"Ma Norvège" fin juin 2013

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1 d’Oslo à Bergen et retour via Lillehammer 25 juin au 2 juillet 2013

description

Reportage sur un circuit

Transcript of "Ma Norvège" fin juin 2013

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d’Oslo à Bergen et retour

via Lillehammer

25 juin au 2 juillet 2013

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Sommaire

Premières impressions 3

Court circuit : Oslo 6

L’effervescence Vigeland 11

Ode aux Viking s 14

Chapeau bas MM. les explorateurs 15

Opéra iceberg 16

Âpres plateaux 18

Trolls et mythes 21

Ruisseaux, torrents et chutes 22

Fjords somptueux, décor pluvieux 24

De Flam à Myrdal 30

Eglises et dragons 31

Balestrand et Fridtjof 37

Pittoresque palette, cabanes, maisons 38

Bergen l’hanséatique 43

Peuples d’avant et d’aujourd’hui 47

L’envol à ski planant 48

Efficacité norvégienne 51

et pour en savoir plus sur :

l ’histoire antique 52

les Vikings 54

la christianisation 63

le court âge d’or 64

les avatars de la Norvège 67

de fameux explorateurs 72

les richesses et les ressources 74

le fonds souverain 76

l’âme norvégienne 79

NB – l’alphabet norvégien a sauf excep-

tion été francisé pour simplifier l’écri-

ture et par pure paresse, assumée et

revendiquée par le rédacteur.

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Dans cette partie la plus méridionale de la Norvège, pour nous, visiteurs des latitudes tempérées de l’hémisphère nord,

dans la période où se situe notre séjour vers la fin juin, après la première nuit passée, on

est marqué d’emblée par :

- la versatilité du ciel, où se succèdent sans prévenir pluies et soleil ; la tem-

pérature oscille entre 15 et 25°C, mais les nuits, d’autant plus qu’on loge en

altitude aussi modeste soit-elle (1000 à 1500m), sont vite fraîches.

Un dicton norvégien affirme : « il n’y a pas ici de mauvais temps : il n’y a que de

mauvais vêtements ». La Norvège en a développé une gamme remarquable et

efficace, bien adaptée à ce climat, sans nuire à l’élégance ; mettons de côté les

autres vêtements traditionnels d’hiver, faits de chaude laine, que l’on reçoit en

cadeau et qu’on ne remet jamais.

- la longueur de la lumière diurne qui s’étire comme une évidence jusqu’à presque minuit,

puis réapparaît derrière les lourds rideaux sans qu’on y prenne garde dès 3 à 4h le matin ; à l’inverse, on imagine ce que

peuvent être les nuits d’hiver.

- l’incroyable découpage des côtes, plus de 26 000 km alors que la plus grande dimension à vol d’oiseau nord-sud n’est

que de 1780 km (la France n’en présente que 3430 km). Etre vastes fjords et plateaux criblés de lacs, l’eau s’écoule de

partout, et l’on côtoie les masses blanches parfois fantomatiques d’immenses glaciers, si

proches et si bas,

La circulation est donc plus

difficile qu’ailleurs. Les 9

principales compagnies de

ferries s’affairent dans

tous les sens, et doivent

recourir à des milliers de

bateaux (sans même parler

des paquebots de croisière

internationaux).

Premières

impressions

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La richesse pétrolière a permis de construire environ 900 km de tunnels (merci à un site anglophone

de cyclotouristes, seul à avoir tenté l’inventaire) dont la moitié fait plus de 1 km de long.

A la différence de Madère vrai gruyère où par exemple, le financement n’est pas celui de l’UE.

On a là le plus long tunnel routier du monde (en tout cas en 2008 quand il a été ouvert ; mais que

font les chinois?!!!), celui de Loerdal avec 24,5 km.

Malgré les consignes de sécurité, - qui cependant ne s’encombrent pas d’autant de contraintes que celles du tunnel du

Mont Blanc avec ses 11 petits kilomètres - un camion polonais a pris feu le 5 août dernier dans celui de Gudvangen, long de

11,4 km, provoquant un peu plus de 70 blessés. Probablement l’un de ceux que nous avons traversés entre Oslo et Bergen.

La construction des tunnels se poursuit. La Norvège lance même un énorme chantier (2018 à 2022) d’un tunnel pour ba-

teaux de fort tonnage (plus de 16 000 tonneaux) entre deux

fjords. D’autres tunnels de la sorte existent déjà en Europe mais

n’atteignent pas une telle envergure, qui permettra le passage des

paquebots. Démesure…

Le pays a aussi construit et continue de construire des ponts par-

dessus certains fjords là où ils se rétrécissent.

Combinés aux tunnels, ils apportent plus de flui-

dité au trafic.

- l’apparente qualité de

vie : les villes les plus

importantes s’insèrent

dans une verdure envelop-

pante qui n’a rien de l’arti-

fice du jardin urbain, et

qui doit tout à l’authentici-

té du pays vert profond ;

le bleu et le vert avec

toutes leurs nuances sont les couleurs dominantes. Quant au niveau de vie, il semble

très confortable, même si son coût au quotidien reste assez élevé.

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- l’abandon des norvégiens au moindre flux de lumière dès que paraît un

rayon de soleil, au point que les jeunes filles sont déjà hâlées fin juin ; artifice

ou exposition naturelle ?

Où que l’on soit, les fenêtres, très bien isolées, n’ont jamais de volets. On ne se

protège pas ici de l’implacable constance du soleil comme sous d’autres lati-

tudes (tels les anciens égyptiens ou les Mayas) ; on fête avec volupté sa renais-

sance et celle, irrésistible, du cycle annuel, plus qu’ailleurs véritable cycle de

vie,

- des habitants accueillants, ouverts et empathiques, rarement réservés

mais d’une urbanité

discrète et directe,

simple, avec lesquels il

est possible de discu-

ter pourvu que l’on

pratique l’anglais.

Fiers de leur culture

et de leur histoire,

férus de pêche et de sport, en général athlétiques et robustes,

ils ont très souvent pour

nous semi-latins, cette

toujours surprenante pâle

blondeur de la chevelure

(lors des invasions viking,

les roux irlandais appe-

laient « pâles étrangers »

les envahisseurs scandi-

naves) qui rehausse l’écla-

tante beauté de certains

visages féminins, des plus

jeunes aux plus âgés,

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Le pays s’étire en une

longue goutte pédon-

culée ou bien comme

une fronde de David,

entre la mer de Ba-

rents au nord et la

mer du Nord au sud,

flanqué de la mer de

Norvège plein ouest.

Notre tour s’est limi-

té à un parcours en

boucle (ou en 8) d’Oslo à Bergen et retour via Lillehammer corres-

pondant grossièrement au plan ci-contre.

Il y a pour le fourmis que nous sommes des chemins grégaires sanc-

tuarisés qui laissent peu de place à la fantaisie ou à l’improvisation,

mais qui permettent de ne pas manquer l’incontournable, et ici l’incontournable est légion, fût-il parfois un brin pesant.

On a rassemblé ici les sujets par grands thèmes plutôt que de relater chronologiquement les points d’intérêts ren-contrés dans le déroulement du trajet.

Edifiant séjour, même s’il est resté très éloigné du cercle arctique et du mythique Cap Nord, dont on se prend à rêver,

bien après.

Et tout d’abord Oslo la capitale

Appelée Christiana de 1624 à 1924, Oslo compte 600 000

habitants (dont presque 1/3 d’immigrés).

Ce gros 1/2 million d’habitants représente presque 12%

de la population du pays. La ville s’inscrit dans la région

du même nom qui compte plus de 1 400 000 habitants.

Pied dans l’eau, au bord du Oslofjord dont les rives sont

ici de modeste hauteur, son port accueille quelques voi-

liers. Elle est construite sur des

collines assez douces sauf sur

l’une des falaises de la rade. On

aperçoit déjà cette statuaire ex-

pressive très figurative qui embel-

lit les places, les jardins, les quais,

certaines avenues et qui s’inspire

probablement de ce sculpteur re-

marquable de force dans la représentation du cycle de la vie humaine, Vigeland.

Court circuit

Oslo

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Pour la plupart, les immeubles, les maisons sont des 18 et 19ème siècles ; il en subsiste beaucoup faites

de bois, souvent comme à Bergen, reconstruites après des incendies. Mais immeubles ou maisons, hô-

tels anciens, relèvent le sombre hiver arctique par des couleurs vives, parfois tranchées, qui se re-

trouvent aussi dans les fermes des vallées au bord des fjords.

De plus, jusque dans les campagnes reculées, aucun bâtiment n’est en ruine, voire même vétuste, soit

qu’il s’agisse de constructions récentes, modernes, soit que les fermes, les bâti-

ments urbains plus anciens de pierre ou de bois, fassent l’objet d’entretiens très

réguliers

Les façades n’ont pas la tonalité des couleurs

tropicales ni leurs associations contrastées ;

mais leur monochromie est rehaussée ici et là

par de belles dentelles de lambrequins, ou le

liseré tranché de l’encadrement des portes et

des fenêtres ; et la juxtaposition des façades

colorées délivre un patchwork harmonieux qui

semble hésiter entre exubérance et retenue.

Certains

quartiers

réhabilités

comme ces

anciens

docks au

sud du port

d’Oslo,

tranchent

par leur

modernité,

avec une remarquable architecture mariant

le verre et la blonde couleur tabac du bois,

jetant des avancées de hauts toits comme

des étraves de navires au-dessus des passages piétonniers.

Les anciennes rives du dock ont été

aménagées en une suite agréable de

pontons de bois, au-dessus du reflet

clair du ciel dans la tranquille éten-

due de mer parsemée d’îlots.

Quartier maintenant très commer-

cial de beau, voire de grand stan-

ding, qui dit-on était auparavant une

sorte de dangereux coupe-

gorge.

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Là, on trouve l’im-

mense édifice de la

mairie fait de

sombres briques,

flanqué de deux

tours carrées massives.

Elle se pare sur le côté

opposé au port d’une

agréable perspective de

mini-cascade avec une

grande horloge dorée

et deux galeries latérales

abritant des sortes de

bas reliefs modernes sym-

bolisant l’histoire et les

mythes norvégiens.

Architecture « soviétique » pour certains par sa dimension monumentale

et sa sévère symétrie.

Mais la surprise est à

l’intérieur : un im-

mense et étonnant

volume vaste comme

un hall de gare déser-

té par les trains, avec

de grandes fresques

chatoyantes figurant

des scènes de l’his-

toire du pays. Un long

et haut escalier droit

un peu à l’italienne

conduit vers de

grands vestibules et

les salles de délibération. L’ensemble séduit im-

médiatement, jusqu’aux cohortes de groupes ja-

ponais, les seuls que l’on retrouve dans le monde

entier avec cette soif enthousiaste et insatiable

de la découverte (ne sommes-nous donc pas tous

japonais?).

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Dans les rues et les quelques larges avenues, la circulation reste fluide et somme toute assez tran-

quille, se coulant avec le trafic du tramway dont souvent les voies ne sont pas séparées de celles

des voitures et des bus.

Cette quiétude « provinciale » (dirait un parisien) doit peut-être à l’obligation de payer un droit

d’entrée dans la ville quand on y pénètre en voiture (19 points d’entrée pour 40 km² de surface,

avec un boîtier électronique embarqué et le contrôle par vidéo des plaques d’immatriculation, ceci

pour 2,70€ en moyenne par accès), probablement sur un principe comparable à celui de Londres. Il semble pourtant que

l’effet ne soit pas suffisamment dissuasif pour réduire significative-

ment le nombre de véhicules circulant.

On peut aussi

se déplacer

en cette sai-

son à vélo,

avec un sys-

tème de loca-

tion dont on

n’a pas éluci-

dé le fonc-

tionnement.

Il s’agré-

mente ici et

là de petites

stations de

pompage gratuites. Les vélos utilisés ici sont anciens, moins

modernes que les Velib parisiens, mais aussi moins lourds et

plus maniables. Tous ne sont pas de location ; les parcs à

vélo pren-

nent parfois

des allures

originales,

mais gar-

dent taille

humaine

sans at-

teindre

l’incroyable

amoncelle-

ment de certains parcs à

vélos hollandais.

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Plus près du port, un haut bâtiment à la façade jaune doré : c’est celui du Prix Nobel de la Paix, le

seul à être décerné là en Norvège, pour ce prix de création suédoise.

En effet, lors de la création des prix Nobel

en 1901, la Norvège et la Suède sont encore

rassemblées sous la même couronne. Lors

de l’indépendance en 1905, un arrangement

confie au parlement norvégien la désigna-

tion du prix Nobel de la Paix, alors que les

autres prix Nobel, choisis par l’Académie de

Suède, sont remis à Stockholm.

C’est justement dans l’immense hall de la mairie

d’Oslo qu’est remis chaque année ce prix.

Une mention particulière pour l’avenue Carl XIV Jo-

hann, large et rectiligne avenue qui est le lieu privilé-

gié des badauds en été. C’est en mémoire de Berna-

dotte, roi de

Suède et de

Norvège dont la

descendance

royale est tou-

jours au pouvoir

en Suède, qu’a

été nommée

l’avenue la plus célèbre d’Oslo.

Bernadotte est né à Pau en 1763. Quand notre empereur part, bicorne sur les yeux et une main à la redingote, à la conquête sanglante de l’Europe, Bernadotte l’un de ses proches, épouse en 1798 Désirée Clary. C’était la première fiancée de Napoléon,.

Bernadotte se méfie de Napoléon, et s’il progresse dans sa carrière militaire au point d’atteindre le cercle rapproché, il ne participe pas au Coup d’Etat du 18 brumaire ni plus tard à certaines batailles comme celle d’Austerlitz.

Nommé maréchal d’empire en 1804, il se montre brillant contre les prussiens à la bataille de Lübeck en 1806. Là, il traite avec égard et courtoisie ses prisonniers sué-dois du moment, alliés des prussiens. Il se lie notamment avec l’un d’eux le conte Mörner.

Après qu’il ait été blessé à la tête, Napoléon le nomme en 1807 gouverneur des villes hanséatiques (Brême, Hambourg et Lübeck) ; dans cette fonction où ses qualités

d’administrateur sont reconnues, il s’enrichit et devient populaire notamment à Lübeck.

En 1809, le roi de Suède, Gustave IV est destitué après avoir perdu la Finlande contre la coalition napoléonienne et est remplacé par le vieux Charles XIII, en attendant la désignation d’un nouveau roi.

Au lieu d’envahir la Scandinavie comme le lui demande l’empereur, Bernadotte conclut un armistice avec la Suède . Par ailleurs, l’héritier suédois choisi, le danois Charles Auguste d’Augustenbourg meurt opportunément lors d’une manœuvre militaire.

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La visite du Palais Royal, où habite le roi de Nor-

vège est pour une partie du

parc en travaux.

S’il est possible d’en visiter

quelques ailes, la priorité

est donnée à ceux qui ont

réservé par internet ; et

pour ceux-là seulement,

l’attente est déjà si longue

que nous avons battu en

retraite, nous qui n’avions

pas réservé du tout.

Le ciel est menaçant ; mais le plumeau-houppette du soldat de garde qui parade avec fierté et

sérieux est quant à lui primesautier.

Etrange et puissant sculpteur

Gustav Vigeland (1869—1943), célèbre sculpteur norvégien puissamment expressif,

représente le cycle de la vie humaine en 214 oeuvres dans le Parc Frogner, le plus

grand parc d’Oslo, A une époque où le puritanisme s’imposait encore au début du

20ème siècle, il ose la représentation symbolique de l’abandon humain à la liberté

du corps et de l’esprit.

Il faut certainement chercher dans son enfance ce besoin de libération : son père

le fouettait le Vendredi-Saint pour lui faire éprouver les souffrances du Christ. Si,

si!!!

Voyons d’ailleurs le bonheur qui, à 60 ans, irradie encore de son visage dans cette

photo de 1929.

Alors que Bernadotte est en disgrâce à Paris pour quelques échecs militaires, les élites suédoises, du fait de la popularité et de l’estime dont il jouit dans cette région et de sa mémorable magnanimité envers les suédois, lui proposent d’être candidat pour le trône de Suède. Avec l’accord de Napoléon qui voit en lui un futur allié au nord de l’Europe contre les russes. Après une adroite propagande, mais cependant à la surprise générale, Bernadotte est élu prince royal le 21 août 1810 par les représen-tants des différents ordres suédois.

En 1812, quand l’empereur qui a lancé le blocus continental, envahit la Poméranie, Bernadotte dans sa nouvelle fonction, mais encore proche des français, tente de jouer le médiateur. Mais il finit par rompre dès 1813 avec Napoléon, se rap-proche des Russes et du tsar Alexandre 1er. Il combat victorieusement Ney et Oudinot, mais ne participe pas à l’invasion de la France.

C’est dans cette phase militaire qu’il obtient que le Danemark cède la Nor-vège, danoise depuis 3 siècles, à la Suède par le traité de Kiel en janvier 1814,

A la mort de Charles XIII en 1818, Bernadotte est proclamé roi des royaumes unis de Suède et de Norvège le 5 février, sous le nom de Charles XIV Jean (Karl Johan). Ainsi Bernadotte, fils d’avocat palois devient roi de Suède. Il conserve paisiblement le trône pen-dant 25 ans jusqu’à la fin de sa vie, et le transmet à son fils Oscar. Son règne est prospére. Les Suédois lui témoignèrent un vif atta-chement pour avoir su relever le pays d’une décadence qui semblait irrémédiable. Commerce, agriculture, industrie, finances, marine, travaux publics, se sont ranimés sous son règne.

L’effervescence

Vigeland

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Vigeland a été influencé par le mouvement symboliste, et au sens premier du terme, les symboles

sont apparents et permanents, toujours immédiats. Sa matière première est le corps nu dans tous

les âges de la vie.

À chaque coin du carré central, une colonne au sommet de laquelle figure la lutte contre le péché,

puis l’acceptation, enfin la fusion avec le plaisir défendu de l’époque, celui de la liberté des esprits et

des corps. Mais cette sorte d’étreinte entre le monstre, symbole de cette liberté nouvelle à gagner, à laquelle l’homme ou

la femme finit par s’abandonner, confine au malaise : le monstre tel qu’il est représenté, reste monstrueux même après

qu’on lui ait cédé (et donc encore démon?) A trop montrer…

Les autres scènes de vie sont tout autant puissantes, exprimant de manière réussie la joie, la colère (en particulier celle,

célèbre, d’un petit garçon qui trépigne), la douleur, depuis la naissance, en passant par l’enfance, l’adolescence, l’âge mur

(la représentation de l’enfant accompagné du père ou du grand-père a tout son sens quand on

connaît l’enfance de Vigeland) et la vieillesse jusqu’à la mort, qui à nouveau

précède la re-naissance (voir les fontaines de bronze dont les fresques laté-

rales déroulent à nouveau ce cycle).

Le monolithe central de 17 m de haut au symbolisme viril évident, accumule de

bas en haut à nouveau les corps nus de la spirale du cycle de la vie.

Autour de lui, en gradins sont représentés d’imposants groupes de nus qui,

quand on en fait le tour, sont aussi l’illustration

du cycle, mais avec des variantes nombreuses, sou-

vent de grand intérêt, parfois amusantes.

Ces œuvres, ou bien le mpnolithe

trouvent-ils un écho particulier pour ce groupe

de japonais,

des

hommes

seulement,

qui posent

fièrement

et finissent

la séquence

par une

sorte de cri (de guerre, de joie, d’hommage?).

Page 13: "Ma Norvège" fin juin 2013

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Alors est-ce le ciel bas ou

l’insistance de la représenta-

tion du cycle de vie répété

encore et encore, ou bien en-

core le caractère finalement

stéréotypé des sta-

tues? Malgré l’ampleur

et la belle perspective

du site, malgré la quali-

té manifeste des

œuvres sculptées dans

le granit ou fondues

dans le bronze, on sort

du parc de Vigeland le

moral acca-

blé, comme

si à force

de vouloir

exprimer la

vie, on fi-

nissait par

l’engluer.

Ce carac-

tère obses-

sionnel est aussi déprimant que son auteur a pu être déprimé.

Alors thérapie exhibitionniste ou épanouissant chef d’œuvre?

Gustav s’est-il jamais allongé sur le divan de Sigmund? Et l’eût-

il fait...

Soudain, un défilé spontané de belles et jeunes mères en

sweats fluo, dans un footing tonique et mobile, léger, poussant

chacune devant elle un berceau, traverse le parc. Comme jamais

on n’imagine en croiser en France.

Et l’on retrouve sur le champ l’enthousiasme et de nouvelles et

fraîches raisons d’espérer.

Ouf jeunes dames, vous nous avez sauvés!!!

Avant de nous diriger vers le beau site du musée qui parle d’un peuple animé d’autres motivations moins paisibles, et qui

conquit le monde connu de son époque : celui des Vikings.

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Voir l’annexe pour (beaucoup) plus de détails sur l’épopée Viking, qui

fonde notamment la Norvège, et dont l’ère s’étale de manière con-

ventionnelle entre +793 et +1066.

On comprend que les norvégiens dans leur ensemble, aujourd’hui et

depuis longtemps un peuple paisible et animé des meilleures inten-

tions, s’en réclament avec parfois une vive ferveur et toujours une

certaine fierté.

On peut saluer

l’organisation du

musée et son

architecture

dont deux

longues voûtes

sobres en croix

abritent les tré-

sors vikings re-

trouvés, et les

superbes bateaux qui à eux seuls

constituent des oeuvres d’art.

Les objets exposés, traîneaux, figures

de proue des knarrs en forme de dra-

gon, baquets, marmites, l’ensemble

des objets de décoration, colliers,

bracelets,… les armes retrouvées, mon-

trent le degré technique des moyens de

l’époque et le raffinement dans lequel

certains chefs (hommes mais femmes

aussi) savaient vivre, en tout cas pour le

décorum et sa symbolique.

Bateaux et

autres ob-

jets, retrou-

vés sur les sites funéraires de chefs vikings

datent des années +850 à 900.

Mais des témoignages, notamment d’envoyés arabes, décrivent le contexte dans lequel ils

vivaient : l’hygiène n’était pas leur premier souci, tout tournés qu’ilds étaient vers les con-

quêtes, le commerce, l’installation dans de nouvelles contrées, la création de cités, de petits

royaumes, devenant ici mercenaires (à Constantinople), ailleurs s’intégrant à la civilisation

locale…

Certains de leurs descendants norvégiens du 20ème siècle ont hérité de leur esprit d’aven-

ture et de conquête.

Ode aux Vikings

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L’annexe donne quelques informations sur ces deux explorateurs majeurs des pôles

qui étaient norvégiens, le précurseur Nansen, et plus connu peut-être dans le

monde, Amundsen, son cadet de 10 ans.

Descendants des vikings probablement, mais cette fois à la conquête de la connais-

sance du monde, et de celui qui leur est le plus familier

et pour lequel ils sont le mieux armés.

Avec son épais bateau de chêne construit spécialement

pour les glaces septentrionales, le Fram (« en

avant! » dans sa langue), Nansen a tracé la voie et déve-

loppé les techniques pour les explorations polaires.

Le Fram originel lui-même se visite dans un haut bâti-

ment probablement construit autour de lui, où l’on dé-

ambule dans une lumière de jour polaire. Impressionnant

et très pédagogique. Peut-être ce

musée ne souligne pas suffisamment le

rôle humanitaire qu’a joué Nansen

pour la Société des Nations après la

1ère Guerre Mondiale, et pour lequel il

a reçu le Prix Nobel de la Paix en

1922.

Nansen irradie dans ses por-

traits une énergie indomptable

mise aux service de causes de

grande noblesse, mise au ser-

vice de l’indépendance de la

Norvège quand il a fallu en 1905

trouver un représentant des

monarchies européennes pour placer à la tête de la monarchie constitutionnelle norvé-

gienne enfin souveraine.

Les explorations d’Amundsen sont plus connues, peut-être parce qu’à son époque, les

USA sont dans la course et leurs exploits très médiatisées. Peut-être aussi parce qu’il

est considéré comme

un héros, pour avoir

disparu en portant

secours à des amis

explorateurs comme

lui, qui étaient repartis vers le Pôle Nord en dirigeable.

Il a tiré parti du Fram que son aîné Nansen a mis à dis-

position pour atteindre le Pôle Sud.

Le voilier léger, le Gioa (?), dans lequel il est parti ex-

plorer une voie nord-ouest de traversée via le Pôle

Nord se voit aussi dans une annexe du même musée, où

une maquette du dirigeable « Norge » avec lequel il a

survolé le Pôle Nord est aussi exposée.

Chapeau bas

MM. les explorateurs polaires

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Dans la modernité, Oslo est

fière d’un édifice totalement

original, construit directement

sur une partie de baie, et qui

commence à intriguer sans savoir

encore de quoi il s’agit dès qu’ on

l’aperçoit depuis le haut de la

lente pente de l’avenue Radhu-

sgata.

C’est l’opéra d’Oslo ouvert en

avril 2008. On dit qu’il est le

deuxième opéra dans le monde

par son architecture après ce-

lui de Sydney en Australie.

De l’extérieur, son

toit est conçu

comme une colline à

lente pente et plu-

sieurs pans, cou-

verte de marbre

blanc de Carrare

que l’on peut gravir

jusqu’à des ter-

rasses d’où émerge

un énorme bloc de verre, le puits de lumière de la salle d’opéra. Cette com-

position de volumes semi-cubiques débordant des pentes d’une blancheur

immaculée, éblouissantes sous le soleil, elles-mêmes coupées d’arêtes obliques tranchées par une ombre acérée comme fil

de rasoir est en soi déjà un spectacle grandiose.

On peut penser, en laissant aller l’esprit, à la pente enneigée d’un flanc de mon-

tagne, mais aussi par ses arêtes qui

jouent avec la lumière à un mystérieux

navire aux

étraves

aigues, ou bien

encore à la

partie émer-

gée d’un ice-

berg figé.

Et le décor se

prête à des

séances de

photos sur

l’eau verte du

verre des pa-

rois.

Opéra iceberg

Page 17: "Ma Norvège" fin juin 2013

17

L’intérieur, en tout cas l’espace cathédrale

du hall d’entrée, partiellement couvert par

ces pentes combine avec allégresse le ver-

tigineux arrondi de bois fauve qui délimite

l’espace de l’enceinte elle-même et les

lignes verticales et obliques

des piliers et des pentes

externes. Superbe réussite !

Même les toilettes et les

volumes de consigne sont

délimités avec bonheur

(rares sont les toilettes qui

suscitent le bonheur!!) par

des murs de dentelle de

pierre blanche où la lu-

mière joue dans les mo-

tifs géométriques une

symphonie visuelle qui

change selon d’où l’on re-

garde. Hélas, il n’a pas été

possible de visiter l’inté-

rieur même de l’opéra.

Cette œuvre, colossale et

éclatante, tranche violem-

ment avec les immeubles

modernes en construction à l’arrière-plan et les collines boisées

parsemées de quelques bâtiments qui apparaissent sombres comme l’enfer. Par contre, quand le regard se tourne vers la

ville, du haut des terrasses une perspective de bâtiments anciens aux chaudes couleurs s’incendie de soleil.

Le panorama

sur la grande

baie au bord de

laquelle il est

construit s’orne

aussi d’une sculp-

ture aérienne,

navire en par-

tance toutes

voiles dehors, ou

aigle dressé sur

son aire.

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18

Les plateaux traversés quand on passe d’un fjord à un autre sans long contournement n’excèdent pas dans cette région du

sud norvégien 1000 ou 1500m.

Ils sont une autre constante typique de la Norvège. Parfois surmontés d’autres

plateaux plus élevés arasés par l’usure glaciaire, ils restent même en juin tache-

tés de névés, parcourus de ruisseaux et de torrents formant souvent des cas-

cades qui se déversent à leur tour dans les lacs innombrables où se reflètent

des glaciers plus lointains. L’herbe est rase

sur les rochers gris, et les lichens épais.

Ici, solitaire et vaillant, un kayak longe pa-

tiemment une rive de lac. Ailleurs, de loin

en loin, une cabane, sans eau ni électricité,

ou bien un camping-car ; les norvégiens ai-

ment passer le week-end ou plus de temps

en été dans un contexte encore sauvage et

authentique qu’ils prisent spécialement, se

partageant entre pêche et randonnées dans un parfait silence.

Peut-être,

aux confins

de l’horizon

où les nuages

rejoignent la

brume, croi-

sent-ils par-

fois un élan,

certainement

des groupes de moutons curieux qui rappliquent en trot-

tinant sans s’approcher de trop près. Et bien plus au

nord des troupeaux de rennes.

Ces paysages désolés, sans arbres, le reflet des nuages bas qui fi-

lent, le ciel, rarement troué d’un bleu azur, les névés et les vallonne-

ments ras et érodés qui se dévoilent à perte de vue, le vent chargé

de gouttes qui fouettent le visage, ce spectacle de l’été des plateaux

norvé-

giens

saisit

par sa

beauté,

sa ru-

desse,

son âpre authenticité, loin du confort des villes.

Mais que dire alors de l’hiver?

Forcément, une part du caractère intime des norvégiens en

est forgé.

Âpres plateaux

Page 19: "Ma Norvège" fin juin 2013

19

Sur l’un de ces parcours en plateau, un barrage (du type

barrage-poids en remblai) domine une belle vallée au fond

de laquelle bondit un rapide qui s’élargit et s’assagit en-

suite.

Parcourant le chemin de pierre qui constitue sur quelque

1000m la crête du barrage, le vent qui souffle depuis le plateau rebrousse l’eau

du lac Sysenvatn.

Des bou-

leaux

grêles aux

branches

torturées

comme bras suppliants poussent dans les

pentes de la basse montagne. Au loin, une

longue chute d’eau rebondit sur les rochers.

Transition du plateau vers la vallée plus riante,

le site ne manque pas d’une certaine majesté

même si l’aller retour le long du chemin du som-

met du barrage présente à peine plus d’intérêt

que celui d’une marche tonifiante ; et c’est

déjà ça.

On reste sur l’impression d’une immersion aux

limites d’une nature sauvage illustrée par des

contrastes étonnants, les couleurs des ro-

chers qui forment la grève des rives du lac et

cet aquilon puissant et constant, déjà assez

frais, qui souffle depuis les sommets voisins

parfaitement arasés au-dessus du lac.

Nature à peine domestiquée par

l’homme avec la construction de cet

ouvrage d’art discret et bien intégré

dans l’environnement, dont on ne voit

même pas, au pied de la haute digue,

les édifices habituels de production

hydro-électrique. Y en a-t-il même?

Mais peut-être ne s’agit-il que d’un

barrage de stockage de l’eau.

Tonique et salutaire âpreté.

Page 20: "Ma Norvège" fin juin 2013

20

Hébergés dans un de ces hôtels de plateau, malgré l’altitude

plus faible, les pentes plus douces et le rocher moins appa-

rent, la même impression revigorante du climat prévaut.

Certains chalets sont faits de gros rondins, probablement

dans un dessein touristique et pédagogique (c’était le type

primitif de construction) ; de nombreuses

maisons sont ici recouvertes de toit verduré.

Dès le petit matin, mais point trop tôt libérés

par les

fermiers

voisins, des moutons, si blancs qu’on les dirait

fraîchement lessivés, broutent ici et là, déambu-

lent entre les chalets, réveillant au passage avec

leur sonnaille les lève-tard, curieux de nos mou-

vements. Un seul d’entre eux est sombre comme

Lucifer : l’iné-

vitable mouton

noir.

Un vent frisquet balaie la pente. Mais

c’est l’été norvégien, les champs fleuris

apportent d’agréables nuances qui avivent

un peu le panorama gris-bleu ; en arrière-

plan, le profil d’un plateau lointain

tranche à peine du ciel.

Là, nous avons vu à l’œuvre un traîneau sur

roues tiré par 4 chiens, langue pendante entre

canines, gueules fendues d’un heureux rictus. Il

filait en passant devant notre hôtel, sur la route

qui

devient

ensuite

une

piste un peu

plus haut.

Au mur, un tableau attire l’œil : triste et prostré, tra-

versé de terribles doutes, terrassé par son ignorance, un très vieux troll hirsute à la trogne

teigneuse se demande quel est son âge (copie d’une œuvre bien connue de Théodore Kittel-

sen de 1911).

Une boutade scandinave dit que les danois sont banquiers, les suédois ingénieurs et les nor-

végiens fantasques ou trolls peut-être. Injuste et caricaturale affirmation, au moins pour

les norvégiens.

Page 21: "Ma Norvège" fin juin 2013

21

Les trolls, ces personnages représentés de manière débonnaire et grotesque sont des

êtres sombres et néfastes dans la mythologie scandinave. Peut-être a-t-on voulu con-

jurer leur part de méchanceté et de nuisance en les évoquant de cette manière déli-

bérément loufoque.

Le personnage du troll n’est pas de création récente.

Peu ou prou incarnation de la magie, il s’oppose aux

hommes et aux dieux, et s’assimile souvent aux

Jötunns, les « Géants » de la mythologie scandinave,

dans le paganisme viking par exemple.

À partir du Moyen Âge, le troll apparait comme une

créature surnaturelle des légendes et croyances, lié

aux forces des mers, des montagnes et des forêts,

respecté et

craint à ce titre, étrange et dan-

gereux.

Diabolisé par le christianisme, la croyance du troll persiste néanmoins dans le folklore scandinave

jusqu’au 19ème siècle. Mais ne confondons pas, le troll n’est pas un elfe.

Aujourd’hui, le troll appartient à la culture populaire ; s’il était dans le passé représenté par l'archétype d'un géant de

grande force, maintenant, et probablement après la christianisation, on le rencontre sous la forme d’une sorte de nain au

très long nez, naïf et benêt, en tout cas amusant pour le néophyte, personnage comique et repoussoir exemplaire dans les

livres pour enfants.

Bien sûr, il finit aussi par entrer sous l’inévitable influence picturale de l’univers de Disney.

————————-

Un peu plus loin se visite un site de dessins rupestres au bord d’un beau torrent puissant dans le Oppland, gravés dans la

pierre plate érodée des rives (pétroglyphes) il y a plus de 6000 ans. Les traits sont soulignés de couleur rouge pour être

plus visibles.

Il s’agissait d’un important lieu de chasse de l’élan pendant l’Âge de Pierre ; les élans sont encore fréquents ici. Une fe-

melle broutait paisiblement un peu plus loin sur le bord de la route,

levant à peine la tête (sans bois bien sûr) au passage de notre bus,

mais aperçue trop tard

pour être photographiée.

Notons que même comme

ici au plus profond de la

campagne, les toilettes

sont en parfait état de

fonctionnement et d’une

impeccable propreté.

Trolls et mythes

Page 22: "Ma Norvège" fin juin 2013

22

Les innombrables retenues d’eau qui criblent le relief, l’exposition océanique, les plateaux et les vallées des fjords déli-

vrent d’innombrables ruisseaux, des torrents, des chutes d’eau, des cascades, des cataractes, qui se révèlent soudain au

regard après une falaise, dans le creux des vallées, qui dévalent en bondissant des parois verticales.

Certains de ces sites

font partie du circuit

convenu et voit défi-

ler des norias de bus

proprets dégurgitant

des files de touristes

ankylosés qui vont se

dégourdir les jambes.

Bien sûr, les chutes

ainsi répertoriées ne

manquent pas d’allure.

L’une d’elles, sans

être la plus puissante,

présente une topographie qui permet

sans même se mouiller, de passer à l’ar-

rière du voile d’eau, sous un rocher pro-

tecteur en surplomb. Là, comble de la

propreté norvégienne : dans les toi-

lettes, la recommandation de nettoyage

s’exprime aussi en idéogrammes, à

l’adresse des japonais pour qui la propreté

est déjà une obsession!! A moins que le

message concerne les touristes chinois, et

c’est alors une autre affaire...

Une autre abondante chute s’épanouit en

bondissant sur les rochers ; elle porte bien

sûr le nom de « voile de la mariée ».

Au recoin d’une très profonde et sombre gorge

(Voringsfossen) au bord du sommet de laquelle se retient

avec terreur un grand hôtel rouge minuscule, l’une d’elles

déverse avec constance son puissant flux dans une brume

d’embruns sur 145m de hauteur directe. Le spectacle en-

ferme chacun dans le

mutisme de la con-

templation, pour cer-

tains dans un effroi

délicieux tant qu’on

reste ainsi bien à

l’écart.

Ruisseaux, torrents

et chutes

Page 23: "Ma Norvège" fin juin 2013

23

Ailleurs, plutôt que d’emprunter

notre bus depuis un point haut, nous

descendons à pied par une route à

forte déclivité au pied de laquelle il

nous rejoindra. Elle zigzague dans

une flore dense au vert émeraude

intense.

Deux cascades gron-

dent de part et

d’autre, l’une très

haute au flux tendu

(Stalheimsfossen ; de là à

déduire hardiment que

« fossen » = gorge? Hé non, ça signifie plutôt

« chute ») ; l’autre , plus puissante, jaillit sur des

rochers puis s’abîme der- rière les arbres en un va-

carme constant, dans une torrent dont les méandres

tranquilles paressent plus loin au fond de la pe-

tite vallée encaissée.

Ailleurs, en prenant le fameux train grinçant qui relie la ville de Flam dans un recoin du

Sognefjord,à la petite gare de Myrdal à 980m d’altitude, un arrêt intermédiaire obligé per-

met d’admirer le spectacle saisissant d’une énorme cataracte (Kjosfossen) qui jaillit du

sommet assez proche de la montagne depuis le déversoir d’un lac, et s’engouffre sous le

passage de la petite voie ferrée vers la vallée (225m de hauteur au total).

Impressionnant spectacle de la colère sans faiblesse des eaux partant à l’assaut des rochers noirs imperturbables

(heureusement pour les touristes du monde qui viennent là) dans une éructation perma-

nente d’écume, se fracassant en jaillissements grondants pour se jeter enfin dans le

ravin sous la voie.

Mais pourquoi a-t-il fallu que des organisateurs zélés inventent à destination des four-

mis à caméscopes une sorte de spectacle maladroit où apparaît sur le côté droit du

monstre un minuscule personnage vêtu de rouge, censé incarner non pas un troll (comme

le croit la masse des fourmis) mais Huldra, séduisante dame de la forêt dans la mytholo-

gie nordique, sur une chorégraphie d’oi-

seau malade tournant ses maigres ailes

sur un fond sonore à peine audible? De

plus, en guise de dame, c’était plutôt un

monsieur avec perruque.

La fascination

que provoque

le spectacle

de la cata-

racte se suf-

fit pourtant

largement à

elle-même.

A trop vouloir

montrer...

Page 24: "Ma Norvège" fin juin 2013

24

L’histoire géologique de la Scandinavie explique donc

l’existence de ces bras de mer immenses qui pénètrent

très en profondeur dans l’intérieur du pays norvégien.

Ainsi la tête pédonculée du sud norvégien ressemble

plus à un talon crevassé avant passage chez le pédicure

qu’à la côte des Landes.

Mais il suffit d’entrer dans l’une de ces crevasses pour en sai-

sir la beauté, entre la mer qui pénètre jusqu’au plus profond de

chaque fjord et les sommets qui les bordent (jusqu’à 1000, 1500, 1700m) tombant le plus souvent en falaises

abruptes ou au mieux dessinant de petites vallées enclavées. Les panoramas sont somptueux.

Comparativement, les calanques marseillaises dont on ne peut contester la beauté, ne sont que des micro-fjords. Bien

sûr, si une sardine a bouché un jour le Vieux Port, Vé! Bonne Mère! c’est certain alors que la calanque d’En Vau vaut

bien le Sognefjord...

Le plus grand d’entre eux, qu’on appelle « le roi

des fjords » est en effet le Sognefjord. Il pé-

nètre ainsi d’ouest en est de 168 km à vol d’oi-

seau sur les quelques 440 km de largeur est-

ouest entre la côte et la frontière suédoise. Sa

longueur effective en suivant son contour est de

204 km. Il est le 2nd plus long du monde après

celui de Scoresby Sund au Groenland (Eric le

Rouge y a-t-il jamais navigué dans celui-là?).

Fjords somptueux,

décor pluvieux

La chaîne de montagnes des Alpes scandinaves ou Scandes s'étend tout le long de la côte ouest de la péninsule Scandinave, avec deux zones élevées, l’une au sud de la Norvège où se trouve le Galdhøpiggen (2 469 m), point culminant de la chaîne et de la Nor-vège, et une autre dans le Nord en Suède.

Elle se situe au niveau de l'an-cienne chaîne calédonienne, qui s'est formée il y a 400 millions d’an-nées lors de la collision entre l’Amérique du Nord actuelle (Laurentia) et l’actuelle Scandi-navie (Baltica), et dont l’ampleur a

été au moins comparable à l'Himalaya d’aujourd’hui. Pour s’effondrer ensuite sur elle-même et être presque entièrement aplanie par l’éro-sion dans les millions d'années qui suivent.

Le relief actuel provient d’un soulèvement tectonique des plaques con-tinentales du nord de l'océan Atlantique à partir de 60 millions d’an-nées. Cette pénéplaine s’est ensuite rehaussée puis a été érodée dans les 2 derniers millions d’années par les énormes glaciers du Quater-naire, sculptant le relief actuel.

C’est cette érosion, très importante sur le versant ouest de la chaîne, qui a formé de profondes vallées glaciaires dont beaucoup descendent sous le niveau actuel de la mer (-1300m pour le Sognefjord) , consti-tuant les célèbres fjords norvégiens.

Page 25: "Ma Norvège" fin juin 2013

25

Le tout premier contact est à Erdal.

Descendant vers le Hardanger, dans ce coquet village la grande anse sombre que forme le fjord

cerné par ses falaises constitue un intéressant panorama. Mais l’immédiate surprise, c’est ce paque-

bot accosté, dont les étages supérieurs dominent en l’écrasant de sa stature le grand hôtel du port

qui paraît là bien effacé. Comme il doit le faire à Venise dans l’enfilade d’un canal par-dessus les

palais. On ressent une sorte de curieux vide après son départ ; hé oui, il s’est enfui à notre approche comme un vieux

chien sournois qui rase les murs (les falaises sombres)! Encore sauvages les paquebots!!

Le lendemain, le temps est clair ; nous

traversons le Hardangerfjord

quelques km plus loin, qui prend des

allures de grand golfe.

En longeant ensuite l’autre rive, on

aperçoit quelques élevages du fameux

saumon nor-

végien, en pleine eau de mer du fjord, mais assez industriel ; le pou de

mer est éradiqué à coup de pesticide (la France est le 1er importateur,

non pas du pou mais du saumon ; quoique...).

D’assez beaux petits

villages aux maisons

de bois peintes de

couleurs vives signent

joliment le paysage.

Page 26: "Ma Norvège" fin juin 2013

26

Page 27: "Ma Norvège" fin juin 2013

27

L’autre mini-croisière est partie de Undredal jusqu’à Flam sur un bras sud du Sognefjord, l’Aur-

landsfjord. Cette fois, le temps est à la pluie mais les panoramas restent magnifiques.

Le petit village de départ (100 habitants, 500 chèvres disent les guides), malgré la pluie battante,

révèle une modeste église coquette, blanche aux tuiles rouges, et deux pimpantes boutiques pour

touristes dans lesquelles on trouve ce fameux fromage

de chèvre au caramel, le geitost. Fameux par la notoriété, peut-être aussi par

le goût… pour les amateurs, et qui se vend

sous forme de pains cubiques comme un savon de

Marseille.

Quand on s’en approche, l’apparente modernité de la

petite église doit être corrigée : contour des fe-

nêtres, forme du clocher sont beaucoup plus anciens.

Elle date de 1147 et fait partie de celles qui subsis-

tent encore et qu’on appelle « de bois debout », sans

cependant présenter l’architecture lyrique et la

couleur sombre du goudron d’autres églises de bois

debout vues ailleurs. C’est aussi l’une des plus pe-

tites ; à regret, elle ne se visite pas.

Le confort intérieur plutôt douillet du bateau permet

de mieux apprécier notre parcours quand les gouttes

ne cessent de frapper les vitres carénées. Même

sous la

pluie, les

panora-

mas sont

superbes.

Le bateau

est ac-

compagné

de

mouettes gourmandes et chapardeuses, planant tête

oblique et œil fureteur à l’aguet de miettes perdues

sur le pont.

Page 28: "Ma Norvège" fin juin 2013

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Perdus

au mi-

lieu du

fjord,

un

couple

de kayaks moustiques pro-

gresse à son rythme. Et le

roi des fjords révèle ses

splendeurs, en lente majes-

té, ici en contournant un cap,

là au détour d’une falaise.

Des nuages bas s’effilo-

chent, écharpent en lam-

beaux le flanc des mon-

tagnes, apportant une

touche mélancolique que ne dénieraient pas les romantiques. On ressent pourquoi de tels

cadres se prêtent aux légendes scandinaves et à leurs dieux, à la chevauchées des wal-

kyries (et non au val qui rie : aujourd’hui il pleure, bof...), ou bien peut-être même à

l’irruption de trolls et au lyrisme drapé

d’ombres et de lumière de la musique de

Grieg.

Et que serait le pay-

sage si le soleil dai-

gnait se montrer?

Mais non, la pluie

persiste quand on

aborde la belle vallée

évasée en auge de

Flam, 2h plus tard.

Là, quelques autres

bateaux et paquebots

laissent pressentir le

caractère très

(trop?) touristique du

lieu.

Et nous voilà à pied d’œuvre pour prendre le célèbre

train qui gravit la montagne jusqu’à Myrdal, et re-

tour.

Page 29: "Ma Norvège" fin juin 2013

29

Page 30: "Ma Norvège" fin juin 2013

30

A Flam, la proximité du petit train de montagne avec les bateaux sur-

prend comme s’il

s’agissait d’un para-

doxal port d’alti-

tude.

Quand on a connu

les vertiges du petit

train d’Artouste

(par exemple) dans

les Pyrénées, on est

presque déçu que le

choc ne soit pas au

rendez-vous : bien sûr il y a la couleur

chaude du bois lisse à l’intérieur des wagons, la ligne pittoresque qui s’élève progressivement

au-dessus de belles vallées, qui traverse de courts tunnels taillés dans la roche noire et lui-

sante ; bien sûr certains passages plus fragiles né-

cessitent de ralentir, où l’on frémit un peu ; bien sûr

les vallées et les cascades, les rochers dans les tor-

rents, les lacets sinueux qui gravissent la montagne

sont là ; bien sûr il y a la formidable chute d’eau du

Kjosfossen. Mais la parcours est assez convenu,

agréable sans plus, pas aussi

spectaculaire que la notoriété le

dit.

Et le plateau de la gare de Myrdal

est plutôt morne ; un train passe

juste au-dessus, reliant par le

tunnel dont on voit l’entrée Oslo à

Bergen.

Après quelques pas sur le quai, réembarquement pour la

descente. Mais les panoramas restent grandioses, si si.

De Flam à Myrdal

Page 31: "Ma Norvège" fin juin 2013

31

Dans ce pays aux longs hivers sombres, là encore toute la magie de la lumière prend son plein sens : qu’auraient été ces

paysages si le soleil avait brillé?

Persévérons : le voilà enfin en abordant les deux sites où se dressent deux superbes églises « de bois debout ».

Le beau village de Vik I Sogn (Vik signifie « anse ») dans une large et riche vallée

dominant la rive sud du Sognefjord est doté d’au moins deux églises qui se parti-

cularisent, l’une par son style roman en pierre, l’autre de bois debout.

Des fouilles ont permis de montrer que

Vik était un site de départ des raids vi-

kings. Plus tard, frappé par un glissement

de terrain en 1811, puis par la famine, Vik

a fait l’objet d’autres départs, ceux

d’émigrants allant chercher fortune en

Amérique à partir de 1840.

Ces deux églises

ont été cons-

truites au 12ème

siècle. L’église

romane en pierre

se pare de lam-

brequins de bois sculpté où apparaît le motif du dra-

gon, sous les toits de lauzes arrondies très régu-

lières.

On peut aussi voir

en cette saison où

les jours sont les

plus longs mais où la pluviométrie

reste élevée quelle est la technique

de séchage des foins : sûrement cou-

pés quand l’herbe est la plus haute,

ils sont étendus sur des rangées de supports qui évi-

tent le contact avec le sol, comme des draps sur leur

fil.

L’autre église remarquable est de bois debout, elle

aussi à l’écart du centre du village. Construite vers

1130, elle est à triple nef avec un autel gothique, et

une richesse de sculptures et de gravure du bois re-

marquables, notamment dans la manière de décliner

le thème du dragon cher aux néo-chrétiens de cette

époque.

Avec l’insigne avantage d’être libre d’accès pour les

curieux de notre espèce. Alleluia! Tel n’est pas le cas

partout.

Eglises et dragons

Page 32: "Ma Norvège" fin juin 2013

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Tout est ici d’une superbe élégance et d’un accomplissement artistique étonnant, jusque dans le dé-

tail foisonnant des entrelacs de bas en haut de l’entrée principale.

Les artisans-artistes du Moyen-Âge ont su décorer l’intérieur

harmonieusement et richement mais dans les limites de la so-

briété. A l’extérieur, les pentes succes-

sives des toits à double pente et les pi-

gnons extérieurs surmontés de dragons

tendus vers le ciel, donnent à l’ouvrage un

peu l’ allure de pagode

asiatique.

Mais la peinture gros-

sière au goudron dont

on voit le granulé des

gouttes, voire même

les petits stalactites en atté-

nuent l’exubérance. Le mariage

réussi du rustique et de l’art.

Une merveille, vrai coup de

cœur.

Page 33: "Ma Norvège" fin juin 2013

33

Comment avec ces ornementations de pignons et de

faîtes ne pas rapprocher ces dragons dressés sur les

églises de bois debout de ceux d’un bâtiment asiatique

comme le temple thaï ci-dessous par exemple?

Mais d’abord, quel

symbolisme que ce-

lui du dragon?

Pour les chrétiens

du Moyen-Âge, c’est

le démon, le mal ; il

est toujours repré-

senté terrassé par le bien

qu’incarne St Michel.

Là, dans l’art post-viking,

certains disent que c’est un

symbole positif, celui de la

force et du courage ; c’est

aussi celui, le drakkar, que les Vikings représentaient à la proue de leur knorr.

De ce point de vue, il se rapproche du dragon asiatique, symbole positif représenté aussi seul, lié à la fécondité et à la vie.

Sans qu’aucune preuve n’ait été apportée, on peut se plaire à imaginer des sens, voire des origines

communes, entre dragon viking et dragon d’Asie ; au moins des influences.

En tout cas en Scandinavie, la volonté, avec la christianisation, de ne pas se couper des fondements

païens antérieurs en adoptant cette nouvelle religion est une évidence. Bien en a pris les peuples

de l’époque, qu’on peut saluer pour les chefs-d’œuvre édifiés dans cet esprit et encore sauvegar-

dés de nos jours.

L’autre site où l’on peut voir probablement le plus bel exemple et

le mieux préservé d’une église de bois debout est celui de Laer-

dal ; c’est là l’église de Borgund, cons-

truite vers 1200, avec un étage et

une abside semi-circulaire.

La fibre commerciale norvégienne

reprend le dessus : la visite est

payante et nous n’entrerons pas.

Mais il est vrai, le site est superbe,

et l’église avec ses jupes de toits

polygonaux est une autre merveille.

Page 34: "Ma Norvège" fin juin 2013

34

Une tour-clocher médiévale bien entretenue en est la voisine et un peu plus haut une autre église

luthérienne plus récente où il nous est permis d’entrer avant l’office de 16h et l’arrivée refoulée

d’un groupe.

Sans ce robuste poêle monumental, les ouailles dans les après-

midis glacés et

sombres de l’hiver resteraient blotties

dans le confort douillet et profane

de la maison familiale.

Non loin se trouve le fameux plus

long tunnel du monde, entre Laerdal

et Aurland avec ses 24.6 km, qui

permet un accès enfin aisé au site.

Longtemps, le chemin était très dif-

ficile et dangereux jusqu’à la construction

des premières routes au début du 20ème

siècle.

Des enfants, descendants de vikings escala-

dent en riant dans un jeu innocent et vigou-

reux les pierres de granit qui délimitent le

cimetière, dans lequel les tombes ne se repè-

rent que par des pierres dressées sur le sol

de gazon.

Sobre sérénité.

Page 35: "Ma Norvège" fin juin 2013

35

D’après un article de Håkon Christie en 2008

Les premières églises érigées au 11ème siècle - période

appelée le temps des missions - étaient faites de poteaux

et de planches dressés verticalement. Poteaux plantés

dans des trous creusés dans le sol, assurant la rigidité

d’ensemble, mais exposés à la putréfaction par le sol, malgré la dureté du pin

nordique.

Ces églises archaïques n’ont pas survécu plus d'un siècle.

Alors dès le 12ème siècle, on encastre poteaux et planches non plus dans le sol

mais sur des sablières (dans le vocabulaire du charpentier) elles-mêmes po-

sées sur des fondations de pierre. Ainsi surélevés du sol, les murs sont proté-

gés de l’humidité, solution si efficace que des bâtiments de bois édifiés dans

les années 1100 sont parvenus jusqu'à nous.

C’est à leur technique de construction que les églises de bois debout doi-

vent leur nom : les murs sont faits de palis

(suite de petits pieux pointus rangés côte à côte) et poteaux dressés ver-

ticalement, encastrées en bas dans une sablière rainu- rée et en haut dans

une panne (pièce de charpente posée horizontale- ment).

L’exemple le plus imposant et aux formes les plus avancées est encore celui

de l'église de Borgund. Dans ce type d'église, la partie médiane de la nef, du

choeur et de l'abside est plus élevée que les parties extérieures ap-

pelées col- latérales (à ne pas confondre avec les galeries

extérieures qui ceinturent le

bâtiment).

Les églises de bois debout

sont de superbes cons-

tructions, très richement sculptées. Elles s’ouvrent presque

toutes sur un portail dont l'extérieur est sculpté sur toute la

hauteur. Cette tradition décorative provient des ornements

animaliers de l'ère viking. Les dragons en sont le motif préféré,

développé en créatures fantastiques aux membres intermi-

nables qui s’entrelacent avec des volutes végétales et des feuil-

lages élaborés. Ces compositions exécutées de main de maître

élèvent ces portails au rang de chefs d'œuvre de l'art national.

L'intérieur des églises de bois debout est sombre. À l'origine,

les seules sources de lumière sont les petites ouvertures circu-

laires percées dans la partie supérieure du mur de la nef. Elles

ne dispensent qu'une faible lueur.

Dans certaines églises, les colonnes s'achèvent par des chapi-

teaux qui rappellent ceux des églises de pierre romanes, mais

l'ossature de bois, dictée par les caractéristiques techniques

du matériau, garde toutefois sa pleine originalité.

Au Moyen-âge, il y a près de 1000 églises en bois debout en

Norvège. Puis elles vieillissent, se délabrent. Considérées avec

le passage au protestantisme en 1537 comme une réminiscence

du catholicisme, elles sont à bannir.

Elles sont donc rapidement remplacées par d’autres types d’édi-

fices religieux, comme les églises en rondins. En 1650, il sub-

siste encore 270 églises en bois debout.

Page 36: "Ma Norvège" fin juin 2013

36

Au 19ème siècle, avec l’industrialisation, la société se modernise. Ces vieux édifices ne sont plus con-

sidérés que comme des opportunités de récupération de matériaux de construction pour de nouvelles

maisons, dans cette période d’optimisme et de progrès où il faut faire du neuf.

De plus, une loi de 1851 décrète que les églises paroissiales doivent pouvoir accueillir au moins 30%

des paroissiens. Presqu’aucune église ancienne ne peut satisfaire ce critère.

Entre 1880 et 1885, 59 églises en bois sont démontées ou détruites. C’est dans ce climat qu’à été créée l’association de

protection du patrimoine norvégien (16.12.1944).

Aujourd’hui il ne reste que 28 églises en bois debout en Norvège.

Les piliers sont faits de ce pin nordique dont la densité et par conséquent la dureté sont réputées (sa lente croissance

explique pour partie cette caractéristique), à côté duquel nos pins et nos sapins ont une tendreté qui se prête trop bien à

la malléabilité industrielle et à la fameuse obsolescence programmée, pour des finalités souvent médiocres.

Page 37: "Ma Norvège" fin juin 2013

37

En référence à la saga de Fridtjof, le kaiser Guillaume II, dernier empereur allemand et aussi

dernier roi de Prusse (il abdique en 1918), a fait élever en 1913 une statue de 10,5m au sommet

d’un tertre de 12m sur la colline qui domine le village de Vangsnes, près de Vik I Sogn. Elle re-

présente ce personnage célèbre, guerrier posant l’épée au sol, mollet cambré, main sur la

hanche en posture avantageuse. Cadeau de remerciement à la

Norvège.

Guillaume (Wilhelm) appréciait en effet beaucoup la station

réputée de Balestrand où venaient artistes, rois, aristo-

crates, acteurs de cinéma, en face, de l’autre côté du So-

gnefjord. Dans le fameux hôtel Kvinke, décoré à la manière

des chalets suisses, il

est venu passer plu-

sieurs étés, jusqu’à la

veille de la Grande Guerre en 1914.

Intelligent, doué d’un grande mémoire, le dévelop-

pement du tissu économique allemand lui doit cer-

tainement. Mais impulsif, coléreux, orgueilleux et

fanfaron, cyclothymique, grand collectionneur

d’uniformes (jusqu’à 200) dont il se changeait deux

fois par jour, sa politique après Bismark a

été militariste, autoritaire,. Elle a contri-

bué largement au déclenchement du grand et désastreux conflit.

Sa fréquentation d’un petit cercle de jeunes nobles officiers prussiens faisait aussi

jaser, de même que la recherche dans le choix de ses vêtements et de son appa-

rence, tout comme le contour de sa moustache. Sans aller cependant jusqu’à pré-

tendre qu’il préférait le kilt ou la jupette guerrière au jupon : son pen-

chant pour la Norvège se concrétise en effet par un fils naturel qu’il

eut d’une relation avec une femme de Bergen.

De là-haut en tout cas sur la colline, le point de vue sur le Sognefjord

est splendide. Sur les pentes, des rangs bien cultivés et parfaitement

entretenus de framboisiers s’étirent lentement au soleil des longs

jours d’été. Les fraises norvégiennes sont aussi réputées pour leur

pleine saveur, qui doit beaucoup à cette longue exposition solaire, fût-

elle intermittente et même tempérée. Et

cette réputation n’est pas usurpée ; en

comparaison, certaines de nos fraises à

nous, au mieux de la saison paraissent sou-

vent bien insipides, sauf chez nos jardiniers du dimanche aux petits soins de leur culture.

Ici, la récolte avait 15 jours de retard ; nous sommes là juste à temps pour les goûter.

Balestrand et Fridtjof

Page 38: "Ma Norvège" fin juin 2013

38

Une partie du village de Laerdal est constitué de mai-

sons anciennes protégées. C’est le vieux village (Gamle

Laerdalsoryi) avec ses 161 maisons de bois, toutes plus

pittoresques et charmantes les unes que les autres,

comme une sorte de style colonial allégé aux lambre-

quins dentelés parfois d’un grand

raffinement au-dessus des balcons

et des terrasses.

Construit entre 1700 et 1800, ce

village est un remarquable témoi-

gnage de l’architecture en bois de

cette époque, qui s’agrémente de

fleurs à profusion.

La plupart sont toujours habitées,

au moins pendant la belle saison, ou ont été reconverties en hôtels paisibles et

agréables, ou en boutiques

pour touristes.

Un couple âgé, visages burinés,

décharnés et sportifs, joue

manifestement avec délecta-

tion les lézards sous le soleil

qui reparaît. En anglais, ils ra-

content volontiers qu’ils passent

l’autre partie de l’année à voyager

ailleurs, notamment aux USA.

Au bord de l’ancien quai d’accès au

fjord, quelques maisons témoins

aux toits de lauses, non repeintes ou peut-

être goudronnées qui devaient avoir une fonc-

tion dans l’activité des siècles précédents

sont conservées intactes (pêcheries du sau-

mon ou de la truite…).

Tranquillité, bonheur de vivre… On y trouve ici

des fantaisies comme cette niche à chien dont

le toit est couvert de gazon fleuri. Heureux

les chiens de Norvège, presqu’autant que les enfants-(rois).

Pittoresque palette,

cabanes et maisons

Page 39: "Ma Norvège" fin juin 2013

39

Les toits végétalisés sont fréquents. Stabili-

té et étanchéité sont en effet meilleures que celles des

toits traditionnels, ainsi que l’isolation phonique.

Quoique ce dernier intérêt soit tout relatif pour les

maisons ou les cabanes construites au fond des cam-

pagnes et des plateaux où le silence règne, si ça n’est

peut-être le vent.

Leur grande inertie thermique absorbe les brusques variations de tempéra-

ture et permet de réaliser des économies d’énergie consistantes. Leur inertie

hydrodynamique permet aussi, en cas de soudaine pluie diluvienne par exemple,

d’amortir l’écoulement par absorption. Sans parler de leur valeur esthétique.

Mais la structure est ici le plus souvent de

bois et doit pouvoir supporter le poids im-

portant de l’installation, qui peut doubler

voire tripler lorsqu’elle est gorgée d’eau.

La membrane qui assure l’étanchéité entre

la structure de bois et la couche végétale

était initialement faite d’écorce de bouleau,

remplacée dans les constructions plus mo-

dernes par un matériau synthétique adap-

té. Les coûts de réparation pour une fuite

sont aussi plus élevés qu’avec un toit tradi-

tionnel.

Le drainage et la filtration vers les gout-

tières doivent bien sûr être efficaces.

Le substrat, c’est-à-dire le terreau utili-

sée, doit être léger, résistant à l’érosion,

capable de retenir l’eau mais aussi de la

drainer, suffisamment imperméable.

Les huttes samis, dont le toit de terre est totalement enveloppant, sont un

exemple rustique mais tout aussi douillet à l’intérieur, dont on se demande si ça

n’est pas l’habitation d’un

troll, ou d’un hobbit.

On trouve fréquemment de

tels toits pour les fermes,

les cabanes de loisirs, mais aussi pour les

anciens greniers à foin ou à grain. Aujour-

d’hui, comme sur les pentes de la station

de ski de Myrkdalen, les bungalows et les immeubles d’apparte-

ments

en sont

aussi pourvus, pour le plaisir des

yeux.

Page 40: "Ma Norvège" fin juin 2013

40

Le pittoresque des maisons norvégiennes, avec ou sans toit végétalisé, mérite d’être spécialement souligné, quoiqu’on n’en ait

jamais vu que l’extérieur.

Le parti pris est ici de ne parler que des maisons ou des fermes

isolées, ou parfois appartenant à de petits villages ; et non des

maisons de ville évoquées ailleurs.

Les planches de bois de la moindre d’entre

elles jusque dans les coins les plus reculés

sont peintes de tons unis, mais variant de l’une

à l’autre, s’harmonisant ici avec la couleur

d’une barrière, là se relevant du contour

contrasté des ouvertures.

La découverte à mesure que l’on progresse le

long des routes est permanente, et toujours

agréable.

On retrouve souvent

ce rouge soutenu,

presque bordeaux,

appelé « rouge de

Falun » car la

couleur était faite

à partir de scories

d’une mine de

cuivre de cette

ville suédoise. On

dit aussi que ce

rouge était fabri-

qué aux origines à

partir du sang de

baleine. Mais la

palette est très

large, les harmo-

nies toujours réus-

sies ; les tuiles de

certains toits, les

murs eux-mêmes

sont parfois gou-

dronnés d’un goudron noir et épais.

Dans tous les cas, la ferme la plus banale prend des airs

coquets, d’autant plus que le toit se couvre de lauzes régu-

lières ou que les couleurs s’opposent entre habitation et

grange.

D’autres maisons osent sans choquer

des contrastes plus durs comme le

rouge carmin et le bleu pétrole, rappe-

lant les couleurs nationales.

Au bord des fjords ou des lacs, certaines

sont cossues, mais même le plus modeste

hangar reprend de la noblesse au-dessus du

plan d’eau.

Page 41: "Ma Norvège" fin juin 2013

41

L’intensité des couleurs vient parfois comme un antidote à la grisaille.

Souvent, un fanion allongé se

gonfle au vent, perché au sommet

d’une haute hampe ; nationalisme

tranquille.

Rarement, une grange de bois

reste en sa configuration brute,

fonctionnelle.

Parfois, un

ancien gre-

nier à foin

ou à grains,

construit

sur courts

pilotis et qui

semble en

équilibre

incertain, a

été recon-

verti en modeste résidence secondaire; et la petite

lucarne s’éclaire d’un encadrement coloré.

Peut-être là, sous le torrent traversant un pâturage, des

cabanes bergeries.

Ailleurs sur

le plateau,

une maison

vigie.

Et le long des chemins, quelques

parfaits exemples d’harmonie rustique et

de tranquille élégance, pour de belles

maisons qui se font plus riches quand on

aborde les rives d’un fjord ou un creux de

vallée.

Page 42: "Ma Norvège" fin juin 2013

42

Mais arrachons-nous, il est temps d’aller

faire un tour du côté de Bergen.

Je ne sais

pas vous,

mais on ne

s’en lasse

pas...

Page 43: "Ma Norvège" fin juin 2013

43

Allons donc en ville, vers cette cité qui fut la 1ère capitale de la Norvège

(voir l’annexe).

Malgré ici encore

un temps souvent

pluvieux, l’attrait

du port de Bergen

bien protégé de

l’Océan, adossé à

des collines hautes

au bord du fjord

est puissant. Un

voilier mexicain

mouille là, dont on

croise parfois des

marins, étonnés de cet exotisme nordique.

Belle ville, pour son fameux marché aux poissons du fond du port. On y dé-

guste des sandwichs aux fruits de mer, du

steack de baleine rouge sombre comme san-

quette, de la morue (célébrée dans la partie

ancienne par une

énorme sculp-

ture de bois représentant

probablement une morue

séchée) et l’inévitable sau-

mon. Mais aussi pour sa fa-

meuse façade de

maisons de bois avec

ses dédales de cou-

loirs et de coursives

accessibles par les

escaliers.

Bergen l’hanséatique

Page 44: "Ma Norvège" fin juin 2013

44

Mais la partie de la ville à flanc de colline avec ses rues

en rebonds, tortueuses parfois, ses chemins pentus où le

pas se retient aux courtes rangées parallèles de briques

transversales qui font relief et permettaient aux chevaux

de les gravir sans glisser, présente un charme irrésis-

tible. Les maisons de bois sont souvent flanquées d’un

jardinet accueillant derrière une barrière de bois. Le

piéton est chez lui et s’en délecte.

Là est aussi l’autre vraie

séduction de Bergen, en

s’élevant au-dessus du

port et du centre, Les

façades faites de ces palissades de planches hori-

zontales régulières si caractéristiques jouent dans

de doux tons polychromes et sages, s’harmonisant

sous les tuiles des toits à 4 pans, puis basculent par-

fois dans le vif, le contraste et l’éclat sans qu’on y

trouve à redire, bien au contraire. Les enfilades

courbes toutes en pentes dévoilent d’autres toits

vers le port, parfois plus vénérables, sans jamais de

monotonie, avec une élégance naturelle qui ajoute au

pittoresque.

Un quartier à rêver où l’on aimerait pren-

dre le temps de rencontrer les habitants,

de mieux apprécier la qualité de vie.

Page 45: "Ma Norvège" fin juin 2013

45

Parfois même, héritages plus anciens peut-être, le toit de cer-

taines maisons se relève aux quatre coins comme les anciennes

maisons portugaises, ou tranchent des tuiles en se revêtant de

noir goudron.

Le musée hanséatique offre quant à

lui des témoignages intéressants de

l’époque de la puissance commerciale

de la ville en cette période. Les salles de délibération et de ré-

fectoire sont marquées par une sobriété, voire une certaine

austérité (les riches commerçants n’exhibaient pas leur richesse)

du mobilier de

bancs et de

coffres, que

relèvent

quelques rares

et superbes ob-

jets de cuivre, et

le beau bois

sombre des murs

et du plafond à

charpente appa-

rente ; jusqu’aux

cuisines au fond

desquelles préside

un haut poêle de

céramique (?)

blanche.

Page 46: "Ma Norvège" fin juin 2013

46

Page 47: "Ma Norvège" fin juin 2013

47

Des lapons — mais il faut utiliser le nom de Samis, celui de Lapon est pour eux péjora-

tif, qui signifie « porteur de haillons »— ont

installé quelque part sur la route qui sillonne

le plateau des huttes de terre hémisphé-

riques façon igloo, sur lesquelles pousse

cette herbe drue, fleurie coquettement

par endroits.

Pour un peu, on

verrait un troll

en sortir.

L’intention est touristique ; mais le témoignage

de ces habitations semble authentique. La tran-

quille dignité des Samis, qui reçoivent les touristes pour vendre

des objets typiques réconforte quand on connaît d’autres pays,

d’autres villes où les marchands du temple ne sont que des em-

ployés zélés, rarement indigènes, au service d’un mercantilisme

intensif.

Les Samis (ou Samés, ou Saami) ont été les premiers occupants de la Scandinavie sep-

tentrionale (Suède, Norvège, Finlande et la péninsule de Kola en Russie). Ils sont les

indigènes de l’Europe du nord, mais ne constituent pas un groupe ethnique. Ils ont en commun leur

langue (d’origine finno-ougrienne : pays baltes, Scandinavie du nord, Finlande, Russie du Nord, Sibérie,

Hongrie) qui se décline en 9 dialectes dont certains sont toujours utilisés. Une étude récente montre

que même s’ils sont européens, ils ont en leurs gènes une petite part asiatique et se rapprochent de

l’ethnie turque des Iakoutes de Sibérie orientale.

Ils appellent leurs terres

ancestrales Sápmi. Les acti-

vités traditionnelles des Sa-

mis étaient originellement la

pêche et la chasse, puis à

partir du 16ème siècle l'éle-

vage de rennes en transhu-

mance. Aujourd'hui, ceux que

certaine nomment « les in-

diens blancs » représentent quelque 75 000 habitants semi-

sédentarisés en Norvège.

Les Samis ont en Suède, en Norvège et en Finlande (mais pas en

Russie) le droit de vote dans les parlements Samis, des organisations gouvernementales desti-

nées à collecter les revendica- tions des communautés samies, et démocratiquement élus par les

Samis eux-

mêmes.

La Norvège a

reconnu les

Samis comme

« peuple indi-

gène de Nor-

vège ».

Peuples d’avant

et d’aujourd’hui

En 1732, le grand naturaliste sué-dois Carl Linné ici représenté en costume sami, entreprend un voyage en Laponie pour explorer cette contrée encore très mysté-rieuse. Il en revient outré par la manière bornée dont les religieux catholiques traitent les samis.

Page 48: "Ma Norvège" fin juin 2013

48

Sur les hauteurs lointaines d’Oslo, on s’interroge sur une sorte de crête métallique, comme un accent grave ou aigu selon

qu’on vient du nord ou

du sud, qui brille au

soleil d’un éclat vif. On

croirait voir une colos-

sale sculpture métal-

lique ou bien la sil-

houette d’un brachio-

saure de métal : il s’agit

de la piste de saut à ski

d’Oslo, sur le site de

Holmenkollen. Parmi les

sports d’hiver, le saut à

ski appartient étroitement à la culture norvégienne.

Les jardins des maisons sont très souvent équipés d’une trampoline, avec

laquelle les enfants apprennent à sauter, à trouver

l’équilibre et la stabilité « en vol ». Ils se préparent

ainsi à l’étape suivante, sur de modestes sauts à la

piste de bois, pour enfin s’essayer, puis s’épanouir

sur les grandes pistes comme ici à Oslo ou bien à

Lillehammer.

Les pistes de saut d’Oslo ne sont pas taillées dans

la montagne auxquelles elles s’adossent comme à

Lillehammer, mais construites sur cett infrastruc-

ture toute de métal dont l’architecte a certaine-

ment voulu faire une véritable œuvre d’art, par-

dessus le sommet de la montagne : pari tenu. C’est

aussi ce qui la rend visible de très loin.

Notre guide raconte que tout est

fait l’hiver pour la pratique des

sports de neige ; les horaires de

travail sont aménagés pour per-

mettre aux habitants, en sortant

tôt l’après-

midi où la nuit

tombe très

vite, d’aller

pratiquer la

descente sur

les pentes

aménagées et

vivement

éclairées,

avant le re-

tour à la mai-

son.

L’envol à ski planant

Page 49: "Ma Norvège" fin juin 2013

49

L’activité sportive des norvégiens est bien connue. L’entraî-

nement aux sports d’hiver se pratique à longueur d’année.

Comme ce skieur de fond qui patine sur le bitume, ou bien

même cette jeune habitante d’un plateau qui utilise un cha-

riot à pneus tirés par 4 chiens de traîneau sur une route

reculée, en guise d’entraînement pour l’hi-

ver. A la grande joie de ses chiens-là.

Mais ce n’est qu’à Lillehammer, sur le che-

min du retour, qu’on a pu admirer l’envol

majestueux de skieurs sur une piste de

cylindres de porcelaine arrosés d’une

brume d’eau, - ils s’entraînent donc été

comme hiver -, et leur spectaculaire atter-

rissage sur le gazon de la piste tout en bas.

Décuplée pendant les 17ème Jeux Olym-

piques d’hiver de 1994 (Johann Koss fut le

héros national après avoir gagné 3

épreuves du patinage de vitesse et battu à cette occasion à chaque fois le record

du monde), les infrastructures hôtelières de cette petite ville se sont ensuite vite

retrouvées surdimensionnées. Le mode de construction a permis à certains hôtels

d’être démontés puis reconstruits ailleurs.

L’économie

« durable » est

un principe mis

en pratique

avec volonta-

risme par la

Norvège. Ainsi

Oslo se classe

au 9ème rang

mondial des

villes les plus

écologiques du

monde. L’objec-

tif est de faire de la Nor-

vège un pays neutre en car-

bone d’ici 2050.

L’un des projets consiste à

alimenter 80 bus de la ville

avec un bio gaz issu des toi-

lettes (200 000 personnes

concernées) : chacun produit

en effet l’équivalent de 8l de

diesel par an.

Alors grands et pe-

tits, soyons civiques

et solidaires! Pari-

siens, encore un ef-

fort, tous à nos

sièges! Et si la ban-

lieue se rallie, nous

pourrons contribuer

à rendre enfin la

Régie des Trans-

ports Parisiens vraiment Autonome (100% de la flotte de ses 4000

bus)…

Page 50: "Ma Norvège" fin juin 2013

50

Mais revenons à la pureté du vol.

Au bout de la descente fulgurante, l’envol se prend, bras rejetés à l’arrière, d’un puissant coup de

rein en bout de la piste étroite et vertigineuse ; puis l’oiseau, si maladroit au sol avec ses longues

spatules (albatros scandinave) s’envole avec majesté au-dessus du tremplin comme au ralenti, et les

spatules en V ouvert se font ailes, vers lesquelles le corps tendu se penche, bref planeur.

Trajectoire magique. Puis les skis viennent rejoindre et épouser l’asymptote de la piste ; là, le contact sur le gazon n’est

pas assuré. Le glissement coule ensuite tranquille ; puis l’athlète s’assoit sur ses skis pour finir carrément « en fauteuil »

bien tenu par ses hautes chaussures et ses cuisses d’acier, avant de se redresser finalement.

Un oiseau rouge suit un oiseau noir, puis un

3ème encore

rouge, et l’on

repart avec

regret.

Très haut de-

gré de prépa-

rations phy-

sique et tech-

nique, pour

quelques se-

condes de

saut.

A côté de la performance en distance, c’est l’un des sports dont

l’esthétique est la plus aboutie.

Ce sport a été inventé ici, en Norvège.

L’engouement dont il bénéficie est donc intact. Il a donné lieu à sa première compétition

en 1862 et a été introduit aux Jeux Olympiques d’hiver dès leur

création en 1924. Deux variantes de saut se différencient : le

saut à ski traditionnel pour lequel la piste d’élan est de 120m et

le vol à ski (sans parachute!!),

plus rare, où la piste est de

200m.

Récemment cependant, la Fédé-

ration internationale a dû fixer un critère d’IMC

(Indice de Masse Corporelle) pour éviter les candidats

trop légers jouant de l’anorexie pour voler plus loin!!!

Les candidats musclés sont depuis au devant de la scène, risques de dopage à la clé..

Page 51: "Ma Norvège" fin juin 2013

51

Efficacité

norvégienne

Merci à l’efficacité norvégienne!! Il y a pourtant des circonstances dans lesquelles on ne souhaiterait pas la tester.

Il suffit d’une route de plateau un

peu étroite récemment rénovée dont

les bords sont encore meubles.

Alors, quand un camion croise notre

bus sans trop se soucier de lui, notre

chauffeur serre un peu à droite, un

peu trop ; et voilà les roues qui glis-

sent dans le fossé. En quelques se-

condes, presque lentement comme

dans un ralenti, notre bus qui mar-

chait à une allure modérée se couche

irrémédiablement dans le fossé.

Quelques secondes où l’on voit le

destin s’accomplir.

Sauf pour trois d’entre nous, plus de peur que de mal, mais cependant quelques fêlures et des étirements de ligaments.

Notre surprise : les secours sont si prompts qu’ils semblaient nous attendre.

Nous voilà extirpés très vite du bus par une ouverture sur le toit (qui est

maintenant latérale) ; les services de sécurité,

l’ambulance, un hélicoptère, des minibus pour ra-

mener la plupart d’entre nous vers un lieu d’hé-

bergement : tout ça en quelques minutes, alors

que nous avions l’impression d’être au fin fond

d’une campagne très profonde et peu accessible.

Premier coup de chapeau!

Notre bus a l’air d’une coquille crevée une fois

qu’on a brisé non sans mal l’immense pare-brise,

ou bien d’un éléphant blessé qui ne parvient pas à se relever.

Puis, en dehors des personnes qu’il est nécessaire

d’acheminer par hélicoptère vers un hôpital voisin,

les autres sont amenées vers la cafeteria d’une mairie, celle de Gol le gros village

voisin dans une vallée, à la fois pour subir un examen médical si nécessaire, et pa-

tienter en attendant

un autre bus pour re-

prendre le circuit.

L’organisation du sou-

tien est là aussi remar-

quable, avec collation à

volonté, soutien psy-

chologique notamment

pour notre pauvre chauffeur lituanien désespéré de l’évène-

ment, réquisition d’interprètes sachant parler la langue (la

nôtre) parmi les habitants du village, sous la férule d’une dame

au large sourire qui gère et coordonne l’ensemble. Chacun à sa

place et au bon moment. Deuxième coup de chapeau!! Et grand

et chaleureux merci à la Norvège.

Page 52: "Ma Norvège" fin juin 2013

52

Pendant cette période dite de l’Âge de bronze de -1800 à -450, prédomine le commerce de l’ambre,

que les Scandinaves échangent avec l’Europe du Sud contre les premiers objets de métal.

La route de l'ambre est l'une des plus importantes voies de commerce de l'Antiquité. Elle re-

lie la mer Baltique à la Méditerranée en suivant le cours de la Vistule, de l'Elbe et du Danube.

L'ambre est une résine fossile. Elle provient de conifères nord européens d’il y a 40 millions d’an-

nées qui ont été engloutis ensuite par les eaux baltiques. Très recherchée par les peuples du sud,

outre son aspect translucide qui l'apparente à une gemme, on lui prêtait des vertus magiques et

curatives.

Ainsi, on a retrouvé dans la chambre funéraire du pharaon Toutânkhamon des objets faits d'ambre

de la Baltique, et l'on sait que des offrandes en ambre étaient expédiées de la mer du Nord vers le

sanctuaire d'Apollon à Delphes.

NB– Le cachalot, ce cachottier, est aussi

riche d’ambre, mais sans aucun rapport

avec l’ambre résine : c’est l’ambre gris qui

est fait de ragoutantes concrétions intes-

tinales provenant de restes de calmars, et

l’ambre blanc ou « blanc de baleine » que

l’on trouve dans une poche cérébrale (pour

les baleines plus intellectuelles).

Parmi les œuvres de bronze, l’un des plus

beaux exemples est ce char solaire danois.

L’âge de bronze

Page 53: "Ma Norvège" fin juin 2013

53

Cette période, de –400 à +800, voit la technique de forge des armes s’améliorer progressivement et

finit par doter les habitants d’une redoutable panoplie.

- les Celtes occupent l’Europe centrale et désorganisent le commerce et la route de l’ambre. En

outre, à cause d’une phase de

refroidissement de la région,

certaines populations de la

Scandinavie méridionale ten-

tent de migrer vers le sud ; ce

qui sera à l’origine des Bur-

gondes et des Lombards. Les

peuplades natives du nord, les

Samis migrent aussi vers le

Sud, celui de la Scandinavie,

entrant en conflit avec les

Scandinaves.

- C’est à partir du 3ème siècle

que l’on commence à parler de

« Norvégiens » pour désigner

les Gautars (futurs Goths) qui

vivent à l'ouest. Mais cette

origine scandinave des Goths

est controversée.

Cependant, 500 ans après les invasions de ces ostrogoths et wisigoths de la période antique sur les

côtes nord de la Mare Nostrum, il n’est pas improbable que leurs descendants installés là aient été

envahis, cette fois depuis la mer, par les autres descendants goths, les Vikings. Mais les cousins per-

dus de vue n’ont pas dû se reconnaître, tant ceux du sud avaient lutiné de brunes méditerranéennes

et perdu leur blondeur et leur stature initiales. Et les combats furent féroces.

- Jusque vers +400, la Rome antique marque plus ou moins directement son influence en Scandinavie

par les produits qu’elle vend : objet en métal et en verre, mais aussi esclaves. Les Scandinaves ven-

dent aux Romains et aux autres peuples du Sud de l'ambre, des fourrures et du cuir.

- La phase dite « germanique ancienne » dure de 400 à 600 environ. La mémoire orale transcrite plus

tard en saga (la saga des Ynglingar et celle de Beowulf) n’est pas claire. On sait cependant que

cette période est marquée par de nombreux conflits entre petits groupes de population, notamment

dans le Sud de la Scandinavie.

- Enfin, à l'époque dite « germanique récente » (600-800), la situation se stabilise un peu avec un

arrêt des grandes migrations, La Norvège reste encore très fragmentée ; ses différents peuples

pratiquent intensément le commerce. L’épée franque y fait son apparition.

L’âge de fer

Page 54: "Ma Norvège" fin juin 2013

54

La période des Vikings

On a coutume de dire que la période viking commence et s’achève en Angleterre, s’ouvrant par le pillage, en 793, du monastère de Lindisfarne (prestigieux sanctuaire symbole de la réussite de la christianisation) par des pirates nordiques et se clôturant en 1066, avec la défaite du roi de Norvège Harald Hardrada contre les Anglais lors de la bataille de Stamford Bridge.

Pendant près de 300 ans, de 800 à 1100 après JC, les vikings conquièrent, s’installent, administrent,

forment souvent des royaumes pérennes, sont à l’origine de la création de la Russie, du peuple des

Normands au nord de la France, retournent au pays, se christianisent, s’assimilant progressivement à

la chrétienté de l’Europe du Nord.

Le mot « viking » lui-même signifie dès le 7ème siècle « partant en expédition maritime », puis a été

repris en anglais au 18ème pré-romantique pour désigner un solide guerrier. Les Anglais redécou-

vrent alors ces envahisseurs et s’enthousiasment rétrospectivement pour ces conquérants qui les

avaient pourtant vaincus.

Les Vikings habitent le Danemark et, dans le continent scandinave, ces multiples petits royaumes

enclavés sur les rives des fjords adossés à la montagne. La mer pénètre là profondément et reste

tout le temps accessible, seul moyen de circuler et d’échanger. Dès le 6ème siècle, on sait qu’ils sont

d’abord commerçants à la recherche de produits que n’offrent pas leur pays, pauvre et

au rude climat, mais offrant aux civilisations du sud l’ambre de la Baltique, les peaux

(castors, loups, ours, renards, zibeline…) et l’ivoire des morses.

Déjà en contact commercial encore pacifique dès le 7ème siècle avec le monde chré-

tien, puis le monde arabe, les Vikings se frottent pen-

dant la fin du 8ème siècle à Charlemagne, porteur de l’expan-

sion puissante du christianisme et ardent prosélyte, convertissant

« par le feu et le sang » les païens, qu’ils soient saxons au nord ou issus des

goths avec les Lombards en Italie, ou les musulmans en Es- pagne.

S’opposant à la soumission, la réaction Viking est violente et contri- bue à for-

ger leur motivation de conquête et d’invasion. Puis avec les succes- seurs

carolingiens, divisés et affaiblis, le terrain devient plus propice à

leurs raids.

C’est aussi sous la poussée démographique, et pour trouver le sel et accéder aux

gisements de fer que ces peuplades lancent à partir des années 800 leurs

invasions terribles (même si ceux qui les ont subies sont seuls à en

avoir témoigné par écrit et ont certainement amplifié le caractère

d’épouvante inspiré par ces envahisseurs). Leurs adversaires sont

aussi impressionnés par leur taille, de 10 cm en moyenne plus haute

que la leur.

Epouvantable

s

géants pâles

Page 55: "Ma Norvège" fin juin 2013

55

,

Après Lindisfarne, le plein régime

des invasions commence en 833. La machine est lancée.

Appelés en France

les hommes du

Nord, les Nor-

mands, ils brûlent

Rouen en 841,

Nantes en 843, Pa-

ris succombe en 845

et Tours en 853.

Les invasions attei-

gnent l’Europe cen-

trale, contournent

l’Europe occiden-

tale, atteignent

l’Afrique du Nord.

En 844, les Vikings

pillent la Galice,

Lisbonne et Séville.

En 859-862, ils ra-

vagent les côtes du

Maroc puis gagnent

la Toscane.

De là, ils détruisent

Pise et remontent jusqu’au Rhône, à Valence où ils sont arrêtés.

Vers le Nord-Ouest, de 834 à 850, ils pillent les royaumes anglo-saxons. En 865, une véritable armée

occupe York. De raid en raid, ils arrivent jusqu’à Londres en 871.

Les anglais témoignent : « ça fait 350 ans que nous et nos pères avons habité cette aimable terre, et

jamais avant une telle terreur n’est apparue en Angleterre et maintenant nous avons souffert d’une

race païenne ; jamais ne pensions subir une telle incursion depuis la mer. Voyez l’église de St Cuth-

bert éclaboussée du sang des prêtres de Dieu, dépouillée de ses ornements : un endroit plus véné-

rable que tous en Angleterre est donné en proie aux peuples païens ».

Conquêtes

'Lo, it is nearly 350 years that we and our fathers have inhabited this most lovely land, and never before has such terror appeared in Britain as we have now suffered from a pagan race, nor was it thought that such an inroad from the sea could be made. Behold the church of St Cuthbert spattered with the blood of the priests of God, despoiled of all its ornaments; a place more venerable than all in Britain is given as a prey to pagan peoples...'. Letter from Alcuin to Ethelred, king of Northumbria.

Page 56: "Ma Norvège" fin juin 2013

56

Le bateau viking est un élément es-

sentiel des conquêtes : moyen d’exploration et de commerce mais aussi

d’incursions et d’invasions. Dès le 4ème siècle, des bateaux plus longs sont construits, dont la forme

s'affine. Vers 700 les accessoires comme le gouvernail se développent.

Ces fameux bateaux sont indument nommés drakkars en français (il ne s’agit que de leur figure de

proue qui a la forme d’un dragon, drakkar en scandinave) ; il faut les appeler knorrs ou knarrs,

A fond plat et faible tirant d’eau (1m), ils sont mus par une voile carrée ou bien les

bras de 32 rameurs. Très stables, rapides (10 nœuds et 200 km en 24h), leur tech-

nique d’assemblage permet une souplesse de déformation adaptée aux houles des

mers du nord ; ils sont faciles à manier. Leur accostage ne nécessite aucun port, ils

peuvent transporter des cargaisons importantes, hommes, femmes et bétail. Ces

qualités réunies leur permettent de jouer de l’effet de surprise, aussi bien pour

envahir que pour se retirer.

Les conquêtes et les explorations vikings doivent beaucoup aussi à la folle audace

des marins qui ont osé s’éloigner des côtes

droit vers le large, grâce à leur grande expé-

rience maritime, leur art pour se diriger quand

le sextant faisait encore partie des rêves à

venir (1730) et qu’ils ignoraient l’astrolabe et

la boussole. Audace servie aussi par ce con-

texte si particulier de l’influence extrême du

Gulf Stream, qui empêche la glaciation de la

côte jusqu’au nord, même en plein hiver. Cet

atout maritime est une constante dont ne bé-

néficient pas d’autres pays sous les mêmes

latitudes (Sibérie, Canada,…).

On voit aussi l’esthétique

rejoindre l’efficacité fonc-

tionnelle avec ces superbes

vestiges de knorrs de 22 à

24 m de long, dont la proue et la poupe sont d’une élégance re-

marquable. Ils marquaient la mémoire des populations envahies

quand débouchait de derrière les collines leur puissante volute

en tête de monstre (le dragon) dominant la proue gonflée

comme un jabot, soudain suivie de la clameur terrible des guer-

riers partant à l’assaut.

Drakkars

ou plutôt kno

rrs

Page 57: "Ma Norvège" fin juin 2013

57

Certains guerriers, les berserks

(« peau d’ours »), devaient frapper

d’hor-

reur les adversaires ; vêtus en effet de peau d’ours ou nus, ils combat-

taient en transe, probablement sous l’emprise d’une drogue, roulant

des yeux, l’écume à la bouche, mordant leurs boucliers, invincibles dans

l’action, s’effondrant ensuite. Et aujourd’hui héros invraisemblables de

mangas violents.

Le fameux et coquet casque à cornes

est certes d’origine scandinave, mais

beaucoup plus

ancien. Il n’existe plus à l’époque viking :

pénurie de vaches?… Il ressemblait plutôt à

ça, comme d’ailleurs ceux de leurs adver-

saires anglais ou francs.

Avec les mêmes bateaux, les guerriers en-

vahissaient et conquéraient les îles et les

contrées, puis venaient les coloniser avec

hommes et bétail, repoussant ou composant

avec les populations locales, ou bien s’installant dans des régions

encore vierges.

Ce sont sans exclusive mais principalement les danois qui s’engagent vers l’ouest et le sud, les sué-

dois (appelés Varègues localement, mais Rus plus largement en Europe continentale) vers la Russie

qu’ils fondent sur ses premières bases et administrent à la demande même des Slaves locaux, et

les norvégiens vers

l’Atlantique nord,

l’Islande, le Groenland

et même l’Amérique du

Nord.

De fait, les Îles Bri-

tanniques attirent

aussi bien Danois que

Norvégiens, mais ce

sont surtout les Da-

nois qui vont vers

l’Angleterre. Cette

période d’invasions est

appelée « l’Âge

sombre » par les bri-

tanniques.

Page 58: "Ma Norvège" fin juin 2013

58

Cette carte du monde atlantique sep-

tentrional montre l’ampleur des in-

cursions, avec l’Europe à droite et le

nord du Canada à gauche.

L'Écosse est la cible des Norvégiens et les Or-

cades sont colonisées au cours du 9ème siècle de même

que les Shetland. Par contre dans les Hébrides, ils sont

assimilés par les populations locales.

En Irlande, où ils sont appelés là les « pâles étran-

gers » (Finn-gall, mais de fait il s’agirait plutôt des

« tribus étrangères »), ils fondent un petit

royaume près de Dublin, qui subsiste jusqu'en 1052.

L'origine exacte de Rollon, fondateur du duché de Nor-

mandie est discutée, l'une des hypothèses avancée

étant une origine norvégienne, mais ses troupes se com-

posaient pour la plupart de Danois.

Tous les vikings ne partent pas de leur propre initiative. Certains sont même

condamnés à l’exil, la crème de la crème dans la violence… C’est le cas du fa-

meux Eric le Rouge (vers 950-1003), né en Norvège, banni pour meurtres et

rapines, qui vers l’ouest, s’installe en Islande, découvre le Groenland vers 985,

le nomme (c’est dire qu’elle était verte cette île continent) et fonde là une

colonie norvégienne.

Son fils Leif Ericsson (fils d’Eric) lance une expédition plus à l'ouest. Le conti-

nent américain n’est pas si loin. L’a-t-on surnommé « le chanceux » pour l’avoir

atteint?

Il s'installe dans le Vinland, correspondant sans

doute au futur Canada (à

peu près 500 ans avant

Christophe Colomb, mais

sans en faire une colonie

durable : l’aimable accueil

des indiens est très acéré

et les flèches tombent en

pluie ; dehors les géants

blonds roux et la terre aux Peaux

Rouges!!!

Vikings au Can

ada

Page 59: "Ma Norvège" fin juin 2013

59

Helge Ingstad, fameux archéologue

norvégien découvre en 1960 les

restes d’une implantation viking de la

période entre 980 et 1020. Les recherches

menées jusqu’en 1970 apportent la preuve de

cette origine à L'Anse aux Meadows (beau mé-

lange des langues qui a dû signifier d’abord en

français l’Anse aux Méduses) à la pointe Nord

Est de Terre Neuve et

du Nouveau Brunswick

au Canada.

Hommage lui est rendu

ainsi qu’à sa femme à

l’entrée du Musée Vi-

king d’Oslo.

Mais les exégètes discutent encore âprement

pour savoir s’il y avait du vin (ce pays était nommé

Vinland), si ce fut le point de départ d’explora-

tions vers le sud, et comment cette importante

parcelle d’histoire s’articule avec les sagas vikings

du 13ème siècle (ce sont elles qui ont orienté les

archéologues vers le Canada).

Et pendant ce temps-là, au pays, que se passe-t-

il?

La vie continue son train train et chacun vaque : le

continent scandinave s’organise et se développe.

Même si l’histoire de la Norvège à l'époque viking

et jusqu'à son unification reste mal connue, on sait que le territoire, sauf le Nord occupé par

les Samis, est alors divisé en 29 petits royaumes (ou plus modestement districts), appelés fylke,

correspondent à une zone géographique, souvent autour d'un fjord.

Chaque fylke dispose d’une assemblée de représentants des villages ou des provinces, le thing. Ces

petits royaumes sont indépendants, ruraux, autarciques ; il y prédomine l’élevage, la chasse et la

pêche dans les vallées enclavées des fjords.

Mais, début d’unification, les différents fylker se regroupent en quatre rassemblements régionaux

pour certaines activités notamment militaires, géographiquement réparties.

Les seigneurs locaux portent des noms que l’on croit sortir de la saga (moderne) du Seigneur des

Anneaux ; ou bien plutôt Tolkien s’est-il inspiré de cette patronymie ?

Pendant ce te

mps,

en Scandinavie

Page 60: "Ma Norvège" fin juin 2013

60

C’est la dynastie des Ynglingar, origi-

naire de Suède et contrôlant

le Vestfold, qui est à l'origine de

l’unification :

- Halfdan le Noir (1/2 ceinture noire?!!) soumet le sud-est et s'installe sur la côte sud-ouest.

- Harald aux Beaux Cheveux, son fils, après la bataille de Hafrsfjord en 872,

unifie les régions côtières du sud vers 870.

Selon les sagas de l'époque, il a d’abord été « crépu » puis

« ébouriffé » pour avoir fait le vœu de ne pas couper ni peigner

ses cheveux tant qu’il ne serait pas roi de Norvège, tout ça pour

épouser la fille d’un roi voisin.

Là, c’est avant.

Devenu roi, il lui reste à démêler ses cheveux, s’épouiller, prendre un bon shampoing

viking suivi d’un brushing avec un peigne en ivoire de morse, puis touche finale à se

parfumer avec une rasade d’Aquavit, et le jeune premier peut épouser Gyda.

C’est ainsi après qu’il devient Harald à la Belle Chevelure (voyez mesdames la

différence et les blondes bouclettes).

Puis il établit les premiers impôts royaux. Comme quoi, pour entre-

tenir son opulente toison, Harald n’hésite pas à tondre ses sujets,

Il est considéré comme le premier roi de Norvège.

Mais comme toujours, les successions sont difficiles. Le partage de l'héritage entre les

différents enfants du souverain conduit à des épisodes à côté desquels les règlements de

comptes à la kalach dans les quartiers nord de Marseille sont des bluettes.

Ainsi un fils de Harald 1er, Éric Ier, le bien nommé « hache sanglante », tru-

cide pas moins de 18 de ses frères (sauf un), se proclame roi de Norvège,

mais ne gouverne en réalité que le Vestlandet.

Il est détrôné en 933 par son dernier frère épargné Haakon Ier qui s’était prudem-

ment réfugié en Angleterre, dit le Bon (pour avoir épargné son frère multi fratri-

cide ?).

Baptisé en Angleterre, celui-ci veut christianiser la Norvège, mais se heurte à de

vives résistances.

L’opposition à la foi chrétienne est cependant ensuite brisée plus tard avec violence

d'abord par le roi Olaf Tryggvason, baptisé en 995 et appelé Olaf 1er, celui qui fonde

Trondheim (Nidaros) en 997. Vaincu à son tour par une coalition dano-suédoise en l’an

1000, son œuvre est achevée par Olaf Haraldson (1016-1028).

Première Norvège

Page 61: "Ma Norvège" fin juin 2013

61

Au 10ème siècle, la civilisation viking

fait l’objet de plusieurs témoignages

d’émissaires du sud, qui soulignent

la manière dont ils rendent hom-

mage à leurs seigneurs, rassem-

blent le knarr et différents objets

et armes du défunt, puis le plus

souvent les brûlent.

Cependant, même si ces témoi-

gnages divergent sur leur manière

de vivre, leur propreté, leur cul-

ture, ils présentent certainement

une meilleure objectivité que les

témoignages des européens envahis

et épouvantés. Car la relation entre

Arabes et Vikings était en effet

d’abord commerciale.

Un chroniqueur arabe, inégalé dans le

détail de ses descriptions, Ibn Fadlan

rencontre les « Rus » (Vikings sué-

dois, ou Varègues, qui commercent

avec les Perses, les Grecs, les Arabes)

sur la Volga vers 921-922, allant à la

rencontre d’un roi Bulgare de l’époque

qui souhaitait une instruction sur

l’Islam. Dans sa relation intitulée

« Risala », 20% est dévolu aux

« Rus ».

« Je n’ai jamais vu de spécimen au physique si parfait, grands comme des palmiers, cheveux blonds et la peau vermeil… et les pommettes hautes. Chaque homme a une hache, une épée et un couteau dont il ne se défait jamais… ».. Mais il dit aussi « Ce sont les créatures de Dieu les plus sales, … même s’ils se lavent les mains, la face et peignent leurs cheveux chaque jour, ils le font de la manière la plus dégoûtante possible, dans une bassine commune... Les hommes sont tatoués des ongles des pieds jusqu’au cou de dessins vert sombre». Il décrit aussi des beuveries et des scènes de débauche. Shocking pour ce musulman raffiné habitué aux ablutions à l’eau cou-

rante et à des mœurs plus civilisées. Il dit aussi que les femmes portent des colliers d’or ou d’argent, et de nombreux objets faits de perles ; il rend hommage à la

prouesse et au courage des hommes dans les combats (les Varègues constitueront des milices réputées à Byzance).

Sur le plan religieux, il décrit un officiant viking qui choisit à son gré le bétail ou l’humain (homme ou femme) qui sera sacrifié

par pendaison.

Il assiste aussi aux funérailles sur la Volga d’un chef viking brûlé avec son bateau, entouré de nourriture, de boissons, de che-

vaux et de chiens, de ses armes, mais aussi d’une esclave qui avait demandé à être brûlée avec lui.

Par contre, un autre témoin explorateur perse, qui voit les « Rus » à Novgorod, Ibn Rustah, dit au 10ème siècle « qu’ils sont propres pour leurs vêtements et traitent bien leurs esclaves ». Ont-ils vu les mêmes peuplades?

Un arabe de Cordoue, Al Tartushi décrit un marché danois : bruyant, sale, où les gens suspendent les animaux sacrifiés sur un

pieu devant leur maison : mais il dit qu’aussi bien les femmes que les hommes se fardent les yeux, ce qui accroît leur beauté.

Page 62: "Ma Norvège" fin juin 2013

62

Ensuite, l’histoire est complexe.

Scandinavie et îles britanniques partiellement sous influence viking

veulent gagner le pouvoir, avec des alliances qui déjà se font et se défont entre Danois, Suédois et

Norvégiens. La dynastie Ynglingar et des jarl de Lade (« jarl » est équivalent de duc ou de conte en

langue scandinave, de earl en anglais) joue un rôle important.

Les années 1030 à 1066 sont marquées par de nouvelles et déterminantes tentatives d'unir Norvège,

Danemark et/ou Angleterre.

De retour d’un exil en Russie centrale puis à Constantinople, Harald III Hardrada (1) (qui signifie

« sévère »), un géant de 2m, veut reconquérir l'Angleterre sur laquelle il estime avoir des droits. En

bon chemin, il est surpris par l’arrivée rapide du beau blond Harold (2) roi d’Angleterre (anglo-saxon

peut-être descendant de danois, dont un chroniqueur Orderic Vital, un moine anglo-normand contem-

porain disait : « Cet Anglais était très grand et

élégant, remarquable pour sa force physique,

son courage et son éloquence, ses plaisanteries

vives et ses actes de bravoure », mais il est con-

nu pour trahir ses serments et

notamment un qu’il avait fait à

Guillaume le bâtard). Harald

Hardrada le roi viking n’a pas

même le temps d’enfiler sa

cotte de mailles. Défait, il est

tué dans le Yorkshire à la ba-

taille de Stamford Bridge le 5

septembre 1066. Des 300 ba-

teaux vikings envoyés, seuls 25

reviennent en Norvège.

Harald Hardrada est considéré comme le dernier roi Viking. Notons que Harald (le viking) et Harold (le saxon) étaient tous deux très grands, dignes

descendants des lignées scandinaves.

Deux semaines plus tard seulement, un 3ème larron va brillamment tirer son épingle du

jeu. Harold d’Angleterre, dont les forces sont déjà épuisées après sa victoire contre

Harald, est battu et tué à son tour à la fameuse bataille de Hastings (cf la tapis-

serie déroulante de Bayeux) par Guillaume le Conquérant le Normand (3) (bâtard,

très probable descendant de Rollon le viking, peut-être danois après les invasions

du siècle précédent). Il prend sa place sur le trône anglais le 25 décembre à West-

minster. Par rapport à ses récents adversaires, il ne mesurait « que 1,80m » mais

fut longtemps robuste.

Harold II est le dernier roi saxon d’Angleterre.

Etrange carrefour de l’histoire,

dont le trône d’Angleterre était

l’enjeu.

Ceci met fin en tout cas aux ten-

tatives d'union anglo-scandinave.

1

3

2

Page 63: "Ma Norvège" fin juin 2013

63

Avant la conversion des Vikings au

christianisme, existait tout un pan-

théon de dieux et déesses, qui consti-

tue des croyances, sans construction

d’une foi véritable, ni prêtre, ni

temple, ni dogme. Ces croyances font

des Vikings des peuplades qui ne

croient pas au fatalisme, et ne voient

qu’un moyen de modifier leur destin :

leur propre action. Quand un chef

viking a un enfant

mâle, d’après Ibn

Rustah il dit, je-

tant son épée au

sol : « Je ne te lèguerai aucun bien : tu n’auras que ce que tu peux te procurer avec cette arme. »

Odin (ou Wotan) , vieux et sage, borgne à la longue barbe grise est le chef des

dieux et vit dans le Walhalla. Thor l’un de ses fils est le dieu des guerriers, Frigg

la déesse de la fertilité du sol et du bétail est la femme d’Odin,

Les dieux ont de dangereux adversaires ­ les jotuns, (ou géants) ­ qui représen-

tent la face obscure de la vie (cf les trolls archaïques). Loki, l’un de leurs fils est

un sorcier fourbe en qui les autres dieux n'ont pas confiance

Cette mythologie est assez comparable à celle des dieux grecs et romains de l’an-

tiquité.

Elle est reprise largement dans les œuvres de Wagner.

Déjà en contact commercial encore pacifique dès le 7ème siècle avec le

monde chrétien, ils s’y opposent d’abord au 8ème siècle en réaction au

sanglant prosélytisme de Charlemagne.

Mais à mesure qu’ils envahissent les pays chrétiens, ils commencent au

9ème siècle à voir dans cette religion une opportunité de consolidation de

leur pouvoir et d’unification des clans.

En Norvège, ce sont surtout des missionnaires anglo-saxons qui engagent

une action de conversion. Cette politique porte ses fruits sur la côte,

moins à l'intérieur des terres où la population reste païenne plus long-

temps. Mais au total, l'adoption du christianisme semble s'être faite rapi-

dement malgré certaine résistances sanglantes déjà évoqué es.

C’est de cette période que commence la construction d’un millier d’églises

dites « en bois debout », dont 28 existent encore aujourd’hui.

Christianis

ation

Page 64: "Ma Norvège" fin juin 2013

64

De 1100 jusqu’en 1320, la Norvège :

- voit s’affronter les descendants de Sigurd 1er,

- puis sous l’influence croissante de l’église, sacre son

premier roi, Magnus V en 1164, à Bergen,. La ville est

confirmée alors dans son statut de capitale du

royaume de Norvège. Puis Magnus V est à son tour

contesté .

- est ensuite administrée par

Sverre Sigurdsson, habile homme

d’état qui est sacré roi en 1194 à

Bergen,. Il établit une monarchie puissante, combattant les grandes familles et

la puissance de l’église, réorganisant l’administration locale dans le sens du ren-

forcement du pouvoir royal. La tête un peu gargouille de Sverre exprime une

volonté à toute épreuve.

- atteint son apogée écono-

mique, culturelle et politique

au Moyen Âge sous le règne

de Haakon IV dit l’Ancien (1217 à 1263) qui, se

dégageant de ses relations anciennes avec la Scan-

dinavie, la Russie et les îles britanniques, se tourne

vers l’Europe occidentale,

Sa réputation et sa grande flotte lui permettent

d’entretenir de bonnes relations tant avec le Pape

qu’avec le Saint Empire Romain malgré leurs con-

flits en cours. Il lui est même proposé par St Louis

de prendre la tête de la flotte pour l’une des croi-

sades, ce qu’il décline.

Il introduit plus avant la culture européenne en

Norvège en important et traduisant de grands

textes comme Tristan et Iseult ou la légende du

Roi Arthur.

Le territoire norvégien sera le plus important de l’histoire du pays à la fin de son

règne, incluant l’Islande et le Groenland.

- affaiblit son aristocratie terrienne avec Hakon V et devient une nation de pro-

priétaires paysans nombreux. C’est ce roi qui, vers 1300, fait d’Oslo sa résidence

permanente au détriment de Bergen, moins centrale dans la volonté d’unification.

La Norvège au Moyen

Âge, court âg

e d’or

Page 65: "Ma Norvège" fin juin 2013

65

Après la fondation

de Lübeck (vers 1158), se

crée la « Communauté des

marchands allemands sai-

sonniers de Go-

tland » (1161). Ses mar-

chands et ceux de Ham-

bourg obtiennent du roi

Henri III d’Angleterre en

1266-67 le droit de consti-

tuer des associations.

Celles-ci fusionnent avec la

Hanse de Cologne (1281)

pour former la Hanse teu-

tonique.

La Hanse est donc cette

puissante association de

cités marchandes de la

Baltique et de la mer du

Nord.

Celle-ci devient progressivement une association de villes marchandes, constituée vers 1350 et do-

tée d'une diète en 1356. Elle regroupe 70 à 80 villes qui en sont le noyau actif et plus d'une centaine

qui entretiennent des relations avec elles.

Sa croissance a lieu dans un

monde où colonisation et évan-

gélisation vont de pair, avec la

montée des Chevaliers Teuto-

niques. Cet ordre issu de la

période des Croisades finit en

1400 par posséder la Prusse et

d’autres contrées le long de la

Baltique, avant de décliner en-

suite sous l’emprise du luxe, de

la débauche, de la débâcle fi-

nancière

Le déclin de La Hanse s'accé-

lère après la défaite contre les

Danois (1534-1535). Elle survit

à la guerre de Trente Ans, mais sa dernière diète se tient en 1669. Elle aura duré presque 400 ans.

La Hanse et le

déclin

Page 66: "Ma Norvège" fin juin 2013

66

Bergen (et son fameux quai Bryggen) est l’un des 4

comptoirs permanents de la Hanse (avec Londres,

Bruges et Novgorod). A ce titre, Bergen prend un

essor remarquable dans la période 1347 à 1563 sans

faire pour autant partie des villes hanséatiques.

Ici une représentation en 1581 et une autre en 1816.

En 1349, la terrible peste noire introduite par un bateau anglais, et d’autres épidémies déci-

ment le tiers de la population.

Pour la Norvège, la conjonction des conséquences économique (avec les pertes liées au commerce

désormais détourné par la Hanse), sociales (avec les épidémies), climatiques (un refroidissement

de la région) et agricoles (les terres s’appauvrissent) fait entrer le pays dans une période de fa-

mines et de récession.

Après plusieurs rois successifs, la

couronne de Norvège échoit de fait

vers 1380 à Marguerite Ire Valde-

marsdatter, fille du roi du Danemark.

Maîtresse femme, elle devient, à la

mort de son fils l’héritier Olaf, souve-

raine de Norvège et du Danemark,

puis de Suède en 1389.

Elle fait ensuite élire son petit-neveu

Eric de Poméranie (très toutou de sa

grand-tante, même

s’il n’avait rien d’un

loulou) pour facili-

ter une alliance

avec les Allemands.

Page 67: "Ma Norvège" fin juin 2013

67

La réunion des trois pays Norvège, Danemark, Suède est scellée par l’Union de Kalmar en 1397 : les

trois pays s'accordent pour avoir toujours le même roi, ainsi qu'un organe consultatif commun, chaque

pays conservant son propre système législatif.

Mais l'Union fonctionne mal notamment du fait de la Suède. Elle est formellement dissoute par le

départ de la Suède en 1523 sous l’impulsion de Gustave Vasa.

Puis la Norvège devient danoise

Dès 1536, Christian III, le pas commode roi du Danemark déclare unilatérale-

ment que la Norvège est province danoise, ce que n’entérine pas le Conseil royal

danois.

Mais il passe outre, dissout le Conseil royal norvégien, et la Norvège passe sous

administration danoise qui occupe les fonctions principales du pays. Déjà bien

affaiblie, la Norvège ne résiste pas.

Plus luthérien que Luther : dans la foulée, avec l’aide du duché allemand d’Holstein

(qui n’est pas encore le nom d’une race de vache hollandaise à gros pis), Christian

III introduit et impose brutalement contre les catholiques encore nombreux la

Réforme luthérienne dès 1537 ; Martin Luther lui-même blâme cette violence.

Il renfloue les caisses royales en sécularisant les biens ecclésiastiques, détournant la dîme au profit

des nobles danois implantés en Norvège, acceptant seulement de garder en place les prêtres locaux

s’ils se soumettent à ces nouvelles règles.

Néanmoins au 16ème siècle, l’économie norvégienne se redresse, notamment avec la pêche (celle du

hareng spécialement qui s’exporte vers l’Italie, le Portugal) et surtout le bois exporté vers l’Europe

occidentale fortement demandeuse, et dont la production recourt à de nouvelles techniques de sciage.

Cet essor concerne aussi l’extraction du cuivre, de l'argent et surtout du fer. Le commerce internatio-

nal se développe dans la seconde moitié du siècle.

Vers 1600, un conflit dano-suédois concernant les frontières mal définies du pays finnois tourne en

1613 à l’avantage des danois, et le Finnmark devient possession norvégienne.

Au 17ème siècle, les villes norvégiennes croissent lentement même si vers 1650 la plus peuplée des villes

norvégiennes, Bergen, ne compte que 8 000 habitants.

Quelques villes nouvelles sont créées, essentiellement autour d'une activité

économique.

Oslo, incendiée en 1624, répond à une autre logique : elle est rebâtie un peu à

l’ouest. En hommage à son reconstructeur Christian IV du Danemark, elle est

baptisée Christiana, ce nom qu’elle portera pendant 3 siècles jusqu’en 1924.

L’Union de Kalmar

Norvège danois

e

Page 68: "Ma Norvège" fin juin 2013

68

La rivalité dano-suédoise persiste, la frontière entre Suède et Norvège évolue ; la Suède finit même

en 1658 par accéder à la mer de Norvège en prenant possession de la province de Trondheim, cou-

pant la Norvège en deux. Affaiblie par la Russie, elle la restitue sous la pression danoise en 1660. De

cette époque date la frontière actuelle entre Norvège et Suède

Le roi Frédéric III du Danemark impose la monarchie absolue en

1660, avec une organisation administrative qu’il applique radicale-

ment à la Norvège.

Le nouveau code des lois

issu largement du droit

danois introduit en 1687

par son successeur Chris-

tian V (voilà un roi qui a

voulu s’inspirer du viking

Harald aux beaux che-

veux, mais dont ni le brus-

hing ni la couleur ne sont

à la hauteur) et le con-

trôle administratf danois

finissent par susciter un

mouvement de révolte chez les Norvégiens.

Au 18ème siècle, le commerce du bois reste florissant mais

certaines forêts commencent à s'épuiser. La Norvège

développe la pelleterie et l'armement. Son urbanisation

reste faible. Bergen n’atteint que 14 000 habitants envi-

ron en 1770, alors qu'Oslo reste à moins de 10 000.

Le courant patriotique norvégien se développe à partir de 1760 par la création d’organismes culturels

propres (Académie des Sciences, université), et plus encore au plan économique : conscient du re-

dressement norvégien, certains veulent introduire des investissements capitalistes, créer une

banque centrale.

Les maîtres des forges nourrissent l’idée d’une séparation d’avec le Danemark et d’un rapprochement

avec la Suède.

A la Révolution française, le Danemark est neutre mais se rapproche en 1807 de la France et Napo-

léon. A l’inverse, la Suède s’engage en 1805 contre la France (voir l’épisode Bernadotte) avec l’arrière

-pensée de s’approprier la Norvège en cas de victoire.

Mais la Norvège subit durement le blocus continental de Napoléon et de ce fait diverge du Danemark

en se rapprochant de la Suède.

Norvège danois

e

(1536 à 1814

)

Page 69: "Ma Norvège" fin juin 2013

69

A la fin des guerres napoléoniennes, Carl Johann de Suède, Bernadotte, s’at-

taque en janvier 1814 au Danemark et obtient par le traité de Kiel que la Nor-

vège soit transférée du Danemark à la Suède (excepté le Groenland, l’Islande

et les îles Feroé).

En réaction, le gouverneur général danois de Norvège proclame l’indépendance

de la Norvège en avril et fait adopter en mai une Constitution inspirée de la

Constitution française de 1791.

Carl Johann engage alors des actions militaires victorieuses contre les danois,

qui se ponctuent le 14 août par la convention de Moss. Elle établit que les deux

royaumes Suède et Norvège sont unis sous le même souverain mais chacun con-

serve son indépendance et la Constitution de mai n’est pas remise en

cause.

Jusqu’en 1870, le législa- tif (le Storting) est dominé par les forces conservatrices. Puis

comme ailleurs en Eu- rope du Nord émergent le socialisme plutôt de nature travailliste et le

bipartisme du législatif. La gauche (Venstre) et la droite (Hoyre) veulent introduire une monar-

chie constitutionnelle. Après une crise et des élections dont la gauche sort gagnante, le roi

s’incline et accepte le nouveau régime parlementaire.

Le sentiment nationaliste norvégien fait aussi son chemin, même si la coha-

bitation entre les deux pays se passe sans heurt majeur.

Vers 1880, la Suède prend des mesures protectionnistes qui n’arrangent pas

le commerce maritime des norvégiens. Ces derniers adoptent alors en 1892

une résolution pour créer des consulats norvégiens en propre, ce que la

Suède refuse.

La crise dure jusqu’en 1905, où la Norvège

récuse en juin le roi de Suède Oscar II.

Enfin là, la Norvège devient indépendante.

Une commission finit par proposer le 13

août 1905 que l’Union soit dissoute à la

con- dition que les norvégiens approuvent

cette décision par référendum : 368208

pour et 184 contre.

Après un difficile travail sur les modalités de sépara-

tion, l’Union est officielle- ment dissoute le 26 octobre.

Cependant, c’est la date de la 1ère Constitution norvégienne du 17 mai 1814 qui est

la fête nationale.

Norvège suédo

ise

(1814 à 1905

)

Page 70: "Ma Norvège" fin juin 2013

70

Toujours en manque… de danois cette fois, mais pour asseoir la légitimité de la

monarchie constitutionnelle.

Le monarque pressenti pour prendre le trône de la Norvège est en effet le

prince Charles de Danemark.

Fridtjof Nansen ardent promoteur de l’indépendance en 1905

parvient à le convaincre d’accepter le trône norvégien. Il ac-

quiesce à la condition qu’un nouveau référendum confirme le

maintien de la monarchie parlementaire. Principe adopté par

79% des voix le 13 novembre 1905. Le nouveau roi est proclamé

le 18 novembre sous le nom de Haakon VII.

A cette époque, la Norvège a beaucoup perdu sur le plan écono-

mique dont le niveau très bas se rapproche de celui des pays d’Europe de l’Est. Une

bonne partie de la population a émigré aux Etats-Unis et en Irlande. Le pays manque

d’élites.

Dans sa nouvelle vie d’indépendance, le vote est totalement ouvert aux femmes en 1913, une politique

sociale avancée est promue dans les années 1915 à 20.

Neutre et plutôt isolationniste pendant la Grande Guerre, la Norvège souffre cependant de la perte

de la moitié de sa flotte marchande, et instaure le rationnement alors que l’inflation est forte.

Dans l’entre-deux-guerres, le parti travailliste continue à déployer ses réformes (congés payés, as-

surance chômage, retraites pour tous en 1936,…), mais doit combattre l’inflation et le chômage qui

reste élevé.

Au cours de la même période, la Norvège apporta un soutien actif à la mise en place d’organisations

consacrées à la sécurité collective, par exemple la Société des Nations (SDN) en

1920.

Par son engagement personnel, le même Fridtjof Nansen contribue à établir une

tradition norvégienne d’aide humanitaire et d’assistance au niveau international. Il

en est récompensé par l’attribution en 1922 du prix Nobel de la Paix pour son rôle

en faveur des victimes déplacées lors de la 1ère Guerre mondiale. L’Office interna-

tional Jansen pour les Réfugiés, créé par la SDN juste avant sa mort subite en

1930 reçoit à son tour le Prix Nobel de la Paix en 1938.

Beau retour de l’histoire qui récompense, dans une période tourmentée de l’histoire

du monde, un norvégien exceptionnel, avec le seul Prix Nobel qui soit attribué en

Norvège, celui de la Paix.

Premiers pas

indépendants

Page 71: "Ma Norvège" fin juin 2013

71

Un parti nationaliste lié au parti nazi allemand est créé en 1933.

Pendant la 2nde Guerre mondiale, la

Norvège dont la situation en Europe du

Nord est stratégique (façade océa-

nique accessible hiver comme été et

façade arctique), a du mal à maintenir

sa neutralité et refuse le passage à

tous belligérants de quelque bord qu’ils

soient. Qu’à cela ne tienne, les Alle-

mands envahissent le pays en avril

1940, où les alliés franco-britanniques

viennent les combattre. Mais c’est

l’échec, ces derniers se retirent en juin

et la Norvège capitule.

Le roi et le gouvernement en exil à Londres participent aux actions des alliés, notamment avec

plus de 100 navires de la marine norvégienne et la mise à disposition d’une partie de l’énorme

flotte marchande.

A partir de 1942, un gouvernement norvégien pro-nazi gouverne, suscitant une résistance de la

part des anti-nazis. Après la défaite allemande en 1945, ses membres sont condamnés à mort ; la

peine capitale est rétablie pour cette occasion.

En 1946, dans la ligne de recherche des solutions internationales paci-

fiques, l’ONU nomme son 1er secrétaire général, et il est norvégien,

Trygve Lie (ça n’a pourtant pas l’air d’être sa tasse de thé).

Sortie exsangue de la guerre, grâce malgré tout à ses ressources (la

pêche, la production hydraulique, puis le pétrole à partir de 1960) elle se

redresse rapidement.

Pendant à peu près 20 ans, le parti travailliste gouverne cette démocratie

sociale, consolide la notion d’Etat providence, renforce l’égalité entre ci-

toyens et la parité homme femme, redistribue adroitement les ressources,

crée les allocations familiales en 1946, adhère enfin à l’OTAN du fait de la

montée d’une menace soviétique proche de ses frontières.

Avec l’introduction de zones économiques exclusives de 200 milles marins

dans les années 1970, la Norvège, pays maritime, dispose de zones mari-

times d’une superficie totale de deux millions de km2, soit cinq fois plus que la superficie de la

Norvège continentale !

Et par la même occasion s’assure du contrôle des considérables ressources de pétrole et de

gaz découvertes à partir de 1960, qui vont bouleverser son économie et sa situation dans le

monde.

Après deux refus en 1972 et 1994 d’entrer dans l’UE, les débats continuent ardemment et divi-

sent les deux camps (à peu près à moitié), même si la Norvège appartient à l’espace économique

européen comme l’Islande et à l’espace Schengen depuis 2001.

D’un clivage entre ouverture vers l’extérieur et isolationnisme, la Norvège est passée à une oppo-

sition entre les considérations de sécurité du pays à forte connotation politique et son rôle huma-

nitaire dans le monde, très empreint d’idéalisme que ses nouvelles grandes richesses rendent réa-

lisables.

Cette social démocratie reste quoi qu’il en soit plus transparente et ouverte qu’en Europe de

l’ouest et du sud.

Page 72: "Ma Norvège" fin juin 2013

72

Fridtjof Nansen Né en 1861, dès 26 ans, il est animé d’une passion

pour l’exploration, et commence par tenter de

franchir la calotte glaciaire du Groenland en

1888.

L’opération, un

succès, lui per-

met de dégager

une hypothèse

des grands cou-

rants marins arc-

tiques qui se déplaceraient depuis la Sibérie en passant

par le pôle nord vers le Groenland.

Il entreprend de la vérifier avec un bateau de bois le

« Fram » (qui signifie « en avant !» en norvégien), goé-

lette à 3 mâts construite en chêne, d’une épaisseur de

70 à 80

cm, conçue

avec soin

pour résis-

ter aux pressions des glaces et se dégager vers la sur-

face de celles-ci,

comme un noyau

de cerise pressé

entre deux

doigts. Sur ce

bateau, il envi-

sage de se lais-

ser prendre par

les glaces et de

vérifier la dé-

rive. Parti en juin 1893, en août 1897, le Fram revient après

avoir confirmé l’hypothèse.

Outre son rôle humanitaire pour lequel il reçoit le prix Nobel

de la Paix, Nansen se consacre ensuite à l’océanographie avec

la même passion, développant des techniques propres aux pays

glaciaires.

Fameux explorateurs

des pôles

Page 73: "Ma Norvège" fin juin 2013

73

Roald Amundsen

Né en 1872 et donc contemporain de Nansen, il commence ses explorations

en confirmant le passage arctique du nord-ouest entre Europe, Asie et conti-

nent nord américain à travers les glaces.

Aucun bateau ne l’avait encore franchi sur

toute sa longueur (son bateau est ce voilier

équipé d’un moteur de 13 CV!!!), dans une

expédition qui dure de 1903 à 1906. Il loca-

lise pour l’occasion le pôle nord magnétique

et ramène des données ethnographiques sur

les esquimaux et les inuits.

Le Pôle nord ayant été atteint par d’autres

en 1909, frustré mais combatif, il

réoriente ses explorations.

Dans une vive compétition avec les

américains, il se lance à la conquête du Pôle sud, avec le

Fram que Nansen met à sa disposition. Il atteint pour la

1ère fois de l’humanité ce Pôle le 14 décembre 1911. Il

avait gardé secrète sa destination y compris à son équi-

page qui croyait aller dans une nouvelle expédition vers

l’arc-

tique

et le

détroit de Bering. jusqu’à ce qu’il la leur dévoile

en juin 1910.

En 1926, il survole avec le dirigeable

« Norge » le Pôle nord, partant de-

puis la Norvège jusqu’à l’Alaska.

Mais il disparaît en 1928 dans une

expédition portant secours à une

autre exploration en ballon au-dessus

du Pôle nord avec un dirigeable appelé

Italia (organisée par son ami Nobile

qui avait participé avec lui à l’expédi-

tion précédente).

Page 74: "Ma Norvège" fin juin 2013

74

1– Données de base

La population de la Norvège est de 5 millions d’habitants (2012), 13

fois moins élevée que celle de la France (presque 66 millions d’habi-

tants en 2013). Sa surface est de 324 800 km², 40% plus petite

que celle de la France métropolitaine (551 700 km²).

La Norvège est donc peu peuplée, avec une densité moyenne de 16

hab/km², presque 8 fois moins que pour la France métropolitaine

(120 hab/km²). Mais la disparité est forte puisque la population est

urbaine à plus de 80%. Dans le reste du territoire, on rencontrera

donc difficilement plus de 3 habitants par km², et beaucoup plus de

rennes au nord.

2– Ressources hydroélectriques

L'hydro-électricité est la source principale d’énergie. La part d’électricité issue de l’hydraulique at-

teint 95% en 2011 (presque 100% quelques années avant), le plus élevé au monde, juste avant le Bré-

sil.

En France, c’est 9% environ (contre 77% au nucléaire).

Comparativement, la Norvège produit 130 000 GWh (G=milliard), la France 67 000 GWh.

La topographie et l'hydrographie concentrent les pluies à l'Ouest : le débit des rivières et des chutes

d'eau est très abondant. La Norvège tire parti des multitudes de lacs naturels de montagne et édifie

dans ces zones peu peuplées des digues et réservoirs où l’eau de printemps et d’été est stockée. pour

être utilisée au cours de l'hiver suivant.

3– Ressources en hydrocarbures

Les autres considérables ressources sont le pétrole et le gaz extraits du plateau continental norvé-

gien. En mai 1963, après avoir affirmé très opportunément ses droits souverains sur toutes les res-

sources de son secteur de la mer du Nord, la Norvège lance des prospections. Commencées le 19 juil-

let 1966, elles révèlent fin 1969 d'importantes réserves.

Fin 2012, le NPD (Norwegian Petroleum Directorate, ou Conseil d’Administration du Pétrole Norvégien,

qui en est là remercié), estime à 13,6 milliards de m3 (Gm3) d’équivalents pétrole le volume total

des gisements pétroliers norvégiens récupérables,

Comparativement et pour fixer les idées, celui de l’Arabie Saoudite serait plus de 3 fois supérieur (41

Gm3 ??). Ces chiffres croissent du fait des découvertes récentes en Mer de Barents et aux fron-

tières arctiques avec la Russie. Dans les négociations russo-norvégiennes, la haute technicité norvé-

gienne concernant les plateformes d’extraction arctiques est un élément majeur.

Le potentiel des ressources nouvelles serait d’environ 3 Gm3 (source NPD).

La majeure partie est exportée à hauteur d’au moins 90%.

Richesses

et ressources

Page 75: "Ma Norvège" fin juin 2013

75

Ci-contre (source

NPD) l’évolution des

ventes de produits

pétroliers (en millions

de m3 équivalents-

pétrole).

En vert, le pétrole, en

rouge le gaz.

La Norvège en 2012

occupe le 7ème rang

des exportateurs et le

14ème rang des pro-

ducteurs mondiaux de

pétrole. Pour le gaz,

elle était en 2010 le

3ème exportateur et

le 8ème producteur.

Dans ce pays au rude climat où les longs hivers se drapent d’obscurité glacée, on vit beaucoup entre

soi ; isolation clanique sous domination matriarcale, où la solidarité luthérienne est un maître mot.

Elle se décline aussi le vendredi soir dans une solide fraternité de vapeur de bière qui échappe au

monopole d’état (moins de 4,75° d’alcool) de la vente d’alcool.

Cette culture et l’esprit social-démocrate expliquent que les dividendes de la manne pétrolière et

gazière n’aient pas, comme dans d’autres grands pays producteurs, été accaparés par une ploutocra-

tie vorace et exclusive. Plus, avec une volonté écologique et gestionnaire intéressantes, le gouverne-

ment taxe les carburant plus qu’en France (plus de 2€/l pour le super).

Pour cela, l’Etat conserve 70% du capital de la compagnie pétrolière nationale Statoil, qui est aussi la

plus grosse entreprise norvégienne. La balance commerciale est devenue depuis les années 1980 lar-

gement bénéficiaire.

Personne n’ignore en Norvège, que ces ressources, même encore potentiellement considérables, sont

limitées, qu’elles s’épuiseront un jour, avec des impacts significatifs pour dans 20 ans.

Aussi, avec une sage gestion, l’Etat développe un usage raisonné, prudent mais volontariste et socia-

lement évolué des fonds souverains issus de cette manne exportatrice.

Toute la population en profite donc. La croissance économique du pays depuis le milieu du siècle der-

nier (vers les années 1960) est spectaculaire, tout comme celle des fonds souverains depuis leur

création en 1990 (ici en couronnes norvégiennes, la NOK).

Le PIB/habitant de la Norvège est le 2ème ou 3ème au monde (selon les définitions, FMI, PIB PPA,

…), celui de la France est moitié

moindre.

L’Indice de Développement Humain

(IDH basé sur l’espérance de vie à la

naissance, le niveau de vie et le niveau

d’éducation) donne le 1er rang mondial

à la Norvège et le 20ème à la France en

2012.

Page 76: "Ma Norvège" fin juin 2013

76

Les fonds souverains sont propriété d’un Etat, et financés par des excédents de l’activité écono-

mique du pays (ici l’exportation des hydrocarbures). L’objectif est de les faire fructifier pour en

recueillir les bénéfices dans un futur plus ou moins lointain.

Ce ne sont ni des fonds de pension publics, ni des réserves de liquidités.

La Norvège détient deux fonds souverains (souvent appelés « fonds pétroliers »), l’un destiné à

subvenir aux besoins de financement sociaux futurs, l’autre à développer l’activité économique.

Les fonds souverains norvégiens s’élèvent mi-2013 à environ 570 milliard € (G€). Ils sont les pre-miers du monde, avant même la Chine (3ème rang), les Emirats Arabes (2ème rang) et l’Arabie

Saoudite (4ème rang). Chaque norvégien est donc potentiellement riche de 114 000€.

Pour fixer les idées, en 2008 le fonds souverain français (appelé Fonds

Stratégique d’Investissement) est de 20 G€, et se réduit en 2013 à 12

ou 14 G€ avec la Banque Publique d’Investissement (BPI)!! Soit à peine la

moitié des seuls intérêts produits en un an par

les fonds souverains norvégiens…

De quoi rester pensif, un peu comme les bœufs

ruminant la perte de leurs attributs.

La France est le 3ème pays utilisateur des fonds

norvégiens, qui sont le 1er investisseur étranger

sur le marché français, notamment dans les en-

treprises du CAC 40 (voir le tableau ci-dessous

en millions d’euros).

Fonds sou

verains

norvégiens

Page 77: "Ma Norvège" fin juin 2013

77

Le gouvernement norvégien veut être exemplaire dans le gestion de ces fonds en conciliant prudem-

ment :

- la recherche d’un peu de rendement (au moins pour compenser l’inflation) ; « se procurer des pro-fits solides est important pour anticiper l’avenir, mais pas à n’importe quel prix ».

- le respect des pays, des entreprises auxquels les fonds prêtent ou dans lesquels les fonds investis-

sent : les participations restent minoritaires, "grâce à une diversification des investissements et des risques à travers plusieurs marchés...développés", - l’éthique : dès 2005, les entreprises par exemple liées à la production ou à la vente d'armes,

de tabac ou faisant travailler les enfants étaient exclues de tout investissement.

Aussi, pourquoi partager plus

une telle richesse, tant qu’elle

continue à servir directement

les intérêts du pays ? La Nor-

vège a décliné par 2 fois déjà

son intégration à l’UE.

Rêvons un peu : cette res-

source eût-elle été française

et non norvégienne, serions-

nous dans l’Europe? Et com-

ment se serait alors comporté

le village gaulois?

Et puis lâchons-nous façon Bacri en évacuant notre bile devant ce confort de nan-

tis :

- ouais d’accord, on peut être verts de jalousie avec les salaires tous secteurs

confondus qui sont de 60% supérieurs à ceux de la moyenne européenne, alors que c’est ici

qu’on glande le plus en Europe, en tout cas après les hollandais et les allemands.

- mais la productivité dans tout ça? Hé bien elle n’a cessé de baisser entre 2006 et 2012,

ha! ha!

- alors ils deviennent quoi les coûts de production? Ils augmentent, et sont répercutés sur les prix

de vente.

Et… qui c’est qui perd des parts de marchés??? Non mais….

En tout cas, les politiques s’emparent du sujet et se préoccupent de ce glissement progressif qui les

obligent à scruter l’horizon lointain plutôt que les lendemains immédiats d’abondance.

Puissance de

l’économie

Page 78: "Ma Norvège" fin juin 2013

78

Secteurs économiques

L'industrie compte pour plus de 40% du PIB, dont environ 25% concerne l’activité pétrolière.

Avec ses grands groupes, la Norvège développe la chimie, les raffineries, les constructions navales

et la métallurgie. Ces industries se maintiennent, malgré les crises parmi les premières du monde en

ce qui concerne l'innovation, la qualité et le développement des investissements à l'étranger. Les

machines pour champs de pétrole et de gaz naturel, la transformation alimentaire, l'industrie ma-

rine, l'ingénierie des métaux et mécanique, la pulpe et le papier (exploitation des forêts avec 20 000

personnes), sont d’autres formes importantes de l'industrie.

Parmi les leaders mondiaux dans la construction navale, la Norvège possède l'une des flottes les plus

grandes et les plus modernes du monde. Les entreprises norvégiennes ont une part de marché de

25% dans la production de bateaux de croisière et de 20% dans la production de navires-citernes

pour les gaz de pétrole liquéfiés et les produits chimiques. Mais la concurrence de la Corée du Sud

est féroce

L'agriculture reste limitée et contribue pour plus de

1,5% au PIB. Les subventions gouvernementales pour

l'agriculture sont très importantes.

Le secteur des services emploie plus des 3/4 de la

population et représente près de 60% du PIB.

Bien que très dépendante du prix du pétrole, l'écono-

mie norvégienne reste solide et ses perspectives sont

positives. Le principal défi de court terme est de

maintenir la croissance dans un environnement inter-

national instable, tout en réduisant les vulnérabilités

intérieures que sont la pression fiscale, le haut niveau

d'endettement des ménages et le prix élevé de l'im-

mobilier. Le programme du gouvernement met l'ac-

cent sur le soutien à l'emploi, l'environnement, et la réforme du système éducatif et de santé.

Equilibres commerciaux

La Norvège possède une économie très ouverte. Principalement le pays exporte des produits à forte

valeur énergétique et importe des produits à valeur technologique élevée.

Ses principaux partenaires commerciaux sont les pays

de l'Union Européenne. La Norvège se classe parmi les

30 plus grands exportateurs mondiaux.

En 2010, A côté du pétrole (73%), les produits indus-

triels (bateaux, plateformes pétrolières, etc.) consti-

tuent près de 19% des exportations totales. Avec la

pêche, la Norvège est l'un des plus gros exportateurs

de poisson au monde (harengs, saumon, morue,…). Elle

importe principalement des marchandises manufactu-

rées (machinerie, transporteurs, technologies de

l'information), qui comptent pour 76% du total des

importations.

Page 79: "Ma Norvège" fin juin 2013

79

La Norvège est le berceau de quelques grands artistes, écrivains, dont la période de gloire a couvert

principalement la 2nde partie du 19ème siècle et la 1ère moitié du 20ème.

Pour les citer en vrac, ce sont :

- Grieg (1843—1907), compositeur romantique né et mort à Bergen, auteur de « Peer

Gynt », illustration du drame du même nom de son ami Ibsen et d’un fameux concer-

to pour piano;

- dans le domaine de la peinture Munch (1863—1944, prononcer « mounk ») le très

tourmenté qui passe du réalisme à l’expressionnisme puissant, dont « Le

Cri » est mondialement connu. Il y avait il est vrai de quoi le pousser :

dans son environnement familial, ses proches meurent comme des

mouches, la Grande Guerre se prépare. Ses séjours artistiques en

France où l’on entre dans la période post-impressionniste le révèlent notamment à lui-

même.

- Ibsen (1828—1906), dramaturge nourri dit-on des sagas, et dont le suc-

cès tardif avec « Peer Gynt » puis « La maison de poupée » et son

théâtre très apprécié parmi les auteurs nord-

européens. Son imposante statue en pied trône devant le théâtre

d’Oslo.

- mais aussi d’autres auteurs comme Jostein Gaarder celui du

très fameux « Le Monde de Sophie »...

La notoriété de Vigeland le sculpteur peine cependant à dépasser

les frontières mais mérite un détour.

Bien sûr, cette liste est loin incomplète et ne prétend pas du tout cou-

vrir la palette complète des talents norvégiens anciens et ac- tuels. Elle

exclut par exemple le design, ou l’architecture ; pour celle-ci, on peut citer

le cabinet Snohetta créateur de l’opéra d’Oslo et de la nouvelle biblio-

thèque d’Alexandrie en 2002. Cette trop courte liste se limite au périmètre visité, qui réduit le

champ et élude un certains nombres de chefs-d’œuvre et de très estimables personnalités.

Mais, ce serait faire injure que de ne pas rendre hommage au personnage le plus univer-

sel , même s’il n’est pas vraiment norvégien, que même les enfants chinois leur envient :

j’ai nommé cet icône des années 50,… celle qu’on appelle chez nous « Fifi Brindacier »,

et qui est une création originelle suédoise. Un spectacle est re-re-re-re-re-joué à Oslo

quand on y passe. On l’appelle ici « Pippi Langstrompe » (longue chaussette). La Scandinavie

dans son ensemble n’en sera jamais assez remerciée.

L’âme norvégienne