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MANUEL DE PROCEDURE PENALE

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  • MANUEL DE PROCEDURE PENALE

  • PUC2è trimestre 2011

    Dépôt légal n°: M/3.01105-57089N° ISBN : 99951-15-16-6

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    LUZOLO Bambi Lessa Emmanuel J.

    - Lauréat de Faculté ;- Professeur aux Facultés de Droit de l’Université de Kinshasa, de

    l’Université de Kisangani et de l’Université Protestante au Congo.- Ancien Président de la Commission Permanente de Réforme du Droit

    congolais ; - Avocat près la Cour d’appel ;

    BAYONA Ba Meya Nicolas Abel (+)

    - Doyen Honoraire de la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa et de l’Université Protestante au Congo ;

    - Premier Président Emérite et Honoraire de la Cour Suprême de Justice ;

    - Ancien Président de la Commission Permanente de Réforme du Droit congolais ;

    - Ancien Ministre de la Justice.

    Presses Universitaires du Congo

    PUC

    Kinshasa, 2011

    Pierre AKELE AdauDoyen honoraire et Professeur ordinaire

    Faculté de Droit Université de Kinshasa

    Préface de

    MANUEL DE PROCEDURE PENALE

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    PREFACE

    Le manuel de procédure pénale que nous livre le Professeur Emmanuel-Janvier LUZOLO Bambi Lessa et à la confection duquel il associe le nom du Doyen Nicolas Abel BAYONA Ba Meya Muna Kimvimba à la chaire duquel il a succédé, nous fait découvrir le procès en droit judiciaire congolais, dans sa riche évolution et dans sa complexe substance. Il nous rappelle avec à-propos que le procès est lieu autant que lien. Il est lieu-cadre et lieu-période où se construit, se formalise, se cristallise et se matérialise la réaction ou l’intervention juridictionnelle de la société, en termes de sanction ou de réparation face au désordre créé par une violation de la loi, ou encore en termes de règlement de différends et d’affirmation d’un droit. Cette réaction qui fonctionne dans une instance processuelle, parfois rituelle, est faite pour marquer en matière pénale les tabous et interdits que la société réprouve. Elle n’est pas, dans un Etat de droit, instinctive, arbitraire et aveugle ; elle est au contraire réfléchie, réglementée et essentiellement judiciaire. Elle se déroule dans le cadre d’un procès qui se révèle, dans sa mise en œuvre, un lien. Lien entre diverses séquences de procédure ou de l’instance. Lien entre le fait en cause et le droit à lui appliquer. Lien entre diverses règles de forme et de fond qui interviennent dans la formulation de la décision judiciaire applicable à la cause considérée. Lien finalement entre les différents personnages qui interagissent à divers titres : délinquants, victimes, parties civiles, civilement responsables, parties litigantes, témoins, enquêteurs, police judiciaire, magistrats, avocats, autorités administratives et politiques, organisations de la société civile, etc.

    Cette situation particulière du procès rend complexe la définition du droit qui l’organise. « Droit de procédure » ? « Droit processuel » ? « Droit du procès » ? « Droit judiciaire pénal » ? « Droit judiciaire privé » ? Elle souligne par ailleurs sa corrélation essentielle avec le respect et la sauvegarde des droits de l’homme au point où les avancées de ceux-ci amènent sinon le recul, en tout cas « l’humanisation » du droit pénal substantiel. L’évolution du droit de procédure pénale que l’on découvre dans ce manuel rend naturellement compte de cette corrélation. Elle fait apparaître des différences d’approches dictées par la distance d’époque et de génération entre les deux « protagonistes » de cet ouvrage. Mais le « père » de la procédure pénale congolaise, Bayona, aujourd’hui disparu, se retrouverait certainement dans les évolutions théoriques et doctrinales développées par son élève. Il est vrai que les soubassements sociopolitiques et le cadre constitutionnel dans lesquels s’inscrivent la procédure pénale de Bayona et celle de Luzolo ne sont pas les mêmes. Le Zaïre monolithique du premier a en effet évolué vers un Congo démocratique et libéral soulignant la primauté de la personne sur l’Etat et la prévalence de la sûreté de

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    la personne entendue comme valeur sociale fondamentale. Le cadre normatif a fortement changé ; et le procès pénal est de plus en plus influencé par les normes du droit international, en particulier celles du statut de Rome instituant la Cour pénale internationale. Mais, par une sorte de complicité entre le maître et l’élève, l’écriture de l’ouvrage associe sans heurts la science de l’un et de l’autre. Ce résultat révèle incontestablement la volonté de celui-ci de rendre hommage à celui-là. Aussi, je voudrais profiter de l’espace de cette préface pour m’associer à cet hommage en évoquant l’oraison que j’ai offerte, le 20 décembre 1997, au Doyen N.A. Bayona Ba Meya, à l’occasion de son éméritat.

    « Monsieur le Doyen,

    « Un illustre homme des lettres français du 18ème siècle, auteur entre autres de « Zaïre » en 1732 et d’un certain nombre d’essais philosophiques, Voltaire pour ne pas le citer, disait de l’honneur, dans une pièce inédite publiée en 1820, qu’il est « le diamant que la Vertu porte au doigt ». Moins cartésiens et plus pragmatiques que les français, les anglais disent de l’honneur qu’il est « un éperon pour la vertu et non un étrier pour l’orgueil ». Un autre écrivain classique célèbre, Alfred de Vigny qui exaltait dans « Servitude et grandeur militaires », publié en 1835, les vertus de la discipline et de l’abnégation du soldat ainsi que la gloire des armes, regardait l’honneur comme « la poésie du devoir » (in Journal d’un poète 1835). Ainsi, Vertu et Devoir, donnent leur véritable signification à la distinction que la communauté scientifique et académique vous reconnaît aujourd’hui par l’éméritat qui vous honore.

    « Honneur et vertu ... Vertu de la science que vous avez servie et que vous continuez à servir en vous pliant aux lourdes exigences du savoir. Exigences de la remise en cause perpétuelle de nos connaissances actuelles pour une créativité toujours renouvelée dans la recherche des réponses aux questionnements que suscite l’étude de nos modes d’organisation et de régulation sociale. Exigences morales aussi, car si le droit n’est pas la morale, la science juridique comme toute science ne serait que ruine de l’âme si ceux qui l’enseignent s’affranchissaient de toute conscience morale, c’est-à-dire de cette faculté de porter des jugements de valeur morale sur les normes, les règles, les institutions qui forment le droit.

    « Honneur et vertu ... Honneur et devoir ... Et, puisque la récompense du devoir, comme affirmait Cicéron dans son discours « De finibus bonorum et malorum », c’est le devoir lui-même, l’on comprend que l’éméritat, loin d’être une retraite-éloignement ou une retraite-décrochage, est plutôt cette fleur distinguée de l’expérience qui s’offre désormais en modèle aux jeunes générations.

    « Si le devoir est la récompense du devoir, nous voudrions être pour vous, Cher Maître et Cher Aîné, cette récompense. Ayant été, avec un certain nombre de Confrères

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    qui vous entourent en ce moment, votre étudiant, aujourd’hui votre collègue, je voudrais témoigner de ce que vous nous avez donné le meilleur de vous-même. Notre devoir qui est votre récompense, est de poursuivre en l’approfondissant et en l’enrichissant l’œuvre scientifique qui est le vôtre notamment dans le domaine du droit judiciaire, en particulier en matière d’organisation et de compétence judiciaires et de procédure pénale.

    « Dans le domaine de droit judiciaire, vous avez eu, Monsieur le Doyen et Distingué Collègue, l’heureuse initiative en 1994, fort de votre riche expérience de praticien, d’enseignant, d’homme d’Etat et d’homme de culture, de proposer la création d’un Laboratoire judiciaire au sein de notre Faculté. Vous m’aviez à l’époque flatté, en me faisant l’honneur de me demander mes avis sur ce projet. Je m’étais alors empressé d’appuyer celui-ci en relevant qu’il me paraissait être un instrument indispensable de recherche en droit judiciaire et dans ses disciplines connexes. Instrument qui faisait et fait malheureusement encore défaut à notre institution. Certes, nous avons deux départements - celui de droit privé et judiciaire ainsi que celui de droit pénal et criminologie - qui ont dans leurs préoccupations notamment l’encadrement de la recherche en droit judiciaire. Cependant, ces structures semblent en réalité très peu opérantes à cette fin pour les raisons suivantes.

    « D’abord dans l’état actuel des choses, une certaine désaffection des départements a fini par les détourner de leurs fonctions de recherche pour les réduire essentiellement en des unités administratives décentralisées s’occupant principalement d’accomplir les premières formalités de nomination et de promotion du personnel scientifique et académique. Ensuite, et plus fondamentalement, le droit judiciaire qui est l’une des rares disciplines juridiques de constitution composite, se retrouve avec quelque embarras dans l’un et l’autre département. En effet, ici on semble l’entrevoir plutôt sous l’angle du droit pénal. Là, l’orientation pencherait naturellement vers le droit civil. Il est à cet égard significatif que les différents collègues dont les enseignements relèvent du droit judiciaire, se rattachent exclusivement tantôt à l’un, tantôt à l’autre département. Il est certain que, du point de vue scientifique, cette situation contribue difficilement à favoriser l’unité intrinsèque du droit judiciaire. Il en résulte que celui-ci paraissant morcelé, éclaté, atomisé, est relativement mal rendu et évidemment mal compris. Par ailleurs, ce morcellement du droit judiciaire en réduit le caractère dynamique résultant non seulement de ses composantes processuelles, mais aussi des interactions fonctionnelles fondamentales qui se développent d’une part au sein de cette discipline entre ses différents éléments constitutifs, d’autre part entre le système judiciaire, les justiciables et les politiques.

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    « Ce n’est sans doute pas un fait du hasard si le droit de l’organisation et de la compétence judiciaires par exemple, fortement marqué par une orientation de nature descriptive et contingente, compte parmi les disciplines les moins bien systématisés de notre science juridique, si l’on entend par systématisation une tentative ou un effort rationalisé d’intégration de l’ensemble des éléments, des concepts, des règles, des institutions, des catégories, des procédures, des mécanismes, des théories et des méthodes qui concourent à la formation et à la compréhension d’une discipline déterminée.

    « J’avais également souligné ce que le Laboratoire judiciaire que vous proposiez, Monsieur le Doyen, s’avérait un cadre scientifique bien indiqué pour l’étude non seulement du droit judiciaire, mais mieux du système judiciaire dans ses fondements philosophiques, métaphysiques et ontologiques, psychologiques et anthropologiques, sociologiques et politiques, comme dans ses différentes composantes juridiques normatives et institutionnelles. Dans ce sens, j’avais pu noter avec satisfaction que les objectifs assignés au Laboratoire judiciaire lui permettaient de dépasser la conception platement normative de l’organisation et du fonctionnement de la justice pour une perception systémique de la justice. Une perception attachée à l’idée de l’unité de la fonction judiciaire et du procès qui en est l’expression casuelle. Une perception attachée également à l’idée de la complexité interactive des éléments qui, de l’intérieur, de l’extérieur ou à la périphérie du système modélisé des règlements de conflits, donnent vie à la fonction judiciaire.

    « Ainsi, trouvent naturellement leur place dans la sphère des préoccupations du Laboratoire judiciaire non seulement l’organisation et la compétence judiciaires, les procédures civiles et pénales, les voies d’exécution et, pourquoi pas, le droit pénitentiaire en tant qu’il est le droit d’exécution des sanctions pénales, mais aussi la sociologie judiciaire, la psychologie judiciaire et la politique judiciaire. De cette manière, l’autopsie du fonctionnement de la justice qui est l’un des objectifs assignés au Laboratoire judiciaire, amènerait naturellement l’étude - fort prisée d’ailleurs par le Doyen Bayona - des pratiques judiciaires induites par l’activité des organes judiciaires, des avocats, des défenseurs judiciaires, etc. ainsi que d’autres organes qui interviennent à la périphérie du système judiciaire comme le Président de la République, certains ministères (Justice, Défense, Intérieur), certains organismes et services de l’Etat tels que l’Ordre des médecins et des pharmaciens, l’ANR (Agence nationale de renseignement), l’OBMA (Office des biens mal acquis), la Banque du Congo, etc.

    « Le projet élaboré par le Doyen Bayona intégrait dans ses préoccupations le droit pénal. J’avais sur ce point émis des réserves en considérant que l’objet du Laboratoire judiciaire, ne pouvait pas être le droit pénal en tant que tel, mais ce

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    que l’on pourrait appeler « le droit pénal judiciaire », ou plus exactement le « droit judiciaire pénal », à l’instar et au même titre d’ailleurs que le « droit judiciaire civil ». Cette réaction n’était évidemment pas sans rapport avec la querelle autour de l’appartenance du droit pénal au droit public ou au droit privé; et un peu à sa suite, la querelle au sujet de l’appartenance du Doyen Bayona, professeur de procédure pénale, au département de droit pénal et de criminologie, ou à celui de droit privé et judiciaire. L’argument développé à cet égard par le département de droit pénal et de criminologie considérait que la procédure pénale étant le droit pénal de forme, et donc d’une certaine façon le droit pénal subsidiaire, son statut et sa position dans les classifications juridiques, devaient s’aligner sur le droit pénal de substance ou le droit pénal principal. Il était donc inconcevable d’isoler la substance de sa forme sans risque de dénaturer l’une et l’autre, de séparer le subsidiaire du principal sans faire dépérir l’un et l’autre.

    « Prenant du recul par rapport à cette argumentation - que je défendais mordicus à une certaine époque, sans doute convaincu de la nécessité de nous battre âprement pour garder au sein de notre département de droit pénal et de criminologie cette haute personnalité de notre faculté qu’est le Doyen Bayona - me parait aujourd’hui être un combat de tranchées fort peu fertile, car immobilisant les protagonistes, chacun dans son trou de fusilier, derrière une « ligne Maginot » indéfinie. A la réflexion, le droit pénal substantiel, droit d’essence publique dans son élaboration, dans sa fonction punitive et dans son souci de protection de l’ordre public, d’essence privée dans ses mécanismes victimocentriques et dans sa préoccupation de protéger les droits subjectifs les plus essentiels de l’individu ainsi que des valeurs par définition privatistes comme la vie, la liberté, l’honneur, la famille, le patrimoine, est d’essence éminemment judiciaire dans sa mise en œuvre, dans sa concrétisation, c’est-à-dire dans sa réalisation. Cette pluralité de fonctions du droit pénal explique les difficultés qu’éprouve la doctrine qui le définit certes majoritairement comme branche du droit public, mais aussi tantôt comme branche du droit privé, tantôt comme branche autonome du droit, avec comme conséquence fâcheuse d’hypothéquer son unité et sa cohérence. Or précisément, cette unité et cette cohérence semblent se reconstituer à l’instance de la mise en œuvre, de la concrétisation et de la réalisation du droit pénal substantiel, instance judiciaire où substance et forme du droit pénal se retrouvent dans leur expression plénière.

    « On peut donc dire en fin de compte, que c’est dans le cadre judiciaire que le droit pénal recouvre sa plénitude. Cependant, intégrer sur cette base le droit pénal dans la structure d’un département dit « de droit privé et judiciaire » lui ferait perdre son essence publique et son caractère autonome, l’une et l’autre indispensables à sa fonction de droit sanctionnateur de tous les autres droits.Cela lui ferait perdre également ses attaches essentielles avec les sciences criminologiques et les sciences comportementales.

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    « Il faut bien se rendre à l’évidence, la question de la classification du droit pénal, comme l’observe d’ailleurs le professeur Raymond GASSIN (Le droit pénal : droit public ou droit privé, in Problèmes actuels de science criminelle IV, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1991, pp. 50 et s) – un autre maître commun au Professeur LUZOLO et à moi-même – est à la fois, du fait de la diversité de cette branche, une question « indécidable » qui conduit à un raisonnement circulaire selon le mode du « paradoxe crétois », c’est-à-dire qui tourne indéfiniment sur lui-même à la manière d’un chien qui cherche à se mordre la queue sans l’atteindre, et du fait de l’évolution contemporaine de ce droit, une question « actuellement informulable ». Cette situation avait amené Monsieur GASSIN, dans l’étude susvisée, à tenter de renouveler la typologie du Droit à partir d’une observation concrète de la réalité juridique diverse.

    A cette fin, il s’est appuyé sur le double postulat suivant. Premièrement : la fonction du droit est d’assurer la régulation des actions humaines individuelles et collectives dans la société. Deuxièmement : la « praxéologie » ou science des actes se représente l’action humaine volontaire, individuelle ou collective, comme l’emploi d’un ou de plusieurs moyens destinés à atteindre un objectif déterminé. Ce qui conduit à distinguer à l’analyse les trois éléments suivants dans l’action de l’homme : la visée d’un objectif, l’emploi de moyens, l’existence d’une relation entre les moyens employés et l’objectif recherché. A partir de là, Monsieur GASSIN propose de distinguer dans le Droit contemporain trois grandes branches : un droit des moyens, un droit des objectifs et un droit des relations entre moyens et objectifs. Le droit pénal serait, dans cette perspective, le type même du droit des moyens. Il consiste, en effet, à interdire et à sanctionner le recours à ces deux types de moyens d’atteindre des objectifs quelconques que sont la violence et la ruse.

    On pourra cependant noter que la procédure pénale, composante du droit judiciaire, paraît dans cette typologie séparée du droit pénal. Elle n’est pas en effet un droit de moyens; ni un droit d’objectifs puisque elle n’est pas, dans son application, une fin en soi. Elle se rangerait plutôt parmi les droits des relations entre moyens et objectifs. Le droit judiciaire n’est en effet que le cadre où se réalise la rencontre entre le droit des moyens et celui des objectifs, c’est-à-dire le lieu où s’opère la mise en œuvre des moyens de droit permis au justiciable en vue de la réalisation des objectifs qu’autorisent ces moyens.

    « Finalement, la difficulté demeure de trouver une typologie qui préserve la solidarité du droit pénal dans sa substance et dans sa forme. Aussi, et je voudrais terminer par là, force est de constater que la structure organique de notre Faculté qui autonomise le droit pénal et la criminologie dans le cadre d’un département à part entière, sans cependant mettre en cause ses interférences fonctionnelles avec les

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    autres départements, paraît en fin de compte la moins mauvaise des formules. Mais en même temps je pense que la concrétisation du projet de Laboratoire judiciaire initié par le Doyen BAYONA renforcerait sans aucun doute la nécessaire et indissoluble solidarité entre le droit pénal de forme, chère à notre distingué et émérite Collègue, et le droit pénal de substance.

    « Dès lors, la sagesse qui est aussi l’une des qualités reconnue au Doyen BAYONA, recommande que le département de droit pénal et de criminologie s’investisse activement dans la réalisation du projet de Laboratoire de droit judiciaire. Ce serait, je crois, une autre manière, Monsieur le Doyen, de vous rendre hommage et de vous garder comme membre d’honneur de notre département.

    Le mérite du présent ouvrage est, au-delà de l’hommage, d’immortaliser la contribution de cette figure éminente, précurseur de l’Ecole pénale de Kinshasa, en transmettant ainsi aux nouvelles générations d’étudiants en droit et de praticiens du droit pénal les enseignements du Professeur BAYONA relayés et enrichis par le Professeur LUZOLO.

    Pierre AKELE AdauDoyen honoraire et Professeur ordinaire

    Faculté de Droit Université de Kinshasa

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    AVANT-PROPOS

    J’avais un Maître et un Ami (1)Le Doyen Nicolas-Abel BAYONA ba Meya s’est éteint le 26 août 1998 dans

    la paix du Seigneur. Celui-là même qui était au centre de son existence. Pour ceux qui l’ont connu et côtoyé avant sa mort, le Doyen BAYONA était une personne en quête perpétuelle de la spiritualité ; quête qui l’a amené à la découverte de la foi en Jésus-Christ.

    Bien que homme de foi et de conviction, il était profondément tolérant à tel point qu’il ne lui arrivait jamais à imposer sa vision de vie. Il savait parfaitement bien que j’étais moi-même ancré dans ma religion et dans ma culture laïque profondément républicaine.

    Pendant cinq ans, j’étais son étudiant et aussi durant treize ans, auprès de lui, je fus un collaborateur fidèle. Ce manuel, je l’écris en son hommage et même en son honneur mérité. Le Maître, c’est ainsi que je l’appelle aujourd’hui, a daigné m’associer très tôt et pleinement à son œuvre doctrinale. En effet, en raison de ses multiples occupations, le Doyen BAYONA m’avait chargé de me consacrer aux modifications substantielles du contenu de la procédure pénale subséquentes à la dynamique constitutionnelle générée par l’ordonnancement juridique maintes fois renouvelé de la République Démocratique du Congo.

    Cette entreprise laborieuse m’a permis de présenter en 1996, un cours mieux structuré à la satisfaction de nos assistants et de nos étudiants. C’est grâce à ce travail que j’ai eu, loin de mon pays2, l’aisance et la liberté de retravailler complètement et particulièrement le cours de procédure pénale.

    Me souvenant toujours de nos échanges dans le domaine de recherche scientifique en Procédure Pénale, j’ai compris que le maître ne concevait pas qu’une collaboration naissante pût être bridée par des développements antérieurs de la pensée. Néanmoins, j’ai pris en compte l’évolution de la matière qui m’intéresse pour intégrer les nouveaux défis, enjeux et problèmes contemporains de la Procédure Pénale : la procédure applicable auprès des juridictions pénales internationales, la théorie de nullité de l’instruction préparatoire, la théorie de l’effet zéro du régime pénitentiaire congolais, la prise en compte de l’incidence du nouvel ordonnancement juridique (avéré ou à venir) relatif au projet de constitution de la République Démocratique du Congo présenté par la Commission des réformes Constitutionnelles sur la Procédure pénale en 1994, 1997, etc3.

    J’étais pariculièrement étonné de voir que mon Maître, dans sa simplicité et humilité habituelles acceptait de s’incliner devant ma façon de concevoir l’évolution

    1 Je dois cette expression et ce développement à Serge GUINCHARD avec lequel j’ai éprouvé le même émoi, face aux événements similaires (cfr J. VINCENT & S.GUINCHARD, procédure civile, Paris, Dalloz, 2éme éd. 1993.

    2 J’étais à l’époque à l’Université d’Aix-Marseille III en France3 J’ai maintenu cet élan en 2001, 2003 jusqu’à la Constitution du 18 février 2006, telle que révisée le

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    de la Procédure Pénale Congolaise. En effet, c’était sa manière intime de passer le relais aux jeunes générations que de s’effacer devant l’expression d’une théorie jurique qui n’était pas tout à fait la sienne mais dont il acceptait la pertinence et endossait la paternité, conscient qu’il en était ainsi de la relativité des certitudes de la science du Droit.

    Puis-je me souvenir ardemment de ce que le Maître aimait dire souvent : « La justice est d’abord une vertu et toujours une vertu et rien d’autre. Elle ne devait donc trouver sa réalisation suprême que dans la recherche du sens intrinsèque de l’équité dans la justice divine ».

    Aujourd’hui treize ans après qu’il nous a quittés, je lui dédie cette première édition.

    Kinshasa, le 31 janvier 2011LUZOLO Bambi Lessa E.J.

    Professeur

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    LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

    ACT : Acte constitutionnel de transition Art. : ArticleCA : Cour d’appelCass : CassationCEDH : Cour européenne des droits de l’hommeCie : Compagnie CIJ     : Cour internationale de justiceCJM     : Code judiciaire militaireCND : Centre national de documentationCNS : Conférence nationale souveraineCOCJ    : Code d’organisation et de compétence judiciaireCPI : Cour pénale internationaleCPP : Code de procédure pénale (congolais)CPPF : Code de procédure pénale françaisCPRK : Centre pénitentiaire et de rééducation de KinshasaCSJ    : Cour suprême de justiceDEA : Diplôme d’Etudes ApprofondiesDES : Diplôme d’Etudes SupérieuresFARDC : Forces armées de la République Démocratique du CongoINTERPOL : Organisation Internationale de la PoliceJ.O     : Journal officielLGDJ    : Librairie générale de droit et de jurisprudenceO.L : Ordonnance-loi OHADA  : Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en  AfriqueOMP    : officier du ministère publicOPJ    : officier de police judiciairePG : Parquet généralPNC : Police nationale congolaisePUC : Presses universitaires du Congo PUF : Presses universitaires de FrancePV    : Procès-verbalRDC : République Démocratique du CongoRFFDA   : Requête aux fins de fixation de la date d’audienceRFNI : Registre des faits non-infractionels SNIP : Service National d’Intelligence et de ProtectionTGI : Tribunal de grande instanceTripaix : Tribunal de paixU.E : Union Européenne

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    INTRODUCTION

    I. NOTIONS

    A. Définition et objet du droit judiciaire

    a. Définition

    Pour définir le droit de procédure, il ne suffit pas de s’arrêter à l’étymologie : « procedere » = s’avancer. Certes, l’étude de la Procédure consiste à observer la marche à suivre pour conduire le procès à bonne fin ; aussi la Procédure étudie-t-elle à la fois les règles que les parties doivent observer devant les tribunaux et les formalités auxquelles celles-ci et les hommes de loi - dont les juges- doivent se soumettre en vue d’aboutir au jugement et à son exécution.

    Mais il y a plus : le problème de la mise en œuvre des droits est plus vaste. Aussi la Procédure concerne-t-elle également l’établissement et l’organisation des juridictions qui ont mission de juger et de détermer les pouvoirs juridictionnels, c’est-à-dire de la compétence de chacune d’elles.

    Ainsi, l’expression la plus adéquate pour désigner la discipline qui étudie ces diverses règles est-elle celle de « droit judiciaire » et non « droit de procédure4 ». Certains auteurs préfèrent la terminologie « droit processuel ». Si cette terminologie peut paraître un peu terne, elle a pourtant l’avantage, grâce à sa neutralité, d’englober à la fois le droit judiciaire privé, le droit judiciaire pénal ainsi que l’activité juridictionnelle des tribunaux de l’ordre administratif et de toutes les autorités qui rendent des décisions juridictionnelles5.

    En regroupant les diverses branches d’une même discipline, le droit processuel incite à les comparer, à mettre en relief leurs points communs et leurs différences, à s’interroger sur les évolutions auxquelles nous assistons à l’époque contemporaine, notamment quant aux sources de ce droit et quant à son attraction par les droits fondamentaux. La mondialisation du droit du procès se traduit par sa modélisation et l’apparition d’un modèle universel : le procès équitable. L’expression souligne la nécessité, dans toute société, d’un droit du procès6.

    Ainsi, le droit judiciaire est l’ensemble des règles qui gouvernent l’organisation et le fonctionnement de la justice en vue d’assurer la mise en œuvre et la sanction des

    4 H. SOLUS & R. PERROT, Droit Judiciaire Privé, T.1, Paris, Sirey, 1961, n°4.5 J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Précis d’Institutions Judiciaires,

    Organisations Juridictionnelles, Gens de justice, 8ème éd. Paris, Dalloz, 2005, p. 3 6 S. GUINCHARD, « les métamorphoses de la procédure à l’aube du 3ème millénaire », in Clefs pour

    le siècle, Paris, 2ème éd. Dalloz, mai 2000, p.35

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    droits subjectifs et objectifs. En toute logique, lorsqu’il s’agit des mécanismes qui tendent à réparer les droits subjectifs, on parle de droit judiciaire privé ou procédure civile. Mais lorsqu’il s’agit des mécanismes de mise en œuvre de l’action publique – entendue comme celle ayant pour objet la recherche d’une infraction et ayant pour but l’application d’une peine contre son auteur –, on doit parler de droit judiciaire répressif ou procédure pénale.

    Il est vrai que, pour certains auteurs, la procédure pénale, à l’instar du droit pénal général et du droit pénal spécial, est une branche du droit pénal. Elle a pour objet l’étude de différentes juridictions répressives devant lesquelles se déroulent le procès pénal et les différentes phases de ce dernier7. C’est par la mise en œuvre des règles de procédure pénale que le droit pénal matériel est mis en pratique. Il s’agit donc du droit pénal formel, sans lequel le droit pénal matériel resterait lettre morte8. Une telle perception réduit le champ de l’objet de la procédure pénale à sa seule définition matérielle et contient le risque de négliger l’aspect organisation et compétence des juridictions répressives.

    La procédure pénale demeure une branche du droit judiciaire, et, donc, doit être définie comme l’ensemble des règles qui doivent être observées pour déclarer qu’une infraction a été commise par telle personne, dans telles circonstances et avec telles modalités, et pour appliquer à l’auteur présumé les mesures prévues par la loi.

    La finalité de la procédure pénale est double. Le premier souci doit être l’efficacité. Il s’agit de réaliser le droit pénal, d’appliquer aux coupables les sanctions légales. Justice doit être rendue. La seconde préoccupation est aussi importante que la première. Il faut éviter que des innocents soient punis et, dans toute la mesure du possible, qu’ils fassent l’objet de poursuites ou de mesures coercitives.

    Il faut, en outre, que le procès pénal, même s’il concerne les vrais coupables et quelle que soit la gravité du crime qui leur est reproché, soit juste et honnête, que les droits de la défense soient scrupuleusement respectés9. Il s’agit de la loi pénale de forme comprise dans le sens que lui donne Annie BEZIZ-AYACHE : loi qui concerne la compétence des tribunaux, l’organisation judiciaire et la procédure pénale10.

    7 J. PRADEL, La procédure pénale à l’aube du 3ème millénaire cité par A. BEZIZ-AYACHE, Dictionnaire de droit pénal général et de procédure pénale, 3ème éd. Enrichie et mise à jour, Lyon, ellipse, p. 166.

    8 Idem. 9 R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 3710 A. BEZIZ-AYACHE, Dictionnaire de droit pénal général et de procédure pénale, 3ème éd. Enrichie

    et mise à jour, Lyon, ellipse, 2004, p. 166.

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    b. Objet

    L’objet du droit judiciaire porte sur les règles tendant à déterminer les voies à suivre dans la défense des intérêts juridiquement protégés se rapportant soit à l’ordre public, soit à l’ordre privé à l’occasion d’un procès. Il englobe ainsi la procédure pénale – ou droit judiciaire répressif –, la procédure civile – ou droit judiciaire privé (procédure commerciale, procédure en matière du travail, contentieux administratif) – ainsi que l’organisation et la compétence judiciaires.

    c. Utilité sociale du Droit Judiciaire

    C’est l’honneur d’une société civilisée, précisément d’un Etat de droit, de ne pas condamner sans organiser un procès permettant à tout accusé de se défendre selon les principes démocratiques de fonctionnement d’une enquête, d’une instruction, en tout cas d’une instance judiciaire11.

    Lorsque l’ordre social est troublé par une infraction, il faut punir le coupable. Mais, pour aboutir à la sanction – donc à la peine –, il faut connaître la procédure à suivre. De même, le titulaire d’un droit subjectif qui se trouve lésé dans son droit et qui veut obtenir réparation du préjudice subi doit savoir comment procéder pour y aboutir.

    Le droit judiciaire est la voie nécessaire et obligatoire par laquelle doit passer celui qui veut obtenir justice. Sans l’existence du droit judiciaire, la justice ne peut être rendue, à moins, évidemment, d’admettre le système archaïque et anarchique du recours à la vengeance privée.

    Bref, le droit judiciaire :

    met fin à l’insécurité, aux violences et aux désordres qu’engendre le droit de se faire justice à soi-même ;

    paralyse à l’avance, par son existence, la résistance, la fraude ou la mauvaise foi. C’est parce qu’il sait qu’il pourra être poursuivi en justice que le malfaiteur sera parfois contraint soit de cesser son comportement infractionnel, soit d’exécuter un engagement contractuel non rempli.

    d. Subdivision

    Généralement, il est admis que le droit judiciaire se subdivise en trois branches, à savoir : la procédure pénale, la procédure civile ainsi que l’organisation et la compétence judiciaires.

    11 S. GUINCHARD, J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, éd. Litec, 2000, p.3

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    La procédure pénale étudie l’ensemble des règles sur la recherche de l’infraction, la poursuite et la condamnation du délinquant. Il s’agit des lois de forme, qui organisent les juridictions répressives et définissent les règles de compétence, de recherche, de constatation, de poursuite et de jugement des infractions. Elles sont soumises au principe de l’application immédiate de la loi nouvelle12.

    La procédure civile étudie l’ensemble des règles permettant à un titulaire de droit lésé d’obtenir soit le rétablissement de son droit, soit la réparation du préjudice que lui cause la dépossession de son droit.

    L’organisation et la compétence judiciaires étudie les principes d’organisation et de fonctionnement des services judiciaires et des services de la justice. C’est l’étude des structures tant matérielles qu’humaines sur lesquelles est bâtie la justice.

    B. Objet du droit judiciaire répressif ou procédure pénale

    a. La réaction sociale face à l’infraction

    L’infraction et la peine

    Une infraction vient de se commettre. L’ordre public est troublé par ce mauvais exemple. Il faut à tout prix rétablir l’équilibre social.

    Mais qui doit prendre l’initiative de la répression ? Est-ce la victime de l’infraction ? Est-ce toute personne qui se trouve juste là au moment de la commission de l’infraction ?

    Il importe de noter que la réaction de la société n’est pas instinctive, arbitraire et aveugle. Ce serait créer l’anarchie. Le principe est donc que le délinquant ne subit la peine que lorsqu’il a été condamné après avoir été jugé par les juridictions instituées à cet effet.

    Le monopole de l’Etat dans l’œuvre de la répression

    Dans une société organisée, l’Etat assume la responsabilité de l’ordre public et du bien commun. Aussi, en face d’une infraction qui vient de se commettre, l’on ne peut concevoir que la vengeance privée puisse se satisfaire. C’est donc à l’Etat de punir les fautes pénales commises par les membres de la communauté soit à l’intérieur du territoire national, soit en-dehors de celui-ci. La sauvegarde de la paix sociale l’exige. Et, pour y parvenir, l’Etat se dote de certains organes.

    12 A. BEZIZ-AYACHE, op. cit. p. 166.

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    Les organes chargés de la répression

    Pour punir un délinquant, il faut l’avoir d’abord interrogé, avoir enquêté sur les circonstances objectives et subjectives de la commission de l’infraction. Autant de devoirs que la force d’une seule personne ne peut remplir. Ainsi, en vertu du principe de la présomption d’innocence, un examen judiciaire est indispensable avant de responsabiliser la personne poursuivie.Aussi, l’Etat a-t-il créé trois organes distincts mais qui concourent à une même fin :

    la police judiciaire ; le parquet ; les cours et tribunaux.

    L’Etat a confié à ces organes des prérogatives redoutables, mais il a en même temps veillé à ce que, dans l’exercice de leurs fonctions, ces organes ne puissent pas outrepasser leurs pouvoirs, ou en abuser. C’est ainsi que des garanties solides protègent les justiciables (droit de se défendre, double degré de juridiction, présomption d’innocence, etc.).

    La réparation civile

    La victime d’une infraction ne peut se faire justice à elle-même.

    Ayant opté pour la voie pénale, la victime entend donc exercer son droit d’action civile ou, en d’autres termes, se constituer partie civile. Pour exercer son droit d’action civile devant une juridiction pénale, la victime doit, comme en procédure civile, avoir la capacité pour agir13.

    Dans le passé, il a existé la composition pécuniaire, un système selon lequel l’auteur de l’infraction, pour échapper à la vengeance de la victime de l’infraction, payait une indemnité souvent supérieure au préjudice subi. Lorsque satisfaction était donnée à la victime, le coupable échappait à toute punition. Aujourd’hui, pareille conception de la justice n’est plus de mise car l’Etat se charge de punir le coupable, tout en garantissant à la victime le droit d’être rétablie dans l’état et les droits qui étaient siens avant la commission de l’infraction. Il faut dire qu’à ce jour, avec l’émergence d’une justice négociée (en termes d’alternatives aux poursuites telles que la médiation pénale, la composition pénale, la médiation-réparation, la conciliation et l’ordonnance pénale), la tendance est de recourir à des solutions similaires.

    Les modalités de réparation peuvent se rencontrer sous deux formes principales :

    13 S. GUINCHARD et J. BOUISSON, op.cit., p.542

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    il peut y avoir restauration directe (restitution) ;mais, le plus souvent, le tort causé étant irréversible, la victime ne peut

    obtenir que des dommages-intérêts compensatoires.

    Un problème demeure cependant dans l’optique de la mentalité africaine. La conception occidentale de la réparation du préjudice causé proclame que, si la punition doit être proportionnée à la culpabilité, la réparation, elle, doit être l’équivalent du préjudice ; on ne s’occupe nullement de la situation sociale du délinquant. C’est ainsi que l’on peut condamner un pauvre père à réparer un préjudice estimé à des millions de francs congolais. Cela est non seulement injuste, car, à son tour, le délinquant devient une victime de la victime originaire, mais, en sus, le pouvoir juridictionnel court le risque d’être discrédité aux yeux de la victime originaire à cause de l’inexécution qui pourrait s’ensuivre du fait de l’insolvabilité manifeste et notoire du condamné, dont il était d’ailleurs au courant. Faut-il alors que la juridiction prononce une telle condamnation sachant bien qu’elle restera sans exécution possible ? N’est-ce pas faire perdre à la justice son crédit ?

    Cette conception occidentale de réparation civile tend de plus en plus à s’adapter dans le sens de la prise en charge de la réparation civile par l’Etat dans le cadre de l’institution d’un fond de garantie. En effet, en droit français avant même que des poursuites pénales aient été engagées, ou même si les poursuites engagées ne leur ont pas permis d’obtenir une réparation ou une indemnisation effective et suffisante, certaines victimes de dommages corporels, de viol ou d’attentat à la pudeur ou d’un dommage matériel résultant d’un vol, d’une escroquerie ou d’un abus de confiance, peuvent exercer un recours en indemnité devant une commission juridictionnelle14. La singularité de cette action en réparation consiste en un recours en indemnité pour un dommage corporel ou matériel exercé contre le Fonds de garantie par celui qui en a été la victime, mais n’a pu en obtenir, à un titre quelconque, la réparation ou une indemnisation effective et suffisante15.

    La mentalité africaine répugne à condamner une personne à des dommages-intérêts qu’elle ne sera jamais en mesure de payer. Il y a là un sentiment profond de justice sociale qui veut que l’on tienne compte des ressources du délinquant condamné à verser des dommages-intérêts. En outre, le contexte de guerres qu’a connues la RDC a tellement généré une explosion du nombre de victimes que la seule méthode classique de réparation civile ne saurait suffire. D’où la perspective, par exemple, de création d’un fonds d’indemnisation des victimes.

    Aussi bien le Fonds d’indemnisation que l’on propose pour le Droit congolais que le Fonds de garantie du Droit français, ils résultent tous de la Résolution 40/34 de l’Assemblée générale des Nations unies du 29 novembre 1985 qui exhorte les Etats à prendre en considération la situation d’insolvabilité du délinquant et à se substituer

    14 B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd. Dalloz, 2006, p.30715 Article 706-3, 3° et article 706-14 du CPPF

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    à lui dans la prise en charge de la réparation du préjudice. Il ressort en effet de cette résolution que lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir une indemnisation complète auprès du délinquant ou d’autres sources, les Etats doivent s’efforcer d’assurer une indemnisation financière aux victimes qui ont subi un préjudice corporel ou une atteinte importante à leur intégrité physique ou mentale par suite d’actes criminels graves.

    b. La fonction et le domaine d’application de la procédure pénale

    La procédure pénale est l’ensemble des règles sur l’organisation et le déroulement du procès répressif. On y inclut aussi la réglementation des activités pré-juridictionnelles du parquet et de la police judiciaire dans leur mission de recherche et d’instruction des infractions.

    La procédure pénale s’étend :

    aux règles gouvernant la recherche et l’instruction des infractions d’une part, à la poursuite et au jugement des prévenus d’autre part ;

    aux règles régissant l’exercice de l’action civile devant les juridictions répressives et l’allocation d’office des dommages-intérêts ;

    aux règles régissant l’exécution des décisions des juridictions pénales.

    c. L’environnement de la procédure pénale

    Il importe de souligner que, pour la réalisation de son objet, la procédure pénale recourt à d’autres branches des sciences criminelles, parmi lesquelles on peut citer : la criminalistique, la criminologie clinique, la psychologie judiciaire et la pénologie.

    La criminalistique est une des branches des sciences criminelles dont l’objet est la recherche des infractions et de leurs auteurs par des méthodes scientifiques. Elle comprend plusieurs branches : la médecine légale, la toxicologie et la police scientifique16. Précisément, la criminalistique est une discipline qui a pour but de déterminer comment les crimes sont commis, de quelle manière les éclaircir, quels motifs ont joué, quel dessein était projeté17. La criminalistique est étroitement liée à d’autres branches telles que la dactyloscopie, la génétique, la chimie, la police technique, la graphologie, la toxicologie, la médecine légale, etc.

    La criminologie clinique est une branche de criminologie appliquée qui s’intéresse à l’individu délinquant, dont elle étudie le comportement, le caractère,

    16 J. FOMBONNE, La criminalistique, Paris, P.U.F., Coll. « Que sais-je ? », 199617 G. LOPEZ et S. TZITZIS (Dir.), Dictionnaire des sciences criminelles, Paris, Dalloz, 2004, p.198

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    les aptitudes physiques, les aptitudes intellectuelles, les tendances morales ainsi que les motivations de son acte et la possibilité de sa resocialisation18.

    La psychologie judiciaire, autrement appelée « psychologie de la procédure pénale », est la discipline qui englobe toutes les connaissances générales relatives à la direction d’un procès19. Elle comprend la psychologie de l’interrogatoire, qui traite des enseignements psychologiques concernant les dépositions des personnes entendues et qui, avec la technique de l’interrogatoire, constitue la science de l’interrogatoire. Elle englobe aussi la psychologie du témoignage et la psychologie de la détention20.

    Le nombre de crimes commis est toujours beaucoup plus important que celui des crimes découverts et jugés. De même, celui des crimes jugés est de loin inférieur à celui des crimes découverts. Et les crimes fussent-ils découverts, il n’est pas toujours facile d’en retrouver et d’en identifier les auteurs, car, s’il arrive parfois que ces derniers laissent involontairement des traces et des empreintes digitales sur les lieux du crime, les criminels n’ont pas l’habitude de laisser leurs cartes d’identité21. Aussi, faute de preuves suffisantes et bien établies, les suspects arrivent souvent à échapper à la répression.

    Enfin, les suspects eux-mêmes, faute de preuves suffisantes et bien établies, arrivent souvent à échapper à la répression.

    La recherche et la découverte des crimes ainsi que l’identification de leurs auteurs sont donc d’une grande importance pour le juge, car elles lui fournissent les preuves nécessaires à la poursuite et à la condamnation des délinquants. Elles constituent l’objet principal des sciences criminelles, dont fait partie la psychologie judiciaire.

    Bien qu’elle ait pour objet l’étude des enseignements de la psychologie pouvant trouver leur application dans la poursuite d’un procès pénal, la psychologie judiciaire doit être distinguée de la procédure pénale. Elle doit également être distinguée des autres disciplines criminalistiques.

    La procédure pénale, qui est constituée de règles juridiques relatives à l’organisation judiciaire répressive et au déroulement du procès pénal, doit être distinguée de la psychologie judiciaire, qui, elle, englobe toutes les connaissances générales relatives à la direction d’un procès. Cette dernière traite des principaux personnages dont s’occupe traditionnellement la procédure pénale et qui interviennent

    18 KASONGO MUIDINGE, Criminologie clinique, notes de cours, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 2008

    19 J. PINATEL, La criminologie, Paris, Collection Sociologie aujourd’hui, SPES, 1960, P.17 20 KASONGO MUIDINGE, Psychologie Judiciaire, notes polycopiées, Faculté de Droit, Université

    de Kinshasa, 2009 21 KASONGO MUIDINGE, op.cit.

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    dans le procès répressif (inculpé, avocat, témoin, expert, magistrat) mais en visant leur comportement psychologique durant le procès22.

    La pénologie ou science pénitentiaire étudie scientifiquement le traitement curatif et préventif de la délinquance. Autrement dit, c’est une science qui a pour objet d’étudier les moyens et les méthodes susceptibles de faire produire aux peines leur maximum d’efficacité thérapeutique tout en assurant la prévention aussi bien générale qu’individuelle23.

    d. La nature juridique de la procédure pénale

    La procédure pénale est une branche du droit public parce qu’elle organise l’exercice des pouvoirs d’un organe de l’Etat, le fonctionnement d’un service public.

    C. L’importance de la procédure pénale

    L’importance de la procédure pénale est à rechercher à un quadruple niveau : la société, l’individu, la nature même des droits en jeu ainsi que la relation entre l’individu et la société.

    a. Au niveau de la société (Théorie du LEVIATHAN)24

    Il doit exister une répression rapide et certaine des infractions. Toutes les règles régissant la recherche, la constatation des infractions, l’établissement des preuves et le jugement des délinquants visent à assurer, sinon toujours la rapidité, du moins la certitude de la répression, car la paix sociale et la tranquillité publique sont à ce prix.

    Cependant, il importe de relever que dans la pratique judiciaire, le procès pénal est affecté par une crise presque intrinsèque qui mine la justice pénale. Il s’agit de sa lenteur25. Ce disfonctionnement résulte du fait que la justice pénale est submergée. En effet, l’effectif des officiers de police judiciaire et des magistrats de parquet est trop réduit face à l’accroissement de la criminalité. L’étendue territoriale et la surpopulation de la République démocratique du Congo rendent insignifiant cet effectif. Par ailleurs, les moyens matériels dont disposent les officiers de police judiciaire et les magistrats du parquet sont dérisoires. Certaines habitudes malheureuses adoptées et entretenues par quelques acteurs de la justice rendent encore plus lourd le fonctionnement de l’appareil judiciaire. Il s’agit spécialement

    22 Idem Idem23 LIKULIA BOLONGO, Droit et Science Pénitentiaires, Kinshasa, P.U.Z., 1981, p. 924 Selon Thomas HOBBES, le léviathan est une métaphore qui désigne l’Etat (fr.wikipedia.org). L’Etat

    est donc chargé de garantir la paix et la sécurité en fixant des règles de conduite que le peuple est tenu d’observer.

    25 J.P. MPUTU, « De la compétence du ministère public dans la phase pré-juridictionnelle du procès pénal en droit procédural congolais », mémoire en ligne, http://bit.ly/fbKRfK

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    de l’habitude qui consiste à placer automatiquement en état de détention tout inculpé au-delà du délai de la loi.

    Il s’ensuit que cette lenteur entraine comme conséquence immédiate, l’engorgement de tout le rouage de la justice et crée progressivement une perte de confiance en cette même justice. Il semble donc nécessaire d’imaginer une certaine célérité de la réponse pénale26. C’est ainsi que le législateur congolais a mis sur pied une procédure rapide pour le jugement des infractions intentionnelles flagrantes27. C’est pour parer à cette lenteur que le législateur a, par l’ordonnance-loi n°78/001 du 24 février 1978, mis sur pied une procédure rapide pour le jugement des infractions intentionnelles flagrantes.

    Mais il convient de relever que ce n’est là qu’un petit pas qui a été esquissé dans le sens de l’accélération de la procédure. Le problème demeure posé lorsqu’il s’agit des infractions non flagrantes, pour le jugement desquelles on retombe dans les habitudes de la lenteur.

    b. Au niveau de l’individu

    La procédure pénale est une procédure d’équilibre28. Les règles de procédure pénale, tout en visant à assurer la répression du coupable, doivent en même temps veiller à ce que les droits de la défense soient sauvegardés.

    Très souvent, lorsqu’il s’agit des infractions qui provoquent une grande émotion populaire, l’opinion se montre impatiente au point de vouloir bousculer la procédure au grand mépris des droits de la défense. L’homme de la rue ne comprend pas pour quelle raison l’on doit confier, par exemple, la défense des délinquants à des avocats. Cette opinion populaire est parfois enragée lorsque les bandits condamnés au premier degré interjettent appel ou forment un pourvoi en cassation – voies de recours qui suspendent l’exécution d’un jugement. Les dirigeants, au niveau politique, doivent se garder de céder à la pression populaire. Quelque grave que soit l’infraction commise, rien ne peut justifier la privation à son auteur du droit de la défense et des voies de recours.

    En face des infractions qui causent un grand émoi populaire, la solution pour donner satisfaction à l’impatience populaire est d’appliquer la procédure accélérée, à la condition que l’infraction soit intentionnelle et flagrante.

    26 C. BECCARIA, Traité des délits et des peines, Paris, Flammarion, 1979 (1ère éd.1773), pp. 102-104. Beccaria avait estimé que « Plus le châtiment sera prompt, plus il suivra de prêt le crime qu’il punit, plus il sera plus juste et utile ».

    27 Ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions flagrantes, J.O, n°6, 15 mars 1978, p.15

    28 S. GUINCHARD et J. BOUISSON, op.cit., p.2

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    c. Au niveau de la nature des droits qui sont en jeu

    C’est au cours du procès pénal qu’apparaissent dans toute leur ampleur, les droits fondamentaux de l’Homme. Le délinquant risque ce qu’il a de plus sacré au monde : sa vie, sa liberté, son honneur, son patrimoine. Alors que, devant le juge statuant en matière de droit privé, on demande simplement de dire le droit applicable en ayant une connaissance technique des faits de la cause, au juge pénal, en sus de la connaissance technique, on demande un sens profond de l’humain et du social, car la décision qu’il prend n’est pas une solution à une difficulté juridique. Le juge pénal prononce des mesures d’assistance, de surveillance, d’amendement ou d’élimination.

    Comme le souligne HENRI PASCAL, « Les vraies règles de la justice, c’est dans le cœur du juge qu’il faut les trouver (…)»29. Les fonctions conférées aux juges engendrent des obligations pour la satisfaction desquelles des pouvoirs sont conférés30.

    d. Au niveau de la relation entre l’individu et la société

    La procédure pénale permet à l’individu d’être assuré de la sauvegarde de ce qu’il a de plus précieux et, s’il est condamné à une peine privative de liberté, de bénéficier d’un traitement respectueux de ses droits en milieu carcéral.

    La procédure pénale est le thermomètre de la température démocratique d’un Etat, car elle est l’expression vivante des libertés publiques reconnues par l’Etat aux individus. C’est pourquoi, dit-on, là où l’Etat brime, opprime l’individu, on constate que le déroulement du procès pénal est rapide et secret ; on constate également que des pouvoirs excessifs sont accordés aux magistrats.

    En République Démocratique du Congo, sous le régime de la deuxième République, le constat était que la fonction de la procédure pénale était essentiellement placée sous la dépendance du Gouvernement – donc de l’exécutif. La justice était réduite au rang d’un service public. Mais, avec l’avènement de la Constitution du 18 février 2006, des avancées significatives sont à observer en la matière, bien que le chemin à parcourir soit encore long.

    Dans un Etat respectueux de l’individu et de ses droits, les pouvoirs des magistrats sont soumis à un contrôle, la procédure est publique et orale, l’indépendance du juge se trouve assurée et le contrôle populaire de la justice est consacré.

    29 H. PASCAL, Une certaine idée de justice, Paris, Fayard, 1973, p.142.30 J. MUKADI BONYI, La responsabilité des magistrats, étude comparative des droits congolais et

    français, Bruxelles, éd. CRDS, 2008, p.16

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    II. LE RESPECT ET LA SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

    Pour examiner la notion de respect et de sauvegarde des droits de l’Homme en République Démocratique du Congo, l’on peut se reporter à cinq périodes :

    l’époque coloniale (1885-1960) ; la Première République (1960-1965) ; la Deuxième République (1965-1990) ; la transition (1990 à 2006) ; la Troisième République (de 2006 à nos jours).

    A. Situation durant l’époque coloniale 31

    En 1885, l’Etat indépendant du Congo, propriété du Roi des Belges, n’avait pas de Constitution, et les règles régissant la conduite des étrangers et autochtones habitant le territoire congolais étaient déterminées par le Roi souverain.

    Lorsque le Roi des belges céda le Congo à la Belgique, celle-ci le dota d’une Constitution appelée « Loi sur le Gouvernement du Congo ou la Charte coloniale »

    Cependant, la loi adoptée le 18 octobre 1908 consacrait à l’alinéa 1er de son article 4 une discrimination du statut personnel entre les différents habitants de la colonie : des Belges, des Congolais immatriculés, des étrangers et des indigènes. En effet, aux termes de cet article, les Belges, les Congolais immatriculés dans la colonie et les étrangers jouissaient de tous les droits civils reconnus par la législation du Congo-Belge ; leur statut personnel était régi par leurs lois nationales tant qu’elles n’étaient pas contraires à l’ordre public.

    Sur le plan judiciaire, cette discrimination était marquée par l’existence des juridictions de natures différentes. La majorité des puissances coloniales avait opté pour le dualisme des institutions judiciaires lorsqu’il s’agissait d’organiser la justice de leurs colonies respectives. Ce choix était matérialisé par une dualité des instances judiciaires et de la procédure applicable. Ces puissances étaient confrontées aux problèmes que posait la présence, sur le territoire colonial, de deux classes de juridictions : l’une de civilisation autochtone, l’autre de civilisation occidentale. La première vivait sous l’empire des pratiques et usages locaux mal connus ; la seconde était soumise au droit importé de la métropole. Ainsi, à cette époque, la race des justiciables était un élément déterminant de la compétence matérielle de la juridiction répressive et de la procédure pénale applicable. Ce choix était matérialisé par une dualité des instances judiciaires et de la procédure applicable.

    31 Lire sur ce point, L. LOBITSH, La détention préventive, Mercuriale prononcée par le Procureur général de la République à l’audience solennelle de rentrée de la Cour Suprême de Justice du 16 octobre 1971, CSJ

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    Dans ce sens, les garanties relatives à la sauvegarde et au respect des droits de l’Homme n’étaient que sommairement consacrées par le décret du 11 juillet 1923 portant le 1er Code de Procédure Pénale du Congo, lequel fut modifié et complété plusieurs fois, notamment en 1926, 1927, 1930, 1936, 1938, 1940 et 1942. Il a donc fallu attendre après 1955, période marquée par la protection pénale internationale des droits de l’Homme, pour qu’un nouveau texte fût élaboré. C’est, en effet, du 06 août 1959 que date le décret portant Code de Procédure Pénale, encore en vigueur aujourd’hui.

    B. Situation des droits de l’Homme pendant la Ière République

    Sous le régime de la Ière République, le Code de Procédure Pénale, se fondant sur la sauvegarde et le respect des droits de l’Homme, fut soutenu par la Loi fondamentale de 1960 et la Constitution du 1er août 1964. Mais, en raison des troubles politiques qui émaillèrent l’histoire de la République Démocratique du Congo, les droits et libertés du citoyen étaient peu protégés et donc moins sauvegardés.

    C. Situation des droits de l’homme pendant la IIème République

    Il sied de signaler d’emblée que la beauté des textes juridiques relatifs à la sauvegarde des droits de l’homme contraste avec leur inapplication. Cela paraît comme un signe caractéristique de la IIème République. Toutefois, cette situation peut être examinée à un triple point de vue : politique, législatif et judiciaire.

    a. Du point de vue politique

    Le 04 février 1980, dans son discours prononcé devant le Conseil Législatif réuni en session extraordinaire, le Président de la République avait annoncé la création du Centre National de Documentation (C.N.D) en remplacement du Service de Sûreté Nationale. Il avait estimé, à l’époque, que la dénomination de ce service et les pratiques de ses agents n’étaient pas de nature à sécuriser la population.

    Le 31 octobre 1986 fut signée l’ordonnance n°86/268 portant création du Ministère des Droits et Libertés du Citoyen, dont l’objet consistait à recueillir et à examiner les recours et plaintes du citoyen injustement et irrégulièrement lésé dans ses droits ou atteint dans ses libertés par les pouvoirs publics, soit par décision de justice, soit par toute autre voie de droit lorsque toutes les voies de recours légalement autorisées auraient été épuisées ou inefficientes, ou encore que l’injustice dénoncée s’avérait flagrante.

    Par l’ordonnance n°90/151 du 08 août 1990 fut créé le Service National d’Intelligence et de Protection (S.N.I.P.) en remplacement d’anciens services de

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    sécurité. Le S.N.I.P. était chargé de rechercher, centraliser, traiter et analyser tous les renseignements relatifs à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat ainsi qu’à la sécurité des personnes.

    De manière plus concrète, ses attributions étaient réparties en huit missions : la recherche, l’interprétation et la diffusion des renseignements politiques,

    économiques, sociaux, culturels et autres intéressant la sûreté de l’Etat et des personnes ;

    la recherche et la constatation des infractions contre la sûreté de l’Etat et des personnes ;

    la surveillance des personnes soupçonnées d’exercer des activités subversives ;

    la protection de l’environnement politique garantissant l’expression normale des libertés publiques ;

    l’identification dactyloscopique et le contrôle des mouvements migratoires des nationaux ;

    la police des étrangers ; l’exécution, sur le territoire national, des lois et règlements concernant

    l’immigration et les émigrations ; l’application, en liaison avec les ministères du Gouvernement, de la

    législation et de la réglementation concernant les conditions de séjour des étrangers au pays ;

    la recherche des malfaiteurs signalés par l’organisation internationale de la police (INTERPOL).

    En conclusion, on peut considerer que, sur le plan politique, beaucoup de mesures ont été prises dans le sens de la sauvegarde des libertés publiques. Cependant, tout le monde sait que la pratique est allée en contre-sens de ce vœu pieux.

    b. Du point de vue législatif

    On peut indiquer, sur ce point, un certain nombre de textes de lois et règlements relatifs à la promotion des droits de l’Homme :

    la Constitution du 24 juin 196732; l’ordonnance-loi n°78/001 du 24 février 1978 relative à la répression des

    infractions intentionnelles flagrantes, laquelle, tout en se souciant de la rapidité de la répression, poursuit comme objectif d’éviter la lenteur du fonctionnement de la justice33;

    l’ordonnance-loi n°78-289 du 03 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions d’officiers et agents de Police judiciaire près les juridictions de droit commun34 ;

    32 Constitution du 24 juin 1967, JO., 8ème année, n°14, 15 juillet 1967, pp.564-576 33 J.O, n°6, 15 mars 1978, p.1534 J.O, n°15, 1er août 1978, p.7

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    la création de la Commission permanente de la réforme du droit congolais en 1976 ;

    institution à la Cour suprême de justice de la chambre de législation.

    c. Du point de vue judiciaire et de l’administration de la justice

    Les cours et tribunaux de la République démocratique du Congo ont plusieurs fois condamné lourdement les coupables d’abus de pouvoir, notamment en cas d’usage de tortures et de sévices. Mais il faut reconnaître que cela ne s’est pas produit de façon systématique, ce qui a donné l’impression que, sous la IIème République, les hauts cadres avaient bénéficié de l’impunité.

    On peut signaler que la Cour d’appel de Kinshasa avait courageusement et exceptionnellement condamné la République démocratique du Congo aux dommages-intérêts de l’ordre de 16 000 zaïres pour avoir maintenu un inculpé en détention préventive en dehors du terme légal35.

    Sur le problème capital de la sauvegarde et du respect des droits de l’Homme en République Démocratique du Congo sous la IIème République, l’essentiel pour la mise en place des mécanismes d’effectivité a été fait sur le plan législatif. Il demeure que dans la réalité du vécu judiciaire, politique, administratif et social, un long chemin reste à parcourir. Nombreuses ont été en effet les violations de droits de l’Homme.

    Il importe de déceler la raison de cette non-application afin d’en tirer des enseignements pour la IIIème République.

    D. La sauvegarde et le respect des droits de l’Homme pendant la période allant du 24 avril 1990 au 18 février 2006

    La période de transition au Congo a débuté le 24 avril 1990. Elle a connu trois moments :

    du 24 avril 1990 au 17 mai 1997 ; du 17 mai 1997 au 04 avril 2003 ; du 04 avril 2003 au 18 février 2006.

    Du 24 avril 1990 au 17 mai 1997

    Pendant cette période, la République Démocratique du Congo avait connu un certain nombre de Constitutions, notamment l’Acte constitutionnel de la transition issu de la Conférence Nationale Souveraine, dont le 2ème titre était consacré aux droits fondamentaux de l’individu.

    35 C.A, Kinshasa, Amisi Lindombe c/la république du zaïre, 1974

  • 32

    Du 17 mai 1997 au 04 avril 2003

    Le décret-loi constitutionnel n°003 du 27 mai 199736 a régi la République démocratique du Congo pendant cette période. Il est permis d’indiquer que les droits universellement reconnus à l’Homme étaient garantis et que, d’autre part, l’article 14 du même texte disposait que étaient abrogées toutes les dispositions légales et réglementaires qui lui étaient contraires. De ce fait, on peut se permettre de penser que, dans l’esprit du législateur, toutes les dispositions antérieures non contraires au décret-loi constitutionnel précité demeuraient valides.

    Du 04 avril 2003 au 18 février 2006

    La constitution qui a régi la transition de 2003 à 2006 résulte des résolutions du Dialogue intercongolais tenu du 25 février au 12 avril 2002 et de l’Accord global et inclusif sur la transition en République démocratique du Congo signé à Pretoria le 17 décembre 2002 et adopté à Sun City le 1er avril 2003. Le titre III de cette constitution37, qui est consacré aux libertés publiques, aux droits et devoirs fondamentaux du citoyen pose des principes selon lesquels, la personne humaine est sacrée et oblige l’Etat à la respecter et à la protéger. Il en résulte que nulle personne ne peut être soumise à la torture ni à des traitements inhumains, cruels ou dégradants. La constitution de 2003, comme par ailleurs ses devancières, consacre l’inviolabilité de la liberté individuelle et proclame la présomption d’innocence des personnes arrêtées, poursuivies et jugées. La constitution leur reconnait le droit à un procès équitable selon lequel, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement38. Ce principe a donné naissance à ce que le juge moderne appelle « l’égalité des armes »39, expression imaginée en vue d’exprimer à la fois l’exigence d’équité, d’indépendance et d’impartialité, mais aussi comme une composante autonome du procès équitable40.

    36 J.O., 38ème année, n°spécial, mai 199737 J.O, 44ème année, n°spécial, 5 avril 200338 Art. 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948 ; art. 14, §1, Pacte

    international relatif aux droits civils et politiques, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion le 16 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976.

    39 Cour Eur. D.H., Affaire NEUMEISTER c/ Autriche, 27 juin1968, Publications de la Cour européenne des droits de l’homme, Série A, 1968, p. 43, § 22 ; Cour Eur. D.H., Affaire DELCOURT c/ Belgique, 17 janvier 1970, Publications de la cour européenne des droits de l’homme, Série A, 1970, p. 15, § 28 ; Cour Eur. D.H., Affaire Ruiz MATEOS c/ Espagne, 23 juin 1993, Publications de la Cour européenne des droits de l’homme, Série A, 1993, p. 25, § 63 ; Crim., 6 mai 1997, Bull., janvier 1997, n° 170, p. 567 ; Cour de cassation, 3ème Ch. civ., 2 juillet 2003, Bull., 2003-III, n° 140, p. 126.

    40 TASOKI MANZELE Jm., L’enquête des juridictions pénales internationales, Thèse pour le doctorat en droit, Université de Paris I, Janvier 2011, p. 103 ; DINTILHAC Jean-Pierre, « L’égalité des armes dans les enceintes judiciaires », Cour de cassation, Rapport, 2003-II, Etudes et documents, Documentation française, 2003, p. 130

  • 33

    E. Les droits de l’Homme dans la Constitution du 18 février 2006

    La Constitution du 18 février 2006 consacre des avancées significatives sur l’indépendance de la justice – socle et fondement de la sauvegarde et du respect des droits de l’Homme. C’est pourquoi il est indiqué de considérer que la IIIème République est favorable au respect et à la sauvegarde des droits de l’Homme. Il reste que cette volonté soit concrétisée dans la pratique du droit.

    Le titre II de ladite Constitution s’intitule « Des droits humains, des libertés fondamentales et des devoirs du citoyen et de l’Etat ».

    Une autre illustration de cette affirmation tient à la place réservée aux Droits de la femme. En effet, longtemps marginalisée, la femme congolaise se voit restaurée dans tous ses droits civils et politiques. L’alinéa 1er de l’article précité impose aux pouvoirs publics de veiller à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et de prendre des mesures pour lutter contre toute forme de violence qu’elle pourrait subir dans la vie publique comme dans la vie privée. Il affirme, ce faisant, que la IIIeme République, qu’elle régit, entend faire recouvrer à la femme congolaise toute sa dignité.

  • 34

    F. Tableau panoramique des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par la République Démocratique du Congo41.

    Elément de politique criminelle et d’infractions découlant d’instruments internationaux ratifiés par la R.D.C

    Instruments internationaux Elément de politique criminelle Actes prohibés

    Instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme

    Déclaration universelle des droits de l’Homme

    Nécessité d’instituer des juridictions indépendantes et impartiales décidant, dans les conditions équitables et d’égalité, de la culpabilité ou non des personnes ; présomption d’innocence et de droits de la défense ; légalité des peines et des infractions ; l’application par le juge de la peine la plus légère ; obligation de s’acquitter des impôts,

    Atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de la personne ; toute forme de discrimination ; esclavage, traite des esclaves et toute forme de servitude ; tortures, peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; déni de la personnalité juridique de tout être humain ; arrestation et détention arbitraires ; exil des personnes ; immixtions arbitraires dans la vie privée (violation de domicile, de correspondance, atteinte à l’honneur et à la réputation) ; atteinte à la liberté de la circulation et du choix de la résidence dans le pays ( y compris la liberté de quitter son pays et d’y revenir) ; persécution politique ; atteinte au droit d’asile, à la liberté du mariage, au droit de la propriété privée ou collective, à la liberté de penser, de conscience et de religion, à la liberté d’opinion et d’expression, de réunion et d’association pacifique ; interdiction de la discrimination et de l’entrave à l’accès aux charges publiques ou à la direction des affaires publiques ; atteinte à l’obligation d’organiser des élections honnêtes, libres et périodiques, au suffrage universel, égal et secret ; atteinte à la liberté du travail et à la non-discrimination en matière d’emploi ; atteinte à la liberté syndicale ; atteinte à l’interdiction du travail illimité et au droit à un congé payé et périodique ; actes de discrimination à l’égard des enfants au regard du statut matrimonial de leurs parents ; actes d’intolérance ; atteinte au libre choix des parents quant au genre d’éducation à donner à leurs enfants ; atteinte à la propriété intellectuelle, scientifique, littéraire et artistique.

    41 BALANDA MIKUIN, cité par P. AKELE ADAU, in réforme du Code Pénal Congolais : Options axiologiques et techniques fondamentales, Kinshasa, éd. CEPAS, 2009, P.221.

  • 35

    Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux et culturels

    Liberté de tous les peuples de disposer d’eux-mêmes, de leurs richesses et ressources naturelles et de déterminer leur propre statut politique ; nécessité d’édicter des mesures spéciales de protection pour la femme et l’enfant ; protection de la moralité infantile.

    Actes de discrimination à raison du sexe dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels ; atteinte à ce droit de jouissance à l’égard de toute personne ; actes attentatoires au droit au travail, à la liberté du travail sans discrimination, à la liberté syndicale et au droit de grève ; actes d’intolérance et de toute forme d’inimitié entre les Nations et les groupes sociaux (race, ethnie ou religion).

    Pacte international relatif aux droits civils et politiques

    Peine de mort réservée pour les crimes les plus graves ; politique criminelle tendant à limiter la détention des personnes et le temps de leur jugement ; nécessité du contrôle du juge ; droit à la réparation en faveur de la victime d’arrestation ou détention illégale ; nécessité de tenir une comptabilité fiable du nombre de la population grâce à un enregistrement systématique des enfants à la naissance.

    Actes de l’Etat, des groupements et d’individu portant atteinte aux droits et libertés consacrés par le pacte ; génocide ; résidence forcée ; expulsion arbitraire des étrangers ; propagande en faveur de la guerre et de la haine (nationale, tribale, ou ethnique, régionale, raciale ou religieuse) ; atteinte aux droits de la famille ; non-enregistrement d’enfant à la naissance ; atteinte aux droits des minorités (ethnique, religieuse, linguistique, etc.).

    Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

    Obligation de faire dissoudre et de déclarer illégales ou d’interdire les organisations ainsi que les activités de propagande ou celles incitant à la discrimination raciale à l’encontre des fonctions du Gouvernement.

    Ségrégation raciale et d’apartheid ; propagande et toute organisation s’inspirant d’idées ou de théories fondées sur la supériorité d’une race ou d’un groupe de personnes d’une certaine couleur ou d’une certaine ethnie.

  • 36

    Convention internationale sur l’élimination du crime d’apartheid

    Les actes énumérés à l’art. 2 de la présente convention ne seront pas considérés comme des crimes politiques aux fins de l’extradition.

    Apartheid contre l’humanité (ainsi que les actes afférents) ; actes spécifiques d‘apartheid ; refus du droit à la vie et à la liberté aux membres d’un groupe racial (meurtre, atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale ; arrestation arbitraire ; emprisonnement illégal, etc. envers les membres d’un groupe en raison de la race); imposition délibérée d’un groupe racial à des conditions de vie destinée à entrainer sa destruction physique totale ou partielle ; interdiction faite à un groupe racial de participer à la vie politique, sociale, économique et culturelle ; institution des réserves de ghettos, etc. séparés destinés aux membres d’un groupe racial ; interdiction des mariages interraciaux ; exploitation du travail d’un membre d’un groupe racial ; exécution envers des groupes de personnes en raison de la race.

    Convention pour la répression et la prévention du crime de génocide

    Incrimination des crimes constitutifs de génocide tels qu’énuméré aux articles 2 et 3 ; absence de pertinence de la qualité officielle (les personnes ayant commis le génocide ou l’un quelconque des actes énumérés à l’art. 3 doivent être punis, qu’elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers ; le génocide et les autres actes énumérés à l’art. 3 ne doivent pas être considérés comme des crimes politiques aux fins d’extradition.

  • 37

    Convention pour la répression de la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d’autrui

    Obligation de considérer les actes ci-prohibés pour établir la récidive et prononcer des incapacités, la déchéance ou l’interdiction de droit public ou privé ; obligation de considérer les mêmes actes comme donnant lieu à l’extradition ; obligation pour les Etats à exécuter les commissions rogatoires pour les infractions visées dans la convention (art. 13 à 15) ; obligation pour les Etats de promulguer les règlements nécessaires pour la protection des immigrants ou émigrants, en particulier les femmes et les enfants ; de prendre des dispositions pour organiser une propagande appropriée dans les gares, les aéroports, les ports maritimes en cours de voyage et dans les lieux publics en vue d’empêcher la traite internationale des êtres humains aux fins de prostitution ; de prendre les mesures appropriées pour prévenir les personnes compétentes de l’arrivée des personnes paraissant manifestement coupables, complices ou victimes de la traite des êtres humains aux fins de prostitution ; engagement des Etats à faire recueillir les déclarations des personnes de nationalité étrangère qui se livrent à la prostitution, en vue d’établir l’identité et l’état civil et de rechercher la personne qui les a décidées à quitter leur Etat ; prendre des mesures appropriées en faveur des victimes de la traite internationale aux fins de prostitution.

    Actes de satisfaction des passions ; embauche, entraînement ou détournement des personnes, même consentantes, en vue de la prostitution ; exploitation de la prostitution d’une autre personne même consentante ; tenue, direction, financement ou contribution au financement d’une maison de prostitution ; le fait de donner ou de prendre sciemment en location tout ou partie d’un immeuble ou d’un autre lieu aux fins de la prostitution d’autrui ; tentative ou tout acte préparatoire accompli en vue de commettre les infractions visées aux arts 1 et 2 ; participation intentionnelle auxdits actes.

  • 38

    Convention contre la torture ou autres peines ou traitements inhumains, cruels et dégradants.

    Interdiction absolue de la torture même en état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique ou tout autre état d’exception ; l’ordre d’un supérieur hiérarchique ou d’une autorité ne peut être évoqué pour justifier la torture ; interdiction d’expulser, de refouler ou d’extrader une personne vers un Etat où il y a des motifs sérieux qu’elle risque d’être soumise à la torture ; obligation de combiner des peines appropriées en considération de la gravité d’actes de torture commis ; obligation de punir les auteurs d’infractions commises à bord d’ aéronefs ou de navires immatriculés dans l’Etat ; obligation de l’Etat d’extrader pour les infractions visées dans la convention ; les Etats parties à la convention qui ne subordonnent pas l’extradition à l’existence d’un traité reconnaissant lesdites infractions comme constituant des cas d’extradition entre eux dans les conditions prévues par le droit de l’Etat requis ; entre les Etats parties à la convention, les infractions visées sont considérées aux fins d’extradition comme ayant été commises tant au lieu de leur perpétration que sur le territoire sous la juridiction des Etats tenus d’étaler leur compétence en vertu de l’art. 5 ; les Etats s’accordent l’entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative aux infractions visées à l’art. 4 ; tout Etat partie à la convention assure à qui prétend avoir été soumis à la torture sur son territoire ou celui soumis à sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes ; obligation pour tout Etat partie de prévoir, dans son système juridique, le droit à la réparation et à l’indemnité équitable en faveur de la victime d’actes de torture ; nécessité pour les Etats parties à la convention d’interdire la prise en considération des déclarations obtenues à la suite d’actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture.

    Torture suivant la définition donnée à l’art. 1 ; tentative, complicité ou tout autre acte de participation à la torture.

  • 39

    Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des êtres humains, des institutions et pratiques analogues à l’esclavage

    Obligation faite aux Etas d’abolir progressivement jusqu’à l’abandon les institutions et pratiques d’esclavage ou les formes analogues ; tout esclave réfugié à bord d’un navire d’un Etat partie à la convention est ipso facto considéré comme libre ; nécessité de coopération et de communication des renseignements entre les Etats parties à la convention.

    Servitude pour dette ; servage ; toute institution ou pratique en vertu de laquelle la femme est donnée en mariage contre son gré moyennant une contrepartie ; cession à titre onéreux ou autrement d’une femme par son mari, par la famille ou le clan du mari ; transmission par succession d’une femme ; toute institution ou pratique en vertu de laquelle un enfant ou un adolescent de moins de 18 ans est remis par ses parents ou son tuteur à un tiers contre paiement ou non en vue de l’exploitation de la personne ou du travail ; traite des esclaves ; transport ou tentative de transport des esclaves d’un pays à un autre ou complicité à de tels actes ; actes ; mutilation ; marquage au fer rouge d’un esclave, complicité à des tels actes ; réduction en esclavage ou incitation d’autrui à aliéner sa liberté ou celle d’une personne à sa charge.

    Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

    Les fiançailles et le mariage d’enfant sont dépourvus d’effets juridiques ; nécessité pour l’Etat de fixer un âge minimum pour le mariage sur un registre officiel ; obligation faite aux Etats d’abolir progressivement jusqu’à l’abandon les institutions et pratiques d’esclavage ou les formes analogues à l’esclavage

    Toute forme de discrimination à l’égard des femmes ; trafic des femmes et leur exploitation en vue de la prostitution ; licenciement d’une femme pour cause de grossesse ou de congé de maternité ou pour des raisons tenant au statut matrimonial.

    Convention sur les droits politiques de la femme

    Discrimination à l’égard de la femme en matière électorale ou en matière d’accès aux fonctions publiques.

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    Convention relative aux droits de l’enfant

    Nécessité pour l’Etat d’élaborer des mesures appropriées protectrices de l’enfant contre toutes formes de violence, d’atteinte ou de brutalité physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris les violences sexuelles ; obligation pour l’Etat de fixer un âge minimum pour l’emploi des émigrants et des règlements appropriés des horaires de travail et des conditions d’emploi des enfants ; interdiction d’infliger la peine capitale à l’enfant et l’emprisonnement à vie ; obligation de traiter l’enfant avec humanité et le respect dû à sa dignité ; interdiction de faire participer aux combats les personnes n’ayant pas atteint l’âge de 15 ans ; interdiction d’enrôler dans les forces armées toute personne n’ayant pas atteint l’âge de 15 ans ; nécessité pour les Etats de prévoir des mesures protectrices des enfants qui sont touchés dans un conflit armé.

    Non-enregistrement d’enfant à la naissance ou enregistrement tardif ; le fait d’empêcher un enfant de connaître ses parents ou d’être élevé par eux ; enrôlement d’enfants dans les forces armées ; placement illicite des enfants à l’étranger ; participation des enfants aux combats ; atteinte à la liberté d’opinion de l’enfant ; violence sexuelle ; immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée ou familiale de l’enfant, atteinte illégale à son honneur et à sa réputation ; exploitation économique et soumission à un travail à risque pour son éducation, sa santé, son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ; usage illicite de stupéfiants et des subsistances psychotropes ou l’utilisation des enfants pour la production et les trafics illicites de ces substances ; enlèvement, vente ou traite d’enfant à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit ; tortures, peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants envers les enfants.

    Politique criminelle et infractions découlant des conventions de Genève du 12 août 1949

    Première Convention de Genève relative aux blessés et aux malades dans les forces armées en campagne

    Protection sans distinction aucune des membres des forces armées qui ont déposé les armes et les personnes mises hors des combats ; obligation de recueillir et de soigner les blessés et les malades ; obligation de respecter et de protéger les membres des forces armées en toute circonstance ainsi que les blessés, les malades et les personnes visées à l’art. 13 ; sont considérés comme prisonniers de guerre les blessés et les malades d’un belligérant tombé au pouvoir de l’adversaire ; obligation de recherche et d’évacuation des blessés ; obligation d’enregistremen