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Mai 1941 1 – La guerre en Méditerranée et la campagne des Balkans L’écroulement de la Yougoslavie et les malheurs de la Regia Marina 1 er mai La Corse écartelée Rome – Dans une déclaration spectaculaire évidemment reprise in extenso par tous les journaux italiens, Mussolini se félicite de l’accord trouvé avec ses partenaires de l’Axe à propos du sort de la Corse, qu’il présente comme un prélude à l’intégration de l’île à la « Mère Patrie » italienne. Pendante depuis la prise d’Ajaccio, la question du statut de l’île a fait l’objet d’âpres débats entre Rome, Paris et Berlin. Pour Mussolini, la participation de forces italiennes à la conquête de l’île doit impérativement se traduire par l’annexion de celle-ci par l’Italie. Pour Laval, au contraire, si les troupes de l’Axe ont heureusement chassé « les renégats judéo-maçonniques d’Alger », elles doivent tout simplement remettre le territoire entre les mains du NEF ! Pour Hitler, les arguments stratégiques et militaires priment sur les arguments politiques : pas question de laisser l’île sans défense – et à qui peut-on faire plus confiance pour la garder qu’à l’armée allemande, qui l’a payée si cher ? Comme souvent, en vrai maître du jeu, le Führer a caressé ses deux partenaires dans le sens du poil avant de trancher. Selon l’arbitrage qu’il a imposé la veille, dans le cadre d’une application large des clauses de l’armistice d’août 1940 et en attendant le futur traité de paix, la Corse restera sous administration civile française (donc du NEF), mais elle fera partie de la zone d’occupation italienne. La 4. Gebirgs-Division, qui était restée en Corse pour « maintenir l’ordre » est envoyée sur le front de Grèce. Néanmoins, des forces allemandes – notamment des Gruppen de la Luftwaffe et les troupes de défense de leurs aérodromes – resteront déployées dans l’île, sous commandement exclusivement allemand. Du point de vue allemand, cet arbitrage préserve l’essentiel, tout en permettant à Mussolini de manifester sa satisfaction et à la propagande du NEF de se féliciter que la Corse « revienne sous administration française ». La Hongrie, contrainte et forcée Budapest – En fin de journée, les premières troupes allemandes entrent en territoire hongrois. Dans la soirée, Pál Teleki, Premier ministre du régent Horthy, est trouvé mort dans son appartement du palais Sandor. Constatant qu’Horthy et les militaires avaient bel et bien livré son pays aux Allemands, il s’est tué d’une balle dans la tête. Défenseur convaincu de la neutralité hongroise, Teleki avait signé le 12 décembre 1940 un « accord d’amitié éternelle » avec la Yougoslavie. Mais, après l’ultimatum allemand, les militaires hongrois pro-allemands l’ont mis devant le fait accompli. Teleki laisse une lettre désespérée : « La nation yougoslave était notre amie. Mais, par lâcheté, nous nous sommes alliés à des gredins. Nous serons des pilleurs de cadavres ! » Les jours suivants, le gouvernement hongrois acceptera de participer à l’agression du pays voisin, avec pour prétexte la libération de populations magyares souffrant sous le joug slave… La Yougoslavie se prépare au pire Belgrade – Des envoyés alliés rencontrent en secret les responsables de la marine yougoslave, dont les forces, quoiqu’incapables de résister aux germano-italiens, ne sont pas négligeables (voir Appendice 1).

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Mai 19411 – La guerre en Méditerranée et la campagne des BalkansL’écroulement de la Yougoslavie et les malheurs de la Regia Marina

1 er maiLa Corse écarteléeRome – Dans une déclaration spectaculaire évidemment reprise in extenso par tous lesjournaux italiens, Mussolini se félicite de l’accord trouvé avec ses partenaires de l’Axe àpropos du sort de la Corse, qu’il présente comme un prélude à l’intégration de l’île à la« Mère Patrie » italienne.Pendante depuis la prise d’Ajaccio, la question du statut de l’île a fait l’objet d’âpres débatsentre Rome, Paris et Berlin. Pour Mussolini, la participation de forces italiennes à la conquêtede l’île doit impérativement se traduire par l’annexion de celle-ci par l’Italie. Pour Laval, aucontraire, si les troupes de l’Axe ont heureusement chassé « les renégats judéo-maçonniquesd’Alger », elles doivent tout simplement remettre le territoire entre les mains du NEF ! PourHitler, les arguments stratégiques et militaires priment sur les arguments politiques : pasquestion de laisser l’île sans défense – et à qui peut-on faire plus confiance pour la garder qu’àl’armée allemande, qui l’a payée si cher ?Comme souvent, en vrai maître du jeu, le Führer a caressé ses deux partenaires dans le sensdu poil avant de trancher. Selon l’arbitrage qu’il a imposé la veille, dans le cadre d’uneapplication large des clauses de l’armistice d’août 1940 et en attendant le futur traité de paix,la Corse restera sous administration civile française (donc du NEF), mais elle fera partie de lazone d’occupation italienne. La 4. Gebirgs-Division, qui était restée en Corse pour« maintenir l’ordre » est envoyée sur le front de Grèce. Néanmoins, des forces allemandes –notamment des Gruppen de la Luftwaffe et les troupes de défense de leurs aérodromes –resteront déployées dans l’île, sous commandement exclusivement allemand. Du point de vueallemand, cet arbitrage préserve l’essentiel, tout en permettant à Mussolini de manifester sasatisfaction et à la propagande du NEF de se féliciter que la Corse « revienne sousadministration française ».

La Hongrie, contrainte et forcéeBudapest – En fin de journée, les premières troupes allemandes entrent en territoire hongrois.Dans la soirée, Pál Teleki, Premier ministre du régent Horthy, est trouvé mort dans sonappartement du palais Sandor. Constatant qu’Horthy et les militaires avaient bel et bien livréson pays aux Allemands, il s’est tué d’une balle dans la tête. Défenseur convaincu de laneutralité hongroise, Teleki avait signé le 12 décembre 1940 un « accord d’amitié éternelle »avec la Yougoslavie. Mais, après l’ultimatum allemand, les militaires hongrois pro-allemandsl’ont mis devant le fait accompli. Teleki laisse une lettre désespérée : « La nation yougoslaveétait notre amie. Mais, par lâcheté, nous nous sommes alliés à des gredins. Nous serons despilleurs de cadavres ! » Les jours suivants, le gouvernement hongrois acceptera de participer à l’agression du paysvoisin, avec pour prétexte la libération de populations magyares souffrant sous le joug slave…

La Yougoslavie se prépare au pireBelgrade – Des envoyés alliés rencontrent en secret les responsables de la marineyougoslave, dont les forces, quoiqu’incapables de résister aux germano-italiens, ne sont pasnégligeables (voir Appendice 1).

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2 maiLes colonnes volantes du général DentzGrèce – De son QG de Kozani, le général Giraud organise son armée pour mettre en œuvre lenouveau plan. Il crée un détachement d’armée mobile commandé par le général Dentz etconstitué autour du 6e Groupement de Reconnaissance de Corps d’Armée (6e GRCA) par deséléments du 191e GRDI, un bataillon porté du 24e RMIC et un groupe d’artillerie motorisé du41e RAC ; les Grecs y participent avec des éléments de leur 19 e Division Motorisée. Le“détachement Dentz” est organisé en “colonnes volantes” associant des automitrailleuses, des47 mm anti-chars montés sur camions, de l’artillerie portée ou tractée, des fantassins portés etdes troupes d’assaut du génie. Ces formations font mouvement vers la frontière dans la valléedu Vardar (ce fleuve arrose Skoplje avant d’aller se jeter dans la Mer Egée près de Salonique).Les services du train s’organisent eux aussi pour pouvoir ravitailler les troupes avancées enYougoslavie.

3 maiHitler et son trainBerlin – Le Führer quitte la capitale à bord de son train spécial, rebaptisé pour l’occasionFrühlingssturm (Tempête de printemps). Le convoi doit se rendre en Autriche, où ilstationnera à proximité de Mönichkirchen. Là, il jouera le rôle de quartier général d’Hitlerpour les opérations à venir dans les Balkans.

L’escadre française de BenghaziMéditerranée Centrale – Pour mieux soutenir la Royal Navy qui défend les convoistransportant troupes et matériel vers la Grèce, la Marine Nationale envoie à Benghazi sa 2e

Escadre constituée des vieux cuirassés Bretagne, Provence et Lorraine, du croiseur lourdSuffren, des croiseurs légers Gloire et Montcalm, des contre-torpilleurs Mogador (6e DCT),Le Fantasque et Le Terrible (10e DCT) et de la 6e division de torpilleurs : Mistral, Tempête,Tornade et Trombe (classe Bourrasque) 1. Cette force est commandée par l’amiral JacquesBouxin.

(Mauvaise) fortune de merA l’est d’Alicante (et au sud-ouest de l’île de Formentera), 01h45 GMT – Le sous-marinHMS Usk (Lt G.P. Darling) rentre à Gibraltar au terme d’une première patrouille de douzejours, restée infructueuse, sur les côtes espagnoles et françaises (jusqu’à Sète). Alors qu’ils’apprête probablement à faire surface pour recharger ses batteries, mais est encore immergé,son kiosque est involontairement éperonné par le cargo espagnol Juan de Astigarraga (3 561GRT), allant de Carthagène vers Palma de Majorque. Le submersible coule avec tout sonéquipage, tandis que son abordeur, gravement endommagé, parvient à se traîner jusqu’àAlicante. Les autorités espagnoles imposeront le secret le plus absolu sur l’accident et lavérité ne sera connue que bien après la guerre.Le 11 mai, la 8e Flottille portera disparu le HMS Usk dans des circonstances inconnues.

4 maiLa Wehrmacht attaqueYougoslavie, Grèce – Le déclenchement simultané des opérations “25” (contre laYougoslavie) et “Marita” (contre la Grèce) est annoncé par des attaques massives de la

1 La 9e division de torpilleurs : Basque, Forbin et Le Fortuné (classe L’Adroit) a rejoint Alexandrie.

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Luftwaffe contre Belgrade, Salonique et différents objectifs militaires ou non en Yougoslavieet en Grèce.La Luftwaffe a déployé pas moins de trois FliegerKorps (les IVe, Ve et VIIIe, qui viennentd’être reconstitués après les pertes de Merkur, même si leur qualité n’est déjà plus ce qu’elleétait un an auparavant), sous l’autorité de la LuftFlotte 4 de Löhr. Le X e FliegerKorpscontinue quant à lui à soutenir la progression allemande en Albanie.La plupart des attaques contre les aérodromes yougoslaves sont réussies, bien que, lorsqu’ilsparviennent à décoller, les chasseurs yougoslaves, Ikarus 2 et 3, Hurricane I et… Bf 109E,opposent une résistance désespérée.Au-dessus de Belgrade, la défense est vite submergée et pendant trois heures, les avionsallemands bombardent à loisir la cité et tous les centres administratifs, faisant plus de 17 000morts. A la fin de l’opération “Punition” (Unternehmen Strafgericht), la capitale est en ruines,ajoutant un nouveau nom au martyrologe des villes, grandes ou petites, brisées par la guerre –Varsovie, Orléans, Toulon, Coventry, Bastia… Ce ne sera pas le dernier.Le général Carton de Wiart parcourt les rues en flammes et poursuit sans relâche son pland’évacuation. Il ne perd même pas son sang-froid en se retrouvant nez à nez, au bord duDanube, avec un ours polaire évadé du parc zoologique. « Il a continué son chemin et moi lemien. Un parfait gentleman » racontera-t-il.………Au-dessus de Salonique, la situation est bien différente. En effet, alertés par lesRenseignements et patrouillant dès l’aube comme chaque matin depuis trois jours, leschasseurs français infligent des pertes sévères aux attaquants.………Au même moment, le nord et le centre de la Yougoslavie sont la cible d’une attaque généraleitalo-allemande. Cependant, en dehors de la Hongrie, dont les troupes doivent « libérer » unerégion où se trouve une forte minorité hongroise, les alliés de l’Axe Berlin-Rome, Roumanieet Bulgarie, s’abstiennent de toute participation active. Il est vrai que la Bulgarie prétendprotéger le flanc est de la 12e Armée allemande contre une intervention turque !– Au nord, les troupes de la 2e Armée italienne (voir Appendice 2) pénètrent dans l’ouest de laSlovénie et marchent sur Ljubljana et vers la côte dalmate. Simultanément, la 2 e Arméeallemande, basée en Autriche, lance son XLIX.Armee Korps vers Ljubljana et son LI.AK versZagreb.– Au centre, tandis que la 3e Armée hongroise fixe la 1ère Armée yougoslave sur la routedirecte Budapest-Belgrade, les Allemands lancent une attaque concentrique vers Belgrade. LeXLVI.ArmeeKorps (motorisé), venant de Hongrie, passe la frontière à Barcs et à Koprivnicaet progresse vers Novi Sad (au sud). La 12e Armée allemande, basée en Roumanie et enBulgarie, attaque sur plusieurs axes. D’une part, le général von Kleist lance à l’attaque lesblindés de son 1.PanzerGruppe : le XLI.AK (mot), venant de Timisoara (Roumanie), passe lafrontière à Vrsac et se dirige vers Pancevo et Belgrade, pendant que le XIV.AK (mot), venantde Bulgarie, attaque vers Nis (au nord-ouest). D’autre part, le XL.AK (motorisé), venant luiaussi de Bulgarie, attaque vers Kumanovo, le long de la voie ferrée Sofia-Skoplje, tout endétachant la brigade SS Leibstandarte Adolf-Hitler, qui s’engage dans la haute vallée de laStrumica vers l’ouest.………Plus au sud, d’autres unités de la 12e Armée basées en Bulgarie attaquent à travers le massifdu Rhodope, à la fois en territoire yougoslave et en territoire grec. L e XXX.ArmeeKorpsavance en Thrace orientale, par delà le fleuve Nestos, tandis que le XVIII.AK descend lavallée du Strymon et attaque la passe de Rupel, au sud de la Yougoslavie.C’est sur ce front sud que la réaction alliée est la plus efficace. Les colonnes volantesfrançaises du détachement Dentz traversent la frontière gréco-yougoslave et se lancent vers

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Skopje pour prendre le contrôle de la haute vallée du Vardar, pendant que les fantassinsyougoslaves et grecs résistent opiniâtrement aux attaques.Dans les airs, les chasseurs français et britanniques réussissent à disputer aux Allemands lamaîtrise de l’air au-dessus de la frontière grecque. A partir de l’après-midi, des bombardiersMartin 167 Maryland français harcèlent les pointes allemandes progressant en Macédoineyougoslave. Les Maryland effectuent plus de 150 sorties offensives dans cette zone etsubissent de lourdes pertes (14 appareils abattus, 18 endommagés), mais leurs attaques sontefficaces.

Raid sur AlgerBerlin, ReichsLuftMinisterium – Tout en suivant attentivement le déroulement desopérations en Yougoslavie et en Grèce, Göring ne peut s’empêcher d’être légèrement inquiet.Non pas en raison des actions au-dessus de Belgrade et des montagnes de la frontière grecque,où tout se déroule pour le mieux, mais parce que le délai de deux semaines fixé par Hitlerpour une action « énergique » contre Alger est écoulé depuis la veille… Par bonheur, si sessubordonnés se montrent enfin à la hauteur, il pourra dès demain mettre un peu de baume surl’amour-propre à vif de son Führer vénéré.………Perpignan, aérodrome de La Llabanère, 17h30 – « Voilà, tout est fin prêt. Les 24 He 111sont rangés aile contre aile, pleins faits, bombes accrochées dans les râteliers, prêts à partir.Les équipages se tiennent en rang devant les appareils, et, après les avoir passés en revue, lecapitaine Wittmer monte dans le premier avion. Quelques minutes plus tard, son appareilroule vers la piste, et s’envole après une longue course, suivi par toute la formation, lesavions décollant à quarante-cinq secondes d’intervalle. Cap plein sud, ciel bleu, merbleue ! » (extrait du journal Der Adler, juin 1941, article non signé intitulé « Avec nosbombardiers sur l’Afrique »)………PC d’Alger Maison-Blanche, 20h00 – « Alerte générale ! Nombreux signaux RDF 2 à 60km, plein nord, vitesse 300 km/h ! »Immédiatement, les téléphonistes passent l’information aux batteries de DCA bordantl’aérodrome, mais aussi à la caserne centrale des pompiers à Alger, à la préfecture et auxbatteries de DCA protégeant la ville. Une seule interrogation : quelle sera la cible ?La question préoccupe tout le monde depuis que des attaques aériennes sont apparuesinévitables. Selon les discours du dictateur allemand lorsque la Luftwaffe avait commencé sacampagne de bombardement de l’Angleterre, en septembre 1940, l’industrie est visée enpremier, suivie des ports et des terrains d’aviation. Mais, dans les faits, les bombes sonttombées un peu partout, surtout quand les bombardiers ne sont plus venus que la nuit. Detoute façon, en fait d’usines, Alger est loin de ressembler à une ville de l’industrieuseAngleterre. Quant à Maison-Blanche et aux autres terrains entourant la capitale de la FranceCombattante, il y a déjà quelque temps que les avions qui ne bénéficient pas d’un abri sontdesserrés, et le trafic civil nocturne a été interdit. Cependant, quelle que soit la cible des Allemands, Alger est décidée à se défendre. Mais avecquoi ? « La DCA, comme bien d’autres branches des forces armées, avait été complètementnégligée après l’armistice de 1918, où elle avait pourtant joué un rôle non négligeablequoique discret. Dans les années 30, on considérait que le seul ennemi valable de l’avion étaitl’avion lui-même (on en disait autant du char…) et qu’avec les vitesses qu’ils atteignaient

2 RDF : abréviation de Range and Direction Finding, terme anglais utilisé pour le radar. Dans les comptes-rendus d’époque, le terme employé permet de connaître l’origine du matériel employé (DEM s’il est français, RDF s’il est anglais, radar quand il sera américain).

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désormais, les avions étaient hors d’atteinte des capacités de l’artillerie. N’étant plus destinéeà grand-chose, la DCA ne disposait plus en 1939 que de matériels anciens, dont lereprésentant le plus fréquent était l’universel canon de 75 dans sa déclinaison anti-aérienne,parfois dans une version modernisée. De toute façon, pour avoir une chance de faire exploserson obus pas trop loin de l’avion visé, il fallait aussi une conduite de tir efficace, mais lescalculateurs mécaniques disponibles n’étaient guère adaptés aux vitesses des avionsmodernes. Et ce n’était pas les antiques ballons de barrages qui allaient arrêter lesbombardiers germaniques. Quant aux troupes en campagne, elles étaient trop souvent censéesse contenter de quelques mitrailleuses légères pour tenir les Stukas en respect. Pour couronnerle tout, le nombre, l’entraînement et la qualité des troupes de DCA étaient tristementinsuffisants et leur chaîne de commandement était des plus embrouillées…Les jours douloureux de mai à juillet 1940 ayant montré à quel point on s’était trompé, lamise à niveau de la DCA fit partie dès septembre des priorités de l’armée française. Parchance, l’homme de la situation était là. Il s’agissait du général Darius-Paul Bloch, artilleur,polytechnicien et frère aîné de l’avionneur bien connu. Gamelin l’avait relégué début 1940 auposte de commandant en chef des forces terrestres anti-aériennes, titre ronflant mais sanspouvoir. Dans les circonstances difficiles de la reconstruction de l’Armée, il put donner toutesa mesure. Energique et tranchant (il n’était pas surnommé « char d’assaut » pour sa seulecompétence, également reconnue, en matière de blindés !), il s’appliqua à doter au plus vitetoutes les unités combattantes de l’Armée de Terre d’armes de DCA légère dans desproportions inimaginables en 1939, fournit à l’Armée de l’Air de quoi défendre efficacementses terrains en important massivement des canons de 40 mm suédois (fabriqués aux Etats-Unis), mais, en avril 1941, il n’avait encore rien pu faire en matière d’armement lourd contreavions, armement de toute manière peu adapté à des armées en mouvement, car (pensait-on)forcément peu mobile. Pour protéger les villes d’Afrique du Nord, il fallut se contenter de cequi avait pu être déménagé (de quoi équiper une vingtaine de batteries de manière homogèneavec diverses versions du 75), en plus du peu qui se trouvait déjà sur place. La menace sur leMaroc étant plus virtuelle que réelle, Darius-Paul Bloch put, au moment du Blitz Malte-Tunis,rééquilibrer quelque peu ses dispositions au profit de la Tunisie, et surtout, constituer un petitcentre d’entraînement pour en améliorer l’efficacité. La Marine, de son côté, avait profité de quelques privilèges attachés à son rang d’armevictorieuse. Sa base de Bizerte était sous la menace des Italiens, et Darlan n’avait eu aucunepeine à faire croire que celle de Mers-el-Kébir était sous celle de la Luftwaffe, qui, enquelques jours, pouvait s’installer à Valence ou à Séville. Elle accapara donc le meilleurmatériel disponible pour renforcer celui dont elle disposait déjà, notamment les canons de90 mm Schneider qui avaient été prioritaires lors du Grand Déménagement. Après que la Marine ait exercé son privilège, et une fois l’Armée de l’Air servie (voir à cesujet le rapport d’Harcourt), les canons qui restaient, et c’était bien peu, furent mis à ladisposition des forces de défense du territoire, qui, bien logiquement, les disposèrent enmajorité autour des cibles militaires de Tunisie, puis, protection de la capitale oblige, autourd’Alger. Au 1er mai 1941, Alger était ainsi protégé directement par trois batteries fixes,auxquelles se rajoutaient les défenses de Maison-Blanche (et des ses nouveaux terrainssatellites) et quelques “autos-canons” dont on ne savait que faire… A peine la moitié de cedont les Anglais disposaient à Gibraltar. »Extraits de l’ouvrage de Maurice Héninger « L’épreuve du feu – L’évolution des outilsmilitaires durant la Deuxième Guerre Mondiale » (Plon Ed., Paris, 1985, rééd. 1995), avecl’aimable autorisation de l’auteur.………Aux abords d’Alger, 20h10 – « Notre objectif était le port. La côte se distinguait facilement,grâce à la lune. Le navigateur demanda une petite correction au pilote, et, devant nous,

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quelques éclatements de DCA nous prouvèrent que nous étions sur l’objectif. La visée ne futpas gênée, et dès que l’avion fut allégé de ses bombes, le pilote vira à gauche. Pendant uneseconde ou deux, nous fûmes dans le faisceau d’un projecteur. En piqué ! Deux explosions surla droite, à peut-être trois cent mètres. Les Français commenceraient-ils à savoir viser ? Pourla Luftwaffe, c’est une vieille habitude, puisque les incendies font rage derrière nous ! Cap aunord, nous redescendons pour pouvoir enlever les masques à oxygène, et, guidés par la radio,nous nous posons vers 10 heures. Mission réussie ! » (Der Adler, ibid.).………Batterie de Fort l’Empereur, 20h10 – L’appareil d’écoute avait capté le bruit d’un avion, àpeu près nord. Les projecteurs balayaient le ciel, barrant de leur faisceau la trajectoireprésumée de l’attaquant, qui fut brièvement illuminé, pas assez cependant pour en déduire saposition et surtout préparer le tir. Tant pis, ce serait pour le prochain, ou pour les collègues desautres batteries. Mais déjà, un autre avion s’annonçait, et la traque recommença. Toujours pasassez longtemps dans le faisceau ! Mais la tension était telle qu’on ne pouvait plus attendre.Un tir à 5 000 m, au jugé, au-dessus du port… L’avion suivant échappa complètement auxprojecteurs, de même que celui d’après, alors que le bruit d’explosions se faisait entendre. Cen’est que le cinquième ou le sixième qui permit d’avoir une estimation de l’altitude, 6 000 m,bien haut pour les capacités des canons, alors que le poste central indiquait que les bombestombaient sur le port, devant la gare principale… A partir de ce moment, la batterie tirapratiquement sans discontinuer pendant une demi-heure sur la trajectoire présumée des avionsallemands, mais sans succès. ………PC de Maison Blanche, 21h00 – « Ils sont partis, on peut annoncer la fin d’alerte.– On en a descendus combien ?– Aucun !– M… ! Et les dégâts ?– Trop tôt pour faire le bilan. Quelques bombes au bas de la Casbah. La cible était le port, etlà, on ne sait pas encore. »22h00 – « Finalement, plus de bruit que de dégâts. Les quais ont été touchés, ainsi que deuxcargos et trois immeubles. D’après l’hôpital et les pompiers, une dizaine de morts et dans lesquarante blessés.– Bref, on s’en est pas trop mal tirés…– Oui, la plupart des bombes ont fini dans les bassins. Mais la DCA n’a pas été terrible…– Elle a quand même dû perturber leur visée, c’est l’essentiel.– Si vous le dites, mon capitaine. »

5 maiLes Yougoslaves craquent au nordYougoslavie – Au deuxième jour de l’offensive de l’axe contre la Yougoslavie et la Grèce, lasituation est assez contrastée.– Dans le nord du pays, Italiens et Allemands ne rencontrent pas une résistance sérieuse.– Au centre-nord, l’attaque du XLVI.AK (mot) a été immédiatement victorieuse, car lessoldats croates de la 4e Armée yougoslave se mutinent en de nombreux points contre leursofficiers serbes. Le soldat Uwe Müller, qui n’a jamais été un foudre de guerre et a des raisonspersonnelles de n’être pas emballé par cette campagne, et même par toute cette guerre, est trèssatisfait du manque de combativité des défenseurs : « Au moins, mon idiot de frère n’est pasdans le secteur. Peut-être en Grèce ? Il paraît que les Français y ont envoyé des hommes… »

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– A l’est de Belgrade, le XLI.AK (mot) avance moins rapidement, car il fait face auxprincipales concentrations yougoslaves : la 6e Armée, qui compte dans ses rangs lacinquantaine de chars R-35 vendus par la France à la fn des années Trente.– Dans le sud du pays, les troupes de la 3e Armée yougoslave résistent avec un certain succès :le XIV.AK (mot) se heurte à une vigoureuse résistance autour de la ville de Nis ; les forcesyougoslaves, soutenues par les bombardiers français, continuent à freiner l’avance allemandevers Kumanovo. Néanmoins, la progression allemande et italienne sur les arrières de la 3 e

Armée va rapidement compromettre l’action offensive en direction de l’Albanie que le planallié avait initialement envisagée. Les opérations aériennes sont très actives sur cette partie dufront, car le commandement français engage le plus possible de moyens pour maintenir unecertaine supériorité locale, ou au moins pour refuser à la Luftwaffe la maîtrise de l’air.

Frontière gréco-bulgare : la ligne Metaxas attaquéeGrèce – La frontière bulgare est défendue par la 2e Armée grecque du général Bakopoulos,forte de neuf divisions, et les fortifications de la ligne Metaxas. Depuis la veille, celles-ci sontviolemment attaquées par des bombardiers en piqué allemands, en soutien des forces qui sedirigent vers les fleuves Strymon et Nestos. Mais le manque de troupes de montagne (quin’ont pas récupéré de leurs pertes lors de l’opération Merkur) réduit l’efficacité de l’offensiveallemande, qui piétine dans les gorges du Rupel.Le gouvernement grec, ayant déclaré la guerre à l’Allemagne, donne aux Franco-Britanniquesle feu vert pour lancer l’opération “Coronation/Couronnement”.

Front albanais : Rommel en pointeAlbanie – Les forces de l’Axe, sous le commandement supérieur du général Cavallero, sontréorganisées (voir Appendice 3). La 9e Armée du général Pirzio Biroli se partage entre la luttecontre les Grecs (IIIe C.A. du général Arisio) et la surveillance de la frontière yougoslave(XXVIe C.A. du général Nasci). Quant à la 11e Armée du général Geloso, elle est toute entièretournée contre les troupes alliées, du Pinde à la mer. Le poids principal de la bataille reposantsur elle, elle ne comprend pas moins de quatre Corps d’Armée, trois italiens et un italo-allemand : VIIIe C.A. (général Gambara), XXVe (général Rossi), C.A. Spécial (généralMesse) et Skandenberg Korps. Rommel n’est encore que le chef de ce dernier, mais ses succèset sa personnalité lui ont permis d’ajouter à ses divisions allemandes, 15. PzD et 5. LeichtePzD [future 21e PzD], la 2e Division Alpine italienne Tridentina. De plus, il a fait adopter sonplan d’opérations.C’est ce plan qui est appliqué aujourd’hui. Rommel assaille les lignes grecques etbritanniques. Les combats sont particulièrement violents autour de Tepeleni, où les hommesde la Tridentina et de la 5. Leichte PzD, soutenus par le Xe FliegerKorps, cherchent la percéepour permettre aux blindés allemands d’exploiter en direction de Gyrokaster.

Des chasseurs français en renfortAlger – Devant la dégradation rapide de la situation dans le nord de la Yougoslavie, legouvernement décide de transférer en Grèce la 5 e Escadre de Chasse, équipée de Hawk-81. Lerelais peut en effet être pris au-dessus de la Tunisie par la 2 e escadre, qui vient d’êtrerééquipée avec des avions du même type.

Après le premier raid sur AlgerPréfecture d’Alger, 15h00 – Ironie du sort, c’est pendant la réunion présidée par le préfet etdestinée à faire le point sur le bombardement de la nuit et les premières leçons à en tirer queles sirènes se remettent à hurler. Tout le monde descend au sous-sol et l’attente commence. Aubout d’un quart d’heure, on entend nettement les jappements des canons anti-aériens, qui se

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prolongent un quart d’heure, puis plus rien. Cette fois, ils ont été repoussés ! Le communiquédestiné à la presse est immédiatement modifié.En fait, Alger n’a été survolé que par un seul appareil allemand, dont le chargement se limitaità des caméras. Il volait trop haut (près de 8 000 m) pour pouvoir être atteint par la DCA ettrop vite (500 km/h) pour être intercepté par la chasse, guidée de façon approximative. Levisiteur importun était l’un des premiers Do 217, mis en œuvre par une unité expérimentale,et qui, d’ailleurs, va achever son voyage de retour vers Perpignan sur un seul moteur. ………Appel téléphonique du train-QG d’Hitler (Mönichkirchen) au ReichsLuftMinisterium(Berlin), 17h00 – « Très bien, Hermann. Bombarder Alger le jour même du châtiment deBelgrade, je n’y avais pas pensé ! »– Sieg Heil, mein Führer ! s’exclame Göring, commençant déjà à se convaincre qu’il aprémédité ce coup de maître.

L’offensive des sous-marins alliésMalte – Après les HMS Unique et Upholder, arrivés trois jours plus tôt, c’est au tour desUpright et Utmost de venir s’amarrer dans le port de La Vallette. Ils vont être rejoints avant lafin du mois par les HMS Undaunted (Lt. J.L. Livesey), Unbeaten (Lt. E.A. Woodward),Union (Lt. R.M. Galloway) et Urge (Lt-Cdr E.P. Tomkinson), dans cet ordre.Comme il n’y a plus de navire de soutien disponible pour appuyer la 10 e Flottille, l’Amirautéordonne la conversion à cette fin du mouilleur de mines HMS Medusa (lancé en 1915 commele monitor M 29), qui sera rebaptisé HMS Talbot. Son entrée en service dans ce nouveau rôleest prévue pour le mois de septembre.

6 maiFront yougoslave : effondrement au nord, résistance au sudYougoslavie (front nord) – Les mutineries se multiplient parmi les soldats croates et la 4e

Armée yougoslave se désintègre. Pourtant, en manière de protestation contre la traîtrise de laHongrie, qui participé à l’agression contre la Yougoslavie, quelques bombardiers Do 17yougoslaves réussissent à aller lancer leurs bombes en territoire hongrois.………Yougoslavie (front sud) – Les combats se font plus nombreux et plus violents. La ville de Nisest défendue avec énergie, ce qui empêche le XIV.AK (mot) de traverser la Morava. Demême, le XL.AK est bloqué avant d’avoir atteint Kumanovo. En effet, en fin de journée, sespointes avancées se heurtent aux unités mécanisées françaises parvenues dans la régionSkoplje/Kumanovo et une bataille de rencontre s’engage (voir Appendice 4, Les Hussards deKumanovo). Encore plus au sud, les avant-gardes de la S S Leibstandarte Adolf-Hitler sontarrêtées à Strumitsa par des troupes yougoslaves, rapidement renforcées par une colonnevolante de l’Armée d’Orient.

Front bulgare : les Grecs tiennentGrèce – La ligne Metaxas est à nouveau violemment attaquée en Thrace, mais les troupesgrecques tiennent bon. Des navires français commencent à débarquer à Salonique les premierséléments de la 86e DIA.

Front albanais : le terrain ralentit RommelAlbanie – Les Alpini ont percé le front allié à Tepeleni, obligeant les fantassins grecs etindiens à reculer. Les blindés de Rommel progressent vers le sud et s’approchent deGyrokaster, mais les forces britanniques et grecques parviennent à les ralentir en profitant du

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terrain très accidenté, à la grande frustration du général allemand. Le recul allié rested’ailleurs méthodique et local, aucune décision ne semble acquise sur ce front.

Nouveaux renforts alliés pour la GrèceGibraltar – Arrivée du convoi “Tiger” destiné à la Grèce. Après une brève escale, il se remeten route vers le détroit de Sicile, sous la protection, entre autres, des porte-avions HMS ArkRoyal et Eagle et d’une escadre française composée du CA Colbert, des CL La Galissonnièreet Jean-de-Vienne et des contre-torpilleurs Vauquelin, Cassard et Kersaint. Il est accompagnépar les croiseurs auxiliaires et les cargos français qui ont chargé à Casablanca les hommes, lematériel (et les mulets !) de la 4e Division de Montagne Marocaine.………Alger – La situation militaire depuis deux jours (résistance grecque en Thrace, résistanceyougoslave dans le sud du pays) permet d’espérer tenir la Macédoine et déployer enfinl’Armée d’Orient à partir de Salonique. Mais pour cela, il faut des renforts ! Après la 86 e DIAet la 4e DMM, toutes deux déjà en route vers la Grèce, le gouvernement français décidel’envoi de certains éléments de la 2e Division Cuirassée, qui reçoit l’ordre de se concentrer àTunis pour passer en Grèce dès que possible. Enfin, le général Beynet, commandant leDétachement d’Armée du Dodécanèse, reçoit l’ordre d’identifier les troupes qu’il pourraitenvoyer en Grèce (ou en Crète) : il choisit la Brigade Polonaise, qui commenceimmédiatement à préparer un éventuel départ.………Alexandrie – Les Britanniques ne sont pas en reste pour renforcer le corps expéditionnaireallié en Grèce. Stationnée en Egypte, la 5th Indian Division reçoit l’ordre de se préparer àembarquer pour Le Pirée. Un squadron de bombardement sur Blenheim en provenance duSoudan (Sqn 14) transite vers la Grèce dans la journée, ainsi qu’un squadron de coopération(Sqn 6).………Opération Coronation/Couronnement – Les bombardiers lourds Stirling I des Sqn 7 et 15de la RAF quittent l’Angleterre pour Casablanca, puis rejoignent l’aérodrome de Maleme, enCrète, via Alger et Benghazi. Pendant ce temps, la 60e Escadre de Bombardement lourdfrançaise, sur LB-30, fait elle aussi mouvement vers la Crète.

Nouveau raid KameljagdAlger – Nouvelle attaque aérienne allemande, menée cette fois par une douzaine de He 111seulement, dans la nuit du 6 au 7. L’aérodrome de Maison-Blanche est visé, mais sans résultattangible.

7 maiFront yougoslave : le nord est perdu, le centre plie, mais Kumanovo tient bonYougoslavie – Les troupes italiennes prennent Ljubljana sans avoir rencontré une granderésistance, mais cela permet à Mussolini de prononcer un grand discours de victoire, ce dont ilavait perdu l’habitude. Au même moment, la 2e Armée allemande entre à Zagreb sous lesapplaudissements d’une foule joyeuse. Les politiciens croates décident de quitter legouvernement yougoslave et de proclamer un “Etat croate indépendant”.Au centre du pays, le gros de l’armée yougoslave, qui défend la route de Belgrade, continuede résister avec obstination, même si l’issue semble sans espoir. En effet, plus au sud, la villede Nis est finalement enlevée par les forces du XIV.AK (mot), qui commencent à traverser laMorava et à progresser en direction du nord, vers Belgrade.………

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Dans la région Skoplje/Kumanovo, des unités françaises viennent secourir les troupesyougoslaves, que des combats très intenses opposent aux divisions motorisées du XL.Korps.Alors que les unités de tête de la 9.PanzerDivision débouchent des cols et des étroites valléesoù elles ont été bombardées à de nombreuses reprises par l’Armée de l’Air, elles sontengagées par les automitrailleuses du Détachement Dentz. Le 47 mm antichar “automoteur”(en fait, un 47 mm normal monté à l’arrière d’un camion Dodge) joue un rôle important pourtendre des embuscades aux blindés allemands. Moins connus que les combats de Kumanovo, ceux de Strumitsa n’en sont pas moins âpres etdécisifs : dans cette petite ville, les défenseurs yougoslaves, renforcés depuis la veille par unecolonne volante franco-grecque, bloquent les forces allemandes. Si une grande partie dumatériel grec (notamment les tankettes L3) a souffert pendant le trajet, l’infanterie grecque etyougoslave résiste aux assauts répétés des SS de la Brigade Leibstandarte Adolf-Hitler grâceau soutien des canons du 19e groupe motorisé d’artillerie, des fantassins portés, des motards etdes deux pelotons d’automitrailleuses du 19e groupe de reconnaissance.« Tenez deux jours ! » demande le général Giraud au général Dentz, qui a prispersonnellement le commandement de la défense de la région. Pour le lui permettre, un autrebataillon de la 14e DBLE, un deuxième groupe de canons de 75 mm tractés du 21e RAC ainsique le bataillon anti-char de la 191e DIA renforcent les combattants de Strumitsa et deKumanovo.

Front bulgare : Hitler veut en finirGrèce – Devant l’échec de l’offensive contre la ligne Metaxas et Salonique, l’OKW, pressépar Hitler d’en finir rapidement, décide d’engager dans l’opération Marita les réserves de la12e Armée : Le L.AK et la réserve d’artillerie doivent renforcer les attaques sur le fleuveNestos, tandis que la 16.PanzerDivision (déployée en Bulgarie, près de la frontière turque)et le XI.AK (déployé en Roumanie), reçoivent l’ordre de s’engager vers Nis.

Front albanais : les Matilda défendent bienAlbanie – Le général Wavell décide de retirer du front la 7th Armoured Division pour larééquiper avec le matériel apporté par le convoi “Tiger”. La défense de Gyrokaster repose àprésent sur l’infanterie grecque et la 4th Indian Division, soutenues par le 7 e RTR. Les charsMatilda, si mal à l’aise lors de leurs tentatives d’exploitation rapide dans la plaine albanaise,se montrent très efficaces dans le cadre d’actions défensives.

8 maiBelgrade encerclée, mais Kumanovo tient bon (bis)Yougoslavie – Les blindés du XIV.AK (mot) qui ont pris Nis se dirigent vers le nord. En finde journée, ils sont à 70 km de Belgrade, puissamment soutenus par la Luftwaffe, quiconcentre la plus grande partie de ses moyens sur ce théâtre d’opérations pour appuyer lesforces qui convergent sur la capitale yougoslave. Le général Simovic, Premier ministreyougoslave, envoie à ses troupes ce message radiodiffusé : « Toutes les unités doiventengager l’ennemi où qu’elles le rencontrent et avec tous les moyens à leur disposition.N’attendez pas d’ordres directs de vos supérieurs, agissez de votre propre initiative et ensuivant votre jugement et votre conscience. »Pendant ce temps, l’infanterie du XI.ArmeeKorps passe la frontière roumaine, progressejusqu’à Nis puis se dirige vers le sud sans rencontrer beaucoup de résistance.………Autour de Kumanovo, les blindés du XL.AK (mot), qui se battent depuis plusieurs jours,commencent à manquer de munitions et de carburant, car les colonnes de ravitaillement sont

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bloquées dans les cols et harcelées par l’aviation française. Le général Stumme décide unregroupement partiel à l’est de Kumanovo pour attendre le ravitaillement et l’arrivée de la16.PanzerDivision. Ce faisant, il laisse la possibilité aux unités yougoslaves repoussées versle sud-ouest de Nis par le XIV.AK (mot) puis par le XI.AK de se replier pour faire leurjonction avec les forces franco-grecques.

Naissance de la Résistance armée albanaiseFrontière albano-yougoslave - Le major britannique David Stirling, du 8e Commando desGardes, serre vigoureusement la main d’Abaz Kupi, colonel de la gendarmerie royalealbanaise. Celui-ci, à la tête d’un petit groupe d’exilés, s’apprête à rentrer en Albanie.Les Britanniques, qui avaient formé la gendarmerie albanaise avant la guerre, ont gardéquelques contacts dans le petit royaume après son annexion par l’Italie en 1939. Le colonel,au nom du roi Zog Ier, en exil à Londres, se fait fort de déclencher une révolte albanaise surles arrières de l’Axe.

Des renforts arriventMéditerranée Centrale – Le convoi “Tiger” passe le détroit de Sicile sous une massivecouverture aérienne assurée par l’Armée de l’Air de Tunis et par la RAF de Malte. Il se dirigevers Le Pirée.

Croiseur coulé (bis)Au large des îles Eoliennes, 06h50 heure française (05h50 GMT) – Le sous-marin de la 18e

DSM 3 Amphitrite (LV Chevalier) se trouve bien placé pour intercepter le croiseur auxiliaireitalien Capitano Antonio Cecchi 4, en route de Naples à Messine, et lui décocher les troistorpilles de 550 de ses tubes avant. Une seule va au but mais, touchant le Cecchi à la hauteurde la salle des machines, elle suffit à causer sa perte. Sur le moment, le commandantChevalier ne revendique cependant que la destruction d’un cargo d’environ 3 500 tonnes.

9 maiBelgrade est étranglée… mais Kumanovo tient toujoursSerbie – Le XLI.AK (mot) est maintenant à moins de 80 km à l’est de Belgrade, la 8. PzD (duXLVI.AK [mot]) progresse au nord-ouest de la capitale et le XIV.AK (mot) est arrivé à moinsde 40 km au sud de la ville. Prise à revers, la défense de la capitale commence à craquer.Autour de Kumanovo, le front se stabilise. Les défenseurs – Yougoslaves, Français et Grecs –se retranchent de leur mieux. A Strumitsa également, les Allemands font une pause dans leursattaques pour attendre des ravitaillements et des renforts.………Mostar – Des combats éclatent entre des unités serbes et croates et s’étendent tout le long dela côte dalmate.

Front bulgare : la Wehrmacht s’acharneGrèce – En Thrace, les attaques de l’infanterie allemande contre la ligne Metaxas reprennent,avec le soutien des renforts et d’unités d’artillerie lourde acheminées de Roumanie. Côté allié,la 86e DIA est suffisamment déployée pour prendre à son compte la défense de Salonique, cequi dégage quelques bataillons grecs pour renforcer la ligne Metaxas.

3 Cette division (composée aussi des Psyché, Oréade et Méduse) a regagné Oran après avoir remplacé à Tripolila 16e DSM (Orphée, Antiope, La Sibylle, Amazone) pendant l’indisponibilité de celle-ci pour grand carénage ettravaux de modernisation.4 2 321 GRT, 15,5 nœuds, 2 canons de 100 mm, 4 mitrailleuses de 13,2.

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A Athènes-Tatoï, la 5e Escadre de Chasse arrive avant de se déployer dans le nord du pays.Les pilotes sont alors informés de “l’infiltration” de pilotes américains dans leurs unités…« J’en riais sous cape. Sous cape, pour ne pas offusquer davantage mon ami Hugues duMouzy. Je pouvais pratiquement lire dans ses pensées : “Un Indigène (d’Algérie), un Juif, etmaintenant un Cow-Boy ! Ce n’est plus un Groupe de Chasse, c’est un cirque, une manièred’Exposition Universelle ! ” Le plus drôle était que le commandant Monraisse, le chef duGroupe, venait de féliciter Du Mouzy pour le bon comportement de Ramdane et de Benamou,qui s’étaient tous deux retrouvés dans la patrouille double qu’il commandait et avaient tousdeux remporté deux victoires. “Puisque vous réussissez bien avec les nouveaux, mon vieux, jevous affecte notre invité, le lieutenant George Thomas Burgard.” Du Mouzy avait articulé“Merci, mon Commandant !” mais il avait l’air d’avoir avalé son manche à balai… » (Jean-Pierre Leparc, Les gars du “Lafayette”, Paris, 1960).

Reconnaissance allemande sur l’AlgérieCagliari – Un Ju 88 D1 décolle de Sardaigne en début de nuit pour une mission dereconnaissance électronique (comme l’on ne dit pas encore). Surnommé « Martini Express » –en référence non pas au célèbre vermouth de l’allié italien, mais au général Wolfgang Martini,chef des services radio et, par extension, radar, de la Luftwaffe – ce Ju-88 emporte dans sesflancs plusieurs récepteurs radio destinés à capter les émissions des radars alliés. En effet, siles émissions des radars d’Angleterre peuvent être facilement reçues et étudiées sur la côtefrançaise, belge ou hollandaise, pour en faire autant avec celles d’Afrique du Nord, un avionspécialement équipé est indispensable.Martini Express doit d’abord longer la côte algérienne du méridien de Cagliari au méridiend’Alger, à environ 150 km de distance et 4 000 m d’altitude, avant de revenir sur ses pas. Lebut de cette première mission est de localiser un éventuel trou dans la couverture radar descôtes algériennes, et dès le trajet aller, il est clair que l’intensité de ces émissions baisse trèsfortement au nord de Djidjelli. Le trajet retour se fait à une altitude inférieure et plus près dela côte : à 1 000 m d’altitude, 50 km au nord de Djidjelli, les émissions sont toujours aussifaibles et en tout cas insuffisantes pour provoquer un écho significatif sur un écran.

10 maiBelgrade tombe… mais Kumanovo tient toujours et encoreLa 3e Armée hongroise passe la frontière est de la Yougoslavie, au nord d’Osijek, près deSubotica.En Serbie, la défense de Belgrade s’est effondrée. Les troupes allemandes s’emparent desruines de la capitale, encore fumantes après le bombardement du 4 mai. Le XIV.AK (mot)entre dans la ville par le sud et la 8.PzDivision (XLVI.AK [mot]) par le nord-ouest, tandis quele XLI.AK (mot) arrive de l’est.En Macédoine, le général Stumme reprend l’attaque de la ligne Kumanovo-Skoplje, avecl’aide des éléments avancés de la 16.PzDivision. La ville de Kumanovo change de mains àtrois reprises. En fin de journée, il n’en reste que des ruines, mais les défenseurs tiennenttoujours. A Strumitsa, les SS ont pris le contrôle de la petite ville, en grande partie détruite parles combats des jours précédents ; en revanche, les fantassins et artilleurs grecs etyougoslaves, repliés dans les collines, interdisent les débouchés routiers.

Front albanais : Rommel à la manœuvreAlbanie – Se souvenant qu’il fut capitaine d’infanterie, le général Erwin Rommel conduitpersonnellement une hardie manœuvre d’enveloppement avec l’infanterie du SkandenbergKorps (dont les Alpini italiens). Il parvient ainsi à faire tomber la ville de Gyrokaster.

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Cependant, les troupes britanniques et grecques ne se sont pas laissé encercler. Ellesréussissent à battre en retraite en bon ordre dans les montagnes au-dessus de Gyrokaster etbloquent les cols conduisant à la frontière grecque.Malgré son succès, l’initiative de Rommel irrite fort sa hiérarchie italienne (Geloso etCavallero), car le Renard n’a pris la peine ni de demander la permission, ni même de prévenirqui que ce soit. Mais tous s’empressent de profiter de la situation victorieuse ainsi créée.

Renforts alliésGrèce – Dans la journée, trois nouveaux squadrons de la RAF se déploient en Grèce : Sqn 45et 55 avec des bombardiers Blenheim et Sqn 203, arrivant d’Irak après une escale en Egypteavec des Blenheim de bombardement et de chasse à long rayon d’action. Au coucher dusoleil, le convoi Tiger entre dans le port du Pirée et commence aussitôt à débarquer des chars,de l’artillerie et 48 chasseurs Hurricane, ainsi que la 4e DMM.

Attaques « en règle »Londres et Alger – Dans l’après-midi, le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à laHongrie, à la Roumanie et à la Bulgarie pour leur assistance à l’Allemagne dans son agressioncontre la Grèce et la Yougoslavie.………Sofia – Durant la nuit, des bombardiers Wellington de la RAF attaquent la gare de triage de lacapitale bulgare pour désorganiser l’acheminement des renforts allemands. En fait, c’est pourcette attaque que les Alliés ont, l’après-midi même, pris la peine de déclarer la guerre à laBulgarie.

11 maiKumanovo tient toujours et encoreYougoslavie – En Serbie, les troupes allemandes qui ont pris Belgrade commencent à seredéployer vers l’ouest, pour empêcher la constitution d’un réduit défensif autour de Sarajevo,et vers le sud, pour attaquer Skoplje par le nord.En Macédoine, des unités yougoslaves en déroute, venant de Nis par la route Novi Pazar-Mitrovica, se rassemblent peu à peu autour de Skoplje. Les combats continuent autour deKumanovo, en partie encerclée par les forces allemandes, dont la supériorité numériquecommence à se faire sentir, au fur et à mesure qu’arrivent les éléments (à pied) de la dernièredivision du XL.Korps, la 73.ID. Le calme revient à Strumitsa, où les SS renoncent àpoursuivre leurs attaques sanglantes et inutiles. Le maréchal List, furieux de voir ses troupespiétiner dans ces deux secteurs et impatient d’atteindre la haute vallée du Vardar, lance une deses dernières réserves, la 8.Leichte ID 5, à travers les montagnes de la frontière bulgaro-macédonienne, en direction de Veles.

La ligne Metaxas commence à céderGrèce – En Thrace, la Luftwaffe attaque Salonique à plusieurs reprises et des combats aérienstrès violents éclatent au-dessus de la ville entre avions alliés et allemands. Le commandementgrec décide d’envoyer à Salonique le vieux (très vieux) cuirassé Kilkis 6 pour soutenir ladéfense anti-aérienne du port et, si besoin, pour servir de batterie flottante contre les forcesallemandes. En effet, la ligne Metaxas commence à céder sous les obus de l’artillerie lourde

5 Tout récemment créée à l’imitation de la 5.Leichte ID, qui a fait ses preuves en Corse.6 Le Kilkis est un pré-dreadnought construit aux Etats-Unis au tout début du siècle. Il a servi dans l’US Navysous le nom de Mississippi (BB23).

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de la Heer et les forces grecques se préparent à se replier derrière le Nestos, autour de la villede Drama.Au Pirée, les troupes de la 7th Armoured Division participent fiévreusement au déchargementde leurs nouveaux blindés apportés par le convoi “Tiger”. Tabor par tabor, les goums de la 4e

Division Marocaine de Montagne embarquent à Athènes dans des trains qui les conduisent surla ligne Aliakmon.A Athènes-Tatoi arrivent trois nouveaux squadrons de chasse du Commonwealth surTomahawk (Sqn 250 de la RAF, Sqn 3 de la RAAF et Sqn 1 de la SAAF). La RAF en Grèce(BAFG), sous les ordres de l’Air Commodore J.H. D’Albiac (Air Officer Commanding,Greece), dispose maintenant de neuf squadrons de chasse (quatre sur Hurricane, trois surTomahawk et deux sur Blenheim), de sept squadrons de bombardement léger, d’un debombardement moyen et de deux de coopération.De son côté, l’Armée de l’Air a déployé deux escadres de chasse (en tout six groupes surHawk-81), deux groupes de chasse indépendants (un sur D-520M dans le Dodécanèse et unsur Maryland modifiés en chasseurs à long rayon d’action) et huit groupes de bombardementléger (dont deux dans le Dodécanèse), le tout sous les ordres du général de corps aérien RenéBouscat. Par ailleurs, la chasse grecque est à présent pour l’essentiel rééquipée avec desGrumman G36A (F4F-3 Wildcat) en version terrestre.

Nouvelles reconnaissances allemandes sur l’AlgérieCagliari – Le Ju 88 Martini Express reprend l’air, cette fois pour tenter de franchir la côtealgérienne et valider le positionnement du faisceau de guidage émis par la station de l’île deSan Antiocco. La pleine lune, déjà haute au milieu de la nuit, facilite grandement lefranchissement de la côte et la montée rapide qui suit pour passer au-dessus de la PetiteKabylie. Une fois franchie de la chaîne de montagne, l’avion se dirige vers l’ouest, survolantle relief accidenté en se maintenant à mille mètres d’altitude-sol, avec l’aide d’un prototype deradio-altimètre 7, jusqu’à une cinquantaine de kilomètres d’Alger. Comme prévu, les radarsfrançais « ne regardent pas derrière eux » et la progression, tout comme le retour par le mêmechemin, se fait sans mauvaise surprise.L’itinéraire pour attaquer Alger avec le minimum de risque d’être repéré est dégrossi – il vafalloir l’affiner, en fonction des circonstances probables de l’attaque et des caractéristiques devol de bombardiers lourdement chargés. Deux autres vols permettront de recueillir lesdonnées nécessaires.Le 23 mai, le Martini Express et son équipage de spécialistes retourneront à Rechlin.

12 maiEt Kumanovo tient encoreMacédoine – La bataille pour Skoplje et Kumanovo gagne en intensité. L’infanterie française,soutenue par ses antichars “automoteurs” (toujours les 47 mm sur camion), livre dansKumanovo un combat de rues jusqu’en fin de journée, infligeant de sérieuses pertes auxAllemands.Comme des blindés allemands accompagnés d’infanterie mécanisée commencent à se dirigerde Belgrade vers le sud, les bombardiers français et britanniques attaquent la route Leskovac-Skoplje, axe principal de progression des unités ennemies venant de Belgrade ; dans le mêmetemps, la Luftwaffe envoie des Ju 87 bombarder les défenseurs de Kumanovo. Curieusement,les deux camps semblent négliger la présence aérienne ennemie, et les Blenheim comme lesStukas souffrent terriblement sous les coups des chasseurs adverses.………

7 Ce prototype deviendra le FuG101, que l’Armée de l’Air copiera après la guerre.

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Athènes – Lors d’une réunion de l’état-major allié, le général Giraud annonce l’arrivéeprochaine à Salonique d’importants éléments de la 2e Division Cuirassée.Mais Giraud doit avertir les commandements britannique et grec que, faute de l’envoi denouveaux renforts (qui n’est guère envisageable), la position de l’Armée d’Orient à Skopljesera sous peu intenable. Il faudra alors replier la 2e Armée grecque et le Détachement Dentzsur la ligne Aliakmon, autour du mont Olympe. Giraud dispose de la 1 ère Division Cuirassée etde la 86e DIA (encore incomplète) pour couvrir la manœuvre, mais il a besoin de plus demoyens. Le général Wavell promet le soutien de la 7th Armoured Division et de deux brigadesaustraliennes à Gevgelidja, à la frontière grecque, sur le cours du Vardar, pour couvrir laretraite si Skoplje devait être abandonnée.

Front albanais : Rommel frustréAlbanie – Le Skandenberg Korps ne parvient pas à percer les défenses anglo-grecques dans lamontagne et le front se stabilise de nouveau au sud de Gyrokaster.

Coronation/CouronnementCrète – Les Alliés lancent l’opération “Coronation/Couronnement”.« Dans la nuit crétoise, le grondement naquit, monta, s’amplifia, jusqu’à faire vibrer le ciel etla terre. Les chèvres s’éveillèrent et se mirent à tourner en rond, affolées. Le berger seprécipita pour calmer ses bêtes : « Non, non, mes toutes belles, ce n’est pas le dieu Ebranleurdes Terres (heureusement que le pope, au village, ne l’entendait pas !). Il ne nous envoie niéruption, ni raz de marée, ni tremblement de terre… Ce sont seulement les machines volantesdes étrangers, il n’y a rien à craindre. » Il saisit par le cou deux des chèvres les plus inquièteset les serra contre lui tandis que la voix des 288 moteurs s’éloignait du côté de la mer,emportant vers le nord 36 Short Stirling au fuselage interminable et 36 Consolidated LB-30(B-24) aux formes ventrues. « Rien à craindre pour nous, songea le berger. Mais là-bas, il y ades gens qui vont connaître la colère de Poséidon… » Onze cents km de vol plus loin, lesbombardiers lourds surgirent à l’aube au-dessus des champs pétrolifères et des raffineries dePloesti. Les défenses aériennes roumaines et bulgares totalement surprises, seul un coupheureux d’une batterie de DCA put détruire un unique Stirling (les avions anglais volaientplus bas que les LB-30). Le bombardement se fit donc comme à l’exercice, sur des cibles tropbelles pour les rater, et les installations du Creditul Minier furent gravement endommagéespar les messagers de Poséidon… » (Opération Couronnement – Les bombardiers alliéscontre le pétrole d’Hitler, n° spécial 15 du Fanatique de l’Aviation, 2000)

13 maiKumanovo encercléYougoslavie – Des unités du XLVI.AK (mot) entrent sans combat à Sarajevo. Parmi lesvainqueurs, le soldat Uwe Müller est soulagé : « Si ça pouvait être toujours comme ça. Queldommage qu’à Belgrade, il ait fallu les assommer. Les gars de la Luftwaffe n’y ont pas étéavec le dos de la cuiller, on a même eu un mal fou à traverser la ville à causes des ruines.Klaus n’aurait pas aimé… »Le gouvernement yougoslave se réfugie à Skoplje, d’où le général Simovic diffuse un appel àtoutes les unités encore en état de combattre pour qu’elles s’efforcent de le rejoindre.A Kumanovo, les Allemands, incapables de prendre la ville, ont cependant pratiquementréussi à l’encercler.

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Grèce – Les troupes allemandes venues de Bulgarie atteignent la mer à Alexandroupolis.Elles sont bombardées par le vieux Kilkis, soutenu par les vieux destroyers Aetos et Ierax 8.

Bombardements et bombardiersRoumanie – Le deuxième raid de “Coronation/Couronnement” lancé contre Ploesti rencontrel’opposition de chasseurs roumains et bulgares. Mais il s’agit de vieux PZL-24. Aucunn’arrive même à s’approcher des LB-30, qui volent trop haut, et ceux qui peuvent rattraper lesStirling sont repoussés par le puissant armement défensif des bombardiers lourds anglais.Cependant, des Bf 110 allemands interceptent le raid sur le chemin du retour, détruisant 3Stirling et 2 LB-30.………Alger – Afin de renforcer les moyens de bombardement tactique des forces alliées dans lesBalkans, le commandement de l’Armée de l’Air décide l’envoi en Crète des 23 e et 31e

Escadres de bombardement, équipées de LeO-451. Les quatre Groupes (60 avions) sontdéployés en Crète, les terrains de Grèce continentale étant déjà saturés par les escadrilles de laRAF et de l’Armée de l’Air.

Raids sur AlgerAlger – Troisième attaque aérienne allemande en huit jours, ou plutôt en huit nuits. Quatorzeavions attaquent à nouveau l’aérodrome de Maison-Blanche, et le ratent à nouveau. Enrevanche, la DCA enregistre enfin un succès (après presque 12 000 obus tirés !) : un He 111,moteur gauche en feu, est obligé de se poser en mer. L’équipage sera récupéré le lendemainpar une vedette de la Marine Nationale. Son interrogatoire permettra de prévoir plus oumoins, en fonction des phases de la lune, les dates des prochaines visites de la Luftwaffe etd’estimer avec soulagement qu’Alger va pouvoir bénéficier de deux bonnes semaines detranquillité.

L’offensive des sous-marins alliésAu large de Messine, 20h30 heure italienne (18h30 GMT) – Le torpilleur Pegaso rendcompte qu’il a grenadé un sous-marin et observé peu après une très large nappe de mazout.Après l’armistice italien, il sera établi que sa victime était le HMS Undaunted (Lt J.L.Livesey), coulé au tout début de sa première patrouille méditerranéenne. C’est la premièreperte de la 10e Flottille.………Alexandrie – Le sous-marin HMS Torbay (Lt-Cdr A.C.C. Miers) vient renforcer la partie dela 1ère Flottille qui opère en Mer Egée.

14 maiKumanovo évacuéYougoslavie – Contournant les décombres de Kumanovo encerclé, le XL.AK (mot) tente deprogresser vers Skoplje.Dans la soirée, sous le commandement du général Dentz, Français, Grecs et Yougoslavesévacuent Kumanovo. Rompant l’encerclement, ils battent en retraite jusqu’à Skoplje même,suivis de près par les unités allemandes. Ces hommes qui défendaient Kumanovo depuis le 6mai ne devaient théoriquement tenir que jusqu’au 9, au mieux… On sait que le nom de

8 Ces deux bâtiments ont été construits en 1911 en Grande-Bretagne pour le compte de la marine argentine, maisrachetés par la Grèce en 1912 avec leurs sister-ships Panther e t Léon. Tous, sauf le Panther, ont étéréquisitionnés dans les ports grecs par la Marine Nationale entre 1916 et 1918. Ils ont été modernisés auRoyaume-Uni dans les années 20.

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Kumanovo est resté pour les Français celui d’une victoire, au point qu’il a été donné à desplaces et à des rues, ainsi qu’à la station de métro parisienne “Pont de Grenelle”, aujourd’hui“Kumanovo-Grenelle”.

Athènes en flammes !Grèce – La journée est surtout marquée par les sauvages attaques aériennes allemandesdirigées contre la population civile grecque. En effet, rendu furieux par la résistancehellénique, qui menace d’imposer un report de l’opération Barbarossa contre l’Unionsoviétique, et par les premiers bombardements de Ploesti, qui concrétisent ses cauchemars,Hitler a décidé de briser le moral des Grecs en ordonnant à la Luftwaffe d’écraser sous lesbombes le port de Salonique et la capitale, Athènes.Salonique est frappée quatre fois. Le port est gravement endommagé et le vieux Kilkis estcoulé dans la rade.Athènes est attaquée trois fois dans la journée et les pertes civiles sont très importantes. Maisl’affaire est moins simple qu’au dessus de Belgrade, car ces bombardements rencontrent uneforte opposition de la chasse française, britannique et grecque. C’est pourquoi de nouvellesattaques sont menées la nuit suivante, les bombardiers allemands utilisant les incendiesallumés par les bombes de la journée comme points de repère. L’absence quasi totale dechasse de nuit permet cette fois à la Luftwaffe d’opérer à son gré. On estime que ces vingt-quatre heures de Blitz causent la mort d’au moins 15 000 civils, rien qu’à Athènes. Mais loinde briser le moral grec, ces attaques soulèvent la colère de toute la population contrel’Allemagne – et permettent aux reporters photographes américains de prendre de nuit desaisissantes photos montrant le Parthénon se découpant sur un horizon enflammé.Ces bombardements sur Athènes ont une conséquence importante sur le plan militaire. Outreles nombreux dégâts causés aux installations portuaires du Pirée, les bombes allemandesendommagent gravement le réseau ferré local. Or, celui-ci était déjà à la limite de la saturationdepuis le début de la campagne. Les destructions infligées mettent en danger le ravitaillementdu corps expéditionnaire franco-anglais en vivres et munitions et il ne saurait être question desolliciter davantage les chemins de fer grecs. Du coup, l’envoi de la 5th Indian Division,dernière grande unité en instance de transfert d’Egypte vers la Grèce, est annulé.En Thrace, les forces allemandes tentent de contourner la ligne défensive établie le long duNestos en attaquant vers Drama à travers les montagnes.

Front albanais : Rommel s’acharneAlbanie – Les forces de l’Axe tentent à nouveau de rompre les lignes anglo-grecques. LeCorps d’Armée Spécial italien du général Messe et le Skandenberg Korps attaquent ; Rommelse multiplie à la pointe du combat, mais ses adversaires s’accrochent à chaque repli de terrainet l’avance est désespérément lente.

La Regia Marina prépare une sortieNaples – Le chef d’Etat-Major de la Regia Marina, l’amiral Riccardi, pressé par Mussolini de« faire quelque chose, n’importe quoi, mais tout de suite ! », ordonne à l’amiral AngeloIachino d’appareiller avec « des forces importantes » et de se rendre en Mer Egée pour ycouler (ou au moins y désorganiser) les convois alliés conduisant des renforts vers la Grèce.« Pour rassurer Iachino, Riccardi lui affirme : “Le Xe FliegerKorps a promis de voussoutenir.” En fait, c’est ce que le commandement de la Luftwaffe lui a dit, mais le X e

FliegerKorps est déjà complètement engagé en Albanie pour soutenir le Skandenberg Korpset cette tâche revêt bien plus d’importance pour les aviateurs allemands que la protection dequelques navires italiens, qu’ils considèrent plus comme des tas de ferraille inutiles qu’autre

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chose. » (Jack Bailey, Un Grand Cimetière Bleu – La bataille aéronavale de Méditerranée ,New York, 1955).Cette opération demande beaucoup à ce qui reste de la flotte italienne. Entre l’attaque deTarente au mois d’août précédent et l’opération Merkur en février-mars, la Regia Marina aperdu deux cuirassés anciens (Conte di Cavour et Caio Duilio) et huit croiseurs, tandis qu’uncuirassé moderne, le Littorio, et quatre croiseurs sont encore en réparations. L’amiral Iachinodécide alors d’organiser une force de raid rapide autour du cuirassé Vittorio Veneto et de sonescorte, la 13e division de destroyers Alpino, Bersagliere, Granatiere et Fuciliere, conduitepar le croiseur léger Raimondo Montecuccoli. Il y ajoute la 1ère division de croiseurscommandée par l’amiral Carlo Cattaneo (commandant en chef des croiseurs), avec lescroiseurs lourds Gorizia (amiral) et Pola (le Zara étant indisponible), la 8e division decroiseurs sous l’amiral Antonio Legnani, avec les croiseurs légers Giuseppe Garibaldi etEugenio di Savoia, enfin la 9e division de destroyers Vittorio Alfieri, Giosue Carducci, AlfredoOriani et Vincenzo Gioberti. « L’amiral Riccardi approuve cette organisation, mais ordonneque le groupe du Vittorio Veneto ne s’engage pas à l’est de l’île de Gaudos, les croiseurs deCattaneo pouvant rechercher de possibles objectifs plus loin en Mer Egée. » (J. Bailey, op.cit.).

15 maiSkoplje : repli vers la frontière grecqueYougoslavie – En Macédoine, les forces allemandes prennent la ville de Mitrovica, coupantfinalement toute retraite aux unités yougoslaves qui tentent encore d’atteindre la région deSkoplje. Pendant ce temps, au sud-est, les fantassins de la 8.Leichte ID, venus de Bulgarie, sedirigent vers Stip et Veles, menaçant de couper de Salonique les défenseurs de Skoplje.A la nuit, le général Giraud décide un repli vers la frontière gréco-yougoslave. Ce repli estparfaitement exécuté par les troupes françaises et grecques du général Dentz, qui empruntentla vallée du Vardar, ainsi que par les unités yougoslaves qui continuent de se battre dans larégion et reculent vers Monastir, bien qu’elles ne s’y soient résolues qu’à contrecœur.

Front grec : repli sur le StrymonGrèce – En Thrace, une colonne allemande atteint le cours du Strymon à l’ouest de Drama,menaçant d’encerclement la 2e Armée grecque. Pour y parer, le général Papagos ordonne àcelle-ci de se replier sur la rive gauche du Strymon. Le général Giraud déploie ses forcesblindées (7th Armoured Division, 1ère Division Cuirassée) entre Alyakmon et Vardar, pourcontrer une éventuelle percée des lignes de défense alliée par les panzers.Dans les airs, la Luftwaffe ne relâche pas la pression : deux nouveaux raids aériens frappentAthènes. Salonique est également touchée par une attaque aérienne visant ouvertement lescivils. Ce bombardement provoque un début de panique et la population commence à fuir versLarissa. Le port de Salonique est désormais trop dangereux pour y poursuivre lesdébarquements ; les cargos transportant les chars de la 2e DC seront déroutés vers le Pirée.

Front albanais : coup de main amphibie sur IgoumenitsaFrontière gréco-albanaise – Pendant que Rommel s’épuise dans les montagnes, sonsupérieur, le général Geloso, a trouvé un moyen de rompre le front allié ! Une flottille detorpilleurs et de destroyers d’escorte italiens débarque simultanément quelques unitésd’infanterie italiennes (deux bataillons du régiment d’infanterie de marine San Marco et deuxlégions d’assaut de Chemises Noires) dans le port d’Igoumenitsa, sur la côte ionienne, ainsique dans l’île de Corfou. L’une et l’autre ne sont pratiquement pas défendues, à la suite d’unproblème de coordination entre Grecs et Britanniques. En effet, les unités grecques qui

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défendaient le secteur depuis le début des opérations ont été retirées (et envoyées sur le front).Des troupes britanniques devaient les remplacer, mais l’état-major de Wilson affirmeran’avoir pas été informé, et avoir toujours pensé que l’échange n’interviendrait qu’une à deuxsemaines plus tard…

Bombardements stratégiquesBulgarie – Pendant que les LeO-451 commencent à se déployer en Crète, les bombardierslourds de Coronation/Couronnement lancent un nouveau raid. En raison de la situationmilitaire dans le nord de la Grèce, ce raid cible les gares de triage de Sofia et de Plovdiv pourdésorganiser la chaîne logistique de la Wehrmacht. L’attaque de Plovdiv surprend totalementla défense aérienne bulgare et obtient un grand succès. Quant au raid sur Sofia, il frappedurement son objectif, mais la chasse allemande abat quatre Stirling et sept autres sontgravement endommagés.

Une flotte italienne très attendueMéditerranée Orientale – Dans l’après-midi, un Sunderland de la RAF basé à Malte repèrela flotte italienne, 120 milles nautiques à l’ouest du cap Ténare (ou Matapan). L’amiralAndrew Cunningham transmet aussitôt l’information au commandement français, qui ordonneà un convoi se dirigeant vers Volos de se dérouter vers le détroit de Kassos. Ce convoi estnotamment couvert par le porte-avions HMS Eagle, lequel porte à ce moment un groupeaérien en grande partie français (flottilles AC1 et AC2 de l’Aéronavale avec au total 18chasseurs Grumman G36A, flottille AB2 avec 8 bombardiers en piqué Douglas SBD-1 et 6Swordfish de la FAA pour la lutte ASM). Tous les SBD et une partie des G36A sont dans lehangar, partiellement démontés.La 2e Escadre française, centrée sur les cuirassés Bretagne, Provence et Lorraine et stationnéeà Benghazi depuis le 3 mai, est mise en alerte. Cependant, les trois vieux cuirassés étant bienplus lents que les navires italiens et bien plus faibles que le Vittorio Veneto, l’amiral JacquesBouxin, qui commande l’escadre, décide de sortir, mais sans s’aventurer au nord d’une ligneTunis-Derna. A ce moment, il envisage un combat de nuit (car l’obscurité pourrait luipermettre d’approcher l’ennemi et annulerait l’avantage que représente pour le cuirassé italienla portée supérieure de ses canons).A 19h00 (heure locale), l’amiral Cunningham appareille d’Alexandrie avec le porte-avionsFormidable (12 Fulmar II, 12 Albacore et 10 G36A de la flottille AC3, rangés en permanencesur le pont d’envol), les cuirassés Barham, Valiant 9 et Warspite et huit destroyers. L’Eaglereçoit l’ordre de se joindre à ces forces dès que le convoi qu’il couvre aura passé le détroit deKassos.Les croiseurs français Colbert, La Galissonière et Jean-de-Vienne, ainsi que les contre-torpilleurs Vauquelin, Cassard et Kersaint, qui viennent d’escorter le convoi “Tiger” jusqu’àVolos, se joignent provisoirement à l’Escadre de Mer Egée (croiseurs HMS Ajax, HMASPerth et MN Emile-Bertin, contre-torpilleurs Guépard, Lion, Valmy, Vauban et Verdun, etquatre destroyers de la Royal Navy), sous le commandement de l’amiral Pridham-Wippell.Cette force passe le détroit de Kithiria (Cythère) et prend position 30 nautiques au sud de l’îlede Gaudos, au large de la côte sud de la Crète.

16 maiBataille de l’île Gaudos – Première partie : les chats, les souris… et les moustiques

9 De retour en Méditerranée, car la menace des corsaires allemands s’est largement atténuée depuis le retour enAllemagne du Scheer et du Hipper.

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Méditerranée Orientale – Aux premières lueurs du jour, l’amiral Iachino décide de lancer unhydravion de reconnaissance. L’appareil repère l’Escadre de Mer Egée 50 nautiques à l’est dela flotte italienne, et l’identifie (assez exactement) comme « un CA, 4 CL et des escorteurs ».Iachino ordonne alors à l’amiral Cattaneo d’abandonner sa mission prévue de ratissage enMer Egée pour attaquer l’escadre alliée tout en essayant de la rabattre vers les canons duVittorio Veneto. C’est le début d’un jeu du chat et de la souris où les deux flottes vont tentertour à tour de jouer le rôle du chat.07h30 – Le HMS Ajax, navire de tête de l’Escadre de Mer Egée, repère les navires deCattaneo. 07h52 – Les croiseurs lourds italiens Pola et Gorizia ouvrent le feu à 22 000 m. A cettedistance, seul le Colbert peut répliquer. Pridham-Wippell décide alors de mettre cap à l’estpour attirer les croiseurs italiens vers les cuirassés de Cunningham. Dûment informé, celui-cia ordonné de marcher le plus vite possible, mais les machines du Warspite ne peuvent donnermieux que 22 nœuds.08h00 – La bataille se déplace vers l’est. Le tir italien est assez précis, mais seuls le Colbert etle Jean-de-Vienne sont touchés, une fois chacun, sans gravité.09h15 – Désespérant de rattraper ses adversaires, Cattaneo décide de s’en retourner versl’ouest, pour rejoindre Iachino et son cuirassé. Pridham-Wippell, informé par les naviresfrançais en queue de ligne, suppose qu’un croiseur italien a été endommagé, et change ànouveau de cap pour suivre son ennemi. Il ordonne cette fois ses navires en deux colonnes, leColbert (toujours seul à tirer) en tête de l’une, l’Ajax en tête de l’autre.10h55 – Un avion est aperçu (sans doute un hydravion de réglage de tir) au dessus descroiseurs alliés.11h12 – Comme le racontera Pridham-Wippell dans ses mémoires, « d’énormes gerbesautour du Colbert et de l’Ajax indiquent que quelque chose de gros nous tire dessus. » C’estle Vittorio-Veneto, qui vient d’ouvrir le feu à 28 000 m. La distance décroît rapidement et lesdeux croiseurs sont encadrés par le tir « inconfortablement précis » du cuirassé italien.11h40 – Pridham-Wippell a fait à nouveau demi-tour, mais le Colbert est endommagé pardeux near-miss, et sa vitesse tombe à 28 nœuds. « Je me retrouvais devant un choix fortdéplaisant : laisser honteusement le Colbert se faire massacrer tout seul ou rester bravementavec lui et affronter la destruction de toute l’escadre ! »Cependant, informé minute par minute, Cunningham, qui est encore 80 nautiques à l’est, adécidé de lancer une attaque aérienne dès que le Vittorio Veneto a été signalé. 12h05 – Les premiers Swordfish survolent les croiseurs alliés. Pendant ce temps, lesmécaniciens de l’Eagle préparent fébrilement les bombardiers Dauntless, car ces derniers nepeuvent être stockés dans le hangar du bâtiment qu’au prix du démontage d'une aile.12h15 – Les Swordfish attaquent la flotte italienne. Cette attaque ne donne aucun résultatconcret, mais signale à Iachino qu’une puissante formation alliée soutient probablement lescroiseurs, car un porte-avions se déplace rarement seul. Sachant qu’une défaite ne lui seraitpas pardonnée, l’amiral italien rassemble tout son monde et remet le cap au 300, au grandsoulagement de Pridham-Wippell et de ses hommes.Un moment, il semble que l’engagement n’aura pas d’autre conséquence…15h25 – Nouvelle attaque aérienne, menée cette fois conjointement par les Albacore duFormidable et les Dauntless de l’Eagle. Le Garibaldi reçoit une bombe de 250 kg et surtout,le Vittorio Veneto est touché à 15h30 par une torpille lancée par l’Albacore du CommanderStead. Celui-ci est tué avec son observateur par la DCA du cuirassé, qui abat son avion avantmême qu’il puisse voir sa torpille frapper le vaisseau amiral italien à l’arrière (ce serad’ailleurs le seul avion perdu ce jour-là par l’aviation navale alliée). Cette unique piqûre demoustique suffit pour immobiliser le grand bâtiment. En panne, le cuirassé attire d’autresinsectes : les derniers bombardiers en piqué de cette deuxième vague, qui le touchent par deux

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fois. Une bombe frappe notamment près de la cheminée arrière, détruisant ou obstruant lesentrées d’air de la salle des machines.16h30 – Grâce aux efforts de ses mécaniciens, le Vittorio Veneto se remet en mouvement, sanspouvoir cependant dépasser 15 nœuds.Encouragés, les avions du Formidable et de l’Eagle renouvellent leurs attaques. 19h30 – Aux dernières lueurs du jour, le croiseur lourd Pola reçoit à son tour une torpille quiendommage gravement hélices et gouvernail, stoppant net le navire. Iachino décide depoursuivre sa route vers l’ouest avec le Vittorio Veneto. Il ne laisse d’abord que deuxdestroyers avec le Pola blessé, mais c’est condamner le bâtiment.20h30 – Supposant qu’il n’a finalement en face de lui que des croiseurs et un porte-avions (ilcroit sans doute que des cuirassés alliés seraient déjà sur place s’il y en avait dans lesparages), il demande à Cattaneo de rester pour porter assistance au Pola avec les trois autrescroiseurs et ses quatre destroyers. Mais Cunningham n’est plus qu’à 35 nautiques du croiseurstoppé.21h00 – Averti par Cunningham, l’amiral Bouxin décide de tenter d’intercepter le VittorioVeneto endommagé.………Bataille de l’île Gaudos – Seconde partie : massacre au radar21h45 – Le radar de l’Ajax détecte « un grand bâtiment en panne » que l’on croit être leVittorio Veneto. Pridham-Wippell le signale à Cunningham, dont l’escadre est maintenanttoute proche et qui décide d’attaquer en pleine nuit.21h57 – Le Gorizia s’approche du Pola stoppé, et l’amiral Cattaneo ordonne de se préparer àremorquer le croiseur, persuadé qu’il n’y a pas le moindre bâtiment ennemi dans les environs.22h10 – Le radar du Valiant détecte à son tour les croiseurs italiens : le Pola toujours stoppé,les trois autres en ligne de file, tout proches et à vitesse réduite… Les trois cuirassés et lescroiseurs disposant d’un radar ouvrent alors le feu à bout portant sur un ennemi inconscientdu danger. Des années plus tard, l’amiral Cunningham écrira dans ses mémoires, “A Sailor’sOdyssey” : « L’état des croiseurs italiens ravagés par nos obus était indescriptible. On vit destourelles entières et des morceaux de coque tournoyer dans les airs avant de s’écraser dansles flots. En peu de temps, les quatre navires n’étaient plus que des torches flamboyantes, enfeu de la proue à la poupe. »Après quelques instants de stupeur, les quatre destroyers italiens tentent de contre-attaquer,mais sont repoussés par le tir des destroyers anglais et français, qui envoient l’ Oriani et leCarducci rejoindre leurs croiseurs au fond de la Méditerranée. Les débris du Gorizia coulent à23h15 (avec l’amiral Cattaneo), ceux de l’Eugenio Di Savoia dix minutes plus tard. Leshommes du Garibaldi font de leur mieux pour sauver leur navire, mais celui-ci reçoit deuxtorpilles britanniques qui lui donnent le coup de grâce et il coule à 02h40. Plus heureux queCattaneo, Legnani survit ; recueilli par un destroyer britannique, il est fait prisonnier. Le Polaest sabordé et coule à 04h03, après que des destroyers français et britanniques aient recueillila plus grande partie de l’équipage. Seuls l’Alfieri et le Gioberti échappent au massacre.

Grèce du nord : le front est rétabli

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Frontière gréco-yougoslave – Dans la journée, les forces françaises, grecques et yougoslavesqui battent en retraite de Skoplje sont rejointes par des troupes fraîches : deux brigadesd’infanterie australiennes appuyées par les chars de la 4th Armoured Brigade.Les colonnes blindées allemandes qui suivent la vallée du Vardar subissent de lourdes pertesen attaquant dans une zone marécageuse la ligne de défense mise en place par les troupes duCommonwealth. Il semble que les hommes du XL.AK (mot) aient été persuadés d’avoir misdéfinitivement en déroute leurs adversaires. L’apparition de troupes fraîches et de blindésneufs est pour eux un véritable choc ! En fin de journée, le front est stabilisé, au milieu denombreuses carcasses fumantes, allemandes et anglaises.Les troupes yougoslaves regroupées à Monastir passent la frontière grecque, non sans avoirlaissé quelques bouchons en arrière-garde, et viennent renforcer les défenses alliées à Veve etFlorina.

Pierre II quitte sa YougoslavieLe même soir à Ohrid, près de la frontière albanaise, le jeune roi Pierre II, après avoir écoutéla messe dite par le patriarche Gavrilo, s’embarque avec sa famille et son gouvernement dansun hydravion Sunderland de la RAF : le lac est le seul “terrain” encore utilisable. L’ex-régentPaul est du voyage : pas question de laisser aux Allemands de quoi constituer ungouvernement Quisling (ou Laval, selon les références). Le prince déplore à mi-voixl’abandon de sa collection de toiles de maîtres, qui, sans doute, ira grossir le trésor deGöring... L’attaché militaire britannique, le général Adrian Carton de Wiart, le foudroie de sonœil unique. Le jeune roi Pierre est plus intimidé que jamais par cet impressionnantpersonnage, qui fulmine des jurons dans une demi-douzaine de langues. Il ne retrouve sescouleurs qu’une fois en vol. Il en a un peu honte, alors qu’il laisse derrière lui son paysenvahi, mais le jeune roi adore les avions 10.

Front albanais – Bataille navale d’IgoumenitsaDans la nuit du 16 au 17, une escadre de six destroyers grecs, les Vasileus Georgios I,Vassilissa Olga, Hydra, Spetsai, Psara et Kondouriotis, attaque les navires italiens quiravitaillent les troupes débarquées à Igoumenitsa, sur la côte nord-ouest de la Grèce. Lestorpilleurs italiens Polluce et Pallade (survivant des batailles de Mer Tyrrhénienne) et lemouilleur de mines Durazzo sont coulés au canon et à la torpille, mais des vedettes rapidesitaliennes torpillent et coulent l’Hydra.

Bombardements stratégiquesBulgarie – Dans l’après-midi, les LeO-451 basés en Crète accomplissent leur premier raid surla gare de Plovdiv. En l’absence de chasseurs modernes sur place et la Flak étant pour une fois« plutôt réduite », diront les équipages, le bombardement est très précis. Sur le chemin duretour, leur vitesse permet aux élégants bombardiers d’échapper à l’interception par les Bf 110qui ont décollé à l’annonce du bombardement.Dans la nuit, quinze LB-30 français attaquent la même cible, avec succès, car les incendiesallumés par les LeO-451 brûlent toujours et facilitent la visée.………Roumanie – La même nuit, dix-huit Stirling de la RAF attaquent Ploesti sans pertes, maissans grands résultats, leur cible étant partiellement masquée par des nuages.

Protéger Alger

10 En fait, le Sunderland appartient à un squadron de la RAAF. L’écrivain et pilote australien Ivan Southallromancera l’épisode dans son livre « Mission en Yougoslavie », l’une des aventures de son héros favori, lelieutenant Pym.

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Alger – Quatre camions GMC bâchés et visiblement chargés de matériel sortent du port,n’attirant qu’un regard fugace de la part du 2e classe manœuvrant la barrière. S’il avait fait unpeu plus attention, il aurait vu que la peinture kaki n’avait pas la même couleur sur les porteset le capot que sur le reste de la carrosserie, que des inscriptions au pochoir étaient encorevisibles par endroits, et surtout, que le nombre de bosses et de rayures qu’ils arboraient étaientincompatibles avec du matériel neuf, ou entretenu avec l’huile de coude généreusementdépensée par l’Armée.Tout ceci n’échappe pas au factionnaire de l’aérodrome de Maison-Blanche, où les camionsarrivent une demi-heure plus tard. Mais il en tire une conclusion erronée : « Il était grandtemps, se dit-il, que l’Armée fasse des économies en achetant des véhicules d’occasion auxAméricains ! » Et lui aussi rate un détail important : si le conducteur du premier camion estincontestablement un militaire, ainsi que le sergent qui l’accompagne, il n’en est pas de mêmepour la plupart des occupants des trois autres véhicules, des civils qui, au surplus, s’exprimentavec un fort accent. Il est vrai que le factionnaire en question doit s’occuper de l’ordre demission que lui tend le sergent : c’est à dire qu’il doit, conformément aux consignes, appelerimmédiatement l’officier de permanence. Ce dernier soulève pensivement sa casquette, segratte la tête et relit par trois fois le document contresigné par deux généraux de deux armesdifférentes, avant de faire quérir le capitaine Lefèvre, commandant la DCA du terrain, quiarrive quelques minutes plus tard, juché sur sa bicyclette stéphanoise. Comprenant vite dequoi il s’agit, Lefèvre fait signe au chauffeur du premier camion de le suivre vers uneextrémité éloignée du terrain. Maison-Blanche entre dans l’ère électronique…

L’offensive des sous-marins alliésMalte – Puisque les Anglais ont réinstallé des sous-marins à Malte, les Français en fontautant. Ils renvoient à La Vallette la 16e DSM (Orphée, Antiope, La Sibylle, Amazone). Elledoit être suivie vers le 25 mai par la 19e DSM, reconstituée en ajoutant au survivant del’ancienne 19e division, l’Argonaute, les deux unités de la 12e DSM arrivées en Méditerranée(Junon, Minerve). Les sept bateaux bénéficieront toujours de l’appui du ravitailleur Ville deMons.

17 maiBataille de la Mer IonienneMéditerranée Orientale – A l’aube, tandis que l’escadre française avance à travers la merIonienne, l’amiral Bouxin fait lancer deux des hydravions de la Lorraine. 06h25 – Le second hydravion repère le Vittorio Veneto et sa petite escorte, marchant toujoursà 15 nœuds et se dirigeant vers Tarente. Bouxin, qui a mis son pavillon sur la Provence,ordonne sa force en deux colonnes. La Bretagne (qui porte la marque du vice-amiral MarcelJarry, chef de la 2e Division de Cuirassés) mène la première, suivie de la Provence et de laLorraine, puis des Fantasque et Terrible et des Tempête et Trombe. L’autre colonne estemmenée par le Suffren, suivi de la Gloire et du Montcalm puis du Mogador et des Mistral etTornade.« André Guyot, après le naufrage de son cher Foch, avait été nommé second de la Gloire,d’où il observait la ligne des cuirassés : “Les trois cuirassés portaient leur âge. On aurait dittrois vieilles dames, avec chapeau et voilette, brandissant leurs parapluies pour aller corrigerun voyou. Le voyou avait une jambe cassée, mais il était costaud, et il avait un longgourdin…” » (Jack Bailey, op.cit.).07h10 – Tandis que les trois “vieilles dames” se hâtent lentement, la formation française sedéploie pour envelopper les six bâtiments de l’escadre ennemie. « Le croiseur léger et lesquatre destroyers italiens pourraient s’enfuir, ils restent à leurs postes. “Vous auriez filé,

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vous, en pareil cas ? Non, ce n’était pas possible. Ce n’était pas une question de fidélité auDuce, à l’Italie, ou quoi que ce soit. On ne pouvait pas s’enfuir en laissant le Vittorio toutseul…” devait expliquer par la suite Giuseppe Marini, qui commandait l’Alpino. » (JackBailey, op.cit.).07h16 – Le Vittorio Veneto ouvre le feu à 25 000 m, bien au-delà de la portée des 340 mm àélévation limitée des Français. Le tir de ses trois tourelles triples de 381 mm est d’embléeprécis et concentré sur les cuirassés, en particulier sur la Bretagne, en tête. 07h25 – La quatrième salve italienne encadre la Bretagne.07h28 – Deux obus atteignent le premier cuirassé français.Mais les navires français vont 5 nœuds plus vite et la distance décroît rapidement. A l’instantoù il obtient ses premiers coups au but, le Vittorio Veneto est depuis quelques minutes la ciblede 28 canons de 340 mm (10 sur la Bretagne, autant sur la Provence et 8 sur la Lorraine, qui aéchangé avant la guerre sa tourelle III contre un grand hangar à hydravions), plus les 8 canonsde 203 mm du Suffren. 07h30 – Soumis à une véritable pluie d’acier, le cuirassé italien a déjà reçu au moins deuxobus de 340 et un ou deux de 203.07h33 – Le tir du Vittorio Veneto reste précis et deux obus de sa septième salve touchent laBretagne. L’un d’eux atteint la soute à munitions arrière.07h34 – La Bretagne est secouée par une énorme explosion et se casse en deux. Elle sombreen quelques instants, emportant la plus grande partie de son équipage, dont le vice-amiralJarry. La Provence doit légèrement modifier son cap pour éviter l’épave en train de couler.Mais les deux “vieilles dames” survivantes ne semblent pas impressionnées et à ce mêmeinstant, le Vittorio Veneto est touché à l’arrière par deux obus de 340 mm et un de 203 mm.07h36 – Trois obus de 340 mm touchent le cuirassé italien à bâbord avant, rapidement suivisà tribord par deux obus de 203 mm du Suffren, dont le tir est très précis. Un des 340 mmouvre un grand trou près de l’étrave, obligeant le Vittorio Veneto à ralentir jusqu’à 11 nœuds.07h38 – La distance a tellement diminué que les croiseurs légers peuvent ouvrir le feu. LesGloire et Montcalm concentrent leur tir sur le Raimondo Montecuccoli, qui tente de ripostermais est vite réduit au silence par une succession d’obus de 152 mm bien placés.Depuis la destruction de la Bretagne, le Vittorio Veneto, a pris pour cible la Provence, qu’il atouchée à plusieurs reprises, mais son tir devient beaucoup moins précis, peut-être parce queson dispositif de contrôle de tir a été endommagé.07h40 – Plusieurs obus de 340 mm tombent sur ou autour de la tourelle B de l’Italien, qui estmise hors service. La tourelle A tire maintenant de façon erratique et seule la tourelle C, àl’arrière, parvient à conserver un tir régulier et précis, touchant même la Provence à deuxreprises, à 07h41 et 07h44.07h45 – Le Montecuccoli essaye de tendre un rideau de fumée, mais il est lui-même àl’agonie, une seule de ses tourelles répondant encore au tir de la Gloire et du Montcalm. LeBersagliere et l’Alpino, qui suivent le Montecuccoli, chargent alors les croiseurs français pourles forcer à rompre leur ligne et soulager leur chef de division. Tout ce qu’ils obtiennent estd’attirer sur eux le tir des croiseurs français, qui les transforme en épaves enflammées bienavant qu’ils ne parviennent à distance de tir de leurs torpilles.07h48 – La distance est maintenant de moins de 13 000 m. Le Vittorio Veneto, dont la vitesseest tombée au-dessous de 9 nœuds, reçoit à nouveau plusieurs obus de 340 mm.07h51 – De nouveaux impacts de 340 réduisent au silence la dernière tourelle opérationnelledu cuirassé italien. L’amiral Bouxin envoie alors les Fantasque, Terrible, Tempête et Trombeexécuter une attaque à la torpille. Le Granatiere et le Fuciliere s’interposent et un bref maisviolent échange de tirs s’ensuit, où l’allonge de leurs 138 mm donne l’avantage aux Français,le Fuciliere recevant plusieurs obus.

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07h58 – Les navires français lancent leurs torpilles. Deux, peut-être trois d’entre ellestouchent le Vittorio Veneto, qui encaisse également de nouveaux obus de 340 et de 203 etstoppe.08h06 – Malgré l’écran de fumée tendu par le Granatiere, le Tempête et le Trombe lancentune nouvelle attaque à la torpille et obtiennent deux coups au but.Devant la menace des bombardiers allemands basés dans la région de Bari et considérantl’état désespéré du Vittorio Veneto, si bas sur l’eau que la moindre vague vient lécher sonchâteau avant, l’amiral Bouxin décide de se retirer, non sans ordonner à la Gloire et auMontcalm, qui viennent d’achever le Raimondo Montecuccoli, de lancer leurs torpilles.08h27 – Le Vittorio Veneto chavire et coule, suivi peu après par le Montecuccoli. Le Fuciliere,ses machines détruites, doit être sabordé. Le Bersagliere et l’Alpino continuent de brûler ; à09h30 ils auront tous les deux coulé. Le Granatiere, seul survivant de l’escadre, parvient àrepêcher plus de 380 survivants du cuirassé. L’amiral Iachino n’en fait pas partie.………Les premiers avions allemands – appelés au secours dès 07h00 – n’apparaissent sur le champde bataille que vers 11h45. L’escadre française n’est détectée qu’à 16h30 par les Ju 88 dereconnaissance ; elle est déjà hors de portée d’une éventuelle attaque de bombardiers enpiqué.« Ici s’achève le récit de la double bataille de l’île Gaudos et de la Mer Ionienne. Ce fut pourla flotte italienne une écrasante défaite, mais due bien davantage à des concepts stratégiqueserronés, à un manque de coopération air-mer et à l’absence de radar qu’à un défautquelconque de courage, de discipline ou de compétence de la part des marins italiens.L’escadre de la Royal Navy était pratiquement intacte, n’ayant eu à subir que la perte d’unAlbacore et de son équipage. L’escadre de la Marine Nationale avait subi des dommages bienplus importants avec la perte de la Bretagne. Mais comme l’amiral Bouxin devait l’écrire àson épouse : “Dans un moment pareil, je préfère de loin être amiral que général. Dans laguerre moderne, un général est obligé, sous peine d’être inefficace, de se tenir à l’arrière. S’ilprend la mauvaise décision et si les choses tournent mal, il fait tuer ses hommes sans courirlui-même de risque, et s’il a un peu d’honneur, il portera pour toujours le poids de cesmorts… Un amiral, au moins, comme l’a montré la mort du pauvre Jarry, court le mêmerisque que le plus humble de ses matelots…”L a Provence avait été assez gravement endommagée et dut être envoyée pour réparationsdans un chantier naval américain, ce qui permit aussi de procéder à d’utiles modifications.Quelques croiseurs avaient été légèrement touchés, mais ils furent bientôt réparés, le plusatteint étant le Colbert, qui dut passer deux semaines en cale sèche à Alexandrie. » (JackBailey, op. cit.)

Percée allemande sur le front grecGrèce – Si les Alliés sont victorieux en mer, la situation se détériore à terre.………En Thrace, les défenses grecques sur le Strymon sont percées et Salonique est directementmenacée. Pour éviter d’être ainsi tournées par le sud-est, la plupart des unités britanniques,françaises et grecques qui ont repoussé les blindés du XL.AK (mot) se replient vers le sud,tandis que la 2e Armée grecque s’efforce d’établir une autre ligne de défense dans lesmontagnes à l’est de Kilkis.Le général Bakopoulos demande le renfort des troupes françaises pour tenir une ligne allantde Kilkis à Salonique, mais le général Giraud est inflexible : pas question de quitter despositions défensives solides et longuement préparées pour lancer de l’infanterie vers unebataille de rencontre contre les panzers ! Il ordonne même à la 86e DIA de reculer derrièrel’Aliakmon. Il assure cependant le général Bakopoulos que les chars anglais et français

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couvriront si nécessaire le repli de ses troupes derrière la ligne Aliakmon, et que les marinesalliées soutiendront une évacuation de Salonique. La RAF et l’Armée de l’Air sont trèsactives au-dessus des cols menant à Salonique, où elles bombardent de façon répétée lescolonnes allemandes qui avancent lentement.………Sur les arrières du front d’Albanie, les unités débarquées à Igoumenitsa et qui tentent deprogresser vers Ioannina sont arrêtées par des troupes grecques descendues du front.………A Athènes, le jeune roi de Yougoslavie et son gouvernement sont accueillis en aussi grandepompe que le permet la situation. Ils resteront dans la capitale grecque presque jusqu’à la fin.

BombardementsBulgarie – Les LeO-451 basés en Crète attaquent avec succès la gare de triage de Sofia, maisils sont interceptés par des Bf 109F et perdent sept appareils. ………Yougoslavie – Des Stirling venus de Crète bombardent des concentrations de troupesallemandes autour de Skoplje. Ils perdent cinq avions abattus par la chasse allemande, maisinfligent de graves dommages.

Protéger AlgerAlger Maison-Blanche – Le matin voit surgir à une extrémité de l’aérodrome une installationinusitée : un radar, le premier appareil portant réellement ce sigle américain en terrealgérienne. Très exactement, un imposant SCR-268, destiné à diriger le tir des batteries deDCA, ce qui, très rapidement, sera déformé en « suivre la trajectoire des obus » par lesbadauds de tout grade qui passent aux alentours. Le capitaine Lefevre est pressé d’essayer cenouvel appareil, qui renvoie à la préhistoire les “cornets acoustiques géants” 11 tout comme lesthéodolites et télémètres utilisés jusque là. Mais il va devoir patienter.« Je suis désolé, mon capitaine, explique l’aspirant Michalon, en charge du système, cematériel donne des indications en pieds et des instructions de pointage pour des canonsaméricains de 90 mm, pas pour nos 75. Il va falloir plusieurs jours pour calibrer tout ça,créer les tables de conversion nécessaires et tout vérifier. »– Et en attendant, votre attirail ne sert à rien ?– En attendant, on peut utiliser le radar pour repérer un avion et savoir où pointer l’ancienmatériel optique, ce qui fera déjà gagner du temps. Ensuite, on procédera comme d’habitude,y compris la nuit, où le radar servira au pointage à coup sûr des projecteurs.Durant deux jours, le radar se contentera de suivre les avions passant à sa portée, ce qui n’estdéjà pas rien.

18 maiHitler en fait trop

11 Ces appareillages censés guider le tir de la DCA d’après le bruit du moteur des avions n’ont jamais eu lemoindre succès en dehors du « Sceptre d’Ottokar », où ils équipent l’armée bordure…

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Grèce, front nord – Tandis que les dernières unités yougoslaves restant sur leur territoirenational capitulent ou prennent le maquis pour entamer dans les montagnes des opérations deguérilla, les assauts en direction de Salonique recommencent, mais avec bien moins d’élanque la veille. Il semble que la chaîne logistique allemande soit incapable d’alimenter enhommes et en munitions des opérations menées sur le rythme très élevé des deux joursprécédents. Les routes allant de Belgrade à Skoplje et de Skoplje vers le sud sont encombréesde véhicules accidentés ou détruits, les sapeurs français et yougoslaves ont infligé deconsidérables dégâts au réseau routier en se repliant et les attaques aériennes répétées contrele réseau ferré bulgare ont en partie bloqué le système de ravitaillement.A midi, contre les ordres d’Hitler, le Feld-Maréchal List ordonne de cesser les attaques pourpouvoir regrouper et renforcer ses colonnes blindées. Cette décision est suivie, en début desoirée, par un entretien téléphonique tendu et difficile avec Hitler, qui se trouve à son poste decommandement dans le sud de l’Autriche. List parvient finalement à convaincre Hitler que lesattaques sont devenues inefficaces et qu’il est nécessaire de réorganiser les troupes. Mais vers23h00, alors que List dresse des plans pour favoriser le ravitaillement des unités les plus enpointe, le Feld-Maréchal reçoit un nouvel appel du Führer, qui lui annonce triomphalementqu’afin d’accélérer l’avance de ses troupes, il a ordonné à la 13.PanzerDivision (àl’entraînement en Roumanie et qui doit participer à l’offensive en direction de Kiev dans lecadre de Barbarossa) et à la 19.PanzerDivision (cantonnée dans le sud de la Pologne) de faireroute vers Skoplje et la Grèce pour soutenir les 11. et 14.PanzerDivisions. Celles-ci, qui setrouvent dans le nord de la Yougoslavie, ont reçu l’ordre d’aller attaquer les lignes alliées dansle nord de la Grèce. List est incapable d’obtenir que Hitler annule ces ordres, qui vontentraîner une gigantesque confusion et des embouteillages inextricables sur des routesessentielles pour ravitailler en carburant et en munitions les unités les plus avancées. Dans lanuit, l’état-major de List s’aperçoit que les dépôts organisés en Bulgarie sont de toute façonincapables de ravitailler les quatre nouvelles PanzerDivisions lancées dans la bataille.………Salonique – La marine grecque tente de soutenir la défense de la ville en envoyant aucrépuscule l’antique croiseur cuirassé Giorgios Averoff 12 bombarder les troupes allemandes etbulgares à l’embouchure du Strymon. Le vieux guerrier détruit là plusieurs caboteurs utiliséspar les Allemands pour transporter du matériel et des hommes le long de la côte.

Rommel (et les Italiens) s’acharnentGrèce, front nord – Les forces de l’Axe reprennent leur attaque vers Ioannina, à partir deGyrokaster et d’Igoumenitsa. Les combats sont acharnés et les troupes anglo-grecquesreculent lentement, laissant derrière elles de nombreux barrages et destructions qui gênent laprogression allemande.

La Regia Marina en deuilRome – Les batailles de Gaudos et de la mer Ionienne sont un véritable désastre pourSupermarina. Avec la destruction de cinq croiseurs et du Vittorio Veneto, la Regia Marina aperdu tout espoir de peser sérieusement dans un affrontement de surface classique ; de plus,avec ce nouveau revers, son image est lamentablement ternie. Pour laver son honneur, elledoit réagir, mais comment ?Une nouvelle fois, le seul espoir de Supermarina est représenté par ses armes secrètes.Contrairement aux plans, qui prévoient d’attendre l’automne, avec ses nuits plus longues etses conditions météos plus propices à la discrétion, une nouvelle mission est ordonnée. Lacible retenue par les hommes de la Xa MAS est une nouvelle fois Gibraltar : Gibraltar, que lesnageurs de combat commencent à connaître et où les diplomates italiens signalent depuis le 11

12 Construit en 1910 en Italie, modernisé dans les années 20 aux chantiers de La Seyne-sur-Mer.

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mai une concentration de belles cibles (croiseurs de bataille HMS Renown, MN Dunkerque etStrasbourg, porte-avions HMS Ark Royal), qui sont visiblement déployés là pour s’opposer àune sortie de Brest des Scharnhorst et Gneisenau.………Rome – Après la saignée que vient de subir la Regia Marina, l’amiral Riccardi lui-même secharge de convaincre Mussolini qu’il est plus sage de renvoyer « provisoirement » à plus tardla reconquête des Pélages.Les MAS de la 15e escadrille se chargeront dès la nuit suivante de mettre un peu de baume surl’amour-propre du Duce en menant un coup de main contre l’îlot de Lampione, où la MarineNationale a installé un poste d’observation de douze hommes. Ce dernier est anéanti par lesseize arditi de l’Aosta transportés par les vedettes : les marins ont un mort et dix prisonniers(dont cinq blessés), pour quatre arditi blessés.En fait, il ne sera plus jamais question des Pélages à l’état-major italien – et la MarineNationale laissera Lampione inoccupé après avoir récupéré l’unique survivant de la garnison.

Victoires et épreuves des sous-mariniers anglaisBenghazi – S i le HMS Tetrarch (Lt-Cdr R.M.T. Peacock) remporte au large d’Ancône sadeuxième victoire “méditerranéenne” en coulant le cargo Giovinezza (2 362 GRT) 13, lajournée est surtout marquée par la troisième perte du mois pour les sous-mariniersbritanniques. Cette fois, c’est la 1ère Flottille qui est touchée. Le HMS Triton (Lt G.C.Watkins), qui n’est pas rentré de sa seconde patrouille en Basse-Adriatique et n’a plus donnésigne de vie depuis le 6 mai, est porté disparu. Les recoupements faits après la guerremontreront que le Triton a été coulé le 7 mai par le torpilleur Clio alors qu’il tentait d’attaquerle cargo Olimpia (6 025 GRT) 14.L’Amirauté britannique compensera sa perte en envoyant en Méditerranée le HMS Thrasher(Lt. P.J. Cowell), entré en service le 14 mai.

19 maiUne offensive embouteilléeGrèce, front nord – La combinaison des ordres d’Hitler et du désir de List de regrouper sesforces provoque une pause de l’offensive allemande. La faiblesse inhérente à la logistiqueallemande, rigidement orientée vers l’exécution d’une guerre “éclair”, l’état très médiocre duréseau routier yougoslave, les destructions infligées au réseau ferré bulgare par les raids de laRAF et de l’Armée de l’Air, ont produit une thrombose logistique majeure.Pendant ce temps, les Alliés continuent de mener des raids aériens sur les jonctions ferrées enBulgarie et sur les routes descendant de Skoplje vers la Grèce. De son côté, la Luftwaffe doitse redéployer vers le sud mais aussi pourvoir à la défense aérienne de la Roumanie, pouréviter de nouveaux raids “Coronation/Couronnement” contre Ploesti. Toute la journée, c’est lemonde à l’envers : les forces allemandes sont pratiquement stoppées et harcelées par uneaviation alliée très active sur tout le front nord. Cette sorte de trêve offre aux Alliés uneoccasion en or pour se réorganiser. Les unités grecques s’enterrent autour de Kilkis etpréparent la défense de Salonique.

Rommel insisteGrèce, front ouest – Ce n’est qu’à la frontière gréco-albanaise que les forces italo-allemandes, fouettées par Rommel, restent actives. Mais, au grand mécontentement du chef

13 Il avait déjà coulé le pétrolier Persiano (2 474 GRT), le 12 avril 1941 au large de Pescara.14 Déjà titulaire d’un palmarès honorable constitué en Mer du Nord, le Triton avait coulé le cargo Sabaudia(1 590 GRT), chargé de munitions, non loin de Durazzo le 10 avril, lors de sa première patrouille en Adriatique.

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du Skandenberg Korps, le terrain continue de favoriser la défense. Néanmoins, la tête de pontd’Igoumenitsa est renforcée par de nouveaux bataillons italiens transportés par bateau.

Protéger AlgerAlger Maison-Blanche – L’aspirant Michalon se sent suffisamment sûr de ses calculs et les opérateurs civils de l’appareil, choisis outre-Atlantique pour leur connaissance théorique du français, ont appris à articuler les chiffres de manière à être compris par les oreilles des troupes de DCA : les exercices de tir (avec des obus fumigènes) peuvent commencer.

20 maiUne nouvelle ligne de défenseGrèce, front nord – Le commandement allemand s’efforce de rétablir au plus vite ses lignesde ravitaillement surchargées et de faire monter au front ses unités, malgré d’énormesembouteillages qui font le bonheur des bombardiers alliés.Les Alliés profitent de ce répit pour renforcer leur dispositif. Dans l’est de la Grèce, lespremières défenses, bien que faibles, retiennent encore l’ennemi, tandis que la ligne principalede résistance, plus en retrait, n’a pas encore été atteinte.En première ligne, la 2e Armée grecque du général Bakopoulos a rassemblé l’équivalent de sixdivisions, fatiguées et affaiblies mais avec un moral intact, pour garnir une ligne discontinuede points de défense dans les monts à l’est de Kilkis et devant Salonique. Dans la vallée duVardar, la ligne sur laquelle les panzers du XL.AK (mot) ont été arrêtés le 16 mai est encoretenue par quelques arrière-gardes australiennes et grecques. Dans la plaine entre les rivièresVardar et Alyakmon, les chars de la 7th Armoured Division et de la 1 ère DC, renforcés par lesautomoteurs du Détachement Dentz, sont déployés pour couvrir une retraite des défenseursgrecs de Salonique et de Kilkis ou des positions avancées dans la haute vallée du Vardar.La ligne principale de résistance est ancrée à l’est « à l’ombre du mont Olympe » sur la rivedroite de l’estuaire du fleuve Alyakmon. Derrière cette ligne, la 4 e DMM est déployée dans lesecteur du mont Olympe (un goum à Katerini, un à la passe du mont Olympe, un sur le montOlympe, un en avant du tunnel de Platamon, un dans le défilé de Tempe, et le dernier enréserve à Elasson). La 86e DIA est déployée le long de l’Alyakmon (qui coule dans ce secteurves l’est), entre Véroia et la mer (deux régiments en ligne et un en réserve). A l’aile gauche del’Armée d’Orient, la 191e DIA tient Véroia, les monts Pieria et les monts Vermion, barrantl’accès à la vallée de l’Alyakmon (qui coule ici vers le nord-est et Servia). A sa gauche, lecorps d’armée ANZAC du général Blamey prend le relais, avec la 6th Division AIF quidéfend Edessa : la 17th Brigade à l’est et au sud-est de la ville, la 19th Brigade à l’ouest. Latrouée du lac Vegorritis est défendue par une partie de la 20e DI grecque. La route venant deMonastir est protégée par la 2nd New-Zealand Division, avec la 4th Brigade à Veve, la 6thBrigade en réserve à Soter, et la 5th Brigade répartie pour garder, avec le reste de la 20 e

division grecque, les accès aux pistes montagneuses de Florina et Klissoura. Enfin, la 16thBrigade AIF, loin en arrière, prépare une nouvelle position défensive aux Thermopyles.

21 maiEncore un jour de répitGrèce, front nord – Encore un jour de perdu pour les forces allemandes dans le sud de laYougoslavie et le nord de la Grèce, tandis que les forces alliées se préparent fébrilement àrepousser l’inévitable attaque. Les unités yougoslaves qui ont pu se replier en Grèce sontconcentrées à Lamia pour réarmement et réorganisation.

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Cependant, l’activité de la Luftwaffe s’accroît de façon significative. Un raid français surPlovdiv est intercepté et 5 LeO-451 sont abattus. Différents raids de la RAF contre lescarrefours routiers près de Skoplje et Nis se heurtent eux aussi aux Bf 109 F, perdant 6Blenheim et 3 Stirling. De son côté, la Luftwaffe lance plusieurs attaques contre Salonique,Volos et Athènes-Le Pirée, et envoie des bombardiers en piqué s’en prendre aux positionsgrecques à l’est de la ville de Kilkis.

22 maiList repart à l’attaqueGrèce, front nord – L’offensive allemande contre Salonique reprend, sur deux axes : nord-sud, le long de la vallée du Vardar, et ouest-est, à travers les montagnes autour de Kilkis.La Luftwaffe attaque violemment Salonique et tous les terrains alliés entre Salonique etLarissa. Les Stukas peuvent bombarder sans opposition les défenses grecques pendant que leschasseurs alliés sont occupés à défendre leurs terrains ou les villes.« Ce jour-là, mon ami Du Mouzy menait une patrouille double, la Bleue, comme d’habitude(inutile de lui faire de la peine en lui donnant la ROUGE ! Celle-ci était pour moi, après tout,mon père était au parti Radical). Prenant son rôle d’éducateur avec sérieux (sinon avec joie),il avait choisi George Burgard comme ailier. Presque tout de suite, la patrouille avait dû sejeter sur un gros paquet de Boches qui attaquaient Salonique, et en quelques instants, lestrois éléments s’étaient retrouvés dispersés. Mais Burgard, comme Du Mouzy le lui avaitmille fois répété, restait bien accroché à son leader. Lequel n’avait pas mis longtemps à setrouver une victime de choix, un Do 17 bien gras (si l’on peut dire, avec un fuselage aussiétroit !). Au moment où Du Mouzy commençait à voir sa cible s’enflammer et perdre de grosmorceaux, il se rendit compte qu’il était lui-même pris pour cible par un 109 plein demauvaises intentions. Réagissant automatiquement, il dégagea à fond d’un côté, en hurlant“Bleu 2 ! Bleu 2, de Bleu 1, j’ai un Boche dans ma queue !” Une grande suée plus tard, ilréalisa que le museau féroce du Hawk-81 de Burgard (qui appréciait les peintures de guerretapageuses et avait fait peindre une gueule de requin autour de son entrée d’air) avaitremplacé dans son rétroviseur le nez du 109. “Bleu 2 ! J’avais un 109 dans ma queue !”gueula-t-il. “Je sais, Cap’taine… Bleu 1.” Toujours très calme en vol, le Burgard. “Où est-ilpassé ?” “Je l’ai baisé, Cap’taine !” Burgard ne se montrait pas grossier, il voulait dire “Jel’ai descendu” sans penser que le terme employé avait d’autres significations…Malheureusement pour Hugues du Mouzy, des oreilles amies avaient entendu l’échange, ettout le Groupe fit bientôt mine de penser que, pour faire son éducation, Du Mouzy emmenaitson ailier dans des maisons peu recommandables. En plus, le 109 b… euh, descendu parBurgard était historique : c’était la première victoire d’un “Infiltré”. 15

Hélas, nous apprîmes que, le même jour, à Larissa, un autre Infiltré avait pris une bombe surla tête en courant vers son avion, parce que sa patrouille avait été alertée un peu trop tard.Lui aussi était devenu historique : le premier Américain mort pour la France dans cetteguerre… » (Jean-Pierre Leparc, Escadrille Lafayette, Paris, 1960, réédition 2000).Les chasseurs à long rayon d’action du GC III/13 basés à Limnos escortent des bombardiersMaryland du II/39 lors d’un raid sur les cols menant de l’est vers Salonique. Lebombardement est réussi, mais les attaquants subissent de lourdes pertes sous les coups de laFlak et de la chasse allemande.Dans la nuit, un groupe de caboteurs et de péniches tente de débarquer des troupes allemandeset bulgares derrière le front au fond du golfe de Strymon, près de Salonique. Le convoi est

15 Les lignes qui précèdent avaient été quelque peu édulcorées pour l’édition 1960 : « (…) “Où est-il passé ?”“Je l’ai descendu, Cap’taine !” Ce 109 était historique : c’était la première victoire d’un “Infiltré”. (…) » Dansl’édition 2000, un éditeur moins pudibond autorisa Leparc à rétablir l’exactitude des mots utilisés.

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intercepté par une petite escadre grecque formée du vieux croiseur Giorgios Averoff et desdestroyers anciens Ierax, Leon et Panther. Malgré leur âge, ces navires font un massacreparmi les petits bateaux de transport, qui sont coulés ou dispersés.

Protéger AlgerAlger Maison-Blanche – Une démonstration des capacités du radar de tir anti-aérien SCR-268 est faite sous les yeux du général Bloch. Apparemment satisfait, ce dernier prend à partLefèvre et Michallon et, sur le ton de la confidence : « Bientôt, Messieurs, d’autres radars dece type vont arriver, et aussi des batteries de canons américains M1 ! »Bloch passe pudiquement sous silence ce qu’il a fait pour convaincre le personnel de lamission militaire française aux Etats-Unis d’obtenir ce matériel en priorité, arguant du fait queles 3 pouces de DCA achetés dès juillet 1940 avaient été détournés par l’Armée de Terre. Il nementionne pas non plus qu’il a un peu forcé la main des Américains pour les canons M1, enleur rappelant qu’ils les avaient eux-mêmes déclarés dépassés lors d’une démonstration deleurs successeurs (les M1A1) à Aberdeen… En effet, les successeurs en question, avecinterconnexion du radar, de la conduite de tir et des canons, ne nécessitent plus, en théorie, depointage manuel. Mais ces beaux M1A1, grâce aux nouvelles dispositions de la loi prêt-bail,les Français en auront aussi – dans trois mois !

23 maiNouvelle percée des panzersGrèce, front nord – Après de violent combats durant toute la nuit et toute la matinée, leslignes de défense couvrant Salonique sont rompues. Le XL.AK (mot) commence à percermalgré la blessure de son chef, le général Stumme, touché près de Skoplje lors d’un raid debombardiers français. Dans la plaine côtière, les blindés allemands se heurtent à plusieursreprises aux chars anglais et français.Les troupes grecques abandonnent la ligne Kilkis et se retirent vers Salonique. L’amiral SirAndrew Cunningham ordonne au vice-amiral Pridham-Wippell de préparer son Escadre deMer Egée à évacuer les troupes de Salonique.Le général Giraud ordonne aux troupes engagées dans la vallée du Vardar de se replier vers laroute Véroia-Salonique pour éviter d’être coupées. Giraud, Wavell et Papagos tombentd’accord pour que si les unités blindées allemandes parvenaient à dépasser la route Véroia-Salonique, la 2e Armée grecque se retire sur la ligne Alyakmon.Des bombardiers en piqué allemands attaquent le croiseur grec Giorgios Averoff et sonescorte. Durement touché, le vieux bâtiment doit être échoué, en feu, à l’entrée du Golfe deSalonique. Les DD Leon et Panther sont coulés.

Les Alliés évacuent l’AlbanieGrèce, front ouest – Le Skandenberg Korps reprend son offensive vers Ioannina, menaçantde tourner les forces anglo-grecques engagées plus au nord. Le QG allié ordonne à toutes lestroupes encore engagées en Albanie de se replier vers le sud pour établir une ligne de défensele long de la chaîne du Pinde.

24 maiSalonique condamnéeGrèce, front nord – Bataille de VéroiaLa ligne Véroia-Salonique est mise à l’épreuve par des blindés allemands, mais tient bon. Enrevanche, Salonique est pratiquement encerclée. L’évacuation par mer des défenseurs est

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décidée. Au crépuscule, l’Escadre de Mer Egée de Pridham-Wippell entre dans le golfe deSalonique. Pendant que les croiseurs (HMS Ajax, HMAS Perth et MN Emile-Bertin)bombardent les troupes allemandes et bulgares, les destroyers pénètrent dans le port,encombré d’épaves de bateaux coulés par les Ju 87, et embarquent le plus possible de troupesgrecques.Sur la ligne Alyakmon, les premiers éléments de la 2 e Division Cuirassée française (61e BCC,avec 45 chars M2A4 et 4 VPM-81), débarqués neuf jours plus tôt au Pirée, sont désormaisprêts à seconder la 1ère DC et la 7th Armoured Division.

25 maiEpreuve de forceGrèce, front nord – Bataille de VéroiaLe général Crüwell, qui remplace Stumme blessé l’avant-veille, lance une nouvelle attaque.Ayant constaté que le terrain devant Véroia est, pour une fois, plat et dégagé, il tente de percervers la vallée de l’Alyakmon. Fatigué par des semaines de frustration et d’embouteillagesdans les montagnes, il est assez téméraire pour imiter une fameuse tactique britannique :charger avec vaillance sous la gueule des canons. Sous les tirs des 47 mm et 75 mm français,la 9. Panzer Division, tout juste reconstituée pendant la “trêve List”, perd 70 de ses 150blindés et l’infanterie du 1er Régiment motorisé SS est décimée. Une tentative de débordementpar la 16. Panzer Division est contrée par des éléments de la 1ère Division Cuirassée et de la7th Armoured Division, avec de lourdes pertes des deux côtés.Les forces alliées sont trop épuisées pour contre-attaquer, et ni leur organisation ni les réflexesde leurs chefs n e leur permettent de passer aussi rapidement de la défensive à la contre-offensive – les Alliés perdent ainsi une bonne occasion de détruire entièrement des unitésblindées allemandes pendant que l’infanterie de l’Axe (Allemands et Bulgares) est encoreconcentrée autour de Salonique.………Salonique capitule en fin de journée. Près de 16 000 soldats grecs sont faits prisonniers, bienque, jusqu’au dernier moment, quelques-uns aient encore pu fuir, en bateau de pêche, enbarque, voire, dans deux cas, à la nage !

Rommel bloqué dans les montagnesGrèce, front ouest – Une tentative de prendre Ioannina d’assaut par surprise échoue, car lescolonnes trop étirées du Skandenberg Korps sont contre-attaquées dans les cols parl’infanterie de montagne grecque.

26 maiEpreuve de force (suite)Grèce, front nord – Bataille de VéroiaNouvelles attaques du XL.AK (mot). La 16. Panzer Division essaye cette fois de percer leslignes alliées à la jonction de l’ANZAC et de l’Armée d’Orient, et est repoussée par les2 livres antichars australiens et les chasseurs de chars français. Ces derniers, des camionsarmés très vulnérables, subissent cependant de lourdes pertes. Entre Véroia et la mer, uneautre attaque est arrêtée par les unités anti-aériennes françaises, qui utilisent leurs 25 mmautomatiques comme des armes antichars.Dans la soirée, l’Escadre de Mer Egée bombarde la route côtière de Kavala à Salonique, trèsutilisée par les convois de ravitaillement allemands et bulgares, avant de se replier versLimnos et Lesbos.

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Violents combats dans les airs, disent les communiqués.« Après la première victoire de George Burgard le 22, suivie d’une autre le 25, Du Mouzyavait déclaré que notre Infiltré n’avait plus besoin qu’on lui tienne la main et l’avait désignécomme leader d’un des éléments de sa patrouille. Cela n’avait rien d’étonnant : Georgen’était pas un novice comme ceux qui nous arrivaient de l’Ecole de Chasse, c’était un pilotequi avait beaucoup d’expérience, mais, jusqu’alors, pas celle du combat. En fait, il était plusâgé que la plupart d’entre nous ; c’était un vieux de presque 28 ans ! Son “handicap” effacé,il pouvait montrer toutes ses qualités.Le 26, comme la veille, les combats aériens au-dessus de Véroia furent particulièrementintenses, les Allemands s’efforçant d’ouvrir la voie à leurs chars à coups de bombardementsaériens. Burgard avait demandé Ramdane comme ailier – ce que Du Mouzy lui avaitvolontiers accordé – et lui avait fait le topo en ces termes : “Aziz, les gars au sol ont besoinqu’on descende les bombardiers Huns (il ne disait pas “Boches”). C’est mon boulot. Moi, j’aibesoin que les chasseurs Huns me foutent la paix (son français n’était pas très académique).C’est ton boulot. Oui ?” “OK !” avait répondu Ramdane, qui savait s’adapter.Toute la journée, notre II/5 (qui était à ce moment basé à Larissa) fut engagé à fond dans labagarre et le soir, George T. Burgard devenait le premier As américain depuis la PremièreGuerre, après avoir détruit deux Bf 110 et un He 111. “Ça n’a pas été très difficile, dit-il. Jen’ai pas regardé une seule fois dans mon rétroviseur, ce qui m’a permis d’être beaucoup plusefficace.” Aziz Ramdane, lui, faisait une drôle de tête. Une tête épuisée ! “Tu comprends, meraconta-t-il, c’est très éprouvant, de suivre George. J’ai cru cent fois qu’il allait percuter unBoche et moi, j’aurais eu l’air de quoi ? Pourtant, derrière lui, j’avais fait mon boulot !” Etbien fait : il avait abattu un 109, sans négliger pour autant d’achever un He 111 que Burgardavait entamé, ce qui lui faisait quatre victoires.Quoi qu’il en soit, c’est à ce moment que, malgré le caractère officieux de la présence de nosInfiltrés, tout le monde commença à parler, non de Groupe II/5, mais de “GroupeLafayette”. » (Jean-Pierre Leparc, op. cit.).

27 maiEpreuve de force (encore)Grèce, front nord – Bataille de Véroia : l’affaire des Bouches de l’AlyakmonAprès un très violent bombardement effectué par des Stukas, des troupes allemandesenfoncent les défenses de la 86e DIA et traversent l’estuaire de l’Alyakmon, à l’est de Véroia,sur quatre ponts de bateaux, établissant une tête de pont sur la rive droite. Leur objectif est deprogresser le long de la côte, vers Katerini, au sud. Les Blenheim anglais et les Marylandfrançais qui ont survécu à plusieurs semaines de lutte attaquent les ponts de bateaux toutel’après-midi, malgré une flak très nourrie.Au crépuscule, l’Escadre de Mer Egée bombarde la tête de pont. Dans la nuit, l’infanteriefrançaise (2e régiment de Zouaves, jusque là tenu en réserve de la 86 e DIA), soutenue par leschars de la 1ère Division Cuirassée et du 61e BCC, attaque de Véroia vers la mer pour couperde leurs bases les troupes allemandes qui ont traversé le fleuve. L’utilisation nocturne deschars s’inspire des actions menées en Corse par les hommes du lieutenant-colonel Leclerc –rien d’étonnant, puisque celui-ci est aujourd’hui le colonel de Hauteclocque (bien que seshommes et les journalistes continuent à l’appeler Leclerc), à la tête des premiers éléments dela 2e DC. Pendant ce temps, les vieux torpilleurs grecs Alkyoni, Arethousa, Doris et Pergamospénètrent dans l’estuaire pour soutenir l’attaque des Français en prenant l’ennemi à revers. Labataille dure toute la nuit. Au matin, la plupart des survivants allemands battent en retraitevers la rive gauche… mais la 1ère D.C. n’a plus que 60 chars intacts.

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Athènes – Patakos, Wavell et Giraud confèrent avec l’amiral Cunningham pour coordonner lesoutien naval à la défense de la Grèce du Nord.

Bulgarie – En fin de journée, les bombardiers français basés en Crète attaquent Plovdiv etSofia. La nuit tombée, les Stirling et les Wellington britanniques prennent le relais.

Alger – Le gouvernement français décide d’envoyer en Crète, à toutes fins utiles, deuxbataillons de sa nouvelle “Infanterie de l’Air” (parachutistes) et le Bataillon de Choc de laLégion Etrangère. Il prévoit aussi l’envoi en Grèce, début juin, de renforts en blindés pourcompenser les pertes subies jusqu’alors.

28 maiEpreuve de force (toujours)Grèce, front nord – Bataille de Véroia La lutte se poursuit. Dès l’aube, les restes des brigades blindées britanniques venant d’Edessapar Véroia attaquent sur la rive gauche de l’Alyakmon, pour soutenir les troupes françaisesqui poursuivent leur attaque sur l’autre rive et pour détruire les ponts de bateaux. Denombreux chars anglais sont détruits par le tir des 88 mm AA, qui arrêtent leur ruée, mais pasavant que trois des quatre ponts n’aient été détruits. L’offensive allemande est bel et bienbrisée et seule une très étroite tête de pont subsiste sur la rive droite. Les Stukas vengent cetéchec en coulant trois torpilleurs grecs, l’Alkyone, le Doris et le Pergamos.En fin de journée, le feld-maréchal List avertit le QG d’Hitler que l’offensive doit êtresuspendue pour regrouper et réorganiser les troupes. Furieux de ce qui lui apparaît comme unnouveau et inadmissible retard, Hitler menace de démettre List de son commandement, et n’yrenonce que sur les prières instantes de Jodl et de Von Rundstedt. Il décide alors de convoquerpour le lendemain une conférence d’état-major pour préparer une grande offensive destinée à« écraser une bonne fois pour toutes la résistance ennemie en Grèce. »

Epreuve de force (aussi)Grèce, front ouest – Les forces de l’Axe reprennent leur attaque vers Ioannina. LeSkandenberg Korps est désormais renforcé par la 4.Gebirgs-Division, venue de Corse, où ellea été relevée par des unités italiennes. Néanmoins, Rommel est de nouveau arrêté par lestroupes grecques, malgré un soutien aérien continu de la Luftwaffe et de la RegiaAeronautica. Le Corps d’Armée Spécial italien n’a pas plus de succès.

Armes secrètesCadix – Après avoir traversé la veille le détroit de Gibraltar, en plongée et sans encombre, lesous-marin Sciré pénètre discrètement de nuit dans le port de Cadix et vient se mettre à coupledu pétrolier Fulgor, navire italien prétendument interné par les Espagnols, qui sert de repaireaux services secrets italiens et aux hommes de la X a MAS. L’équipage du Sciré a droit à unedouche chaude et à des provisions fraîches, les opérateurs vérifient leurs trois SLC, tandis queBorghese écoute le rapport d’un diplomate italien sur la situation des navires anglais àGibraltar. Après quelques heures à Cadix, le Sciré repart aussi discrètement qu’il est venu.

29 maiAccalmieGrèce, front nord – Les opérations au sol connaissent une accalmie, pour la première foisdepuis une semaine. La Luftwaffe reste cependant très active contre Athènes et s’acharne sur

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la petite ville de Volos. Le port de celle-ci est maintenant en grande partie détruit et encombréde bateaux coulés, ce qui oblige les renforts français et britanniques à concentrer lesdébarquements d’hommes et de ravitaillement au Pirée.………Mönichkirchen – La réunion d’état-major convoquée la veille dans le train-QG du Führerdécide d’allouer une partie du parc de camions rassemblé en Pologne aux forces de List pouraccroître leurs capacités logistiques, gravement limitées par les destructions du systèmeferroviaire dues aux attaques aériennes alliées sur les gares de triage. De plus, le II e

FliegerKorps, auparavant stationné en Pologne au sein de la LuftFlotte 1, doit se redéployeren Bulgarie.

Alexandrie – Les forces navales alliées en Méditerranée Orientale, qui soutiennent lestroupes alliées en Grèce, sont réorganisées sous la supervision de l’amiral Cunningham(commandant en chef).* Escadre de Mer Egée (Aegean Squadron) (vice-amiral Pridham-Wippell)Cinq croiseurs légers et seize destroyers (DD), dont neuf contre-torpilleurs (CT) ou “destroyerleaders” (DL), répartis en trois groupes d’action de surface.– Force A (vice-amiral Pridham-Wippell)Croiseurs légers HMS Ajax, HMAS Perth et MN Montcalm. DD HMS Greyhound, Griffin,Imperial et Isis.– Force B (Captain H.A. Rowley)Croiseurs AA HMS Phoebe et Dido, DD HMS Janus et Kimberley, Vasileus Georgios I etVasilissa Olga (grecs).– Force C (contre-amiral Lacroix)CT Mogador, Vauban et Lion, Guépard, Valmy et Verdun, Le Fantasque et Le Terrible.Il est prévu qu’une force D sera constituée dans les prochaines semaines autour du vieuxcuirassé français Courbet, lorsque la transformation de ce dernier en navire d’appui-feu seraachevée. Cette force D sera alors commandée par le contre-amiral Godfroy. Plus ancienofficier français dans le grade le plus élevé, il deviendra commandant en second de l’escadre.………* Groupe rapide ABEL (Abdiel, BErtin, Latona) basé en Baie de Suda (Crète)Mouilleurs de mines rapides HMS Abdiel et Latona, croiseur léger MN Emile-Bertin (capablede transporter jusqu’à 200 mines).………* Force principale (Main Strike Force)Les autres navires de la Mediterranean Fleet, regroupés dans l’escadre principale (ou mainstrike force), sont commandés à la mer directement par l’amiral Cunningham.Porte-avions HMS Eagle et Formidable.Cuirassés HMS Warspite (navire amiral, hors rang). Cuirassés Barham, Queen Elizabeth etValiant (1st Battle Squadron, contre-amiral Rawlings).Croiseurs légers HMS Aurora (réparé après les dommages subis au large de la Corse) etArethusa, croiseurs AA HMS Calcutta et Carlisle.DD HMS Napier, Nizam, Hereward, Decoy, Hero et Hotspur.A ce moment, le groupe aéronaval allié compte une quarantaine de chasseurs, 8 bombardiersen piqué et 18 avions torpilleurs. L’amiral Cunningham écrira après la guerre dans sesmémoires que sans la contribution de l’Aéronavale, Pridham-Wippell n’aurait disposé que dechasseurs anciens ou moins performants, qui auraient eu plus de mal à repousser les attaquesaériennes ennemies.

Armes secrètes

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Détroit de Gibraltar – Les chassés-croisés des destroyers anglais – et surtout de fortscourants marins – font échouer les deux premières tentatives du Sciré pour retraverser ledétroit. Borghese décide de patienter et de tenter une nouvelle fois sa chance le lendemain.

30 maiRéorganisationGrèce, front nord – Journée relativement calme. Les troupes allemandes se réorganisent pourde nouveaux assauts contre la ligne de Véroia.Le porte-avions HMS Furious, tout juste sorti de plusieurs mois d’entretien et demodernisation, arrive à Héraklion pour y débarquer 54 Hurricane dont les squadrons de laRAF basés en Grèce ont un urgent besoin. De son côté, l’Armée de l’Air se renforce dans leDodécanèse avec l’arrivée à Rhodes du Commandant-Teste, qui apporte 26 Dewoitine D-520M. Ces avions doivent former le quatrième Groupe de la 39e Escadre Mixte (le IV/39),déployée dans les îles d’Ikaria, Chios et Lesbos. Son premier groupe est déjà équipé d’unevingtaine de D-520M. Le I/39 doit aussi recevoir prochainement des D-523. Cette Escadre estla seule à utiliser le chasseur Dewoitine hors d’Afrique du Nord.Le Royaume-Uni accepte de transférer à la France 100 chasseurs Hawk-81A2 stockés àBelfast pour permettre l’envoi en Grèce d’avions du même type déployés en Afrique du Nord.A ce moment, 16 squadrons et groupes de chasse anglais et français opèrent en Grècecontinentale. Après plusieurs semaines de combat épuisant, leur effectif opérationnel combinédépasse à peine 150 avions, pour un chiffre théorique de 320 machines. Les états-majorsalliés, grâce aux renforts arrivant par mer, espèrent revenir à plein effectif vers la mi-juin.De son côté, la force aérienne grecque est réduite à la moitié de son effectif du début del’année, soit 75 avions environ.

Armes secrètesGibraltar – Le Sciré a finalement réussi à repasser le détroit de Gibraltar et à entrer en baied’Algésiras. Alors que les opérateurs sont en train de vérifier leur matériel, unradiotélégramme de Supermarina annonce que l’escadre alliée a pris la mer le jour même deGibraltar : les deux jours perdus à retraverser le détroit ont provoqué un retardcatastrophique ! Borghese décide de tenter quand même l’opération, en visant des navires decommerce présents dans la rade. Les opérateurs quittent le sous-marin, qui évacueimmédiatement la zone pour un paisible voyage de retour.Très rapidement, les plongeurs italiens rencontrent des difficultés techniques : un SLC refusede démarrer, puis certains appareils respiratoires tombent en panne… Tous ces problèmescompromettent la mission ; aucun navire n’est attaqué, et trois des six plongeurs sont faitsprisonniers par les Anglais.Cette mission BG3 se solde donc encore par un échec, et pourtant les hommes de la Xa MASvoient dans cette opération de vraies raisons d’espérer. Borghese écrit, à propos du Sciré, dansson rapport de mission : « L’unité est restée sept jours dans des eaux comprises dans unrayon de cinquante nautiques autour du port de Gibraltar. En quatre jours, elle a traversédeux fois le détroit, y séjournant vingt-quatre heures. Elle a navigué en plongée et fait surfaceà deux nautiques du port de Gibraltar. Malgré tout cela, on peut estimer que l’ennemi n’en apas eu connaissance. »

Protéger AlgerAlger Maison-Blanche – Les essais sont terminés et les premiers opérateurs radar à peu prèsformés. L’aspirant Michalon se voit prié de quitter le terrain de Maison-Blanche avec sonvolumineux appareillage, qui représente paraît-il « un danger pour la navigation aérienne ».

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Cela ne le gêne pas : il a trouvé un emplacement du côté de Hussein Dey d’où il pourra guiderles quatre batteries qui protégent Alger. Tout est démonté en quelques heures, installé dans lescamions, et réinstallé le lendemain à Hussein Dey.Contrairement aux attentes, la fin du mois a été calme, hormis l’occasionnel et irritant passaged’un appareil de reconnaissance volant à plus de 10 000 m d’altitude, qui nargue à la fois lachasse et la DCA.

31 maiRéorganisationGrèce, front nord-est – Les deux camps se préparent à une nouvelle épreuve de force. Côtéallemand, le Feld-Maréchal List a arrêté son plan, mais ses troupes doivent en priorité sereposer, réparer leur matériel, recompléter leur dotation en munitions et leur ravitaillement etsurtout se réorganiser.

Raid sur Igoumenitsa – Bataille de CorfouMer Ionienne – Tôt dans la matinée, l’Escadre de Mer Egée quitte Héraklion. Les naviresfrançais de la Force C ont embarqué les hommes des deux bataillons d’Infanterie de l’Air etdu Bataillon de Choc de la Légion Etrangère (200 à 250 hommes sur chacun des septbâtiments, soit plus de 1 500 hommes). Après une feinte en direction de la Mer Egée,l’escadre vire de bord et passe le canal d’Anticythère (Antikithira), où elle est rejointe par laForce ABEL. Pendant ce temps, la Force de Soutien prend position au sud-ouest de l’îleGaudos.Dans l’après-midi, l’Escadre de Mer Egée accélère et fonce vers Corfou.21h00 – La Force C (CT Mogador, Vauban et Lion, Guépard, Valmy et Verdun, Le Fantasquee t Le Terrible), sous la conduite des deux destroyers grecs de la Force B (HGMS VasileusGeorgios I et Vasilissa Olga), entrent dans le canal de Corfou, cap sur Igoumenitsa, tandis quela Force A et le reste de la Force B patrouillent au sud de Corfou.22h30 – Les navires grecs et français entrent dans le port d’Igoumenitsa, matraquant à boutportant les transports italiens et bombardant les défenseurs, puis débarquent leurs troupes, quiprennent d’assaut la ville, détruisant le matériel de déchargement du fret et les entrepôts, dontun grand dépôt de ravitaillement. « C’était plus une récréation qu’une bataille. Nous étionscomme des gamins qui auraient eu l’autorisation de tout casser sans risquer de se fairegronder ou comme des Vikings en train de piller un village ! Mais rassure-toi, mon cher Uwe :nous n’avons touché ni aux églises, ni aux dames ! » (A mon Frère Ennemi – Lettres d’unLégionnaire allemand, par Klaus Müller. Manuscrit rassemblé et présenté par Uwe Müller –Paris, 1959 ; Munich, 1968).A ce moment, la flottille italienne qui patrouillait aux environs (destroyers Libeccio etScirocco, torpilleurs Calliope, Circe et Clio) contre-attaque. Elle est accueillie par les obus etles torpilles de la Force A (CL HMS Ajax, HMAS Perth et MN Montcalm, DD HMSGreyhound, Griffin, Imperial et Isis) et des navires anglais de la Force B (CLAA HMSPhoebe et Dido, DD HMS Janus et Kimberley). Le Libeccio, criblé d’obus de 5,25 pouces parle Dido et le Phoebe, s’immobilise, en flammes. Les Calliope et Clio sont stoppés net par destirs nourris (ils seront achevés un peu plus tard). Le Scirocco, sévèrement touché par plusieursobus de 152 mm du Montcalm, bat en retraite derrière un écran de fumée, accompagné de laCirce – mais non sans avoir lancé une bordée de torpilles, dont l’une frappe le DD Kimberley.