Manuel de la radio communautaire; 2005 - UNESDOC...

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MANUEL DE LA RADIO COMMUNAUTAIRE MANUEL DE LA RADIO COMMUNAUTAIRE

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  • MANUEL DE LA RADIO COMMUNAUTAIREMANUEL DE LA RADIO COMMUNAUTAIRE

  • Manuel de la Radio Communautaire

    Colin Fraser et Sonia Restrepo Estrada

    UNESCO 2001

  • Remerciements

    Nous remercions les personnes et les organisations suivantes pour leur assistance prcieuse et leur soutien : Maria Victoria Polanco, Sophie Ly et Elvira Truglia de

    lAssociation Mondiale des Radios Communautaires (AMARC), David Shanks de lAssociation des Communicateurs Chrtiens; Martin Allard de Mallards Concept Ltd.,

    Lawrie Hallet de lAssociation des Mdias Communautaires du Royaume-Uni et les auteurs des cinq tudes de cas : Louie N. Tabing, Ian Pringle, Alex et Wilna Quarmyne,

    Zane Ibrahim, Adams et Bruce Girard.

    Nos remerciements vont tout particulirement Louie Tabing, dont le travail de pionnier dans la conception et le lancement de vritables radios communautaires ainsi

    que les crits prolifiques sur le sujet nous ont beaucoup inspirs dans la rdaction de cet ouvrage.

  • De nombreux travaux de recherche ont t consacrs aux mdias de masse. Selon les spcialistes en communication, plusieurs classes sociales, communauts et minorits nonttoujours pas accs linformation et aux moyens dexpression. Les travaux mettent laccentsur le rle dterminant des mdias locaux, notamment des petites structures dont la proximitpermet de combler ce vide.

    Au cours des deux dernires dcennies, lUNESCO a ralis diverses tudes et publi desmonographies sur les mdias communautaires. La premire monographie publie parlUNESCO sur les mdias communautaires sintitulait Access: Some Western Models ofCommunity Media, par Frances Berrigan, en 1977 ; en 1981, lauteur a tendu son enquteaux pays en dveloppement dans une tude intitule Les moyens de communication commu-nautaires Le rle des media communautaires dans le dveloppement (n 90 de la srie Etudeset documents sur la communication). Quelques annes plus tard, Peter Lewis dirigeaitltude de lUNESCO sur Le rle des mdias en zones urbaines (1984), dans laquelle il a rassembl plusieurs tudes de cas, ainsi que les conclusions de deux sminaires derecherche sur les mdias communautaires en milieu urbain.

    Au cours des annes suivantes, lUNESCO a entam linstallation de radios communautairesen Afrique (Homa Bay en 1982) et en Asie (Mahaweli en 1980 et les radios communautairesTambuli en 1982). Le dveloppement de la vague des radios communautaires a fait lobjetdun chapitre du Rapport sur la communication dans le monde dit par lUNESCO en 1989.

    Selon lUNESCO, la radio communautaire a pour but de donner la parole ceux qui ensont privs, de servir de porte-voix aux populations marginalises ; elle se situe au cur duprocessus de communication et de dmocratisation des socits. La radio communautairepermet aux citoyens de faire connatre leurs points de vue sur les dcisions qui les concernent.Les notions de transparence et de bonne gouvernance prennent une nouvelle dimension etcontribuent au renforcement de la dmocratie. La radio communautaire amplifie les effortsde dveloppement des populations rurales et des couches dfavorises des villes, du fait desa capacit exceptionnelle faire partager en temps rel des informations essentiellesconcernant le dveloppement, les perspectives davenir, les expriences, les connaissancespratiques et les questions dintrt gnral. Le faible niveau dalphabtisation de ses auditeurset sa capacit sensibiliser les femmes et ne pas les considrer comme des objets ou desimples auditrices cibles, mais comme des participantes actives et valables, tous ces lmentsfont de la radio communautaire un des outils les plus promoteurs du dveloppement communautaire. Cette conviction a t conforte par le projet spcial de lUNESCO intitulLes femmes parlent au femmes utilisant les stations de radios communautaires en faveur delmancipation des femmes.

    A lre du multimdia et de la communication en ligne, les capacits de la radio commu-nautaire susciter de vritables dbats et crer la demande dInternet sont en pleinecroissance. Lexprimentation de Radio Kothmale sur l'Internet au Sri Lanka prouve que lesstations de radio sont capables de promouvoir et de mettre profit l'Internet au service descommunauts rurales, au-del des barrires linguistiques et du manque dinfrastructures.Lutilisation de la radio et la navigation sur l'Internet permettent dapporter des rponsesaux proccupations immdiates des auditeurs, de partager les informations et les connaissancesacquises par le biais dInternet dans lintrt de la communaut tout entire, qui simpliqueet largit son horizon grce ces nouvelles perspectives.

    Dans ce contexte de dfis, je suis persuad que ce manuel contribuera aider les diffrentsacteurs de la communication, techniciens, producteurs et ralisateurs des stations de radiocommunautaires faire un meilleur usage de leurs mdias au service du dveloppementcommunautaire, en incitant les populations communiquer entre elles pour mieux identifierleurs besoins et rsoudre leurs problmes.

    Ce manuel est bas sur lexprience et les ides novatrices dexperts en communicationet de professionnels auxquels jadresse toute ma reconnaissance pour leur contribution: leregrett Jake Mills, ancien directeur technique de la Radiotlvision du Ghana, qui a conule prototype du mixeur de son; Martin Allard, ingnieur en lectronique, constructeur duprototype de lmetteur de lUNESCO ; Alex Quarmyne, ancien conseiller rgional delUNESCO pour la communication en Afrique et chef du projet Homa Bay au Kenya, la premire radio communautaire dAfrique. Je tiens exprimer ma reconnaissance particulire Carlos Arnaldo, ancien chef de la Section de la politique et de la recherche en communication,en sa qualit de chef du projet de radio communautaire Mahaweli; Georges Dupont, ingnieurUNESCO Division du dveloppement de la communication; Wijayananda Jayaweera,conseiller rgional de lUNESCO pour la communication en Asie et initiateur du projet deradio Kothmale Internet; Kwame Boafo, du Secteur de la communication de lUNESCO etLouie Tabing, chef du projet de radio communautaire Tambuli et crateur du "Village surles ondes", pour le temps quils ont bien voulu consacrer la ralisation de ce document etpour leurs commentaires enrichissants.

    Je remercie galement Colin Fraser et Sonia Restrepo Estrada, les auteurs de ce manuel,pour avoir compil et analys toutes ces expriences en vue de leur publication.

    Claude OndoboSous-Directeur gnral adjoint

    Secteur de la communication et de linformationDirecteur de la Division de la communication

    PREFACE

  • Prface iii

    Introduction 1Chaque communaut a le droit de crer sa propre station de radio 1

    Chapitre 1 : Les radios communautaires dans le paysage audiovisuel 5

    La radio communautaire et la mondialisation des mdias 7

    L'volution de la radio communautaire 8

    Une initiative de l'UNESCO 11

    Annexe 1 : La radio des mineurs en Bolivie 15

    Annexe 2 : Radio Sutatenza / ACPO en Colombie 16

    Chapitre 2 : Spcificits et fonctions de la radiocommunautaire 17

    Les caractristiques essentielles de la radio communautaire 17

    Les fonctions de la radio communautaire 20

    Annexe 3 : L'engagement des femmes 25

    Chapitre 3 : Les aspects juridiques 27

    Des lgislations ingales et arbitraires 27

    LAfrique dans le peloton de tte 27

    La longue controverse sur la radio communautaire en Asie et en Inde 29

    La lgislation dans quelques pays d'Amrique latine 31

    LEurope occidentale en quelques exemples 32

    Convergences et divergences entre les lgislations 33

    La demande de licence 34

    Chapitre 4 : Les aspects techniques 35

    Le cadre technique 35

    L'quipement de radiodiffusion 37

    La fiabilit et la maintenance 41

    L'amnagement du studio 42

    La topographie d'une radio communautaire 43

    Les perspectives davenir 43

    Les conseils d'un spcialiste 46

    Annexe 4 : L'quipement type d'une station de radio communautaire finance par l'UNESCO 47

    Chapitre 5 : Le dmarrage 49

    Le cadre lgal 49

    La prparation au sein de la communaut 50

    L'importance du cahier des charges 52

    Le rle des institutions religieuses 53

    Le rle des instances ducatives locales 53

    L'implication des politiques 53

    Le choix de lemplacement de la radio communautaire 53

    Annexe 5 : Limplication des politiques dans la radio communautaire 54

    Le choix d'un modle 54

    La puissance de l'metteur 55

    La proprit et la gestion 55

    La programmation 56

    Le personnel 56

    La viabilit 56

    La recherche de fonds extrieurs pour le dmarrage 58

    Annexe 6 : Les principaux facteurs prendre en compte pour la cration d'une radio communautaire 58

    Chapitre 6 : La programmation 61

    Les programmes participatifs 61

    L'information communautaire 64

    L'quilibre des points de vue 64

    La couverture des vnements culturels et religieux 65

    La couverture des lections locales 65

    Les missions ducatives 66

    Les enqutes d'opinion 67

    Chapitre 7 : Le radiodiffuseur communautaire 69

    Le code de conduite 69

    Un exemple de code de conduite 70

    La slection des radiodiffuseurs communautaires 74

    La formation des radiodiffuseurs communautaires 75

    Chapitre 8 : Les tudes de cas 79

    Radio Olutanga (projet Tambuli) aux Philippines 79

    Radio Sagarmatha au Npal 85

    Radio Ada au Ghana 91

    Radio Bush en Afrique du Sud 97

    Radio Chaguarurco en Equateur 103

    Table des matires

  • Communauts et communication

    "Les gens vivent en communaut en vertu des valeursquils partagent; et la communication traduit leurvolont de possder des choses en commun" (1).

    Il existe dans le monde plus de20 000 stations de radio et plusde deux milliards de rcepteursradio. Lide selon laquelle la tlvision ou toute autre formesophistique de technologie delinformation va remplacer la radiona aucun fondement, dautantque la radio est en constante volution. Ses ondes atteignentquasiment lensemble de la plante.Cest le premier moyen de com-munication lectronique despauvres car il leur permet de franchir les barrires de lisolementet de lanalphabtisme, cest gale-ment le mdia lectronique le plusaccessible en terme de diffusion etde rception.

    Les deux dernires dcennies ontt marques par une croissancerapide du nombre et de la popularitdes stations de radio communau-taires. Cette volution sexplique parles processus de dmocratisationet de dcentralisation en coursdans plusieurs rgions du monde,la libralisation des mdias et laremise en cause du monopoleexerc par les organes tatiques etune certaine dsaffection vis--visdes chanes commerciales.

    Par ailleurssaccrot la prisede consciencedes progrsconomiqueset sociaux quep o u r r a i te n t r a n e r l a c c s d el'homme de la rue des informa-tions utiles. De plus, il est videntque lorsque les gens, notammentles plus pauvres, sont impliqusdans les processus de communica-tion et de recherche de consensuspour la rsolution des problmesauxquels ils sont confronts, celaleur permet de sortir de leur apathie traditionnelle et les incite se mobiliser et sorganiser poursentraider.

    CHAQUE COMMUNAUTA LE DROIT DE CRER SAPROPRE STATION DERADIO

    La cration dune petite station deradio nest pas aussi complique etonreuse quon le pense. Les exp-riences menes dans de nombreuxpays prouvent que cette entrepriseest la porte de presque toutesles communauts.

    La volont communautaire estessentielle

    Pour quune communaut puissecrer sa propre station de radio, illui faut imprativement dvelopperune cohsion interne et uneconscience communautaire. Sesmembres doivent manifester unevolont de travailler ensemble, de mettre en commun leurs res-sources, et de parvenir unconsensus sur le fait que cetteradio permettra de faire progresserleur communaut.

    Dans le consensus qui motive ladcision de cration dune radiocommunautaire, la communautdoit analyser ses besoins en com-munication et dterminer dansquelle mesure la radio pourrait lessatisfaire. La conception tradition-nelle du dveloppement supposeun soutien lagriculture, lasant, lducation etc, et la

    "Tout individu a droit la libert dopinion et dexpression, ce qui implique le droit de ne pas treinquit pour ses opinions et celui de chercher, derecevoir et de rpandre, sans considration de frontires, les informations et les ides par queqluemoyen dexpression que ce soit "

    Article 19 de la Dclaration universelle des droits de lHomme.

    "La radio communautaire s'inscrit dans un processus social qui associe les membres de lacommunaut l'laboration, la production et la diffusion de programmes; elle leur permet ainside devenir les acteurs rels de leurs destines ;quil sagisse dun problme aussi banal que larconciliation avec ses voisins, ou la participa-tion une campagne de sensibilisation de la communaut lutilisation de leau potable et son assainissement,ou llection de nouveaux dirigeants.Laccent est mis sur les efforts dploys par les membresde la communaut eux-mmes, en faveur du dveloppe-ment, de la dmocratie et de lutilisation des mdias, enloccurrence la radio, pour y parvenir. Il sagit dune communication participative dans le plein sens du terme(et non de programmes raliss leur intention par destiers!). Plutt quune technologie ou un simple moyen,cest surtout un processus auquel les gens participent, etqui tient compte des messages des auditeurs.La radio communautaire est surtout utile pour un groupede personnes qui vivent et agissent comme une communaut,quil sagisse de plusieurs familles, de plusieurs voisins,ou mme de plusieurs villages ou communauts, mais leplus important est quils communiquent entre eux. Cestpourquoi je considre une radio communautaire comme lacommunication entre les communauts qui poursuivent desobjectifs communs".

    Carlos A. Arnaldo

    Introduction

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    Studio principal dune radio communautaire au Burkina Faso.

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    cration dune radio communautairenest pas considre dordinairecomme une priorit. Mais unecommunaut qui fait une analysedtaille de ses besoins et rflchitaux origines de ses problmes et sa marginalisation, parvient souvent la conclusion quil faut tablir des liens de communication quipermettent aux gens de partagerune vision commune des objectifs atteindre. Cest la premiredmarche d'une communaut quiveut crer sa propre station deradio.

    La production de programmes nencessite pas des connaissancesexceptionnelles

    Les aptitudes professionnelles ncessaires la gestion dune stationet la production de programmes ne sont pas au-dessus des capacitsdune communaut ordinaire.Malheureusement, lorientationcommerciale et/ou tatique de laradio donne limpression aux gensque ces critres professionnels reprsentent la norme, et ils ont dumal imaginer quune radio bonne et performante puisse tre encoremoins formaliste. Ils ne ralisent pasnon plus que lutilit et limpactdune production mdiatique dpendent davantage de lintrtque le public y trouve que de sa qualit formelle.

    Cela ne signifie pas que la qualit desprogrammes soit moins importantesur le plan de leur structure et de leurniveau technique. Ainsi, la mauvaisequalit de son de certains pro-grammes difficiles suivre rsultesouvent dune mauvaise utilisationdu matriel denregistrement.Toutefois, en ce qui concerne la radiocommunautaire, lexprience prouveque, lorsque les gens sont motivs etenthousiastes, ils parviennent matriser les techniques de base de laradiodiffusion au bout de quelquessemaines de formation. Et lorsquilscommencent acqurir de lexp-rience pratique en matire de production, leur bagage s'amliorede faon remarquable. Ils atteignentrapidement des niveaux de perfor-mance trs satisfaisants.

    Les cots et lquipement technique ne sont pas prohibitifs

    Lquipement ncessaire uneradio communautaire est robuste,sentretient facilement, et nencessite pas lassistance ding-nieurs en radiodiffusion au-deldune petite formation initiale. Lescots sont en constante diminution.Pour une radio communautairetraditionnelle, le cot normal desquipements se situe lgrementau-dessus de 20 000 dollars desEtats-Unis. Pour une diffusion

    minimale, il en existe mme sousforme dune valise de 16 kilos, quicontient un metteur de 5 watts,un mixeur audio six voies, deuxlecteurs de disques compacts, deux magntophones enregistreurs-lecteurs de cassettes et une antenne,pour un cot total denviron 3 000 dollars des Etats-Unis.

    On trouve galement des rcep-teurs de radio FM quips dunpanneau solaire permettant soit defaire fonctionner la radio soit derecharger une batterie. La nuit, laradio peut fonctionner laidedune dynamo qui, actionne lamain pendant deux minutes, gnreun temps d'coute de 30 minutes.Les fabricants de ce type dquipe-ments destins la radio commu-nautaire ont tendance mettre laccent sur la simplicit dinstalla-tion, dutilisation et de maintenance.Dailleurs, les populations localesfont souvent preuve dune extraor-dinaire capacit dadaptation etdingniosit. Par exemple, au Cap-Vert, lUNESCO a aid les techniciens locaux installer unpremier metteur sur une le.Cependant, les techniciens taienttellement passionns et pleinsdinitiatives que, par la suite, ils ontrussi en installer deux autres afinde pouvoir disposer dun metteursur chacune des trois principales

    Mdias et dveloppement

    "Les pays en dveloppement se caractrisent par leurisolement sur le plan des ides et de linformation,ainsi que dans le domaine des services. La moindre deschoses quand on veut soumettre une question auxgens, cest de les informer des tenants et aboutissants:les effets court terme et les implications longterme, de quelle manire les dcisions prises dans undomaine peuvent avoir de linfluence sur une planifica-tion future. Les moyens de communication devraientpouvoir diffuser les informations de cette nature" (2).

    Les auditeurs sont nos seuls juges

    "Il est fort regrettable que des soi-disantprofessionnels de la radio aient instaur certains critres artistiques de production qui pourraientdcourager les villageois. Ironie du sort, les missionsralises par ces prtendus professionnels ne sont pascomparables celles ralises par des villageois inexpriments. Les professionnels oublient que cesont les auditeurs qui jugent en dernier ressort" (3).

    Nayez pas peur de la radio !

    "Personne ne devrait avoir peur dutiliser la radio.Jai anim une mission pendant prs dun quart desicle et je ne connais rien de la partie lectroniquede la radio. Aujourdhui encore, je ne suis pas enmesure dexpliquer comment ma voix est traite ettransporte jusquau rcepteur familial, peut-tresitu mille lieues" (5)

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    les. Sans tenir compte du fait queles pices dorigine disponibles suffisaient peine pour faire fonctionner une station. En outre,ils ont galement reli les trois stations par-del des distancesapparemment insurmontables quiles sparent sur le terrain, et formun rseau de partage des programmes suivant un horairequotidien compliqu. (4)

    1.John Dewey, (1916), cit par Elisabeth Blanks Hindmann, dansCommunity, Democracy and Neighbourhood News, Associationinternationale de la communication (1988).

    2. Frances J. Berrigan, "Les mdias communautaires et le dveloppement", Etudes et documents sur la communication,n 90, Unesco, (Paris, 1981).

    3. Louie Tabing,, La production de programmes radio de proximit, Projet Tambuli, Unesco/Danida, Philippines.

    4.Martin Allard, "L'ouverture des ondesLe dveloppement desradios communautaires ", UNESCO Sources, n 21 (1990).

    5. Louie Tabing, directeur du projet Tambuli, Unesco/Danida,Philippines.

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    A Ibahay, sur lle dAklan, dans le sud des Philippines, Mang Vincente joue sur une flte fabrique avec un tuyau de plomberie !

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    A la Barbade, aprs le lancement par lUNESCO titre exprimental dune radio communautaire en 1995, lors de la Confrence Mondiale sur lEnvironnement, les tudiants du Barbados Community College ont pris la direction de la station et continuent la faire fonctionner sous lappellation de " Radio GED ".

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  • Chapitre 1Les radios communautaires dans le paysage audiovisuel

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    Une dclaration de principe

    La radio communautaire rpond aux besoins de lacommunaut quelle sert, elle contribue son dveloppement dans une perspective dvolution versun progrs social. La radio communautaire sefforcede dmocratiser la communication grce la praticipation communautaire sous diffrentes formes en fonction du contexte social local

    Association mondiale des radios communautaires(AMARC) 1998.

    C e chapitre dcrit la place de la radio communautaire dans le paysage audiovi-suel et explique la diffrence essentiellede conception par rapport au service publicclassique ou aux radios commerciales. Lexpos met laccent sur limportance de laradio communautaire dans le processus encours de globalisation des mdias.

    Lvolution de la radio communautaire et lexprience de ses cinquante premiresannes sont dcrites et mises en perspectiveen fonction des types de proprit dans laradiodiffusion, des techniques et des tendances rcentes en faveur de la dmocratisation et de la dcentralisation.

    Le lecteur y trouvera des informations concernant:

    une meilleure comprhension de la spcificitde la radio communautaire par rapport dautres types de radiodiffusions;

    une meilleure comprhension de la place etde limportance quelle occupe dans le processusde globalisation des mdias;

    les connaissances de base, quelques expriences locales de terrain et les facteursqui ont marqu lvolution de la radio communautaire;

    Ce cadre thorique permet dacqurir les basessolides dune connaissance pratique et dunsavoir-faire qui seront dvelopps dans les cha-pitres suivants.

    La radiodiffusion peut se dcliner en trois catgoriesprincipales:

    Le service public de radiodiffusion est gnrale-ment administr par une entit statutaire, qui est souvent - mais pas ncessairement - une socit d'Etatou de droit public. Sa politique gnrale et sa program-mation sont places sous le contrle dun organismepublic, un conseil ou une autorit constitue en vertud'une loi. Cet organisme veille ce que la radio offre desprogrammes dinformation, dducation et de divertis-sement aux citoyens et la socit en gnral, indpen-damment du gouvernement, des partis politiques oud'autres groupes dintrt. Les frais de fonctionnementproviennent pour l'essentiel de laredevance acquitepar les auditeurs / tlspectateurs qui ont de rcepteurs domicile.

    La radio prive ou commerciale propose desprogrammes dont lobjectif premier est de raliserdes profits partir des rentres publicitaires ; elleappartient des personnes prives qui la contrlent,ou des entreprises commerciales.

    La radiodiffusion communautaire est un moyende communication sans but lucratif, qui appartient une communaut particulire qui la gre, en gnralpar le biais dune socit, dune fondation, ou duneassociation. Son but est de servir les intrts de cettecommunaut. Il sagit en ralit dune forme de servicepublic de radiodiffusion, mais qui servirait une 5

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    communaut plutt que la nationtout entire, ce qui correspond laforme habituelle du service publicdcrite plus haut, dautant quellerepose et doit reposer essentielle-ment sur les ressources de la com-munaut. La communaut se dfinitcomme un groupe de personnesqui partagent des caractristiques et / ou des intrtscommuns. La communaut dint-rts devrait tre base sur :

    - lappartenance une zone go-graphique commune, c'est--diredes personnes vivant dans uneville, un village ou ayant des liensspcifiques de voisinage;

    - le partage dune mme vie cono-mique et sociale par le biais ducommerce, du marketing, deschanges de biens et de services.

    Malheureusement, cette belle classification de la radiodiffusionen trois catgories est moins vidente en pratique, dans la mesureo les combinaisons et chevauche-ments peuvent coexister. Parexemple, une radio locale commer-ciale peut aussi diffuser des pro-grammes vocation communautaire ;une station de radio qui appartientet est gre par une ONG, parexemple une institution religieuse,peut consacrer l'ensemble de sesmissions de tels programmes; demme, on assiste de plus en plus

    une dcentralisation du servicepublic dEtat vers des radios localesdont les programmes sadressentaux communauts environnantes.

    Comme on peut le constater, ilnexiste toujours pas de dfinitionni de description unique de la radiocommunautaire. La situation secomplique davantage du fait de lavarit des termes appliqus laradiodiffusion de proximit : radio"locale", "alternative", "indpen-dante", ou "libre". Tous ces termesmanquent de prcision. Parexemple, le terme "radio locale"pourrait galement faire rfrence une exploitation dcentralise, unepetite station commerciale d'unechane publique ou dune petiteradio prive. "Alternative" et "libre"sont des termes tout aussi imprcis,mme si dans le contexte de laradio, ils sont habituellement compris dans le sens dune alterna-tive aux mdias de masse domi-nants, indpendants du contrlegouvernemental. Ainsi dfinis, ilss'inscrivent logiquement dans leconcept de radio communautaire,mais ce nest pas forcment le cas.

    Il existe plusieurs similitudes entreles diffrentes dfinitions de laradio communautaire qui ont tformules. Une simple phrase, facile retenir, suffit parfois bien lesrsumer: "la radio par le peuple et

    pour le peuple". Cette phrase faitbien ressortir le principe essentielpour quune radio soit considrecomme une vraie radio commu-nautaire. Elle doit, premirement,tre gre par la communaut;deuximement, son but doit trede servir la communaut.

    Lapplication stricte de ces deuxprincipes signifierait quune radioappartenant une ONG sans butlucratif et gre par elle, ne seraitpas forcment considre commeune vritable radio communautaire,mme si l'essentiel de sa program-mation tait destine au dvelop-pement communautaire. Cest lecas de nombreuses radios dirigespar des organisations religieuses,mais en ralit le terme "radio communautaire" est souvent tendu ce type dactivit.

    Prenons lexemple de Radio Maria:cre en 1983 partir dune simpleparoisse situe dans le Nord delItalie : elle couvre actuellementlensemble du pays et possde desstations dans 21 pays trangers.Bien quelle sinvestisse beaucoupdans les services sociaux et le dve-loppement communautaire grceaux bnvoles et aux aides sponta-nes quelle reoit de la part desauditeurs, Radio Maria remplitpour l'essentiel une mission dvanglisation.

    Une dfinition

    "Une radio communautaire se caractrise par sespropritaires, sa programation et la communautquelle se propose de servir. Elle appartient uneorganisation sans but lucratif qui la contrle, et dontla structure stipule que ladhsion, la gestion,lexploitation et les programmes sont

    essentiellement assurs par l'ensemble des membresde la communaut. Sa programmation doit favoriserlaccs et la participation aux activits de la communaut et reflter les besoins et les intrtsparticuliers du public auquel elle est destine" (1).

    L'utilisation de la radio par des personnes non inities - le point de vue dun praticien

    Faire de la radio cest simplement se parler les unsaux autres. Les radios Tambuli ont simplement choisidoffrir davantage doccasions aux gens de sadresser un grand public et de faire partager le plus largement possible une srie d'ides sur leurs proccupations immdiates (2).

    Lexploitation et la gestion communautaire

    Le terme 'radio communautaire' suppose que le titrede proprit et le contrle de la station sont clairement et indiscutablement aux mains de la communaut dont elle dfend les intrts (3).

  • La bataille entre les mdias commerciaux et lesmdias communautaires

    " Les grands mdias commerciaux restent ngatifs sur lesujet des mdias communautaires. Ils sont convaincus quesi les mdias communautaires rpondent parfaitement auxbesoins des communauts locales, ils ne sont pourtant pascomplmentaires, mais restent bien des concurrents.La prsence des uns exclut celle des autres" (5).

    Afin de lever toute quivoqueconcernant la dfinition dunevritable radio communautaire, ilconviendrait peut-tre de se rfrer la citation suivante; elle rsumetoute la philosophie de la diffrenceentre une radio communautaire etune radio commerciale ou de service public :

    "La radio communautaire met laccent sur le fait quelle nest pascommerciale et quelle refuse deprendre la posture de prescripteurpaternaliste du service publicLa diffrence fondamentale rsidedans le fait que les radios commer-ciales ou de service public considrentles auditeurs comme des objets captifs livrer aux annonceurs ou duqueret informer ; la radio communautai-re les traite en sujets et partenaires" (4).

    Cette classification des radiospubliques et des radios commer-ciales dans la catgorie des pres-cripteurs, qui traitent les auditeurscomme des objets, est importantecar mme quand elles diffusentleurs programmes dits de servicecommunautaire, elles demeurentsouvent dans le registre de la pres-cription. Cette conception estcontraire la notion de participa-tion sur laquelle est base la programmation de la radio communautaire.

    LA RADIO COMMUNAUTAIRE DANSLA MONDIALISATION DES MDIAS

    Ces dernires annes ont t fortement marques par la mon-dialisation des mdias. Les entre-prises de communication se sontregroupes en mastodontes etinondent progressivement le mondede leurs programmes. Certainspays sont galement devenus degrands centres de production deprogrammes succs, notammentde divertissements quils vendentaux chanes de tlvision dumonde entier. Cest le cas notam-ment des feuilletons amricains.

    Nanmoins, une enqute d'opiniona rvl que les tlspectateurs ontune prfrence pour les missionsqui valorisent leur culture pluttque les cultures importes. Cest laraison pour laquelle les pro-grammes raliss dans les pays endveloppement tels que le Brsil,la Chine, l'Egypte, l'Inde etlIndonsie gagnent dsormaisdimportantes parts de marchdans les grands mdias commer-ciaux.

    Certaines personnes considrentque la globalisation des mdiascorrompt gravement les cultureslocales, tandis que dautres attestent

    quelle renforce la perception dumonde dans son ensemble, et est,de ce fait, bnfique. Ils relvent lacomplmentarit entre les mdiasinternationaux et les mdias communautaires, les uns remplis-sant des fonctions importantesque les autres ne peuvent satisfaire.Et cest certainement le cas.

    Par dfinition, les mdias interna-tionaux ont une fonction commer-ciale et ils ont besoin dattirer denombreux tlspectateurs pourvendre leurs espaces publicitaires.Par consquent, ils diffusent desprogrammes destins atteindrela fibre sensible commune au plusgrand nombre de tlspectateurs,par le biais de formats de divertis-sement prouvs et plutt classiques, sinon ordinaires. Lafaible varit des programmes estdans ces conditions gnralementattribue l"autocensure" dumarch, dont lunique critre deslection est le divertissement.Cependant, il est vrai que les gouvernements ont tendance semontrer plus tolrants avec lesradiodiffuseurs privs dont lacti-vit se limite au divertissement, etqui ne sengagent pas dans ledomaine plus incertain de linfor-mation et de lactualit. Toutes ces raisons permettent de com-prendre pourquoi les sujets socio- 7

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    Une communication globale?

    "Dans son roman 1984, George Orwell mettait en gardecontre le risque de contrle de la socit par Big Brother.Sommes-nous en train de le vivre aujourd'hui, quand tantde gens vivant dans des communauts pauvres sontinfluencs par la vision occidentale dominante d'une soci-t de consommation riche? Orwell sest beaucoup intress aux drives socialistes de lre lindustrielle.Mais peut-tre voulait-il mettre en garde contre le

    contrle de la socit par un pouvoir politique dmocratique affaibli par les drives de l'industrialisationet le recours facile la mondialisation des mdias" (6).

    La force de lapproche locale

    "La meilleure stratgie pour une station de radio communautaire consiste offrir des programmes quaucuneautre radio nest en mesure de proposer, cest--dire desprogrammes contenu et parfum localLa station de

    radio locale doit mettre l'accent sur cet ancrage qui fait saforce problmes, proccupations, personnalits et vnements locaux. Si une station de radio locale a la possibilit deffectuer rgulirement un tour dhorizon complet de lactualit de sa communaut, une stationrgionale ou nationale na aucune chance de la concurrenceren termes d'audience. La proximit reprsente l'atoutmajeur quune radio communautaire doit savoir capitaliser.Les gens seront contents d'tre informs au jour le jour,voire chaque heure, de la vie des gens et des vnementsqui surviennent prs de leur lieu de rsidence "(7).

  • 8

    politiques sont souvent insuffisam-ment traits, quand ils ne sont pasdlibrment ignors par les radio-diffuseurs privs.

    En clair, compte tenu de leurscaractristiques et de leur orienta-tion, les mdias commerciaux etinternationaux peuvent difficile-ment satisfaire les besoins socio-conomiques et de dveloppementdes pays quils couvrent. Face audivertissement outrance de latlvision commerciale, des voix sesont souvent leves pour exigerun rvision des objectifs des radiospubliques, en insistant sur la qualitdes programmes et en exigeantdavantage de choix et de participa-tion du public. Lvolution logiquedans ce sens consisterait tendrela dmocratisation des mdias jusqu'au niveau communautaire, enparticulier la radio communautairedont laccessibilit est la rgle.

    En outre, la radio communautairevolue dans le contexte culturel dela communaut quelle sert; elletraite des problmes locaux dans lalangue ou les langues locales ; elle apporte des solutions aux problmes et aux proccupationslocales ; sa mission est daider lacommunaut se dvelopper sur leplan social, culturel et conomique.Cette particularit nest pas seule-ment en contradiction avec le

    mode de gestion des mdias inter-nationaux, elle contraste gale-ment avec les mdias nationauxcentraliss et bass dans les centresurbains, mme quand ils ont unevocation de service public, car ilssont souvent isols des ralits descommunauts rurales et de leursbesoins.

    LVOLUTION DE LARADIO COMMUNAUTAIRE

    Les premires expriences qui ontabouti la forme actuelle de laradio communautaire remontentaux annes cinquante en Amriquelatine. La pauvret et linjusticesociale ont t les catalyseurs deces premires expriences; la pre-mire a eu lieu en Bolivie en 1947 eta t connue sous l'appellation Lesradios des mineurs; l'autre a eu lieu lamme anne en Colombie, sous lenom de Radio Sutatenza /Action culturelle populaire. (voir les annexes 1et 2 la fin de ce chapitre).

    Ces expriences en Bolivie et enColombie ont inaugur une ten-dance, mme si le concept de radiocommunautaire a beaucoup volude nos jours. Par exemple, les Radiosdes mineurs en Bolivie se sont dveloppes dans des dcenniesmarques par l'affrontement ido-logique entre le marxisme et le

    capitalisme. Il s'ensuit que leurobjectif principal tait dunir lesmineurs pour la revendication desconditions de travail meilleures etplus quitables. Les radios taientgnralement considres commedes radios des syndicats, mme sice sont les mineurs eux-mmes quifinanaient lachat des matriels etles frais dexploitation.

    Radio Sutatenza/ ACPO en Colombie,bien quelle ait t cre dans le butde soutenir la communaut despaysans, ne leur appartenait pas etntait pas gre directement pareux. L'interaction tait trs impor-tante - environ 50 000 lettres paran - ce qui a certainement contri-bu la prise en compte des sou-haits et des besoins des paysansdans llaboration des programmesde la radio. Mais il ne sagissait pasrellement dune "radio par lepeuple et pour le peuple", qui estaujourd'hui l'objectif atteindre.

    Pourtant, tous ces efforts ralisspar Radio Sutatenza en vue de promouvoir lducation traversles ondes ont permis de crer unmouvement dont "l'volution aabouti la naissance de lAssociationdes radiotlvisions ducativesdAmrique latine, ALER. Ce lien entrela radio et lducation constitue la basede la notion de service public qui afavoris l'mergence des mdias communautaires en Amrique latine" (8).

    Le point de vue de Joaquim Salcedo, fondateur deRadio Sutatenza et de l'Action culturelle populaire

    Dans les semaines qui ont suivi son arrive Sutatenza, le jeune prtre Salcedo sest install surson autel do il a lanc un dfi aux agriculteurs enles invitant prendre les armes pour lutter contre lapauvret et tenter de rattraper leur retard en matirede dveloppement agricole, puis il sest propos de lesaider y parvenir. Ils ont accept, et cest ainsi quunpacte sest tabli entre eux.

    Salcedo a cr le concept de "lducation de baseintgrale" qui s'apparente ce que l'on appelleaujourdhui "lenseignement de la vie". Ce conceptrepose essentiellement sur le fait que le processusdducation doit aboutir la ralisation de lindividuen tant que personne part entire et commemembre de la socit

    LACPO a rsum l'ide dans ce slogan: "tout trehumain aspire au dveloppement". Et permettre auxgens de recevoir une ducation, au sens le plus large,c'est les aider prendre des dcisions en connaissancede cause et jouer un rle actif dans lvolution deleur vie (11).

  • Cependant, mme si lAmriquelatine a t le terreau de ceconcept, cest en Europe que laradio communautaire a connu sonessor, en se positionnant commeune alternative ou une voix critique face aux mdias domi-nants. Les premiers dfis lancsaux mdias de service publiccontrls par lEtat remontent auxannes 1960-70, lorsque des activistes provocateurs ont illga-lement investi les ondes tout enaugmentant le nombre dauditeursquils parvenaient dtourner desmonopoles prcieusement couvspar l'Etat (9). En Occident, ces stations pirates ont fortementinfluenc la dcision des gouver-nements et des organismes natio-naux de radiodiffusion daccorderune lgitimit la radio locale.

    En Afrique, linstauration de laradio communautaire sest trans-forme, dans un sens plus large, enrevendication sociale aprs la findu rgime dapartheid en Afriquedu Sud. Celle-ci a ouvert la voie ladmocratisation, la dcentralisa-tion et une forme d'ajustementstructurel ailleurs sur le continent (10).

    Des groupes de pression qui sont l'origine des radios communau-taires dans plusieurs rgions dumonde (par exemple: les mineurs,les exploitants de radios pirates, les

    missionnaires et les mouvements delutte pour la dmocratie) ont tmoins actifs en Asie. L-bas, cesont surtout des agences interna-tionales telles que lUNESCO etdautres donateurs trangers quiont pris l'initiative de lancer laradio communautaire. Et dans certains cas, cest l'Office nationalde radiodiffusion qui a pris linitia-tive de diffuser des programmescommunautaires.

    Linfluence des diffrents systmes de proprit dans laradiodiffusion

    LAmrique latine a adopt le systme nord-amricain qui fait lapart belle aux radios prives etcommerciales, avec plusieurs stations dont la puissance et lerayon d'action varient. Dans cecontexte, il tait relativement facile de crer de nouvelles stations.Cest ainsi que des milliers dentreelles ont vu le jour en Amriquelatine; elles sinstallaient souventde manire illgale ou comme stations pirates.

    Dans les pays dEurope occidenta-le, les monopoles de service publicde radiodiffusion contrls parl'Etat, qui avaient t crs audbut de la radio, puis de la tlvi-sion, taient souvent grs par le

    biais d'instances de statut public.Ces instances de contrle veillaient ce que les politiques et la programmation de la radiodiffu-sion, soient les plus indpendantes possibles des gouvernements, des partis politiques et d'autresgroupes de pression.

    Les pays europens qui ont adoptcette conception des rseauxpublics l'ont justifie par le fait quedans les tout premiers jours de laradio, dans les annes 1920, ettrente ans plus tard avec larrivede la tlvision, les mdias lectro-niques taient considrs par lesleaders dopinion comme des instruments merveilleux de dve-loppement de la culture, de ldu-cation, de linformation, et dam-lioration de la vie en socit. Cettephilosophie interdisait aux mdiasde masse d'oprer pour l'essentielcomme des entreprises commer-ciales et de servir de vhicule auxannonceurs uniquement intres-ss la vente de produits.

    Beaucoup de pays en voie de dve-loppement, notamment en Afriqueet en Asie, o les pays europensont exerc une influence du tempsde la colonisation, ont adopt lemodle europen, du moins en cequi concerne le monopole d'Etatsur la radiotlvision. Mais ils nacceptaient pas toujours de 9

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    Les mdias alternatifs sont-ils des anti-corps?

    "Il y a quinze ans, je dcrivais les mdiasalternatifs comme des anticorps crs dansle but de protger les gens contre la ngli-gence, linsensibilit et lindcence desmdias classiques" (12).

  • 10

    placer la politique de communica-tion sous le contrle dun organis-me public, statutaire et indpen-dant, et prfraient que toute l'ac-tivit des mdias lectroniques soitentirement contrle par le gou-vernement. Ce qui permettait beaucoup de gouvernements conomie centralise dutiliser volont leurs rseaux de communi-cation pour dvelopper leurs objec-tifs politiques, et en particulierpour consolider leur base politique.

    Dans ces circonstances, et ayantpris conscience du pouvoir de lin-formation, ces gouvernementsdont les mdias taient entire-ment contrls par lEtat refusaientsans barguigner d'autoriser desmdias lectroniques fonctionnerde manire indpendante. Cettesituation a entrav les initiatives enfaveur des mdias communau-taires. Ce nest quau dbut desannes quatre-vingts que certainsgouvernements ont commenc modrer leur opposition auxmdias indpendants, mais aujour-dhui encore, beaucoup d'entre euxcontinuent sopposer toute idede relchement de leur contrleexclusif sur les moyens de commu-nication audiovisuelle.

    Mais dautre part, au cours de cesdix dernires annes, il a t claire-ment tabli que toute tentative decontrle de linformation dans une

    socit tait voue lchec.

    Lutilisation du fax, la connexion l'Internet, le courrier lectronique,et la tlvision par satellite bran-lent les vellits des rgimes rpres-sifs contrler et conditionner lesinformations que leurs peuplesreoivent.

    Cette situation, combine lavague de dmocratisation et delibert dexpression qui sest rpan-due dans plusieurs parties dumonde, a ouvert la voie au dve-loppement des mdias communau-taires, et en particulier aux radioscommunautaires. Et les gouverne-ments des pays qui avaient dj faitle choix de cette ouverture peuventaujourdhui apprcier le potentielnorme des radios communau-taires pour promouvoir et soutenirle dveloppement autonome etendogne.

    Lvolution technique

    En plus des aspects politiques de ladcentralisation de la radiodiffu-sion, les moyens techniques ontjou et continuent de jouer un rletrs important dans lvolution dela radio communautaire.

    Deux perces capitales ont permisde raliser des progrs majeurs:premirement, des rcepteurs transistors bon march; et en

    deuxime lieu, des metteurs defaible puissance et prix rduits.

    Jusqu' linvention du transistor aumilieu des annes cinquante, lesrcepteurs radio fonctionnaient laide de tubes, coteux et encom-brants. Jusqualors, la plupart desrcepteurs radio du monde taientfabriqus en Amrique du Nord eten Europe, mais larrive du transis-tor a favoris lacquisition massivede postes dans les pays en dvelop-pement. Par exemple, en Afriquesubsaharienne, en Inde et en Chine,le nombre de rcepteurs radio estpass de deux millions en 1956 quatre-vingt-dix millions en 1975.Et on a assist un dveloppementspectaculaire du nombre de postesde radio dans le monde, que lonvalue actuellement deux mil-liards ou davantage.

    La disponibilit des rcepteurs bonmarch a t dcisive dans le dve-loppement des radios communau-taires dans le sens que le lancementdune radio communautaire s'ac-compagne d'une augmententationdes achats de postes. Cest uneindication qui prouve que le faitdcouter la radio signifie que lesgens sintressent aux messagesquon leur diffuse et quils ont lesmoyens de sacheter un poste deradio.

    Par exemple, le lancement dune

    Le potentiel de dveloppement de la radio communautaire en Afrique

    "La radio communautaire pourrait constituer lemoyen de communication le moins onreux pour ledveloppement en milieu rural, dpourvu de mdiasen Afrique. Lutilisation positive des langues localespour la promotion dune identit culturelle permettrait de pallier les insuffisances des stationsnationales, qui ne sont gnralement accessiblesquaux auditeurs des villes et aux lites" (14).

  • Les gros appareils sont surtout impressionnants

    "Les circuits intgrs et les nouveaux composants permettent de fabriquer depetites pices de matriel, mais certainsfabricants prfrent utiliser de gros appareils; quand les ouvre, on constate quils sontpratiquement vides lintrieur" (15).

    radio communautaire dans unergion rurale pauvre du Mali a per-mis un accroissement rapide dutaux dacquisition de postes deradio de plus de 140 % (13).

    La seconde avance techniqueconcernait les metteurs de faiblepuissance utiliss pour le systmede diffusion dit de modulation defrquence (FM). Leur utilisationest devenue de plus en plus cou-rante dans les annes soixante-dixet quatre-vingts. (voir galement lechapitre 4). Dans plusieurs pays, depetites entreprises se sont mises fabriquer des quipements conusspcialement pour lexploitationdes radios communautaires. Laplupart taient livrs sous formede kits robustes et faciles monter,dont l'utilisation convenait auxconditions de travail souvent diffi-ciles dans les pays en voie de dve-loppement.

    UNE INITIATIVE DELUNESCO

    Parmi les principales missions delUnesco figurent "le libre changedes ides et des connaissances" et lapromotion de "la libre circulationdes ides par le mot et par limage".Cest dans ce cadre que lUNESCOa pris l'initiative de soutenir la

    radio communau-taire en 1980.

    La campagne acommenc en 1980par des discussionssur les radioslocales, entrelUNESCO et laCommission co-n o m i q u e [ d e sN a t i o n s u n i e s ]pour lAfrique. Ellesont mis en viden-ce le fait que trspeu de pays afri-cains disposaientdune langue com-mune permettantune diffusion natio-nale de messagesdestins aux popu-lations rurales, qui reprsentaientjusqu 80% de la population. Lameilleure solution pour les diffu-seurs consistait slectionnerpeut-tre dix langues locales parmiles plus parles dans lesquelles ilsdiffuseraient des programmesquotidiens rpartis dans la jour-ne. Ainsi, aucune communautne pouvait suivre de programmedans une langue qu'elle compre-nait en dehors du court tempsd'antenne rserv celle-ci chaquejour.

    Il sest galement pos le problmede la distance physique et du dca- 11

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    Fixation de circuits sur des metteurs FM de 20 W. Brixham (Royaume-Uni).

    Lun des premiersmetteurs FM deradio communautaireconu pourlUNESCO par lasocit " MallardConcepts Ltd "(Royaume-Uni).

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    lage intellectuel: le centre de diffu-sion se trouvait souvent trop loinde ses auditeurs ruraux pour quilspuissent capter correctement lesmissions; et les ralisateurs deprogrammes qui vivaient en villentaient pas assez proches dupublic rural pour pouvoir apprhen-der sa mentalit sans se tromper.

    Les dbats qui ont eu lieu au coursdes toutes premires annes dex-primentation et qui se sont pour-suivis de nombreuses annes plustard ont montr la ncessit dedcentraliser les radios d'Etat enstations mettrices locales. Celles-ci devaient relayer le signal venu dela capitale, tout en produisant parailleurs des programmes sur place.Ce systme avait pour but de main-tenir les radios locales sous lecontrle des diffuseurs nationaux;on ne peut donc le tenir pour unmodle du concept de base de laradiodiffusion communautaire.

    Le matriel ncessaire : dans unpremier temps, il sagissait dacqurirun matriel bon march et simple,diffrent de celui des stations deradio publiques ou prives. Dans cecontexte, lUNESCO a organis en1980 un atelier l'Institut universi-taire de technologie de Brighton(Royaume-Uni), qui runissait desingnieurs anglais, chinois, cubains,franais et ghanens. Ce sminaire

    avait pour objectif didentifier lespriorits et de proposer des proto-types d'quipements. Dans un pre-mier temps, la demande concernaitun metteur FM de 10 watts bran-ch sur une batterie de voiture de12 volts ou encore aliment par despanneaux solaires; ensuite on estpass au mixeur audio simple maismoins cher, dune puissance qui-valente, utilis pour le mixage dessons (voix, musique, et effetssonores) dans un programme. Lesautres appareils, tels que lesmagntophones et les tourne-disques, taient disponibles sur lemarch des prix raisonnables.

    Lmetteur a t conu et fabriqupar Mallard Concepts en Grande-Bretagne; quant au mixeur audio six voies, sa conception et sa fabri-cation ont t supervises par JakeMills, un Ghanen, qui a t pen-dant longtemps le directeur tech-nique de la Radiotlvision duGhana.

    Lmetteur Mallard tait peineplus grand quun ampli de chanehi-fi usage personnel. Il pouvaittre livr soit sous la forme dun kitou dun assemblage complet.Fabriqu autour d'un circuit int-gr, l'lment le plus important decet quipement tait le transforma-teur, un dispositif de conversiondune puissance de 110 ou 220

    volts de courant alternatif en 12volts de courant continu.

    Lquipement complet de Mallardrevenait environ 2 000 dollarscontre 15 000 dollars voire pluspour des metteurs de mme puis-sance utiliss dans les stations com-merciales.

    Les essais raliss avec lmetteurMallard ont prouv quil pouvaittre capt par une radio normaledans un rayon de 12 20 kilo-mtres. Il tait si lger et robustequon pouvait facilement le trans-porter dans une voiture la cam-pagne. En branchant le systmedalimentation sur la batterie dunevoiture et en accrochant lantenne un arbre, on pouvait ainsi raliserdes missions en extrieurs.

    LUNESCO sest galement intres-se aux rcepteurs alimentationsolaire et aux cots de conversiondes anciens rcepteurs AM pourcapter des missions en FM. Malgrles espoirs placs dans la concep-tion de rcepteurs alimentationsolaire, il n'a pas t possible detrouver des fabricants en mesurede les produire en srie une chel-le suffisamment importante pourles rendre accessibles, y comprisaux plus pauvres. Aujourdhui, onfabrique aussi bien des postes deradio nergie solaire que desrcepteurs aliments par une dynamo

    Evaluation, en 1988, de la radio Mahaweli

    La radio a encourag les habitants participer aux activits en faveur non seulement de l'panouissement personnel, mais aussi de lidentitcommunautaire et du dveloppement. En collaboration avec les travailleurs sociaux deMahaweli, elle les a incits exprimenter des techniques agricoles et sanitaires novatrices. De mme, elle a motiv les travailleurs sociaux locaux prendre davantage en considration les habitantset leurs problmes, afin d'offrir des services plusconcrets aux populations.

    Quelques russites de la radio communautaire de Mahaweli

    "Dans une rgion, nous avons rencontr un groupedadolescents dlinquants sans terre qui erraient larecherche dsespre d'une occupation. Grce auxprogrammes et aux dbats que nous organisions,nous les avons encourags nettoyer ltang du village et crer une entreprise de pche dagrment.Dans un autre village, nous avons organis une crmonie collective pour clbrer le mariage decouples de personnes ges qui vivaient ensemble.Leur progniture avaient beaucoup souffert du faitque les parents ntaient pas maris lgalement. Jai galement ralis plusieurs missions sur les jeux de hasard et sur lalcoolisme, qui ont permis aux accros de prendre conscience de leur tat et de renoncer leur vice" (16).

  • Dclaration de Bamako sur le pluralismedes radios (Le prsident Alpha OumarKonar du Mali, en 1993)

    "Le pluralisme des radios est une composanteessentielle de lapprofondissement du processusde dmocratisation actuellement en cours:il favorise llargissement de laccs de la population une information diversifie et garantit une participation croissante des populations un dveloppement humain durable

    "Les Etats africains doivent acclrer la fin du monopole des ondes et accorder la priorit aux nationaux dsireux de crer des radios indpendanteslors de lattribution des frquences" (20).

    manuelle, mais leurs prix restentprohibitifs pour la plupart des gensqui vivent en milieu rural.

    Le facteur politique : il tait sou-vent plus facile de rsoudre lesproblmes techniques que de sur-monter les rticences politiquesconcernant la promotion de laradio communautaire. Linitiativede lUNESCO en matire de radiocommunautaire tait rvolution-naire et reposait essentiellementsur le respect des droits delHomme et de la libert dexpres-sion. Mais, au dbut des annesquatre-vingts, le monde taitencore divis entre les idologiesde gauche et de droite, et le mono-pole d'Etat tait la rgle en matirede radiodiffusion.

    On aurait pu facilement croire quelobjectif des gouvernements taitsimplement de rprimer toutes lesformes de libert dexpression quipouvaient constituer une menacepour leur autorit ou pour la stabi-lit de leur pouvoir. Or, en analy-sant de prs la situation, on sestrendu compte que les gouverne-ments, notamment dans les paysqui comptent plusieurs groupesethniques et langues, ont le senti-ment que lidentit nationale etlunit se renforceraient davantage travers un systme unique deradiodiffusion et la promotion

    dune langue nationale. Quelleque soit la raison invoque par lesgouvernements pour dfendreleur monopoles dans la radiodiffu-sion, lUNESCO a fait face un vraidfi propos la promotion de laradio communautaire.

    La premire radio communautaire africaine

    Le gouvernement kenyan a t lepremier rpondre favorablement la proposition de lUNESCO decrer une radio communautaire enAfrique. En mai 1982, la radiocommunautaire de Homa Bay,situ au bord du lac Victoria, rece-vait un metteur Mallard de 10watts, un mixeur audio conu etfabriqu par Jake Mills et du mat-riel de diffusion ncessaire dunevaleur totale de prs de 25 000dollars. Cest une rgion pauvrequi connat de nombreux pro-blmes de sous-dveloppement.Les populations locales ont reuune formation initiale pour lutili-sation des quipements; puis laradio a commenc par mettredeux heures par jour en Luo, unedes langues les plus parles auKenya, qui nest pas celle du groupepolitique et ethnique dominant.

    Le succs dHoma Bay na dur quedeux ans et demi, avant que le gou-vernement ne dcide de la fermer,

    sous prtexte quelle ne correspon-dait pas la politique officielle depromotion du swahili et de langlaiscomme langues nationales. Enoutre, malgr sa couverture exclusi-vement locale, on lui reprochaitdaccrotre les tensions entre les dif-frents groupes ethniques.

    Btir partir de lexprience deHoma Bay

    Malgr son chec politique, lexp-rience de Homa Bay a prouv quiltait possible de faire fonctionnerune petite radio communautaire,avec des quipements dune valeurinfrieure 25 000 dollars et defaibles moyens techniques, sans a-coups techniques.

    Linitiative de lUNESCO en faveurde la radio communautaire conci-dait avec un courant mondial de changements favorables son dveloppement. Parmi les plusimportants, figure la prise deconscience croissante des limitesdes conomies centralises, qui aabouti leffondrement de leuridologie. Cependant, dans les paysnon-marxistes, des politiques no-librales de dmocratisation etde dcentralisation ont galementt mises sur pied, suscitant un dsircroissant de dcentralisation des systmes nationaux de radiodif-fusion. 13

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    Au Sri Lanka, lOffice sri lankais de radiodiffusionavait dj entam la rgionalisation de ses ser-vices, ce qui a naturellement favoris ltape sui-vante de lancement dune radio communautaire.Cest ainsi quen 1983, le second projet de radiocommunautaire de lUNESCO sest inscrit dans lecadre d'un vaste plan dirrigation, le projet dedveloppement de Mahaweli. Dans la zone nou-vellement irrigue, prs d'un million de personnesont t installes - des familles en provenance dediverses rgions du pays.

    A lorigine, aucun volet mdiatique ne faisait par-tie des diffrents investissements prvus pour ledveloppement de Mahaweli. Toutefois, on sestrendu compte plus tard quune radio communau-taire pouvait favoriser lintgration des habitantset leur permettre de prendre des initiatives en vuedamliorer leur niveau de vie. En ralit, ilsavaient besoin de dvelopper un esprit de groupe,et de sinformer des moyens damliorer leurstechniques agricoles, leur sant, etc.

    La radio communautaire tait en mesure de satis-faire ces besoins, ce qui a permis le lancement dela Radio communautaire de Mahaweli, avec lesoutien financier de DANIDA et de lUNESCO. Sapremire station de radio tait capte par prs de20 000 personnes installes dans la rgion la plusdveloppe situe prs de la ville deGuirandurokotte, mais elle a t renforce plustard par linstallation de plusieurs petites radiosFM dans la rgion.

    Bien que les stations de la radio communautaireMahaweli fussent toutes places sous le contrlede lOffice sri lankais de radiodiffusion, elle fonctionnaient comme de vritables radioscommunautaires. Leur style tait assez diffrent

    de celui de la radio nationale.

    Lun des principaux atouts de Radio Mahaweli, enplus de son rle dinformation, ctait de recueillircelles-ci auprs des habitants qui participaient auxactivits de dveloppement grce des enregis-trements raliss dans les communauts, ou eninvitant les habitants sexprimer en direct austudio. La participation une mission de radio,qui traitait notamment des problmes et dessolutions apporter sur le plan local, instaurait defait un lien vital et personnel entre les membresde la communaut.

    L'explosion de la radio communautaire

    Porte par la grande vague de changements enfaveur de la dmocratisation et de la dcentrali-sation qui ont branl le monde dans les annesquatre-vingts et quatre-vingt-dix, la radio communautaire a connu un dveloppementrapide. LUNESCO a poursuivi ses expriencesdu Kenya et du Sri Lanka en finanant de nouvelles stations dans divers pays tels que leGhana, les les Tonga, Hati, le Cap-Vert, Sainte-Lucie, Trinit-et-Tobago, le Surinam, laJamaque, Guyana, les Philippines et beaucoupdautres. Mais, aujourdhui, lUNESCO est loind'tre la seule organisation promouvoir laradio communautaire. Plusieurs agences inter-nationales de dveloppement ainsi que desONG nationales et internationales s'y sontengages dans le monde entier.

    La rapidit de lexpansion de la radio commu-nautaire est impressionnante et le Mali en fournit un exemple intressant. En 1991, aprsvingt-trois ans de dictature militaire, de gravesmeutes sociales ont finalement eu raison du

    gouvernement en place et ont contribu lins-tauration dune dmocratie multipartite. Ungouvernement de transition a t mis en placeen attendant lorganisation dlections dmo-cratiques.

    Le Mali tant un pays essentiellement rural, legouvernement de transition a organis desconsultations avec les reprsentants des popu-lations rurales. Elles ont mis en vidence le faitque, aprs plus de deux dcennies durant lesquelles les mdias nationaux taient chargsde relayer les instructions et les exhortations, etque les reprsentants locaux de lEtat dans leszones rurales faisaient montre d'arrogance, lespaysans prouvaient une certaine dsaffectionet un sentiment d'alination par rapport auxprogrammes de dveloppement imposs par legouvernement. Ils prfraient les ignorer (17).

    Le gouvernement de transition, puis le gouver-nement lu qui lui a succd, ont dcid demettre en place, avec le soutien du PNUD et dela FAO, une politique prenant systmatique-ment appui sur la communication au service dudveloppement du Mali. Le Mali a t le premierpays au monde prendre une telle dcision. Il agalement t lun des premiers pays favoriserla libralisation des mdias en Afrique, notam-ment en organisant une confrence dcisive Bamako, en septembre 1993, intitule "Pour lalibert des radios africaines" (18/ 19).

    Le Mali venait juste de libraliser sa radio et satlvision dEtat qui jusqualors nmettaientquen franais, une langue qui ntait compriseque par les lites du pays. Et avec un taux danal-phabtisme avoisinant les 70 % de la population,

  • la majorit des gens navaient pas accs aux informa-tions vhicules par les mdias.

    Cinq ans aprs la libralisation des mdias au Mali,plus de soixante stations de radio indpendantesmettaient dans les langues locales, permettant ainsiaux populations concernes daccder linformationpour la premire fois depuis linstallation de la radio-diffusion dans le pays. De nombreux autres pays ontcommenc dvelopper de la mme manire la radiocommunautaire. Quinze ans aprs la fermeture de laradio communautaire de Homa Bay par le gouverne-ment kenyan, des efforts significatifs ont t ralissen vue damliorer la situation de la radio commu-nautaire. Et en guise de mot de la fin, il convient denoter quun projet de loi est aujourdhui en discussionau Kenya en vue dune reconnaissance officielle de laplace de la radio communautaire dans le paysage de laradiodiffusion.

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    Lexprience bolivienne a dbu-t avec la mise en place duneradio appele la "Voix desMineurs" rattache la mine du'XXme sicle', situe dans le dpar-tement de Potosi. Au cours desannes suivantes, vingt-trois stationsont t cres autour des diffrentesmines du pays, constituant un rseauconnu sous le nom de Radios desMineurs.

    Ces stations de radio sont nes derevendications syndicales en faveurde lamlioration des conditions detravail effroyables dans les mines;jusquen 1952, la plupart des minesappartenaient et taient gres par unpetit groupe de familles avides etextraordinairement riches, les"barons de ltain", tels que lesPatinos, connus dans le monde entierpour leur train de vie extravagant.Cependant, les mineurs qui taient lorigine de leur richesse et dont laproduction reprsentait la principaleexportation du pays, taient exploitsde faon inhumaine. Installs dansdes camps miniers de fortune, sou-vent dans le froid des trs hautes alti-tudes, mal pays et en proie desmaladies spcifiques aux mineurs,telles que la silicose, ils taient djdes vieillards quarante ans. Et leuresprance de vie diminuait surtout cause du manque de mesures descurit et des accidents frquentsdans les mines.

    En 1952, les mines ont t nationali-ses, mais cela na pas apport ungrand changement dans la vie desmineurs car la plupart des gouverne-ments navaient aucune consciencesociale.

    Malheureusement, les donness his-toriques sur les 'Radios des Mineurs'sont relativement floues, dans lamesure o la mmoire des anciens

    mineurs demeure la principale sourcedinformation. Nanmoins, cesradios ont certainement reprsent unfacteur dterminant dans la longuelutte sociale qui a affect la Boliviependant plusieurs annes uneconfrontation marque par le mas-sacre de mineurs, de nombreusesfamilles de mineurs, la guerre civile,et des rvolutions.

    Les radios servaient galement depoint de ralliement aux mineurs dansla bataille, et elles leur ont permis derecevoir des informations indispen-sables pour contrecarrer la propagan-de ngative orchestre par les mdiasdominants contre les mineurs et leursintrts. Il est vident que les 'Radiosdes Mineurs' avaient un rle dtermi-nant, si lon tient compte du nombrede fois o elles ont t systmatique-ment dtruites ou leurs matrielsconfisqus par des militaires envoyspar lun ou lautre des gouverne-ments qui se sont succds la ttedu pays.

    En effet, ce sont les mineurs qui ontt lorigine de la grande grveorganise en 1981, qui a mis fin ladictature en Bolivie. Comme ctaitdj le cas lors des prcdentesgraves confrontations avec les autori-ts, les mineurs revendiquaient sur-tout la restitution des matriels auxstations de radio, ou dans les cas oils avaient t dtruits, la possibilitde pouvoir de recommencer mettre avec du matriel neuf.Gnralement, les mineurs contri-buaient l'essentiel de lachat desmatriels, ce qui illustre une fois deplus limportance de ces radios dansleur vie quotidienne.

    Bien que la mission principale des'Radios des Mineurs' consistait dfendre et promouvoir les droitsdes mineurs, elles jouaient galement

    un rle important dans les activitsculturelles et ducatives. Elles assu-raient la promotion et la diffusion desfestivals de posie des mineurs, desdbats sur la valeur esthtique deschansons populaires et d'autresformes d'art et sur les problmes du-catifs, y compris un dbat sur l'ap-prentissage des jeux d'checs auxenfants des mineurs.

    Les mineurs finanaient eux-mmesla cration et lexploitation de leursstations de radio, mais en gnral lagestion et la programmation taientassures par leurs syndicats. Et lesmineurs ne participaient pas aux pro-grammes des radios communautairesau sens o on l'entend aujourdhui.Toutefois, linstallation des stationsde radio au sein des communautsminires sexpliquait en grande partiepar la proximit physique des minesquelles desservaient, et les gensvenaient gnralement visiter les stu-dios et rciter des vers sils le souhai-taient.

    La majorit des 'Radios des Mineurs'ont t cres au cours de la deuxi-me moiti des annes 1950, maisleurs heures les plus glorieuses sesont situes entre 1963 et 1983. Par lasuite, le prix de ltain a commenc chuter sur le march international eten 1985, un gouvernement no-lib-ral signait un dcret de "redploie-ment" des mineurs, loignant jamais des mines prs de 20 000d'entre eux. Cette fin affecta l'assisedes radios. Quelques-unes ont treprises par des groupes de paysans,mais aujourdhui moins de dixdentre elles continuent encore mettre.

    ANNEXE 1 : La radio des mineurs en Bolivie

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    ANNEXE 2 : Radio Sutatenza / Action culturelle populaire en Colombie

    Radio Sutatenza a t cre en1947 par un prtre, le PreJoaquin Salcedo, dans le villa-ge andin de Sutatenza. Au dbut, ellefonctionnait grce un metteur fabri-qu sur place et dont la porte tait de2 3 km; Radio Sutatenza est devenuepar la suite le plus puissant rseau deradiodiffusion de Colombie.

    Le Pre Salcedo tait un prtre aty-pique, qui sintressait davantage aubien-tre social et conomique despaysans colombiens quaux proccu-pations habituelles de lEglise. Danssa mission dapporter l'ducation envue du dveloppement des paysans, ila pris conscience que la radio permet-tait daccder aux rgions monta-gneuses les plus isoles de Colombie.Cest ainsi que lui est venu lide decrer des classes radiophoniques Sutatenza, puis lAction culturellepopulaire (ACPO). Les programmesducatifs de Radio Sutatenza traitaientde domaines aussi varis que lalpha-btisation, le calcul lmentaire, lasant, la production agricole, lamlio-ration de l'habitat, les relations person-nelles et familiales, le sport et les loi-sirs, ainsi que - questions cruciales aufil des ans - les devoirs des parents etla procration responsable.

    Les gens suivaient ces programmesdiffuss par les classes radiophoniquesinformelles - c'taient en fait des petitsgroupes de personnes qui se runis-saient tous les soirs. Ces groupestaient assists par des moniteurs, despersonnes qui disposaient de davanta-ge de connaissances et dexprienceque les membres du groupe. A une certaine poque, on comptait prs de

    200 000 paysans inscritss dans environ20 000 classes radiophoniques. Pourcomplter les programmes radiopho-niques, lACPO a labor une largevarit de manuels scolaires et mis surpied une bibliothque pour les pay-sans, dote de cent livres traitant desujets intressant les communautsrurales. Et un magazine hebdomadaire,dont le lectorat tait valu 600 000personnes, tait publi. En outre, laformation des leaders paysans et dessessions de formation technique dansles communauts faisaient partie desactivits. Au dbut, lopration a tfinance par lEglise catholique rom-aine, pour l'essentiel, grce aux fondsverss par des associations catholiquesdEurope, mais lACPO attirait latten-tion du monde entier et de nombreusesagences internationales sont interve-nues dans son financement.

    En fin de compte, Radio Sutatenza at victime de son succs. Lorsquellea lanc ses programmes sur la "pro-cration responsable", lEglise a com-menc la saper systmatiquement.Le Pre Salcedo dclarait alors qu'ils'agissait de convaincre les massesquil ny avait aucun mal aborder cessujets, et quil tait trs difficile din-culquer aux gens le sens de la dignithumaine et du respect de la maternitdans un pays corset dans des lois rli-gieuses. LACPO na pas pris positionsur le dbat concernant les mthodeschimiques ou physiques de contrledes naissances. Son rle consistait uni-quement tablir des bases partirdesquelles les individus pourraientassumer leurs responsabilits enconnaissance de cause.

    Cette attitude a fortement dplu lahirarchie catholique de Colombie, quiconsidrait que la seule finalit desrelations sexuelles tait la reproduc-tion de lespce humaine. Elle aconvaincu les associations catholiqueseuropennes de retirer leur soutien.LACPO a continu fonctionner avecdautres aides internationales obtenuespar l'intermdiaire du gouvernement.

    Les missions ont continu, en parti-culier grce des fonds emprunts,jusquen 1985 lorsque son rseauradiohonique puissant et de valeur at vendu un rseau commercial. En1987, aprs quarante annes de succsau service du dveloppement des men-talits, des connaissances et de la viedes paysans, la radio a compltementcess dmettre. Ses biens, qui com-prenaient une maison ddition, unemaison de production de disques, unimmeuble de bureaux de 14 tagesdans la capitale, ainsi que des centresde formation agricole, ont t venduspour solder ses dettes.

    1. Commission des radios et tlvisions indpendantes dIrlande (1988).

    2. Louie Tabing, directeur du projet Unesco/Danida Tambuli, aux Philippines.

    3. Zane Ibrahim et Madame Adams, "Radio Bush 89.5 F ". (voir l'tude de cas n4).

    4. P.M. Lewis et J. Booth. The Invisible Medium: Public, Commercial and Community Radio,MacMillan (Londres, 1989).

    5. Jocelyn Josiah, intervention sur les "mdias de socialisation communautaire auxCarabes" la Table ronde sur la communication pour le dveloppement Bahia, (Brsil, 1998).

    6. Carlos A. Arnaldo, "Localism and the Displacement of Politics: Place-based Communication ",Development (Globalism and the Politics of Place), vol. 41 n2, juin 1998. SagePublications et SID, (Rome, 1998).

    7. Louie N. Tabing, Programming Tips for a Community Radio Station, Projet Unesco/DanidaTambuli (Manille, 1998).

    8. Rafael Roncagliolo, Public Service Broadcasting, Cultural and Educational Dimensions,Unesco (Paris, 1995).

    9. T. McCain et F. Lowe, "Localism in Western European Broadcasting", Journal ofCommunication, vols. 40-1, (1990).

    10. Moncef M. Bouhafa, "Child Survival and Broadcasting Opportunities and Challenges",contribution la confrence internationale sur la radiodiffusion en faveur de la sauvegarde de l'enfance, La Voix de l'Amrique/USAID (Washington, avril 1998).

    11. Colin Fraser et Sonia Restrepo-Estrada, "Communicating for Development Human Changefor Survival", I.B. Tauris, (Londres/New-York, 1998).

    12. Peter Lewis, dans "Les mdias alternatifs: entre les rseaux plantaires et la vie locale",Etudes et documents sur la communication n 107, Unesco (Paris, 1995).

    13. Mary Myers, "La promotion de la dmocratie auprs des couches populaires: l'exemple de laradio au Mali", Frank Cass Journal, vol.5, n 2, (Londres, 1998).

    14. Jake Mills du Ghana, concepteur d'un mixeur audio six voies et bas prix (1990).

    15. Martin Allard FM, concepteur d'un metteur FM simple et bas prix.

    16. Sunil Wijesinghe, animateur la radio communautaire de Mahaweli , Sri Lanka (1999).

    17. Colin Fraser et Sonia Restrepo-Estrada, op.cit.

    18. Moncef M. Bouhafa, "Grassroots Media and Community Empowerment in West Africa",contribution prsente la confrence internationale sur les mdias et la politique, l'universit catholique de Bruxelles, Belgique en 1997 (rv. 1998).

    19. Mary Myers, op. cit.

    20. Ibid.

  • Chapitre 2Spcificits et fonctions de la radio communautaire

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    Ce chapitre dcrit les spcificits et ladmarche propres la programmation de laradio communautaire, en ce qui concernelaccs et la participation du public, la proprit,la gestion, le financement, lindpendance dito-riale et la crdibilit, tant au niveau de la repr-sentation des diffrents groupes et intrts communautaires que de l'intgration des groupesmarginaliss et minoritaires.

    La partie consacre aux fonctions porte sur le rlede la radio communautaire considre commereflet de lidentit et de la culture locales, sourcedune diversit de voix, dopinions, de pro-grammes et de contenu des missions, mais gale-ment comme moyen de promotion du processusde dmocratisation, du progrs social, du dve-loppement, de la socit civile et de la bonne gouvernance. Son rle de "tlphone du peuple"et sa contribution la formation des ressourceshumaines ncessaires au secteur de la radiodiffu-sion y sont galement mis en exergue.

    Lensemble de ces informations permettra aulecteur:

    davoir une vue claire des diffrentes caractris-tiques et fonctions de la radio communautaire;

    de pouvoir agir au sein de la communaut enresponsable ou leader lors des dbats concer-nant le projet de cration dune station deradio, qui apporte des informations ncessaires la prise de dcision concernant l'attributiondu titre de proprit, la gestion, la grille des programmes, et les profits que peut gnrerune radio communautaire.

    LES CARACTRISTIQUES ESSENTIELLES DE LA RADIO COMMUNAUTAIRE

    Le public, principal protagoniste

    Bien que la radio commu-nautaire soit une forme deradio de service public, ellea une approche diffrentedes radios classiques. Sonobjectif principal est de fairedu public son principal pro-tagoniste, en limpliquantdans tous les aspects de lagestion et de la ralisationde programmes, et en luiproposant des missions quicontribuent au dveloppe-ment et au progrs social dela communaut.

    Une conception particulire de linformation, du divertissement et de lducation

    A la diffrence des mdias traditionnels, linformation dans uneradio communautaire nest pas traite comme un fait isol ouun vnement unique: elle est plutt partie intgrante d'unprocessus continu et en devenir, qui sert de terreau au change-ment et au dveloppement de la communaut.

    Dimanche de fte Radio Ibahay. Lactrice Chin Chin Gutierrezrend visite la station pendant la diffusion dune mission pour la

    jeunesse, et interprte une chanson en Aklanon.

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    prcise et opportune. Sur la base dece droit, la radio devrait intgrerlaccs et la participation en vue desatisfaire lintrt public.

    Laccs implique que les servicesdinformation sont la dispositionde tous les citoyens; la participationsuppose une implication active dupublic dans la planification et lagestion, mais galement commeproducteur et interprte.

    Concrtement, pour la radio communautaire, ces concepts prvoient que :

    une mission-type de radio communautaire concerne tousles membres de la communautqu'elle dessert;

    la communaut participe llaboration des plans et despolitiques de la radio, et la dfi-

    nition des objectifs, des proc-dures de gestion et de program-mation;

    la communaut participe auxdcisions concernant le contenu,la dure et les horaires des programmes. Les gens choisissentles programmes quils veulent, ilsne leur sont pas imposs par lesproducteurs;

    le commentaire et la critique sontlibres dans la communaut;

    il existe une interaction perma-nente entre les producteurs et lesauditeurs. La radio elle-mmejoue le rle de principal canaldans cette interaction; cependantil existe dautres mcanismes quifacilitent les contacts entre lacommunaut, les producteursdes programmes et la directionde la station de radio;

    de nombreuses opportunitssont offertes aux membres de lacommunaut, de manire indivi-duelle ou collective, qui souhai-tent produire des programmes,avec laide du personnel de la sta-tion de radio, et en utilisant lesmoyens techniques disponibles;

    la communaut participe lacration, la gestion, ladminis-tration et au financement de lastation de radio.

    A qui appartient la radio communautaire ?

    Les quipements dune radio com-munautaire appartiennent presquetoujours la communaut qui lesconfie une socit, une fondation,une cooprative ou un organismesimilaire. Toutefois, dans certainscas, ces quipements peuventappartenir une institution distinctede la communaut, mais qui lesmet la disposition de la commu-naut pour une utilisation exclusiveet sans condition.

    La gestion

    Indpendamment du propritairelgal, les politiques, la gestion et laprogrammation de la station deradio relvent de la responsabilitde la communaut si celle-cientend en faire une vritable radiocommunautaire. Gnralement, unconseil communautaire ou unconseil dadministration reprsen-tatif de la communaut est chargde dfinir la politique gnrale,tandis que l'administration quoti-dienne et les dcisions opration-nelles sont laisses lapprciationdu directeur de la radio choisi par lacommunaut.

    Le financement

    Une radio communautaire fonc-tionne comme une organisationsans but lucratif. Elle reoit desfonds de diverses sources, notam-

    La radio devient trs vite et tout naturellement un lien social entre les riches et lespauvres, entre la campagne et la ville, entre la vie rurale et les plaisirs des grandescites. A Radio Ibahay, une des plus petites stations du rseau Tambuli, Chin ChinGutierrez, actrice de cinma et de tlvision, donne son point de vue sur le dveloppement loccasion dune interview pour lmission du dimanche.

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    Les divertissements sont proposssous forme dexpression culturellecollective, plutt que prsents par des artistes sophistiqus.Lambiance est plus proche dunkaraok que dune reprsentationdonne par un artiste professionnel.

    Lducation consiste davantage partager des expriences et changer mutuellement desconnaissances au sein de la com-munaut qu couter parler unexpert ou un professeur.

    Les principes rgissant laccs etla participation du public

    En dmocratie, les citoyens ontdroit une information fiable,

  • ment des donations,d e s s u b v e n t i o n s , l e s cotisations desmembres, des parrai-nages ou de la publicit.Lidal serait de pouvoircombiner ces apports afindassurer son indpen-dance. De nombreusesradios communautairesorganisent galementdes manifestations de col-lecte de fonds auprs de leursauditeurs, lobjectif principaltant d'atteindre l'autonomiefinancire.

    Lindpendance ditoriale et lacrdibilit

    Sur le plan ditorial, les radioscommunautaires sont indpen-dantes du gouvernements centralet local, des partis politiques, desentrerprises commerciales et desinstitutions prives et religieusesen ce qui concerne l'laborationdes politiques et la programma-tion. La politique gnrale estdtermine par le conseil commu-nautaire reprsentatif mentionnplus haut, mais les dcisions oprationnelles concernant lesprogrammes sont prises au quoti-dien par le directeur de la stationde radio, dont la crdibilit et laneutralit doivent tre au-dessusde tout soupon.

    Reprsentation des diffrentsgroupes et intrts de lacommunaut

    Les communauts reprsententfatalement diffrents groupes etintrts. Les radios communautairesdiffusent des programmes qui correspondent leurs attentes etles incitent sexprimer lantenne. Cependant, il est videntque le contenu et la dure des pro-grammes varient en fonction delimportance des groupes et descentres d'intrt de la communaut,mais une adaptation est toujourspossible selon les circonstances oules besoins spcifiques.

    Lintgration des minorits etdes groupes marginaliss

    Les radios communautaires int-grent aussi bien les minorits que lesgroupes marginaliss, et ne se

    contentent pas de leur ouvrir occa-sionnellement lantenne, comme lefont beaucoup de radios de servicepublic. Cette programmation garan-tit la plus large diversit de sons decloche et dopinions de la part des

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    Des chants de Nol pour un nouveau magntophone

    Les radios communautaires organisent souvent desmanifestations communautaires telles que des foires,des soires culturelles et d'autres activits de collectede fonds. Une station de radio communautaireTambuli aux Philippines a organis un porte--porteau cours duquel des chants de Nol taientinterprts pour recueillir les fonds ncessaires

    l'achat dun nouveau magntophone.

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    Mme les petits enfants ont accsau micro de Radio Ibahay au cours

    de lmission du dimanche pour la jeunesse.

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    groupes marginaliss, tels que lesfemmes et les jeunes, et elle favoriseet protge les intrts, la culture, etla diversit linguistique des minoritsethniques de la communaut.

    LES FONCTIONS DE LARADIO COMMUNAUTAIRE

    La radio communautaire a pourmission de remplir les fonctionssuivantes :

    Reflter et promouvoir lidentit,la personnalit et la culturelocales

    La radio communautaire diffusedes programmes spcifiques delidentit et de la personnalit de sacommunaut. C'est pourquoi ceux-ci sont essentiellement bass surlactualit locale. Les informationsintgrent galement des vne-ments extrieurs qui ont un intrtparticulier ou des incidences surson public.

    Elle met laccent sur la culture locale.La culture, cest l'image qu'unecommunaut se fait d'elle-mme etrenvoie aux autres. Elle traduit lamanire dont la communaut etchacun de ses membres exprimentleurs rves et leurs espoirs, parlentde leur pass et de leur avenir. Cestla valeur quils prservent. Commela vie, la culture varie infiniment etest en constante mutation. Cest lersultat dun processus et non un

    ensemble de dfinitions. Cest laraison pour laquelle dans les dmo-craties, les gouvernements se limi-tent la dfinition du cadre gnralde lexpression culturelle dupeuple. Les gouvernements nontpas interfrer dans le contenu nidans le style (1).

    Bien videmment, la culture com-munautaire est aussi l'expressionartistique de la musique, de ladanse, de la posie, du thtre, descontes et autres arts locaux, quisont largement mis en valeur par lamajorit des radios communau-taires. On encourage les artisteslocaux participer des missions,sans tre complexs par les "exigences professionnelles" aux-quelles ils se sont heurts dans lesmdias dominants. La valeur ducontenu et " la spcificit locale "compensent souvent la qualit formelle et le " professionnalisme ",mme si cet argument ne devraitpas justifier la production de pro-grammes de niveau techniqueinsuffisant.

    La culture cest aussi la langue:les langues et les expressionslocales sont la matire premire quinourrit les radios communautaires.Elles constituent le ciment de ladiversit culturelle, qui est aussiimportante pour la survie future delhumanit que la diversit biolo-gique. Il existe prs de 6 700langues dans le monde, dont 63%en Afrique et en Asie. La radiodiffu-

    sion nationale et la mondialisationdes mdias, combines dautresfacteurs tels que lexode rural,menacent la moiti de ces languesde disparition au cours de la pro-chaine gnration. Et il en va demme pour leurs cultures. La radiocommunautaire est la principalearme de dfense contre cette ten-dance lourde de lappauvrissementde la diversit culturelle(2).

    Instaurer la diversit de vues etdopinions lantenne

    La radio communautaire, en souvrant aux diffrents secteurs etpopulations de la communaut,instaure une diversit de voix etdopinions lantenne.

    Il existe des points de dsaccorddans toutes les communauts; ellesne sont pas toujours aussi paisibles et harmonieuses quonpourrait idalement le croire delextrieur. Le dsaccord pourraitrsulter de la diffrence des centresdintrt, dethnie, d'appartenancelinguistique ou religieuse ou encoredune antique querelle. Do lancessit pour la dmocratie et lessocits dmocratiques d'admettrel'inluctabilit des conflits. Lexamendes causes de conflits permet aux communauts de mieux secomprendre et de tracer les voies etmoyens de leur rsolution. Lunedes missions de la radio commu-nautaire est dessayer danimer une

    Les principales fonctions de la radio communautaireen Afrique du Sud

    La radio communautaire doit:

    favoriser et reflter la culture, le caractre etlidentit locale;

    contribuer la diversit des points de vue et desopinions et encourager lexpression individuelle;

    encourager la diversification des points de vue lantenne;

    diversifier les types de proprit dans la radiodiffusion;

    satisfaire les besoins de la communaut;

    contribuer au dveloppement des ressourceshumaines de la radio et, le cas chant, crer desemplois;

    encourager les membres de la communaut concerne participer la programmation et la production;

    encourager linnovation et la ralisation dexpriences dans les programmes (3).

    Prserver la diversit linguistique, y compris dans lespays industrialiss

    Les stations de radio communautaires de New Yorkdiffusent les dimanches des programmes en wolof destination des membres de la communaut sngalaise. Deux autres stations diffusent desprogrammes en coren, tandis quen France, la communaut arabe a revendiqu le droit de crerdes rseaux de mdias qui rpondent ses besoinsspcifiques (4).

  • discussion en faisant ressortir lesdiffrents points de vue, tout envitant de prendre parti.

    Offrir une diversit de programmes et de contenus

    La radio communautaire offre unediversit de programmes et decontenus, sous des formats et desstyles varis. Par exemple destables rondes, des reportages, desinterviews, des causeries, desmissions interactives, des directssur les runions de la communaut,etc.

    On tient compte des prfrencesdes auditeurs dans le choix des formats retenir.

    Pour sa part, le contenu couvre denombreux sujets et reflte gale-ment les aspirations et les besoinsdu public. Il est pour l'essentielfonction des modes de vie, des ressources de la communaut etdes difficults auxquelles elle estconfronte. En milieu rural, parmiles thmes les plus souvent mis envaleur, on peut citer la sant, lagri-culture, la pche, lenvironnement,le crdit, la commercialisation desproduits, les petites entreprises,etc; cependant, ils sinscrivent toujours dans le cadre du vcu dela communaut.

    Les bulletins dinformation peu-vent aussi prsenter diffrentstypes de contenus. Ils couvrentsurtout lactualit locale, mais ils

    peuvent galement inclure dessujets nationaux qui ont un impactsur la vie locale, voire des informa-tions nationales et internationalesqui pourraient par elles-mmesintresser des communauts isoles qui nont aucun accs d'autres mdias.

    Favoriser un large dialogue et ledveloppement de la dmocratie

    Les Grecs de l'Antiquit, qui ontinvent la dmocratie, menaient ledbat politique sur la placepublique. Il sagissait de runionsouvertes tous, auxquelles qui-conque le souhaitait pouvait expri-mer son point de vue. Aujourdhui,le nombre de citoyens rend cetexercice purement et simplementimpossible, do la distance quisinstalle, dans le processus dmo-cratique, entre les gouvernants etles citoyens de base. En loccurren-ce, une fois quils sont lus, leshommes politiques limitent leurscontacts avec les lecteurs, etprennent des dcisions sansconsultation ni dbat avec ces der-niers.

    La radio communautaire a pourmission d'tre une tribune ind-p