Manioc

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manioc afrique

Transcript of Manioc

  • Produire plus avec moins:

    Le maniocGuide pour une intensification durable de la production

    ORGANISATION DES NATIONS-UNIES POUR LALIMENTATION ET LAGRICULTURERome, 2013

  • Les appellations employes dans ce produit dinformation et la prsentationdes donnes qui y figurent nimpliquent de la part de lOrganisation desNations Unies pour lalimentation et lagriculture (FAO) aucune prise deposition quant au statut juridique ou au stade de dveloppement des pays,territoires, villes ou zones ou de leurs autorits, ni quant au trac de leursfrontires ou limites. La mention de socits dtermines ou de produits defabricants, quils soient ou non brevets, nentrane, de la part de la FAO,aucune approbation ou recommandation desdits produits de prfrence dautres de nature analogue qui ne sont pas cits.

    ISBN 978-92-5-207641-4 (version imprime)E-ISBN 978-92-5-207642-1 (PDF)

    FAO, 2013

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  • Avant-proposLe manioc est une plante-racine tropicale, originaire du bassin de lAmazone, qui fournit lalimentation de base environ 800 millions de personnes travers le monde. Cultive presque exclusivement par de petits producteurs faible revenu, cest une des rares cultures de base pouvoir tre cultive efficacement petite chelle, en nexigeant ni mcanisation ni achat dintrants, et dans des zones marginales sols pauvres et prcipitations alatoires.

    Laugmentation de la production mondiale de manioc depuis 2000 est estime 100 millions de tonnes, sous limpulsion de la demande asiatique pour le manioc sch et lamidon de manioc utiliss en alimentation animale et comme matires premires industrielles, et celle des marchs urbains africains de plus en plus demandeurs de produits alimentaires base de manioc. Il existe un potentiel considrable daccroissement addi-tionnel de la production dans des conditions optimales, les rendements peuvent atteindre 80 tonnes/ha, alors que le rendement moyen lchelle mondiale nest actuellement que de 12,8 tonnes.

    Lexplosion de la demande prsente aux millions de producteurs de manioc des pays tropicaux lopportunit dintensifier leur production, daccrotre leur revenu et damliorer la disponibilit en produits alimentaires l o elle est le plus ncessaire. Mais la faon dont les petits producteurs de manioc choisiront damliorer leur productivit devrait constituer une question prioritaire pour les dcideurs. En production cr-alire, la Rvolution Verte, axe sur lutilisation de varits gntiquement uniformes et le recours intensif lirrigation et aux intrants chimiques, a svrement mis mal la base de ressources naturelles de lagriculture, compromettant la productivit venir. Le passage des petits producteurs de manioc dune agriculture traditionnelle avec peu dintrants un mode de culture plus intensif ne doit pas les exposer aux mmes erreurs.

    Lintensification durable de la production du manioc constitue lobjet du prsent guide, le premier dune srie consacre lapplication pratique, sur des cultures de petits producteurs et des systmes de production agricole spcifiques, du modle Produire plus avec moins de la FAO. Approuve en 2010 par la FAO, Produire plus avec moins est une approche cosystmique de lagriculture visant amliorer la productivit tout en prservant les ressources naturelles. Elle promeut des pratiques devant permettre au demi-milliard de petites exploitations familiales que compte la plante de produire davantage partir de la mme surface de terre, tout en amliorant le capital naturel et les services cosystmiques.

    Soutenu par deux dcennies de rsultats de recherches et dexpriences de terrain en Afrique, en Asie, en Amrique latine et aux Carabes, le prsent guide fournit une approche respectueuse de lenvironnement de lintensification de la conduite de la culture du manioc. De nombreuses

  • iv Produire plus avec moins: Le manioc

    pratiques recommandes combinent les connaissances traditionnelles avec des technologies modernes bien adaptes aux besoins des petits producteurs. On pourra citer: la minimisation du labour pour protger les sols, loptimisation du calendrier et des mthodes de plantation, et lutilisation dagents biologique contre les ravageurs et les maladies. Le guide montre comment une utilisation soigneusement quilibre de la fumure minrale, en combinaison avec les cultures intercalaires, la rotation des cultures, le paillage, la fumure organique et le compostage, peut non seulement rendre plus productif et plus rentable un systme de production agricole bas sur le manioc, mais encore le rendre plus durable.

    Ladoption dune agriculture de type Produire plus avec moins ncessitera des amliorations consquentes de lapport aux petits producteurs de vulgarisa-tion, dintrants et de crdits la production. De plus, la FAO est bien consciente que lamlioration de la productivit peut ne pas suffire un dveloppement durable et long terme: un effort considrable reste ncessaire pour intgrer les petits producteurs aux niveaux suprieurs de la cration de valeur ajoute. La transformation du manioc en un sous-secteur polyvalent mme de gnrer du revenu, de diversifier des conomies et dassurer la scurit alimentaire pour chacun va exiger une volont politique, des investissements, un soutien institu-tionnel et une approche du dveloppement technologique axe sur la demande.

    Le prsent guide offre aux dcideurs une base solide pour valuer dans quelle mesure une filire manioc dynamique peut les aider atteindre leurs objectifs en termes de lutte contre la pauvret, de dveloppement conomique et de scurit alimentaire, et aux chercheurs, techniciens et autres acteurs du dveloppement agricole un outil pratique pour laborer des programmes dintensification durable de la production du manioc.

    Clayton CampanholaDirecteur, Division de la production vgtale et de la protection des plantes de la FAO

  • Table des matiresAvant-propos iiiRemerciements viAperu gnral vii

    Chapitre 1: Le manioc, une culture du XXIe sicle 1Chapitre 2: Systmes de production agricole 19Chapitre 3: Varits et matriel vgtal 35Chapitre 4: Gestion de leau 49Chapitre 5: Nutrition des cultures 59Chapitre 6: Ravageurs et maladies 73Chapitre 7: Rcolte, oprations aprs rcolte et valeur ajoute 87Chapitre 8: La marche suivre 97

    Tableaux annexes 109Rfrences 121Abrviations 129

  • vi Produire plus avec moins: Le manioc

    AuteursLe prsent guide a t prpar parReinhardt HowelerChercheur mrite, CIATNeBambi Lutaladio et Graeme Thomasde la Division de la production vgtale et de la protection des plantes de la FAO

    RemerciementsKolawole Adebayo (Universit dagriculture dAbeokuta, Nigria)Jean Pierre Anota (consultant FAO)Tin Maung Aye (CIAT)Jan Breithaupt (FAO)Hernn Ceballos (CIAT)Swarup K. Chakrabarti (CTCRI, Inde)Mark Davis (FAO)Dominique Dufour (CIAT)Emerson Fey (Universit fdrale du Paran, Brsil)Marjon Fredrix (FAO)Theodor Friedrich (FAO)Gualbert Gbehounou (FAO)Winfred Hammond (FAO)Lawan Jeerapong (Dpartement de la vulgarisation agricole, Thalande)

    Jippe Hoogeveen (FAO)Josef Kienzle (FAO)Lava Kumar (IITA)Chikelu Mba (FAO)Danilo Meja (FAO)Linn Borgen Nilsen (FAO)Christian Nolte (FAO)Bernardo Ospina Patio (CLAYUCA)Dai Peters (Initiative Manioc des Grands Lacs)Adam Prakash (FAO)Chareinsak Rojanaridpiched (Universit de Kasetsart, Thalande)Teresa Snchez (CIAT)Brian Sims (consultant FAO)Mario Takahashi (Institut dagriculture du Paran, Brsil)Namthip Thongnak (Institut tha de dveloppement du tapioca)Bernard Vanlauwe (IITA)Andrew Westby (Universit de Greenwich, UK)James Whyte (consultant FAO)Amporn Winotai (Dpartment de lAgriculture, Thalande)

    Maquette Thomas+Sansonetti

    Couverture et illustrationsCecilia Sanchez

    Assistante ditorialeDiana Gutirrez

  • Aperu gnral1. Le manioc: une culture du XXIe sicleLaliment des pauvres est devenu une culture polyvalente qui rpond aux priorits des pays en dveloppement, aux tendances de lconomie mondiale et au dfi du changement climatique.

    Longtemps considr comme une culture qui ne se prtait pas lintensification, le manioc a vu son importance dans lagriculture mondiale se renforcer considrablement. En 2012, la rcolte a atteint des records, grce au dveloppement du commerce mondial de produits base de manioc et la forte croissance de la production en Afrique. La production sintensifie partout dans le monde. Dans les prochaines annes, le manioc va voluer vers la monoculture, vers des gnotypes rendement lev et vers un recours accru lirrigation et aux produits agrochimiques. Cependant, lintensification est porteuse de grands risques, notamment des recrudescences de ravageurs et de maladies et lpuisement des sols. Ce guide montre comment le modle Produire plus avec moins de la FAO peut aider les pays en dveloppement viter les risques inhrents lintensification non durable tout en ralisant tout le potentiel du manioc en termes de rendements plus levs, de lutte contre la pauvret rurale et de contribution au dveloppement conomique national.

    2. Systmes de production agricoleNombre de petits producteurs de manioc suivent dj trois recommandations essentielles du modle Produire plus avec moins: labour rduit ou labour zro, couverture du sol et diversification des cultures.

    Il est vrai que planter du manioc sans labour pralable dans des sols dgrads peut donner des rendements plus faibles les premires annes, mais une fois la sant des sols rtablie, une terre non laboure peut donner des rendements levs pour un cot moindre pour lagriculteur et pour les ressources naturelles de lexploitation. Le paillis et les cultures de couverture contribuent la rduction des infestations dadventices et crent des conditions pdologiques de nature amliorer la productivit. Cultiver le manioc en association, en succession et en rotation permet daccrotre le revenu net obtenu par unit de surface et de rduire le risque de mauvaise rcolte. La culture intercalaire de lgumineuses graines procurera lagriculteur des revenus plus levs que la monoculture et lui permettra de nourrir son mnage. Les haies protectrices permettent de rduire les pertes dues lrosion du sol et la culture du manioc en rotation avec des lgumineuses et des crales contribue la lutte contre lpuisement des sols et la restauration des rendements.

  • viii Produire plus avec moins: Le manioc

    3. Varits et matriel vgtalLe potentiel du manioc ne sera pleinement ralis que lorsque les contraintes sexerant sur la production seront attnues grce des varits suprieures et les producteurs de manioc auront accs un matriel vgtal rendement lev et exempt de maladies.

    Le moment est venu de caractriser, lchelle du gnome, la diversit gntique du manioc, pour combler les lacunes des collections de cultivars primitifs, et pour crer des rserves naturelles afin de prserver les espces sauvages apparentes. Lharmonisation des donnes didentification et des donnes dvaluation relatives aux chantillons des banques de gnes devrait tre une priorit. Lamlioration devrait se concentrer sur la cration de varits qui soient bien adaptes des agrocologies, des systmes de culture et des utilisations finales bien spcifiques et qui donnent de bons rendements en ncessitant un apport minimal de produits agrochimiques et dirrigation. La reproduction et la distribution systmatiques dun matriel vgtal exempt de maladies de varits amliores sont essentielles dans une optique dintensification durable. Sil est vrai que peu de pays disposent de systmes semenciers structurs pour le manioc, un systme communautaire trois niveaux lanc pour la premire fois en Afrique, faisant appel des ONG et des associations dagriculteurs, a contribu ladoption des fruits de la recherche, des varits amliores et du matriel vgtal sain par le plus grand nombre de producteurs de manioc.

    4. Gestion de leauUne fois bien tabli, le manioc peut pousser dans des rgions qui reoivent 400 millimtres seulement de prcipitations annuelles moyennes. Cependant, des rendements bien plus levs peuvent tre obtenus avec un apport deau plus important.

    Loptimisation de la production pluviale de manioc suppose que lon prte une attention particulire aux dates, aux mthodes et aux configurations de plantation et que lon adopte des pratiques de gestion des sols contribuant la conservation de leau. Bien quil puisse pousser dans des rgions recevant des prcipitations de 400 millimtres par an, les rendements maximaux obtenus en Thalande ont t observs lorsque les prcipitations avoisinaient les 1 700 millimtres. Le manioc rpond bien lirrigation lirrigation de surface a permis de doubler le rendement obtenu par rapport une culture pluviale; une irrigation au goutte goutte peut donner plus ou moins le mme rendement que lirrigation de surface en consommant 50 pour cent deau en moins. Au Nigria, les rendements ont t multiplis par six lorsque lapport deau par une irrigation dappoint au goutte--goutte tait gal aux prcipitations de la campagne. Une irrigation supplmentaire qui a augment lapport total deau de 20 pour cent a permis aux agriculteurs de quasiment doubler les rendements en racines.

  • Aperu gnral ix

    5. Nutrition des culturesLassociation de processus cosystmiques et de lutilisation judicieuse dun engrais minral constitue la base dun systme de nutrition des cultures durable qui produit plus tout en utilisant moins dapports de lextrieur.

    Bien que le manioc donne des rendements raisonnables sur des sols pauvres, de nombreuses varits produisent plus avec lapport dengrais. Les rendements en Afrique, en particulier, pourraient tre sensiblement amliors si les agriculteurs avaient accs un engrais minral un prix raisonnable. Les agriculteurs peuvent amliorer la fertilit du sol en mettant en uvre dautres mesures du modle Produire plus avec moins. La culture intercalaire de lgumineuses graines et le paillage avec les rsidus des lgumineuses et dadventices locales permettent daugmenter les rendements. Avec un apport dengrais, la culture en ranges darbres lgumineux racines profondes et lutilisation de compost organique ou de fumier de ferme produisent toutes deux des rendements et des revenus nets plus levs. Pour rduire la perte dlments nutritifs des sols due lrosion, on peut appliquer le labour zro, ce qui prserve la stabilit de lagrgat et le drainage interne du sol, planter des haies de vtiver autour des parcelles et procder un apport dengrais minral, qui acclre la couverture du sol par le feuillage.

    6. Ravageurs et maladiesProtger le manioc avec un pesticide est bien souvent inefficace et nest presque jamais conomique. Une srie de mesures non chimiques peuvent aider les agriculteurs rduire les pertes tout en protgeant lcosystme agricole.

    Les cultivateurs devraient utiliser du matriel vgtal de varits qui tolrent les principaux ravageurs et maladies ou qui y rsistent, et adopter des pratiques cosystmiques telles que le paillage, la prservation de la matire organique du sol et le recours des cultures intercalaires offrant un habitat aux prdateurs des ravageurs. Les biopesticides, les piges collants et leau savonneuse peuvent tre utiles dans la lutte contre bon nombre dinsectes ravageurs. Les stratgies relatives la sant vgtale devraient encourager le recours des agents biologiques en Afrique et en Asie, le lcher en masse dune espce de gupe minuscule a permis de venir bout dimportantes infestations de cochenille du manioc. Pour viter que les adventices ntouffent les jeunes plants, les agriculteurs devraient optimiser les densits de plantation et la fumure et planter des varits la croissance initiale vigoureuse. Un dsherbage manuel rgulier peut tre aussi efficace que la lutte contre les adventices au moyen dherbicides. Les agriculteurs doivent choisir avec soin les herbicides quils utilisent et devraient suivre les conseils des spcialistes locaux de la protection phytosanitaire.

  • x Produire plus avec moins: Le manioc

    7. Rcolte, oprations aprs rcolte et valeur ajouteAliment pour le mnage, fourrage pour le btail et matire premire pour une large gamme de produits valeur ajoute, de la farine grossire aux gels damidon issus de technologies avances, le manioc est vraiment une culture polyvalente.

    Les racines de manioc rcoltes sont consommes directement par de nombreux mnages dagriculteurs ou servent nourrir le btail. Les racines peuvent tre transformes en semoule ou en farine de manioc de haute qualit qui peut remplacer une partie de la farine de bl dans le pain et les confiseries. En Thalande et en Chine, lamidon des racines est utilis dans les produits alimentaires, le contreplaqu, le papier et les textiles et sert de matire premire pour la fabrication ddulcorants, de fructose, dalcool et de carburant lthanol. Les proprits de lamidon issues de deux mutations rcentes du manioc sont trs apprcies par lindustrie. La racine nest pas la seule partie utile de la plante: les jeunes feuilles de manioc sont des lgumes nutritifs et les fanes peuvent tre donnes au btail, aux buffles, aux cochons, aux poulets et aux vers soie.

    8. La marche suivreLes pouvoirs publics doivent encourager la participation des petits exploitants un programme de dveloppement durable du manioc et soutenir les approches de recherche et de vulgarisation qui laissent les agriculteurs dcider.

    Les partenariats entre agriculteurs et scientifiques et les coles pratiques dagriculture se sont rvls trs efficaces pour la promotion dune gestion durable des ressources naturelles dans les systmes de production petite chelle. Des mesures dincitation, par exemple la rmunration des services environnementaux, pourraient galement tre ncessaires pour encourager les producteurs de manioc adopter de meilleures pratiques agricoles. Des mesures doivent tre prises pour rendre lengrais minral et les autres apports plus accessibles aux petits exploitants, et pour fournir ceux-ci du matriel vgtal de qualit et exempt de maladies. Des investissements dans des infrastructures routires et dans des capacits de stockage et de transformation dans les zones de production aideront les producteurs conserver une part plus importante de la valeur ajoute. Les politiques devraient promouvoir les investissements privs dans la transformation du manioc et encourager les associations qui relient les producteurs de manioc et les producteurs de produits transforms, qui promeuvent ladoption de normes et qui diffusent les informations sur les marchs. Si les subventions publiques peuvent rduire lexposition des agriculteurs linstabilit des prix, des choix plus durables existent, comme les assurances rcolte ou les contrats dapprovisionnement entre les fabricants de produits alimentaires et les coopratives agricoles.

  • Chapitre 1

    Le manioc, une culture

    du XXIe sicleLaliment des pauvres est devenu

    une culture polyvalente qui rpond aux priorits des pays en dveloppement,

    aux tendances de lconomie mondiale et au dfi du changement climatique.

  • Chapitre 1: Le manioc, une culture du XXIe sicle 3

    Le manioc (Manihot esculenta Crantz) est une des quelque 199 espces darbres, darbustes et dherbes constituant le genre Manihot, dont la distribution stend du nord de lArgentine au sud des tats-Unis dAmrique. Si certaines tudes identifient plusieurs origines gographiques du manioc, dautres suggrent que lespce cultive est originaire du versant sud du bassin brsilien de lAmazone1-4. Dun point de vue botanique, le manioc est un arbuste ligneux prenne, qui peut atteindre 1 5 m de hauteur. Sa mise en culture, essentiellement pour ses racines tubreuses riches en amidon, est estime remonter 9 000 ans, ce qui en fait lune des productions agricoles les plus anciennes. lpoque prcolombienne, il tait cultiv en de nombreux endroits dAmrique du Sud, dAmrique Centrale et des les des Carabes.

    Suite aux conqutes espagnole et portugaise, le manioc a t transplant sur la cte occidentale de lAfrique. Ds les annes 1800 sa culture sten-dait au long de la cte orientale de lAfrique et en Asie du Sud. Lexpansion de la culture du manioc a t considrable au cours du XXe sicle, qui la vu merger comme une culture alimentaire de base de premier plan dans toute lAfrique sub-saharienne ainsi quen Inde, en Indonsie et aux Philippines. Du fait quil est vulnrable au froid et que sa priode de croissance dure presque un an, la culture du manioc se confine presque exclusivement dans les zones tropicales et sub-tropicales. Sa culture est pratique au-jourdhui par des millions de petits agriculteurs dans plus de 100 pays, depuis les American Samoa jusqu la Zambie, sous toutes sortes dap-pellations locales: mandioca au Brsil, yuca au Honduras, ketela pohon en Indonsie, mihogo au Kenya, akpu au Nigria et au Viet Nam.

    Manihot esculenta prsente des caractristiques qui en font une culture trs attractive pour les petits producteurs des zones isoles sols pauvres et prcipitations faibles ou alatoires. Comme il est propag au moyen de boutures des tiges, le matriel vgtal (boutures) est abondant et bon march. La plante supporte trs bien les sols acides, et participe une association symbiotique avec des champignons du sol qui aident ses racines absorber le phosphore et les oligolments. Elle dcourage les herbivores au moyen de deux glycosides produits par ses feuilles et qui, la digestion, forment du cyanure dhydrogne, hautement toxique. Du fait que la plupart des nutriments du sol absorbs au cours de sa croissance restent dans la partie arienne de la plante, le recyclage de cette partie aide prserver la fertilit du sol. Lors dun stress provoqu par la

    Daprs certaines tudes, la culture du manioc a commenc il y a bien 9 000 ans, sur la lisire sud de lAmazonie brsilienne, o elle perdure ce jour.

  • 4 Produire plus avec moins: Le manioc

    scheresse, la production foliaire se rduit jusqu la pluie suivante. Grce lutilisation efficace de leau et des nutriments du sol par le manioc, ainsi qu sa rsistance aux attaques sporadiques de ravageurs, les producteurs, tout en utilisant peu ou pas dintrants, peuvent compter sur une rcolte raisonnable l o dautres cultures choueraient.

    Une racine tubreuse de manioc contient plus de 60 pour cent deau. Cependant, sa matire sche est trs riche en glucides, qui constituent environ 250 300 kg pour une tonne de racines fraches. Quand la racine est utilise comme aliment, le meilleur moment pour la rcolte est environ 8 10 mois aprs plantation; plus la croissance est longue, plus le rendement en amidon est lev. Cependant, pour certaines varits, la rcolte peut se faire la demande, nimporte quand entre six mois et deux ans. Ces qualits font du manioc une des cultures de base alimentaires les plus fiables.

    En raison de la teneur leve en amidon des racines tubreuses, le manioc constitue une source importante dnergie mtabolisable. Son rendement nergtique lhectare est souvent trs lev, et il a le potentiel de dpasser largement celui des crales5. Dans de nombreux pays dAfrique sub-saharienne, cest la source la moins chre de calories. De plus, les racines tubreuses contiennent des quantits significatives de vitamine C, de thiamine, de riboflavine et de niacine6.

    Ils peuvent galement prsenter, selon la varit, une teneur leve en glycosides cyanogntiques, particulirement dans les tguments externes7. Cest pourquoi, aprs rcolte, les racines tubreuses de manioc sont pluchs, puis subissent une cuisson prolonge, ou pluchs, rps et mis tremper pour provoquer une fermentation qui va librer le cyanure sous forme de gaz volatile. Le traitement de la pte continue ensuite par schage, rtissage ou bullition pour obtenir une farine grossire et divers autres produits alimentaires. Dans certains pays, le manioc est galement cultiv pour ses feuilles, qui peuvent contenir jusqu 25 pour cent de protines en poids sec5, 8. Le schage au soleil ou la cuisson ramnent la teneur en cyanure dhydrogne un niveau non toxique. Tant les feuilles que les racines tubreuses peuvent servir nourrir les animaux de la ferme, tandis que les tiges peuvent servir de bois de feu et de substrat pour la culture de champignons.

    La versatilit du manioc ne sarrte pas l. Lamidon des racines tub-reuses peut galement tre utilis dans un large assortiment dactivits industrielles, dont lindustrie alimentaire, le textile, le contreplaqu, la papeterie et les colles, ainsi que comme matire premire pour la production dthanol biocarburant.

  • Chapitre 1: Le manioc, une culture du XXIe sicle 5

    Le manioc pousse partir de boutures coupes dans les tiges. compter du 3me mois, quelques-unes de ses racines fibreuses commencent tubriser grce lamidon transfr partir du feuillage. La plus grande partie de lamidon des racines tubreuses se forme aprs le sixime mois, quand le couvert form par la plante atteint son extension maximale.

    Parmi la famille des cultures alimentaires de base, le manioc a longtemps t considr comme celle se prtant le moins bien lin-tensification. Les morceaux de tige de manioc sont volumineux et sont frquemment vecteurs de ravageurs et maladies srieux, tandis que la lenteur considrable du processus de multiplication vgtative fait obstacle ladoption de nouvelles varits amliores. Sortir de terre les racines tubreuses de manioc demande beaucoup de main-duvre, et les racines elles-mmes sont difficiles transporter tout en tant trs prissables: ils doivent tre transforms dans les jours suivant la rcolte.

    Lapproche de lintensification daprs le modle Rvolution Verte, bas sur le recours aux varits naines et des apports considrables dintrants chimiques et dirrigation, a normment amlior le rendement du bl et du riz, mais sest rvl inadapte au manioc en zones pluviales. En partie cause de sa localisation dans des pays en voie de dveloppement, le manioc a bnfici de beaucoup moins de recherche et de dveloppement que le mas, le bl et le riz9.

  • 6 Produire plus avec moins: Le manioc

    240

    220

    200

    180

    80

    1980

    1985

    1990

    1995

    2000

    2005

    2010

    2011

    120

    100

    160

    140

    Source: FAO. 2013. Base de donnes statistiques FAOSTAT (http://faostat.fao.org).

    Mas

    Manioc

    Riz

    BlPommede terre

    Figure 1 volution de la production mondiale des principales cultures, 1980-2011 Indice 1980=100

    Mais le rang occup par le manioc dans lagriculture a chang du tout au tout. De 1980 2011, la superficie totale cultive en manioc a augment de 44 pour cent, passant de 13,6 19,6 millions dhectares, soit le taux daccroissement le plus lev des cinq grandes cultures alimentaires mondiales. Au cours de la mme priode, la production mondiale a plus que doubl, passant de 124 252 millions de tonnes10.

    Au cours de la dcennie coule, la croissance de la production de manioc sest acclre (figure 1). Les estimations de la FAO situent la rcolte mondiale 2012 plus de 280 millions de tonnes, ce qui reprsente une augmentation de 60 pour cent depuis 2000 et un taux de croissance annuelle double de celui constat au cours des deux dcennies prc-dentes11. Depuis 2000, le taux de croissance de la production de manioc en Afrique est gal celui du mas, tandis quen Asie du Sud, du Sud-Est et de lEst, il est presque le triple de celui du riz10.

    galement significative, depuis le dbut du sicle, est la tendance laccroissement de la productivit des systmes de production agricole bass sur le manioc. Entre 1980 et 2000, la monte de la production tait essentiellement due la mise en culture de superficies plus importantes, avec un gain de quelque 3,7 millions dhectares, tandis que les rendements connaissaient une croissance annuelle de 0,6 pour cent seulement. Depuis lors, le rendement moyen lhectare a augment de presque 1,8 pour cent par an lchelle globale, passant de 10,4 tonnes en 2000 12,8 tonnes en 2012. Alors que durant la priode 1980-2000 la croissance des rendements du manioc tait largement la trane derrire celle des autres grandes cultures alimentaires, au cours de la dcennie coule elle a dpass celle des pommes de terre, du riz, du mas et du bl10.

    Les rendements moyens actuels sont encore trs en dessous du potentiel du manioc. Une tude du Centre international dagriculture

  • Chapitre 1: Le manioc, une culture du XXIe sicle 7

    0 >0-0,019 >0,019-0,194 >0,194-1,935 >1,935

    Equateur

    Tropique du Cancer

    Tropique du Capricorne

    tropicale (CIAT) datant des annes 90 donnait une estimation prudente de ce potentiel, chiffr sous rserve dune amlioration de la conduite de la culture et des sols, et de lintroduction de varits plus productives et rsistant mieux la scheresse, aux ravageurs et aux maladies 23,2 tonnes/ha en moyenne. Sur la base de la superficie actuellement en culture, cela reprsenterait une production annuelle de 450 millions de tonnes.

    Lexamen de lvolution des rgions productrices de manioc dans le monde montre que la croissance de la production est le fruit de diffrents facteurs et que les producteurs ragissent la monte de la demande en intensifiant la production.

    Afrique sub-saharienneCest en Afrique sub-saharienne que la croissance de la production de manioc a t la plus marque, avec une rcolte de 140,9 millions de tonnes plus de la moiti de la production mondiale en 2011. De 1980 2000, la production a presque doubl, passant de 48,3 95,3 millions de tonnes, grce une expansion de 56 pour cent de la superficie en culture et de 25 pour cent des rendements. Entre 2000 et 2011, lexpansion de la superficie en culture est retombe 18 pour cent, mais lamlioration des rendements, passant de 8,6 10,8 tonnes/ha, a entran une augmentation de prs de 50 pour cent de la production (figure 2).

    En Afrique sub-saharienne, la majeure partie du manioc est produite par de petits producteurs faible revenu qui nutilisent que peu ou pas dintrants extrieurs. Sa culture va en gnral de pair avec dautres, telles que mas, riz, lgumineuses, melons, bananes et palmier huile. Il reste essentiellement une culture alimentaire environ 90 pour cent des racines

    Source: Adapt de Monfreda, C., Ramankutty, N. et Foley, J.A. 2008. Farming the planet: 2. Geographic distribution of crop areas, yields, physiological types, and net primary production in the year 2000. Glob. Biogeochem. Cycles, 22: 1-19.

    Surface cultive en manioc (ha/km2)

  • 8 Produire plus avec moins: Le manioc

    Production

    Superficie

    Rendement

    300

    280

    260

    240

    80

    1980

    1989

    1986

    1983

    1992

    1995

    1998

    20042001

    2010

    2007

    180

    160

    140

    120

    100

    220

    200

    Source: Tableaux annexes 1.1, 1.2 et 1.3

    Figure 2 volution de la production, de la surface cultive et du rendement du manioc en Afrique sub-saharienne Indice: 1980=100

    Production

    Superficie

    Rendement

    80

    1980

    1989

    1986

    1983

    1992

    1995

    1998

    20042001

    2010

    2007

    180

    160

    140

    120

    100

    200

    Source: Tableaux annexes 1.1, 1.2 et 1.3

    Figure 3 volution de la production, de la surface cultive et du rendement du manioc en Asie, 1980-2011 Indice: 1980=100

    Production

    Superficie

    Rendement

    80

    1980

    1989

    1986

    1983

    1992

    1995

    1998

    20042001

    2010

    2007

    180

    160

    140

    120

    100

    200

    Source: Tableaux annexes 1.1, 1.2 et 1.3

    Figure 4 volution de la production, de la surface cultive et du rendement du manioc en Amrique latine et Carabes, 1980-2011 Indice: 1980=100

  • Chapitre 1: Le manioc, une culture du XXIe sicle 9

    tubreuses rcolts vont la consommation humaine, tandis quenviron 10 pour cent subissent une transformation rudimentaire pour servir daliment du btail utilis sur place.

    Depuis 2000, la production de manioc augmente plus vite que la population, la disponibilit de manioc par habitant montant jusqu presque 60 kg par an. La consommation de manioc par les Africains dpasse celle de toute autre culture de base alimentaire, le mas y compris. La quasi-totalit est consomme soit sous forme de racines tubreuses fraches, soit aprs transformation en produits base de farine fermente13. Certaines estimations situent la consommation quotidienne des urbains nigrians 0,2 kg14.

    Les progrs les plus importants en termes de production depuis 2000 ont eu lieu en Afrique de lOuest, avec une production accrue de 60 pour cent, passant de 47 76 millions de tonnes. La productivit sest amliore tandis que les pays de la sous-rgion prenaient conscience du potentiel prsent par le manioc comme culture industrielle, mme de diversifier le revenu des producteurs, de faire rentrer des devises et de crer de lem-ploi12. La pousse de la production a t plus particulirement marque au Nigria et au Ghana: en lespace de 11 ans, ces deux pays ont connu une hausse de rendement de 25 pour cent, atteignant environ 15 tonnes/ha10.

    Les rendements moyens dans le reste de la rgion restent faibles, environ 10 tonnes. Nanmoins, dans certains pays, une production plus intensive faisant davantage appel notamment des varits amliores, des engrais minraux et dautres intrants a entran une nette amlioration des rendements. Cest ainsi quau Malawi, un programme du gouvernement pour la multiplication rapide de matriel vgtal haut rendement et exempt de maladies a provoqu une expansion rapide de la culture du manioc travers le pays15. De 1990 2011, les rendements moyens sont passs de 2,3 21,5 tonnes/ha, et la production de 144 000 tonnes 4,2 millions de tonnes10.

    Plus rcemment, le Rwanda a dmontr comment lintensification peut produire des rsultats spectaculaires en trs peu de temps. Depuis 2007, son programme dintensification des cultures de base alimentaires a apport aux producteurs 140 millions de boutures de varits amliores, rsistantes aux maladies, ainsi que des engrais imports et des services de vulgarisation.

    Il en est rsult pour les rendements un passage de moins de 6,7 tonnes en 2007 12,3 tonnes en 2011, tandis que la production passait plus du triple, de 780 000 tonnes 2,5 millions de tonnes16.

    LAfrique sub-saharienne accuse un retard par rapport aux tendances globales affectant le dveloppement de la filire manioc. Cependant, on voit merger de nouvelles utilisations pour le manioc: dans le secteur de laliment du btail, dans la boulangerie en substitution partielle la farine de bl, et comme matire premire industrielle. En 2012, le Nigria est entr en fanfare sur le march international du manioc en dcrochant une commande de 1 million de tonnes de cossettes de manioc sches pour

  • 10 Produire plus avec moins: Le manioc

    la Chine10; le gouvernement vient dannoncer de nouvelles exportations en direction de la Chine, de 3,3 millions de tonnes en 201317.

    AsieLa contribution des producteurs asiatiques la production mondiale de manioc est de 30 pour cent. Au cours des trois dernires dcennies, leur production a augment de 66 pour cent, passant de 45,9 millions de tonnes en 1980 76,6 millions de tonnes en 2011. Cette croissance est due presque entirement une culture plus intensive la superficie cultive na pas chang entre 1980 et 2011, tandis que les rendements moyens passaient de 11,8 19,5 tonnes/ha sur la mme priode (figure 3).

    Comme en Afrique, le manioc est essentiellement produit par des petits producteurs, qui traditionnellement y voyaient une rserve permettant daffronter une mauvaise rcolte de riz et une source daliment pour leurs animaux. Actuellement, la plus grande partie du manioc de la rgion est destine satisfaire la demande en cossettes de manioc sches et en amidon de manioc, destination du sous-secteur des aliments du btail et de la transformation industrielle.

    Cest la Thalande qui a introduit lutilisation industrielle grande chelle du manioc dans les annes 80, en crant un prospre sous-secteur dexportation de pellets schs vers lEurope pour lalimentation du btail. La croissance spectaculaire de la production de ce pays, passant de 3,7 millions de tonnes en 1970 plus de 20 millions de tonnes en 1990, a t alimente par lexpansion des surfaces cultives; les rendements eux-mmes ont en fait diminu, passant de 15,3 tonnes moins de 14 tonnes/ha10.

    Dans les annes 90, la Thalande a lanc un important programme de dissmination auprs des agriculteurs de nouvelles varits haut rendement, ainsi que damlioration de leur accs aux engrais minraux et la vulgarisation. De 1990 2009, les rendements ont augment de presque deux tiers en Thalande, tandis que la superficie cultive se rduisait de 10 pour cent et que la production atteignait un record de 30 millions de tonnes.

    Depuis 2000, avec de plus en plus de pays dsireux de pntrer des marchs export lucratifs, la production asiatique de manioc a augment de 55 pour cent. Le pays le plus demandeur de la rgion est la Chine. Entre 2000 et 2009, les importations chinoises de manioc sch sont passes de 256 000 tonnes plus de 6 millions de tonnes, tandis que les importations damidon de manioc faisaient plus que doubler, atteignant 1,2 million de tonnes10.

    La Thalande domine le march export avec des expditions de 6 millions de tonnes de cossettes de manioc sches et damidon, pour une valeur totale de 1,5 milliard de dollars EU en 2010. Elle se trouve nanmoins face une concurrence croissante. Le Viet Nam a plus que quadrupl sa production de manioc depuis 2000, passant de 2

  • Chapitre 1: Le manioc, une culture du XXIe sicle 11

    8,5 millions de tonnes11, et exportant 1 million de tonnes de manioc sch en 2010. Les exportations indonsiennes ont galement augment, passant de 150.000 tonnes en 2000 1,4 million de tonnes. Au Cambodge, lexportation du manioc sch, une activit naissante totalisant 22.000 tonnes en 2011, vient de recevoir un coup de fouet avec des commandes chinoises portant sur 1 million de tonnes19.

    Un nouveau domaine dutilisation important se fait jour en Asie, lalimentation de lindustrie des biocarburants une tonne de cossettes sches produit environ 300 litres dthanol pur 96 pour cent13. Dans le cadre des efforts de diffrents pays pour rduire tant leur dpendance par rapport aux importations de ptrole que leurs missions de gaz effet de serre, des socits chinoises, japonaises et corennes ont commenc obtenir des concessions pour des plantations de manioc grande chelle, notamment au Cambodge, en Indonsie, en RDP Lao et aux Philippines, pour produire des cossettes sches destines la fabrication dthanol.

    Dans quelques pays, le manioc reste dabord et avant tout une culture alimentaire. LIndonsie dispose de lapprovisionnement alimentaire en manioc per capita le plus important de la rgion, avec 44 kg/an, contre une moyenne rgionale de 6,7 kg. Le manioc est galement cultiv essentiellement des fins alimentaires dans ltat indien du Kerala, o les producteurs ont atteint un rendement moyen en racines tubreuses de 24 tonnes/ha, grce une production intensive, frquemment sous irrigation20.

    Amrique latine et CarabesLAmrique latine et les Carabes, o Manihot esculenta a t cultiv lorigine, ne contribuent que pour 14 pour cent la production mondiale, avec quelque 34,3 millions de tonnes en 2011. Entre 1980 et 2011, la super-ficie cultive a progress de moins de 1 pour cent, passant 2,6 millions dhectares, tandis que la production augmentait de 15 pour cent, grce une augmentation modre des rendements. Cependant, la croissance annuelle moyenne de la production depuis 2000 est le double de celle enregistre au cours des deux dcennies prcdentes (figure 4).

    Comme dans dautres rgions des tropiques, le manioc des Amriques est en gnral confin dans des zones marginales prcipitations alatoires, faible fertilit naturelle du sol, et terrain difficile. La nature inhrente de la culture du manioc, et particulirement ses exigences en matire de main-duvre, en font gnralement une culture de petits producteurs, dans le cadre de systmes de production agricole o elle cohabite avec dautres cultures ou des activits dlevage21. La production est domine par le Brsil, qui a rcolt 24,4 millions de tonnes en 2011 soit quasiment les trois quarts de la production totale de la rgion suivi par le Paraguay (2,4 millions de tonnes), la Colombie (2,2 millions de tonnes) et le Prou (1,1 million de tonnes)10.

  • 12 Produire plus avec moins: Le manioc

    En dpit de la diminution de la consommation alimentaire de manioc au cours des 50 dernires annes, en raison des dplacements massifs des populations rurales vers les zones urbaines, il demeure un aliment de base important, notamment en Colombie et dans le Nord-Est du Brsil. La FAO value moiti-moiti la proportion de la production de manioc consomme par les humains et par le btail dans la rgion. Le Brsil met en uvre des politiques de promotion de la consommation de manioc par substitution de farine de manioc produite dans le pays aux crales importes. Le gouvernement a dcrt lincorporation de 10 pour cent de farine de manioc dans la farine de bl pour panification, une initiative dont on estime quelle absorbe environ la moiti de la production nationale de manioc11.

    La plupart des producteurs de manioc dAmrique latine et des Carabes utilisent peu dintrants, et leurs rendements avec une moyenne de 12,9 tonnes/ha restent bien en de de leur niveau potentiel. Il existe cependant, depuis les annes 90, une tendance significative lmergence dexploitations plus grande chelle et plus intensives, notamment au Brsil. Si la majeure partie du manioc brsilien continue de provenir du Nord-Est, sec et prsentant des rendements denviron 11 tonnes/ha21, les tats du sud du pays, pratiquant une culture intensive essentiellement pour produire de la farine de manioc et de lamidon natif destination des industries alimentaire, cartonnire et textile sont parvenus des rendements allant jusqu 40 tonnes22.

    La production brsilienne damidon de manioc, transforme essen-tiellement dans les usines de ltat du Paran, est estime plus de 500 000 tonnes en 201123. Environ 70 pour cent de la matire premire provient de petites exploitations. Pour arriver un apport de matire premire constant sur lanne, la production de manioc est mcanise, les agriculteurs pratiquant frquemment la monoculture du manioc avec un recours intensif aux intrants24. Dautres pays de la rgion, notamment la Colombie, le Paraguay et le Venezuela, sont galement en train daugmenter leur capacit de production damidon de manioc. Par rapport lAsie, la proportion de la production rgionale de manioc qui se retrouve sur le march international est trs rduite. En fait, le premier pays exportateur est le Costa Rica, qui a export environ 92.000 tonnes de manioc sch en 2010.

    Si la production mondiale de manioc a atteint un niveau record en 2012, et ce pour la 14me anne conscutive, il subsiste toujours un gisement considrable de croissance future. Le commerce mondial des produits du manioc a connu une expansion marque en 2012, suite lavantage de prix du manioc par rapport au mas comme source damidon. Les prix des cossettes et de lamidon linternational sont rests remarquablement stables, en dpit dune demande trs forte. La FAO sattend voir se poursuivre en 2013 la monte en production de lAfrique sub-saharienne11.

  • Chapitre 1: Le manioc, une culture du XXIe sicle 13

    La place quoccupe dsormais le manioc dans lagriculture mondiale constitue une avance majeure vers la ralisation de la Stratgie globale pour le dveloppement du manioc quont adopte en 2001, aprs quatre ans de consultations, la FAO, le Fonds international pour le dveloppement agricole (FIDA), diffrents partenaires issus des secteurs public et priv, et 22 pays producteurs de manioc. La stratgie reconnat le potentiel prsent par le manioc non seulement en termes de scurit alimentaire, mais galement comme lment moteur du dveloppement industriel rural et source de revenus amliors pour les producteurs, les transformateurs et les ngociants25.

    Il est trs probable que la croissance de la production de manioc va encore sacclrer au cours de la dcennie actuelle. Laliment des pauvres est devenu une culture polyvalente du XXIe sicle une culture qui rpond aux priorits des pays en dveloppement, aux tendances de lconomie mondiale et au dfi du changement climatique. En rsum:

    Dveloppement rural. Dans les pays tropicaux, les dcideurs recon-naissent dsormais le potentiel norme que reprsente le manioc pour acclrer le dveloppement rural industriel et amliorer les revenus des ruraux. Leurs regards se tournent vers la Thalande, o les gains de productivit des deux dcennies coules ont abond les revenus des petits producteurs dun montant estim 650 millions de dollars EU et fait sortir de la pauvret de nombreux producteurs de manioc. Dans le sud du Brsil, le manioc est une culture industrielle mettant en jeu des millions de dollars, et alimentant des usines qui emploient des milliers de ruraux24. Il a t suggr que linvestissement dans la recherche et le dveloppement sur le manioc en Afrique serait de nature gnrer les gains les plus levs en termes de PIB agricole26.

    Scurit alimentaire des zones urbaines. Un facteur primordial daccroissement de la production sera le prix lev des crales sur les marchs mondiaux, qui a dclench en 2008 linflation globale des prix alimentaires. En Afrique, la persistance de la pauvret urbaine favorise la consommation de produits alimentaires base de manioc, du fait que les consommateurs recherchent les sources de calories les moins chres12. Parmi les recommandations de la FAO aux gouvernements pour matriser la hausse des prix alimentaires figure la fabrication de produits base de manioc susceptibles dtre mis sur le march comme aliments faciles prparer et se conservant longtemps27. Le manioc pourrait galement contribuer amliorer ltat nutritionnel des populations bas revenu certaines nouvelles varits biofortifies produisent des racines tubreuses riches en vitamine A, en fer et en zinc.

    Substituts dimportation. De nombreux gouvernements ont institu, ou envisagent de le faire, lobligation dincorporer de la farine de manioc dorigine locale la farine de bl utilise en boulangerie, qui est le plus

  • 14 Produire plus avec moins: Le manioc

    souvent importe. Le Nigria a rcemment port 100 pour cent son taux de douane sur la farine de bl, consacrant le produit de cette hausse un fond de dveloppement du pain base de manioc11. Il a galement indiqu quil prvoyait de substituer du gruau de manioc 10% du mas utilis en alimentation des volailles, ce qui augmenterait de 480.000 tonnes la demande en racines tubreuses de manioc28. En Afrique de lEst, le secteur des aliments du btail se tourne vers le manioc, mas et bl devenant de plus en plus hors de prix29.

    nergie renouvelable. La production mondiale de biothanol pourrait atteindre les 155 milliards de litres en 2020, contre 100 milliards de litres en 2010. La part quy occupe actuellement le manioc est rduite, mais la demande chinoise est en croissance rapide, suite sa dcision de ne plus utiliser de crales pour produire du biocarburant. Actuellement, 50 pour cent de la production chinoise dthanol provient de racines tubreuses de manioc et de patates douces, et on sattend ce quelle produise 780 mil-lions de litres dthanol, partir de 6 millions de tonnes de manioc sch, en 201213. La Chine prvoit de mettre au point des varits de manioc adaptes la production de biomasse nergtique dans les rgions plus froides et sches situes au nord du pays30.

    Nouvelles utilisations industrielles. lchelle globale, le manioc constitue la seconde source damidon, aprs le mas, avec une production estime 8 millions de tonnes par an. Cependant, les pays tropicaux importent chaque anne de lamidon de mas pour une valeur de 80 mil-lions de dollars EU, auquel pourrait se substituer de lamidon fabriqu base de manioc produit localement13. En Thalande, o les exportations damidon de manioc ont rapport quelque 4 milliards de dollars EU depuis 2000, les chercheurs sont en train de mettre au point une varit dont les racines tubreuses contiennent un amidon capable de rivaliser avec lamidon de mas premium waxy31, 32. Une varit rcemment mute prsente dans lamidon de ses racines des granules plus petits, ce qui rduit considrablement le temps et lnergie ncessaires pour la production dthanol33.

    Adaptation au changement climatique. Un autre facteur favorisant laccroissement de la production de manioc est la capacit potentielle de cette culture bien sadapter au changement climatique. Daprs une tude rcente sur limpact du changement climatique sur les principales cultures alimentaires de base africaines, la moins vulnrable aux condi-tions climatiques telles que prvues en 2030 serait le manioc, et en fait, sur la plus grande partie des 5,5 millions de km englobs dans ltude, le manioc sen trouverait mieux. linverse, toutes les autres grandes cultures alimentaires de base de la rgion, dont le mas, le sorgho, le mil, les haricots, les pommes de terre et les bananes devraient subir un impact essentiellement ngatif34.

  • Chapitre 1: Le manioc, une culture du XXIe sicle 15

    mesure que la demande crot, les systmes traditionnels de culture du manioc se voient remplacer, dans le monde entier, par des systmes de production agricole plus intensifs. Au cours des annes venir, on peut sattendre voir se renforcer la tendance lintensification visant augmenter les rendements sur une mme surface de terre cultive dans lensemble des rgions productrices de manioc. Lalternative consistant tendre les superficies cultives nest pas possible dans la plupart des pays, en raison de la rduction des terres arables disponibles et des gros besoins en main-duvre associs la culture du manioc. Lexprience a galement montr que louverture de nouvelles zones la culture du manioc peut avoir des cots environnementaux svres: en Thalande, au cours des annes 70 et 80, lexpansion des superficies mises en culture a conduit une dforestation massive25.

    Les producteurs, lindustrie et les dcideurs sont en train dtudier des solutions aux contraintes qui freinent lamlioration des rendements du manioc9. Les petits producteurs brsiliens, indiens et thalandais ont eu dexcellents rsultats en production commerciale, avec des rendements compris entre 25 et 40 tonnes/ha, obtenus par une intensification des pratiques culturales. Si les rendements africains sont actuellement infrieurs la moiti du niveau potentiel global, des expriences sur le terrain ont donn des rendements allant jusqu 40 tonnes35. Au Nigria, lamlioration des varits, des pratiques culturales et de la conduite des cultures pourrait donner des rendements de 25 tonnes/ha et au-del.

    Le Rwanda prvoit de faire passer sa production de manioc des 2,5 millions de tonnes daujourdhui pas moins de 6,1 millions de tonnes en 2017, en dissminant des varits rendement amlior, en formant les agriculteurs une meilleure conduite des cultures, et en encourageant un recours accru aux engrais minraux, aux pesticides et lirrigation16. Avec le soutien des bailleurs de fonds internationaux, dautres pays africains tels que le Ghana et la Rpublique dmocratique du Congo ont formul des programmes similaires visant la commercialisation du manioc, en accord avec lInitiative panafricaine sur le manioc de lUnion africaine, qui a identifi Manihot esculenta comme un produit agricole cl, une culture contribuant la scurit alimentaire, et un soldat de la lutte contre la pauvret36.

    On peut donc prdire au manioc un avenir comprenant de plus en plus de monoculture grande chelle, ladoption gnralise de gnotypes haut rendement mieux adapts lindustrialisation, et un recours accru lirrigation et aux intrants chimiques.

    Dans leur soutien aux programmes dintensification de la production de manioc, les dcideurs doivent prendre en compte les leons tires de la Rvolution Verte. Bas sur lutilisation de varits gntiquement uni-formes et le recours intensif au labour, lirrigation, aux engrais minraux et aux pesticides, ainsi quaux intrants chimiques, ce dernier modle a en-gendr un changement dordre de grandeur dans les rendements craliers

  • 16 Produire plus avec moins: Le manioc

    mondiaux et la consommation alimentaire individuelle moyenne. Mais ces normes gains de productivit se sont souvent assortis deffets ngatifs sur la base de ressources naturelles de lagriculture, un degr si srieux que le potentiel productif venir de celle-ci sen trouve compromis. Nombreux sont les pays o des dcennies dagriculture intensive ont dgrad des terres fertiles et assch les nappes phratiques, provoqu des infestations de ravageurs, mis mal la biodiversit, et pollu lair, le sol et leau37.

    Appliquer le mme modle la production de manioc implique des risques similaires. Le passage des systmes traditionnels de production de manioc des petits producteurs bass sur les cultures intercalaires et le recours aux priodes de jachre pour laisser se reconstituer les nutriments du sol39 une monoculture intensifie peut simplifier la conduite de la culture et favoriser, au dbut, une augmentation des rendements. Lexprience montre, cependant, quil en rsulte galement une prvalence accrue des ravageurs et maladies, et une acclration de la dtrioration des rserves de nutriments du sol35, 38.

    Dans le sud du Brsil, la demande constante tout au long de lanne de manioc destin lindustrie de lamidon a conduit une monoculture ininterrompue sur les mmes parcelles, au chevauchement des calendriers de plantation, lutilisation croissante de varits gntiquement uni-formes, et des besoins de plus en plus levs en intrants chimiques pour prserver la fertilit du sol et lutter contre les ravageurs et les maladies24. Au Rwanda, les densits de plantation plus leves entranes par linten-sification sont lorigine dune pression des ravageurs et des maladies qui compromet les rendements16. En mme temps que le rchauffement va commencer permettre une production intensive de manioc dans des nouvelles zones en Afrique, en Asie et en Amrique du Sud, on sattend voir salourdir les risques de problmes de ravageurs et de maladies24.

    La culture du manioc en continu mettant en jeu au moins 10 ans de production sur une mme parcelle avec moins dun an de jachre entre deux rcoltes est dj trs rpandue en Afrique sub-saharienne, notamment dans les zones non humides et les hautes terres40. En Afrique de lEst, les paysages agricoles sont passs des systmes traditionnels comportant des jachres importantes une production en continu axe sur le manioc35.

    Avec lintensification, de nombreux producteurs africains de manioc ont compltement abandonn la jachre et ne cherchent pas compenser les pertes de nutriments au moyen de techniques de conduite de la fertilit des sols, telles que cultures de couverture et fumure organique. La chute du niveau de nutriments dans le sol se traduit par celle des rendements, au point de rendre la production non rentable39.

    Dans le nord-est de la Thalande, aprs plusieurs annes de culture du manioc en zone de hautes terres, la fertilit du sol est en baisse cause de lrosion, des pratiques de labour privant le sol de couverture, et du fait que les agriculteurs nenfouissent pas les rsidus de rcolte41. En Colombie,

  • Chapitre 1: Le manioc, une culture du XXIe sicle 17

    Grce Produire plus avec moins, les pays tropicaux peuvent viter les risques poss par lintensification de la production du manioc.

    la monoculture du manioc a vu ses rendements chuter de 37 12 tonnes/ha en neuf ans, cause de la dgradation des sols.

    Au Nigria, des recherches ont mis en vidence une augmentation de lrosion des sols quand les cultures mixtes traditionnelles cdent la place la monoculture42. Qui plus est, des pratiques traditionnelles de lutte contre lrosion des sols qui se montrent trs efficaces dans le cadre dune polyculture le sont moins en monoculture42. Des exprimentations menes au Viet Nam ont produit des rendements en manioc de 19 tonnes en monoculture, mais ont entran de graves pertes de sol, dues lrosion, de plus de 100 tonnes/ha, impossibles soutenir de faon durable43.

    En 2010, la FAO a adopt une approche cosystmique de linten-sification des pratiques culturales, approche la fois trs productive et durable en termes denvironnement44. Baptise Produire plus avec moins, elle propose de verdir la Rvolution Verte par le recours des pratiques culturales qui se reposent sur les contributions de la nature la croissance dune culture, telles que la matire organique du sol, la matrise de la circulation de leau, la pollinisation et la lutte biologique contre les insectes ravageurs et les maladies. Les principes cls qui sous-tendent Produire plus avec moins sont: La prservation dun sol en bonne sant pour une bonne nutrition de

    la plante La mise en culture dune gamme largie despces et de varits

    vgtales selon des rgimes de rotation, dassociation et de successions culturales

    Lutilisation de varits bien adaptes et haut rendement et de semences de qualit

    Une gestion de leau efficace, maximisant le rendement par goutte deau Une gestion prventive des ravageurs, des maladies et des plantes

    adventicesCe modle agricole respectueux de lenvironnement encourage la

    rduction ou labandon du labour de faon stimuler les rendements tout en rtablissant la sant des sols. Il lutte contre les insectes ravageurs en protgeant leurs ennemis naturels plutt quen arrosant les cultures laveuglette avec des pesticides. Il utilise les engrais minraux avec parcimonie, en les combinant avec des sources organiques de nutriments du sol37.

    Les leons tires de projets de dveloppement agricole mens dans 57 pays en voie de dveloppement ont montr quune utilisation plus efficace de leau, la rduction du recours aux pesticides et le soin de la sant du sol entranent une amlioration denviron 80 pour cent des rendements45. Une autre tude est parvenue la conclusion que les systmes agricoles qui conservent les services cosystmiques, en ayant recours au labour de conservation, la diversification des cultures, lintensification des cultures de lgumineuses et la lutte biologique contre

  • 18 Produire plus avec moins: Le manioc

    les ravageurs, donnent des rsultats comparables ceux obtenus par les systmes dagriculture intensive et haut niveau dintrants46, 47.

    Le prsent guide montre comment lutilisation de Produire plus avec moins peut aider les pays en voie de dveloppement viter les risques lis une intensification non durable, tout en exploitant pleinement le potentiel du manioc en termes de rendements accrus, de lutte contre la pauvret rurale et de contribution au dveloppement conomique national. Par exemple, il montre comment lassociation du manioc larachide non seulement donne des rendements levs en racines tubreuses mais encore produit un revenu bien suprieur celui de la monoculture; comment une gupe prdatrice est bien plus efficace que les insecticides face aux infestations de cochenille du manioc; et comment la rotation du manioc avec des haricots et du sorgho a rtabli le rendement l o lutilisation des engrais minraux seuls avait chou.

    On trouvera, aux chapitres 2, 3, 4, 5 et 6, une description de toute une panoplie de pratiques la fois adoptables et adaptables, sappuyant sur lcosystme; ces pratiques, qui renforcent la productivit du manioc, peuvent servir de pierre angulaire aux programmes nationaux et rgio-naux. Le chapitre 7 se penche sur les utilisations post-rcolte du manioc et la cration de valeur ajoute. Le chapitre 8 dfinit des politiques de facilitation de lintensification durable de la production de manioc, et insiste sur limportance au moment dintroduire de nouvelles pratiques ou technologies de laisser le agriculteur dcider.

  • Chapitre 2

    Systmes de production

    agricoleNombre de petits producteurs de manioc

    suivent dj trois recommandations essentielles du modle Produire plus

    avec moins: labour rduit ou labour zro, couverture du sol et diversification

    des cultures.

  • Chapitre 2: Systmes de production agricole 21

    Dans Produire plus avec moins, les systmes de production agricole sarticulent sur trois recommandations essentielles1. Tout dabord, les agriculteurs doivent sattacher protger la structure, la matire organique et la sant du sol en gnral en limitant les atteintes mcaniques son encontre. Cela signifie minimiser le labour conventionnel, le passage de la charrue, de la herse ou de la houe avant chaque culture et au cours de la croissance de la plante. la place, les producteurs sont encourags passer au labour de conservation, qui exclut les pratiques conduisant inverser le sol et enfouir les rsidus de rcolte. Des formes rpandues de labour de conservation sont le labour en bandes ou minimal, qui permet de ne perturber que la couche destine contenir le rang de semences, et le labour zro, qui sinterdit le recours la charrue ou au binage.

    En mme temps que le labour de conservation, la FAO recommande le maintien dun couvert protecteur organique sur le sol, cest--dire lutilisation de cultures ou de rsidus (paillage) pour rduire lrosion du sol, prserver son eau et ses nutriments, et liminer les plantes adventices. La couverture organique du sol ne se contente pas damliorer ltat physique du sol; elle encourage la prolifration des biotes du sol y compris les vers de terre et les protozoaires, champignons et bactries bnfiques qui favorisent la bonne sant du sol et les rsultats de la culture. Dans un systme zro labour, la plantation se fait directement travers le paillis form par les rsidus des rcoltes prcdentes ou des cultures de couverture.

    Troisimement, les agriculteurs doivent cultiver, en association, en succession ou en rotation, un large assortiment despces vgtales, qui pourront comprendre des arbres, des arbustes et des pturages. Les cultures mixtes aboutissent une production diversifie, ce qui aide les agriculteurs rduire les risques, ragir aux variations de la demande des marchs, et sadapter aux chocs extrieurs, dont le changement climatique. Lassociation ou la rotation de cultures exigeantes en nutri-ments avec des lgumineuses qui vont enrichir le sol, et de cultures enracinement superficiel avec des cultures enracinement en profondeur, prservent la fertilit du sol et la productivit des cultures, tout en posant une barrire la transmission des ravageurs ou des maladies spcifiques dune espce cultive.

    Ces trois pratiques, en amliorant la teneur du sol en matire organique et lactivit de ses biotes, en rduisant la pression des ravageurs et des maladies, en rduisant lrosion et en accroissant la disponibilit de leau et des nutriments utiliss par la culture, conduisent une amlioration du-rable des rendements. Elles font galement baisser les cots de production, essentiellement grce aux conomies ralises sur les machines agricoles, les carburants fossiles et les intrants extrieurs tels que lirrigation, les engrais minraux et les pesticides.

  • 22 Produire plus avec moins: Le manioc

    Labour ou pas labour?Il faut au manioc un sol la structure assez meuble pour faciliter lenracinement initial et permettre la tubrisation des racines. Il est par ailleurs plutt vulnrable la concurrence des plantes adventices, lexcs dhumidit et la pourriture des racines. Pour toutes ces raisons, la plan-tation se fait en gnral sur un sol ameubli et dsherb la charrue ou par binage. Sur des sols dgrads et sans structure, un labour conventionnel facilite linsertion des boutures dans le sol et permet lenracinement de bnficier dun sol bien drain et bien ar2, 3.

    Cependant, ce nest pas le labour qui dtermine le rendement, mais ltat du sol. Il est galement possible de planter des boutures de manioc, et dobtenir de bons rendements, sur un sol non labour, condition que celui-ci soit sain, bien structur et sans compaction4. Un sol friable et riche en matire organique offre des conditions idales pour une culture zro labour2. Daprs une tude sur la production de manioc par les petits producteurs en Afrique de lOuest et de lEst, la plantation sur un lit de semis sans aucune prparation du sol est plus frquente que pour toutes les autres cultures, lexception du riz. L o le sol prsente de mauvaises qualits physiques, les agriculteurs plantent sur des buttes ou des billons prpars la main5.

    La pratique continue du labour conventionnel, surtout avec des charrues, herses ou rototillers lourds attels des tracteurs, enfouit la couverture protectrice du sol, tue ses biotes, entrane une dcomposition rapide de sa matire organique, et dtriore sa structure en pulvrisant ses agrgats. Labourer ou biner toujours la mme profondeur, saison aprs saison, provoque frquemment lapparition dune semelle de labour, couche de sol compacte en gnral sous la couche arable qui laisse difficilement le passage leau et aux racines Avec des sols de ce type, il sera ncessaire de les ameublir mcaniquement pour continuer produire, mais au prix dune aggravation de leur dgradation.

    Toujours avec ces sols, cultiver du manioc sans labour pourra se traduire par des rendements infrieurs dans les premires annes. plus long terme, cependant, en rduisant la minralisation du sol, son rosion et la perte deau, en contribuant reconstituer sa matire organique et en prservant la stabilit de ses agrgats et son drainage interne, le zro labour facilite au mieux le fonctionnement des racines. Une fois sa sant restaure, un sol non labour peut produire des rendements levs et le faire moindre cot, tant pour le agriculteur que pour la base de ressources naturelles du systme de production agricole.

    Aujourdhui, la prparation du sol pour le manioc se fait de toutes sortes de manires diffrentes et divers degrs dintensit. Les petits producteurs dIndonsie, du Viet Nam et de nombreux pays africains, ainsi que partout o la pente est trop forte pour permettre une mcanisation quelconque, utilisent en gnral une houe pour ameublir le sol lendroit

  • Chapitre 2: Systmes de production agricole 23

    du semis. Sagissant dune activit forte intensit de main-duvre, la prparation du sol se limite frquemment au trou de semis proprement dit. Si cela sapparente un labour rduit, il peut galement en rsulter un mauvais rendement si les plantes adventices ne sont pas combattues.

    Dans les rgions o les agriculteurs cultivent le manioc sur de grandes surfaces, ils procdent traditionnellement un labour tract par des bufs ou des buffles deau, en gnral en un ou deux passages. Les agriculteurs des zones montagneuses de la Colombie utilisent une charrue rversible simple tracte par une paire de bufs11. En Indonsie, ils labourent avec des bufs, avant de billonner la main avec une houe manche court. Dans ltat indien du Kerala, les agriculteurs binent le sol avant de pratiquer des buttes individuelles pour chaque plant de manioc, une pratique haute intensit de main-duvre qui peut demander plus de 30 jours de travail lhectare.

    Dans les pays o le manioc est cultiv sur de grandes surfaces, allant de 2 5 ha, le sol est gnralement prpar avec un tracteur tirant une charrue versoirs ou disques, suivi en gnral par un passage de herse disques et parfois de billonneuse. Ou encore, le sol est ameubli, et les rsidus de culture et plantes adventices enfouis, avec un rototiller. Cependant, cette mthode tend pulvriser le sol et peut entraner une rosion srieuse si le sol est en pente.

    De nombreux producteurs brsiliens de manioc pratiquent le labour de conservation. En gnral ils cultivent durant les mois dhiver une plante de couverture, comme lavoine maigre (Avena strigosa) ou le bl, afin de protger la surface du sol, de lenrichir en matire organique et dliminer les plantes adventices. Au printemps, avant la maturation de la crale de couverture, celle-ci est crase avec un rouleau tir par un tracteur, ou tue avec des herbicides, puis une planteuse mcanique plante les boutures de manioc directement travers le paillis form par les rsidus de la crale. Au Paraguay, les agriculteurs plantent le manioc la main sans labour pralable, aprs avoir utilis de lavoine maigre ou des lgumineuses arbustives comme couverture dhiver12.

    De nombreuses exprimentations ont tent de dterminer la meilleure mthode de prparation du terrain pour le manioc et leffica-cit des mthodes alternatives bases sur le labour de conservation11, 13. Cependant, les effets des diffrentes options de labour sur le niveau de rendement ne sont pas clairement tablis: les expriences de terrain en Afrique, en Asie et en Amrique latine donnent des rsultats qui varient dune anne lautre et dun endroit lautre. Sur une pente peu prononce en Colombie, les meilleurs rendements pour une varit rsultaient dun labour rduit prparation la houe des seuls trous de plantation alors que pour une autre varit, lutilisation dun rototiller mont sur un trac-teur donnait le meilleur rendement (figure 5). Tant le zro labour quune prparation en bandes de semis la houe ou au rototiller produisaient des rendements sensiblement infrieurs. Mais dautres exprimentations

  • 24 Produire plus avec moins: Le manioc

    dans la mme zone portant sur le zro labour, le labour traction animale (bufs), et le labour en bandes de semis ont dsign le zro labour comme entranant les rendements les plus levs et lrosion du sol la plus faible.

    Lors dune exprimentation sur trois ans, sur une pente 25 pour cent dans la province de Hainan, Chine, le rendement suprieur, 26 tonnes/ha, rsultait de labour et disquage conventionnels. Un labour rduit aux trous de plantation donnait un rendement lgrement infrieur, de 24,6 tonnes, tandis quau zro labour et la prparation de bandes de semis cor-respondaient des rendements encore plus bas, denviron 22,8 tonnes. Cependant, le

    labour rduit et le zro labour entranaient galement le plus faible niveau drosion du sol, un problme majeur sur une pente marque14.

    Au Brsil, le rendement moyen en manioc, lors dune exprimentation sur quatre ans, tait de 18,2 tonnes/ha sur les parcelles zro labour, sensi-blement moins que les 24,7 tonnes rsultant du labour conventionnel15. En revanche, sur des sols argileux pralablement plants en mas dhiver sous zro labour pendant quatre ans, le zro labour et le labour conventionnel naboutissaient pas des diffrences de rendement significatives16.

    Lors dune exprimentation en Thalande portant sur la prparation du terrain, sur quatre annes conscutives, la pratique standard deux labours avec une charrue 3 disques puis une herse 7 disques a donn les meilleurs rendements, tandis que le zro labour donnait en permanence un rendement plus faible3. En revanche, une autre exprimentation mene en Thalande na pas donn de diffrence significative de rendement entre les modes de labour. En passant une sous-soleuse suivie dun chisel, les chercheurs ont atteint un rendement de quelque 22 tonnes/ha, contre 20 tonnes quand le terrain ntait pas labour et les plantes adventices combattues avec des herbicides17.

    En Thalande galement, avec une application dengrais azot de 100 kg/ha, le rendement en racines tubreuses du manioc cultiv en zro labour a atteint 67 tonnes, nettement plus que les 53 tonnes rsultant dun labour conventionnel (figure 6). Lanne suivante, le rendement moyen des parcelles non laboures est retomb 49 tonnes, lgrement infrieur celui des parcelles sous labour conventionnel, de 54 tonnes cette anne-l17.

    Une tude nigriane a conclu que le rendement obtenu par billonnage conventionnel est jusqu 48 pour cent suprieur celui des champs non labours18, bien que le zro labour soit la pratique la plus rpandue parmi les producteurs locaux. Cependant, les plantations avaient t effectues au

    20

    15

    0

    5

    10

    Labour en bandes de

    semis

    Rototiller Labour rduit

    Zro labour

    Varit A Varit B

    Source: Tableau annexe 2.1

    Figure 5 Effets du mode de labour sur le rendement du manioc, Colombie (t/ha)

  • Chapitre 2: Systmes de production agricole 25

    cur de la saison des pluies, en juin, au moment o lhu-midit du sol est maximale et la temprature minimale, ce qui a ralenti lmergence des plants sur les parcelles non laboures et entran la pourriture dune quantit substantielle de boutures18. En fait, quand la plantation a t effectue au dbut de la saison des pluies, en mars, lmergence du manioc a t meilleure dans les parcelles zro labour19. Dautres exprimentations menes au Cameroun et au Nigria ont conclu que le mode de labour na pas deffet sur le rendement en manioc18, 20; en Rpublique dmocratique du Congo, le rendement tait plus lev en labsence de labour sur sol ferralitique, et de mme niveau sur sol de limon sableux, condition que la parcelle soit paille2.

    Pour finir, une tude rcente portant sur une expri-mentation de 8 ans sur sol de limon sableux en Colombie a conclu que le zro labour est plus efficace pour enrichir le sol en nutriments et prserver ses caractristique physiques, et que, combin avec le paillis de rsidus de rcoltes, il produit les rende-ments en racines tubreuses les plus levs, avec ou sans fumure minrale (figure 7). Ltude concluait, dans son valuation cots-bnfices, que la comparaison du labour conventionnel et du zro labour tait lavantage de celui-ci, qui, sur le long terme, reprsente un systme optimal de production du manioc21.

    Sur la base des donnes dont nous disposons, il nest pas possible de dfinir une mthode quelconque de prparation du sol comme la meilleure pour le manioc. titre de conclusion densemble, on peut en dduire que, sur le rendement en manioc, les effets du mode de labour fluctuent dune anne lautre, et que, pour la lutte anti-rosion, les effets du zro labour se rvlent en gnral positifs. La recherche montre galement que sur les sols lourds, mal drains ou dj fortement dgrads, il est ncessaire de prparer le sol sous une forme ou sous une autre. Cependant, mme dans ce dernier cas, la ncessit dun labour peut tre rduite par le recours des pratiques amliorant la structure, la teneur en matire organique et le drainage du sol, comme le paillage2.

    Les producteurs de manioc doivent tre encourags se tourner vers le labour minimum, et, dans lidal, le zro labour, surtout sur des sols bien agrgs, friables, avec une teneur convenable en matire organique.

    Source: Tableau annexe 2.2

    80

    70

    60

    0

    40

    30

    20

    10

    50

    0-50-50 50-50-50 100-50-50

    Labour conventionnel

    * N-P2O

    5-K

    2O exprim en kg/ha

    Zro labour

    Figure 6 Effets du mode de labour et de lengrais* sur le rendement du manioc, Thalande (t/ha)

    Avec engrais Sans engrais7

    6

    5

    0

    3

    2

    1

    4

    Labour conventionnel

    Labour conventionnel

    +paillis

    Zro labour Zro labour +paillis

    Source: Tableau annexe 2.3

    Figure 7 Raction du rendement du manioc au paillis de plantes de surface, la fumure et au labour, Colombie (t/ha)

  • 26 Produire plus avec moins: Le manioc

    Du fait que les rendements ne dpendent pas du labour proprement dit, mais de la sant du sol, il est recommand dassortir les exprimentations portant sur le labour dun suivi prcis de lvolution de la structure du sol et de sa matire organique sous le rgime du zro labour, car il semble que ces facteurs aient un impact long terme positif sur les rendements du manioc et soient de bons indicateurs de la durabilit de sa culture.

    Mme l o le labour de conservation entrane des rendements infrieurs, il prsente des avantages conomiques pour les producteurs: conomies sur le carburant et lquipement requis pour un labour conventionnel, et du fait quil rduit lrosion du sol, prserve sa teneur en eau et contribue prserver sa sant possibilit de produire du manioc de faon plus intensive et durable, sans devoir utiliser de grandes quantits dinputs extrieurs22. Le labour de conservation prsentera galement une alternative intressante au labour conventionnel dans les zones touches par le changement climatique. L o les prcipitations diminueront, il contribuera prserver la structure du sol, et l o elles augmenteront, il contribuera rduire lrosion du sol et amliorer sa structure, permettant un meilleur drainage interne23.

    Cultures de couverture et paillageLe maintien en permanence dune couverture du sol est une autre pra-tique de base de Produire plus avec moins, qui est de plus essentielle pour tirer pleinement parti des avantages du labour de conservation. La couverture du sol est tout particulirement importante dans le cas du manioc avec sa croissance initiale lente, le sol reste expos limpact direct de la pluie durant les 2 ou 3 premiers mois du cycle vgtatif, et lapparition de plantes adventices est favorise par le large espacement entre les boutures plantes. Afin de protger la surface du sol, de rduire le ruissellement et lrosion, et de contrer les plantes adventices, les recom-mandations de Produire plus avec moins comportent la couverture de la surface du sol avec un paillis, tel que rsidus de rcoltes, ou de cultiver des plantes de couverture (aussi appeles paillis vivant) au cours des priodes de jachre ou pendant limplantation du manioc. Le paillage des lits de semis est tout spcialement recommand quand le manioc est cultiv sur des pentes vulnrables lrosion. Les boutures de manioc peuvent tre plants directement travers le paillis de couverture, avec peu ou pas de prparation du sol24.

    Le paillis de couverture sert galement de couche isolante, rduisant les variations diurnes de la temprature et lvaporation de leau, mme en cas de scheresse prolonge. Il augmente la teneur du sol en matire organique et offre un environnement favorable aux micro-organismes du sol ainsi qu la faune souterraine. Le paillis, en amliorant les conditions physiques du sol rduction de la temprature du sol, humidit du sol

  • Chapitre 2: Systmes de production agricole 27

    accrue, meilleure capacit dinfiltration de leau et moins dvaporation contribue de meilleurs rendements16.

    Lors dune exprience sur 3 ans en Rpublique dmocratique du Congo, lapplication de 5 tonnes de paille de riz sur du manioc tardif a entran laugmentation du pH du sol, de sa teneur en carbone organique, du phosphore dis-ponible pour le sol et des cations chan-geables avec le sol. Les plants de manioc paills produisaient des racines tubreuses plus nombreuses et plus grosses que les non pailles, et le rendement en poids sec de racines tubreuses augmentait chaque anne, passant dune moyenne de 4,3 tonnes 5,6 tonnes lhectare, quel que soit le cultivar utilis. En annes un, deux et trois, les rendements taient respectivement suprieurs de 17 pour cent, 28 pour cent et 58 pour cent ceux du manioc non paill (figure 8)25.

    On considre gnralement que la culture de plantes intercalaires entre les cycles de culture du manioc constitue une pratique damlioration du sol (voir chapitre 5, Nutrition des cultures). Cependant, elle peut galement contribuer rduire les infestations de plantes adventices. Les lgumineuses croissance rapide touffent de nombreuses adventices indsirables qui prolifrent normalement durant limplantation du manioc, ainsi quaprs sa rcolte, apportant ainsi un moyen de lutte anti-adventices moins gourmand en main-duvre que le dsherbage manuel et moins coteux que la pulvrisation dherbicides (voir aussi chapitre 6, Ravageurs et maladies).

    Des expriences ont montr que si les lgumineuses prennes sont plus efficaces pour la protection du sol que les lgumineuses graines, telles que haricots et pois chiches, les lgumineuses prennes trs productives, telles que le stylosanths (Stylosanthes guianensis) entrent vivement en concurrence avec le manioc pour les nutriments et rduisent le rendement racine dans une proportion considrable. Cependant, avec des lgumineuses prennes moins agressives, telles que larachide pinto (Arachis pintoi), la perte en rendement est moins grave26.

    Cultures mixtesBien que le manioc soit cultiv en monoculture en Thalande et dans le sud du Brsil, la culture en intercalaire est pratique par de nombreux petits agriculteurs en de nombreux endroits des tropiques. Ceux qui le cultivent pour lautoconsommation, ou ne disposent que de trs peu de

    6

    5

    4

    0

    2

    1

    3

    Anne 1 Anne 2 Anne 3

    Paill*

    * paille de riz 5 t/ha

    Non paill

    Source: Tableau annexe 2.4

    Figure 8 Effets du paillage sur le rendement sch du manioc de fin de saison, Rpublique dmocratique du Congo (t/ha)

  • 28 Produire plus avec moins: Le manioc

    En monoculture, le manioc est en gnral plant avec des espacements de 1 m, soit 10 000 plants lhectare.

    terre, plantent des cultures maturation rapide, telles que mas, riz pluvial, et diffrents types de lgumineuses graines, dont les haricots communs, les pois chiches, le haricot mungo et larachide, dans lespace qui spare les rangs de manioc. Les avantages de cette pratique sont nombreux elle abrite le sol de limpact direct de la pluie, rduit lrosion provoque par le ruissellement, et limite la prolifration dadventices durant les premiers stades du dveloppement du manioc.

    Les cultures intercalaires produisent par ailleurs des plantes dont la rcolte stage au long de lanne, amliorent le revenu net par unit de superficie foncire, et rduisent le risque de perte totale dune rcolte. Cest ainsi que dans le sud-ouest du Nigria, par exemple, on plante souvent ensemble mas et manioc, durant la premire des deux saisons des pluies annuelles; le mas sera ensuite rcolt loccasion dune brve interruption des pluies, tandis que le manioc continuera seul. Les deux cultures diffrant par leurs complexes ravageurs-maladies et leurs exigences trophiques, une dentre elles peut survivre tandis que lautre chouera. Certains producteurs plantent mme une deuxime culture de mas le manioc est moins risqu et le mas, en cas de russite, constitue un bonus27.

    La culture de manioc en mme temps que des lgumineuses graines cycle court prsente encore un autre avantage: elle apporte des glucides et des protines, qui sont la base dun rgime alimentaire sain pour un mnage dagriculteurs. On a pu estimer quun hectare de manioc en inter-calaire avec des haricots noirs communs (Phaseolus spp.) peut produire environ 10 tonnes de manioc frais, 30 pour cent damidon, et 600 kg de haricots 28 pour cent de protines ce qui permet de couvrir les besoins alimentaires de cinq adultes tout en laissant un surplus denviron

  • Chapitre 2: Systmes de production agricole 29

    En Indonsie, les agriculteurs plantent le manioc avec dautres cultures, croissance plus rapide, telles que riz et mas. Une fois les crales rcoltes, ils plantent de larachide.

    6 tonnes de manioc, pour lutiliser comme aliment du btail ou pour le vendre2.

    Dans de nombreux en-droits, en Afrique, le manioc est cultiv en mme temps que de nombreuses autres plantes, tantt selon un schma ordonn, tantt en un mlange inorganis de diverses cultures qui sont continuellement rcoltes et replantes ds que la place se libre. En Afrique de lOuest, une pratique r-pandue consiste planter de 5 10 boutures de manioc sur le pourtour de buttes de grandes dimensions, et de planter le centre de la butte en cultures telles que mas, haricots, et melon.

    En Indonsie, le riz pluvial est cultiv entre les rangs de manioc, tandis que le mas est cultive entre les plants de manioc, dans les rangs proprement dits. Une fois riz et mas rcolts, environ quatre mois aprs leur plantation, lespace inter-rangs est replant en lgumineuses graines, telles que soja ou arachide. Dans certaines zones, grce la longueur de la saison des pluies, une quatrime culture intercalaire est possible, comme lambarique, aprs rcolte des lgumineuses graines. Ce type de culture intercalaire particulirement intensive permet jusqu cinq rcoltes en une anne sur une superficie trs rduite.

    Des exprimentations menes au Viet Nam ont montr que la culture mixte manioc-arachide (Arachis hypogaea) non seulement donne des rendements en racines tubreuses levs (30,7 tonnes/ha) mais encore fournit un revenu net bien suprieur la monoculture (figure 9). Les ren-dements en monoculture sont lgrement meilleurs que dans le systme

    30

    0

    20

    15

    10

    5

    25

    Manioc+arachide Manioc+haricot mungo Monoculture

    Cots de production Ventes brutes Revenu net

    Source: Tableau annexe 2.5

    Figure 9 Cots de production et revenu gnrs par trois expriences de cultures intercalaires avec manioc, Viet Nam (millions de dong)

  • 30 Produire plus avec moins: Le manioc

    manioc-arachide, 32 tonnes/hectare, et avec des cots de production infrieurs de 30%. Cependant, la valeur commerciale leve de larachide, et son rendement de 1,5 tonnes/ha, rsultent en un revenu net total de 50% suprieur celui de la monoculture.

    En Rpublique dmocratique du Congo, un mode de plantation du manioc 2 m dinter-rangs et 0,5 m entre les plants sur chaque rang (au lieu de lespacement classique de 1 par 1 m) permet deux rcoltes successives dintercalaires en lgumineuses, une en arachide et lautre en haricots rame. Cette disposition des cultures naffecte pas le rendement du manioc, et le revenu additionnel provenant des ventes de lgumineuses se monte presque 1000 dollars EU par hectare28. En Inde, la culture mixte manioc-banane entrane des rendements manioc suprieurs, tandis que le revenu net maximum est obtenu en combinant le manioc avec des haricots verts ou des pois chiches29.

    Dans le nord-est de la Thalande, les producteurs laitiers ont mis au point un systme alimentaire-fourrager base de manioc en intercalaire avec des pois chiches. La culture de pois chiches fournit jusqu 2,4 tonnes de fourrage par hectare, qui est donn aux vaches en mme temps que les feuilles de manioc sches. Si ce systme donne gnralement un rendement infrieur la monoculture, les chercheurs ont dtermin quil maximise lefficacit de lutilisation de la terre et produit de meilleurs rsultats conomiques30.

    Les cultures mixtes supposent une slection attentive des cultures individuelles dans leurs varits les mieux adaptes ainsi quun calendrier de plantation soign, une fumure efficace, et une rpartition et une densit optimales des plants. Au Nigria, la russite des combinaisons manioc-mas dpend du calendrier et de lintensit de la rcupration du manioc une fois le mas rcolt. La recherche a tabli quavec un mas plant haute densit et un rendement de mas suprieur 3,5 tonnes, le rendement du manioc retombe de 31,6 tonnes/ha moins de 20 tonnes/ha. Au cours dexprimentations en Thalande, planter des pois chiches (Vigna unguiculata) et des pois sabres (Canavalia gladiata) en mme temps que le manioc sur une priode de quatre ans a donn des ren-dements infrieurs ceux du manioc cultiv seul. Cependant, quand la plantation des intercalaires seffectuait trois semaines aprs celle du manioc, le manioc tait soumis une moindre concurrence en dbut de croissance, ce qui lui permettait une meilleure implantation et aboutissait des rendements dpassant ceux de la monoculture31.

    Lefficacit anti-rosive des intercalaires dpend de la quantit de feuillage quelles ont t en mesure de produire avant que les prcipita-tions ne sattaquent la surface du sol. Cela peut expliquer le caractre contradictoire des rsultats obtenus par lutilisation des intercalaires pour lutter contre lrosion du sol. Lutilisation en intercalaire de larachide, de la citrouille, de la courge ou du mas doux a t juge peu efficace en Thalande, tandis que lassociation manioc-mas au Viet Nam et manioc-ambarique en Thalande tait estime trs efficace32.

    En Thalande, du manioc avec une culture intercalaire de pois chiche (ci-dessus) entrane gnralement des rendements en racines tubreuses plus bas, mais le fourrage produit suffit assurer un revenu net suprieur.

  • Chapitre 2: Systmes de production agricole 31

    Des rsultats plus rguliers en matire de lutte anti-rosion ont t obtenus par la culture du manioc entre des haies de protection, ou haies v