet de plusieurs interprétations entre lesquelles il s’agirait de choisir et qui influeraient sur le sens du passage. 4. Analyse Littéraire : mouvement et dynamique du récit Le texte tel qu’il figure (en noir) aux deux pages suivantes est disposé selon les indications données plus haut (p. 23 : nota). Pareille disposition fait bien apparaître les accélérations (sections E et E’) et les pauses (verset 11) dans le récit. On peut observer que, après un temps de mise en place du décor et des acteurs (sections A à D), l’action proprement dite commence (section E) et qu’elle s’avère d’emblée extrêmement rapide. Les différentes sections correspondent, globalement, à des tableaux successifs, même si, dans le détail, on pourrait encore en segmenter certaines. Cela dit, les grandes étapes de la progression du récit sont mises en évidence, ainsi que sa dynamique. On notera que plusieurs sections sont encadrées grâce à un procédé d’inclusion (C, D, E). L’analyse attentive du récit permet de faire apparaître des phénomènes tout à fait frappants :

- Récurrence du verbe patavssein au verset 7 et au verset 23, et dans un sens sensiblement différent puisque, dans le premier cas, Pierre est frappé pour son salut et que, dans le second, Hérode est frappé à mort.

- Le motif de la porte apparaît à la fois dans les versets 5-10 et dans les versets 12-17 avec à nouveau une différence : au verset 10 la porte de la prison s’ouvre d’elle-même devant Pierre alors que, dans les versets 12-15, la porte de la maison où est rassemblée la communauté reste désespérément close malgré l’insistance de l’apôtre.

- Le verset 11 occupe manifestement une place centrale dans le récit. C’est le seul moment où le personnage de Pierre se trouve seul en scène. Il fait l’objet d’une focalisation interne et convoque mentalement toutes les acteurs du récit pour en fournir la clé au lecteur implicite.

Autour de ce verset 11, on peut, nous semble-t-il, repérer que le récit obéit à une construction concentrique et à une structure ABCDEFE’D’C’B’A’. Les légers décrochements que nous avons introduits dans la mise en page du texte grec ont pour but de souligner cette construction particulière qui permet notamment de rendre compte de la présence, apparemment étrange, du v. 24 (à la persécution vient répondre la croissance de la Parole en vertu du schéma de l’échec paradoxal). On voit par ailleurs que, si l’on adopte une telle dispositions du récit, l’annonce par Pierre de sa libération (E’) vient répondre à la délivrance de prison (E), les tableaux dans lesquels il est question des gardes se correspondent (D et D’), le châtiment d’Hérode (Agrippa I) (C’) vient faire écho à son action offensive (C), le retour de Barnabas et Saul à Antioche (A’) se trouve en vis-à-vis de leur venue dans la ville sainte (A’).

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A. 11.30 : Barnabas et Saul d’Antioche à Jérusalem. 30o} kai; ejpoivhsan ajposteivlante" pro;" tou;" presbutevrou" dia; ceiro;" Barnaba' kai; Sauvlou.

B. 12,1-2 : Persécution de l’Église par Hérode. 1Kat∆ ejkei'non de; to;n kairo;n ejpevbalen ÔHrwv/dh" oJ basileu;" ta;" cei'ra" Entrée en scène d’Hérode kakw'saiv tina" tw'n ajpo; th'" ejkklhsiva". 2ajnei'len de; ∆Iavkwbon to;n ajdelfo;n ∆Iwavnnou macaivrh/. Sort réservé à Jacques, frère de Jean

C. 12,3-4 : Persécution de Pierre par Hérode 3ijdw;n de; Décalage apparent ou réel par rapport aux événements précédents o{ti ajrestovn ejstin toi'" ∆Ioudaivoi", prosevqeto sullabei'n kai; Pevtron, Escalade dans la persécution - h\san de; ªaiJº hJmevrai tw'n ajzuvmwn - Présence de deux notations temporelles 4o}n kai; piavsa" e[qeto eij" fulakhvn, Apparition du héros, Pierre paradou;" tevssarsin tetradivoi" stratiwtw'n fulavssein aujtovn, boulovmeno" meta; to; pavsca Épisode enclavé par la mention des juifs qui rejoignent, ajnagagei'n aujto;n tw'/ law'/. à côté d’Hérode, le camp des adversaires

D. 12,5-6 : Pierre en prison et sous bonne garde 5oJ me;n ou\n Pevtro" ejthrei'to ejn th'/ fulakh'/: Rupture introduite par la préposition ou\n proseuch; de; h\n ejktenw'" ginomevnh uJpo; th'" ejkklhsiva" pro;" to;n qeo;n peri; aujtou'. 6”Ote de; h[mellen Présence massive de l’imparfait, temps de la durée proagagei'n aujto;n oJ ÔHrwv/dh", th'/ nukti; ejkeivnh/ h\n oJ Pevtro" koimwvmeno" metaxu; duvo stratiwtw'n Mention de la nuit dedemevno" aJluvsesin dusivn Tableau enclavé par les deux expressions ejthrei'to ejn fuvlakev" te pro; th'" quvra" ejthvroun th;n fulakhvn. th'/ fulakh'/ et ejthvroun th;n fulakhvn

E. 12,7-10: Délivrance de Pierre 7kai; ijdou; a[ggelo" kurivou ejpevsth Apparition d’un nouvel acteur : l’ange kai; fw'" e[lamyen ejn tw'/ oijkhvmati: vv. 7-8 : propositions brèves, patavxa" de; th;n pleura;n tou' Pevtrou aoriste, h[geiren aujto;n actions bien rythmées (épiphanie et levgwn: préparatifs de la fuite) ∆Anavsta ejn tavcei. kai; ejxevpesan aujtou' aiJ aJluvsei" ejk tw'n ceirw'n. 8ei\pen de; oJ a[ggelo" pro;" aujtovn: Zw'sai kai; uJpovdhsai ta; sandavliav sou. ejpoivhsen de; ou{tw". kai; levgei aujtw'/: Peribalou' to; iJmavtiovn sou kai; ajkolouvqei moi. 9kai; ejxelqw;n v. 9 : imparfait, hjkolouvqei moment de pause kai; oujk h[/dei (premier temps de réflexion caractérisé par l’incompréhension) o{ti ajlhqev" ejstin to; ginovmenon dia; tou' ajggevlou: ejdovkei de; Amorce de focalisation interne o{rama blevpein. 10dielqovnte" de; prwvthn fulakh;n kai; deutevran h\lqan ejpi; th;n puvlhn th;n sidhra'n v. 10 : retour de l’aoriste et reprise de l’action, th;n fevrousan eij" th;n povlin, multiplication des verbes de mouvement h{ti" aujtomavth hjnoivgh aujtoi'" kai; ejxelqovnte" Les mentions respectives de l’apparition et de la disparition de l’ange encadrent proh'lqon rJuvmhn mivan, la section (kai; ijdou; a[ggelo" kurivou ejpevsth , kai; eujqevw" ajpevsth oJ kai; eujqevw" ajpevsth oJ a[ggelo" ajp∆ aujtou'. a[ggelo" ajp∆ aujtou')

F. 12,11 : Pierre prend conscience des événements (verset pivot du texte) 11kai; oJ Pevtro" ejn eJautw'/ genovmeno" ei\pen: Nu'n oi\da ajlhqw'" Parallélisme antithétique avec le v. 9 (deuxième temps de réflexion marqué par la o{ti ejxapevsteilen ªoJº kuvrio" to;n a[ggelon aujtou' compréhension) kai; ejxeivlatov me ejk ceiro;" ÔHrwv/dou kai; pavsh" th'" prosdokiva" tou' laou' tw'n ∆Ioudaivwn. Focalisation interne ++ Verset dont le rôle, comme la place, apparaît central : Le passé immédiat s’éclaire ; la suite du récit pourra narrer les conséquences de l’événement pour les chrétiens (vv. 12-17) et pour les non-chrétiens (vv. 18-23). Le verset raccorde l’épisode à la grande histoire qui n’apparaît plus seulement à la périphérie du texte (vv. 1-6 ; 17-23) mais en son centre. L’ensemble des protagonistes majeurs du récit (Pierre, le Seigneur, son ange, Hérode et le peuple juif) sont réunis pour la seule fois dans ce verset.

E’. 12,12-17 : Pierre annonce sa libération à la communauté

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12sunidwvn te Le participe sunidwvn articule la section avec le verset 11 h\lqen ejpi; th;n oijkivan th'" Mariva" th'" mhtro;" ∆Iwavnnou tou' ejpikaloumevnou Mavrkou, ou| h\san iJkanoi; sunhqroismevnoi kai; proseucovmenoi. Changement de lieu. 13krouvsanto" de; aujtou' th;n quvran tou' pulw'no" prosh'lqen paidivskh uJpakou'sai ojnovmati ÔRovdh, Retour à la technique du grand angle 14kai; ejpignou'sa th;n fwnh;n tou' Pevtrou ajpo; th'" cara'" oujk h[noixen to;n pulw'na, eijsdramou'sa de; ajphvggeilen Dans tout le tableau, les acteurs restent les mêmes : Pierre ; la servante ; les disciples eJstavnai to;n Pevtron pro; tou' pulw'no". 15oiJ de; pro;" aujth;n ei\pan: Maivnh/. hJ de; dii>scurivzeto ou{tw" e[cein. oiJ de; e[legon: ÔO a[ggelov" ejstin aujtou'. Par rapport aux vv. 7-11 : importance commune du thème de la porte 16oJ de; Pevtro" ejpevmenen (après le prodige de l’ouverture automatique des portes, Pierre se krouvwn: trouve désormais arrêté par un portail qui demeure désespérément ajnoivxante" de; clos) ei\dan aujto;n kai; ejxevsthsan. 17kataseivsa" de; aujtoi'" th'/ ceiri; siga'n La section est encadrée par la mention de deux déplacements de Pierre dihghvsato ªaujtoi'"º (h\lqen ejpi; th; oijkivan ; ejporeuvqh eij" e{teron tovpon) pw'" oJ kuvrio" aujto;n ejxhvgagen ejk th'" fulakh'" ei\pevn te; ∆Apaggeivlate ∆Iakwvbw/ kai; toi'" ajdelfoi'" tau'ta. kai; ejxelqw;n Procédé de prolepse possible (évocation du martyre de Pierre) ejporeuvqh eij" e{teron tovpon. Pierre quitte la narration

D’. 12,18-19 : Châtiment des gardes consécutif à la libération de Pierre 18Genomevnh" de; hJmevra" Changement de temps (le jour venu) h\n tavraco" oujk ojlivgo" ejn toi'" stratiwvtai" Changement d’acteurs : retour à Hérode et aux gardes tiv a[ra oJ Pevtro" ejgevneto. 19ÔHrwv/dh" de; ejpizhthvsa" aujto;n Hérode, échaudé par la mésaventure, se détourne de la Judée (et des kai; mh; euJrw;n, juifs). Il va se tourner vers les populations païennes pour qu’elles lui ajnakrivna" tou;" fuvlaka" confèrent une nouvelle légitimité ejkevleusen ajpacqh'nai, kai; katelqw;n ajpo; th'" ∆Ioudaiva" Le tableau s’achève par la mention du séjour d’Hérode à Césarée eij" Kaisavreian dievtriben. (création d’un espace-temps contribuant à le séparer du suivant)

C’. 12,20-23 : Mort d’Hérode 20«Hn de; qumomacw'n Turivoi" kai; Sidwnivoi": oJmoqumado;n de; parh'san pro;" aujtovn Les événements, centrés autour d’Hérode, ont lieu le même jour et au kai; peivsante" Blavston, to;n ejpi; tou' koitw'no" tou' basilevw", même endroit hj/tou'nto eijrhvnhn dia; to; trevfesqai aujtw'n th;n cwvran ajpo; th'" basilikh'". 21takth'/ de; hJmevra/ oJ ÔHrwv/dh" ejndusavmeno" ejsqh'ta basilikh;n Le roi usurpe la dignité divine. Sa prétention à la seigneurie lui vaut ªkai;º kaqivsa" ejpi; tou' bhvmato" vaut d’être immédiatement châtié par le Seigneur ejdhmhgovrei pro;" aujtouv", 22oJ de; dh'mo" ejpefwvnei: Qeou' fwnh; kai; oujk ajnqrwvpou. 23paracrh'ma de; ejpavtaxen aujto;n a[ggelo" kurivou Intérêt du fait que le verbe patavssein soit employé à la ajnq∆ w|n oujk e[dwken th;n dovxan tw'/ qew'/, fois au verset 7 pour désigner un coup mortel et au kai; genovmeno" skwlhkovbrwto" verset 23 pour désigner un coup mortel, l’un et l’autre ejxevyuxen. l’autre étant portés par l’ange du Seigneur

B’. 12,24 : Sommaire relatif à la croissance de la Parole 24ÔO de; lovgo" tou' qeou' hu[xanen kai; ejplhquvneto.

A’. 12,25 : Barnabas et Saul de Jérusalem à Antioche 25Barnaba'" de; kai; Sau'lo" uJpevstreyan eij" ∆Ierousalh;m plhrwvsante" th;n diakonivan, sumparalabovnte" ∆Iwavnnhn to;n ejpiklhqevnta Ma'rkon.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 60

B. Deuxième étape : Pour approfondir la démarche 1. Analyse Littéraire : genre littéraire et intertextualité a. Actes 12 comme récit de libération merveilleuse de prison * Le genre littéraire des récits de libération merveilleuse de prison Il convient de noter que, en faisant état de la libération merveilleuse de prison des apôtres, l’auteur à Théophile, lui-même friand de ce motif52, a recouru à un thème fort prisé dans la littérature hellénistique53 mais connu également par ailleurs54 et attesté notamment dans un écrit d’origine juive55 (voir excursus 6). Conjoint à celui de l’ouverture automatique des portes, il a fait l’objet de deux importantes études de la part d’O. Weinreich et de R. Kratz56. Ces auteurs ont montré que l’on a affaire à un véritable genre littéraire auquel était assignée une fonction bien précise, à savoir favoriser la diffusion d’un nouveau culte en apportant la preuve que ceux qui sont appelés à le répandre et qui sont miraculeusement sauvés sont bel et bien envoyés par la divinité, sans négliger au passage de jeter le discrédit sur ceux qui voudraient entraver leur action57 et qui représentent en fait l’autorité institutionnalisée du pouvoir en place. L’ensemble du récit est ainsi traversé par un conflit dont l’issue inattendue va renverser l’ordre établi : dès le début, les protagonistes entrent en scène ; au centre, le miracle opère le retournement des valeurs ; la fin décrit, quant à elle, le devenir des différents acteurs (voir p. 64). La situation initiale est la suivante : le persécuteur, en position de force, tient entre ses mains le héros, persécuté, qui, retenu dans une sorte de « quartier de haute sécurité »58, se trouve dans une situation désespérée. Entre eux sont placés les gardes, chargés par le pouvoir en place de veiller au maintien de l’ordre et qui, tout au long du récit, jouent un rôle fondamental puisque, tout en étant au service de l’adversaire, ils sont les témoins privilégiés (ou les premières victimes) de la toute-puissance divine à l’oeuvre59.

52 Il apparaît non seulement dans le contexte large d’Ac 5,17-42 mais encore en Ac 12,3-19 et 16,19-40. 53 Il y a été développé surtout dans les milieux dionysiaques où il apparaît chez Euripide, Les Bacchantes,

lignes 443-450 et 576-619 (Ve siècle av. J.-C.) ; chez Pacuvius, Penthée (connu d’après le résumé que Servius Danielis associe à Aen., IV,469) (IIe siècle av. J.-C.) ; chez Ovide, Métamorphoses, III,695-700 (rédigées tout au début de l’ère chrétienne, à partir de l’an 1 sans doute), et chez Nonnos, Dionysiaques 35,228 s. ; 44,18-47 ; 45,266-46,3 (Ve siècle apr. J.C.). On le rencontre également chez Philostrate, La vie d’Apollonios de Tyane, VIII,30 (IIIe siècle apr. J.-C.). Tous ces textes ont été rassemblés par R. Kratz, Rettungswunder, p. 374-392.

54 Le plus ancien témoignage du genre est ainsi un récit hindou, Bhâgavata Purâna, X,3,49-50. 55 Il s’agit du Roman de Moïse d’Artapan, juif alexandrin ayant vécu aux alentours des années 100 avant notre

ère. Ce texte ne nous est plus connu que par Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, IX,18 ; 23 ; 27. Le passage qui nous concerne se trouve en IX,27,23-25. Après que Pharaon a fait emprisonner Moïse, les événements se passent de la manière suivante : « Alors qu’il faisait nuit, toutes les portes de la prison s’ouvrirent d’elles même (automatôs anoichthènai), et, parmi les gardes, les uns moururent, d’autres furent accablés de sommeil et leurs armes se brisèrent. Moïse sortit et se rendit au palais royal. Ayant trouvé les portes ouvertes, il entra, et, à l’intérieur, le Pharaon se réveilla tandis que les gardes étaient accablés de sommeil (...) ». Cette scène, sans parallèle biblique, paraît manifestement calquée sur le modèle grec comme le montrent le motif caractéristique de l’ouverture automatique des portes et l’attention portée au sort des gardes (cf. les développements qui suivent). Ainsi que l’a montré O. Weinreich, « Gebet und Wunder. Zwei Abhandlungen zur Religions– und Literatur–geschichte », in : Genethliakon W. Schmid (Tübinger Beiträge zur Altertumswissenschaft 5), Stuttgart, 1929, p. 169-464 (ici, p. 308-309), elle a, comme le reste du roman d’Artapan, une visée apologétique manifeste : à un public païen a priori méfiant, voire moqueur, elle veut montrer que Moïse est un theios anèr à l’égal des prédécesseurs d’Apollonios de Tyane ou de ceux dont on colportait la légende dans les milieux dionysiaques.

56 O. Weinreich, art. cit., et R. Kratz, Rettungswunder, p. 351-545. 57 Ainsi O. Weinreich, art. cit., notamment p. 202 et 309. 58 L’importance des mesures prises pour rendre impossible toute évasion est un motif traditionnel des récits

de libération merveilleuse de prison. Elle contribue à magnifier l’éclat du miracle. 59 Ils apparaissent tant dans les récits d’Euripide, Les Bacchantes, lignes 439-442, de Nonnos, Dionysiaques

45,283-286, et de Philostrate. La vie d’Apollonios de Tyane, VIII,30, que dans ceux des Actes (5,23 ; 12,6.19 ; 16,27.30-34).

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 61

Excursus 6

LE GENRE LITTÉRAIRE DE RÉCITS DE LIBÉRATION DE PRISON PAR OUVERTURE MIRACULEUSE DES PORTES

A. MOTIFS

Motif Actes Littérature hellénistique

Littérature juive

de nuit (dia nuktos) A(19) ; B(6) ; C(25)

d ; e(267-268) aa

Rôle des gardes (phulakes) A(23) ; B(6.19) ; C(27,30-34)

a(433-442) ; d ; e(283-285)

aa

Les chaînes tombent B(7) ; C(26) a(447) ; b ; c(697) ; d ; e(274-279)

Ouverture (automatique) des portes

B(10) ; C(26) a(448) ; b ; c(698) ; d ; e(282-283)

aa

Ange du Seigneur A(19) ; B(7) a(498) ; e’

L’ange ouvre lui-même A(19) e’

La lumière reluit B(7) ; C(29) a(594-595) ; e(281-283)

La terre et la prison tremblent C(26) a(585-592)

Chants (humnoi) C(25) a(446) ; d ; e(273-280)

Tous les prisonniers perdent leurs liens

C(26)

Les portes se referment après le miracle

d

LÉGENDE A : Ac 5,17-42 a : EURIPIDE, Les Bacchantes aa : ARTAPAN, De Judaeis B : Ac 12,3-19 b : PACUVIUS, Penthée C : Ac 16,19-40 c : OVIDE, Les Métamorphoses III, 695 ss d : PHILOSTRATE, La vie d’Apollonios de Tyane, VIII, 30 e : NONNOS, Les Dionysiaques 45,266-286 e’ : NONNOS, Les Dionysiaques 35, 228 ss

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B. TEXTES Quand aux bacchantes que tu fis saisir et mettre aux fers dans la prison d’État, libres par la campagne, elles vont bondissant, invoquant le divin Bromios : les liens de leurs pieds se sont défaits d’eux-mêmes, les verrous relâchés ont fait s’ouvrir les portes, sans qu’une main mortelle y vînt toucher. Ah ! cet homme est venu pour remplir de merveilles notre cité thébaine. A vie au demeurant. Euripide, Les Bacchantes 444ss Apollonios veut pénétrer de nuit dans le temple d’Artémis, sis en pleine campagne. Les chiens féroces qui veillent sur le sanctuaire n’aboient pas contre lui et le traitent en ami. C’en est assez pour faire soupçonner l’arrivant de sorcellerie et de projet de vol ; les gardiens se saisissent de lui, l’enferment et le chargent de chaînes. Vers minuit, Apollonios se dégage de ses liens et appelle les gardiens (afin, note Philostrate, qu’il y eût des témoins à l’événement qui allait se produire), court vers les portes du temple qui s’ouvrent d’elles-mêmes, puis se referment sur lui. Il disparaît à la vue, mais on entend un choeur de voix virginales qui annonce, en langue dorienne, l’ascension d’Apollonios : “Quitte la terre, monte au ciel, monte !”. Nul ne sait où il est enseveli ; on ne lui connaît ni tombeau, ni cénotaphe. Résumé de Philostrate, La vie d’Apollonios de Tyane VIII, 30 “Si j’ai prêté l’oreille, répond Penthée, à tes longs discours insidieux, c’était pour que ma colère eût le temps de s’apaiser. Vite, ô mes serviteurs, saisissez-vous de cet homme, et, après lui avoir infligé de cruels tourments, plongez-le dans la nuit du Styx”. Aussitôt on entraîne le Thyrrhénien Acétès et on l’enferme dans une solide prison ; mais, tandis qu’on apprêtait le fer et la flamme, instruments de son supplice, les portes, dit-on, s’ouvrirent d’elles-mêmes et d’elles-mêmes les chaînes tombèrent de ses bras, sans que personne les eût détachées. Ovide, Métamorphoses III, 695ss Ayant appris l’arrivée de Moïse, le roi d’Égypte le convoqua et lui demanda le motif de sa venue ; parce que, répondit Moïse, le maître de la terre lui ordonnait de délivrer les Juifs. 23 À cette nouvelle, le roi l’enferma en prison ; mais la nuit venue toutes les portes de la prison s’ouvrirent d’elles-mêmes ; et parmi les gardes les uns moururent, d’autres furent abattus par le sommeil et leur armes brisées. 24 À la sortie, Moïse, se rendit au palais ; trouvant les portes ouvertes, il y entra et, comme les gardes étaient accablés de sommeil, il réveilla le roi ; sidéré, celui-ci ordonna à Moïse de lui révéler le nom du Dieu qui l’avait envoyé ; il le raillait ; 25 mais Moïse se pencha à son oreille, le lui dit et dès qu’il l’eut entendu le roi tomba sans voix ; revigoré par Moïse, il reprit vie. Artapan, cité par Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique IX, 27, 22-25 C. MOUVEMENT SITUATION INITIALE MIRACLE SITUATION FINALE Persécuteur Vaincu (voire châtié) OPPOSANT en position en situation de force d’infériorité ----------------------------------------------------- Manifestation ------------------------------------------- de la puissance -Suppression Endurcissement divine : comme témoins ou gênants Fourberie ou du pouvoir Récupération en place GARDES en faction - Disparition Éclat - Ouverture comme témoins du des portes effrayés miracle (ou sommeil) - Conversion, Visée changement missionnaire de camp ----------------------------------------------------- - Chute des liens ------------------------------------------- Persécuté Vainqueur et libre HÉROS en situation en position désespérée de force

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Le miracle constitue le noyau et, dans sa description, la partie stéréotypée du texte. Il y est fait parfois référence à l’intervention divine60 et presque toujours mention de l’ouverture automatique des portes61 et de la chute des liens62. Opérant un renversement de situation imprévu, il provoque une inversion des rapports de force. C’est ce qu’illustre la situation finale. L’opposant vaincu (et parfois châtié63, ce qui ne fait qu’aggraver le déséquilibre) se trouve désormais en situation d’infériorité. Le héros, à la fois libre et vainqueur, a pris l’avantage. Quant aux gardes, leur devenir s’avère sujet à de nombreuses variations64. Quel que soit le sort qui leur est dévolu, l’issue du conflit ne fait plus guère de doute. Le lecteur attendra désormais que la victoire du héros soit entérinée dans les faits : que la religion dionysiaque l’emporte sur ses concurrentes ; qu’Apollonios de Tyane confonde ses détracteurs ; que Moïse soit reconnu en Égypte ; que le christianisme de Pierre et de Paul s’impose aux juifs et aux païens65. On conviendra sans peine que le miracle dont il est question en Ac 5,17-23, s’il contient certains des ingrédients essentiels des récits de libération de prison66, n’en développe pas vraiment les motifs.

60 Le thème est présent chez Euripide, Les Bacchantes ligne 498 (« le dieu me délivrera quand je le

voudrai »), mais il faut relever qu’aucun envoyé divin n’y est mis en scène. Ce n’est le cas, dans la littérature hellénistique, que chez Nonnos, Dionysiaque 35,228, où Hermès se manifeste. On peut donc penser que la médiation de l’ange du Seigneur en Ac 5,19 et 12,7, est davantage influencée par les parallèles bibliques que par le modèle grec traditionnel.

61 L’adjectif automatos qualifie cette ouverture des portes dans la quasi-totalité de ces récits (Pacuvius, Penthée ; Ovide, Métamorphoses, III,698 ; Nonnos, Dionysiaques 45,282-283 ; Philostrate, La vie d’Apollonios de Tyane, VIII,30 ; Artapan, Roman de Moïse ; Ac 12,10). Il en représente donc une sorte de terme technique caractéristique.

62 Euripide, les Bacchantes, ligne 447 ; Pacuvius, Penthée ; Ovide, Métamorphoses, III,697 ; Nonnos, Dionysiaques 45,274-279 ; Philostrate, La vie d’Apollonios de Tyane, VIII,30 ; Ac 12,7 ; 16,26.

63 R. Kratz, Rettungswunder, p. 442, a mis en évidence que l’adversaire peut être l’objet d’un châtiment divin : Penthée meurt à la fin du drame d’Euripide (Les Bacchantes, lignes 1011-1031) ; Pharaon est accablé de surdité dans le Roman de Moïse d’Artapan après la libération du héros ; Hérode expire, frappé par l’ange du Seigneur, au terme du chapitre 12 des Actes (Ac 12,23).

64 On peut, semble-t-il, distinguer trois types de cas : * transformés en témoins gênants pour le pouvoir en place, ils font l’objet de sa méfiance. Les autorités décident

alors parfois de les supprimer et de les réduire au silence (ainsi en Ac 12,19). * témoins stupéfaits de la libération merveilleuse, ils prennent la fuite (Nonnos, Dionysiaques 45,245) ou

meurent de saisissement (Artapan, Roman de Moïse) ; * conquis, ils changent de camp et gagnent les rangs des témoins du dieu victorieux (Euripide, Les Bacchantes,

lignes 441-444 ; Ac 16,27-30). Le traitement qui leur est réservé nous paraît préciser la visée du récit : * leur suppression par l’adversaire met l’accent sur son endurcissement, voire sa fourberie. Elle souligne de ce

fait la lutte sans merci menée par le pouvoir en place contre son rival. On ne s’étonnera donc pas que ce type de textes s’achève avec le châtiment de l’opposant (ainsi Ac 12) : sa fin tragique manifeste à la fois la vanité et l’iniquité de son combat ;

* la mort ou la fuite des vigiles sous l’effet de la stupeur fait ressortir l’éclat du miracle et contribue, de ce fait, à mettre en valeur la toute-puissance divine, l’accent étant placé ici sur le merveilleux ;

* la conversion des gardes confère à la scène une portée missionnaire. Elle marque non seulement les progrès réalisés par le nouveau culte à l’occasion du miracle mais invite les auditeurs du récit à les rejoindre à leur tour. En effet, le rôle assigné aux gardes par le passage n’est pas sans évoquer la situation des destinataires du texte. Alors que les premiers sont les spectateurs privilégiés de la scène, les seconds en deviennent des témoins indirects et sont conviés à tirer, à leur tour, les conséquences de l’événement selon un procédé littéraire très habile.

65 Nous reprenons ici une des conclusions d’O Weinreich, in : Genethliakon W. Schmid, p. 309. 66 Les trois types d’acteurs sont représentés : le grand prêtre et son entourage jouent le rôle d’opposants (v. 17

et 21) ; les apôtres apparaissent comme les héros ; les gardes sont mentionnés (v. 23). De son côté, l’ouverture des portes par l’ange lui-même (Ac 5,19) peut être tenue pour une variation sur le thème plus répandu de leur ouverture automatique (cf. Nonnos, Dionysiaques 35,240-241). Par contre, leur fermeture après le miracle (v. 23) paraît trop peu attestée – il n’est fait mention de ce détail par ailleurs que chez Philostrate, La vie d’Apollonios de Tyane, VIII,30 – pour qu’on en fasse un élément caractéristique.

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La situation est bien différente en Ac 12. Intervention de l’ange (v. 7-10), chute des liens de l’apôtre (v. 7), ouverture automatique des portes (v. 10), aucun élément caractéristique de ce type de textes ne manque à l’appel. Par ailleurs, le chapitre tout entier revêt une portée étonnante à travers la complexité du conflit qui s’y déroule et les péripéties qu’il connaît. D’un côté, on trouve le roi Hérode ( JHrwv/dhı oJ basileu;ı : Ac 12,1) dont on peut penser que le seul titre évoque déjà le motif de la persécution et indique qu’il ne peut être que l’ennemi des chrétiens ; de l’autre, apparaît Pierre. Toutefois, Hérode n’est pas seul. Il agit pour contenter les juifs (v. 3) et compte bien présenter Pierre au peuple (v. 4). D’ailleurs, quand l’apôtre réinterprète l’ensemble des événements au verset 11, il comprend que Dieu l’a soustrait non seulement aux mains du souverain mais à toute l’attente du peuple des juifs (pavshı th``ı prosdokivaı tou`` laou` tw``n jIoudaivwn). On notera que cette dernière expression sonne étrangement dans la bouche de Pierre quand on compare l’hostilité subite qu’il rencontre aux louanges unanimes que prononçait le peuple à l’endroit des apôtres en Ac 5, 13 (ejmegalusen aujtou;ı oJ laovı) et en Ac 5, 26. On peut même penser que l’auteur à Théophile souhaite établir désormais une partition au sein d’Israël. C’est ce que semble confirmer la suite du texte qui, en faisant de la communauté des croyants les destinataires de la bonne nouvelle du miracle (v. 17), suggère une opposition entre l’Israël incrédule et rebelle, dont l’attente est contraire au dessein de Dieu, et la communauté qui, objet de Sa sollicitude, représente les prémices de Son nouveau peuple. Le conflit opposant Hérode et le peuple juif à Pierre et à l’Église trouve une première issue dans la délivrance de l’apôtre. Mais Hérode, pour effacer son échec, tente d’obtenir une nouvelle légitimation auprès d’un autre peuple (oJ dh`moı : v. 22) en gagnant Césarée et en s’y tournant vers des païens67. Malheureusement pour lui, l’affaire tourne mal (v. 23). Au moment où il usurpe la dignité divine en se faisant acclamer non comme un homme mais comme un dieu (v. 22 : qeou`` fwnh; kai; oujk ajnqrwvpou), l’ange du Seigneur, qui avait frappé Pierre au verset 7 pour le sauver, le frappe à son tour, mais pour sa perte68. On ne peut s’empêcher d’admirer ici l’habileté du rédacteur qui fait connaître au monarque son premier échec et son châtiment devant deux publics différents qui, ensemble, représentent la totalité de l’auditoire auquel est destinée la Parole, Parole qui ne cesse de croître (v. 24) malgré les résistances. Il y a là un procédé subtil qui n’apparaît, à notre connaissance, dans aucun autre récit de libération merveilleuse de prison et qui confère à Actes 12 son extraordinaire portée puisque la toute-puissance du Seigneur s’y manifeste à l’endroit des juifs comme des païens. Dans ce contexte, libération miraculeuse et châtiment merveilleux remplissent une double fonction parénétique. Ils manifestent, d’une part, que Dieu prend fait et cause pour ses porte-parole, et, de l’autre, qu’Il châtie ceux qui le défient. L’encouragement et la mise en garde contenus dans ce message sont destinés à servir le même but : la diffusion de la Parole (v. 24). À la charnière du livre des Actes, au moment où l’activité missionnaire de Paul va prendre le relais de celle de Pierre, le récit a ainsi pour but de démontrer que l’apôtre des juifs avait bien raison contre les juifs en se tournant vers les païens (Ac 10,1-11,18) et que l’apôtre des gentils s’engage sur une voie qui est désormais grande ouverte et sur laquelle le triomphe de la Parole, attesté ici en germe, est l’horizon promis.

67 Le terme grec oJ dh`moı, qui n’apparaît que quatre fois dans le livre des Actes, y désigne toujours des païens

puisqu’il sert à désigner par ailleurs le(s assemblées du) peuple de Thessalonique (Ac 17,5) et d’Ephèse (Ac 19,30 et 33). Ce sont là les seules occurrences de ce mot dans le Nouveau Testament.

68 La présence commune, aux versets 7 et 23, de l’a[ggeloı kurivou et du verbe patavssw peut difficilement être tenue pour fortuite.

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Excursus 7 ATTENTE PASCALE :

MODALITÉS ET MOTIFS ASSOCIÉS

A. Tableau des motifs et des textes bibliques corespondants Matthieu Marc Luc Paul et Exode et Sagesse Apocalypse LXX VENUE - au milieu de la nuit 25,6 13,35 12,39.40 ; Ex 12,29 ; 17,34 Sg 18,14 - quel jour ? 24,42.50 ; 25,13 - quelle heure de la nuit ? 24,43.50 ; 25,13 12,39.40 ; Ro 13,12 ; 17,34 1 Th 5,2 soir 13,35 milieu de la nuit 13,35 12,38 chant du coq 13,35 12,39 matin 13,35 Ro 13,12 - quel moment ? 13,33 17,20.21 - retard 24,48 ; 25,5 THEMES ASSOCIES - cri (kraugè ;) 25,6 Ap 19,17 Ex 12,30 ; Sg 18,10 - époux-noces 25,1.6 12,36 Ap 19,7.9.17 (eis tous gamous) - repas 12,37 Ap 3,20 Ex 12 - ceinture 12,35 Ex 12,11 - lampes 25,1 12,35 qui s’éteignent 25,8 à maintenir allumées 12,35 - être prêt 24,44 ; 25,10 - départ à la rencontre 25,1.6 I Th 4,17 - endormissement 25,5 13,36 Ro 13,11 ; I Th 5,6.10 - exhortation à veiller 24,42 ; 25,13 13,33.35.37 12,36 I Th 5,6.10 - porte Sg 19,17 fermer la porte 25,10 13,25 Ap 3,7 frapper à la porte 12,36 Ap 3,20 ouvrir la porte 25,11 12,36 ; Ap 3,20 13,25 b - non reconnaissance 25,8 13,25.27

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B. Textes juifs et chrétiens Poème des quatre nuits (Targum Ex 12, 42) “C’est une nuit de veille et prédestinée pour la libération au nom de Yahvé au moment où il fit sortir les enfants d’Israël, libérés, du pays d’Égypte. Or quatre nuits sont inscrites dans le Livre des Mémoires. La première nuit, quand Yahvé se manifesta dans le monde pour le créer. Le monde était confusion et chaos et la ténèbre était répandue sur la surface de l’abîme. La Parole de Yahvé était la lumière et brillait. Et il l’appela Première Nuit. La deuxième nuit, quand Yahvé apparut à Abraham âgé de cent (ans) et à Sarah, sa femme, âgée de quatre-vingt-dix ans, pour accomplir ce que dit l’Écriture : Est-ce qu’Abraham, âgé de cent ans, va engendrer et Sarah, sa femme, âgée de quatre-vingt-dix ans, enfanter ? Et Isaac avait trente-sept ans lorsqu’il fut offert sur l’autel. Les cieux s’abaissèrent et descendirent, et Isaac en vit les perfections et ses yeux s’obscurcirent à cause de leurs perfections. Et il l’appela Seconde Nuit. La troisième nuit, quand Yahvé apparut aux Égyptiens, au milieu de la nuit : Sa main tuait les premiers-nés des Égyptiens et Sa droite protégeait les premiers-nés d’Israël, pour que s’accomplît ce que dit l’Écriture : Mon fils premier-né, c’est Israël. Et il l’appela Troisième Nuit. La quatrième nuit, quand le monde arrivera à sa fin pour être dissous : les jougs de fer seront brisés et les générations perverses seront anéanties et Moïse montera du milieu du désert et “le Roi Messie viendra d’en haut”. L’un marchera à la tête du troupeau et l’autre marchera à la tête du troupeau et Sa Parole marchera entre les deux et Moi et eux marcheront ensemble. C’est la nuit de la Pâque pour le nom de Yahvé, nuit réservée et fixée pour la libération de tout Israël, au long des générations”. Nous avons repris la traduction du Targum Neofiti I, que propose R. Le Déaut, in Targum du

Pentateuque, t. II, p. 96 et 98. Epistula Apostolorum 15 “Après mon retour au Père, vous vous souviendrez de ma mort. Lorsque la Pâque arrivera, alors l’un d’entre vous sera jeté en prison à cause de mon Nom et il sera dans le chagrin et dans l’angoisse parce que vous fêterez la Pâque, alors que lui-même est en prison et séparé de vous. Alors j’enverrai une puissance sous la forme de l’ange Gabriel et les portes de la prison s’ouvriront. Il sortira et il viendra vous rejoindre et il passera la nuit de la vigile avec vous et il restera près de vous jusqu’au chant du coq. Quand vous aurez terminé le mémorial que vous faites de moi ainsi que l’agape, il sera à nouveau jeté en prison en témoignage jusqu’au jour où il en sortira pour prêcher ce que je vous ai commandé”. Mais nous lui demandâmes : “Seigneur est-il vraiment nécessaire que nous prenions le calice et que nous le buvions à nouveau ?” Et il répondit : “Oui, cela est nécessaire jusqu’au jour où je reviendrai avec ceux qui ont été mis à mort à cause de moi”. Nous citons ce texte dans la traduction qu’en propose R. Cantalamessa, La Pâque dans l’Église

ancienne, Berne, Francfort-sur-le-Main, Las Vegas, 1980, p. 31-33, tout en rétablissant, pour restituer l’original Pascha, les mots “la Pâque” en lieu et place de “Pâques”.

Jérôme, Commentaire de l’Évangile de Matthieu 4, 25, 6 “Au milieu de la nuit une clameur retentit : Voici l’Époux qui vient, allez au-devant de lui. À l’improviste, au plein coeur de la nuit, alors que tous se sentent en sécurité et dorment d’un profond sommeil, les clameurs des anges et les trompettes des forces qui le précèdent annonceront la venue du Christ. Disons ici quelque chose qui puisse être utile au lecteur. Une tradition juive [judéo-chrétienne]assure que le Christ viendra au milieu de la nuit comme au temps de l’Égypte quand, la Pâque célébrée, l’ange exterminateur s’approcha et le Seigneur passa sur les maisons et que nos fronts furent consacrés par le sang de l’agneau. De là vient, je crois, cette tradition apostolique, observée encore aujourd’hui et selon laquelle il ne convient pas de renvoyer la foule, lors de la vigile pascale, avant le milieu de la nuit pour lui permettre d’attendre la venue du Christ, mais lorsque ce moment est passé, alors tous peuvent célébrer la fête en pleine sécurité retrouvée”.

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b. Actes 12 comme récit de délivrance pascal Au début de notre ère, la célébration de la Pâque juive était notamment marquée par une fervente attente messianique (voir notamment Targum Exode 12,42 [p. 67]). Cette attente persévérante (il fallait veiller et ne point s’endormir [Mishna Pesahim X,8]) était liée plus particulièrement à la minuit (le repas, dont Ex 12,10 stipulait qu’il pouvait être pris jusqu’au matin, devait désormais être consommé avant le milieu de la nuit [Mishna Pesahim X,9 ; Zebarim V,8] ; les portes du Temple étaient ouvertes à cette heure-là [F.J., AJ XVII,29]). Du côté chrétien, à la fin du second siècle de notre ère, une célèbre controverse opposa l’évêque de Rome Victor, défenseur de la Pâque romaine qui allait l’emporter, aux tenant de la Pâque quartodécimane (Eusèbe de Césarée, Historia ecclesiastica V, 23-25) qui continuaient de célébrer leur fête en même temps que les juifs. On s’accorde à penser aujourd’hui que l’usage des quartodécimans s’inscrivait en fait dans la ligne de celui de la communauté primitive. Il peut être reconstitué à partir des sources quartodécimanes qui nous sont parvenues (voir p. 67) et présente de nombreuses correspondances avec le rituel juif (célébration concomitante [du 14 Nisan au soir au 15 Nisan à 3 heures du matin, c’est-à-dire au chant du coq] ; caractère de fête de libération et de salut ; lecture et commentaire d’Exode 12 ; explication du motif de l’agneau pascal - avec toutefois, du côté quartodéciman, insistance sur le fait que l’agneau désigne le Christ - ; importance du thème de la nuit de veille ; attente d’une parousie pascale). A. Strobel, Untersuchungen zum eschatologischen Verzögerungsproblem auf Grund der spätjudisch-urchristlichen Geschichte von Habakuk 2,2ff (Supplement to Novum Testamentum 2), Leiden - Köln, 1961, a montré combien l’arrière-plan de la vigile pascale et de l’attente qui l’accompagnait permet de mieux comprendre les traditions néo-testamentaires relatives à la survenue nocturne de la parousie (Mt 24,43-44 ; 24,45-51 ; 25,1-13 ; Mc 13,33-37 ; Lc 12,35-40 ; 17,20-37 ; Jq 5,7-11...). Tous ces passages s’expliqueraient par l’idéologie qui s’est développée à partir d’Ex 12,42 et de la nuit de veille. Leur Sitz im Leben serait en fait un rituel de la Pâque au cours duquel les croyants se préparaient à la venue du Messie. Dans cette perspective, il convenait de veiller et de se tenir prêt à partir à la rencontre de l’Epoux afin d’être admis aux noces (voir tableau comparatif joint). La comparaison d’Ac 12,3-19 avec Epistula Apostolorum 15, qui utilise selon toute vraisemblance une source judéo-chrétienne indépendante du récit de Luc, invite à être plus particulièrement attentif aux résonances pascales du récit : - v. 11 : Pierre tire la leçon des événements en des termes (ejxapevsteilen ªoJº kuvrio" to;n a[ggelon aujtou' kai; ejxeivlatov me ejk ceiro;") qui évoquent ceux par lesquels Nabuchodonosor, en Daniel 3,95 (Théodotion), commente la libération des trois jeunes gens, Shadrak, Méshak et Abed Négo, jetés dans la fournaise (oJ qeo;ı ajpevsteilen to;n a[ggelon aujtou' kai; ejxeivlato tou;ı pai``daı aujtou)̀. Or la tradition juive situe cette délivrance à l’occasion de la nuit pascale. Tel est le cas de Midrash Rabba Ex XVIII,12 qui commente Ex 12,42 en ces termes : « Que signifie : “Une nuit de veille” ? (Une nuit) pendant laquelle Dieu a fait de grandes choses pour les Israélites en Egypte. C’est pendant cette nuit qu’il a sauvé Ezéchias (de la mort), Ananias et ses compagnons [délivrés par l’ange Gabriel selon Midrash Rabba Ex XVIII,5 !] ainsi que Daniel de la fosse aux lions et c’est aussi pendant cette nuit que le Messie et Elie manifesteront leur puissance (...) ». - vv. 6-12 : la comparaison de ces versets avec le récit de l’institution de la Pâque (Ex 12,11-12), tel qu’on le lit dans la Septante est pour le moins troublante. En effet, les ordres intimés par l’ange évoquent des rubriques bien connues du rituel pascal. L’injonction de se lever promptement (ajnavsta ejn tavcei : Ac 12,7) fait penser à la hâte dans laquelle le cérémoniel pascal doit être accompli (meta; spoudh``ı : Ex 12,11), alors que la prescription de mettre ceinture et sandales apparaît dans les deux passages (zw``sai kai; uJpovdhsai : Ac 12,8 et periezwsmevnai, kai; ta; uJpodh;mata : Ex 12,11). Par ailleurs, le contexte nocturne rapproche les deux textes (th'/ nukti; ejkeivnh/ : Ac 12,6 et ejn th'/ nukti; tauvth/ : Ex 12,12). Enfin, il n’est sans doute pas fortuit que le verbe patavssein soit employé en Ac 12,7 et 23 alors qu’il revient tout au long d’Ex 12 pour

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désigner l’action du Seigneur à l’encontre de l’Egypte et de ses premiers-nés (Ex 12,12.23.23.27.29). Toutes ces similitudes représentent assurément davantage qu’une simple coïncidence. Elles autorisent à considérer le récit comme une libération d’Egypte en raccourci. Elles permettent de penser que, dès le niveau 2 [voir tableau de la page 85 auquel on se référera désormais chaque fois qu’il sera question de niveau] à tout le moins, un récit de libération de prison d’apôtre (selon toute vraisemblance de Pierre) a été lu ou relu à la lumière de la fête de la Pâque que célébraient les chrétiens jérusalémites. c. Actes 12 comme écho du récit de la Passion et de la Résurrection D’assez nombreux indices suggèrent que Pierre vit ici quelque chose comme une ‘passion’ et une ‘résurrection’. Déjà, le genre littéraire du récit le rapproche de ceux qui, au terme des évangiles synoptiques, rapportent l’épisode du tombeau vide et font apparaître la Résurrection comme une autre forme de libération merveilleuse. Par ailleurs, certains traits de la narration évoquent de près Mc 14,1-16,8 et //. La Passion Comme Jésus, c’est sous un Hérode, que Pierre est arrêté et, qui plus est, au même moment, la mention rédactionnelle de la fête des Azymes en Ac 12,3 venant, en complément de celle de la Pâque que l’auteur à Théophile a trouvée dans sa source (v. 4), faire écho à Lc 22,1 et 7. Révélateur aussi s’avère le projet du monarque de faire comparaître Pierre devant le peuple (v. 4), d’autant que, dans une procédure régulière, ce dernier n’avait rien à dire. Le lecteur est ainsi renvoyé à l’épisode de la comparution de Jésus devant la foule (Lc 23,13). En sens inverse, le récit lucanien de la Passion met dans la bouche de Pierre, lors de l’annonce par Jésus de son reniement, une parole qui, certes, ne trouvera pas d’accomplissement immédiat, mais qui anticipe les tribulations ultérieures de l’apôtre dans le livre des Actes. Il se déclare prêt, en effet, à aller avec son maître en prison et à la mort (Lc 22,33 : kuvrie, meta; sou`` e[toimovı eijmi kai; eijı fulakh;n kai; eijı qavnaton poreuvesqai). Ces mots, propres au troisième évangile, prennent tout leur sens à la lumière des récits des Actes qui montrent le disciple incarcéré à son tour (Ac 5,18-19 ; 12,4-5), et plus particulièrement au regard du second de ces textes, qui, nous l’avons vu, fait lui-même écho à la Passion de Jésus.

La Résurrection L’intervention de l’ange dans la geôle soudain baignée de lumière (v. 7 : fw``ı e[lamyen), où Pierre, qu’il va réveiller (v. 7 : h[geiren aujton), était endormi (v. 6 : koimwvmenoı), culmine pour sa part dans une parole : ajnavsta ejn tavcei (v. 7 : « lève-toi vite ! ») qui n’est pas sans évoquer, avec l’ensemble de la scène, l’hymne citée en Ép 5,14 : e[gjeire, oJ kaqeuvdwn, kai; ajnavsta ejk tw``n nekrw``n, kai; ejpifauvsei soi oJ Cristovı (« éveille-toi, toi qui dors, lève-toi d’entre les morts et sur toi le Christ resplendira »). Le parallèle mérite une attention d’autant plus grande que ces deux passages sont les seuls du Nouveau Testament où le verbe ajnivsthmi apparaît à une forme de l’impératif aoriste caractéristique de la koinê, alors qu’ailleurs, notamment dans l’œuvre à Théophile, on rencontre la forme classique ajnavsthqi. Comme l’origine d’Ép 5,14 est sans doute à chercher dans un contexte baptismal, on peut se demander si Ac 12,6-7 ne fait pas écho à quelque tradition liturgique qui, dans une perspective attestée également en Ro 6,3-5, envisageait le baptême sous l’angle d’une union à la mort et à la résurrection du Christ. De la sorte, la participation de l’apôtre à la destinée glorieuse de son Maître, dont la résurrection est couramment évoquée à l’aide du verbe ajnivsthmi, aurait été suggérée de manière à la fois subtile et forte. L’hypothèse pourrait être corroborée encore par d’autres détails de la narration, même s’il convient de rester prudent dans leur interprétation. Un parallèle peut ainsi être établi entre la séquence des événements consécutifs à la résurrection de Jésus et à la libération de Pierre : l’un et l’autre rencontrent d’abord une ou des femme(s) dont le témoignage ne sera pas cru (Lc 24,10-11 ;

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 69

Ac 12,13-15) ; ce n’est qu’ensuite qu’ils se manifestent à la communauté réunie (Lc 24,36 : Ac 12,16). On peut aussi rapprocher l’expression par laquelle Ac 12,17 rend compte de la délivrance de Pierre en précisant que le Seigneur l’a fait sortir de prison (oJ kuvrio" aujto;n ejxhvgagen ejk th'" fulakh'") de la formule kérygmatique qui affirme, en Ro 10,9, que Dieu a ressuscité Jésus des morts (oJ qeo;ı aujto;n h[geiren ejk nekrw``n), formule que l’on retrouve, avec une simple inversion du pronom et du verbe (Ac 13,30) ou avec une substitution du pronom relatif au pronom personnel (Ac 3,15 ; 4,10 ; 13,27), à plusieurs reprises dans les Actes. Bilan * Nous n’avons pas simplement affaire à un récit de libération de prison mais sans doute à une illustration du pouvoir du Seigneur par rapport à la mort. * Si il y a bien allusion baptismale, il y a toutes les chances que le récit vaille en fait pour tout croyant. 2. Histoire Actes 12 et les indications de Flavius Josèphe * La version de Flavius Josèphe quant à la mort d’Hérode Agrippa La comparaison avec la fin d’Ac 12 permet de constater que la mort brutale d’Agrippa I à Césarée après qu’il se fut laissé acclamer comme un dieu par ses sujets (niveau 1) a été interprétée différemment par l’auteur à Théophile, qui l’a rapportée à la persécution de la communauté nouvelle et de Pierre, et par Josèphe (niveau 3). Il est possible d’ailleurs que dès le niveau 2 des explications concurrentes de cette mort inattendue aient été proposées. 3. Détails d’ordre sémantique La plupart des mots clés du récit ont reçu un éclairage des analyses précédentes. On pourra noter qu’au verset 17 la mention volontairement ambiguë de l’autre lieu (e{teron tovpon) pourrait faire allusion au martyre de Pierre (cf. l’usage de tovpoı en Ac 1,25).

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Excursus 8 FLAVIUS JOSÈPHE : La mort d’Hérode Agrippa (Antiquités juives XIX,343-352)

“Il y avait déjà trois ans qu’Agrippa régnait sur la totalité de la Judée. Le roi séjournait à Césarée, ville qu’on nommait auparavant “Tour de Straton”. Il y offrait des spectacles en l’honneur de César, car c’était son habitude d’organiser quelque fête comme celle-ci pour le salut de l’empereur ; à cette occasion, la majeure partie des magistrats et des dignitaires de la province était rassemblée. Le second jour des spectacles, vêtu d’une robe toute tissée d’argent – une étoffe admirable ! –, Agrippa entra au théâtre au lever du jour. Là, les premiers feux des rayons du soleil frappaient l’argent qui étincelait merveilleusement et réfléchissait des éclats redoutables ; cela provoquait un effroi sacré chez ceux qui fixaient leur regard sur le roi. Aussitôt, de tous côtés, les flatteurs se mirent à pousser des acclamations qui n’étaient pas, en réalité, de bon augure pour lui ; ils le saluaient du titre de “Dieu” et ajoutaient : “Puisses-tu nous être propice ! Si nous t’avons craint comme homme jusqu’à présent, nous confessons désormais que tu es, par nature, supérieur aux mortels !” Le roi ne les réprimanda pas et ne rejeta pas cette flatterie impie. Peu après, il leva les yeux et vit le hibou perché sur un cable au-dessus de sa tête. Il comprit aussitôt que celui qui avait été naguère messager de bonheurs, l’était aujourd’hui de malheurs et son coeur fut pénétré de chagrin. De fait, une douleur continue le saisit au bas-ventre et, dès le début, fut très vive. Agrippa s’élança vers ses amis et leur dit : “Moi qui suis dieu pour vous, voilà que je reçois déjà l’ordre de quitter la vie ! Le destin a réfuté sur-le-champ les acclamations trompeuses dont vous venez de me gratifier. Moi que vous avez appelé “immortel”, je suis déjà entraîné vers la mort. Mais il faut accepter la destinée, comme Dieu la veut. Car la vie ne fut nullement mesquine à notre égard ; elle eut un éclat qu’on nous envia !” Tout en disant ces mots, il était terrassé par une douleur intense. On le transporta donc en hâte au palais et le bruit se répandit partout qu’il pouvait fort bien mourir promptement. La foule, avec femmes et enfants, se vêtit aussitôt de sacs selon la coutume ancestrale et se mit à supplier Dieu pour le roi ; partout, ce n’était que lamentations et gémissements. Étendu dans une chambre de l’étage supérieur, le roi les voyait, de là-haut, prosternés la tête contre le sol et il ne pouvait lui-même retenir ses larmes. Durant cinq jours, il fut ravagé par des douleurs intestinales continuelles, puis il s’éteignit. Il était alors dans sa cinquante-quatrième année, la septième de son règne. Il avait régné d’abord quatre ans sous Caïus César – les trois premières années, il avait gouverné la tétrarchie de Philippe et, la quatrième, il y avait ajouté celle d’Hérode –. Puis il continua durant trois ans sous l’Empereur Claude César, durant lesquels il régna sur les territoires déjà mentionnés et y ajouta la Judée, ainsi que la Samarie et Césarée. Il en avait retiré des revenus très considérables, autant qu’il était possible : douze millions de drachmes ; mais il avait aussi beaucoup emprunté. Aimant en effet la munificence, il dépensait des sommes qui surpassaient ses revenus : son ambition n’était en rien économe”. Traduction empruntée au recueil de textes, Flavius Josèphe. Un témoin juif de la Palestine au temps

des Apôtres. Présentation par une équipe de la faculté de théologie de Lyon (Supplément au Cahier Évangile 36), Paris, Cerf, 1983, pp. 68-69.

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C. Approche en fonction des différents niveaux auxquels peut se mouvoir la démarche exégétique Les données recueillies au cours de l’enquête permettent d’envisager que l’auteur à Théophile (niveau 3) a assemblé trois traditions ou fragments de traditions (niveau 2) qui se rapportaient à autant d’événements historiques (niveau 1) dans ce chapitre. Il s’agit d’abord d’une note qui avait trait à l’exécution de Jacques le zébédaïde par Hérode Agrippa (vv. 1-2) et qui apparaît, dans la narration, disjointe de l’arrestation de Céphas. Il s’agit ensuite d’un récit qui narrait la délivrance pascale de Pierre et qui a servi de matériel de base en vue de l’élaboration des versets 3 à 19. Ce récit, façonné sans doute au sein de l’Église primitive de Jérusalem, célébrait cette libération comme une sortie d’Égypte en raccourci – donc comme une forme de nouvelle Pâque – et manifestait que le Seigneur continuait d’écrire des pages de la geste du salut à travers le présent de la vie de la communauté. Il s’agit enfin d’une légende juive qui racontait la mort d’Agrippa et dont on trouve une autre version chez Flavius Josèphe. L’auteur à Théophile a fondu ces trois traditions en coulant l’ensemble dans le moule que lui fournissait le genre littéraire hellénistique des récits de libérations merveilleuses de prison (niveau 3). Ce faisant, il n’a pas gommé la coloration pascale du récit de la libération de Pierre. Toutefois, il lui a ajouté une dimension apologétique et missionnaire et a voulu signifier à travers lui que les hérauts de la Parole, représentés ici par l’apôtre, participent de fait, par-delà les aléas qu’ils traversent, à la destinée glorieuse de leur Maître. D. Quatrième étape : En quête du sens du passage : une proposition... ayant vocation à s’épanouir en interprétation (retour au niveau 3) La libération pascale de Pierre manifeste que le Seigneur continue d’écrire des pages de l’histoire du salut à travers celle de son Église. Avec les mécomptes que connaissent Hérode Agrippa et ceux qui plaçaient leur espérance en lui, cette libération dévoile que, sur la route pavée d’obstacles de la mission aux païens, le triomphe de la Parole est l’horizon promis et la participation des hérauts de la Bonne Nouvelle à la destinée glorieuse de leur Maître une réalité.

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GLOSSAIRE Anachronie Discordance entre l’ordre du récit et l’ordre de l’histoire qu’il raconte,

par retour en arrière, *analepse, ou par anticipation, *prolepse. Ces analepses et prolepses seront dites internes si elles s’inscrivent dans le segment temporel de l’histoire racontée, externes si elles se situent en dehors de ce segment, mixtes si elles se projettent à la fois sur et en dehors de ce segment.

Analepse Voir *Anachronie. Analyse narrative Voir excursus 2. Apocalypse Genre littéraire caractérisé par le dévoilement, la révélation de secrets,

de mystères concernant le cours de l’histoire et la fin des temps. Apocryphes (de l’AT) Désignation utilisée habituellement par les protestants (les catholiques

parlent de livres *deutérocanoniques) pour les livres qui figurent dans la Septante et qui sont absents de la Bible hébraïque (voir *Septante).

Apophtegme Brève anecdote qui a pour centre une parole de Jésus et où le récit n’a d’autre finalité que d’encadrer celle-ci.

Approche diachronique Approche d’un texte qui le considère comme un point de cristallisation dans un processus en devenir et qui prend en compte la question des sources, des influences éventuelles...

Approche synchronique Approche d’un texte qui se contente de l’envisager tel qu’il est et tel qu’il fonctionne, sans s’interroger sur sa préhistoire ou sur son devenir et sans poser, en conséquence, la question de ses sources éventuelles, des influences qu’il a pu subir...

Aquila Réviseur de la *Septante dont la version se caractérise par un souci de littéralité et, par certains aspects, de polémique anti-chrétienne.

Auteur historique Personnage historique qui a écrit un récit ou un discours donné. Auteur implicite Image de l’auteur d’un récit ou d’un discours telle qu’elle ressort de ce

récit ou de ce discours. Baraytôt Règles demeurées à l’extérieur quand on constitua la *Mishna. Cadre Ensemble des données relatives aux circonstances (temps, lieu,

environnement culturel et social) de l’histoire racontée. Commentaire explicite Intrusion de l’auteur implicite dans le récit pour l’expliciter, émettre

un jugement de valeur ou apostropher le lecteur. Commentaire implicite Signal discret que l’auteur implicite adresse à son lecteur en procédant

par : - allusions intertextuelles (citation, plagiat, allusion, écho) ; - allusions transculturelles ;

- recours à différents procédés tels que la mise en abyme (un micro-récit propose un reflet du macro-récit), le paradoxe, le malentendu, la polysémie, l’ironie (verbale ou de situation), l’humour, le symbolisme, l’opacité (rétention d’information par rapport au lecteur ou à l’un des personnages).

Concordance Instrument de travail qui se présente comme un index alphabétique exhaustif des termes contenus dans un écrit ou un corpus littéraire donné et qui fournit séquentiellement l’ensemble des occurrences de chacun de ces termes en les inscrivant dans leur environnement littéraire immédiat.

Contexte large Place du passage au sein de l’œuvre ou d’une des grandes parties de l’œuvre.

proche Place exacte occupée par le passage dans la séquence narrative ou discursive concernée.

immédiat Environnement immédiat du passage étudié.

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Craignant Dieu Sympathisants du judaïsme, adhérant à la confession de foi monothéiste et prêts à respecter certaines règles sans pour autant s’engager à suivre toute la Loi et à subir la circoncision.

Critique externe En *critique textuelle, étape qui consiste, à propos d’un *lieu variant donné, à évaluer le poids des différentes leçons en présence en fonction de la qualité des témoins (papyri ; majuscules ; minuscules ; lectionnaires ; versions) qui les attestent (ancienneté ; réputation ; dispersion entre les grandes familles de texte [alexandrin, byzantin, césaréen, occidental).

Critique interne En *critique textuelle, étape qui consiste, à propos d’un *lieu variant donné, à évaluer le poids des différentes leçons en présence en formulant un jugement de valeur à leur endroit (recherche de la mère des variantes et application souple de certains critères [lectio brevior potior ; lectio difficilior potior...).

Critique littéraire Méthode qui met d’abord l’accent sur l’analyse systématique du vocabulaire et du style d’un passage donné pour faire le départ, la séparation entre tradition et rédaction.

Critique textuelle Discipline visant à établir, à partir des témoins (*papyri, *manuscrits, versions...) en notre possession et de manière forcément hypothétique, le texte d’un écrit dont l’original est perdu.

Critique verbale En *critique textuelle, étape qui consiste, à propos d’un *lieu variant donné, à évaluer le poids des différentes leçons en présence en tentant de détecter les causes éventuelles d’altération du texte liées à l’activité du copiste (variantes involontaires ; variantes volontaires).

Décapole Confédération de dix villes constituée en 63 av. J.-C. entre autre pour faire luire alentour l’éclat de la civilisation hellénistique.

Deutérocanoniques Désignation employée classiquement par les catholiques (les protestants parlent habituellement d’*apocryphes de l’Ancien Testament) pour les livres qui figurent dans la *Septante et qui sont absents de la Bible hébraïque (voir *Septante).

Deux sources Voir *Sources (deux). Diachronique Voir *Approche diachronique. Durée Ce terme désigne le rapport entre temps du récit (TR) et temps de

l’histoire racontée (TH). On parle de *pause quand le récit s’attarde sans que l’histoire progresse (TR = n : TH = 0), de *scènes quand récit et histoire racontée progressent de concert (TR = TH), de *sommaire quand le récit résume l’histoire racontée (TR < TH), d’*ellipse quand le récit occulte une partie de l’histoire racontée (TR = 0 ; TH = n)

Ellipse Voir *durée. Flavius Josèphe Historien juif (±37 - ± 100) qui a raconté l’histoire de son peuple dans

la Guerre juive et les Antiquités juives, écrits qui constituent notre principale source pour l’histoire de la Palestine au premier siècle de notre ère.

Gemara Commentaire de la Mishna réalisé par les amoraïm (= interprètes). Haburôth Confréries pharisiennes. Haggadah Interprétation et illustration de l’Écriture, distincte de la halakah mais

venant en appui de ses énoncés normatifs (de la racine higgid = annoncer, raconter).

Halakah Effort d’adaptation des prescriptions générales de la Torah aux circonstances de la vie quotidienne pour tracer une voie et définir où poser ses pas (de la racine hâlak = aller).

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 74

Histoire des formes Méthode qui s’emploie à classer récits et discours en fonction de leur

genre littéraire respectif (récits de miracles, récits biographiques, paroles de Jésus, paraboles, *apophtegmes), de repérer les éléments constitutifs de ces genres littéraires et de leur assigner un milieu de vie (*Sitz im Leben) dans la vie de l’Église primitive.

Histoire racontée Histoire que raconte le récit, reconstruite selon l’ordre chronologique que ce récit suppose (en replaçant sur une même échelle temporelle tout ce qui relève de l’*anachronie)

Histoire de la rédaction Méthode qui s’emploie à mettre en évidence le travail rédactionnel propre à chaque auteur pour intégrer les matériaux traditionnels qu’il utilise dans l’œuvre qu’il rédige

Histoire de la tradition Méthode qui s’emploie à remonter jusqu’au stade de la tradition orale et des premiers ensemble traditionnels qui se sont constitués.

Historico-critique Approche d’un texte qui veut l’interpréter à la lumière d’un éclairage à la fois historique et critique. Elle tient le plus grand compte des données historiques et fait une large place, dans sa dimension critique, à l’*histoire des formes, à l’*histoire de la tradition et à l’*histoire de la rédaction.

Index Table alphabétique, complète ou partielle, de termes cités ou de thèmes présents dans un écrit ou un corpus littéraire donné, accompagnée, selon les cas, d’un choix ou de la totalité des références.

Intertestamentaire (Litt.) Expression générique employée pour désigner à la la fois les *apocryphes de l’Ancien Testament ou livres *deutérocanoniques, les *pseudépigraphes de l’Ancien Testament et les écrits propres à la secte de Qumrân.

Intrigue L’intrigue d’une œuvre dramatique ou narrative est la structure de ses actions, telles qu’elles sont ordonnées et rendues en vue de produire des effets émotionnels et artistiques particuliers.

Kérygmatique Ce qui a trait au kérygme Kérygme Proclamation de Jésus en tant que Messie (Messie), Seigneur, Sauveur

par sa résurrection d’entre les mort Lecteur implicite Lecteur supposé par l’*auteur implicite. Lieu variant Passage (comprenant un ou plusieurs mots) pour lequel les divers

témoins de la tradition manuscrite présentent des leçons – c’est-à-dire des textes – différentes.

Logia Paroles isolées et groupements de paroles de Jésus qui ne comportent et que n’accompagne aucune narration.

Midrash Interprétation, commentaire de l’Écriture. Mishna Compilation de *halakôt réalisée par les tannaïm. Mot crochet Mot commun à deux micro-récits ou à deux unités discursives qui se

suivent. Parabole Présentation sous force de récit d’un cas destiné à permettre un

raisonnement par analogie. Pause Voir *Durée. Philon d’Alexandrie Penseur juif alexandrin (± 20 avant notre ère - 54 de notre ère) qui a

interprété la Torah dans les catégories de la philosophie grecque. Associé à une ambassade de notables de sa ville auprès de Caligula, il s’est fait aussi l’historien d’heures tragiques de la vie de sa communauté.

Prolepse Voir *Anachronie. Prosélytes Convertis au judaïsme.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 75

Pseudépigraphes Écrits dont les auteurs ont recours à l’artifice de l’emprunt d’un nom autre que le leur (pseudonyme), qui est généralement celui d’un personnage revêtu d’une grande autorité, pour donner plus de poids à leur propos.

Pseudépigraphes (AT) Écrits anciens, de genres littéraires très divers (apocalypses, testaments, expansions de l’Ancien Testament, écrits de sagesse, prières et psaumes...) qui se réclament d’une grande figure de l’AT et qui n’ont trouvé leur place ni dans le Bible hébraïque ni dans la *Septante.

Q De l’allemand Quelle (Source). Sigle utilisé pour désigner, dans la théorie des deux *sources, la source commune à Matthieu et à Luc, en plus de l’Évangile selon Marc. Cette source comporte presque exclusivement des paroles de Jésus.

Qumrân Localité sise au bord de la mer Morte où ont été retrouvés, en 1947, les manuscrits de la mer Morte, restes de la bibliothèque du groupe, selon toute vraisemblance essénien, qui occupa le lieu entre l’an 100 avant notre ère et l’an 68 de notre ère.

Récit Énoncé de faits articulés par leur succession temporelle (ordre chronologique) et par leur lien de causalité (ordre de configuration). Produit d’une activité narrative, le récit est à bien distinguer de l’*histoire racontée.

Redaktionsgeschichte Voir *Histoire de la rédaction. Rhétorique Art de la persuasion et du discours (voir excursus 3). Scène Voir *Durée. Septante Traduction en grec de la Bible hébraïque, qui a été initiée à

Alexandrie, a commencé par le Pentateuque (vers - 280). L’entreprise s’est étalée sur un ou deux siècles. Certains livres ont fait l’objet d’additions (Dn, Est, Ps, Jr). D’autres sont venus s’ajouter à ceux de la Bible hébraïque (Esdras grec [1 Esdras], Judith, Tobit, 1 Maccabées, 2 Maccabées, 3 Maccabées, 4 Maccabées, Sagesse, Siracide, Psaumes de Salomon, Baruch, Lettre de Jérénie, Lettre de Jérémie. Ces livres sont appelés *deutérocanoniques ou *apocryphes de l’Ancien Testament.

Septante (révisions) Voir *Aquila, *Symmaque et *Théodotion. Séquence narrative Suite de micro-récits unifiés par la présence d’un thème ou d’un

personnage commun. Sitz im Leben Milieu de vie que l’on croit pouvoir assigner à un genre littéraire ou à

un élément de tradition donné dans la vie de l’Église primitive (voir *Histoire des formes).

Sommaire Voir *Durée. Sources (deux) Théorie, largement majoritaire, selon laquelle Marc est l’évangile le

plus ancien et a servi de trame à Matthieu et à Luc qui ont utilisé de plus une autre source qui leur est commune (*Q) et que l’on peut reconstituer à partir des passages que ces deux évangiles ont en commun et qui ne se retrouvent pas dans Marc.

On aboutit ainsi, en tenant compte du fait que Matthieu et Luc ont chacun utilisé de plus des matériaux relevant de leur bien propre (M = Matthieu propre ; L = Luc propre), au schéma suivant :

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 76

Marc Q Mt propre Luc propre Matthieu Luc

Symmaque Réviseur de la *Septante dont la version se caractérise par sa qualité littéraire.

Synchronique Voir Approche synchronique. Synopse Ouvrage qui présente en colonnes différents textes pour mieux mettre

en évidence leurs correspondances. Talmud Recueil résultant de l’addition de la *Gemara à la *Mishna. Targumim Traductions paraphrastiques araméennes du texte biblique pouvant

comporter d’importantes amplifications. Testament Genre littéraire qui recours à la forme d’un discours d’adieu d’un

personnage aux siens (exemple : Testament des douze patriarches). Théodotion Réviseur le plus ancien de la *Septante. Sa révision demeure le plus

souvent légère et s’avère fréquemment hébraïsante. Torah écrite Paroles censées remonter à la révélation de Dieu à Moïse sur le mont

Sinaï et consignée dans le Pentateuque. Torah orale Dans la tradition pharisienne, paroles censées remonter à la révélation

de Dieu à Moïse sur le mont Sinaï et n’avoir pas été consignées dans le Pentateuque, mais transmises de génération en génération par les sages.

Traditionsgeschichte Voir Histoire de la tradition. Wirkungsgeschichte Histoire des effets d’un texte, des interprétations qui en a été données

dans les champs les plus divers.

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 77

TABLE DES MATIÈRES Indications bibliographiques 1. Préliminaire : vocation et limite de l’exégèse 2. Du bon ordre de la démarche exégétique 3. Des étapes de l’exégèse d’un texte

Première étape : une première approche Étude du Contexte Établissement du Texte

Excursus 1 : Introduction aux éditions du Nouveau Testament grec et à la critique textuelle du Nouveau Testament

I. Remarques préliminaires II. Les éditions modernes du NT grec

A. Le “Nestle-Aland” B. Le “Greek New Testament » des Sociétés bibliques

III. Le texte du NA 27 et du GNT IV. L’apparat critique (du NA 27 plus particulièrement)

A. Leçons fournies B. Indication des témoins

1. Les manuscrits grecs a. Signes désignant les manuscrits b. Témoins constants, fréquemment cités, occasionnelle-

ment cités c. Type de texte ; usage de sigles

2. Les versions anciennes a. Latines b. Syriaques c. Coptes

3. Les Pères C. Autres signes dans l’apparat

V. Évaluation des leçons en concurrence au sein d’un même lieu variant A. La critique externe B. La critique verbale C. La critique interne

VI. Indication dans les marges VII. Appendices (du Nestle-Aland) VIII. Encart bleu IX. Fiches de travail Les grandes familles de manuscrits et leurs principaux représentants Les grandes familles de manuscrits répartis en catégories selon leurs

qualités respectives X. Récapitulatif ; Indication fournies par le Nestle Aland

Enjeux ou problèmes de traduction Analyse littéraire : Organisation et dynamique du récit ou du discours

Dans le cas d’un récit Dans le cas d’un discours

Excursus 2 : Brève introduction à l’analyse narrative Définitions Les niveaux que distingue lanalyse narrative I. La mise en récit

A. Le temps (relation temporelle entre le récit et la diégèse) 1. L’odre 2. La durée 3. La fréquence narrative

2 3 4 5 5 7 8

9 9 9 9

10 10 11 11 11 11 11

12 13 13 13 13 13 14 14

14 14 15 15 16 16 17 17 18

19 20 21 21 21 22

23

23 23 24 24 24 24 25

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 78

B. Le mode

1. La distance 2. Point de vue : focalisation

C. La voix 1. Temps de la narration 2. Niveaux narratifs 3. Personne Conclusion Statut du narrateur Fonctions du narrateur Le commentaire Narrataire Le processus de communication entre narrateur et narrataire

II. Les contenus narratifs (niveau de l’histoire racontée) A. Intrigue B. Personnages C. Cadre

Mode d’approche préconisée par M. A. Powell Excursus 3 : Brève introduction à la rhétorique antique

Bibliographie Brève présentation

Historique Les opérations-mères de la technè rhétorikè La dispositio L’egressio Structure des différentes parties

L’exorde La narratio La confirmatio L’épilogue

La flexibilité du modèle Les genres rhétoriques

Deuxième étape : pour approfondir la démarche Analyse littéraire : Histoire des formes (comparaison synptique, histoire de la tradition et de la rédaction)

Histoire des formes Excursus 4. Fiche de travail : l’école de l’histoire des formes

Définition Évangiles

a. Logia b. Paraboles c. Apophtègmes d. Récits de miracles e. Récits biographiques

Épîtres a. Matériaux d’origine liturgique b. Matériaux d’origine parénétique

Comparaison synoptique Histoire de la tradition et de la rédaction

Histoire, histoire des réligions et intertextualité Allusions historiques et géographiques Interférences éventuelles avec dautres courants religieux ou avec les expressions diverses du judaïsme

A. Marges extérieure du Nestle Aland B. Sources C. Concordances et index D. Dictionnaires spécialisés et manuels

25 25 25 26 26 26 26 26 26 27 27 27 27 29 29 30 30 31 33 33 33 33 34 34 34 35 35 35 36 36 37 37 38

38 38 39 39 39 39 39 39 40 40 40 40 40 41 41 42 42

42 42 42 43 45

Christian Grappe, TP10CU4 – Proséminaire d’exégèse 79

Détails d’ordre sémantique Troisième étape : dialogue avec autrui

Excursus 5 : Quelques conseils pratiques de bibliographie Dernière étape : Synthèse. En quête du sens du passage : une proposition… … ayant vocation à sépanouir en interprétation Remarques complémentaires :

Des niveaux de la démarche exégétique De l’articulation des approches de type diachronique et synchronique pour rendre compte du texte roi

Tableau : Différents niveaux auxquels peut se mouvoir la démarche exégétique Tableau : Au croisement des lectures de type synchronique et diachronique : le texte roi Tableau : Pôle de lecture privilégié en fonction des méthodes

3. Proposition d’exégèse d’Actes 12,1-23 Première étape : Une première approche

Actes 12 dans le cadre de l’œuvre à Théophile Projet, intention, manière de lauteur à Théophile Étude du contexte

Établissement du texte Problèmes de traduction Analyse littéraire : mouvement et dynamique du récit

Deuxième étape : Pour approfondir la démarche Analyse littéraire : genre littéraire et intertextualité

Le genre littéraire des récits de libération merveilleuse de prison Excursus 6 : Le genre littéraire des récits de libération par ouverture miraculeuse des portes

Motifs Textes Mouvement

Excursus 7 : Attente pascale : modalités et motifs associés A. Tableau des motifs et des textes bibliques correspondants B. Textes juifs et chrétiens

Actes 12 comme récit de délivrance pascale Actes 12 comme écho du récit de la Passion et de la Résurrection

Histoire Actes 12 et les indication de Flavius Josèphe

Détails d’ordre sémantique Excursus 8 : Flavius Josèpe : La mort d’Hérode Agrippa

Approche en fonction des différents niveaux auxquels peut se mouvoir la démarche exégétique Quatrième étape : En quête du sens du passage : une proposition… Ayant vocation à sépanouir en interprétation

GLOSSAIRE TABLE DES MATIÈRES

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