Maglev : le nouveau moyen de transport pour le XXI siè · PDF filetechnologie 24 FUSION...

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technologie FUSION N°100 - MARS - AVRIL 2004 24 L e Maglev est un moyen de transport entièrement nou- veau, qui rejoindra le bateau, le véhicule à roues et l’avion comme mode majeur pour transpor- ter des personnes ou des biens à tra- vers le monde. Le Maglev a d’uniques avantages par rapport à ces modes de transports antérieurs et transforme- ra radicalement la société et l’écono- mie mondiale au XXI e siècle. Si l’on compare le Maglev aux bateaux, aux véhicules à roues, tels que les voitu- res, les camions et les trains, il trans- porte les passagers et le fret à des vi- tesses bien supérieures, à un coût bien plus bas et en utilisant moins d’énergie. Comparé aux avions, qui Maglev : le nouveau moyen de transport pour le XXI e siècle Les inventeurs du premier système Maglev supraconducteur expliquent comment la lévitation magnétique peut révolutionner le transport mondial. Cet article est une adaptation d’une version anglaise plus complète publiée dans 21st Century (Summer 2003). A propos des auteurs Le Pr. James Powell et le Pr. Gordon Dandy ont inventé le Maglev supraconduc- teur en 1966 et ils sont les détenteurs des premiers brevets dans ce domaine. Le concept original du Maglev est actuellement en service au Japon. Le Pr. Powell a été maître de recherches au Laboratoire national de Brookha- ven, où il a dirigé les recherches sur les réacteurs de fission et de fusion entre 1956 et 1996. Il est l’inventeur de la fusée ultralégère Particle Bed Nuclear Roc- ket, qui servit de base pour les programmes de l’Initiative de défense stratégi- que (IDS) du ministère de la Défense sur la propulsion nucléaire spatiale dans les années 80 et 90. En plus du Maglev, il est actuellement impliqué dans la propulsion nucléaire spatiale et les systèmes d’alimentation pour l’exploration spatiale ainsi que le développement de méthodes à faibles coûts pour vitrifier les déchets à haute radioactivité. Le Pr. Dandy a été maître de recherches au Laboratoire national de Brookha- ven, où il a dirigé la recherche sur les aimants supraconducteurs et les accélé- rateurs de particules à haute énergie entre 1957 et sa retraite, en 1999. Il est l’inventeur des aimants supraconducteurs en aluminium stabilisé et un pionnier dans le développement des systèmes IRM (Imagerie par résonance magnéti- que) pour les diagnostics médicaux. En plus du Maglev, il est impliqué dans le développement des scanners IRM de nouvelle génération. Powell et Dandy ont reçu la médaille Franklin pour l’ingénierie pour leur invention du Maglev en avril 2000 (des lauréats précédents ont été Nikolai Tesla et Char- les Steinmetz). La Maglev-2000 Corporation de Floride permet de développer leur système de Maglev de deuxième génération pour transporter les passa- gers et les semi-remorques. JAMES POWELL GORDON DANBY De plus amples détails sur la technolo- gie du Maglev-2000 et ses applications pour le lancement de navette dans l’espace, le système Startram, ou le transport d’eau potable et l’exploration minière peuvent être trouvés sur le site www.maglev2000.com.

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Le Maglev est un moyen detransport entièrement nou-veau, qui rejoindra le bateau,le véhicule à roues et l’avion

comme mode majeur pour transpor-ter des personnes ou des biens à tra-vers le monde. Le Maglev a d’uniquesavantages par rapport à ces modes detransports antérieurs et transforme-

ra radicalement la société et l’écono-mie mondiale au XXIe siècle. Si l’oncompare le Maglev aux bateaux, auxvéhicules à roues, tels que les voitu-res, les camions et les trains, il trans-porte les passagers et le fret à des vi-tesses bien supérieures, à un coûtbien plus bas et en utilisant moinsd’énergie. Comparé aux avions, qui

Maglev : le nouveau

moyen de transport

pour le XXIe siècleLes inventeurs du premier système Maglev supraconducteur expliquent

comment la lévitation magnétique peut révolutionner le transport mondial.

Cet article est une adaptation d’une version anglaise plus complète publiée

dans 21st Century (Summer 2003).

A propos des auteursLe Pr. James Powell et le Pr. Gordon Dandy ont inventé le Maglev supraconduc-teur en 1966 et ils sont les détenteurs des premiers brevets dans ce domaine.Le concept original du Maglev est actuellement en service au Japon.Le Pr. Powell a été maître de recherches au Laboratoire national de Brookha-ven, où il a dirigé les recherches sur les réacteurs de fission et de fusion entre1956 et 1996. Il est l’inventeur de la fusée ultralégère Particle Bed Nuclear Roc-ket, qui servit de base pour les programmes de l’Initiative de défense stratégi-que (IDS) du ministère de la Défense sur la propulsion nucléaire spatiale dansles années 80 et 90. En plus du Maglev, il est actuellement impliqué dans lapropulsion nucléaire spatiale et les systèmes d’alimentation pour l’explorationspatiale ainsi que le développement de méthodes à faibles coûts pour vitrifierles déchets à haute radioactivité.Le Pr. Dandy a été maître de recherches au Laboratoire national de Brookha-ven, où il a dirigé la recherche sur les aimants supraconducteurs et les accélé-rateurs de particules à haute énergie entre 1957 et sa retraite, en 1999. Il estl’inventeur des aimants supraconducteurs en aluminium stabilisé et un pionnierdans le développement des systèmes IRM (Imagerie par résonance magnéti-que) pour les diagnostics médicaux. En plus du Maglev, il est impliqué dans ledéveloppement des scanners IRM de nouvelle génération.Powell et Dandy ont reçu la médaille Franklin pour l’ingénierie pour leur inventiondu Maglev en avril 2000 (des lauréats précédents ont été Nikolai Tesla et Char-les Steinmetz). La Maglev-2000 Corporation de Floride permet de développerleur système de Maglev de deuxième génération pour transporter les passa-gers et les semi-remorques.

JAMES POWELL

GORDON DANBY

De plus amples détails sur la technolo-gie du Maglev-2000 et ses applicationspour le lancement de navette dansl’espace, le système Startram, ou letransport d’eau potable et l’explorationminière peuvent être trouvés sur le sitewww.maglev2000.com.

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voyagent à une vitesse similaire, leMaglev transporte les passagers et lefret à un coût bien inférieur et dansdes quantités bien plus importantes.En plus de son impact sur le trans-port, le Maglev permettra de dépla-cer de grande quantité d’eau sur delongues distances afin de lutter con-tre les sécheresses.

Dans le système Maglev, contrac-tion de « magnetic levitation », lesvéhicules à grandes vitesses sont sou-levés par la répulsion magnétique etpropulsés grâce à de puissantsaimants attachés au véhicule le longd’un rail de guidage surélevé. Les vé-hicules n’entrent pas physiquementen contact avec le rail de guidage, ilsne nécessitent pas de moteur et neconsomment pas de carburant car cesont des courants électriques qui ali-mentent les bobines situées dans lerail de guidage.

Le Maglev est important pour qua-tre raisons :

1. Le Maglev est meilleur pourtransporter les personnes et le fret queles modes existants. Il est moins cher,non engorgé et a une bien meilleureespérance de vie. Un rail de guidagede Maglev peut servir à transporterplusieurs dizaines de milliers de pas-sagers par jour ainsi que des milliersde semi-remorques et d’automobiles.Les coûts d’utilisation du Maglev neseront que de 0,03 dollar par passagerpar kilomètre et 0,07s dollar par ton-

ne par kilomètre, comparé aux0,15 dollar par passager par kilomètrepour les avions, et 0,30 dollar par ton-nes par kilomètre pour les trajets in-terurbains en camions. La longévitédes rails de guidage du Maglev serontde cinquante ans ou davantage avecune maintenance minimale, car il n’ya pas de contact physique ni d’usureet parce que la charge des véhiculesest répartie uniformément au lieud’être concentrée dans les roues. Pourla même raison, les Maglevs aurontune plus grande durée de vie que lesvoitures, les camions ou les avions.

2. Le Maglev a un bon rendementen termes énergétiques. Contraire-ment aux automobiles, aux camionset aux avions, le Maglev ne consom-me pas de pétrole mais de l’électrici-té qui peut-être produite par le char-bon, le nucléaire, les barrages, la fu-sion, le vent ou même les centralessolaires (la source la plus efficaceétant bien sûr le nucléaire). A 480 km/h à l’air libre, le Maglev consomme0,25 mégajoule par passager par kilo-mètre, comparé aux 2,5 mégajoulespour une voiture consommant 12 ld’essence aux 100 km et transportant1,8 passager (la moyenne nationale) à90 km/h. A 240 km/h à l’air libre, leMaglev consomme 0,06 mégajoule parpassager par kilomètre, ce qui repré-sente que 2 % de la consommationd’une voiture roulant à 90 km/h. Dansdes tunnels sous vide, comme ceux

proposés pour le Swissmetro, la con-sommation d’énergie diminueraitjusqu’à l’équivalent de 0,023 l aux100 km.

3. Les véhicules du Maglev n’émet-tent aucune pollution. Lorsqu’ils con-somment l’électricité, ils n’émettentaucune molécule de dioxyde de car-bone. Même si l’on utilise l’électrici-té produite à partir de charbon ou degaz naturel, les émissions de CO2 ré-sultantes sont bien moindres que cel-les engendrées par les automobiles,les camions et les avions, car le Ma-glev a un très bon rendement éner-gétique. Le Maglev présente d’autresavantages environnementaux. Il estbien plus silencieux que les voitures,les camions et les avions, ce qui estparticulièrement important pour leszones urbaines et suburbaines. Deplus, comme il utilise des rails de gui-dage formés de poutres étroites etsurélevées, son impact environne-mental est plus faible que celui desautoroutes, des aéroports ou desvoies de chemin de fer.

4. Le Maglev a de nombreux avan-tages sur les véhicules roulant sur rou-tes, sur les trains et les avions. La dis-tance séparant les Maglevs sur un railde guidage ainsi que leur vitesse sontautomatiquement contrôlées etmaintenues grâce à la fréquence dela puissance électrique alimentant lerail de guidage. Il n’y a pas de possi-bilité de collision entre les véhicules

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�sur le rail de guidage. De plus, com-me les rails de guidage sont élevés, iln’y a pas de possibilité de collisionavec des automobiles ou des camionssur des passages à niveaux.

Comment fonctionne

le Maglev

A l’aube du XXe siècle, on rêvait déjàdu Maglev. Emile Bachelet (1863-1946) a proposé que l’on soulève parlévitation magnétique des trains endisposant des boucles de courant al-ternatif (CA) au-dessus de plaques demétal conducteur, comme l’alumi-nium, posées sur le sol. On dévelop-pa d’autres modèles avec des aimantsélectromagnétiques et des aimantspermanents conventionnels. Cepen-dant, toutes ces propositions étaientirréalisables. La consommationd’énergie était trop importante ou lasuspension était instable, ou encorela charge pouvant être soulevée étaittrop petite.

Le premier système Maglev réali-sable fut proposé et publié par nospropres soins en 1966. 1 Il était cons-titué d’un véhicule équipé d’aimantssupraconducteurs de faible poids quiinduisaient des courants dans unesérie de boucles d’aluminium ordi-naire, montées sur un rail de guida-ge. Ces courants induits interagis-saient avec les aimants supraconduc-teurs du véhicule, le mettant ainsi enlévitation au-dessus du rail de guida-ge. Le véhicule en lévitation est sta-ble de manière inhérente et passivevis-à-vis de toutes les forces externes,y compris les forces du vent latéral etles forces centrifuges dans les cour-bes. Si un vent latéral essaye de pous-ser le véhicule sur le côté, une forcemagnétique opposée est immédiate-ment produite, maintenant le véhi-cule sur son rail de guidage. Si le vé-hicule est poussé vers le rail de gui-dage, la force de lévitation augmenteautomatiquement, empêchant toutcontact. Si une force extérieure sou-lève le véhicule hors du rail de guida-ge, la force de lévitation décroît et levéhicule retombe à sa hauteur d’équi-libre de suspension.

Le processus de lévitation estautomatique tant que le véhicule sedéplace à une vitesse au-dessus duseuil de décollage. En dessous de cettelimite, se situant entre 30 et 80 km/h

selon la conception, la résistance élec-trique donnée par la boucle d’alumi-nium du rail de guidage fait décroî-tre les courants induits au point oùles forces magnétiques sont trop fai-bles pour mettre en lévitation le vé-hicule. A faible vitesse, le véhicule re-pose sur des roues auxiliaires ou enalimentant localement le rail de gui-dage. Ces sections à basses vitessesdu rail de guidage sont très courteset ne sont nécessaires uniquementque quand on accélère pour sortir dela gare ou ralentir pour y entrer.

Notre article de 1966 avait suscitéun énorme intérêt dans de nom-breux pays. Il était évident que lesaimants supraconducteurs rendaientpossible la réalisation d’un Maglev. Enbref, les aimants supraconducteurssont extrêmement puissants et allè-gent les aimants permanents. Com-me ils ont une résistance électriquenulle, leur consommation électriqueest nulle, même lorsqu’ils sont traver-sés par des courants de plusieurs cen-taines de milliers d’ampères, mise àpart la faible puissance nécessairepour maintenir le supraconducteur àune température cryogénique.

Après notre publication en 1966,des programmes de Maglevs furentlancés aux Etats-Unis, au Japon, enAllemagne et dans d’autres pays. Mal-

heureusement le Maglev américains’arrêta au début des années 70(même s’il a recommencé depuis),quand le ministère des Transportsdécida que les trains à grande vitessen’étaient pas nécessaires aux Etats-Unis car les voitures, camions et avi-ons devraient suffire pour un avenirindéterminé.

D’importants programmes de dé-veloppement continuèrent néan-moins au Japon et en Allemagne. LeJapon s’est concentré sur le Maglevsupraconducteur et dispose d’un sys-tème de Maglevs commercialementopérationnel pour des passagers,conçu selon le modèle de notre inven-tion originale. La compagnie destransports ferroviaires japonaise faitfonctionner des véhicules de Maglevà des vitesses de 560 km/h sur un railde guidage long de 20 km dans la pré-fecture de Yamanashi. Le Maglevfonctionne à l’air libre et traverse delongs tunnels, à la fois avec un véhi-cule isolé ou avec cinq véhicules re-liés ensemble.

Les caractéristiques fondamenta-les du Maglev supraconducteur sontprésentées dans la figure 1 pour un railde guidage en forme de U, similaire àcelui utilisé au Japon. Le groupe deboucles passives en aluminium et àflux nul disposé sur les parois latéra-

Figure 1. Schéma d’un véhicule de Maglev dans un rail de guidage enforme de U. Dans ce système de Maglev, similaire à celui du Japon, levéhicule a des boucles supraconductrices (environ 600 kiloampèrestour). Le rail de guidage a des enroulements en aluminium à une tempé-rature normale ; un courant électrique est induit dans la boucle quandl’enroulement du véhicule passe devant elles. Les courants induits dansles boucles en forme de huit du rail de guidage stabilisent verticalementle véhicule et le font entrer en lévitation.Les boucles bipolaires gauches et droites du rail de guidage sont reliéesélectriquement pour former un circuit. Le flux net et le courant dans lecircuit sont nuls quand le véhicule est centré dans le rail de guidage. Sile véhicule se déplace vers la gauche par rapport au centre, les forcesmagnétiques le ramenent vers le centre.

Moitié inférieurede la boucle enhuit en aluminium

Boucle magnétiquesupraconductrice

sur le véhicule

Vue en coupe du Maglev

Rail de guidage en forme de Uen béton armé

Bouclebipolaire en

aluminium(gauche)

Bouclebipolaire enaluminium(droite)

Moitié supérieured’une boucle enhuit en aluminium

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les du rail de guidage font entrer enlévitation et stabilisent le véhicule endéplacement. La voiture est propul-sée par effet magnétique par undeuxième ensemble de boucles dansla paroi, appelé « moteur linéaire syn-chrone » (MLS). L’enroulement duMLS est relié à une ligne d’alimenta-tion commandée par un interrupteurélectronique. L’enroulement du MLS,lorsqu’il est traversé par un CA, pous-se les boucles supraconductrices at-tachées à la voiture, propulsant le vé-hicule le long du rail de guidage.

La propulsion MLS agit commedans un moteur à rotor synchroneconventionnel, sauf que là il est linéai-re au lieu d’être cylindrique. Le mo-teur propulse le Maglev à une vitesseconstante qui est déterminée par lafréquence du CA dans l’enroulementdu MLS, et cela indifféremment du

fait qu’il y ait du vent contraire oufavorable, que la voiture monte unepente ou la descende. L’écartemententre les voitures reste toujours lemême, rendant les collisions impos-sibles. La propulsion par le MLS esttrès efficace, plus de 90 % de la puis-sance électrique alimentant l’enrou-lement de MLS est convertie en pous-sée aux véhicules.

La compagnie japonaise envisageune ligne de Maglev de 500 km entreTokyo et Osaka, pour transporter100 000 passagers par jour en unedemi-heure (figure 2). Plus de 60 %de la voie serait constituée de longstunnels sous les montagnes dans lecentre du Japon. La route suggéréepermettrait d’ouvrir au développe-ment cette région pour l’instant fai-blement peuplée. Le Japon a dépen-sé plus de 2 milliards de dollars pour

développer un système de Maglevs etles véhicules de la compagnie japo-naise ont accumulé plus de200 000 km d’utilisation sur le rail deguidage, transportant des dizaines demilliers de passagers.

Le Transrapid allemand

L’Allemagne a suivi une voie diffé-rente du Maglev. Au lieu d’utiliser desaimants supraconducteurs, le systè-me du Transrapid allemand utilisedes aimants électromagnétiques con-ventionnels fonctionnant à tempéra-ture ambiante sur ces véhicules. Laphoto ci-contre montre comment lesélectroaimants sont soulevés vers lesbords des rails de guidage, constituéspar des poutres d’acier en forme deT, fournissant la force magnétiquenécessaire pour mettre en lévitationle véhicule. Néanmoins, la force delévitation magnétique du Transrapidest intrinsèquement instable alorsque celle du Maglev supraconducteurest de manière inhérente stable. Dansle cas du Maglev supraconducteur,plus le véhicule se rapproche du railde guidage, plus la force de répulsionmagnétique devient grande, repous-sant automatiquement le véhicule durail de guidage. Dans le cas du Ma-glev électromagnétique, plus le véhi-cule se rapproche du rail de guidage,plus la force électromagnétique d’at-traction devient grande, attirant auto-

Figure 2. A gauche, illustration d’un véhicule Maglev japonais sur le rail de guidage de Yamanashi. A droite, la lignegrise représente le tracé de la ligne de Maglev de 500 km envisagée entre Tokyo et Osaka. La ligne noire représen-te la ligne de chemin de fer actuelle. La ligne Maglev Yamanashi existante se trouve près de Kofu.

OsakaNagoya

Ligne MaglevYamanashi

TokyoKofu

Ligne Shinkansen actuelle

Mont Fuji

Route proposéepour la ligne Maglev

Tokyo-Osaka

Le systèmeallemandTransrapid.Le rail deguidage,est consti-tué par despoutresd’acier enforme de T.

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�matiquement le véhicule vers le railde guidage. Pour empêcher les voitu-res lancées à grande vitesse d’être sou-levées et d’entrer en contact avec lerail de guidage, le Transrapid utiliseun système d’asservissement auto-matique qui ajuste le courant magné-tique en continu, sur une fréquenced’un millième de seconde, pourmaintenir un espace de sécurité en-tre les électroaimants du véhicule etl’acier du rail de guidage.

Etant donné que les élec-troaimants consomment d’impor-tantes quantités d’électricité pourgénérer les champs magnétiques, l’es-pace entre les aimants du véhicule duTransrapid et le rail de guidage doitêtre petit, de l’ordre de 0,8 cm. Encomparaison, les véhicules utilisantdes aimants supraconducteurs sontdistants du rail de guidage de 10 cmou plus. Les véhicules du Transrapidont engrangé des centaines de mil-liers de kilomètres sur leur voie d’es-sai à Emsland en Allemagne et onttransporté en douceur et en sécuritédes milliers de passagers à des vites-ses allant jusqu’à 450 km/h. Le pre-mier système commercial de Trans-rapid au monde a été inauguré ré-cemment à Shanghai en Chine. La li-gne de Transrapid, longue de 30 km,transporte les passagers du centre deShanghai à l’aéroport.

De notre point de vue, les systèmesde Maglev supraconducteurs sontsupérieurs aux systèmes à aimantspermanents ou à aimants électroma-gnétiques. Le plus grand espacementdes systèmes supraconducteurs aug-mente considérablement la sécuritéet diminue les problèmes d’enneige-ment et de congère dans les régionsles plus froides. Un espacement plusimportant autorise également destolérances plus grandes pour la cons-truction, réduisant ainsi significati-vement le coût du rail de guidage. Deplus, le système de Maglevs supracon-ducteurs peut transporter des poidslourds et du fret tout aussi bien quedes passagers, et son potentiel de re-venus en est d’autant amélioré. En-fin, la très forte stabilité inhérente dessystèmes de Maglev supraconduc-teurs permet de garantir un fonction-nement sûr à tout moment.

Le développement des systèmesde première génération par les Japo-nais et les Allemands a été obéré parle coût élevé de la construction du railde guidage, entre 25 et 40 millions dedollars par kilomètre. Si l’on envisage

un flux de 30 000 passagers, chiffreélevé pour les Etats Unis, un coût de30 millions de dollars par kilomètrepour construire la voie de Maglev, avecun revenu de 0,10 dollar par passagerpar kilomètre (revenus des tickets di-minués des frais de fonctionnementet de maintenance), il faudrait cin-quante ans pour rembourser le coûtde l’investissement.

Les autoroutes et les systèmes detransports aériens ont été généreuse-ment subventionnés et continuentde l’être par le gouvernement améri-cain. En réalité, l’investissement parle gouvernement dans des modes detransport plus efficaces augmente laproductivité de toute l’économie etse rembourse ainsi lui-même par larichesse économique ajoutée. Toute-fois, considérant les énormes déficitsbudgétaires, l’économie déclinante etune pensée économique encore plusdéclinante, il est peu probable qu’unnouveau mode de transport tel quele Maglev puisse voir le jour avec lesgouvernements actuels, à moins qu’ilne puisse être amorti dans un inter-valle de quelques années. De plus, siles systèmes de Maglev peuvent êtreamortis en un court laps de temps,ils attireront les capitaux privés.

Pour obtenir un retour sur inves-tissements rapide, nous sommes entrain de développer un système deMaglevs supraconducteurs dedeuxième génération qui sera bienmoins onéreux à construire et quiengendrera des revenus bien plusimportants en transportant des semi-remorques et des automobiles. Cesystème de deuxième génération estdécrit ci-dessous. Grâce au finance-ment du ministère des Transports dugouvernement fédéral ainsi que del’Etat de Floride, les essais initiauxpour la lévitation vont pouvoir êtreeffectués cette année à notre centred’essai Maglev-2000, en Floride.

Transporter

les personnes et le fret

Le Maglev-2000 de deuxième géné-ration présente quatre innovationsprincipales par rapport aux systèmesjaponais et allemands de premièregénération :

• des coûts de construction du railde guidage plus faibles – 7 millions dedollars par kilomètre – comparés aux

25 à 40 millions de dollars par kilomè-tre ;

• des durées d’amortissementsraccourcies – cinq années au lieu decinquante – en faisant du ferroutagede semi-remorques ;

• des véhicules à grande vitessepouvant être aiguillés électronique-ment du rail de guidage principal versdes voies secondaires équipées degares de chargement et de décharge-ment ;

• la capacité pour des véhiculesMaglev d’utiliser les voies de cheminde fer conventionnelles.

Trois inventions essentielles ren-dent possibles ces innovations duMaglev-2000 :

• des éléments préfabriqués de railet de piliers à faibles coûts ;

• des aimants quadripôles (avecdeux paires de couple nord-sud àangle droit les uns par rapports auxautres), qui autorisent les véhicules àutiliser des poutres étroites ou biendes rails de guidage plans, permettantde passer facilement de l’un à l’autre ;

• des aiguillages électroniques quimènent les véhicules du rail de gui-dage principal vers des voies secon-daires sans aucun mouvement méca-nique sur la structure du rail de gui-dage.

On peut voir sur la figure 3 un vé-hicule Maglev-2000 sur un rail de gui-dage étroit. Les poutres convention-nelles du rail de guidage, préfabri-quées en béton précontraint avecleurs plaques d’enroulement en alu-minium attachées, sont produites engrandes quantités et à bas coût dansune usine. Les poutres ainsi que lespiliers préfabriqués sont ensuite ame-nés de l’usine par camions ou par railjusqu’au site de construction du Ma-glev. La seule construction sur site estle pied de béton, coulé dans le solpour fixer le pilier. Les grues instal-lent à leur emplacement les piliers etles poutres, permettant ainsi au railde guidage d’être érigé en quelquessemaines. Les poutres et les pilierspeuvent également être transportéssur les portions achevées du rail deguidage jusque vers le site de cons-truction, évitant ainsi de le transpor-ter par route ou par rail. Le coût pro-jeté est de 7 millions de dollars parkilomètre pour le rail de guidageétroit et surélevé du Maglev-2000. Cecoût est estimé sur la base de notreexpérience de fabrication pour deséléments de grandeur réelle du rail deguidage, y compris la poutre. Le coût

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projeté n’inclut pas l’achat des ter-rains ou les modifications des infras-tructures existantes.

Le Maglev est en général présentécomme un train à grande vitesse pourles trafics passagers interurbains oucomme un système moins rapidepour les trajets urbains. Ces applica-tions sont importantes. Toutefois, legrand marché réside dans le fret parcamion entre villes américaines. LesEtats-Unis dépensent actuellementplus de 300 milliards de dollars par anpour le trafic interurbain par camion,comparé aux seuls 65 milliards dedollars pour le trafic aérien des pas-

les Etats-Unis.La distance moyenne de remor-

quage pour les semi-remorques entrevilles est de plus de 650 km et nom-breux sont ceux parcourant plus de1 500 km. En utilisant le Maglev, lesroutiers peuvent remplir leur camionet conduire quelques kilomètres jus-qu’à la gare de chargement la plusproche. Le semi-remorque serait alorschargé dans un véhicule du Maglev(figure 4), ce qui ne nécessiterait quequelques minutes. A 482 km/h, lesemi-remorque peut traverser lesEtats-Unis de la Californie à New Yorken quelques heures, au lieu de plu-sieurs jours par autoroute. Une foisarrivé à la gare proche de sa destina-tion, le semi-remorque peut-être dé-chargé et conduit jusque chez leclient. Tout le monde bénéficieraitd’un tel système : l’expéditeur paye-rait moins pour son transport etpourrait réduire ses stocks avec deslivraisons juste à temps, la compagniede transport ferait davantage de pro-fits et réduirait l’usure de sa flotte decamions, les routiers ne passeraientplus de longues heures fatigantes surles routes.

La figure 5 présente les avantageséconomiques pour le Maglev detransporter à la fois des passagers etdu fret. Même à 6 millions de dollarspar kilomètre pour le rail de guidagedu Maglev-2000 – coût bien inférieuraux 25 à 30 millions de dollars par ki-lomètre pour les systèmes allemandset japonais –, amortir le rail de guida-ge prend trente ans. Or, en transpor-tant 2 500 semi-remorques quoti-diennement – seulement 20 % du tra-fic routier entre New York City et Chi-cago –, la période d’amortissementtombe à seulement trois ans. Des pé-riodes très courtes d’amortissementpermettra d’attirer d’importants in-vestissements privés, favorisant ain-si la mise en œuvre du Maglev.

Un aiguillage unique

à grande vitesse

En plus de son attrait économi-que, le Maglev doit être facilementintégrable avec les autres modes detransport. Le Maglev-2000 est uniquepar sa capacité d’aiguiller électroni-quement les véhicules à grande vites-se d’un rail de guidage vers un autre,sans avoir à ralentir les trains et à dé-

sagers. La principale voie de traficaérien est celle allant et partant de LosAngeles à New York, transportant cha-que jour environ 10 000 passagers. Denombreuses autoroutes inter-Etatssont empruntées par plus de15 000 camions par jour, certaines al-lant même jusqu’à 25 000 camionspar jour. Une voie de Maglev transpor-tant 2 000 camions par jour – 20 % oumoins du trafic quotidien – rappor-terait autant qu’une ligne aériennequi transporterait 100 000 passagerspar jour, ce qui représente au moinsdix fois plus que le plus importantmarché de passagers aérien dans tous

Figure 3. Les paramètres du véhicule du Maglev-2000 .

Véhicule d’un Maglev, 30 m de long, 38 t,

100 passagers, 482 km/h

Poutre préfabriquée du rail de guidage

Pied en béton

Pilier et coiffe préfabriqués

Joint pour l’expansion de la poutre

Porte de chargement et déchargement rapide (6 au total)

15 à 20 cm d’écartement entre le véhicule et le rail de guidage

Figure 4. Un véhicule de passagers et un véhicule de fret sur un rail deguidage du Maglev 2000. Le schéma indique la taille relative et la confi-guration d’un Maglev 2000 pour passagers et pour fret.

3,8 m

3,5 m

6 m

4 m

Compartimentmatériel

Compartimentmatériel

Compartimentpassagers

ferroutagede semi-remorque

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�placer mécaniquement des sectionsdu rail de guidage, comme dans le casdes systèmes allemand et japonais.Les aimants supraconducteurs qua-dripolaires du Maglev-2000 permet-tent aux véhicules de passer d’un gui-de en poutre étroite à un guide plan(figure 6). La plupart du temps, lesvéhicules empruntent le rail de gui-dage peu coûteux, en forme de pou-tre étroite, où les côtés du quadripô-le interagissent par effet magnétiqueavec les boucles d’aluminium lesquel-les sont attachées sur les côtés de lapoutre pour soulever et stabiliserautomatiquement le véhicule. Sur desendroits ou le véhicule aurait besoinde changer de voie, il passe sur un railde guidage plan, où le bas du quadri-pôle interagit par effet magnétiqueavec les boucles aluminium sur le railde guidage en dessous, soulevant etstabilisant le véhicule.

Passant sur les zones d’aiguillages,le véhicule peut soit continuer sur lerail de guidage principal, soit chan-ger électroniquement, à pleine vites-se, vers un rail de guidage secondairemenant à une voie de délestage. Lasection de transfert contient deux li-gnes d’enroulement d’aluminium. Levéhicule peut soit continuer sur le railde guidage principal, soit être aiguillévers un rail secondaire, selon l’enrou-lement qui est activé quand le véhi-cule pénètre dans la sectiond’aiguillage. Dans ce deuxième cas, levéhicule ralentit sur le deuxième railde guidage et s’arrête à la gare pourlaisser descendre les passagers, un ca-mion ou encore en charger un autre. Ilaccélère ensuite pour sortir de la garesur le rail secondaire et rejoindre le

Figure 5. Les avantages économiques du Maglev transportant à la foisdes passagers et des camions. La figure indique le temps qu’il faudraitpour amortir le coût du rail de guidage dans le cas d’un transportuniquement de passagers et dans le cas d’un système dual passagers-fret. Les conditions de calcul sont de 3 millions de passagers par an à0,1 dollar par passager par kilomètre de revenu net, et 0,2 dollar partonne-kilomètre de revenu avec 2 t par semi-remorque.

20 % du traficde camions entre

New York et Chicago

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Semi-remorques transportés par jour

Passagers uniquement : 30 millions $/km (2 voies)(système allemand et japonais)

Passagers uniquement : 16 millions $/km (2 voies)(Maglev-2000)

Période d’amortissement pour un systèmeMaglev dual, passagers-fret (16 millions $/kmpour 2 voies)

Période d’amortissement souhaitéepar les capitaux privés

Figure 6. Le fonctionne-ment du Maglev-2000sur une poutre étroiteet sur un rail deguidage plan. Lesystème du Maglev-2000 est unique car sesaimants quadripolairesautorisent les véhicu-les à passer d’un railde guidage étroit à unrail de guidage plan,permettant un systèmed’aiguillage à grandevitesse.

rail principal à pleine vitesse.Les systèmes Maglev-2000 peuvent

ainsi desservir de nombreuses garesdans une région urbaine ou suburbai-ne, sans sacrifier la grande vitesse et

la courte distance des trajets. Les usa-gers embarqueraient à bord d’un vé-hicule Maglev à une gare de proximi-té et voyageraient à pleine vitesse versune gare proche de leur destination,

3,8 m

Compartimentpassagers

Compartimentpassagers

Rail de guidage étroit

Compartimentmatériel

Compartimentmatériel

Rail de guidage plan

Aimantssupra-

conducteurs

Aimants supra-conducteurs Aimants supra-

conducteurs

Planches du railde guidage comprenant

les enroulements

Planches du railde guidage comprenant

les enroulements

Planches du railde guidage comprenant

les enroulements

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sans s’arrêter aux gares intermédiai-res. Contrairement aux aéroports, li-mités à un ou deux emplacementsdans une région urbaine ou suburbai-ne donnée, rendant ainsi les accèsdifficiles et représentant une perte detemps, le Maglev peut disposer d’unedizaine ou d’une vingtaine de gares,ou plus encore, selon la région.

Un réseau national

de Maglev

Afin que le Maglev devienne unmode de transport majeur, il doit nonseulement être facile d’accès maiségalement fonctionner au sein d’unréseau intégré et interconnecté. UnMaglev isolé, reliant un point à unautre, peut bien sûr être utile, maisne correspond pas aux besoins énor-mes de capacité de transport au XXIe

siècle. La figure 7 présente le réseaunational du Maglev proposé par no-tre société Maglev-2000 Corporationof Florida. Le réseau de 25 000 km, quiserait construit sur les voies de pas-sage le long des autoroutes inter-Etats des Etats-Unis, desservirait 90 %de la population. Chacune des ré-gions métropolitaines mentionnéessur la carte auraient de multiples ga-res, comme nous l’avons mentionné

ci-dessus, ce qui permettrait à 70 %des Américains de vivre à moins de25 km d’une gare de Maglev. Les pas-sagers pourraient atteindre n’impor-te quelle destination aux Etats-Unis,ainsi que les grandes villes au Cana-da, quelques heures seulement aprèsavoir quitté leur domicile. Les ca-mions pourraient, quant à eux, tra-verser le continent en moins de dixheures.

Voyager par Maglev serait bien plusconfortable que par avion. Il n’y auraitpas de bruit ni de vibrations, pas deturbulences, et tous les passagerspourraient voyager confortablement,avec un confort digne d’une classeaffaire. Les véhicules de Maglev coû-teront moins que les avions etn’auront pas de restrictions d’espa-ce : il n’y aura donc aucune nécessitéd’entasser les passagers ensemblepour maximiser le chargement. Com-me les coûts seront plus faibles quepour le transport aérien, l’espace parpassager sera plus grand, permettantaussi des horaires plus fréquents etplus agréables. Au lieu de deux voya-ges par jour pour une destinationdonnée, il y aurait des départs deMaglev chaque heure, voire plus.

Le coût de la construction du ré-seau national de Maglev-2000 est es-timé à 200 milliards de dollars. Mêmes’il s’agit d’une somme conséquente,elle est équivalente à seulement deux

mois de la facture des transports amé-ricains d’un montant annuel de1 200 milliards de dollars, dont1 000 milliards de dollars sont attri-bués aux transports routiers. Les éco-nomies de transport générées par leréseau national de Maglev pourraientdépasser les 100 milliards de dollarspar année, amortissant le réseau enseulement quelques années. Contrai-rement aux autoroutes, aux automo-biles, aux camions ou aux avions, lerail de guidage et les véhicules ne su-bissent pas d’usure, il ne nécessitepresque pas d’entretien et pourraitdurer au moins cinquante ans.

La Maglev-2000 Corporation sug-gère de construire le premier systè-me de Maglevs en Floride. Il s’agiraitd’une voie de 30 km qui relierait PortCanaveral Seaport et le Space CoastRegional Aiport de Titusville, avec unegare intermédiaire au Kennedy Spa-ce Port. La ligne de Maglev-2000 pour-rait transporter des passagers partanten croisière vers le port maritime etles visiteurs du centre spatial Ken-nedy. Cette ligne permettrait aussi detester le transport de camions et defret en partance et à destination duport maritime. Une fois en opération,la ligne Maglev-2000 servirait de dé-monstration convaincante de la né-cessité et de la faisabilité du transportpar Maglev, et aiderait à amorcer laconstruction de lignes de Maglevdans d’autres endroits des Etats-Uniset ailleurs. Avec un effort soutenu deconstruction, le réseau national duMaglev pourrait être en pleine actionavant 2020.

Le grand pont terrestre

transsibérien

L’économie mondiale croissantenécessite le déplacement de plusgrandes quantités de biens et de per-sonnes sur de longues distances. Enparticulier en Chine, en Inde et dansd’autres pays asiatiques en dévelop-pement rapide, où vit la plus grandepartie de la population mondiale,nous avons besoin d’un système detransport moderne, efficace et peuonéreux qui relie l’Europe, l’Améri-que et le reste du monde. Bien que laplupart des passagers voyagentaujourd’hui par avion, presque tousles biens sont transportés par ba-teaux. Il y a des désavantages pour le

Figure 7. Réseau national du Maglev proposé par la Maglev-2000 Corpo-ration of Florida. Ce réseau, long de 25 000 km, desservirait 90 % de lapopulation américaine et permettrait aux voyageurs d’atteindre n’impor-te quelle grande ville en quelques heures.

t e c h n o l o g i e

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transport maritime vers l’Asie : lesdistances sont grandes et les tempsde trajets très longs, les coûts de na-vigation sont élevés et les bateauxconsomment une grande partie de laproduction mondiale de pétrole.

Par exemple, la distance de navi-gation entre le Japon et l’Europe estde 20 000 km en passant par le canalde Suez (30 000 km en passant par lecap de Bonne-Espérance) et le trajetnécessite plusieurs semaines. Avec0,01 dollar par tonne au kilomètre, lecoût de la navigation de l’Asie versl’Europe est de 100 dollars, ou plus,par tonne de marchandise. La navi-gation mondiale consomme actuelle-ment 7 % de la production mondialede pétrole, soit une partie significati-ve des ressources mondiales. Pour laplupart des transports de longues dis-tances, le Maglev peut transporter lesmarchandises bien plus rapidement,à des coûts inférieurs et avec moinsd’énergie que ne le peuvent les ba-teaux. En utilisant les voies de l’ac-tuel transsibérien, le Maglev peut parexemple transporter les marchandi-ses entre l’Europe et l’Extrême-Orienten seulement une journée (comparéà plusieurs semaines pour le bateau),à un coût inférieur et avec moinsd’énergie.

La figure 8, tirée du rapport spécialde l’EIR sur le Pont terrestre eurasia-tique 2, montre les voies à envisagerpour relier l’Extrême-Orient avec l’Eu-rope et les autres pays asiatiques. Lerapport décrit comment ces routes,combinées avec un réseau de nouvel-les lignes de trains, peut contribuer àdévelopper et transformer les régions,en transportant les passagers et lesmarchandises efficacement et à fai-ble coût. Un système de Maglevs in-tégré, basé sur le réseau de voies fer-rées existant, peut rapidement êtredéveloppé. La phase initiale du sys-tème de Maglevs commencerait avecles 10 000 km du transsibérien. Letranssibérien est actuellement utili-se pour un important transport defret, environ 100 000 Unités équivalantremorque (UER) annuellement entrele Japon et l’Europe. Avec 25 t parUER, et 10 000 km, cela équivaut à10 milliards de tonnes par kilomètrepar an. La durée du trajet est toute-fois de plusieurs jours.

Construire un rail de guidage su-rélevé le long de la route du transsi-bérien coûterait 60 milliards de dol-lars, un investissement considérable.Toutefois, il y a une alternative offer-te par le Maglev qui permet un systè-me à grande vitesse à un coût infé-

rieur. Ce système utilise les rails exis-tants pour mettre en lévitation desMaglevs à grande vitesse et qui pour-rait être construit pour seulement1,2 million de dollars par kilomètre.

Le système MERRI (Maglev Empla-cement on Railroad Infrastructure)du Maglev-2000 consiste à attacherdes planches contenant des enroule-ments d’aluminium aux traverses enbois ou en béton des voies existan-tes. La voie de chemin de fer peutencore être empruntée par des trainsconventionnels pendant l’installationdes planches. Une fois celle-ci termi-née, le fonctionnement du Maglevsur le rail de guidage plan résultantpeut commencer. Les rails restent enplace, mais ils n’entravent pas le fonc-tionnement du Maglev, et réciproque-ment. En utilisant le système MER-RI, les Maglevs peuvent circuler à unevitesse moyenne de 320 km/h à tra-vers la Sibérie, parcourant 10 000 kmen trente heures, alors qu’il faut unesemaine avec les trains ordinaires. Laquantité d’énergie et le coût par voya-ge seraient très modestes, environ300 kWh et 9 dollars (pour 0,05 dollarpar kilowattheure) par passager, et600 kWh et 18 dollars par tonne demarchandise. L’investissement totalpour un système MERRI est de

Sofia

Skovorodino

Iakoutsk

TokyoOsaka

KomsomolskKhabarovsk

Belogorsk

Vladivostok

Séoul

Harbin

Beijing

Lianyungang

Zhengzhou

Tchita

Lanzhou

Irkoutsk

LiuzhouNanning

Djakarta

Kuala Lumpur

Singapour

Ho Chi Minh

Bangkok

Hanoï

Phnom Penh

KunmingMyitkyina

Yangon

Krasnoiarsk

NovossibirskOmsk

Aktogai

Iekaterinenbourg

OuroumtsiAlma-Ata

Samarkand

Tashkent

Moscou

St.Pétersbourg

Minsk

VarsovieKiev

Berlin

Paris

Ankara

VienneBudapest

Téhéran

Belgrade

Istanbul

Le Caire

Tel AvivBeyrouth

Mechhed

Bakou

Tbilissi

ZahedanSukkur

LahoreDelhi

Varanasi

Rome

StockholmHelsinki

Rotterdam

WuhanChengdu

Londres

Madrid

Tunis

Lagos

Khartoum

AlgerTanger

Archangelsk

Vorkouta

Urengoy

Sergini

Mourmansk

Tcheliabinsk

Nairobi

Détroit de Béring :proposition de

tunnel de connectionà l'Amérique du Nord

Seules certaines lignes de chemins de fer en Afrique du Nord sont représentées

Routes du Pont terrestre eurasiatique

Principales routes prévues ou proposées

Autres lignes existantes

Autres lignes prévues ou proposées

0 1 000

kilomètres

2 000

Figure 8. Le réseau du Pont terrestre eurasiatique.

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15 milliards de dollars, comprenantl’installation d’un rail de guidageplan, les gares et un parc initial de400 voitures de Maglev. Avec cette ca-pacité à grande vitesse, un seul Ma-glev emportant à chaque trajet 50 t demarchandises pourrait transporter10 000 t par an entre l’Extrême-Orientet l’Europe.

Une possibilité fascinante s’offreavec la construction d’un systèmeMaglev-2000 superrapide. Les véhicu-les fonctionnent dans un tunnel sousvide à 1/1000e de la pression atmos-phérique ambiante. Voyageant à3 200 km/h (presque Mach 3), lesMaglevs pourraient parcourir la dis-tance de 10 000 km en seulement troisheures au lieu de trente heures à l’airlibre. Le coût énergétique du voyageserait inférieur à 1 dollar par passageret environ 1 dollar par tonne de mar-chandise par kilomètre. Bien sûr, l’in-vestissement pour une voie transsi-bérienne superrapide serait bien su-périeur à celui nécessaire pour unsystème MERRI – 100 milliards dedollars comparés à 15 milliards – maisles revenus accrus et la diminutiondes coûts de fonctionnement contre-balanceraient largement le surcoûtinitial.

Le concept de Maglev superrapidedans des tunnels à basse pression aété étudié tout au long des vingt der-nières années, notamment pour lesystème Swissmetro.

Pour que le Maglev

devienne réalité

De notre point de vue, il est inévi-table que le Maglev s’étendra et évo-luera comme un mode majeur detransport au XXIe siècle. Les avanta-ges qu’il offre (une plus grande vites-se, aucun besoin de pétrole, zéro pol-lution, un coût réduit pour les passa-gers et le transport de fret, ainsi quel’absence de congestion) attirera deplus en plus d’utilisateurs.

La véritable question est la suivan-te : à quelle échéance, le Maglev peut-il avoir un impact majeur sur le trans-port et que peut-il être entrepris pouraccélérer ce processus ? La technolo-gie du Maglev est déjà disponible.Aucune invention fondamentale nide nouveaux matériaux ne sont né-cessaires. Le Maglev a plutôt besoind’expérience de fonctionnement et

de test sur des voies, ainsi que dudéveloppement de l’optimisation afinde diminuer les coûts de construc-tion et de fonctionnement. Les gou-vernements du Japon et de l’Allema-gne ont joué un rôle fondamentaldans le développement du Maglev,dépensant chacun environ 2 mil-liards de dollars. Leurs Maglevs depremière génération, toutefois, sonttrop onéreux et contraignants pourêtre utilisés à grande échelle. Nousavons besoin d’une seconde généra-tion de Maglev, comme le Maglev-2000, qui a un coût financier plus fai-ble et un marché plus étendu avec letransport de fret par semi-remorque.

Il est nécessaire de réduire lescoûts des systèmes de Maglevs etétendre leurs capacités, mais celan’est pas suffisant. On a aussi besoindu leadership des Etats. Fournir unmoyen de transport efficace, pratiqueet abordable est l’un des devoirs fon-damentaux d’un Etat. Par le passé, legouvernement américain a toujoursjoué un rôle majeur dans la planifica-tion pour développer de nouveauxmodes de transport plus efficaces.Dans la dernière moitié du XIXe siè-cle, l’expansion rapide vers les terri-toires de l’Ouest et l’industrialisationdes Etats-Unis ont été le résultatd’une politique publique d’énormessubventions et d’allocation de ter-rains pour les chemins de fer. De lamême manière, le système des auto-routes inter-Etats, dont notre prospé-rité matérielle dépend en grande par-tie, a vu le jour parce que l’Etat l’avaitplanifié et mis en œuvre. Notre niveaude vie serait bien inférieur sans le sys-tème de transport aérien, qui permetdes déplacements rapides des per-sonnes et des biens à l’intérieur desEtats-Unis comme à l’extérieur. Cesystème n’aurait pu voir le jour sansun financement public pour déve-lopper des avions et construire desaéroports.

Les Etats peuvent aider à réaliserles systèmes de deuxième génération,en finançant des prototypes destechnologies avancées du Maglev eten instaurant des partenariats entrele public et le privé afin de trouverdes revenus pour les systèmes deMaglevs. Dans ce dernier rôle, l’Etatdevrait cesser de subventionner dessystèmes qui ne sont pas économi-quement viables. A la place, il devraitoffrir des incitations financières pourréaliser des systèmes améliorés deMaglevs à faibles coûts qui attireront

Références1. J.R. Powell et G.T. Danby, 1966,

« High Speed Transport by Magneticallysuspended Trains » Paper 66-WA/RR-5,ASME meeting, N.Y., ainsi que « A 300mph Magnetically suspended Train », Me-chanical Engineering, Vol. 89, pp. 30-35.

2. Jonathan Tennebaum, et al., TheEurasian Land Bridge – the New Silk Road– Locomotive for Worldwide Economic De-velopment, Executive Intelligence Review(janvier 1997). Egalement disponible enfrançais auprès des Editions Alcuin.

les usagers. Pour le coût du rail deguidage, par exemple, on pourraitstructurer la contribution du gouver-nement de telle sorte qu’elle augmen-te quand le coût total décroît. Ceciserait une forte incitation à amélio-rer des conceptions pour diminuerconsidérablement les coûts, plutôtqu’une subvention régulière pouraider à développer un système anti-économique.

Les Etats doivent reconnaître quele développement de nouveaux sys-tèmes de transport plus efficace com-me le Maglev, qui ne nécessite pas depétrole, devrait être un objectif à courtterme des plus prioritaires. Le pétro-le devrait être réservé comme maté-riau chimique. Ces pays, comme l’Al-lemagne, le Japon et la Chine, qui ontdéjà commencé à développer des sys-tèmes Maglev, ont le potentiel de de-venir les leaders mondiaux dans cenouveau mode de transport. Le Ma-glev fournirait d’énormes profits, nonseulement grâce à ces coûts extrême-ment faibles pour transporter les per-sonnes ou les biens, et son faible be-soin pour des énergies coûteuses,mais aussi grâce aux centaines demilliers de nouveaux emplois qu’ilpermettrait de créer. La plupart de cesemplois seront constitués par les pos-tes dans les compagnies qui produi-ront les véhicules du Maglev ainsi queles rails de guidage pour l’exportationdans les autres pays.

Le Maglev est une technologie quiva transformer le monde des trans-ports. Son impact sera aussi grandque l’introduction des navires, duchemin de fer, de l’automobile, ducamion ou de l’avion. Il transformerala capacité de l’humanité pour letransport rapide et efficace de per-sonnes et de biens. La révolutiontechnologique du Maglev apporteraune augmentation rapide du niveaude vie. �