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82| madameFIGARO VILLA NECCHI Maison de légende FAÇADE 1930 La villa est l’œuvre de Piero Portaluppi, architecte en vogue à l’époque, pour les Necchi, riches industriels milanais. C’est dans cette demeure que Tilda Swinton a interprété le rôle d’Emma (à droite) dans le film “Amore”, de Luca Guadagnino. LIFESTYLEsummer story LIFESTYLEsummer story madameFIGARO | 83 TOUT L’ÉTÉ, “MADAME FIGARO” VOUS INVITE À DES VISITES ULTRA- PRIVÉES AU CŒUR DE DEMEURES MYTHIQUES. CETTE SEMAINE, RENDEZ-VOUS À MILAN, OÙ CE SUBLIME REPAIRE ART DÉCO DE LA BOURGEOISIE LOMBARDE A SERVI DE DÉCOR, EN 2010, AU FILM “AMORE”, AVEC TILDA SWINTON. RÉALISATION SABINE BOUVET TEXTE ISABELLE GIRARD PHOTOS MANUEL ZUBLENA PHOTOS MANUEL ZUBLENA ET COLLECTION CHRISTOPHEL/FIRST SUN/MIKADO FILM/RAI CINEMA/DR

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VILLA NECCHIMaison de légende

FAÇADE 1930 La villa est l’œuvre de

Piero Portaluppi,architecte en vogue à

l’époque, pour lesNecchi, riches

industriels milanais.C’est dans cette

demeure que TildaSwinton a interprété lerôle d’Emma (à droite)dans le film “Amore”,de Luca Guadagnino.

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TOUT L’ÉTÉ, “MADAME

FIGARO” VOUS INVITE À DES

VISITES ULTRA-PRIVÉES AU CŒUR

DE DEMEURES MYTHIQUES.

CETTE SEMAINE, RENDEZ-VOUS À

MILAN, OÙ CE SUBLIME REPAIRE

ART DÉCO DE LA BOURGEOISIE LOMBARDE A

SERVI DE DÉCOR, EN 2010, AU FILM

“AMORE”, AVEC TILDA SWINTON.

RÉALISATION SABINE BOUVET TEXTE ISABELLE GIRARD

PHOTOS MANUEL ZUBLENA

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LLORSQUE LE RÉALISATEUR LUCA GUADAGNINOC H E R C H E U N E M A I S O N P O U R Y T O U R N E R« Amore », avec l’actrice Tilda Swinton comme héroïne et complice artistique (amis dans la vie, ilsréfléchissent ensemble depuis dix ans à ce projet defilm), il a en tête un « cube de marbre aux proportionsparfaites, capable de suggérer ce qu’avait été la puis-sance et le très grand raffinement de la bourgeoisie milanaise de l’avant-guerre ». Un livre lui fait décou-vrir l’existence de la villa Necchi, nichée dans unquartier chic de Milan, au cœur d’un jardin miracu-leusement préservé, planté de magnolias centenaires.Trésor jalousement gardé de l’austère ville lombarde,elle est à l’image de ces imposantes demeures urbai-nes, qui conjuguent richesse, charme et distinction.À l’origine de cette façade faussement austère depur style Art déco, deux sœurs, Nedda et Gigina,héritières des célèbres machines à coudre italiennesNecchi. Érudites et enclines à une certaine formed’avant-gardisme, elles confient leur chantier en1932 à Piero Portaluppi, architecte rationaliste très envogue (on lui doit le musée du Novecento et l’insolitePalazzo della Società, à Milan). Pour elles, il imagineune architecture monumentale, radicale, rigoureuse,égrenée de son propre lexique géométrique de ronds,parallélépipèdes et étoiles. Expérimentateur de tech-niques innovantes, il pense chaque espace en fonc-tion du confort – portes coulissantes à galandage,volets électriques profilés, chauffage central – et descodes du savoir-vivre exigés par la haute sociétémilanaise – salon d’honneur, véranda, salle à mangeret dépendances, fumoir, bureau, bibliothèque, salledes fusils, cuisines… PH

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Que vous inspire ce lieu ?Il résume à lui seul la grande bourgeoisie industrielle lombarde de l’entre-deux-guerres. Je l’ai filmé comme si j’avaisfilmé un personnage.Vous reconnaissez-vous dans cette architecture ?Totalement. J’aime le luxe austère de cette période, mâtiné de réflexion politique sous-jacente : comment changer de perspective dans l’acte de vivre l’espace ?Quels souvenirs vous lient à cette maison ?Je me souviendrai toujours du dernier jour de tournage, quand Emma (Tilda Swinton) quitte la maison : la lumière, incroyable, caressait les intérieurs avec une sensation de calme extrême, agissant comme un véritable moteur sur ce rythme lourd et angoissant de la tragédie sentimentale dont on faisait le récit.Si elle vous appartenait, qu’est-ce que vous en feriez ?Ce serait mon havre privé, inviolable.Un livre, une playlist, une guest list ?Je lirais « Ein Tag ist ein Jahr ist ein Leben : Rainer Werner Fassbinder », de Jürgen Trimborn, « Answered Prayers », de Truman Capote, et « Das Kapital », de Karl Marx. J’écouterais les 3e et 5e symphonies de Gustav Mahler, « On the Transmigration of Souls », de John Adams (la B.O. du film),

« Desire Develops an Edge », de Kip Hanrahan. J’y inviteraisma famille, mes amis et l’uniqueamour de ma vie, rencontré il y a cinq ans à la villa Necchi !PROPOS RECUEILLIS PAR SABINE BOUVET

LA VILLA NECCHI VUE PAR LUCA GUADAGNINO, RÉALISATEUR D’“AMORE” (SORTI EN 2010)

RAFFINEMENT ET AVANT-GARDE Une véranda d’angle aux larges panneaux vitrés, à gauche du perron, domine le parc. La piscine (où l’on voit les sœurs Necchi dans les années 1940, à gauche) était chauffée, une marque de modernité pour l’époque. À l’étage, un élégant corridor distribue chambres, boudoir et salles d’eau. C’est en découvrant la villa dans un livre que le réalisateur Luca Guadagnino sut qu’il avait trouvé le lieu capable d’évoquer “le très grand raffinement de la bourgeoisie milanaise de l’avant-guerre”.

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PPLUS D’UNE VINGTAINE DE PERSONNES TRA-VAILLENT AU SERVICE DES SŒURS ET DU MARIde Gigina, Angelo Campiglio (Nedda restera céliba-taire). Luxe ultime à l’époque, un court de tennis cou-vert, une piscine chauffée (l’une des premières réfé-rencées à Milan) et une salle de projection attirent toutle Gotha – Marie-Gabrielle de Savoie, leur amie de toujours, le comte Vistarino (producteur de vin), lesVisconti, le roi et la reine d’Espagne… Grandes voya-geuses, Gigina et Nedda parcourent l’Extrême-Orientà la recherche d’objets rares. À leur mort, nombreuxsont ceux qui tentent d’acquérir la villa (il se murmureque les Dolce & Gabbana étaient sur la liste). Mais les Necchi-Campiglio avaient préféré léguer leurchef-d’œuvre en 2001 à la Fondo Ambiante Italiano (FAI), fondation privée qui gère quelques joyaux du patrimoine italien. Depuis, la maison s’est enrichie detableaux de De Chirico, Filippo de Pisis, GiorgioMorandi et de sculptures d’Arturo Martini, dont labelle et imposante « Amante morta », qui trône dansle hall d’entrée. Ouverte au public en 2008, la villaNecchi Campiglio a conservé son atmosphère élé-gante et feutrée, comme si le temps s’était arrêté. စ

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VILLA NECCHI, THE PLACE TO BEMarie-Gabrielle de Savoie (1), grande amie des sœurs Necchi, était une habituée des lieux. Pendant la fashion week milanaise, la villa accueille, à l’occasion de fêtes privées, les grands noms de la mode italienne, de Giorgio Armani (2), fan du style Art déco, à Beatrice Trussardi (3), à la tête de la Fondation d’art contemporain Nicola Trussardi,située à quelques rues de là. Voisins de la villa Necchi, il se murmure que les Dolce & Gabbana (4) auraient eu des velléités d’acquérir la maison au moment de la succession Necchi Campiglio.

À SAVOIRစ POUR VISITER la villa Necchi Campiglio, renseignements sur le site de la FAI : www.fondoambiente.itစ POUR LES PASSIONNÉS d’architecture rationaliste, la Fondation Piero Portaluppi (Via Morozzo della Rocca), abritée dans un immeuble en marbre signé du maestro, expose projets et photos de ses réalisations. Plus d’infos sur www.portaluppi.org

SAGA PEOPLE

LES LIGNES ART DÉCO courent sur la façade arrière, la rampe d’escalier en palissandre et l’entrée de la villa. La spectaculaire véranda est l’une des pièces maîtresses, avec sa double paroi de verre qui accueille des plantes. Sur le sol en marbre quadrillé, bronze “Il Puro Folle” (1930), du sculpteur italien Adolfo Wildt.

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