Maman, je t’aime jusqu’au soleil · 2 7 foyer, même le temps d’une journée ! Malgré les...

14
Maman, je t’aime jusqu’au soleil Aline Clavreuil

Transcript of Maman, je t’aime jusqu’au soleil · 2 7 foyer, même le temps d’une journée ! Malgré les...

2

Mam

an, j

e t’a

ime

jusq

u’au

sole

il

Maman, je t’aime jusqu’au soleil

Aline Clavreuil

11.8 627836

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 140 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 11.8 ----------------------------------------------------------------------------

Maman, je t’aime jusqu’au soleil

Aline Clavreuil

Alin

e C

lavr

euil

2 2

2 3

À mon fils, Arthur, 3 ans.

Tu es né le 09 mars 2010, pourtant je suis devenue mère le mercredi 13 juin 2012. Tu avais alors un peu plus de deux ans lorsque pour la première fois j’ai ressenti cette sensation, cette obsession de la protection, presque jusqu’à la fureur, à l’excès.

Une année vient de s’écouler depuis ce fameux jour, et ce sentiment né il y a un an, ne s’est jamais éteint. Peut-être la vie quotidienne masque-t-elle et adoucie-t-elle cet excès, mais il est toujours là, au fond de moi, au fond de mon cœur, de mon corps.

Notre vie à tous les deux a basculée, avec pour seul résumé une phrase écrite par ton papa dans un mail :

« Ta vie va devenir un cauchemar quand tu sauras »

Non, mon amour, la vie que nous menons aujourd’hui n’est pas un cauchemar, bien qu’elle l’ait sûrement été dans ma tête à de multiples reprises au cours des deux dernières années. Mais être ta maman et te protéger n’est pas un cauchemar, c’est la vraie vie, avec ses mauvais coups, ses embûches, semblables à de grands coups de couteau en plein cœur, dont vous avez

2 4

l’impression que vous ne vous relèverez jamais. Et puis au matin, chaque matin, une voix, un

sourire, un mot, un pleur, une envie, une colère, un regard… ce regard malicieux et espiègle que tu as quand tu me vois, quand tu vois n’importe qui, d’ailleurs !

C’est pour toi mon mimi, pour toi que j’écris aujourd’hui, pour te raconter notre histoire, l’histoire de notre vie. Pas ta vie à toi, pas la mienne, mais la nôtre, parce que depuis ce jour de juin, nous deux ne faisons plus qu’un.

La vie d’« avant » je te la raconterai. Tu sauras tout de cette merveilleuse vie que nous avons eue depuis ta naissance. Tu sauras que tu es né de l’amour, né du désir, mais ce n’est pas de cela dont je veux te parler. Le bonheur est facile à dire, la douleur, elle, est plus facile à écrire.

Sache que le plus important, c’est qu’aujourd’hui je suis de nouveau heureuse, j’aime et je suis aimée, voilà l’essence de ma vie.

Nous sommes début 2014 lorsque j’achève ce livre et la seule certitude que j’ai à l’esprit c’est que le 13 juin 2012 a été ma naissance à moi, en tant que maman.

Maman « Maman, je t’aime jusqu’au soleil ! »

Arthur

2 5

I Il y eut un soir,

il y eut un matin, ce fut le premier jour 12 Juin 2012

Le réveil est flou, comme un lendemain de fête. Je ne sais pas si c’est la chaleur tiède du matin ou l’heure matinale à laquelle mon fils Arthur, 2 ans et demi, me réveille, mais je suis groggy. Oui ça pourrait ressembler à cela, si seulement je n’avais pas vécu cette dispute. Parce qu’aujourd’hui je ne pense qu’à une chose en ouvrant les yeux : Que s’est-il passé ?

En septembre cela fera deux ans que nous sommes mariés. Une vie simple dans la campagne nantaise, une maison, un bébé, un chien, un poisson rouge. Amis depuis près d’une dizaine d’années, nos chemins n’étaient pas destinés à s’unir, mais la vie faisant ce qu’elle veut, nous sommes tombés amoureux et la première fois où il m’a embrassé, je

2 6

me suis dit « C’est lui, l’homme de ma vie ! Le père de mes enfants, ce sera lui ! ». Deux ans après ce premier baiser, nous avons donné naissance à un petit bonhomme, une petite bouille blondinette au sourire ravageur. Puis ce fût le mariage, comme la consécration d’une vie lisse et parfaite dans laquelle je m’épanouissais. C’était ça la vie, la vraie, j’en étais persuadée, ma vie était une autoroute, rien ne pourrait jamais m’arrêter.

Et puis en une soirée, c’est un carambolage de grande envergure qui s’est produit sur mon autoroute de la vie. Il est 8 h du matin et je ne cesse de me répéter cette fameuse question « que s’est-il passé ? ». En quelques minutes, mon esprit est envahi par tout un tas d’autres questions en ouvrant le volet de la chambre : « Les deux voitures sont là, où est mon mari ? Est-il parti au travail ? A-t-il pris sa journée ? ».

Le silence de la maison, la froideur qu’elle dégage malgré les jouets et les photos éparpillés dans toutes les pièces, tout me fait sentir que quelque chose a changé. C’est là que je comprends : oui, la vie a changé, « il » est parti. Je ne sais ni quand, ni où, ni comment, et encore moins pourquoi, mais il est parti !

Pour Arthur c’est un mercredi comme les autres. C’est le fameux mercredi des semaines paires où je ne travaille pas, un mélange de plaisir et de frustration pour moi, comme tous les quinze jours. La « working girl » que je suis a bien du mal à jouer les mamans au

2 7

foyer, même le temps d’une journée ! Malgré les bruits et le tapage des jeux électroniques, le mercredi est synonyme d’ennui, de solitude. Je ne suis jamais parvenue depuis ces deux dernières années à m’épanouir « à la maison ». Est-ce pour cela que je la fuis pour retourner le plus possible au travail ? Je suis pourtant très heureuse, mais j’ai toujours besoin de mon mari près de moi, pour me sentir bien. Je n’arrive pas à m’accomplir par moi-même. Est-ce par culpabilité de ne jamais m’être sentie à la hauteur, à la hauteur de mon mari, à la hauteur de mon rôle de mère, à la hauteur des autres, amis, famille, que je passe mon temps à essayer de plaire à mon entourage, de les rendre fiers tout simplement, sans jamais m’en convaincre ?

Pourtant, dès les premiers jours à la maternité tout a été facile, j’étais une maman très au point ! Car d’un point de vue technique j’ai toujours géré, je n’ai jamais eu besoin de personne pour apprendre à changer une couche ou reconnaître les pleurs de mon fils. C’était même presque plus facile lorsqu’il était nourrisson, parce qu’il ne demandait que de la tendresse, de l’attention, et ça j’en ai à revendre ! En revanche, prendre du plaisir pour jouer ou dessiner, sont autant d’épreuves. Là où d’autres sont des mamans que j’admire, comme je peux admirer ma maman, moi je me sens très éloignée de cette image de maman « parfaite ». Malgré tout je me dis que c’est ainsi, que certaines personnes soit au service de leur

2 8

famille au quotidien, et d’autres, comme moi, au service de leur entreprise. Mais cela ne m’empêche pas d’être une maman présente à ma manière, d’aimer les miens plus que tout au monde, de vouloir sans cesse leur faire plaisir, leur montrer que je les aime.

Ce mercredi-là mon cœur est serré. Mon couple semble en danger et je suis là, dans la véranda, le téléphone à la main, sans savoir quel numéro composer. La dispute d’hier soir n’a pourtant pas été violente. Inattendue certes, brutale, perturbante, obsédante, mais pas violente, ni dans les mots, ni dans les gestes.

Il ne faut pas qu’Arthur entende, surtout qu’il ne sache rien, qu’il ne ressente rien. Tout comme pour les vaccins que je l’ai emmené faire il y a quelques mois, je voudrais pouvoir mettre un patch sur son cœur, et sur ses oreilles, pour insensibiliser chaque minute de cette journée qui commence.

Les appels s’enchaînent, de l’agence immobilière où travaille mon mari, à la gendarmerie, en passant par tous les hôpitaux de la région nantaise. Au bout d’une heure je me rends à l’évidence, le pressentiment que j’ai eu en ouvrant les volets est réel. Mon mari, cet homme sans qui je n’ai pas passé une seule minute depuis ces quatre dernières années, est parti, sans un bruit, sans un mot. Notre maison d’ordinaire si pleine de vie et de chaleur me renvoie inlassablement le souvenir d’une vie qui n’est plus. Mais que s’est-il passé ? Toujours cette même question qui me taraude.

2 9

Le temps et l’inquiétude ne font que croître. Que dois-je faire, prévenir la famille ? Non, impossible, tant que je ne sais pas, je garde tout cela pour moi. Tant que les événements d’une vie ne sont pas « publics » c’est comme s’ils n’existaient pas. Donc, pour l’instant, rien n’existe. J’attends, on verra bien. Et puis je ne suis pas du genre à étaler mes problèmes, je suis plutôt du genre à vouloir les cacher. Je reste figée sur le seuil de la porte d’entrée à caresser Valko notre labrador, je regarde la pendule, je regarde vers le portail, j’attends et chaque minute qui passe est plus difficile que la précédente.

Puis, une femme en uniforme frappe à la porte vitrée de la cuisine. C’est la gendarmerie. Suite à mes coups de fil, ils sont venus constater de plus près ce qui a pu pousser une femme à les appeler pour leur signaler la « disparition inquiétante » de son mari. Au moment où je les fais entrer, j’entends une voix dans mon dos qui me dit tout bas, « Maman, pourquoi il y a la voiture des gendarmes chez nous ? ». Mon Dieu ! À cet instant j’avais oublié, en l’espace d’une heure, j’avais oublié qu’il était là ! Je n’ai pensé qu’à son papa, je n’ai centré ma vie que sur mon inquiétude, sur mes questions, sur mes angoisses, en oubliant sa présence ! J’observe mon fils regarder à travers la vitre le gyrophare du véhicule de gendarmerie avec envie, presque avec cette fierté de petit garçon de voir cette voiture de rêve, dans son jardin.

L’officier de gendarmerie que je fais entrer est une

2 10

femme, accompagnée d’un jeune homme. J’ai tout de suite le sentiment qu’elle ne m’aime pas, ou plutôt qu’elle est très distante. C’est bien normal après tout, elle fait son travail, elle n’est pas là pour faire du social… Pourtant j’aurais bien besoin que quelqu’un me fasse un sourire. Elle me fait parler, mais cela ne dure pas très longtemps, je n’ai rien à dire. Quand ? « Hier soir ». Quoi ? « Un mail ». Pourquoi ? « Je ne sais pas ». Bref, elle me pose des questions auxquelles je ne sais que répondre, puisqu’à ce moment-là je ne comprends rien à ce qui m’arrive.

Une fois partis, je sais qu’il faut que j’éloigne Arthur de cette journée et de la maison, que je le protège. Ou bien est-ce moi que je protège. Avec le recul, je sais qu’à ce moment-là, je veux l’éloigner parce ce n’est pas une situation à laquelle un enfant doit être confronté. Mais surtout, je l’éloigne parce que je ne peux pas m’en occuper en plus de m’occuper de moi. La priorité à ce moment-là, c’est son père. Je dois savoir ce qui se passe, et je n’arrive déjà plus à le regarder dans les yeux, de peur que son regard ne croise le mien embué de larmes. Alors je le confie aux personnes les plus à même de le garder au pied levé, « Pata », « Lulu » et « Fabienne », ses trois nounous de la MAM, la maison d’assistantes maternelles dans laquelle Arthur est inscrit. C’est son univers, ses copains, ses jouets, ses histoires et son quotidien. A partir du moment où je passe la porte et qu’il entre dans la salle de jeux, je sais qu’il est en

2 11

sécurité. Peu importe ce qui se passera aujourd’hui, lui sera bien.

Maintenant je vais pouvoir me concentrer sur le « où ? ». Je remonte en voiture, et je fais exactement tout le contraire de ce que la gendarme m’a demandé : je le cherche. Je roule, je passe devant les endroits de nos balades familiales. Et des centaines de questions envahissent mon esprit, un mélange de scénarios tantôt réalistes, tantôt dramatiques traversent ma tête. J’arrive au lac de Vioreau et j’aperçois une fourgonnette, toujours cette fichue gendarmerie ! Que font-ils là ? C’est curieux que je les croise autant ! J’entrevois dans leurs mains un papier, une feuille photocopiée de mauvaise qualité, et quand j’ouvre ma fenêtre et que le jeune gendarme se penche sur la voiture, je reconnais cette photo imprimée, c’est lui, mon mari, en costume de marié. La seule photo que j’avais sous la main, une heure avant, quand on m’a demandé : « vous avez une photo de votre mari pour les recherches ? ». Je n’avais pas compris ce mot une heure avant : « Les recherches ». Mais alors, si de tels moyens sont mis en œuvre, c’est que c’est sérieux, oui c’est sérieux ! Moi qui gardais encore dans un coin de ma tête la possibilité que tout cela ne soit que la conséquence d’une dispute conjugale comme on en voit tous les jours, je prends tout à coup conscience que les autorités prennent tout cela au sérieux. Mes angoisses sont légitimes et je prends peur. Finalement, la cause de la dispute me semble de plus en plus loin,

2 12

de plus en plus ridicule, et je ne sais toujours pas pourquoi, mais la seule chose que je sais c’est que je veux qu’il revienne. C’est mon mari, et chaque minute d’incompréhension me mène presque à l’évanouissement. L’émotion est trop forte.

Je dois appeler, je dois parler, il le faut. La première personne que j’appelle, c’est ELLE, la source de la dispute. Elle décroche, énonce le nom de l’entreprise dans laquelle ils travaillent tous les deux, et là, je n’y arrive pas. Je voudrais savoir, je voudrais lui demander, la regarder en face, scruter chacune de ses respirations, ou ses moments de silence, je dois lui poser la question, l’unique question qui me permettrait de savoir, de comprendre : « As-tu une liaison avec mon mari ? ».

Mais je n’y arrive pas. Une simple question, banale, posée sans doute

tant de fois dans le monde. Mais c’est peine perdue, les seuls mots que j’arrive à articuler sont « As-tu des nouvelles de lui ? ». Non, elle n’en a pas, enfin, du moins c’est ce qu’elle prétend…

Je ne suis finalement pas plus avancée et je me pose toujours un tas de questions… Je compose le numéro de la seule personne qui pourra prendre le recul que je n’ai pas, celle à qui je pourrai tout dire, celle avec qui j’ai grandi, la marraine d’Arthur, Agnès, et elle décroche. Elle ne me pose aucune question, elle a compris dans mon « salut » que quelque chose de grave se passait pour moi, et elle me demande juste de

2 13

raconter. Alors je lui dis tout, le mail, la dispute, le doute. Mon mari me trompe-t-il ? Ai-je été jalouse ? Me suis-je emportée trop vite ? Ou bien, effectivement, oui, ai-je bien lu la culpabilité dans ses yeux et ai-je eu raison ? Je ne sais plus, je veux juste qu’il rentre. Le voir passer le pas de la porte, sain et sauf et oublier ce pourquoi j’ai pensé pour la première fois de ma vie, que mon mari me trompait. D’ailleurs je me suis forcément trompée, j’ai interprété trop vite, je fais tout trop vite, c’est bien connu, on me le répète assez depuis que je suis petite. C’est sans doute la phrase que j’ai le plus souvent entendue dans ma vie, mes choix, mes amours, mon fils, mon travail, tout, toute ma vie n’est qu’une succession de rapidités irréfléchies. Pourtant bizarrement, moi, je n’ai pas du tout ce sentiment. Je vis tout simplement.

Agnès me confirme que je me fais des idées. LUI, il ne peut pas me tromper, tous les autres hommes peuvent tromper leur femme mais pas lui, LUI il n’est pas comme ça, LUI ne me ferait pas souffrir. D’ailleurs « comment veux-tu qu’il ait le temps de te tromper ? Vous faites voiture commune toute la semaine ! ». Elle a sans doute raison, j’essaye d’écouter ce qu’elle me dit, car je veux plus que tout au monde qu’elle ait raison. Elle a raison, oui je fais fausse route. Mais malgré tout, ce doute est entré dans mon esprit, et il n’arrive pas à en sortir.

Je pleure, je parle, je sanglote, je crie aussi, je marche, je n’ai jamais fait autant de pas sur ce

2 14

carrelage, je m’assoie sur la petite marche en pierre, je me lève, me rassoie, regarde inlassablement par la porte vitrée, à attendre de le voir rentrer. Il ne sait sans doute pas qu’il est recherché, donc il doit faire un tour de vélo pour se calmer, et s’il ne sait pas, c’est n’est pas de sa faute après tout. Il n’est que 11 h ou midi. Une matinée d’absence, ce n’est pas si grave.

Je change de point de vue à chaque minute, et Agnès est toujours avec moi au téléphone, elle y restera pendant presque quatre heures ! Mon portable sonne, je décroche. Agnès reste en ligne, c’est la gendarmerie, ils vont reprendre les « recherches » à 13 h après avoir « quadrillé le secteur » et ils lanceront « l’hélico ». Incroyable, je suis bouche bée, pourquoi tant de moyens ? Cela a le don de m’inquiéter encore plus, tout en me rassurant à la fois. Je suis en plein « fait divers ». Dans la vie, on pense toujours que tout se passe chez les autres, qu’on est trop « bien » pour que ça se passe chez soi. Finalement, ce jour-là, c’est moi la Mme X du journal local.

Maintenant je dois être patiente, attendre que les gendarmes me rappellent. Ils vont me rappeler, ils vont le retrouver et on reprendra une vie normale.

Un autre appel ce midi-là : maman, qui comme à son habitude le mercredi, appelle pour prendre des nouvelles et discuter. Dois-je décrocher ? Je n’en ai aucune envie, ma voix va trahir le fait qu’il m’arrive quelque chose, mais si je ne décroche pas, elle va essayer à nouveau, et j’angoisse à l’idée même de voir